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Titre : Traité pratique des maladies de l'espèce bovine (3e édition) / J. Cruzel
Auteur : Cruzel, Jean (1798-1874). Auteur du texte
Éditeur : (Paris)
Date d'édition : 1892
Contributeur : Peuch, François (1841-1924). Éditeur scientifique
Sujet : Bovins -- Maladies
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb302898807
Type : monographie imprimée
Langue : français
Langue : Français
Format : XI-752 p., fig. ; in-8°
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Description : Contient une table des matières
Description : Avec mode texte
Droits : Consultable en ligne
Droits : Public domain
Identifiant : ark:/12148/bpt6k96934625
Source : Ecole nationale vétérinaire d'Alfort, 2016-97624
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/07/2016
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TRAITÉ PRATIQUE
DES
MALADIES DE L'ESPÈCE BOVINE
148-92. —-Corbeil. Imprimerie CEÉTÉ.
J. CRUZEL
TRAITÉ PRATIQUE
DES MALADIES
DE
L'ESPÈCE BOVINE TROISIÈME ÉDITION
PAR
F. PEUCH
PROFESSEUR A L'ÉCOLE VÉTÉRINAIRE DE LYON -
Avec figures intercalées dans le texte.
PARIS
ASSELIN ET HOUZEA U
LIBRAIRES DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE et de la Société Centrale de Médecine Vétérinaire PLACE DE L'ËCOLE-DE-MËDECtNE
1892
PRÉFACE
DE LA PREMIÈRE ÉDITION
L'ouvrage que je publie est le résumé de quarante-huit années d'études et d'observations pratiques. Lorsqu'en 1820, je commençai à exercer la médecine vétérinaire, dans une contrée où les animaux de l'espèce bovine étaient employés exclusivement aux travaux des champs, je me vis en présence des difficultés d'une pratique peu connue, et ni les écrits des anciens vétérinaires, ni les enseignements que je venais de recevoir à l'École de Lyon, ne pouvaient être pour moi des guides sûrs et suffisamment éclairés. J'avais à étudier à nouveau, dans ce milieu, les maladies des animaux de l'espèce bovine, et je me mis à l'œuvre résolument. Il me fallut observer sans cesse, méditer, et me mettre il la recherche d'indications dont je pusse faire mon profit.
Les croyances populaires que je cherchais à m'expliquer, les prescriptions des empiriques, presque toujours irrationnelles et souvent absurdes, devinrent aussi un de mes champs d'observation, et parfois j'y découvrais, au milieu d'erreurs sans nombre, le germe de bonnes vérités pratiques.
Ce mode d'investigation m'a été utile, et je n'y ai pas entièrement renoncé.
Dès les premières années, je publiais des mémoires, la description de quelques maladies, des observations qui me paraissaient offrir quelque intérêt; je croyais avoir une mission à remplir, je voulais concourir à faire une place pour la médecine du bœuf, parmi les autres branches de la science vétérinaire, et je me consacrai entièrement à la réalisation de cette œuvre.
Ce ne sont point mes écrits de ce temps-là que je réédite; aujourd'hui, bien que n'ayant pas à les désavouer dans leur ensemble, j'ai fait la part d'une imagination que l'expérience n'avait pas eu le temps de modérer, et de quelques défaillances d'un jugement qui n'avait pas été mûri.
J'avais donc rassemblé de nombreux matériaux sur les maladies de l'espèce bovine, et cependant je n'aurais jamais entrepris le travail que j'offre au public, si je n'eusse été vivement incité et encouragé à me décharger de cette tâche par des hommes des plus haut placés dans la science vétérinaire.
C'est avec ces matériaux amassés pendant ma longue carrière de praticien, et, depuis vingt-cinq ans, avec la collaboration de mon gendre, M. Dubarry, que le Traité des maladies de l'espèce bovine a été composé.
J'ai donné, de toutes les maladies que j'ai décrites, la définition la plus simple et la plus exacte possible; je me suis attaché à mettre leurs causes en évidence, en les présentant avec leur caractère le plus saillant. Cette précaution est à mes yeux d'une importance extrême.
Les symptômes ont été décrits de manière à éviter une confusion fâcheuse entre ceux qui se manifestent invariable-
ment dans tous les cas de trouble des fonctions vitales, et ceux qui caractérisent une maladie avec précision. Je savais qu'en adoptant cette méthode, le diagnostic serait facile à établir, et que le praticien se trouverait mieux en position d'agir avec confiance. Alors, en effet, l'indication est toujours rationnelle ; elle n'est qu'une déduction toute naturelle, et la prescription du traitement se trouve nécessairement dans les mêmes conditions. Aussi, l'on pourra comprendre sans peine que, dans mon Traité-comme dans ma pratique, ce traitement ne soit représenté que par un petit nombre de formules qui, appliquées avec discernement, peuvent être d'une efficacité non douteuse et suffire à toutes les indications.
J'ai emprunté aux travaux de mes confrères les observations qui m'ont paru susceptibles de donner à mes dires plus d'autorité. Je n'ai pas eu la prétention d'avoir tout observé et toujours bien observé, ni d'avoir tout appris ; et lorsque j'ai cru reconnaître une lacune dans mes connaissances acquises de praticien, j'ai rapporté, afin de la combler, ce qu'avaient écrit d'autres praticiens.
Si je dois peu, sous ce rapport, aux vétérinaires de la première époque, je dois bien davantage à ceux du temps présent, aux professeurs de nos écoles, etc.
Lorsque j'ai dû procéder à la composition de mon livre, une bonne fortune m'est arrivée : M. H. Bouley, je me borne il le désigner simplement de cette manière, M. H. Bouley, dis-je, a bien voulu me donner un concours dont les lecteurs du Traité des maladies de l'espèce bovine comprendront la haute importance. Il a sa part, avec MM. Renault et Reynal. dans le chapitre, consacré au Charbon ; je lui ai fait de nombreux emprunts au sujet de la Péripneumonie contagieuse et d'autres affections. La description du Typhus lui appar-
tient exclusivement. Il a revu les épreuves, et bien souvent j'ai fait mon profit des conseils qu'il a bien voulu me donner.
D'un autre côté mon honorable et savant ami, M. J. Gourdon, professeur à l'Ecole vétérinaire de Toulouse, a été aussi mon conseiller de tous les jours ; il a dirigé le classement des matières de mon livre ; je lui dois beaucoup. Cuiquc Sllurrr. Donc, à moi seul le blâme, si mon travail est incomplet.
J. CRUZEL.
Grenade-sur-Garonne, 1869.
PRÉFACE
DE LA DEUXIÈME ÉDITION
Dans l'une de ses chroniques du Recueil de médecine vétérinaire, M. H. Boule y annonçait, en 1874, qu'un vétérinaire praticien qui avait su se faire, par ses écrits, un rang très honorable dans notre profession, M. Cruzel, venait de s'éteindre à l'âge de soixante-seize ans. « M. Cruzel avait fait de la pathologie de l'espèce bovine l'objet principal de ses études ; et après en avoir traité dans une foule d'articles dispersés dans les publications périodiques, il a heureusement eu le temps, sous les inspirations de lVI. Asselin, notre éditeur, de rassembler tous les documents qu'il avait recueillis et d'en faire le Traité pratique des maladies de l'espèce bovine qu'il a publié en 1869. » (H. Bouley.)
Reproduire ces documents, combler quelques lacunes, mettre ce Traité au courant de la science et de notre législation sanitaire, tel a été mon but en entreprenant la revision de l'œuvre importante de notre regretté confrère de Grenade-sur-Garonne.
A lin de procéder méthodiquement, j'ai divisé cet ouvrage
en deux livres, en ayant le soin de^lacer entre des guillemets spéciaux [ ] les passages extraits de la première édition. Le premier livre traite des maladies non contagieuses et se composent de plusieurs sections, dans lesquelles j'ai étudié successivement les maladies qui intéressent les divers appareils ou systèmes organiques. Le second livre est consacré aux maladies contagieuses ; il comprend la description des affections cutanées, vermineuses et virulentes.
Pour exécuter ce programme, je me suis inspiré d'une pratique de vingt années, dont les premières ont été consacrées à l'exercice de la médecine vétérinaire dans une contrée (la Bresse) où il m'a été donné d'étudier fréquemment les maladies de l'espèce bovine. Plus tard, — et pendant une période de douze années, - j'ai rempli les fonctions de chef de service de clinique à l'Ecole vétérinaire de Lyon, et comme tel, j'ai été plusieurs fois désigné par l'autorité administrative pour étudier diverses épizooties de fièvre aphteuse, de péripneumonie contagieuse et même de peste bovine, en 1871. Cette position m'a également permis de suivre les expériences de M. Chauveau sur la vaccine et la tuberculose, celles de M. Saint-Cyr sur la ladrerie bovine et bien d'autres encore.
En outre, l'enseignement des maladies contagieuses et de la législation, qui m'est confié à l'Ecole de Toulouse, m'imposant le devoir d'étudier les nombreux travaux auxquels les maladies contagieuses donnent lieu aujourd'hui, j'ai pu de la sorte résumer dans le Traité pratique des maladies de l'espèce bovine les données les plus utiles et les plus récentes de la science. Je me suis appliqué également à tracer d'une manière concise les règles qu'il convient d'observer pour l'application des mesures sanitaires, d'après la loi du 21 juillet 1881, le règlement d'administration publique du
22 juin 1882 et la circulaire ministérielle du 20 août de la même année, en m'inspirant du texte de ces documents et des divers rapports dont notre législation sanitaire a été l'objet.
J'ajouterai que les épreuves de cette nouvelle édition, de même que celles de la première, ont été soumises à M. H. Bouley, qui m'a donné de très utiles conseils pour conserver au livre de Cruzel le cachet d'originalité qu'on s'est plu à lui reconnaître. Que ce maître éminent veuille bien me permettre de lui exprimer toute ma gratitude.
Mon collègue et ami, M. le professeur G. Neumann, a bien voulu revoir toutes les épreuves du Traité pratique des maladies de l'espèce tourne ; je ne saurais trop le remercier ici de cette marque de dévouement.
Je dois beaucoup aussi à l'un de nos distingués confrères de la Haute-Garonne, M. Brette, vétérinaire à Bessières, qui, avec un empressement et une cordialité dont je garderai toujours le souvenir, m'a fourni plusieurs fois l'occasion d'étudier, dans le vaste rayon de sa clientèle, les maladies de l'espèce bovine.
Tels sont les éléments qui m'ont permis de continuer l'œuvre du praticien de Grenade. Enfin le lecteur remarquera sans doute que MM. Asselin et G10 n'ont rien négligé pour l'exécution typographique de cette nouvelle édition. J'ose donc espérer qu'elle ne sera pas moins utile que la première. S'il en est ainsi, mon but sera atteint et je m'estimerai heureux d'avoir pu rendre quelques services à notre profession et à l'agriculture.
F. PEUCH.
Toulouse, 22 avril 1883.
PRÉFACE
DE LA TROISIÈME ÉDITION
En terminant la préface de l'édition précédente du Traité pratique des maladies de l'espèce bovine, nous espérions — ainsi que le lecteur a pu le remarquer — que l'œuvre de Cruzel, mise au courant des progrès de la science, ne serait pas moins utile que son aînée. Notre espoir n'a pas été déçu, car l'accueil que le public a fait à cette seconde édition, qui est épuisée depuis un certain temps, semble bien indiquer l'importance qu'on lui a reconnue.
Nous nous sommes donc appliqué à conserver à cet ouvrage le caractère pratique qui l'a fait rechercher. Comme précédemment, nous avons placé entre crochets [ ] les passages extraits de la première édition et nous avons exposé, d'une manière aussi concise que possible, les nouvelles données dont notre médecine s'est enrichie en choisissant celles qui nous ont paru susceptibles d'applications utiles. Nous signalerons entre autres, les travaux dont certaines maladies contagieuses des bêtes bovines — comme le Charbon symptomatique, la Péripneumonie, la Tuberculose — ont été l'objet, et
les modifications introduites dans notre législation sanitaire par le décret du 28 juillet 1888.
En d'autres termes, dans cette édition comme dans la précédente, nous avons reproduit les observations essentielles recueillies par Cruzel tout en y ajoutant les nôtres et les connaissances qui résultent de l'état actuel de la science notamment pour la thérapeutique et la police sanitaire des maladies de l'espèce bovine.
F. PEUCH.
Lyon, février 1892.
TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION V PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION IX PRÉFACE DE LA TROISIÈME ÉDITION ....................................... XIII
LIVRE PREMIER
MALADIES DE L'APPAREIL LOCOMOTEUR
CHAPITRE 1. — MALADIES des os 1 ART. 1. - TUMEURS OSSEUSES . 1 ART. H. — OSTÉOMALACIE 3 ART. III. — PARASITES DES OS 5
CHAPITRE II. — Maladies des MUSCLES 6 ART. I. — BLESSURES MUSCULAIRES 6 ART. II. — DISTENSIONS MUSCULAIRES ET TENDINEUSES 8 § 1ER. — Effort d'épaule 9 § 2 — de boulet II S 3. — Déplacement du muscle ischio-tibial externe 12 ART. III. — RHUMATISME 21 ART. IV. — LADRERIE 30
CHAPITRE III. — MALADIES des ARTICULATIONS 35 ART. I. — PLAIES DES ARTICULATIONS 35 ART. Il. — ARTHRITE 36 ART. Ill. — HYDARTHROSE 37
CHAPITRE IV. — Luxations 38 ART. I. — LUXATION DE LA ROTULE 39 ART. II. — LUXATION DE L'ARTICULATION COXO-FÉMORALE 44 ART. 111. — LUXATION DE L'ARTICULATION SCAPULO-HUMÉRALE ............ 4G
CHAPITRE V. - Maladies du pied 46 ART. I. — CONTUSIONS DE LA SOLE 46 ART. Il. — FOURBDUE 49 ART. III. — PIQURES ;)2 ART. IV. — LIMACE .................................................. 55
LIVRE DEUXIÈME
MALADIES DES CORNES
AIIT. I. — CATARRHE DES CORNES 58 ART. II. — FRACTUHES DES CORNES ................................... 63
LIVRE TROISIÈME
MALADIES DE L'APPAREIL DE LA VISION
ART. 1. — ONGLET 68 ART. II. — ENCANTHIS 69 ART. 111. — OPHTHALM)E 70
§ 1er. — Ophthalmie simple 70 § 2. — Ophtbalmie ou Fluxion périodique 78 § 3. — Ophthalmie vermineuse 80 § 4. — Conjonctivite vermineuse .................................. 80 ART. IV. — MYOPIE " ..................... '" ........... 82
LIVRE QUATRIÈME
MALADIES DE L'APPAREIL DIGESTIF
CHAPITRE I. — MALADIES de la BOUCHE et de ses dépendances 83
ART. I. — TUMÉFACTION, INFLAMMATION DES LÈVRES P3 ART. II. — MALADIES DE LA MUQUEUSE DE LA BOUCHE 8G
§ 1ER. — Inflammation de la muqueuse buccale s(; § 2. — Barbillons
ART. III. — INFLAMMATION DE LA LANGUE ............................... 90
ART. IV. — MALADIE DES JOUES 93
§ 1er. — Inflammation des joues \):1 § 2. — Des kystes dans l'épaisseur des joues 94
ART. V. — MALADIES DES DENTS 97
§ 1er. — Usure des dents. Surdents. Aspérités 97 § 2. — Carie nn ART. VI. — MALADIES DES OS DE LA MÂCHOIRE 100 ART. VII. — AcTINOMYCOSE 103 ART. VIII. — GANGRÈNE DE LA BOUCHE CHEZ LES JEUNES VEAUX 106
CHAPITRE II. -- Pharyngite 110
CHAPITRE IV (1). — Maladies de la parotide 114
CHAPITRE V. — CORPS étrangers ARRÊTÉS dans I'oesopharle 118
CHAPITRE VI. — MALADIES des ESTOMACS 125
ART. I. — MÉTÉORISATION 125 ART. II. — APPÉTIT DÉPRAVÉ 1Î8
§ 1er. — Pica en général 128 § 2. — Tuméfaction indurée du Pylore 129 ART. 111. — VOMISSEMENT 130 ART. IV. — INDIGESTION D'EAU 135 ART. V. — INDIGESTION MÉPHITIQUE SIMPLE 137 ART. VI. — INDIGESTION AVEC SURCHARGE D'ALIMENTS 142 ART. VII. — INDIGESTION PAR ATONIE DES ORGANES DIGESTIFS 145 ART. VIII. — C.ASTRO-ENTLRITE 147 ART. IX. — INFLAMMATION DE L'IN-RESTIN 155 § Icr. — Entérite simple ] 5.'i § 2. — Entérite hémorragique 159 § 3. — Entérite couenneuse ou mercurielle 160 § 4. — Entérite par invagination 162 § 5. — Inflammation du côlon 164
ART. X. —PARASITES DE L'INTESTIN 167 ART. XI. — HERNIES VENTRALES 168 ART. XII. — ÉVENTRATION 176 ART. XIII. — PÉRITONITE 177 § l"'-. — Péritonite aiguëe 177 § 2. — Péritonite chronique 181 § 3. — Ascite 183
ART. XIV. — SPLÉNITE 180 ART. XV. — MALADIES DU FOIE 189 § lor. — Hépatite aiguë 189 § 2. — Hépatite chronique 191 § 3. — Parasites du foie ........................................... 193 10 Échinococcose 194 2° Distomatose .................................................. 195
(1) Par erreur, ce chapitre est classé sous le nO IV au lieu du n° Ill.
LIVRE CINQUIÈME
MALADIES DE L'APPAREIL GÉNITO-URINAIRE
CHAPITRE I. — Maladies des voies urinaires 201 ART. I. — NÉPHRITE 201 ART. II. — CYSTITE 207
§ 1". — Cystite aiguë simple 207 § 2. — Cystite aiguë compliquée d'entérite, avec HÉMATURIE 212 § 3. — Hématurie 216 § 4. — Hémogiobinémie 219 ART. III. — CYSTITE CHRONIQUE CALCULEUSE 220 ART. IV. — CALCULS URÉTHRAUX 225 ART. V. — CYSTOCÈLE 229
CHAPITRE II. — Maladies des organes génitaux du mâle. 232 ART. I. — INFLAMMATION DU FOURREAU 232 ART. II. — ACROBUSTITE CONSÉCUTIVE A LA CONTENTION DANS LE TRAVAIL.. ni) ART. III. — SARCOCÈLE 237
CHAPITRE 111. — Maladies des organes génitaux de lu femelle 238 ART. I. — KYSTES DU VAGIN 238 ART. II. — MÉTRITE AIGUË OU MÉTRO-PÉRITONITE 239 ART. III. — RÉTENTION DE L'ARRIÈRE-FAIX 242 ART. IV. — CHUTE OU RENVERSEMENT DU VAGIN 245 ART. V. — RENVERSEMENT DE L'UTÉRUS 247 ART. VI. — MAMMITE 255 ART. VII. — MAMMITE CONTAGIEUSE 258 ART. VIII. — PARALYSIE DES VACHES APRÈS LE PART ..................... 259 ART. IX. — FIÈVRE VITULAIRE ........................................ 261 AnT. X DE L'AVORTEMENT. 267
LIVRE SIXIÈME
MALADIES DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE
CHAPITRE I. — Maladies des cavités nasales 282 ART. I. — ÉPISTAXIS 282 ART. Il. — CORYZA 285
CHAPITRE II. — Maladies du larynx et des bronches .................. 295 ART. I. — LARYNGITE AIGUË SIMPLE 295 ART. II. — LARYNGITE CHRONIQUE 301 ART. Ill. — LARYNGITE DIPHTHÉRITIQUE 305 ART. IV. — LARYNGITE PAR FRACTURE DES CARTILAGES """""""" 310
ART. V. — BRONCHITE AIGUË SIMPLE 311 ART. VI. — BRONCHITE CHRONIQUE 317 ART. VII. — BRONCHITE VERMINEUSE 319
CHAPITRE III. - Maladies du POUMON et des PLÈVRES .................. 325 ART. 1. — APOPLEXIE PULMONAIRE 325. ART. II. — PNEUMONIE AIGUË 330 ART. III. — PNEUMONIE CHRONIQUE 340 ART. IV. — PLEURITE ................................................ 345
LIVRE SEPTIÈME
MALADIES DE L'APPAREIL CIRCULATOIRE
ET DU SYSTÈME LYMPHATIQUE
CHAPITRE I. — MALADIES du CŒUR et de ses enveloppes 351 ART. I. — CARDITE. PÉRICARDITE 351 ART. II. — PÉNÉTRATION DE CORPS ÉTRANGERS DANS LE COEUR 353
CHAPITRE II. — MALADIES des vaisseaux SANGUINS 358 ART. I. — SUITES DE LA SAIGNÉE A L'ARTÈRE COCCYGIENNE 358 ART. II. — THROMBUS * 360 ART. III. — PHLÉBITE 362 ART. IV. — PHLEGMASIE ROUGE DOULOUREUSE 363 ART. V. — ÉCHAUBOULURE 367
CHAPITRE III. — MALADIES du système LYMPHATIQUE 371 ART. I. — OEDÈME 371 ART. II. — ANASARQUE 3i2 ART. III. — ÉLÉPHANTIASIS 374 ART. IV. — LYMPHANGITE 381 ART. V. - LYMPliADÉNIE ............................................. 385 ART. VI. - FARCIN '" ................................... 391
LIVRE HUITIÈME
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX
CHAPITRE I. — MALADIES des CENTRES NERVEUX 396 ART. I. — CONGESTION CÉRÉBRALE OU CÉRÉBRITE AIGUË 396 ART. II. — CÉRÉBRITE CHRONIQUE ...................................... 401 ART. III. — TOURNIS... 404 ART. IV. — HYDROCÉPHALE ........................................... 4]3
AKT. V. — MYÉLITE 4 1 '-, ART. VI.- - PARAPLÉGIE- 418
CHAPITRE II. — MALADIES des 1w'fs • 421 ART. UNIQUE. — NÉVRITE 421
' CHAPITRE 111. — MALADIES nerveuses GÉNÉRALES ......................... 424 ART. I. — TÉTANOS 424 ART. II. — ÉPILEPSIE 429 ART. III. - Tic '""'" ...............,.................. 433
LIVRE NEUVIÈME
V
MALADIES DE LA PEAU
CHAPITRE I. — VERRUES 435
CHAPITRE II. — TEIGNE tonsumnte 437
CHAPITRE III. — Eczéma CHRONIQUE 445
CHAPITRE IV. — GALE 447 ART. I. — GALE PSOROPTIQUE 448 ART. II. — GALE SYMBIOTIQUE 453
CHAPITRE V. — P1'llri,qo phthit-iasiqzte 455
CHAPITRE VI. — LÉSION PRODUITE PAR la larve de L'HYPODERMA bovis.... 457
CHAPITRE VII. — Rafle ou FEU (,I'he?,bes ................................ 461
LIVRE DIXIÈME
COWPOX
CHAPITRE 1. — PRÉLIMINAIRES. ORIGINE de Ici VACCINE 4G5
CHAPITRE Il. - Sy??zl)tôi??es. CONTAGION 473
CHAPITRE III. — CULTURE DU VACCIN 477
LIVRE ONZIÈME
CONTAGIEUSES VISÉES PAR LA LÉGIS-
MALADIES SANITAIRE FRANÇAISE LATION
CHAPITRE I. — Considérations préliminaires. Mesures sanitaires communes à toutes les maladies contagieuses 487 Déclaration 488 Déclaration à faire par les vétérinaires 489 Isolement et séquestration 490 Devoirs du vétérinaire 491 Désinfection 494 Arrêté du 12 mai 1883, relatif à la désinfection dans le cas de maladies contagieuses des animaux 495
CHAPITRE II. — Peste bovine 498
Synonymie. Idée générale 498 Symptômes 499 Lésions 502 Étiologie 506 Épizootie de 1743 506
— 1774 507
— 1796 507
— 1814-1815 507
— 1865 508
— , 1870-1871 SI2 Contagion 514 Modes de contagion 516 Durée de la période d'incubation 521 Animaux susceptibles de contracter le typhus contagieux 521 Immunité 522 Diagnostic 522 Pronostic 523 Inoculation préventive 52 i Traitement réputé curatif 52(! Police sanitaire 527
ART. I. — POLICE SANITAIRE A L'INTÉRIEUR DE LA FRANCE ET EN ALGÉRIE.. 528
§ 1er. — Constatation de la peste bovine. Devoirs de l'autorité préfectorale 528 § 2. — Mesures applicables aux animaux malades et suspects 52S § 3. — Mesures applicables aux animaux sains des localités infectées. 534 § 4. — Mesures à prendre pour un troupeau de bêtes ovines ou caprines 529 § 5. — Mesures à prendre lorsque la peste bovine est constatée sur un champ de foire 540 § 6. — Dispersion des cas de peste bovine. Pouvoirs qui peuvent être conférés aux vétérinaires sanitaires 540
ART. II. — POLICE SANITAIRE A LA FRONTIÈRE ........................ 540
CHAPITRE III. — Péripneumonie contagieuse 542 Synonymie .. 542 Aperçu historique 543 Notion générale sur la gravité de cette maladie 544 Symptômes 544 Marche. Durée. Terminaisons 548 Anatomie pathologique 549 Diagnostic général ; 556
— différentiel 559 Nature 564 Étiologie 566 Contagion — 568 Matières virulentes 569 Durée de l'activité virulente 571 Circonstances, dans lesquelles la contagion s'effectue 571 Circonstances qui influent sur la contagion 576 Immunité 580 Période d'incubation — 580 Pronostic 581 Traitement....... 581 I. Traitement curatif. 581 Il. Traitement préventif 582 1 - Précautions hygiéniques 582 1" Moyens réputés préservatifs 583 30 Inoculation préventive 585 Aperçu historique 585 Par l'inoculation transmet-on la péripneumonie?.. 591 Indications 595 1 0 Inoculation de précaution 595 20 Inoculation de nécessité 597 Choix, récolte et conservation du liquide à inoculer 600 Manuel opératoire 602 Choix de la méthode opératoire 609 Effets.... 610 Accidents 612
ART. I.— POLICE SANITAIRE A L'INTÉRIEUR 620
§ 1 cr. — Constatation de la péripneumonie contagieuse. Délivrance de l'ordre d'abatage èt d'inoculation , .. , .......... 620 § 2. — Mesures à prendre à l'égard des animaux malades ... 621 § 3. — Mesures à prendre à l'égard des animaux suspects 627 § 4. —Mesures à prendre lorsque la péripneumonie contagieuse est constatée dans une foire ou un marché 636 § 5. — Dispersion des cas de pérlpneumonie contagieuse. Pouvoirs qui peuvent être conférés aux vétérinaires sanitaires. Règles à observer pour la contre-visite 636 II. Police sanitaire à la frontière. 637 III. Police sanitaire en AI,,-,érie 637
CHAPITRE IV. — Fièvre aphteuse............. .......................... 639 Définition. Fréquence.. -, . 639 Symptômes 639 Marche. Durée. Terminaisons . 641 Complications. 642
Étiologie. Contagion 644 Modes de contagion 645 Immunité. Spécificité 646 Pronostic 647 Police sanitaire 647 Désinfection 650 Traitement ^ .... 650
CHAPITRE V. — Rage...........:.......... ,,'" 653
Symptômes 654 iô Rage tranquille .. 654 2° Rage furieuse 655 Diagnostic • 656 Marche. Durée. Terminaison 656 Durée de la période d'incubation . 657 Lésions 657 Étiologie. Contagion 658 Pronostic 660 Traitement 660 Police sanitaire ... 661
CHAPITRE VI. — Fièvre charbonneuse ..... 664
Symptômes. • • " • 664 Marche. Durée. Terminaisons 665 Diagnostic 666 Lésions .. 668 Culture et isolement de la bactéridie charbonneuse 669 Propriétés de la bactéridie:charbonneuse. Vitalité 671 Action de la chaleur sur la bactéridie charbonneuse 673 Contagion.........., 674 Matières virulentes 674 Durée de la période de virulence 675 Modes de contagion 675 Contagion à l'homme 678 Immunité T....... 678 Pronostic 679 Vaccination pastorienne 679 Suites de la vaccination 681 Vaccination par la méthode de M. Chauveau 683 Police sanitaire 683
CHAPITRE VII. — Charbon symptomatique 684 Définition 684 Fréquence (84 Symptômes 684 Terminaisons 686 Lésions 686 Microbe du charbon symptomatique 688 Contagion 690 Contagion expérimentale 690 Contagion natureUe.. 69:1 Immunité 695 Pronostic 696 Traitement ........................................................ 690
Inoculation préventive 698 Suites des inoculations préventives 702 Police sanitaire 703 Désinfection 704 Enfouissement. Crémation 704 Agents désinfectants 70() 1° Désinfectants à employer pour la fièvre charbonneuse (Charbon bactéridien) 707 2° Désinfectants à employer pour le charbon symptomatique..... 707
CHAPITRE VIII. — Tuberculose 707 Définition 708 Fréquence 708 Symptômes 709 Marche. Durée. Terminaisons 711 Anatomie pathologique 712 1° Lésions visibles à l'œil nu 712 Appareil respiratoire 712 Appareil circulatoire 716 Système lymphatique 716 Appareil digestif 716 Appareil génito-urinaire 718 Os 718 Muscles 718 Articulations 718 2° Structure et mode d'évolution du tubercule 718 Mode d'évolution 720 3° Effets produits sur les tissus par le processus tuberculeux 720 Contagion 721 Contagion expérimentale 721 Virulence du lait 724
— de la viande 725 Contagion naturelle 728 Hérédité 729 Circonstances qui influent sur la contagion 729 Diagnostic 729 1° Examen clinique 730 2° Recherche du bacille de Koch 731 3° Inoculation révélatrice 732 4° Injection sous-cutanée de tuberculine de Koch 734 Tuberculoses microbiennes autres que celle qui est déterminée par le bacille de Koch 739 Pseudo-tuberculoses 740 Police sanitaire ................................................... 741
FIN DE LA TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES.
TRAITÉ PRATIQUE
DES
MALADIES DE L'ESPÈCE BOVINE
LIVRE PREMIER
MALADIES DE L'APPAREIL LOCOMOTEUR
CHAPITRE 1
MALADIES DES OS
ARTICLE 1
TUMEURS OSSEUSES OU EXOSTOSES.
[Sous le nom d 'Exostoses, on désigne les tumeurs formées à la surface des os par le développement anormal et localisé du tissu osseux.
[Elles ont pour causes ordinaires des contusions, des efforts violents de tirage, des piqûres, ou quelquefois l'inflammation des ligaments, des aponévroses, laquelle, en se propageant au périoste, amène consécutivement la production osseuse qui constitue la tumeur.
[Elles résultent aussi d'une prédisposition héréditaire.
[Après que la cause a agi, la tumeur se développe très lentement, elle n est pas toujours douloureuse au toucher.
[Ces tumeurs diffèrent principalement par leur siège. Les plus communes et en même temps les plus graves sont celles qui se développent autour des onglons, surtout à leur partie antérieure et auxquelles on donne le nom de Formes.
[Le volume de la Forme chez le bœuf est très variable, mais il n'est jamais très considérable.
[La claudication qui l'accompagne n'est pas toujours un symptôme facilement reconnaissable, surtout si un seul onglon est affecté. On distingue la Forme par son volume; elle donne à l'onglon une apparence qui diffère sensiblement de celle de l'onglon resté sain. Quand elle est entièrement développée, elle constitue sous la peau une tumeur dure comme la substance osseuse. Quand elle a eu pour cause une distension des tissus ligamenteux ou aponévrotiques, elle peut donner lieu à une claudication, qui devient plus apparente lorsque l'animal a été soumis à un travail fatigant.
[Le pronostic n'est pas des plus fâcheux. Il y a des bœufs atteints de Forme et qui ne boitent jamais, on peut donc les employer aux travaux des champs.
Traitement. — [Quand la Forme se manifeste par une claudication assez prononcée, on la traite par l'application du feu en pointes. Les pointes pénétrantes, telles qu'on les a recommandées pour l'éparvin calleux du cheval, produisent de bons résultats. Les applications vésicantes répétées plusieurs fois sont aussi d'une efficacité incontestable, non qu'elles donnent lieu à la réduction complète de la tumeur, mais en ce qu'elles amènent la disparition de la boiterie, ce qui est chez l'espèce bovine un résultat satisfaisant.]
La pommade simple de bichromate de potasse mérite également d'être recommandée, car elle fait souvent disparaître la claudication. Voici sa formule :
Bichromate de potasse pulvérisé 4 grammes. Axonge ................................ 32 —
Une seule friction suffit ordinairement. On coupe préalablement le" poil sur l'exostose, puis on applique la pommade avec une petite spatule de bois, en frictionnant légèrement pendant cinq ou six minutes. Huit jours après cette friction, on constate la formation d'une eschare épaisse, autour de laquelle se creuse un sillon disjoncteur, et l'élimination de l'eschare'se fait peu à peu, en laissant, il est vrai, une cicatrice indélébile, surtout si l'on a employé une pommade au 1/8. Il est donc préférable de se servir d'une pommade contenant seulement 2 grammes de bichromate potassique pour 32 grammes d'axonge. Mais, dans ce cas, il faut pratiquer deux et même trois frictions à sept ou huit jours d'intervalle.
ARTICLE II
OSTÉOMALACIE.
Synonymie : Ostéite enzootique. — Cachexie ossifrage. — Ostéite cachectique. — Ostéoclastie.
Définition. Idée générale. — « L' Os(éomalacie, dit M. le docteur Paul Bouley, peut être définie une affection dans laquelle le tissu osseux, sous l'influence de conditions étiologiques dont le mécanisme reste inconnu, perd ses principes calcaires, subit un ramollissement, puis se transforme en une sorte de tissu parenchymateux, ayant la consistance de la cire et où toute trace de tissu osseux tend à disparaître.
« Le fait caractéristique au point de vue clinique est, comme l'indique l'étymologie du mot, le ramollissement du squelette et, par suite, les déformations multiples que celui-ci subit. Mais l'os n'est pas envahi d'emblée par le ramollissement ; la marche de la maladie est lente. L'altération commence par un travail de raréfaction qui, enlevant au tissu osseux une partie de sa consistance, le rend plus friable. Ainsi donc, avant d'être ramolli, l'os présente une plus grande fragilité (1). » C'est à cette période que la maladie a été constatée chez les animaux, car il ne serait point économique d'attendre qu'elle fût arrivée à la période de ramollissement. Aussi les auteurs l'ont-ils décrite sous les noms d'ostéite enzootique, de cachexie ossifrage, d'ostéoclastie et non point d'ostéomalacie, qui lui convient mieux en raison de la similitude des lésions anatomiques chez l'homme et les animaux.
Causes. — La gestation exerce une très grande influence sur le développement de cette maladie. Ainsi on a remarqué que ce sont toujours les vaches pleines ou laitières qui sont atteintes, tandis que les génisses et les bœufs sont toujours épargnés. La nature du sol et certaines conditions climatologiques doivent être également prises en sérieuse considération dans l'étude étiologique de l'ostéomalacie. Dans les terrains pauvres, sablonneux, dit M. Paul Bouley, dont le sous-sol est très perméable, les plantes ne peuvent, lorsque la sécheresse est excessive, puiser les éléments de leur nutrition. Non seulement elles s'étiolent, mais ne rencontrant pas, dissous dans le sol, les principes calcaires et particulièrement le phosphate de chaux, elles ne peuvent fournir aux animaux les quantités de sels nécessaires à l'entretien du
(1) P. Bouley, De l'ostéomalacie chez l'homme et les animaux domestiques, Paris, 1874, p. 6.
squelette. C'est ainsi qu'il y a une vingtaine d'années, la maladie s'est montrée dans quelques départements du centre de la France : Yonne, Côte-d'Or, Aube. Dans ces mêmes départements, elle a été constatée de nouveau pendant l'hiver de 1870, toujours amenée par la même cause : la grande sécheresse de l'été et, conséquence forcée, la pauvreté des fourrages en principes minéraux. D'ailleurs l'influence nocive de cette cause est encore mise en relief par ce fait, signalé par un observateur allemand, M. Behuke, cité par M. Paul Bouley, à savoir que « l'on aurait vu souvent les animaux transportés, dès l'apparition des premiers symptômes (cette condition est essentielle), dans des pays où les fourrages étaient meilleurs, guérir spontanément ». Aussi cet observateur recommande-t-il l'émigration pour arrêter les progrès de cette maladie.
Symptômes. — « Le premier symptôme est la douleur, qui se traduit par une claudication de l'un des membres postérieurs; la marche est très pénible, hésitante. Si l'animal est au repos, il se tient immobile, les membres écartés, et semble éviter tout déplacement. Quelquefois, dès le début, la station debout est impossible, l'animal reste couché en position sternale. C'est avec 'peine qu'on le détermine à se lever; souvent même, cela lui est impossible : il étend les membres antérieurs, mais il ne peut soulever son train postérieur et se laisse retomber, poussant des gémissements plaintifs. Les fractures, soit des os des membres, soit des os du bassin, sont très fréquentes. Il suffit d'un choc léger, d'un mouvement brusque, d'un effort ou d'une chute pour déterminer une solution de continuité. L'amaigrissement est considérable.
« Malgré la gravité des accidents et l'intensité de la douleur, l'appétit est conservé, l'animal mange, boit et rumine normalement. On a souvent constaté un pica très accusé qui pousse les. animaux à manger et à lécher tous les objets qui les entourent. Par suite la salivation est énorme.
« Il y a ordinairement peu de fièvre. Les fonctions génitales sont normales. On constate rarement des avortements. Un accident assez fréquent est la fracture du bassin qui cède sous les efforts d'expulsion. La sécrétion lactée est ordinairement normale comme quantité.
« Dans ces conditions, les animaux sont condamnés à mourir dans l'espace de quelques mois si l'on ne change pas, dès le début, le mode d'alimentation. »
Lésions. — D'après Roloff, au début de l'affection, les os sont encore durs et cassants; toutefois le canal médullaire agrandi est rempli de moelle encore d'un bon aspect, mais plus riche en sang. Les canaux de Havers sont dilatés et remplis de sang, les
espaces médullaires élargis renferment une moelle molle, rouge et parsemée d'extravasats, moins riche en graisse et d'une consistance gélatineuse chez les animaux amaigris.
Dans le cas où l'affection est plus avancée, la couche corticale est amincie. L'altération marche de l'intérieur de l'os vers l'extérieur, et les principes calcaires diminuent de plus en plus; l'os se transforme bientôt en tissu ostéoïde et enfin en tissu médullaire. Les os qui présentent ordinairement les altérations les plus avancées sont les coxaux et les scapulums. Desséchés, ils paraissent poreux; le couteau les entame sans peine comme du bois, un choc les brise sans qu'il se forme des esquilles. Le périoste est peu modifié habituellement, cependant on lui trouve quelquefois une coloration foncée; souvent il est peu adhérent.
Les fractures ne se consolident presque jamais. Les extrémités fracturées s'usent, mais l'on ne trouve pas souvent trace de travail réparateur.
Traitement. — « Tous les procédés thérapeutiques ont été employés et le plus souvent sans succès. Le phosphate de chaux a été donné sous toutes ses formes sans résultats satisfaisants (1). » L'huile de foie de morue, administrée à la dose d'un demi-litre par jour, pendant plusieurs semaines (Zundel), aurait, d'après divers observateurs allemands, donné de bons résultats. L'emploi de ce médicament a été surtout recommandé pour combattre le pica. On a conseillé de remplacer l'huile de foie de morue par l'huile ordinaire, ou des tourteaux, etc. Malgré cette substitution, il n'y a aucun avantage économique à employer ce traitement, vu sa longue durée et son efficacité douteuse.
Jusqu'ici, le seul moyen de combattre cette maladie avec quelque avantage, c'est l'émigration dès le début des accidents, c'està-dire le transport des animaux dans une région plus riche. Toutefois, on devine aisément que les conditions d'exploitation culturale ne permettent que bien rarement d'avoir recours à ce moyen et ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de livrer les animaux à la boucherie, dès le début du mal, alors que l'amaigrissement est encore peu prononcé.
ARTICLE III
PARASITES DES OS.
A l'ouverture de bêtes bovines sacrifiées dans les abattoirs, on -a rencontré parfois des Échinocoques dans certains os des mem-
(1) P. Bouley, loco citato, p: 75.
bres : l'humérus, l'ilium, le fémur, le tibia. Ces hydatides, qui pénètrent dans le tissu osseux par le courant sanguin, se développent dans le canal médullaire de l'os sur une étendue plus ou moins considérable aux dépens de la moelle et du tissu spongieux. Cependant la présence de ces parasites ne parait pas déterminer des troubles fonctionnels appréciables du vivant des animaux, les os ne sont point déformés à l'extérieur; dès lors on conçoit aisément que ce n'est qu'à l'autopsie qu'il est possible de constater cette lésion.
Les os de la tête et du tronc, notamment les maxillaires, le sternum, les côtes, peuvent être envahis par un champignon appelé Actinomyces bovis produisant une affection particulière — l'actinomycose — qui est étudiée dans le livre IV, traitant des maladies de l'appareil digestif.
CHAPITRE II
MALADIES DES MUSCLES.
ARTICLE 1
BLESSURES MUSCULAIRES.
[Les Blessures sont des solutions de continuité produites par une cause qui agit mécaniquement. On les divise, suivant la nature de la cause, en blessures : par instruments tranchants ou Plaies,. par instruments piquants ou Piqûres, par instruments contondants ou Contusions.
[Les Plaies sont remarquables en ce que, si le muscle est coupé en travers dans toute son épaisseur, les deux portions divisées s'écartent, de sorte qu'il importe d'éviter avec soin toutes les causes qui tendent à tenir ces parties éloignées l'une de l'autre.
[Elles ont des directions variables; elles sont simples ou multiples, superficielles ou pénétrantes. La première indication à remplir est de les réunir, si c'est possible, afin d'éviter une longue suppuration, ce qui est facile pour les Plaies simples et souvent impossible ou contre-indiqué pour les Plaies par piqûre.
[Les solutions de continuité simples dont les bords sont maintenus en rapport guérissent facilement : chez les animaux de l'espèce bovine, on voit, dès les premiers jours, la lymphe plastique s'épancher promptement entre les lèvres de la Plaie et les réunir.
[Les Plaies simples guérissent assez facilement, et n'exigent en général que que des soins de propreté. On les recouvre de charpie, faite avec de la filasse, et l'on n'enlève cette charpie, toutes les vingt-quatre heures, que pour en mettre d'autre qui soit sèche et puisse s imbiber de pus.
[Moins on touche ces plaies, plus tôt elles sont cicatrisées.
[ Si leurs bords sont renversés, calleux; si elles sont fongueuses ou recouvertes de végétations de mauvaise nature, on les anime avec le digestif simple, composé de térébenthine, délayée dans des jaunes d œufs ou bien avec l 'égyptiac, ou le styrax.
[Si leur surface est recouverte de sanie très fétide et si elle est ulcérée, on les cautérise avec le fer rouge, et bientôt apparaissent des bourgeons de bonne nature.
[Quant aux Contusions, elles offrent ceci de particulier, qu elles peuvent déterminer non pas seulement la gêne des mouvements, mais encore la paralysie. Les fibres musculaires peuvent aussi être rupturees, distendues outre mesure de manière à ne pouvoir reprendre leur élasticité.
[Les Piqûres sont les blessures les plus fréquentes chez les animaux de 1 espèce bovine utilisés aux travaux des champs; elles atteignent principalement les tendons et les aponévroses. Elles sont faites par la pointe d'une des pièces de la charrue, par des rouleaux ou des herses à pointes, des fourches en fer, tridents, etc.
[Ces blessures sont rarement d'une grande étendue ; elles sont plus profondes que superficielles; elles donnent rarement lieu à des hémorragies considérables, à moins qu'un vaisseau artériel ou veineux d'un certain calibre n'ait été atteint.
[Les symptômes sont : d'abord, la lésion tégumentaire, dont on reconnaît la trace au toucher, si elle est assez peu étendue pour qu on ne puisse la distinguer à la vue, puis la claudication, et enfin un engorgement qui se manifeste autour de la Piqûre. Celui-ci est si douloureux, quand il a son siège sur les tendons extenseurs, à la partie postérieure du boulet et sur les talons des onglons, que l'animal reste constamment couché ; ce n'est qu'avec la plus grande difficulté qu'on parvient à le faire lever, surtout à le faire marcher. Souvent le membre blessé n'appuie point sur le sol.
[Lorsque l'inflammation des tissus piqués a alteint ce degré d intensité, des symptômes généraux non moins graves se manifestent. On voit quelquefois le tétanos se déclarer à la suite d'une de ces Piqûres.
[^inflammation produite par des Piqûres a un développement rapide, et sa durée est longue. Deux terminaisons surtout sont fréquentes : la résolution avec guérison complète, ou la résolution avec induration des tissus et un reste de gêne dans les mouve-
ments de locomotion. La suppuration est le premier résultat de l'inflammation, et son produit n'est jamais du pus louable, mais seulement de la sanie d'une odeur sui generis. Tant que la maladie est dans sa plus haute intensité, cette suppuration est assez abondante; elle commence à diminuer lorsqu'une amélioration se fait remarquer.
[Les tissus tendineux ou aponévrotiques sont atteints de nécrose bien souvent, comme les os qui ont été blessés par la Piqûre. On reconnaît l'existence de cette nécrose par le suintement, à travers la plaie fistuleuse résultant d'une Piqûre, d'une matière grisâtre, ténue, mêlée de flocons albumineux. Sous l'influence du traitement, les portions nécrosées des tissus s'exfolient assez facilement et la cicatrisation de la plaie se fait.
Traitement. — [Aussitôt après que la Piqûre a été faite, les affusions d'eau froide continuées pendant vingt, vingt-quatre ou même trente-six heures, amènent la résolution des Piqûres les plus graves. J'en ai vu qui avaient lésé les tendons et les aponévroses, ouvert les articulations, transpercé latéralement des os, se terminer par une résolution complète dans l'espace de temps précité ; mais il faut que les affusions d'eau froide soien t continues.
[Il est trop tard pour employer les affusions, lorsque déjà le gonflement s'est produit et que l'on remarque des traces de suppuration o,u une espèce de suintement sur les bords de la plaie ; alors, c'est dans l'application d'un vésicatoire que doit consister le traitement. Les adoucissants, les émollients, sous quelque forme qu'on les applique, ne produisent absolument aucun bon résultat. Ils donnent aux plaies par Piqûre une durée très longue, et provoquent les terminaisons les plus fâcheuses.
[Les plaies fistuleuses doivent être débridées et cautérisées avec le fer rouge, si l'on veut hâter leur guérison.
[Le traitement des plaies par Piqûre peut se résumer de la manière suivante :
[Au début, les affusions d'eau froide. Après les premières douze heures, elles n'ont plus la même efficacité.
[Quand il n'est plus temps d'y recourir, applications vésicantes. [Quand les plaies sont fistuleuses, le débridement et la cautérisation.]
ARTICLE Il
DISTENSIONS MUSCULAIRES ET TENDINEUSES.
[On désigne, sous ce Dom, l'extension anormale forcée, subite, des tissus musculaire et tendineux, produisant instantanément
une douleur très vive, un développement considérable de chaleur et un engorgement plus ou moins prononcé de ces tissus.
[Cette extension peut avoir son siège sur toutes les parties mus- culaires ou tendineuses; mais elle se fait remarquer plus particulièrement autour des articulations. Les Distensions dont il s'agit ont un caractère de gravité variable, et portent des noms qu'elles empruntent au siège qu'elles occupent; tels sont l'effort d'épaule, de la cuisse, du boulet; la distension de la corde du jarret; l'extension et le déplacement du muscle ischio-tibial externe.]
§ 111. — Effort d'épaule.
[L' Effort d'épaule ou Ecart est déterminé par l'extension forcée des muscles et ligaments qui entourent l'articulation scapulohumérale.
[Il a ordinairement pour causes les glissades ou les faux pas que les animaux font brusquement quand ils luttent entre eux, front contre front, ou quand ils retirent avec précipitation leurs membres fortement engagés dans des trous profonds ou des ornières, quand ils se relèvent d'une chute, etc.
[Cet accident est caractérisé chez le bœuf par une claudication plus forte sur une surface molle, fléchissante (sur la litière par exemple) que sur un terrain ferme, et par l'écartement du membre en dehors dans le sens de l'abduction; enfin, l'animal fauche sans.tjue des blessures existent au pâturon. Dans les pays où les bœufs portent aux onglons des fers pourvus d'un pinçon, il arrive parfois, quand le fer commence à s'user, que le pinçon se dévie et qu'il blesse l'onglon opposé; alors le bœuf fauche, parce qu'il cherche à éviter la pression douloureuse que lui fait éprouver ce pinçon dévié.
[L'exploration directe de l'épaule par la pression forte des mains, la traction du membre en dehors dans le sens de l'abduction, peuvent donner des signes de l'Effort d'épaule, quand par cette manœuvre l'animal témoigne d'une douleur un peu vive. Cependant ce diagnostic laisse très souvent des doutes dans l'esprit, et, pour arriver à la certitude, il faut un examen attentif, parce qu'ici l'Écart peut exister sans que le moindre gonflement se manifeste sur aucune région de l'épaule.
[Il faut prendre le temps nécessaire pour diagnostiquer, au sujet de l'Écart, d'autant mieux que les habitants de la campagne mettent sur le compte de l'Écart toute claudication qui se manifeste subitement ; quelquefois ils l'attribuent à une luxation de l'épaule, et en cela ils sont induits en erreur par la disposition anatomique suivante : chez le bœuf, l'articula-
tion scapulo-humérale est très mobile, c'est-à-dire que la tête de l'humérus s'écarte facilement jusqu'à un certain point de la cavité que lui fournit le scapulum; ainsi, dans l'état de flexion du membre, cette cavité est assez reconnaissable pour que l'on puisse supposer, d'après un examen peu attentif, que la tête de l'humérus est totalement déplacée. Cette apparence trompeuse disparaît,"à la vérité, dans les mouvements d'extension; mais cela ne suffit pas toujours pour que le bouvier cesse de croire à une luxation ou à un écart.
[Au reste, le vétérinaire ne doit y croire lui-même que lorsqu'i n'a laissé aucune partie du membre à explorer. Combien ne voiton pas de ces claudications traitées comme étant occasionnées par un écart, qui, en réalité, ont leur siège dans l'un des onglons.
[L'Effort d'épaule récent est susceptible d'une prompte guérison; s'il est de date ancienne, il n'en est pas de même.]
Traitement. — [Si l'on pouvait donner des soins aussitôt que la distension des muscles a eu lieu, la guérison ne serait pas longue à atteindre : les affusions d'eau froide auraient promptement raison du mal ; mais très souvent l'affection existe depuis plusieurs jours lorsque l'on est appelé à traiter un bœuf boiteux par suite d'un effort d'épaule; et alors il n'est plus temps de penser aux affusions d'eau froide.
[On emploie alors les. frictions d'essence de térébenthine, continuées tous les jours jusqu'à ce qu'elles aient produit un engorgement pâteux sur la surface frictionnée, et provoqué la gerçure de la peau. Alors, on cesse de faire des frictions; on attend avant de les employer de nouveau que l'épiderme soulevé soit tombé et que la peau soit devenue lisse. Si la claudication n'a pas entièrement cessé, on recommence le mème traitement.
[Lorsque l'Effort d'épaule est de date ancienne, l'essence de térébenthine ne suffirait pas; il faut faire usage d'un vésicant plus énergique : c'est alors qu'on peut employer avec succès la pommade de Lebas; mais on obtient de meilleurs résultats par plusieurs frictions faites avec le feu français, le liniment Géneau, et mieux encore par les onctions de pommade stibiée, si l'Effort d'épaule s'est montré rebelle à l'emploi des liquides vésicants.
[Une onction ou friction de pommade stibiée suffit pour produire une vésication énergique, qui détermine la formation d'une eschare longue à se détacher, suivie de traces qui ne disparaissent jamais. Aussi vaudrait-il mieux, quand l'Effort d'épaule résiste au traitement des vésicants moins énergiques que la pommade stibiée, conseiller l'engraissement de l'animal plutôt qu'un traitement curatif quelconque.
[Les liniments qui, sur le bœuf, produisent les résultats les plus prompts sont les suivants :
1° Liniment ammoniacal caustique (Tabourinj.
Poudre d'euphorbe ) M
- de sabine.. I aa 16 grammes.
Huile d'olive 125 — Ammoniaque liquide ..................... 125 —
Faites digérer les poudres dans l'huile pendant vingt-quatre heures à une douce température ; passez, ajoutez l'ammoniaque et agitez vivement.
2° Liniment ammoniacal camphré et cantharidé.
Huile de cantharides camphrée ,
* parties égales. Ammoniaque ............................ )
3° Onguent vésicatoire.
Onguent basilicum 60 grammes. Cantharides en poudre .................... 20 —
Mêlez, et si l'application doit être faite sur une vache pleine, ajoutez 10grammes de camphre.]
§ 2. — Effort de boulet.
[L'Effort de boulet est une maladie qui résulte du tiraillement violent des moyens d'union des os du boulet, exercé dans le sens de l'extension ou de la flexion, ou suivant la direction des ligaments latéraux.
[Un des noms vulgaires de cette Distension des ligaments indique suffisamment sa cause la plus ordinaire; on l'a appelée Mémarchure, c'est-à-dire marche mal faite ou à contre-sens. Ce sont ordinairement les glissades, les efforts violents que fait l'animal pour retirer l'un ou autre de ses membres d'un trou, d'une ornière, ou bien c'est le choc violent du boulet contre un corps dur, qui donnent lieu à une flexion exagérée de cette articulation.
[Une claudication très apparente, l'enflure subite de l'articu- • lation, une douleur vive ressentie par l'animal, au moindre mouvement qui est imprimé à cette articulation, dans un sens ou dans l'autre, et par la pression; la chaleur intense de la peau, l'appui sur le sol nul ou incertain en sont les symptômes, toujours faciles à reconnaître.
[L'intensité des symptômes est parfaitement accusée dès que l'action de la cause s'est produite; la durée est longue, si le traitement rationnel indiqué en pareille circonstance n'est pas em-
ployé sans retard, et dans ce cas, terminaison fâcheuse, caractérisée par un engorgement chronique de l'articulation, et claudication le plus souvent irrémédiable ou bien engorgement induré qui tare l'animal pour toujours.
[Le pronostic est moins fâcheux chez les bêtes bovines que chez les solipèdes, qui n'offrent pas aux cultivateurs les ressources d'un engraissement profitable. D'ailleurs, l'Effort de boulet est assez facilement curable tant qu'il n'a pas eu pour terminaison un engorgement induré ou l'ankylose complète de l'articulation.] Traitemeitt. — [Au début, affusions d'eau froide continuées sans interruption pendant douze ou quinze heures au moins.
[Lorsque les symptômes de l'inflammation se sont manifestés, on fait des frictions vésicantes ou des onctions de même nature, des frictions d'essence de térébenthine, deux par jour au moins, jusqu'à ce que la peau soit engorgée et qu'elle commence à se gercer.]
Nous recommandons particulièrement l'emploi du liniment suivant :
Essence de térébenthine. ) «
} aa 30 grammi,,s.
Alcool camphre j D Ammoniaque )
Teinture de cantharides... — 20 — Teinture de savon ....... )
Mêlez.
On pratique, avec ce liniment, trois frictions autour du boulet. Chaque friction doit avoir une durée de dix minutes et il convient de laisser un jour d'intervalle entre chacune d'elles.
§ 3. — Déplacement du muscle ischio-tibial externe.
Le muscle long vaste des ruminants (fig. 1), encore appelé biceps crural, ischio-tibial externe, s'étend de l'épine sacrée à l'extrémité supérieure de la jambe et sa portion antérieure peu distincte de la postérieure se confond supérieurement avec le fessier superficiel « qui ne forme avec le long vaste qu'un seul et même muscle remarquablement .développé ». (Chauveau et Arloing.) Dans l'état normal, ce muscle recouvre l'articulation coxo-fémorale; il ne prend point d'attaches sur le fémur; mais sa face interne glisse sur le trochanter, au moyen d'une vaste bourse muqueuse. Le bord antérieur du long vaste chez les ruminants, parfaitement délimité à partir de l'articulation jusqu'à l'extrémité inférieure du muscle, est uni avec l'aponévrose dite fascia lata dont les deux feuillets comprennent ce muscle entre
eux en adhérant fortement à chacune de ses faces. Or, si cette aponévrose vient à être dilacérée au voisinage de l'articulation coxo-fémorale et que le membre se porte fortement en arrière, il peut arriver que le trochanter s'engage dans la solution de continuité de l'aponévrose et se trouve ainsi bridé d'une manière
Fig. 1. — Disposition anatomique de Vaponévrose dite fascia lata et du muscle ischio-tibial externe chez la vache.
1, 1. Bord antérieur de l'ischio-tibiai externe, placé en avant de l'articulation coxo-fémorale dans l'état normal.
2, 2. Aponévrose dite fascia lata, à son point d'union avec le bord antérieur de l'ischio-tibial externe où elle forme une sorte de tendon marginal qui maintient ce muscle fendu en avant.
plus ou moins énergique, en avant par l'aponévrose, et en arrière par le bord antérieur du long vaste qui s'est, pour ainsi dire, accroché derrière le trochanter.
Causes. — Cet accident, qui est connu depuis la plus haute antiquité et que l'on a confondu quelquefois avec les luxations coxo-fémorale et rotulienne, se remarque principalement chez les bêtes maigres qui ont la croupe courte et aplatie, le trochanter élévé. On l'observe également chez les bœufs ou les vaches for-
tement panards et qui, par l'effet du rapprochement des jarrets en arrière, fa.uc'hent en marchant.
En outre, toutes les circonstances capables de déterminer une extension forcée du membre, telles que les chutes, les faux pas, les glissades, les écarts, les bonds, les ruades, les efforts, les contusions, etc., sont des causes occasionnelles pouvant faire naître le déplacement du biceps. Il se produit même quelquefois sans cause efficiente directe et par le seul fait d'une maigreur excessive; et alors, si on en opère la réduction, il est beaucoup plus sujet à récidive.
Symptômes. — L'animal affecté d'un déplacement de l'ischiotibial externe éprouve une grande difficulté pour fléchir l'articulation coxo-fémorale; le membre malade est comme traîné, porté en dehors et en arrière, de telle sorte que la pointe des onglons rase le sol. On dit alors que l'animal tire du nerf. En outre, le bord antérieur du muscle, accroché derrière le trochanter, forme par suite une saillie longitudinale ou mieux une sorte de corde fortement tendue que l'on sent d'autant mieux qu'on l'examine plus près de l'articulation coxo-fémorale. Cette corde, qui est très apparente quand on lève le pied postérieur opposé à celui qui est lésé, s'étend obliquement de l'articulation coxo-fémorale à la rotule. Le trochanter n'est plus recouvert que par la peau, et le muscle déplacé forme en arrière une sorte de tumeur.
Ces caractères ne sont pas toujours faciles à saisir; il est même des cas où la boiterie, accompagnée du port du membre en arrière, est le seul symptôme apparent.
Le déplacement est parfois temporaire ou intermittent. Il se produit notamment lorsque l'animal gravit un terrain en pente, ce qui le force à porter le membre plus en arrière. Dans ce cas, si on le met à une descente, il peut arriver que le muscle se replace en faisant entendre un bruit sourd, et la boiterie cesse aussitôt pour reparaître au moindre effort que fait le sujet. Cette intermittence de la boiterie a fait quelquefois confondre le déplacement de l'ischio-tibial externe avec la luxation de la rotule, mais l'exploration du grasset permettra d'établir le diagnostic différentiel; car, dans ce dernier cas, la déformation de la région rotulienne guidera sûrement le praticien.
« Il est des cas, dit Lafosse, où une tuméfaction fluctuante indique une complication d'hygroma; d'autres, où un engorgement chaud, douloureux, œdémateux, annonce la rupture du fascia lata ou l'inflammation du tissu cellulaire.
« Cette affection est essentiellement nuisible aux bêtes de travail qu'elle met complètement hors de service, lorsqu'elle a toute son intensité; elle est, dans la plupart des cas, persistante,
bien que sujette à des rémissions passagères. Néanmoins, elle guérit parfois par le repos, surtout si, alors, soumis à un bon régime, les animaux prennent de l'embonpoint ('1). » Mais quand les symptômes existent à un degré prononcé, il faut avoir recours à la section partielle du muscle déplacé.
Section (le l'ischio-tibiai externe. — On peut la pratiquer par plusieurs procédés.
Procédé Dorfeuille. — « On abat le bœuf sur le côté opposé au mal ; on dégage de l'entrave le pied du membre malade; on passe au pâturon un lacet que deux aides tiennent tendu. Quelquefois le muscle ischio-tibial n'est pas apparent, et, afin de le reconnaître, il convient de faire tenir le membre tendu sur les membres antérieurs... On fait ensuite vis-à-vis de la partie supérieure du grand trochanter et environ trois centimètres en arrière, une incision longue de sept à huit centimètres qui croise obliquement le muscle ischio-tibial externe. Alors l'opérateur introduit facilement son doigt sous le muscle, il le soulève jusqu'à la peau et l'ayant fixé avec un crochet, ou avec une corne de chamois, ou mieux avec une pince à anneau que l'on tient ouverte et entre les branches de laquelle on passe le bistouri à tranchant concave (bistouri à serpette), il coupe le muscle en travers et l'opération est finie (2). »
Procédé Castex. — L'animal est fixé debout, la tête attachée à un arbre, et le membre postérieur opposé à celui sur lequel on va opérer, soulevé de terre et ramené en avant au moyen d'un lacs ou d'une plate-longe fixée autour de l'encolure. L'opérateur « recherche le point où la partie antérieure du muscle est le moins épaisse au-dessous de l'endroit où il paraît être accroché; en même temps, armé de son bistouri, il fait une incision d'un pouce et demi à peu près, parallèle à la direction du muscle à sa partie antérieure et moyenne, entre son expansion aponévrotique et le grand trochanter (3). » On dissèque les bords de l'incision de manière « à mettre à nu, dans toute la longueur de l'incision, la partie antérieure du muscle ». On dilacère avec l'index (de la main gauche si on opère à gauche et vice ve7'sa) « le tissu cellulaire entre le muscle ischio-tibial externe et les muscles sousjacents ». On introduit ensuite « le bistouri, dont la lame est recouverte sur son plat par le doigt indicateur, dans l'espace pratiqué entre les muscles. Alors un aide détache le bœuf du point fixe où il est maintenu et on dégage le pied postérieur qui a tou-
(1) Traité de pathologie vétérinaire, t". II, p. 572.
(2) Correspondance sur les animaux domestiques, par Fromage de Feugré, année 1811, t. III, p. 90.
(3) Recueil de médecine vétérinaire, t. I, 1824, p. 368.
jours été tenu levé; on fait marcher l'animal, et, au même instant, l'opérateur qui maintient la lame du bistouri dans la position indiquée précédemment, la redresse en tournant le tranchant de son côté », de telle sorte que le muscle vient se couper de lui-même sur le bistouri à chaque mouvement que l'animal exécute.
Ce mode opératoire, dit Lafosse, est des plus dangereux pour l'opérateur; il n'est pas sans danger pour l'animal vigoureux et indocile, car, en s'agitant, il peut s'abattre, et on a vu des fractures se produire dans ces chutes (1).
[Procédé Cruzel. — L'animal étant fixé debout, je fais une incision longitudinale de 7 à 8 centimètres à la peau, au milieu de la cuisse, à 10 ou 12 centimètres au-dessous et un peu en arrière de l'articulation suivant la direction de la corde tendue du muscle. J'incise également l'aponévrose sous-cutanée, je soulève la corde tendue légèrement, afin que mon bistouri à serpette la saisisse en entier sans toucher aux autres muscles : puis j'incise cette corde de dedans en dehors et transversalement en ramenant sous la peau la pointe de l'instrument et je termine en réitérant la section à plusieurs reprises tant que le muscle offre de la résistance. J'ai opéré au moins deux cent cinquante fois la section du muscle ischio-tibial externe, et jamais je n'ai observé soit des abcès profonds, soit la gangrène. Ce procédé m'a constamment réussi.]
Procédé Bernard. — Cet auteur fait remarquer au préalable que le lieu de l'opération est bien indiqué par la saillie que forme le bord antérieur du muscle déplacé et l'on conçoit que « plus on fera l'opération près du point de suspension, plus la corde sera facilement dégagée; mais, pour manœuvrer avec plus de facilité qu'on ne le ferait contre l'articulation, quoiqu'il y ait peu de chose à craindre, on préfère opérer au-dessous, Quoi qu'il en soit, le lieu étant choisi, il ne s'agit que de plonger obliquement le bistouri sous la saillie du muscle à 3 ou 4 pouces au moins de profondeur, et de faire d'un seul coup, en retirant l'instrument, une large incision qui divisera en même temps l'aponévrose et une partie du bord antérieur du muscle... Si, ayant détaché l'animal pour le faire marcher, on suppose que l'incision n'a pas été assez profonde ou assez large, on peut y revenir sans difficulté. Dans tous les cas, il n'en résulte qu'une plaie profonde, mais simple, qui n'offre aucun danger, » ainsi que Bernard s'en est assuré (2).
Cet auteur a été conduit à employer ce procédé parce que, dit-
(1) Traité de pathologie véléi,inaiî,e, t. II, p. 373.
(2) Journal des vétérinaires du Midi, 1839, p. 137.
il, « les opérations les plus simples, celles qui consistent en un seul temps, ont le plus de succès ». D'un autre côté, «les grandes incisions font pénétrer l'air dans des gaines très sensibles au contact des corps étrangers ».
Bernard avait donc entrevu les avantages de la méthode souscutanée pour les sections tendineuses ou musculaires, et il avait cherché à en faire l'application à l'opération qui nous occupe.
Procédé Ringuet. — L'animal est assujetti debout, le membre postérieur opposé à celui sur lequel on opère étant soulevé au moyen d'une plate-longe. On se munit d'un bistouri convexe •et d'une sonde cannelée. L'opérateur, placé sur le côté et en avant du membre à opérer, incise la peau « parallèlement à la direction de la corde formée par le muscle, à 7 ou 8 centimètres au-dessous et en avant du trochanter... L'incision ne doit avoir que 3 ou 4 centimètres. » On sépare ensuite la peau des tissus sous-jacents, au moyen de l'index ou du manche du bistouri... pour mettre bien en évidence la partie antérieure du long vaste; puis avec l'index de la main gauche ou droite, suivant le côté duquel on opère, on délruit l'union qui existe entre le fascia lata et ce même muscle que l'on soulève pour introduire par dessous ,et de bas en haut une sonde cannelée; elle doit servir de guide au bistouri convexe introduit d'abord à plat, mais que l'on redresse, après son introduction, de manière à tourner le tranchant en haut et en dehors (1) » pour couper le muscle dans une longueur assez considérable, ce dont on s'assure en faisant marcher l'animal préalablement détaché. Si la section est jugée insuffisante, on peut y revenir à plusieurs reprises en opérant comme précédemment.
D'après Serres, ce serait à Lafosse que reviendrait l'honneur des modifications introduites dans le procédé opératoire adopté et décrit comme sien par M. Ringuet, dans l & Journal des vétérinaires du Midi (année 1854, p. 265 et suiv.).
Nous donnons ci-après la description du procédé suivi par Lafosse telle qu'il l'a donnée dans son ouvrage, et le lecteur pourra se convaincre que ce procédé n'est pas exactement semblable à celui qui a été décrit par M. Ringuet. Nous pensons même que le procédé de Lafosse est préférable à celui de M. Ringuet : c'est pour ce motif que nous le reproduisons.
Procédé Lafosse. — « Selon que l'animal est patient ou indocile, on l'opère debout ou abattu. Cela fait, une incision de 4 ou 5 centimètres est pratiquée à la peau et au fascia lata, à 8 ou 10 centimètres au-dessous du trochanter; une sonde cannelée est intro-
(1) Journal des vétérinaires du Micli, 1854, p. 206,
duite sous le muscle, en se dirigeant en haut et en arrière, et le bistouri est enfoncé à plat sous le muscle, à une profondeur de 6 ou 8 centimètres, et puis tourné de champ, le tranchant vers l'aponévrose, qui est coupée d'un seul coup. L'obliquité de l'incision, la seule introduction de la sonde et non du doigt facilitent l'écoulement du liquide et limitent aux proportions strictement nécessaires la sûreté du manuel, les délabrements et, conséquemment, l'inflammation, suite inévitable de l'opération (1). »
« Il est, dit M. Lafosse, des praticiens qui font l'incision à la peau avec la flamme de la même manière que la saignée et qui ensuite introduisent sous le muscle une sonde cannelée qui sert de guide au bistouri. »
Procédé Boiteau. — M. Boiteau a fait connaître un procédé qui permet d'opérer « la section de l'aponévrose d'un seul coup, sans risquer de se blesser — quand même l'animal serait indocile —ni d'attaquer le muscle dans toute son épaisseur; et, en troisième lieu, on évite les chances de couper les divisions artérielles. On se sert, a cet effet, d'un instrument spécial, dû à M. Boiteau, et qui se compose de trois parties : la tige, la lame et le manche.
« La tige est droite et aplatie, de 10 centimètres de longueur sur un centimètre de largeur; son épaisseur est celle d'une tige de flamme ordinaire, c'est-à-dire 2 ou 3 millimètres. Une des extrémités porte la-lame; l'autre, aplatie en sens opposé, lui permet, à l'aide d'un clou, de se fixer au manche et de se fermer sur plat.
« La lame se trouve fixée à un centimètre de l'extrémité opposée au manche ; mais au lieu d'être tirée perpendiculairement à l'épaisseur, elle est fixée par une rivure, sur le plat, le tranchant tourné vers le manche. Sa forme est celle d'une serpette, longue d'un centimètre, large de 5 millimètres.
« Le manche est en tout semblable à celui d'un bistouri ordinaire. Il peut être creux dans toute sa longueur, ou bien seulement dans la partie qui reçoit la lame, la tige se trouvant à plat sur celui-ci et sans avoir besoin d'y pénétrer. Pour plus de sûreté, on peut y ajouter un ressort qui fixela tige et la rende immobile.
« Le procédé opératoire est simple. L'animal étant assujetti, par la tête, à un poteau ou à un arbre, on fixe, dit M. Boiteau, à l'encolure, àl'aide d'une corde, le membre postérieur, opposé à celui sur lequel on veut opérer ; par ce moyen, on est à l'abri des coups de pied, et, de plus, la tension du muscle est plus considérable, ce qui facilite l'opération.
« Une fois le sujet en position, et après avoir préalablement
(1) Traité de pathologie vétérinaire, t. II, p. 573.
coupé les poils, je fais, à 7 ou 8 centimètres au-dessous de l'articulation coxo-fémorale et sur.la ligne correspondant à la partie antérieure du muscle ischio-tibial externe, une incision longitudinale de 6 ou 7 centimètres d'étendue, qui intéresse la peau dans toute son épaisseur ; d'un second coup de bistouri, j'incise l'aponévrose sous-cutanée ; puis, à l'aide du doigt, je désunis la face aponévrotique de ce muscle d'avec les parties sous-jacentes.'
« La région étant préparée, il ne reste plus qu'à faire la section de la partie tendineuse. L'instrument, ouvert et tenu de la main droite, est introduit dans l'ouverture pratiquée, la lame dirigée vers la commissure supérieure (on peut facilement juger à quelle profondeur il faut enfoncer la tige pour attaquer l'aponévrose dans toute sa largeur, en explorant au préalable avec le doigt) ; arrivé à la profondeur voulue, on n'a qu'à tourner, par un quart de révolution, la pointe de l'instrument vers la face antérieure du
Fig. 2. — Bistouri Gouze pour la section de l'ischio-tibial externe.
muscle, baisser le manche afin de faire une incision oblique, de dedans en dehors et de haut en bas, pour faciliter l'écoulement du pus; puis, tirer en appliquant sur la lèvre antérieure le dos de l'instrument afin de faciliter sa pénétration. »
M. Boiteau a pratiqué plusieurs fois cette opération, « et le patient n'a pas le temps de faire un mouvement, que la section est faite dans toute l'étendue de l'aponévrose, sans qu'on puisse craindre un délabrement trop considérable, puisque la lame est bornée par les parties latérales de la tige qui lui sert de support.
« Par ce moyen, on peut opérer très rapidement des bœufs d'une telle stature et tellement vigoureux, qu'il serait impossible, après avoir fait les premières incisions, d'aborder avec le bistouri, arme dangereuse pour l'opérateur et pour l'opéré. »
M. Gouze a conseillé l'emploi d'un « instrument particulier à lame courbe, émoussée et à tranchant concave (fig. 2) (1) pour pratiquer la section de l'ischio-tibial externe par un procédé semblable à celui de M. Boiteau.
(1) Journal des vétérinaires du Midi, 1867, p. 309.
Choix du procédé. — Il n'est pas indifférent d'employer l'un ou l'autre de ces procédés.
Lorsque les animaux sont maigres et que la corde formée par le bord antérieur du muscle est bien accusée, il convient d'employer soit le procédé Bernard, soit le procédé Lafosse, en se contentant de faire une étroite incision au moyen de la flamme. Si l'on opère sur des animaux en bon état de chair et chez lesquels le relief formé par le bord antérieur du muscle déplacé est peu accusé, on choisit le procédé par incision préalable de la peau (Dorfeuille, Cruzel, Ringuet, Boiteau, Lafosse). Quant au procédé Castex, dans lequel on confie à l'animal le soin de l'effort à faire pour opérer la section du muscle, il nous parait offrir trop peu de sûreté pour pouvoir être conseillé.
Soins consécutifs. — On se contente d'introduire dans la plaie quelques boulettes d'étoupe sèche, que l'on retire dès que la suppuration se manifeste ; parfois on se borne à de simples soins de propreté en comprimant avec la main le pourtour de la plaie pour éviter la stagnation du pus. « En général, dit Lafosse, sept ou huit jours de repos, des lotions réfrigérantes acidulées dans les temps chauds, des onctions d'axonge, pendant les gelées, assurent une prompte guérison (1). » Au bout de quinze à vingt-cinq jours, la cicatrisation de la plaie est ordinairement achevée, la boiterie ayant d'ailleurs cessé aussitôt après l'opération. L'animal n'en éprouve par la suite ni faiblesse, ni embarras, même en reprenant tout à fait ses travaux ordinaires.
Accidents. — Hémorragie. — [Dans la plupart des cas, il n'y a guère à s'en préoccuper, le tamponnement avec des étoupes suffit pour l'arrêter.] On conçoit que si l'hémorragie présentait un caractère inquiétant, on aurait recours aux hémostatiques.
Abcès intermusculaires ; fusées purulentes. — Ces accidents résultent de manœuvres intempestives faites pendant l'opération, notamment la dilacération des tissus par les doigts introduits dans la plaie à plusieurs reprises, les incisions multiples pratiquées sur le muscle.
Gangrène. — Cet accident est fort rare ; on l'évite habituellement en opérant avec méthode et en ayant soin de donner à la plaie d'opération une direction telle que les produits inflammatoires ou septiques puissent facilement s'écouler au dehors : il importe surtout d'éviter que des caillots sanguins ou des débris de tissus séjournent au fond de la plaie. Malgré cela, si la plaie prenait un mauvais aspect et s'entourait d'un engorgement œdémato-inflammatoire d'abord chaud et douloureux, puis froid et
(1) Traité de pathologie vétérinaire, t. 11, 575.
insensible, il faudrait pratiquer des injections phéniquées dans la plaie, administrer même l'acide phénique à l'intérieur : on aurait, ainsi quelques chances d'arrêter les progrès du mal.
ARTICLE III
RHUMATISME.
Définition. Fréquence. — [Le Rhumatisme est une affection propre au système musculaire, non encore exactement définie, caractérisée par la douleur, la tuméfaction souvent, une très grande variabilité sous le rapport du siège et une facile tendance à récidiver.
[Elle a son siège sur les parties fibreuses et musculaires, principalement et primitivement sur celles qui servent à la locomotion. Tous les muscles locomoteurs ne sont pas affectés de rhumatisme, en même temps ; cette simultanéité, si elle se produisait, donnerait à la maladie une intensité inouïe. Mais le Rhumatisme atteint presque toujours en même temps les muscles lombaires et ceux des extrémités.
[D'après la nature des organes qu'il affecte, on en fait trois divisions : 1° le Rhumatisme musculaire ; 2° le Rhumatisme articulaire ; le Rhumatisme viscéral.
[Le Rhumatisme est fréquent; on l'observe, sur les grands ruminants, presque aussi souvent que la gastro-entérite.]
Causes. — [Les causes du Rhumatisme du bœuf sont nombreuses. On doit placer au premier rang les variations atmosphériques, très fréquentes dans certaines contrées de la France, qui, avec un état diathésique particulier, donnent à cette maladie son caractère ambulatoire, et produisent sa périodicité ; ensuite les étables basses et mal aérées, où sont habituellement renfermés un grand nombre de bestiaux. Dans ces logements insalubres, ils respirent un air trop chaud et raréfié, leur transpiration pulmonaire et cutanée s'augmente, et en sortant, ils se trouvent exposés subitement à un air froid, vif ou humide.
[Ajoutez à cela des courses longues et précipitées, des travaux pénibles suivis d'un repos absolu, pendant lequel les animaux subissent tous les changements de température, le vent, la pluie, le brouillard, et l'on comprendra facilement pourquoi les affections rhumatismales sont si communes chez les bœufs de travail.
[11 faut remarquer que, dans chaque région et dans chaque localité, on rencontre quelqu'une de ces causes agissant plus particu-
lièrement, suivant l'état des lieux, les habitudes culturales ou d'élevage, la nature des travaux, etc.
[Les bœufs qui sont employés au labourage ou aux charrois dans les vallées, sur les bords des grandes rivières, où les terrains alluviaux ont une grande étendue, sont fréquemment atteints du Rhumatisme articulaire chronique : ceux qui travaillent d'ordinaire sur les coteaux à sol compact et tenace y sont sujets également, et les uns et les autres plus particulièrement pendant les saisons du printemps et de l'automne, alors que les variations atmosphériques sont plus fréquentes. C'est en été, avec les fortes chaleurs, et en hiver, quand les grands froids se font sentir, que le Rhumatisme aigu se déclare.
[Les bœufs qui travaillent dans des plaines ouvertes sont affectés du Rhumatisme lombaire, principalement dans les conditions que voici : le bouvier part au lever du soleil ou même avant avec son attelage, et il laboure pendant une heure ou deux avec assez d'entrain ; il lui importe à cette heure du jour de prouver qu'il n'a pas mis de retard à se rendre aux champs. Mais après cette première partie de l'attelée, dans beaucoup de localités du Midi, le bouvier suspend son travail pour faire le premier repas, très frugal à la vérité, et cependant d'une durée d'une demi-heure à trois quarts d'heure ; dans ce moment, ses bœufs sont déjà dans un état de transpiration plus ou moins prononcé, suivant le degré de ténacité du sol et le degré d'élévation de la température atmosphérique; ils restent ainsi dans une inaction complète, sans être couverts, exposés à l'action du vent, du brouillard ou des bruines et c'est après ce temps de repos malsain que se déclare le Rhumatisme lombaire.
[Le Rhumatisme peut avoir pour cause l'hérédité. Quoique les notions de la zootechnie soient un peu plus répandues qu'elles ne l'étaient autrefois, on voit encore beaucoup de pratiques routinières employées dans l'élevage des bestiaux, et des négligences condamnables le rendre infructueux. Il y a encore des vacheries où aucune attention n'est accordée à l'accouplement des animaux; on voit des vaches usées, affectées de phtisie ou de rhumatisme, employées à la reproduction jusqu'à leur extrème vieillesse : phtisiques, elles reproduisent des veaux tout au moins disposés à la phtisie, aux rhumatismes, aux arthrites chroniques, ou qui, en naissant, ont des engorgements.articulaires.
Le plus grand nombre de ces derniers sont, à la vérité, réservés à la boucherie ; mais il en est que l'on conserve, que l'on élève, et qui, plus tard, sont vendus pour le travail, ayant aux articulations des membres des tares qui résultent évidemment de l'hérédité. On voit de ces sujets dans toutes les foires, et c'est
toujours à un accident que ces engorgements sont dus, si l'on s'en rapporte aux affirmations des vendeurs ; plus tard, on verra bien que ce sont des effets du Rhumatisme, lorsque, sous l'influence d'un brusque refroidissement la maladie deviendra plus grave et s'étendra à des parties qui, jusque-là, en avaient été exemptes.]
Symptômes. — [Au moment de l'invasion, l'animal présente les symptômes suivants, que l'on peut diviser en généraux et pathognomoniques : les premiers sont la tristesse, l'abattement ; le bœuf a le mufle sec, il a peu d'appétit, il rumine rarement ; son poil est ordinairement terne, et quelquefois il est complètement rebroussé ; la peau est sèche.
[Comme symptômes pathognomoniques, on peut citer les suivants : la locomotion est lente et difficile ; le bœuf reste longtemps couché; on a de la peine à le faire lever, même en l'excitant avec l'aiguillon. Jamais il ne fait. le mouvement de pandiculation ; la douleur qui a isolément ou simultanément son siège dans la région lombaire, ou dans les extrémités, lui rend ce mouvement impossible.
[La plus légère pression sur les parties affectées suscite des signes de sensations douloureuses très vives; sur les lombes, la tension des muscles est manifeste : elle est accompagnée de douleur et de chaleur à la peau. Ces derniers symptômes existent également lorsque ce sont les muscles ou les articulations des membres qui sont le siège du Rhumatisme, et l'on y remarque aussi de l'engorgement; sur les gaines articulaires, cet engorgement est toujours assez apparent.
[Si, comme cela a été dit, le Rhumatisme n'est pas d'abord général, il peut cependant prendre ce caractère ou du moins affecter des surfaces plus étendues, lorsqu'il n'est pas sérieusement combattu au moyen d'un traitement méthodique. L'inflammation ou, si l'on veut, l'irritation se propage par continuité, et les articulations inférieures des membres soit antérieurs, soit postérieurs, s'engorgent. C'est principalement aux parties postérieures du boulet et dans l'espace triangulaire du jarret que se forment ces tumeurs enkystées dont on n'obtient que très rarement la résolution complète. L'irritation, qui d'abord n'avait existé que sur les fibres musculaires, gagne progressivement les appendices tendineux et aponévrotiques, et ne tarde pas à se produire sur les membranes articulaires. Mais avant que la phlegmasie ait fait de tels progrès sur les organes de la locomotion, elle s'est déclarée sympathiquement (l'une manière plus ou moins prononcée sur quelques-uns des organes contenus dans les cavités splanchniques.
[Ainsi l'on voit se manifester des symptômes de gastro-entérite,
de pneumonie, de pleurite et de péritonite.J Parfois, on observe un pissement de sang et l'on tend à admettre aujourd'hui que la teinte rouge de l'urine résulte du passage dans le sang, de la matière colorante du muscle constituant ainsi cet état morbide appelé hémog lobinémie rhumatismale.
[Dans les cas de péritonite et de pleurite rhumatismale, on remarque de l'irrégularité dans les temps de la respiration ; quelquefois aussi le contre-coup qui caractérise la pousse du cheval ; et, quoique jusqu'à présent aucune lésion constatée par l'autopsie n'ait donné de la certitude à cette opinion, on peut, sans trop se lancer dans le champ de l'hypothèse, croire à l'existence d'une péricardite.
[Il y a, dans ces états divers du Rhumatisme, des temps bien distincts d'augmentation et de rémissions, et l'on remarque plusieurs fois par jour des sueurs partielles sur les parties affectées. Un symptôme non moins caractéristique de cette affection, quand elle a acquis une certaine gravité, c'est la rétraction des muscles abdominaux. En peu de jours, le bœuf, dont la côte est la mieux arrondie et dont le corps est de forme cylindrique, a. les flancs creux, le ventre soulevé, tandis que ses côtes, qui ne se dilatent plus qu'à moitié, semblent s'être aplaties : ce qui porte à penser que lorsqu'une portion du système musculaire souffre d'une irritation rhumatismale, tout le système participe sympathiquement et à des degrés divers à cette irritation.
[Le bœuf affecté de Rhumatisme maigrit donc rapidement. [La phlegmasie qui s'est déclarée consécutivement à un Rhumatisme, reste en rapports très étroits avec celui-ci; de sorte que si, par les seuls efforts de la nature ou par l'influence d'un traitement rationnel, on détermine la résolution de la phlegmasie interne, on obtient la guérison de la phlegmasie musculaire externe sans difficultés et assez promptement; tandis que si l'on se contentait de combattre l'affection primitive, sans avoir égard à l'état morbide actuel des viscères, le traitement resterait infructueux. Cette observation est très importante.
[Ainsi, lorsqu'une affection rhumatismale musculaire et une affection rhumatismale viscérale existent simultanément, le praticien doit se préoccuper d'abord de la dernière : il aura facilement raison un peu plus tard de celle qui a son siège sur des .organes moins essentiels.
[Sur le bœuf particulièrement, les phlegmasies viscérales acquièrent toujours dans ce cas un très haut degré d'intensité. C'est seulement lorsqu'elles passent à l'état chronique, que les phlegmasies musculaires produisent ces désorganisations dont il a été parlé plus haut, désorganisations d'autant plus difficiles à guérir,
qu elles affectent des organes qui sont le centre de mouvements souvent répétés.]
lisions pathologiques. — [Le Rhumatisme prend quelquefois un caractère de mobilité très remarquable, surtout quand il a son siège dans les parties tendineuses ou aponévrotiques des muscles des extrémités; on en voit d'assez nombreux exemples. Dans ce cas, la claudication existe, sans autre symptôme que la douleur manifestée par J'effet d'une pression plus ou moins forte exercée sur les tendons ; elle passe de l'un à l'autre membre, quitte celuici, reparait sur un autre, et cela bien souvent dans la même journée ; d'autres fois, en laissant un intervalle de quelques heures ou de quelques jours entre chaque changement. J'ai voulu, dans une circonstance, avoir une idée exacte des lésions que pouvait amener cette maladie. Elle s'était montrée sur un bœuf, d'ailleurs tenu en bon état, depuis quatre ou cinq mois ; il m'était arrivé si souvent de voir la claudication se reproduire quand je pensais qu'elle avait disparu sans retour, que le propriétaire, cédant à mes instances, se décida à le livrer à la boucherie, à cette condition que je pourrais en disséquer les quatre membres : celui sur lequel existait l'affection rhumatismale au moment de l'abatage, était un membre antérieur.
[Je ne remarquai rien d'extraordinaire, ni dans les muscles, ni dans les tendons, ni dans les articulations, ni dans les aponévroses des autres membres; mais, en incisant en long et en travers les tendons fléchisseurs qui s'attachent à la partie postérieure du boulet, je constatai, dans le sens longitudinal, beaucoup de fibres qui étaient de couleur rouge brunâtre.
[Telles sont les seules lésions que j'ai pu observer; je dois ajouter que, pendant la vie, on n'apercevait aucune trace d'engorgement sur les parties douloureuses.]
Marche. — Durée. — Terminaisons. — [Le Rhumatisme n'occasionne pas ordinairement la mort des animaux qui en sont affectés, mais il produit leur amaigrissement en très peu de temps. Quand il a parcouru ses périodes avec lenteur, qu'il n'a point suscité des douleurs très vives, et que ses effets ont été purement locaux, c'est-à-dire lorsque l'inflammation s'est bornée à la partie qu'elle a attaquée primitivement, sans avoir eu sur les membranes musculaire ou fibreuses internes un retentissement fâcheux, le Rhumatisme est curable, même avec une certaine facilité. Cependant, s'il ne compromet pas la vie des animaux autant que beaucoup d'autres affections inflammatoires, il a cela de fâcheux, surtout quand il s'agit d'animaux qui tirent leur principale valeur du travail qu'ils fournissent, que sa guérison est ordinairement longue à obtenir.
[Le Rhumatisme du bœuf dure un, deux et même trois mois, non pas assurément dans toute son acuité première, mais dans un état intermédiaire entre la maladie très caractérisée et la maladie sous sa forme bénigne, qui entraîne deux graves inconvénients : la perte de temps et l'amaigrissement.
[On voit assez souvent le Rhumatisme reparaître et acquérir beaucoup d'intensité, quand on avait pu croire à une guérison complète; il se déclare même sous l'influence de certaines causes, à divers intervalles, avec les caractères de la périodicité. Dans ce cas, il affecte presque exclusivement les rayons inférieurs d'un ou de plusieurs membres. Des engorgements circonscrits, avec peu de chaleur, mais douloureux; des dilatations variqueuses intéressant les veines superficielles des parties affectées, enfin la claudication, sont les symptômes qui le caractérisent alors et tant que l'action de la cause se fait sentir; quand elle cesse, que l'atmosphère est moins humide, la température plus égale, la claudication disparaît, les engorgements diminuent, et, à l'exception des veines qui restent variqueuses, tout semble rentré dans l'ordre.
[Le Rhumatisme se termine par la résolution, ou bien il se complique d'une phlegmasie viscérale, ou encore il se déplace parfois d'une façon très remarquable, affecte la périodicité, ou enfin se termine par l'état chronique.
[Je possède des observations nombreuses qui témoignent de ces diverses terminaisons.
[Dans le premier travail que j'ai publié en 1828 sur le Rhumatisme du bœuf, je n'ai pas parlé d'une complication que j'ai très distinctement observée depuis sur trois bœufs de travail affectés de Rhumatisme aigu: c'était la dysphagie bien caractérisée, existant en même temps qu'une gastro-entérite ; et dans les trois cas observés, elle cessa quand l'affection rhumatismale articulaire et gastrique eut cédé au traitement antiphlogistique, secondé par les boissons émétisées.]
Pronostic. — [Le pronostic du Rhumatisme varie suivant qu'il est aigu, chronique, périodique ou non, simple ou compliqué, et suivant les causes de l'affection.
[S'il est aigu, d'invasion récente, quelle que soit la phlegmasie qui le complique, le traitement antiphlogistique, secondé par les boissons émétisées, doit en assurer la guérison. Mais si la maladie est restée longtemps livrée à elle-même ou a été traitée inconsidérément, et si la phlegmasie interne a acquis une très grande intensité, alors, ou le bœuf périt par celle-ci, ou bien tous les désordres qui sont la conséquence inévitable de l'irritation prolongée sur les tissus laissent l'animal dans un tel état qu'il
devient impropre à tout. Il ne peut ni travailler, ni s'engraisser, parce qu'il souffre continuellement.]
Traitement. — [Le traitement du Rhumatisme comporte des indications généralement faciles à remplir. Lorsque la maladie est aiguë, simple et dans son début, la saignée générale ordinaire à la jugulaire, et répétée le lendemain ou le surlendemain s'il y a lieu, les breuvages émétisés à grands lavages, 1, 2 ou 3 grammes de tartre stibié, chaque gramme en dissolution dans cinq à six litres de décoction mucilagineuse; la privation d'aliments solides pour les trois quarts de la ration au moins, sont les moyens auxquels on a d'abord recours.] L'emploi du salicylate de soude, à la dose de 10 à 20 grammes par jour, dans les boissons, mérite d'être recommandé, en raison des bons résultats qui ont été obtenus dans les cas de rhumatisme articulaire aigu chez le cheval. Cette dose doit être continuée pendant cinq à six jours.
[On fait, en même temps, des applications adoucissantes sur les parties qui sont le siège de l'inflammation, et l'on doit préférer les onctions aux cataplasmes. Ces derniers ont l'inconvénient de ne pouvoir être maintenus en place pendant longtemps et à une température égale. Les animaux cherchent toujours à s'en débarrasser et la plupart en viennent à bout, soit avec les pieds, soit avec la langue; il est même des bœufs qui témoignent d'une grande inquiétude ou qui entrent dans un état d'irritation extraordinaire, lorsqu'on se met en mesure de leur envelopper les membres.
[Quand la douleur parait excessive, on fait des onctions journalières avec l'onguent populéum camphré ou laudanisé ; sinon avec un corps gras, le suif de mouton fondu; un peu plus tard, avec l'huile camphrée, et puis avec un liniment ammoniacal.
[Les onctions avec l'onguent populéum camphré ou laudanisé, ou avec tout autre corps gras, deviennent irritantes et produisent un effet contraire à celui que l'on voulait obtenir, si on n'a pas le soin, avant de faire une nouvelle onction, d'enlever entièrement tout ce qui reste sur les parties de l'onction précédente. On racle légèrement avec une lame de couteau non tranchante, puis on frotte avec un chiffon de laine, de manière que la peciu soit d'une propreté parfaite; sans cela l'action des frictions deviendrait irritante : tous les corps gras s'altèrent à l'air; ils se rancissent, et ils acquièrent des propriétés opposées à celles qu'ils ont dans leur état de bonne conservation.
[Ces moyens suffisent ordinairement pour amener la guérison en quelques jours; mais si l'affection musculaire s'est compliquée d'un Rhumatisme viscéral, on doit porter principalement son attention sur ce dernier, et s'il a son siège dans l'appareil
gastro-intestinal, on peut tout aussi bien faire emploi des boissons émétisées, pourvu que la saignée ait précédé leur administration.
[Dans le Rhumatisme chronique, le traitement doit avoir pour but de réveiller, dans les organes affectés, la vitalité qui semble s'éteindre, et d'arrêter la désorganisation qui commence; s'il existe une complication viscérale de la même nature que le Rhumatisme, les stimulants appliqués sur les organes extérieurs produisent une révulsion favorable à la maladie interne, et, de plus, ils favorisent la résolution des tumeurs.
[Une forte friction de teinture de cantharides ou d'un de ces vésicants liquides connus sous les noms de feu français, feu anglais, etc., et des frictions répétées d'essence de térébenthine, produisent d'excellents effets, à la condition toutefois que ces diverses frictions seront faites avec mesure, que celles que l'on effectuera avec les vésicants liquides présenteront des intervalles assez longs, de manière, par exemple, à n'en pas faire d'autre sur la même partie avant que l'action de la précédente ait cessé.
[Si plusieurs membres ou plusieurs parties sont affectées de Rhumatisme chronique, on ne pratique les frictions irritantes qu'une à une sur le membre droit aujourd'hui, demain sur le membre gauche, et sur deux en diagonale lorsque les quatre membres sont affectés en même temps. Si les lombes et un membre sont atteints, on fait la friction un jour sur les lombes et un autre jour sur un membre, de manière à ne provoquer qu'une surexcitation locale, car si la vésication s'exerçait dans le même moment sur de grandes surfaces, la réaction pourrait devenir d'une intensité dangereuse.
[Les teintures vésicantes sont préférables aux onguents dans le traitement des maladies du bœuf. Cet animal pouvant se lécher presque sur toutes les parties du corps, l'onguent peut être enlevé, ce qui n'a pas lieu au même degré quand on emploie les vésicants sous forme liquide.
[Si l'on se sert d'essence de térébenthine, on fait des frictions journalières jusqu'à ce que les téguments commencent. à se rider ou à se crevasser puis on suspend le traitement. Quand on doit employer ces frictions irritantes, il faut bien s'attacher à distinguer la douleur qu'elles suscitent de celle qui existait par le fait de l'affection rhumatismale : la première fait éprouver, à l'animal une sensation de gêne et de roideur seulement dans les mouvements de locomotion, ce que l'on distingue facilement.
[Lorsque les frictions ont produit leur effet, déterminé de la tuméfaction, on ne fait plus, sur les parties frictionnées, d'applications d'aucune sorte; on attend que l'irritation locale se calme, et il y a chez les animaux une marque certaine qu'elle est à son
terme : on voit les téguments reprendre leur souplesse ordinaire et le poil commencer à repousser. Si le travail résolutoire n'est pas complet, on choisit ce moment pour faire une nouvelle friction. Elle est alors opportune, et l'on peut être assuré que, de la sorte, il ne se formera jamais d'eschare, que le tissu cutané restera sans épaississement, sans induration, et que le poil repoussera, ses bulbes n'ayant pas été détruits.
[C'est ainsi que l'on voit les engorgements indurés des articulations se résoudre presque en entier, les tumeurs molles diminuer aussi de volume et cesser d'être douloureuses.
[Pendant que ce traitement externe est employé, on doit également administrer le tartre stibié à l'intérieur. On donne matin et soir à l'animal, bœuf ou vache, 1 gramme de cette substance en dissolution dans sa boisson ordinaire, et l'on suspend cette médication au bout de trois ou quatre jours, pour la reprendre après un intervalle d'une durée égale.
[Quant aux kystes placés dans l'intervalle triangulaire du jarret, ils résistent à l'emploi de toutes les frictions; la cautérisation transcurrente ou même en pointes n'est pas plus efficace dans ce cas : il faut user d'un moyen plus énergique. Après avoir abattu l'animal, ce qui est absolument indispensable pour opérer bien et avec sécurité, on fait sur toute l'étendue du kyste une application de boutons de feu très rapprochés, et lorsque cette opération est arrivée à un tel point que le derme est presque transpercé, on introduit dans la tumeur, par sa partie la plus déclive, le cautère à bouton incandescent, en ayant le soin de le tourner en tous sens dans l'intérieur du kyste, de manière que la membrane enkystée éprouve son action dans toutes ses parties.
[Au bout de quelques jours, les eschares tombent, et par l'ouverture du bouton pénétrant, suinte de la sérosité; peu à peu la résolution s'opère et la tumeur disparaît. Cette opération ne se pratique que sur les bœufs ou les vaches jeunes chez lesquels le Rhumatisme n'a laissé d'autres traces que le kyste, et qui conservent leur aptitude au travail.
[On ne doit pas essayer d'enlever ces tumeurs avec l'instrument tranchant : les tentatives de de ce genre ont toujours échoué; des végétations fongueuses surviennent, et, malgré les escharotiques, on n'en vient jamais à bout. La terminaison la plus heureuse est la formation d'une tumeur indurée sans ulcération, ce qui est un très mince résultat.
[Il faut recourir à l'emploi de frictions irritantes, même dans les cas de Rhumatisme aigu.
[Contre le Rhumatisme périodique, il n'y a rien de mieux q.ue la cautérisation transcurrente. Beaucoup de bœufs peuvent tra-
vailler ensuite pendant longtemps sans qu'une récidive se produise.
[On devrait même avoir recours à ce moyen pour des animaux destinés à un engraissement immédiat, s'ils paraissent souffrir beaucoup de Rhumatismes articulaires. La cautérisation calme leurs souffrances et ils s'engraissent ensuite plus facilement.J
ARTICLE IV
LADRERIE.
Définition. — La ladrerie des bêtes bovines est une maladie vermineuse produite par un cysticerque (Cysticercus bovis) qui se développe principalement dans les muscles. — Ce cysticerque renferme le scolex du ténia inerme (Taenia saginata) qui habite l'intestin de l'homme où il peut acquérir plusieurs mètres de longueur.
Fréquence. — Suivant les rapports des médecins anglais, Fleming notamment, la ladrerie serait extrêmement fréquente sur les bêtes bovines dans l'Inde. On est également porté à la considérer comme endémique sur les bœufs hongrois et sur ceux de la Haute-Égypte et de l'Abyssinie. Les bœufs algériens en seraient aussi affectés fréquemment. Quoi qu'il en soit, le ténia inerme ne paraissant pas très rare chez l'homme, on peut penser que la Ladrerie existe également sur nos bœufs indigènes ; seulement elle passe inaperçue, notamment dans les localités où il n'existe pas de service d'inspection des viandes de boucherie.
Symptômes. — Diagnostic. — Les symptômes de la Ladrerie bovine n'ont été constatés que sur des veaux ou génisses d'expérience, auxquels on avait fait ingérer les proglottis du J'ænia saginata.
Ils sont généraux et locaux. Les premiers sont souvent très peu prononcés, et même font complètement défaut, lorsque l'animal n'avale que quelque proglottis, quatre par exemple, comme dans l'une des expériences de M. Saint-Cyr, que nous avons pu suivre à l'École vétérinaire de Lyon. — Lorsque l'on administre une grande quantité de proglottis (50 à 60), le sujet d'expérience peut succomber, comme cela a été observé dans les expériences de Leuckart et Zürn. — Sur un veau d'expérience, Simonds et Cobbold ont constaté, « au bout de quelques jours, un prurit assez intense; l'animal se mordait ou se léchait les membres et le tronc, et cherchait même souvent à se frotter contre la mangeoire et contre les murs de sa boxe. Un peu d'abattement et de tristesse;
quelques indices de malaise et de fièvre légère. — Tremblements peu accusés dans les muscles du cou et de l'épaule. Après avoir maigri quelque temps, l'animal reprit peu à peu de l'embonpoint et rien chez lui ne dénotait la moindre altération de la santé lorsqu'il fut sacrifié (1). »
Les symptômes locaux ont plus de valeur. Ainsi, la plupart des expérimentateurs ont signalé la présence de vésicules ladriques sur les faces latérales de la langue, près du frein. Sur un veau qui avait avalé 4 proglottis de ténia, M. Saint-Cyr a constaté « sous la langue, près du frein, deux petites tumeurs sous-muqueuses, indolentes, dures au toucher, en tout semblables, quoique avec des dimensions moindres, à celles qu'on trouve dans la même région chez les porcs atteints de Ladrerie ».
Un autre veau, âgé de quatre semaines, qui avait ingéré quarante anneaux provenant d'un Taenia saginata, présenta au bout de dix-neuf jours, « à la face inférieure de la langue, et près du frein, une granulation sous-muqueuse offrant, sous de moindres dimensions, tous les caractères du grain ladrique (2) ».
Ce symptôme, qui permet de reconnaître sûrement la Ladrerie bovine, n'est pas constant. Néanmoins le langueyage, c'est-à-dire l'examen de la langue, nous paraît constituer chez le veau un moyen de diagnostic aussi important que chez le porc ; car, même chez ce dernier animal, le grain ladrique sous-lingual peut manquer et cependant l'on ne conteste point, d'une manière générale, l'utilité de cette visite. M. Railliet pense que pour reconnaître la Ladrerie bovine, il conviendrait d'essayer le procédé de harponnage conseillé pour la trichinose. On pourrait, à l'exemple de divers expérimentateurs (Simonds et Cobbold, Leuckart), enlever de petits lambeaux du sterno-maxillaire, et y constater, soit à l'aide de la loupe, soit au moyen du microscope, la présence de petites vésicules indiquant la formation des Cysticerques.
Lésions. — Les Cysticerques sont disséminés dans les divers tissus de l'économie ; toutefois, on les rencontre de préférence sous la muqueuse de la langue, dans le tissu du cœur, dans les muscles notamment dans ceux de la cuisse, de la fesse, de la région sous-lombaire, de l'épaule, de la poitrine. On en a rencontré également dans le diaphragme, dans le tissu conjonctif souspéritonéal, dans les ganglions lymphatiques, et mème entre les circonvolutions cérébrales (Leuckart). Mais il faut remarquer que, chez le bœuf, la Ladrerie est, en général, beaucoup moins prononcée que chez le porc, de telle sorte qu'elle peut facilement
(1) A. Railliet, La ladrerie des bêtes bovines (Archives vétérinaires, 1876, p. 662).
(2) Recueil de médecine vétérinaire, 1873, p. 734.
passer inaperçue, surtout quand l'attention n'est pas spécialement appelée sur ce genre de recherches.
Les caractères du Cysticerque du bœuf varient suivant l'époque de son développement. Ainsi, vers le vingt-cinquième jour à dater de l'ingestion des Cysticerques, la vésicule a seulement un diamètre de 011,4 à omm,7 (Leuckart); vers le cinquante-quatrième jour, elle a 3 millimètres de diamètre (Saint-Cyr), à peu près la grosseur d'un petit pois. « D'après Cobbold, lorsque le cysticerque est complètement développé, il ne mesure guère plus de 6 millimètres de diamètre, c'est-à-dire que ses dimensions sont inférieures à celles du Cysticerque du porc. Il faut dire cependant que, dans quelques circonstances, on en rencontre de beaucoup plus volumineux. » (A. Railliet.) La forme de la vésicule ladrique du bœuf est sphérique ou globuleuse, d'après les observations de Leuckart et de M. Saint-Cyr. Lorsque cette vésicule existe depuis longtemps, elle est elliptique, mais d'une manière toujours moins prononcée que chez le porc.
Le Cysticerque du bœuf présente, comme celui du porc, une tache blanche que l'on voit par transparence des parois de la vésicule. Cette tache représente la tête et le cou du parasite, renfermés dans une véritable invagination, qui leur sert en quelque sorte d'abri.
Les parois de la vésicule ladrique peuvent être infiltrées de grains calcaires. C'est ainsi que sur une génisse, abattue deux cent vingt-quatre jours après l'ingestion de proglottis, M. SaintCyr trouva deux Cysticerques sous la muqueuse linguale et neuf dans les parois du cœur, la plupart dans un état de calcification avancée.
Étiologie. — Plusieurs expériences — quinze environ — faites par des savants français et étrangers, démontrent que l'ingestion des proglottis du Taenia saginata déterminent la Ladrerie chez le veau, et les recherches anatomiques prouvent que l'helminthe qui se trouve dans la vésicule ladrique du boeuf, parvenue à son complet développement, n'est autre chose que le scolex du Tsenia saginata; qu'en d'autres termes, cette vésicule est le Cysticerque du ténia inerme.
Or, les observations de Davaine ont démontré que les œufs qui s'échappent des proglottis que l'homme expulse au moment de la défécation, peuvent se conserver pendant quinze mois dans de l'eau plus ou moins pure, sans perdre de leur vitalité. On conçoit dès lors que la maladie se propage par la dispersion des excréments humains, dans les chemins, dans les prairies, dans les ruisseaux ou cours d'eau, sur les bords desquels des latrines sont établies, comme cela se voit trop souvent. Les œufs que ces
excréments renferment résistent à la sécheresse et à l'humidité, au froid et à la chaleur; ils sont entraînés par les eaux pluviales ou par un courant d'eau quelconque, et disséminés ainsi sur 1 herbe des prairies, dans les mares ou autres abreuvoirs; finalement, ils sont avalés par les ruminants qui paissent dans ces pâturages infectés, ou qui vont se désaltérer dans des cours d'eau, en aval des points où se trouvent établis des cabinets d'aisance.
Dès que les œufs du ténia inerme sont arrivés dans le tube digestif des ruminants, ces animaux se trouvent dans des conditions semblables à celle des sujets d'expérience, c'est-à-dire que la coque des œufs est dissoute par le suc gastrique et qu'il en sort un embryon ou proscolex qui se fraye un chemin à travers les parois intestinales et gagne les divers organes de l'économie. « Au bout de quelque temps, on trouve, au point où s'est arrèté l 'embryon, une vésicule qui s'est développée d'après un mode encore peu connu, et qui marque la deuxième phase du développement de l'helminthe : c'est le deutoscolex ou Cysticerque. Cet helminthe vésiculaire est enkysté dans le tissu qui le renferme, la membrane fibreuse qui forme la paroi du kyste étant constituée par des couches conjonctives condensées appartenant à ce tissu. » (A. Railliet.) Cette vésicule se développe peu à peu, une tache blanche apparaît sur sa paroi; elle s'accuse de plus en plus et finalement on constate qu'elle est formée par la tête et le cou du Tænia saginata. En cet état, si elle peut pénétrer dans le tube digestif de l'homme, comme cela arrive quand on mange de la viande saignante provenant d'une bête bovine atteinte de Ladrerie, 1 helminthe qu'elle renferme, et qui était againe jusqu'alors, se développe de plus en plus; il prend les caractères d'un être sexué, et produit bientôt par gemmation des segments plus ou moins nombreux, dont l'ensemble constitue le strobile ou corps du ténia, qui peut atteindre ainsi plusieurs mètres de longueur.
Pronostic. Considérée comme maladie spéciale de l'espèce bovine, la Ladrerie n offre aucune gravité, car elle n'altère point, d une manière sensible, la santé des bêtes qui en sont atteintes. Il en est autrement au point de vue de l'hygiène, puisqu'il est parfaitement démontré que le Cysticerque du bœuf engendre le ténia inerme, c 'est-à-dire un ver rubanaire qui, par sa grande longueur et la facilité avec laquelle ses proglottis se détachent, irrite violemment la muqueuse de l'intestin et donne lieu ainsi à des accidents dangereux.
Traitement. — Il est exclusivement préventif, car on ne doit accorder aucune confiance aux prétendus effets curatifs de certains médicamenls internes ou externes réputés anthelmintiques en
raison de leur diffusibilité. Mais, en s'inspirant de la cause de la maladie dont il s'agit, on peut en déduire un traitement préventif rationnel et efficace.
On conçoit, en effet, que les mesures de propreté, l'établissement de lieux d'aisances dans d'autres points que sur les rives des cours d'eau, la destruction des matières excrémentitielles de l'homme préviendraient le développement de la Ladrerie chez le bœuf. Mais ces mesures ne laissent pas que d'être d'une application difficile, au moins dans les campagnes; d'ailleurs, il suffit d'indiquer les précautions à prendre pour éviter la transmission du parasite à l'homme, afin de préserver également les animaux, puisque ceux-ci ne s'infectent qu'en avalant des œufs de ténia expulsés par l'homme.
Le premier moyen à employer consiste dans l'inspection des viandes de boucherie. Malheureusement, cette inspection ne se fait guère que dans les villes, et l'on devine aisément que les bêtes abattues dans les campagnes, sans aucun contrôle, contribuent à l'entretien et à la propagation du ténia inerme. L'inspection générale des viandes de boucherie est d'autant plus nécessaire et importante que l'usage de la viande crue est considéré, par les médecins, comme l'un des meilleurs moyens de combattre l'anémie et de relever les forces.
Le second moyen préventif consiste dans la cuisson de la viande. D'après des observations de Cobbold, il est permis de penser qu'une température de 60° C. suffit pour tuer le Cysticerque du bœuf; quelques auteurs ont avancé qu'une température de 80° C. était nécessaire. — Or, lorsqu'on fait bouillir pendant plusieurs heures un morceau de viande dans de l'eau, cette température de 6uo à 80° peut être assez facilement atteinte et même dépassée. Mais la cuisson de la viande par rôtissage ne doit pas inspirer la mème confiance, car les expériences de Lewis, Vallin, etc., démontrent que la température intérieure des viandes rôties, alors même que la couche superficielle est carbonisée, n'atteint pas 55 degrés. En cet état, la viande est encore saignante au centre du morceau. Lorsque la cuisson est tout à fait complète, la viande présente alors, dans ses couches centrales, un aspect gris rosé que tout le monde connaît. Toutefois, même dans ce cas, la température intérieure du morceau de viande rôtie ne dépasserait pas 70°, d'après les recherches de Lewis. Dès lors, l'helminthe peut ne pas être détruit et la viande conserve ainsi ses propriétés infectantes.
Donc, le moyen préventif par excellence de la Ladrerie bovine et du ténia inerme consiste dans l'inspection des viandes livrées à la consommation.
CHAPITRE III
MALADIES DES ARTICULATIONS.
[Les Articulations peuvent être le siège de diverses maladies qui attaquent soit isolément, soit simultanément, leurs parties constituantes. Ces maladies sont principalement, outre les distensions, les rhumatismes que nous avons précédemment étudiés : les diverses formes d'inflammation; les Tumeurs synoviales ou Hydarthroses ; les Luxations.]
ARTICLE 1
PLAIES DES ARTICULATIONS.
[Les Plaies des articulations sont simples ou pénétrantes. Il n'y a pas lieu de s'occuper des premières qui n'ont pas beaucoup de gravité. Les Plaies pénétrantes s'observent quelquefois chez nos grands ruminants; mais elles ne sont pas aussi fréquentes sur eux que sur les solipèdes, surtout aux articulations supérieures des membres.
[Ces Plaies sont produites ordinairement par des corps vulnérants ou contondants, par des instruments de labourage, par les pointes de la herse, les pointes de la charrue, ou bien par des fourches, des tridents droits ou recourbés sur lesquels les animaux mettent les pieds dans les étables, ou avec lesquels on les maltraite parfois.
[Quand la lésion est primitive, récente, elle ressemble aux Plaies ordinaires; elle est droite ou sinueuse, large ou étroite, suivant le degré d'écartement de ses bords ; mais de plus elle laisse échapper un liquide visqueux et jaunâtre : la synovie, qui forme dans la Plaie des caillots albumineux, mous et blanchâtres. Puis la douleur, très peu intense d'abord, devient extrêmement vive; un engorgement très chaud et très douloureux envahit toute l'articulation. Les mouvements de la région sont pénibles, difficiles, et si la blessure existe sur l'une des extrémités, la claudication est très prononcée, l'appui très douloureux ou impossible.
[De la Plaie, transformée souvent en une fistule remplie de fongosités molles, s'écoule le liquide synovial, qui, de jaune et transparent, devient grisâtre, purulent, augmente en quantité et répand au bout d'un jour ou deux, surtout pendant les temps
chauds, une odeur fétide caractéristique; il se dépose à la surface des pansements sous forme de gros caillots jaunâtres, mollasses, infiltrés d'une abondante quantité de liquides séreux, qui s'en échappent par la pression.
[Ces différents symptômes sont l'indice d'une vive inflammation de la synoviale et des autres parties de l'articulation. Quand ils se prolongent, ils peuvent occasionner des accidents plus graves : le gonflement des extrémités articulaires des os, la suppuration des synoviales, l'altération de la synovie et son épanchement Jans les tissus, la formation d'abcès autour de la jointure, l'érosion des cartilages, l'inflammation des gaines voisines, l'ankylose.
[L'inflammation locale, arrivée à ce degré d'intensité, provoque une réaction vive, la fièvre et l'apparition d'autres symptômes généraux, tels que la perte de l'appétit, l'inrumination. Une vache pleine de six mois a avorté, sans autre cause que la réaction fébrile d'une intensité extrême, résultant d'une Plaie articulaire du boulet faite par la pointe d'une herse.
[Pour établir le pronostic des Plaies articulaires, il faut considérer l'état de ces Plaies et la destination des animaux. S'ils sont en bon état, et que la Plaie soit très profonde, qu'elle puisse faire maigrir l'animal en peu de temps, on le sacrifie pour la boucherie. Il faut d'ailleurs tenir compte de la perte de temps et de travail, et les Plaies par piqûres, par exemple, ont presque toujours une longue durée quand on n'a pu en obtenir la résolution promptement au moyen des réfrigérants ou d'applications vésicantes.]
Traitement. — [Les réfrigérants, qui consistent soit en affusions d'eau froide continuées pendant plusieurs heures, soit en bains dans l'eau stagnanle ou courante, sont d'une grande efficacité, même quand les Plaies sont larges et profondes.
[Le tannin, appliqué sur les Plaies des articulations qui ne sont ni très larges, ni très profondes, coagule parfaitement la synovie, et souvent on obtient, par ce moyen, la guérison prompte d'une plaie récente par piqûres.
[Mais le moyen qu'il faut préférer à tous les autres, c'est l'emploi des vésicants dans tous les cas de Plaies par piqûre et dans tous ceux où les Plaies larges et profondes commencent à se resserrer.]
ARTICLE II
ARTHRITE.
[L'Arthrite proprement dite est une maladie que l'on n'observe guère que sur les veaux dès les premiers jours de la naissance, et
tout porte à croire que cette affection est congénitale chez ces jeunes animaux.
[On la reconnaît aux symptômes suivants : engorgements douloureux des articulations, difficulté pour les animaux de se tenir sur leurs membres, de marcher; agitation du flanc, maigreur excessive, diarrhée, refus de prendre le trayon.
[Darreau, qui a observé la même maladie sur les poulains, conseille de la combattre par l'administration, de deux heures en deux heures, pendant plusieurs jours, de 80 à 100 grammes de sulfate de soude, rendu plus actif par l'addition de 6 à 8 grammes d'aloès. Il assure que si l'Arthrite n'est pas ancienne, elle guérit assez facilement sous l'influence de cette médication, dont le résultat est une purgation prolongée.
[Ce moyen pourraît être également employé chez les veaux, mais le plus souvent, les propriétaires préfèrent vendre immédiatement ces animaux plutôt que de courir les chances d'un traitement incertain.]
ARTICLE III
HYDARTHROSE.
[L'Hydarthrose est une accumulation de synovie qui distend les membranes articulaires et, augmentant le volume de l'articulation, lui donne une forme bosselée. Gourdon dit : « Les tumeurs synoviales ou Hydarthroses sont le résultat du développement anormal de petits appareils membraniformes, clos de toutes parts, et remplis d'une humeur onctueuse, que l'on connaît sous le nom de capsules synoviales, et qui sont interposés entre les parties mobiles pour en faciliter le glissement. Suivant la nature des parties avec lesquelles elles sont en rapport, on les appelles synoviales tendineuses et synoviales articulaires (1). »
[Les tumeurs portent le nom de mollettes, quand elles sont situées à la partie postérieure du boulet ; de vessigons, quand elles sont au jarret. Le vessigon est simple, s'il n'existe que d'un seul côté; il est chevillé, s'il est double ou s'il apparaît des deux côtés; il est soulflé, s'il s'étend sur la corde du jarret.
[Le vessigon se déclare souvent sur le bœuf atteint de rhumatisme, mais il est le plus souvent le résultat d'une distension ou d'une piqûre.
[IL se présente sous la forme d'une tumeur molle très douloureuse et donnant lieu à la claudication, quand elle est récente,
(1) Éléments de chirurgie, t. II, p. 150.
mais indolente si elle est de date ancienne. Elle se développe brusquement, quand elle a pour cause une distension violente ou une piqûre, et très lentement, quand c'est la fatigue continuelle qui l'a occasionnée. Les bœufs de travail dont les jarrets sont droits sont très souvent affectés de vessigons, qui ne donnent point lieu à la claudication.
[Un vessigon dur, très douloureux, apparaît souvent à la pointe du jarret du bœuf à la suite d'une piqûre de l'aiguillon.
[Un seul moyen de traitement convient pour combattre l'Hydarthrose chez les animaux de l'espèce bovine, c'est l'application successive de vésicants. Après une de ces applications, on laisse tomber les croûtes qui en résultent, et si la résolution n'a pas lieu complètement, on fait une nouvelle application, que l'on renouvelle jusqu'à ce que le résultat soit décisif, à moins que l'animal ne soit mis au régime de l'engraissement.]
Une ou deux frictions avec la pommade simple de bichromate de potasse (v. p. 2) produisent également de bons effets.
La cautérisation en pointes fines et pénétrantes nous paraît devoir être recommandée, en raison des bons résultats que l'on en obtient chez les animaux de l'espèce chevaline, dans le cas d'hydarthrose. Les règles à observer, pour pratiquer celte opération, sont d'ailleurs les mêmes chez le bœuf que chez le cheval; toutefois il est bon de faire remarquer que par suite de l'épaisseur et de la dureté de la peau chez les bœufs de travail, on doit commencer l'opération au moyen du cautère olivaire ordinaire, afin de faciliter le passage du cautère à aiguille. On aura le soin de laisser, entre chaque pointe de feu, un intervalle de deux à trois centimètres et de faire pénétrer l'aiguille, chauffée au rouge, dans la cavité synoviale elle-même, une fois ou deux, suivant le plus ou moins d'ancienneté du mal. L'animal opéré sera laissé en repos pendant une quinzaine de jours environ.
CHAPITRE IV
LUXATIONS.
[La Luxation est un changement permanent et plus ou moins considérable, survenu dans les rapports naturels des surfaces articulaires des os unis par diarthrose.
[Il y en a de congénitales, de spontanées graduelles ou progressives, et d'accidentelles ou traumatiques.
[On observe les Luxations congénitales sur des veaux qui viennent de naître et que l'on sacrifie sans essayer aucun traitement, à moins que les Luxations ne soient peu apparentes, comme celles de la rotule.
[Les Luxations les plus ordinaires sur les bêtes bovines, sont : Il la Luxation de la rotule, congénitale ou accidentelle; 2° la Luxation de l'articulation coxo-fémorale; 3° la Luxation de l'articulation scapulo-humérale.]
ARTICLE 1
LUXATION DE LA ROTULE.
[Cette Luxation est commune sur les animaux de l'espèce bovine. Son caractère principal est d'être momentanée, incomplète, et de pouvoir souvent être réduite, comme elle se produit, par l'effet des seules contractions musculaires. La rotule se déplace au moment de l'extension du membre, et reprend sa position par l'effet de la flexion seulement. Les bœufs atteints de ce déplacement rotulien sont dits crampeux ou gal'arnpons.]
Causes. — [Le jeune âge, la mollesse des tissus, le relâchement des ligaments qui doivent maintenir la rotule dans sa position normale, l'aplatissement excessif de la cuisse prédisposent à cet accident.
[Les causes occasionnelles sont des tiraillements violents, des coups portés sur l'articulation. La Luxation de la rotule est quelquefois le résultat d'un coup de tête ou de corne reçu pendant une de ces luttes auxquelles se livrent entre eux les animaux de l'espèce bovine. Dans ce cas, la Luxation est accidentelle; mais si elle a lieu sans cause connue, si elle est spontanée, il est probable qu'elle résulte simplement d'un défaut de conformation.] Symptômes. — [La luxation de la rotule a lieu toujours en dehors, la disposition des condyles du fémur ne permettant pas qu'elle puisse avoir lieu en dedans. La rotule est donc portée en haut et en dehors de sa position normale, et aussitôt la flexion du membre est suspendue; ce membre est roide, et si la locomotion se fait par les trois membres restés libres dans leurs mouvements, il est traîné. Quand la Luxation est incomplète,.il est rare que le boulet soit fléchi, et alors le pied reprend sa position normale; mais si elle est complète, les onglons sont relevés, le boulet est porté en arrière et rase le sol.
[C'est ainsi que cela s'observe lorsque la Luxation est accidentelle et récente; mais si elle est spontanée et ancienne (on en voit
qui sont congénitales), le déplacement de la rotule est spontané et la réduction l'est également. Au moment où le bœuf se met en marche, le membre sur lequel a lieu la Luxation opère son mouvement de flexion après un temps d'arrêt très apparent, suivi d'une flexion saccadée accompagnée d'un craquement brusque et très appréciable. Ce déplacement a lieu, selon toutes les apparences, pendant le repos, et ce qui semble le prouver, c'est que la réduction s'opère par la flexion saccadée dont j'ai parlé, et que, si après deux ou trois craquements le bœuf continue de marcher, la Luxation et la réduction ne se reproduisent plus qu'après un temps de repos, et, dans ce cas, elle a lieu à l'étable. On la constate lorsque l'animal, qui était couché, se lève et qu'il exécute le mouvement de pandiculation ; s'il est sur ses membres et en repos complet, le craquement se fait entendre quand on le pousse à droite ou à gauche.
[Les cultivateurs qui ont amené en foire des bœufs sujets à cet accident ne leur laissent aucun moment de repos tant qu'ils se croient en présence d'un acheteur.]
Marche. Durée. Terminaison. — [La Luxation accidentelle se manifeste subitement; la Luxation spontanée également. La première peut ne pas avoir une longue durée si elle est réduite sans trop de retard; la Luxation spontanée peut durer pendant des années, et cela est facile à concevoir : le cultivateur, voyant que son bœuf n'éprouve de la gêne pour se mouvoir que pendant quelques secondes ou quelques minutes au moment où il se met en marche, et qu'il peut ensuite travailler pendant des heures entières sans donner aucun signe de gène dans sa marche ou de claudication, se résigne à le garder aussi longtemps qu'il croit pouvoir s'en servir, et quelquefois jusqu'au moment de l'engraisser. A cela, il n'y a même pas de grands inconvénients. Cependant, il peut arriver qu'à la suite de ces luxations spontanées qui se produisent après chaque temps de repos, on remarque un peu de gêne dans les mouvements de locomotion, et l'articulation devient quelquefois le siège d'un engorgement qui se développe d'abord très lentement, finit par occuper toute l'articulation et occasionne une claudication continue, dont l'intensité augmente journellement, tandis que la cuisse s'amaigrit et que l'animal perd l'appétit, reste plus longtemps couché, et n'appuie son pied sur le sol que très imparfaitement. Alors il n'y a plus de craquement, par conséquent plus de Luxation spontanée ; mais on a une arthrite chronique d'une incurabilité avérée, et la douleur qu'elle occasionne empêche l'animal de s'engraisser.
[Sur beaucoup de sujets, la Luxation spontanée de la rotule a cette terminaison.]
Diagnostic. Pronostic. — [Deux symptômes très caractéristiques font reconnaître l'existence de la Luxation de la rotule : la roidëur du membre et la position que la rotule prend en haut et en dehors de l'articulation fémoro-tibiale. Il n'y a pas à s'y tromper, surtout quand on a bien observé les symptômes du déplacement de l'ischio -tibial et ceux de la Luxation dont je viens de parler. Dans le cas de déplacement de ce muscle, le tiraillement de cet organe est très apparent, et cela suffit pour fixer le diagnostic. Quant au pronostic, il n'est point fâcheux s'il s'agit de la Luxation accidentelle et si on a pu en opérer la réduction sans beaucoup de retard; lorsque la Luxation est congénitale, il est grave, et il est assez favorable lorsque la Luxation spontanée a été réduite et maintenue pendant quelque temps.]
Traitement. —[Pour réduire facilement la Luxation de la rotule, l'indication essentielle à remplir est d'amener à l'état de relâchement les parties tendineuses et ligamenteuses qui assujettissent naturellement la rotule; ces parties sont : supérieurement, des tendons appartenant à des muscles placés à la face antérieure du fémur; et intérieurement, des ligaments qui ont leur origine au tibia.
[Pour produire le relâchement de ces parties, il faut redresser le coude formé par le fémur et le tibia. A cet effet, on fixe une plate-longe dans le pli du paturon, on la fait passer par-dessus le garrot, on porte le membre en avant, on maintient autant que possible le boulet à la hauteur du coude; on réduit alors la Luxation en poussant vivement la rotule dans la trochlée : le membre reprend aussitôt la liberté de ses mouvements.
[Je n'emploie pas toujours la plate longe de cette manière ; je me borne à la passer dans le boulet. Un aide tire fortement et vivement le membre en avant, tandis qu'avec la main droite ou gauche, suivant les circonstances, je refoule la rotule vers la trochlée. Après cela, je fais attacher court les animaux à l'étable ; je les mets dans l'impossibilité de se coucher, et j'applique sur l'articulation un vésicatoire dont l'effet puisse être très prompt. Une couche de pommade stibiée étendue sur la peau, après avoir coupé le poil, suffit pour produire un engorgement qui maintient la rotule plus sûrement et plus commodément qu'un bandage, et cet engorgement modifie l'état des parties sous-jacentes, de telle manière que la Luxation ne se reproduit point, surtout quand elle a été spontanée.
[Quand la Luxation de la rotule est congénitale, on parvient à la guérir assez souvent, en maintenant pendant un certain temps un emplâtre de poix sur l'articulation, surtout si l'on met ce traitement en pratique dans les premiers jours qui suivent la nais-
sance et si le jeune animal est nourri de manière à se développer dans de bonnes conditions de santé. On rencontre sur les marchés des bœufs qui portent des traces évidentes d'applications vésicantes sur les deux articulations fémoro-tibiales, et qui font néanmoins un très bon service, sans que jamais on ait eu à remarquer sur eux les moindres signes de Luxation momentanée de la rotule.
[Ce sont des observations de ce genre qui m'ont donné l'idée de traiter la Luxation congénitale par l'application d'un emplâtre de poix noire.
[J'ai dit par quels moyens je parvenais à réduire les luxations de la rotule : mais je dois faire connaître également un procédé très ingénieux, employé par Bénard, pour la réduction de la Luxation de la rotule sur les jeunes poulains. Le procédé est ainsi décrit dans le Dictionnaire d'Hurtrel d'Arboval :
« Bénard, qui a publié un mémoire très intéressant sur les maladies des poulains, met en usage des moyens simples pour réduire la Luxation de la rotule. D'abord, il prépare un bandage composé d'une bande de toile neuve très forte, ourlée sur ses deux bords, longue de 1 mètre 3 décimètres, large de 13 centimètres et demi à 16 centimètres un quart dans son milieu, et rétrécie graduellement de manière à ne plus conserver que 4 centimètres de large à ses extrémités. 11 pratique sur le milieu de cette bande une incision transversale, dont les bords doivent aussi être ourlés. Une autre incision est faite sur l'un des chefs, à 22 centimètres de la première, mais selon la largeur de la, bande. Sur l'incision transversale, il fait coudre, par les extrémités seulement qui correspondent au bord de la bande principale, un morceau de la même toile, long de 19 centimètres à 21 centimètres et demi, large de 54 millimètres, et constituant une espèce de passant. »
[Ce bandage ainsi préparé, Bénard procède à la réduction. Le poulain maintenu debout, un aide le tient fortement à la tête, tandis qu'un autre aide porte le membre malade en avant, tendant le jarret et la jambe sur la cuisse : la réduction est alors très facile à opérer : il suffit de placer le pouce en arrière de la rotule et de la refouler en avant. La rotule étant en place, on enduit la peau qui la recouvre et celle des environs d'une forte couche de térébenthine, et l'on applique le bandage par-dessus, en plaçant l'éminence que forme la rotule dans l'incision transversale de la bande; puis, reportant les deux chefs en arrière, on fait passer celui qui est entier dans l'incision longitudinale de l'autre; les ramenant en avant, on les passe dans l'anse de toile, d'abord à la partie supérieure; retournant en arrière, on les ramène de nouveau en avant, où on les fixe par un double nœud à la partie
inférieure de l'anse transversale déjà décrite en parlant du bandage.
[Ce bandage doit être fortement serré de manière cependant à ne pas interrompre la circulation. Il est nécessaire qu'il reste en place pendant une quinzaine de jours. On peut, dans ce laps de temps, le desserrer plusieurs fois et le resserrer de nouveau. On fait au-dessous du bandage quelques frictions irritantes. Ce dernier moyen, en déterminant la tuméfaction des parties, contribue singulièremeut à affermir l'articulation, qui paraît avoir été luxée surtout à cause du relâchement des ligaments qui entourent l'articulation fémoro-rotulienne.
[Ce bandage me semble devoir être employé avec avantage, dans la Luxation congénitale.]
Jusque dans ces derniers temps, on croyait, en France tout au moins, que la luxation de la rotule résultait du déplacement de cet os en dehors de la trochlée fémorale. Mais les observations très judicieuses de M. Chuchu établissent péremptoirement que cet accident « n'esl autre chose que le résultat d'un arrêt momentané de la rotule sur l'entablement supérieur de la trochlée fémorale ». — Si la luxation rotulienne consistait — comme on l'admettait autrefois, sans avoir suffisamment réfléchi — en un déplacement de la rotule tel que cet os viendrait se placer, en quelque sorte, à cheval sur le condyle externe du fémur, un pareil fait ne se pourrait produire que par la rupture de l'appareil ligamenteux très puissant, qui prolonge en dedans la surface de glissement de la rotule en formant une sorte de gorge dans laquelle s'emboîte très exactement le rebord du condyle interne. — Or il est facile de concevoir qu'un accident de cette nature s'accompagnerait d'une douleur vive et persistante, tandis que le déplacement rotulien, désigné improprement sous le nom de luxation, est essentiellement caractérisé par une claudication intermittente, sans douleur locale appréciable. Il faut donc voir, dans cette prétendue luxation, « un arrêt momentané de la rotule sur l'entablement supérieur de la poulie fémorale, arrêt que contribue à maintenir l'encastrement, dans l'échancrure profonde du bord supérieur dela trochlée fémorale, d'une sorte d'angle saillant par lequel se termine vers son bord inférieur, le relief médian de la surface rotulienne. Comme cette échancrure où s'acc7'oche, pour ainsi dire, accidentellement la rotule est plus rapprochée de la lèvre externe de la poulie que de l'interne, on s'explique le relief que cet os fait sous la peau quand il est maintenu dans cette situation et comment ce symptôme a pu donner l'idée d'un déplacement véritable » (H. Bouley et Nocard). En outre M. Bassi (de Turin) a fait remarquer que : « quand la rotule a franchi le renflement qui termine en haut la lèvre interne de la trochlée fémorale, elle y reste
comme accrochée non seulement à cause de la disposition anatomique des parties, mais encore en raison de ce fait que la tension des ligaments tibio-rotuliens, déjà considérable, doit encore augmenter au moment où la rotule contourne la partie la plus saillante de l'épaulement pour reprendre sa position normale. La constatation de ce fait a conduit M. Ba.ssi à préconiser une opétion très simple qui consiste dans la section sous-cutanée du ligament rotulien interne dont l'extrême tension est le principal obstacle qui s'oppose au retour de la rotule en sa position normale » (1). Or, on a vu précédemment que la luxation rotulienne ou mieux la crampe est un accident qui présente parfois une gravité réelle en raison de la persistance avec laquelle il se reproduit. Il constitue alors une véritable infirmité, que l'on peut cependant faire disparaître en ayant recours à la section sous-cutanée du ligament tibio-rotulien interne.
ARTICLE II
LUXATION DE L'ARTICULATION COXO-FÉMORALE.
[Dans le déplacement du muscle ischio-tibial externe, le tiraillement qu'éprouve ce muscle peut donner lieu à la Luxation de l'articulation coxo-fémorale. Cette Luxation est observée assez souvent sur les animaux de l'espèce bovine. On distingue la Luxation complète et la Luxation incomplète. Cette dernière, beaucoup plus commune qu'on ne pense, est quelquefois spontanée; d'autres fois, elle a lieu progressivement par l'effet du relâchement du ligament inter-articulaire.]
Causes. — [Les bœufs à la croupe allongée et plate, formée de muscles peu volumineux, éprouvent cet accident plus souvent que ceux dont la croupe est amplement recouverte de muscles volumineux. La maigreur est une des causes prédisposantes les plus fréquentes. La luxation spontanée tient aux mêmes causes occasionnelles que la Luxation de la rotule. Il en est de mème de la Luxation progressive. J'ai observé cette dernière très souvent.]
Symptômes. — [Quand la Luxation de l'articulation coxo-fémorale a lieu, la tête du fémur est sortie de la cavité cotyloïde et portée en arrière; le membre est raccourci, engorgé vers la partie où se trouve la tête du fémur; la claudication très forte; l'appui sur le sol à peine apparent, et à chaque mouvement de locomotion exécuté par les membres sains, le membre vacille dès que
(1 ) Dictionnaire de médecine et de chirurgie vétérinaires, t. XII, art. Luxation, p. 142.
la pince du pied touche le sol, absolument comme si l'animal, après ce semblant d'appui, retirait son membre pour échapper à la douleur qu'il éprouve.
[Quand la Luxation est incomplète, on distingue très bien la tête du fémur se mouvant sur le bord de la partie supérieure de la cavité cotyloïde; alors l'appui se fait sur le sol d'une manière plus apparente; cependant si l'on en juge par la physionomie de J'animal, par les mouvements saccadés de sa tête, toutes les fois qu'il essaye de marcher, il éprouve une forte douleur, il est essouflé et en sueur aussitôt qu'il a fait quelques pas.
[On voit des cas de Luxation progressive ne se manifester d'abord que par une légère claudication, par une gêne évidente dans l'articulation et par un peu d'engorgement, simple résultat d'une distension du ligament rond, laissant la tête du fémur se porter en dehors de la cavité cotyloïde, sans toutefois lui permettre un écartement considérable. J'avoue qu'il m'a fallu observer plusieurs fois cet état pathologique avant d'en venir à diagnostiquer de la sorte.
[Lorsqu'après avoir mis vainement en pratique tous les moyens connus pour faire cesser une claudication que j'attribuais uniquement à une distension du ligament rond, je conseillais en désespoir de cause d'engraisser l'animal, c'est pendant l'engraissement que je voyais la Luxation, d'abord incomplète et à peine sensible, devenir de plus en plus apparente, pour finir par être complète. C'est alors que je parvenais à me faire une idée juste du caractère de la maladie.]
diagnostic. ¡-rollostic. — [La saillie de la tête du fémur en arrière de la cavité cotyloïde, le raccourcissement du membre, son balancement au moment où l'animal cherche à faire son appui sur le sol, sont des symptômes d'une appréciation assez facile pour que le vétérinaire puisse diagnostiquer une Luxation.
[Cependant les premiers signes de la Luxation progressive peuvent laisser du doute dans l'esprit. Jusqu'au moment où la tête du fémur quitte le fond de la cavité cotyloïde, l'aggravation progressive de la claudication et les contractions du membre accompagnées de balancement sont les seuls caractères permettant d'établir le diagnostic de cette Luxation.
[Quant au pronostic, il est fâcheux dans le cas de Luxation complète, et un peu moins fâcheux, sans être favorable, quand la Luxation est progressive. Après la Luxation complète, le bœuf doit être immédiatement livré au boucher, et après la Luxation progressive, on doit prendre le même parti si l'animal est en bon état, ou essayer de le rétablir pour qu'il acquière un peu plus de valeur. Mais il souffre trop pour que l'engraissement soit completet on n'obtiendra jamais que trois quartiers passables : celui du mem-
bre luxé sera toujours maigre et ne fournira qu'une viande coriace.
[Toutes les tentatives que j'ai faites pour réduire la Luxation complète de l'articulation coxo-fémorale ont été infructueuses; il est vrai que la valeur que conserve encore pour la boucherie une bête bovine en assez bon état, dans le cas d'une Luxation de ce genre, ne m'a jamais permis de renouveler ces tentatives, l'intérêt des propriétaires s'y opposant].
ARTICLE III
LUXATION DE L'ARTICULATION SCAPULO-HUMÉRALE.
[Cette Luxation est très rare chez les animaux de l'espèce bovine. J'en ai fait seulement deux observations : l'une a eu pour objet un bœuf qui avait fait une chute dans un précipice; l'accident était compliqué d'une fracture de l'humérus et l'animal fut sacrifié. La seconde portait sur une vache qui fut également abattue : la Luxation était accompagnée de la fracture d'une cuisse.]
CHAPITRE V
MALADIES DU PIED.
Ces maladies sont moins nombreuses sur les bovidés que sur les équidés. La division du sabot en deux onglons amortit la violence des chocs et prévient ainsi les ébranlements douloureux des tissus intra- cornés; ; d'une part, la lenteur des allures du bœuf, la nature des travaux auxquels cet animal est soumis le préservent également de diverses maladies qui se déclarent dans le pied du cheval. Nous aurons donc à étudier seulement les contusions de la sole, la fourbure, les piqûres et la limace.
ARTICLE 1
CONTUSIONS DE LA SOLE.
Synonymie : Engravée, Sole battue, Foulure.
Fréquence. Causes. — Les grands ruminants dont l'ongle est tendre, surtout aux pieds postérieurs, présenteraient fréquem-
ment des Contusions de la sole, s ils n'étaient point ferrés et qu'on les fit habituellement marcher sur des chemins durs et caillouteux. En fait, cet accident se produit toutes les fois que les bœufs ou les vaches qui servent aux charrois se déferrent, et que les propriétaires, par une économie mal entendue, attendent trop longtemps pour les fair e ferrer. C est à tort qu 'on lui a donné le nom de Bleime, que l'usage a réservé pour désigner une meurtrissure des talons du cheval, située à l'extrême bout des branches de la sole, dans le pli des arcs-boutants. L'expression de Foulure, qui ne préjuge rien sur le siège du mal dans la plaque solaire, convient mieux; celle d'Engl'avée a l'avantage de rappeler la cause la plus fréquente de l'accident, c'est-à-dire les contusions de la sole produites par des graviers qui s'enchâssent pour ainsi dire sous les onglons et y restent fixés.
L aplatissement d'un fer à moitié usé qui porte sur la sole, et le travail sur un sol argileux qui se durcit comme le roc sous l'action de la chaleur et de la sécheresse, meurtrissent aussi la sole. Il est à remarquer que les Contusions de la sole s'observent plus souvent sur les pieds postérieurs que sur les pieds antérieurs, dont la corne est moins molle.
Symptômes. — Boiterie d'abord légère, qui augmente de plus en plus par la marche. Au repos, l animal reste presque constamment couché. S 'il est debout, il piétine de temps à autre; un seul ou les deux onglons du membre boiteux sont chauds et douloureux.
Pour établir le diagnostic, il faut placer l'animal dans le travail ou bien, à défaut, l'attacher solidement à un poteau ou à la mangeoire, et soulever le membre boiteux au moyen d'une platelonge. Mais ce dernier moyen d'assujettissement ne permet pas d explorer complètement le pied malade, et comme, dans les ateliers de maréchalerie des plus petits villages et même dans beaucoup de fermes, ou a établi des travails, on fera toujours bien d assujettir l animal boiteux dans un de ces appareils. Cela fait, on pare légèrement la sole, au moyen du boutoir ou de la feuille de sauge double. Si l accident est récent, on découvre une rougeur plus ou moins étendue, sorte d'ecchymose intracornée de teinte rouge ou rouge brun entourée parfois d'une zone jaunâtre. La moindre pression avec le mors des tricoises ou simplement avec le pouce provoque de la douleur; la corne est molle et comme infiltrée de sérosité à la périphérie de la tache ecchymotique. Le siège de cette tache varie : tantôt elle occupe le milieu de la sole de l'un des onglons, l'interne de préférence, tantôt le talon ; parfois elle se montre sur les deux onglons.
Si l'on ne remédie pas à cet état de choses, du pus se forme et
s'accumule entre la plaque solaire et le tissu velouté, qu'il mortifie par la compression incessante et de plus en plus forte qu'il exerce. Quand il en est ainsi, le pus jaillit quelquefois au premier coup de boutoir que l'on donne pour blanchir la sole; il est de couleur noire ou grisâtre et d'odeur infecte. On peut constater alors qu'il s'est creusé une sorte de galerie en décollant la sole sur une étendue plus ou moins considérable ; il peut même arriver, lorsque l'accident est ancien et qu'il a été négligé, que le pus se soit frayé une issue vers le talon, notamment du côté interne. D'autres fois, il a pénétré dans les cannelures podophylleuses et désengrené la muraille sur une certaine étendue. Même ces décollements peuvent être tels que la chule de l'onglon s'ensuive, et qu'elle soit accompagnée de nécrose ou de carie de la phalange unguéale. Mais ceci ne se voit que dans les cas extrêmes, et lorsque des propriétaires négligents ne se préoccupent point de la boiterie dont leurs bêtes sont affectées ou bien lorsque le siège du mal a été méconnu et que l'on a frictionné le boulet, le jarret ou toute autre articulation.
Pronostic. — Sa gravité varie nécessairement suivant les complications qui se sont déclarées, l'époque à laquelle remonte l'accident. et le traitement employé. L'accident est-il récent et consistet-il en une ecchymose intracornée avec simple infiltration séreuse périphérique ? Le pronostic est peu grave : l'amincissement, une ferrure convenable et quelques jours de repos suffisent pour obtenir la guérison. On conçoit qu'il en est tout autrement lorsque l'accident est ancien et qu'il s'accompagne de suppuration, de gangrène du tissu kéralogène et de carie de la phalange unguéale. Dans ce cas, un repos prolongé est nécessaire, et quelquefois même, il est plus avantageux de livrer l'animal à la boucherie que d'attendre qu'il ait récupéré la liberté d'allures nécessaire pour le labour ou les charrois.
Traitement. —Au début, amincir la corne solaire sur la partie foulée et au pourtour, l'enduire de térébenthine ou d'onguent de pied au goudron; appliquer un fer convenablement ajusté, ne portant pas sur la sole; laisser l'animal en repos pendant quelques jours : telle est la marche à suivre pour obtenir rapidement la guérison de la sole battue ou foulée. S'il y a du pus, lui ouvrir une issue au moyen du boutoir ou de la rénette; mais il n'est pas nécessaire, il serait même nuisible d'enlever toutes les parties décollées ; la guérison serait retardée. Il suffit, dans la plupart des cas, de frayer au pus un passage en creusant une petite cavité infundibuliforme que l'on garnit ensuite d'une boulette d étoupe imbibée d'essence de térébenthine. Lorsque l'intensité de la boiterie fait craindre quelque complication du côté du
tissu kératogène, on remplace l'essence de térébenthine par l'onguent égyptiac, pur ou additionné d'une petite quantité de sublimé corrosif. Le sulfate de cuivre en solution concentrée, dans la proportion de 30 grammes pour 150 grammes d'eau, convient parfaitement et peut être employé avec le plus grand avantage. Enfin, dans le cas de nécrose de la phalange unguéale, il est indiqué d'employer des préparations caustiques pour favoriser l'élimination de la partie mortifiée, telles que : onguent égyptiac au sublimé corrosif, dans la proportion d'une partie de bichlorure de mercure pour 5 parties d'onguent égyptiac ; d'autres fois, on saupoudre les parties altérées avec le sulfate de cuivre pulvérisé. Dans quelques cas, on rugine la phalange nécrosée afin d'obtenir une plaie simple, dont la guérison marche rapidement.
ARTICLE II
FOURBURE.
L'étude de la Fourbure du bœuf se place tout naturellement après celle des contusions de la sole ou Engravée, dont la Fourbure est souvent la suite. Ce n'est pas à dire cependant que cette maladie procède exclusivement de meurtrissures de la plaque solaire produite par la marche sur des chemins durs et pierreux ; la Fourbure, chez le bœuf comme chez le cheval, peut procéder d'une alimentation très abondante dans laquelle entre pour une large part la farine d'orge. Mon ancien condisciple Rossignol en a cité un exemple très remarquable, et moi-même, pendant que j'exerçais à Neuville-sur-Saône, j'ai eu l'occasion d'en observer un cas sur une vache laitière appartenant à un meunier, qui la gorgeait de son et de farine d'orge.
définition. — La Fourbure chez les bovidés comme chez les ■équidés consiste dans une congestion des tissus sous-ongulés susceptible d'amener le décollement et la chute de l'onglon, ou ibien des déformations plus ou moins prononcées dans la région ,du pied.
Causes. — Il y a lieu de tenir compte de l'influence de la nourriture dans le développement de la Fourbure chez les animaux de l'espèce bovine. Cette influence a été signalée, d'ailleurs, par Lafore (1). Les animaux, dit-il, qui reçoivent une nourriture trop excitante ou trop riche, ceux des races des vallées, des plaines, y sont, plus sujets que ceux qui reçoivent une nourriture moins
.(t) Traité des maladies particulières aux grands ruminants. 1843, p. 435.
substantielle, et qui appartiennent aux races des coteaux. Mais la cause la plus fréquente consiste dans des marches forcées sur des terrains rocailleux ou des routes empierrées, échauffées et rendues encore plus dures par un soleil ardent. Cette cause agit avec d'autant plus d'intensité que les animaux ont la corne plus molle par suite de leur séjour prolongé dans des pâturages humides ou sur le fumier pendant l'engraissement de pouture.
Symptômes. — La Fourbure peut se montrer sur deux membres d'un même bipède, postérieur ou antérieur ; elle est plus fréquente sur les pieds postérieurs ; dans quelques cas, elle se montre sur les quatre membres.
Pour établir le diagnostic avec précision, il faut examiner l'attitude de l'animal. Le plus souvent, quand le praticien arrive auprès du sujet malade, il le trouve couché, et ce n'est pas sans peine que l'on parvient à le faire lever : il faut le piquer très vivement avec l'aiguillon, ou bien l'exciter par les aboiements et même les attaques d'un chien. Quand la bête est debout, on peut reconnaître quels sont les membres affectés de Fourbure.
La Fourbure intéresse-t-elle les pieds postérieurs seulement? Les quatre membres sont alors rassemblés sous le corps et la colonne vertébrale voussée en contre-haut. Les onglons postérieurs sont brûlants.
Si la maladie s'est déclarée sur les pieds antérieurs, ils sont portés un peu en avant de leur ligne d'aplomb et ils ne touchent à terre que par la pointe des onglons. Dans cette localisation de la Fourbure, les pieds postérieurs sont engagés sous le centre de gravité et l'appui a lieu franchement par toute la surface plantaire.
Lorsque la Fourbure siège sur les quatre membres, ils sonl rassemblés jusqu'au contact, les pieds postérieurs appuient sur les talons et ceux du devant sur la pointe des onglons : la colonne vertébrale est fortement voussée en contre-haut. Ce n'est qu'avec les plus grandes difficultés que l'on parvient à faire marcher l'animal. Alors la respiration s'accélère et le facies exprime la plus vive douleur. La fièvre est intense; l'appétit est nul et si l'on ne se hâte de remédier à cet état de choses, l'animal maigrit à vue d'œil.
Marche. Durée. Terminaisons. — La résolution est la terminaison la plus ordinaire de la Fourbure du boeuf ; peu à peu les attitudes deviennent régulières et au bout de huit ou quinze jours, l'animal a récupéré en grande partie la liberté de ses mouvements. Un mois après, quand on pare les onglons, on trouve çà et là, principalement dans la région des talons, quelques taches sanguines qui sont en quelque sorte les derniers vestiges de la maladie.
Lorsque la Fourbure est très intense, elle peut déterminer, par-
fois en quelques heures, le désengrènement des tissus vifs d'avec la corne qui les revêt. Ordinairement, ce désengrènement s'opère d'une manière plus lente. Il est annoncé par une tuméfaction considérable depuis le boulet jusqu'au sabot, et le pourtour de la couronne forme une sorte de bourrelet saillant qui surplombe l'onglon. Au bout de deux ou trois jours, ce bourrelet reflète une teinte noire et l'on peut constater alors un commencement de désunion du biseau. D'ailleurs, ce décollement est encore indiqué par la dureté et la sécheresse de la corne et par le son creux qu'elle rend à la percussion. Puis un suintement de sérosité sanguinolente s'établit à l'origine de l'onglon, qui finit par se détacher. Pendant que ce décollement s'opère, les animaux éprouvent de vives souflrances ; ils restent constamment couchés, refusent toute nourriture et maigrissent avec une très grande rapidité.
Mais le désengrènement peut rester limité à la partie postérieure de la région plantaire. Dans ce cas, qui est le plus fréquent, on constate, après avoir blanchi la sole, une sorte de traînée rougeâtre entre la sole et la muraille, indice de l'exsudation sanguine dont les tissus ont été le siège ; parfois on remarque un suintement sanguinolent à la jonction de la sole et de la paroi, et, en creusant dans ce point, avec une rénette, on voit sourdre du pus noirâtre et fétide.
On a signalé comme terminaison de la Fourbure, chez le bœuf comme chez le cheval, la fourmilière et le croissant. Ces terminaisons sont rares.
Par contre, on observe assez fréquemment une tuméfaction persistante du boulet produite par une périostose. Cette complication, qui constitue ce que l'on appelle, dans le Midi, le pied gros, se montre quand la Fourbure s'est bornée à l'onglon du dedans. Dans ce cas, l'animal fait son appui exclusivement sur l'onglon du dehors et cette attitude fausse détermine probablement des tiraillements dans les ligaments du boulet, d'où le gonflement signalé ci-dessus.
Traitement. — Dans les vingt-quatre heures qui suivent l'apparition de la maladie, saignée abondante à la veine jugulaire de préférence à toutes autres, parce que la déplétion par cette voie est plus immédiate et plus complète. Entourer les onglons avec une étoupade et faire de fréquentes lotions d'eau fraîche. Si l'on ne peut employer ce moyen, enduire les pieds jusqu'aux boulets avec de la terre glaise, ou de la suie de cheminée délayée dans du vinaigre. A l'intérieur, on donnera 3 à 400 grammes de sulfate de soude, dissous dans 5 à 6 litres de tisane de graine de lin. Quelques frictions d'essence de térébenthine sur les membres produisent souvent une dérivation salutaire.
Si un onglon a été décollé, on enduit d'une couche de térébenthine ou de goudron les parties vives mises à nu et l'on recouvre le tout d'un pansement compressif. Ce n'est qu'au bout de 2 à 3 mois que la corne de nouvelle formation a acquis une consistance suffisante pour mettre le tissu kératogène à l'abri d'atteintes douloureuses. On devine qu'après ce laps de temps, l'onglon ne s'est point encore entièrement reproduit; cependant la couche de corne, qui recouvre les tissus vifs, est assez ferme pour que l'on puisse employer l'animal aux travaux des champs. D'ailleurs, on peut encore protéger le pied malade au moyen d'une bottine en cuir, bouclée dans le pâturon.
Lorsque le décollement est partiel et limité à la plaque solaire, il suffit de donner issue au pus, en pratiquant une ouverture dans la sole et de panser comme il a été dit pour les contusions de la sole (voir p. 48). On maintient ensuite le pansement au moyen du fer convenablement ajusté et la guérison ne se fait pas attendre.
Quand le pied est déformé par des exostoses et qu'il y a engorgement des couronnes ou du boulet accompagné de boiterie, la maladie est incurable, et il est plus avantageux d'engraisser l'animal le mieux possible que de le traiter.
ARTICLE III
PIQURES.
Causes. — Les Piqûres du pied des grands ruminants sont produites principalement par le soc de la charrue et cet accident porte, dans le Midi, le nom d'enreillure ou d'enraiement qui en rappelle la cause déterminante, attendu que le soc de l'araire est vulgairement appelé reille ou raye. La pointe du soc peut atteindre le pli du pâturon, les talons ou la sole. Les Piqûres ou blessures du pied peuvent être produites encore par le pinçon du fer appliqué sur l'onglon opposé, lorsque ce fer étant usé, se dévie. De même les corps aigus ou tranchants, clous, tessons, silex, peuvent pénétrer plus ou moins profondément dans le pied. Enfin on peut observer, chez les bovidés comme chez les équidés, des accidents de ferrure, notamment la piqûre et même l'enclouure.
Symptômes. — Boiterie plus ou moins forte suivant la profondeur de la piqûre et la nature des tissus lésés. Si la piqûre siège dans la partie antérieure ou moyenne de la région plantaire, non seulement le tissu réticulaire peut avoir été atteint, mais encore l'os du pied. Alors l'animal boite très fortement, parfois il effectue
le mouvement de harper comme le cheval affecté d'éparvin sec; on pourrait s'y méprendre, quand la claudication a son siège à un pied postérieur, si l'on s'en rapportait à un examen superficiel. Quand la piqûre a eu lieu en arrière des talons dans l'espace interdigité ou dans le pli du pâturon, il peut arriver que la boiterie ne survienne que plusieurs jours après l'accident. On constate alors un engorgement plus ou moins prononcé au paturon et l'existence d'une plaie fistuleuse fournissant une matière grisâtre ou blanchâtre, trouble, épaisse et odorante.
Les blessures qui siègent à la région plantaire peuvent s'accompagner de décollements. parfois étendus, lorsque l'accident, a été négligé ou méconnu. La couleur du pus qu'elles fournissent est variable. Tantôt le pus est noir et dans ce cas la piqûre est superficielle, cette teinte noire du pus étant le résultat de son mélange avec le pigment corné ; tantôt il est grisâtre, ce qui indique une mortification du tissu réticulaire; parfois il est blanc, ce qui exprime une altération de la phalange unguéale : nécrose ou carie suivant l'intensité de la boiterie et l'étendue du décollement.
Les blessures de la région interdigitée ou du pli du paturon peuvent se compliquer de nécrose tendineuse, qui s'annonce par la persistance de la boiterie et de l'engorgement, par un écoulement purulent, blanchâtre. En raison des souffrances que les animaux éprouvent, ils maigrissent et il faut de toute nécessité y remédier par un traitement rationnel.
Traitement. — Lorsque la blessure siège dans la région plantaire, notamment près de la pointe de l'onglon, elle exige une grande attention. On doit d'abord amincir la corne, puis débrider en quelque sorte la piqûre, en creusant avec la rénette jusqu'à son fond, une ouverture infundibuliforme afin de faciliter l'élimination des parties mortifiées. On garnit ensuite cette ouverture avec une boulette d'étoupe imbibée d'essence de térébenthine, de liqueur de Villate ou de teinture d'a:loès, puis on applique le fer, qui maintient le pansement et protège la partie malade. Dans beaucoup de cas, un seul pansement suffit pour obtenir la guérison, lorsque le praticien est appelé au début. S'il en est autrement et que la blessure ait pris un caractère fistuleux, que des bourgeons charnus en entourent l'orifice et que la boiterie soit intense, il est nécessaire de coucher l'animal et d'assujettir le membre malade en position croisée. Cela fait, on amincit la corne dans toute l'étendue de la plaque solaire, puis on excise les tissus altérés en empiétant sur les tissus sains environnants, on rugine les parties nécrosées de la phalange unguéale, de manière à obtenir une plaie simple, et l'on applique ensuite un pansement avec
quelques boulettes imbibées d'eau ordinaire ou alcoolisée que l'on maintient au moyen d'un fer. Telle est, d'une manière générale, l'opération que les Piqûres, profondes et négligées, peuvent réclamer. Toutefois, dans bon nombre de cas, on se contente d'amincir la corne, d'ouvrir une large voie aux produits de l'inflammation et de cautériser les tissus altérés pour en accélérer l'élimination. On emploie à cet effet, l'onguent égyptiac, seul ou additionné de sublimé corrosif, le sulfate de cuivre pulvérisé, le bichlorure de mercure en poudre ou en solution caustique. Cette méthode mixte n'exige pas que l'animal soit assujetti en position couchée, mais seulement dans un travail.
Il faut renouveler les pansements le moins souvent possible. Ce n'est qu'autant que la boiterie augmente, huit ou dix jours après l'opération, qu'il convient de placer de nouveau l'animal dans le travail, et d'examiner l'aspect de la plaie.
Lorsque la Piqûre siège dans la région interdigitée ou le pli du pâturon, les bains d'eau courante sont bien indiqués et produisent souvent d'excellents effets, quand la saison permet d'en prolonger l'emploi pendant huit à dix heures. Lorsqu'il en est autrement, on entoure le pied malade avec une étoupade que l'on arrose fréquemment avec une solution de sulfate de cuivre, dans la proportion de 80 à 100 grammes par litre d'eau. Si, malgré l'emploi de ces moyens, la boiterie persiste avec la même intensité, il faut alors fixer l'animal dans le travail, et débrider la piqûre. Une hémorragie se produit et, quand elle s'est arrêtée, on applique au pourtour de la partie malade et sur la plaie elle-même une couche d'onguent vésicatoire. Si l'hémorragie persistait, il serait indiqué alors de l'arrêter au moyen d'un pansement avec le perchlorure de fer ou l'eau de Rabel, en ayant le soin d'exercer une compression modérée.
Ces divers topiques agissent non seulement comme hémostatiques, mais encore ils modifient avantageusement l'état de la plaie, et l'on juge ensuite, d'après l'intensité de la boiterie, s'il est nécessaire d'avoir recours à une application vésicante.
La Piqûre faite entre les deux onglons dégénère souvent en une maladie désignée sous le nom de limace, dont il est parlé dans l'article suivant. Remarquons enfin que cette Piqûre est quelquefois si grave que, même après sa cicatrisation, le bœuf reste boiteux et ne peut plus travailler.
ARTICLE IV
LIMACE.
Synonymie : Limassurax, Fie, Fourchet, Crapaud.
Définition. Fréquence. — [La Limace, à laquelle on a donné des noms divers, qui souvent la font confondre avec des maladies différentes, est un phlegmon siégeant d'abord au coussinet graisseux qui se trouve au-dessous du ligament interdigité, puis intéressant bientôt le tissu cellulaire, les ligaments et la peau, qui n'est réellement affectée que consécutivement aux autres tissus malades : ce n'est donc pas une maladie de la peau proprement dite ; et si on ne veut pas lui laisser le nom de Limace, qu'on l'appelle javart ou panaris ; car elle a la plus grande analogie avec les maladies qui ont reçu ces dénominations chez les animaux et chez l'homme.
[La Limace s'observe fréquemment.]
Causes. — [La cause prédisposante de la Limace est l'écartement exagéré des onglons du bœuf, soit qu'il reste dans l'étable ou dans les prairies dans son jeune âge, soit qu'on le fasse travailler quand il est adulte. En effet, cet écartement des onglons facilite l'introduction et le séjour dans l'espace interdigité de corps étrangers, dont la présence devient la cause occasionnelle de la Limace. Ajoutons que les hœufs des bonnes races travailleuses, dont le pied n'est pas très large et dont les onglons sont rapprochés exactement, sont peu sujets à la Limace.
'[Quant à la cause occasionnelle, je viens de la dire : c'est la compression exercée sur les tissus placés dans l'espace interdi:gité, par des corps étrangers ou par des contusions. On peut croire aussi que, dans quelques circonstances, le séjour constant des animaux dans les étables où la litière manque, et où par conséquent leurs pieds trempent constamment dans un fumier mi-liquide ou boueux, est aussi une cause occasionnelle assez grave, puisqu'on voit la Limace se déclarer sur tous les bestiaux placés dans ces conditions. Elle est alors enzootique, et semble se propager par la contagion. Des phénomènes à peu près semblables à ceux qui résultent de la Limace, se manifestent quelquefois pendant les épizooties aphtheuses.]
Symptômes. — [Le bœuf chez lequel la Limace commence à se déclarer soulève le pied atteint de cette inflammation phlegmoneuse; il y porte le mufle, et parfois il tire la langue afin d'opérer sur cette partie un léger frottement, mais il la retire bien vite.
Il trépigne, se déplace avec peine sur la litière; et si on le fait marcher, il boite d'abord légèrement, puis de plus en plus, de telle manière qu'il cesse d'appuyer son pied malade sur le sol ; alors le boulet s'engorge en mème temps que l'espace interdigité et la couronne, les onglons s'écartent; le pouls devient fort et vite; la fièvre est intense ; l'appétit nul ; point de rumination, ou du moins rumination courte, entrecoupée. L'animal reste couché, et ce n'est que difficilement qu'on parvient à le faire lever, il se refuse surtout avec ténacité à sortir de l'étable, tournant sur lui-même, et se défendant quelquefois de la tète quand on le presse trop vivement. Qu'il soit couché ou sur ses membres, on voit souvent des contractions partielles se manifester convulsivement sur le membre dont le pied est affecté de Limace, évidemment, cette inflammation a le plus grand rapport avec eelle qui est connue chez l'homme sous le nom de panaris, et ne ressemble nullement au crapaud du cheval. Il n'est pas exact de dire non plus que, dès le début, la peau de l'espace interdigité est rouge : la rougeur de la peau ne se manifeste que plus tard.]
Marche. Durée. Terminaison. — [La marche de la Limace est d'abord lente ; mais après les quatre ou cinq premiers jours, à dater de l'invasion, sa marche devient plus rapide, et l'on voit bientôt la peau devenir rouge et sa chaleur augmenter considérablement. Peu à peu cette peau s'amincit, se déchire et donne passage à du pus d'abord séreux; puis, quand la déchirure s'est agrandie, un bourbillon, formé aux dépens des tissus sous-jacents (tissu conjonctif, ligaments), se détache et tombe, ou est enlevé très facilement. Alors la suppuration s'établit, elle est assez abondante, épaisse et répand une odeur sai generis. Mais bientôt cette suppuration tarit, la cicatrisation de la plaie se fait en très peu de temps, et la guérison est radicale.
[La Limace se termine ainsi par la suppuration, et elle ne se termine par la résolution qu'au moyen des bains froids employés avec persévérance dès le début. Je dois noter, en outre, que je n'ai jamais vu la Limace se reproduire sur un pied qui en avait été affecté.]
Diagnostic. Pronostic. — [L'écartement anormal des onglons, déterminé par l'engorgement de l'espace interdigité, est un symptôme qui ne peut laisser aucun doute sur l'existence de l'inflammation phlegmoneuse des tissus sous-jacents. Quant au pronostic, il n'est point fâcheux. Les seules conséquences de cette maladie sont : l'amaigrissement, qui a lieu promptement dans ce cas, comme dans tous ceux de claudication très douloureuse, et la perte de temps, si l'animal est employé au travail.]
Traitement. — [Dans le début de l'inflammation de l'intervalle
interdigité, les bains froids, ou mieux encore les bains dans l'eau courante, en amènent souvent la résolution, quand ils ont eu une durée de plusieurs heures.
[Les frictions vésicantes au nombre de deux, une par jour, produisent aussi ce résultat, même quand la suppuration commence à s'établir. Les adoucissants ou émollients de toute sorte, cataplasmes, onctions camphrées ou laudanisées, sont loin d'avoir la même efficacité, à moins d'avoir été précédés de la saignée à la couronne, que l'on obtient en piquant vivement cette partie des onglons avec une flamme de moyenne dimension. On arrête cette saignée au moyen d'une bande formée de rubans de fil.
[Si un abcès ou des abcès se sont formés, on les ouvre largement, et la plaie est pansée avec un onguent digestif, composé de térébenthine délayée dans un jaune d'œuf.
[Si, après que le bourbillon est tombé ou a été enlevé, la plaie est blafarde, à bords renversés, on la panse avec des plumasseaux, recouverts d'égyptiac, ou trempés dans la mixture de Villate ; mais lorsque cette plaie est ulcéreuse, on doit la cautériser avec le ferrouge. Après cette opération, on recouvre la partie cautérisée au moyen d'épais plumasseaux, et l'on enveloppe tout le pied d'une forte toile neuve, assez bien assujettie pour que les animaux ne puissent l'enlever avec la langue. Ce pansement reste en place jusqu'à ce que l'eschare soit prête à tomber; alors on l'enlève, et du moment où cette eschare est tombée, on n'est plus en présence que d'une plaie simple qui se cicatrise très promptement.
[La cautérisation au moyen du fer rouge est le moyen le plus simple et le plus efficace en même temps, et qu'on doit employer de préférence toutes les fois qu'il y a dans une étable un certain nombre d'animaux affectés de la Limace. Il réussit même quand le phlegmon n'est pas arrivé à l'état de suppuration, et il évitede nombreux pansements.]
LIVRE DEUXIÈME
MALADIES DES CORNES
ARTICLE 1
CATARRHE DES CORNES.
Définition. Fréquence. — [On désigne dans le langage technique, sous le nom de Catarrhe des cornes, une maladie particulière aux grands ruminants, caractérisée par l'inflammation de la membrane muqueuse qui tapisse les sinus frontaux et la cavité des supports osseux des cornes.
[Ce nom de Catarrhe des cornes est sans doute impropre ; mais il a l'avantage d'avoir un sens précis. Je l'ai adopté pour ce motif. Cette maladie, que l'on observe assez souvent chez les bœufs employés au labourage ou aux charrois, se manifeste rarement chez les vaches laitières ou qui servent exclusivement à la reproduction; aussi est-elle à peu près inconnue dans les contrées où l'espèce bovine n'est pas spécialement employée au travail.
[Les auteurs qui ont écrit sur les maladies des bœufs n'en ont point parlé, ou bien ils l'ont, confondue avec le Catarrhe nasal ou avec l'Épistaxis, et cependant elle a son caractère propre, ses causes particulières et des symptômes distincts.]
Causes. — [Les causes de cette maladie sont de plusieurs sortes, et, d'après leur nature, elles impriment à la maladie des caractères particuliers qui en font varier le pronostic et en modifient le traitement.
[Lorsque deux bœufs des fortes et bonnes races de travail sont attelés sous le même joug, et que l'un des deux, moins ardent et d'une allure plus raccourcie que celle de son compagnon, laisse celui-ci prendre la plus grande part du tirage nécessaire, alors surtout que le travail est pénible, la chaleur intense et que les
animaux sont nourris abondamment avec des fourrages artificiels, ce qui les prédispose aux hémorragies actives, il arrive assez souvent qu avant la fin de l 'attelée, le bœuf dont les cornes ont été plus fortement ébranlées par un tirage inégal et saccadé se trouve affecté du Catarrhe aigu ou du Catarrhe hémorragique des cornes.
[Les coups violents portées sur la région frontale, sur les cornes, soit à leur base, soit même vers leur extrémité libre, donnent également lieu à cette maladie. Quand les bœufs sont indociles pour l'attelage, pour la pose où l'enlèvement du joug, ils reçoivent quelquefois sur les cornes, sur la tête et sur le front, des coups qui peuvent avoir été très violents.
[Cette cause de Catarrhe est peut-être la plus fréquente ; mais il( au vétérinaire ou au cultivateur une grande habitude d'observation pour la découvrir, ce qui ne leur est guère possible qu 'en s informant avec précaution, auprès du bouvier lui-même, du caractère des animaux et de leur plus ou moins de docilité à se laisser atteler.
[C est ordinairement avec le joug, que le conducteur a saisi de ses deux mains, qu'il frappe les animaux sur la tête dans un moment d'impatience inexcusable.
[Les taureaux ou les jeunes bœufs, non encore entièrement domptés ni assouplis au travail, se livrent quelquefois entre eux, dans les pâturages, à des luttes acharnées, pendant lesquelles ils se heurtent, avec une violence extrême, front contre front, et les commotions qui en résultent sont aussi des causes déterminantes du Catarrhe des cornes.
[Cette maladie peut se déclarer également sous la seule influence d'une insolation prolongée.
[Les causes que je viens d'énumérer produisent la maladie à l état aigu, quand leur action est d'une certaine intensité; mais si elles ont été moins violentes elles agissent plus lentement. Alors, c est leur action répétée qui est pernicieuse; dans ce cas, le Catarrhe des cornes se manifeste par des symptômes peu graves. Il existe aussi à l état chronique. Je l'ai souvent observé sous cette forme, ne pouvant l'attribuer qu'à l'action permanente, d un joug mal confectionné et fixé d'une manière imparfaite, soit qu il exerçât une pression trop forte sur les cornes à leur base, soit que son point d appui se trouvât en arrière du sommet de la tète.
[L inégalité d allure entre deux bœufs réunis sous le même joug et l insolation donnent lieu au Catarrhe chronique des cornes, comme au Catarrhe aigu ou hémorragique. Toute la différence consiste dans une intensité moindre des symptômes et dans un développement plus lent de la maladie.
[Le Catarrhe chronique se déclare quelquefois, à la suite de l'amputation de l'un de ces organes, chez les vieux bœufs affaiblis par un mauvais régime alimentaire ou par des travaux excessifs.]
Symptômes. —- [Cette maladie, à l'état aigu, débute souvent par une hémorragie nasale qui donne toujours un sang très rouge provenant des dernières ramifications artérielles. Elle est toujours accompagnée de l'accélération des mouvements respiratoires et de la diminution de l'appétit, sans que la rumination soit entièrement suspendue.
[L'hémorragie se produit quelquefois pendant plusieurs jours de suite; cependant il n'y a pas encore apparence d'un état morbide bien grave, puisque les animaux ne sont pas jugés incapables de fournir leur tâche journalière : ils ont seulement une allure moins vive. Mais vers le cinquième ou le sixième jour, ils perdent l'appétit tout à coup, tiennent la tête basse en l'appuyant sur les corps qui se trouvent à leur portée, et ont les oreilles pendantes et un peu tuméfiées ; puis les symptômes s'aggravent : la tête reste penchée, soit à droite, soit à gauche, si le dépôt s'est formé de l'un ou de l'autre côté. Mais, s'il occupe tous les sinus, elle est abaissée, le mufle portant sur le sol ; les cornes sont très chaudes ; les paupières restent closes des deux côtés; tandis que lorsque le dépôt n'existe que d'un seul côté, c'est l'œil correspondant qui est fermé et la corne du même côté qui est très chaude. A ces signes, le diagnostic se forme avec certitude : on voit quelquefois un peu de sanie s'écouler par les naseaux.
[Ces signes pathognomiques sont d'ailleurs accompagnés d'un ensemble d'autres symptômes généraux, sur lesquels je n'ai pas à insister, parce qu'ils sont communs à beaucoup d'autres maladies, telles que l'arrêt de la rumination, suite inévitable de la perte de l'appétit; la lenteur de la marche ; l'absence de la pandiculation, etc. L'inflammation de la membrane muqueuse nasale est rarement compliquée d'encéphalite, à moins que des coups portés sur la région occipitale n'aient été d'une violence extrême.
[Dans ce cas, on voit des bœufs de travail qui maigrissent, dont l'appétit diminue, dont les yeux sont ternes et caves, le poil piqué, la peau sèche au toucher, qui portent la tête basse quand ils sont débarrassés du joug et qui, après certains mouvements brusques de cet organe ou une espèce d'ébrouement, rejettent par les naseaux une matière glaireuse, filante, et d'une odeur ordinairement désagréable; ils ont alors l'haleine fétide, à ce point que les animaux trop voisins peuvent en être incommodés. jusqu'à en perdre l'appétit et maigrir.
[Cet état dure des mois entiers sans l'apparition de symptômes plus inquiétants. Seulement le jetage devient presque continuel; mais jamais la matière ne reste collée à l'orifice des naseaux, ce qui tient, d'une part, à la nature du jetage, de l'autre, à l'habitude que possède le bœuf de passer sa langue sur le mufle et d'en introduire la pointe dans les naseaux. Enfin, l'amaigrissement fait des progrès, qui, pour être très lents, n'en conduisent pas moins l'animal au marasme.
[Quand le mal succède à l'amputation d'une corne, sa marche est lente. Le seul symptôme qui le caractérise alors est l'écoulement continuel d'une matière glaireuse et filante, d'abord sans odeur, par l'ouverture résultant de l'amputation. Cet écoulement, produit d'une sécrétion morbide de la membrane muqueuse qui tapisse l'intérieur des cornillons, finit à la longue par provenir en partie des sinus frontaux. Voici comment on peut constater l'existence de cette complication : tant que la sécrétion n'est que le produit de la muqueuse des cornes, l'écoulement n'a lieu que par l'ouverture dont j'ai parlé ; mais si elle se forme dans les sinus frontaux, l'écoulement se fait par les naseaux à la suite de mouvements brusques imprimés à la tête du bœuf, en la faisant pencher d'un côté.]
Pronostic. — [Le Catarrhe aigu des cornes est curable toutes les fois que le diagnostic a été d'une exactitude assez rigoureuse. Mais si, par négligence ou par erreur, il n'était pas donné issue au dépôt de sanie purulente qui s'est formé dans les cavités des cornillons et dans les sinus frontaux, la mort de l'animal pourrait au moins à la longue être la suite de cette rétention par l'effet des lésions que la présence de ce dépôt occasionnerait.
[Le Catarrhe chronique, qui succède à l'amputation ou à la fracture des cornes, est également curable, et le pronostic à porter sur cette maladie à l'état aigu et à l'état chronique n'est réellement fâcheux que lorsque la maladie, qui affecte cette dernière forme, date de longtemps et que la sécrétion purulente a déjà amené un amaigrissement excessif.]
Lésions pathologiques. — [A l'autopsie des bœufs sacrifiés ou morts à la suite du Catarrhe chronique, on trouve la membrane muqueuse qui tapisse l'intérieur des supports des cornes, et bien souvent celle des sinus voisins, épaissie et mamelonnée. Ces lésions s'étendent quelquefois jusque sur la membrane muqueuse du larynx ; alors les ganglions lymphatiques environnants sont toujours engorgés.]
Traitement. — [Le repos absolu, la saignée, les affusions d'eau froide sur la tête, plus particulièrement sur le front et autour des cornes, la diète et les breuvages nitrés, constituent tout le
traitement de la première phase du Catarrhe aigu des cornes, qu'il soit accompagné ou non d'hémorragie.
[Mais si, par l'emploi de ces moyens, on n'a pas obtenu la résolution complète et s'il s'est formé un dépôt dans les cavités des sinus, il faut sans retard pratiquer l'amputation de la cheville osseuse qui sert de support à la corne du côté correspondant. Cette opération est suivie d'une amélioration telle que l'état d'accablement cesse comme instantanément.
[Dès l'apparition des premiers symptômes, le traitement doit être en rapport avec leur gravité. Chez les bœufs très vigoureux, c'est d'abord à la saignée qu'il faut avoir recours et il faut même la répéter deux fois dans vingt-quatre heures. Si l'on se trouve en présence d'un animal dont la constitution a été excessivement affaiblie par la fatigue, par des privations de nourriture ou par l'âge, il faut s'abstenir de saigner et se contenter des affusions d'eau froide. Dans ces cas, on devrait pratiquer immédiatement l'amputation. Cette opération aurait le double avantage de donner lieu à une émission sanguine locale et de prévenir l'accumulation des produits morbides sécrétés. Quand le Catarrhe a débuté par une hémorragie qui s'est plusieurs fois reproduite, l'amputation est indiquée d'urgence, car cette hémorragie a laissé un caillot qui se décomposerait inévitablement et auquel il importe de donner issue.
[Pour combattre le Catarrhe chronique, on pratique également l'amputation d'une corne et quelquefois même on se trouve obligé de pratiquer successivement l'amputation de l'une et de l'autre. Cette dernière opération devient nécessaire toutes les fois que l'animal continue de tenir la tête basse avec les paupières closes ou à demi closes, qu'il ne mange pas avec appétit, qu'il ne rumine point et que la chaleur est intense à la base des cornes.
[Après l'amputation, on fait, au moyen d'une seringne, des injections détersives ou simplement aromatiques ; il suffit d'en faire deux par jour pendant deux ou trois jours. Seulement il faut avoir le soin de forcer l'animal à tenir la tête penchée de côté de temps en temps, en imprimant à cet organe une forte secousse vers l'ouverture de la corne, afin de provoquer la sortie du pus qui peut être resté dans les sinus.
[Voici les formules des injections astringentes, détersives et aromatiques :
Injection aromatique.
Sauge, lavande, romarin ou tanaisie, etc une poignée. Eau ............................................ 2 litres.
Faites infuser.
Injection astringente.
Écorce de chêne 60 grammes. Eau ............................................ 1 litre.
Faites bouillir pendant dix à quinze minutes et passez à travers un linge.
[Pour donner plus d'activité à cette injection, lorsque la mauvaise odeur prouve qu'il y a tendance à la décomposition putride, on fait dissoudre dans la décoction d'écorce de chêne 10 à 15 grammes d'alun.
[Ce traitement réussit ordinairement dans le Catarrhe chronique qui succède à l'amputation des cornes; mais il n'est pas toujours efficace, malgré son indication très rationnelle, si le Catarrhe a une date fort ancienne et s'il s'est déclaré sous l'influence des autres causes que j'ai signalées. Aussi, lorsque les bœufs ne sont pas arrivés à une maigreur extrême et qu'ils ont conservé l'intégrité de leurs fonctions digestives, faut-il conseiller au propriétaire de les engraisser ou du moins de les mettre en état d'être vendus pour la basse boucherie.]
ARTICLE Il
FRACTURES DES CORNES.
Les Fractures des cornes résultent assez souvent des tractions violentes qui se produisent quand on attache les bêtes bovines à l'aide d'une corde passée autour de la base des cornes; ces Fractures se produisent encore quand les animaux se battent entre eux. Les bœufs à.cornes contournées par en bas sont exposés à s'écorner sur le timon de la charette, surtout lorsqu'ils sont attelés àun joug commun.
Symptômes. — Les Fractures des cornes n'intéressent ordinairement qu'un seul de ces organes; elles peuvent être complètes ou incomplèles et se présenter sous divers aspects. Ainsi, l'étui corné ou la corne proprement dite peut avoir été arraché, et le cornillon, c'est-à-dire la cheville osseuse qui lui sert de base, est ainsi misa nu sans éprouver d'autre lésion qu'une fêlure. Ce cas, qui est des plus rares, n'offre pas beaucoup de gravité, si la membrane kératogène qui recouvre le cornillon et le bourrelet, qui existe à la base de la corne, n'ont pas été intéressés; alors la reproduction de l'étui corné se fait régulièrement, en même temps que le travail de consolidation du tissu osseux s'opère.
D'autres fois, la corne et le cornillon sont fêlés, mais restent
unis l'un à l'autre. On peut présumer l'existence de cet accident par la vive douleur qui existe à la base de la corne blessée et par l'attitude de l'animal, qui incline alors la tête du côté malade et évite instinctivement de lui imprimer des mouvements. Dans quelques cas, la fêlure de la corne est apparente, et les bords de cette solution de continuité laissent écouler une certaine quantité de sang.
Lorsque la cause a agi avec une grande violence, la corne s'est complètement détachée en emportant avec elle une partie ou la totalité du cornillon. Un pareil accident est plus ou moins grave suivant l'étendue dans laquelle le cornillon est intéressé. On conçoit, en effet, que si la cheville osseuse offre encore une certaine longueur et si elle est recouverte de tissu kératogène, la régénération de la corne peut s'effectuer dans des limites suffisantes pour permettre l'utilisation de l'animal au joug; mais, lorsque tout le cornillon est arraché, la corne ne repousse pas, et il ne se forme plus qu'une cicatrice cornée qui rend l'utilisation au joug impossible.
Quelques complications ont été signalées, notamment l'inflammation de la muqueuse des sinus, la gangrène et la rnéningoencéphalite.
« L'inflammation des sinus, dit Làfosse, peut se terminer par résolution dans l'espace de cinq, huit, dix jours, ou bien par une suppuration qui apparaît du dixième au douzième jour qui suit l'accident et se tarit généralement en quinze jours ou trois semaines. Quant à la gangrène, elle commence vers le huitième ou dixième jour, et se termine ordinairement par la mort, si elle n'est pas promptement suivie de l'élimination des caillots sanguins putréfiés, qui ont amené la mortification de la muqueuse. Une ophthalmie plus ou moins violente, externe ou interne, accompagne assez souvent la suppuration et la gangrène.
« La méningo-encéphalite, traitée convenablement en temps opportun, s'arrête parfois et se résout; mais il est des cas où elle amène la mort en quelques jours (1). »
Contention «les Fraetures des cornes. — Lafosse ayant formulé, dans son Traité de pathologie vétérinaire, d'excellents préceptes sur le sujet qui nous occupe, nous ne saurions faire mieux que de les reproduire ici. A l'exemple de cet auteur, nous distinguerons donc les cas suivants :
« 1° Fracture simple de la base ou divulsion avec conservation de la corne. — Chez les sujets dont la corne a déjà acquis beaucoup de longueur, il est rare que l'on puisse réussir sans recourir à
(1) Traité de pathologie vétér., t. II, p. 522.
l'amputation, laquelle est destinée à éviter les ébranlements que toute action mécanique exercée à l'extrémité de la corne, communique à la fracture. » Dans ce cas, l'amputation doit être précédée de l'application d'un appareil amovible ou inamovible, destiné à fixer la corne pendant l'opération. Le premier est généralement préféré, attendu que, quelle que soit la solidité du second, il peut être ébranlé ou même déplacé pendant l'amputation.
L'appareil amovible se compose d'étoupe mouillée, roulée à la base de la corne en se prolongeant sur le crâne et entourée ensuite d'une ligature dirigée en spirale sur la corne fracturée, et en 8 autour de la base des cornes et sur le crâne. Après l'amputation, on peut enlever cet appareil et panser la plaie qui en résulte, comme il a été dit précédemment, « ou bien appliquer un pansement sur la plaie de la corne en recouvrant l'appareil amovible. Si alors on trouve que le tronçon restant est suffisamment immobilisé, l'opération est terminée. Que si, au contraire, ce tronçon est encore mobile, on termine par l'application d'un appareil inamovible » que l'on fait très simplement en recouvrant les pièces du premier appareil, soit avec du plâtre gâché, soit avec un mélange d'alun cristallisé et d'alcool. L'appareil doit entourer la base de la corne et se prolonger autant que possible sur le crâne et jusqu'à la base de la corne. Lafosse a vu souvent le plâtre réussir; mais il croit aussi « que le mélange d'alun et d'alcool, plus dur encore et moins cassant, serait préférable, et il résulte des expériences de cet auteur, que ce mélange se dissout assez facilement dans une solution aqueuse d'acide chlorhydrique ; on ne doit par conséquent redouter nullement de ne pouvoir l'enlever lorsque arrive le moment opportun. »
« 2° Fêlure de la corne et du cornillon. — L'application d'un appareil amovible ou inamovible suffit ordinairement à la guérison. Si la fêlure était assez étendue pour faire craindre une fracture au moindre effort supporté par la corne, celle-ci devait être amputée. »
« 3° Fêlure du cornillon et chute de l'étui corné. — Application d'une étoupade imbibée d'eau pure ou additionnée d'eau-de-vie camphrée, d'extrait de Saturne, d'eau sédative, d'une ligature roulée en spirale de la pointe à la base du cornillon et croisée en 8 sur le front, la nuque et le dessous de la corne opposée, le tout recouvert d'une toile taillée, au préalable, en croix de Malte, et appliquée de telle sorte que ses lobes se croisent en spirale sur le cornillon, le centre répondant à la pointe de ce dernier; cette toile maintenue par une ligature comme la précé-
dente, voilà le pansement indiqué. Souvent même la toile s'applique directement sur l'étoupe et alors une seule ligature suffit. A moins que la membrane kératogène ne soit lésée, le pansement peut rester à demeure six semaines, c'est-à-dire le temps nécessaire pour la consolidation de la fracture et la régénération d'une couche de corne. Mais si la membrane kératogène a été lésée et si le pus, sécrété en abondance, s'accumule sous l'étoupade, il con-
Fig. 3. — Appareil de Coculet pour les fractures des cornes, vu isolément.
vient de renouveler le pansement tous les quatre ou cinq jours. _»
« 4° Fracture du cornillon et chute de l'étui corné. — Assez ordinairement, la fracture est irrégulière, dentée, en bec de flûte, à fragments, etc. On la régularise et on la simplifie en réséquant les dentelures, les aspérités, avec la feuille de sauge, des cisailles ou la scie, et on applique ensuite un pansement. Si la cheville
Fig. 4. — Appareil précédent, appliqué sur l'animal.
(
osseuse était fracturée juste au ras du frontal, le pansement devrait être maintenu avec une rosace de toile tailladée sur les bords et collée aux parties environnantes avec un mélange de poix noire, cire et térébenthine.
« 5° Corne et cornillon fracturés à une certaine distance du front. — Si la fracture est en rave, application immédiate du pansement ; si elle est dentée ou fragmentée, régularisation, simplification à l'aide de l'amputation, et puis pansement comme pour cette dernière. »
Par le moyen suivant, Portal a traité avec succès un cas de fracture de la corne gauche sur un bœuf. « La corne était détachée aux trois quarts de sa base. Je préparai, dit-il, deux baguettes en bois de la longueur exacte de l espace qu offrent les cornes entre elles; je renversai doucement la corne de dedans en dehors et fixai les baguettes d'une corne à l autre à l aide de quelques pointes très courtes. La deuxième baguette était fixée près du
sommet. » Puis on appliqua à la base de la corne un emplâtre agglutinatif que l'on maintint par un bandage en 8 de chiffre. Trente-huit jours après, l'appareil fut enlevé, un cerceau de nouvelle corne était formé à la base ; le bœuf qui fut l'objet de cette observation ne put être attelé au joug que plusieurs mois après (1). »
Appareil Coculet. — Il consiste en une attelle de bois ayant la forme d'un segment de cercle (fig. 3 et 4) « mesurant la longueur des cornes chez les jeunes animaux et arrivant seulement jusqu'au deuxième contour des cornes exclusivement, chez les adultes et les vieux (2) ».
Cet appareil présente au milieu de l'étendue de son bord inférieur un cintre pour loger la nuque, et dans la partie médiane de la face antérieure de ses deux extrémités, une gouttière correspondant au dos du grand contour des cornes, afin de contenir ces dernières dans une certaine étendue; à chaque extrémité existent trois crans au bord supérieur et au bord inférieur. Cette attelle s'applique sur la nuque et s'attache à chaque corne au moyen de trois liens. On fixe d'abord les liens de la base des deux cornes en comprenant dans chaque tour la corne et l'appareil, puis les liens du milieu, et finalement ceux de l'extrémité de l'attelle.
Les attaches se font avec des ficelles solides de la grosseur d'un tuyau de plume, on fait quatre ou cinq tours dans chaque paire de crans. M. Coculet conseille d'appliquer un fil de fer sur les liens en corde, afin de prévenir le relâchement de l'appareil. .cette attelle s'emploie seule ou bien avec un pansement suivant les cas.
Par son emploi, M. Coculet a constamment réussi dans les cas les plus désespérés... Le cal se forme et l'animal peut, après quarante jours, travailler sans danger.
(1) Journal de médecine vétérinaire de Lyon, 1845, p. 380.
(2) Journal des vétérinaires du Midi, 1861, p. 342.
LIVRE TROISIÈME
MALADIES DE L'APPAREIL DE LA VISION
ARTICLE I
ONGLET.
Définition. Formes. — On appelle Onglet, un engorgement inflammatoire qui siège sur le corps clignotant. On donne également ce nom à la dégénérescence cancéreuse ou carcinomateuse de cet organe. Sous la première forme, l'Onglet est une maladie très fréquente, car ce n'est autre chose qu'une conjonctivite, qui peut être elle-même, essentielle, traumatique, résulter, par exemple de la pénétration de corps étrangers sous les paupières, ou bien procéder d'une ophthalmie.
Fréquence. Causes. — L'Onglet est une maladie fréquente chez les animaux de l'espèce bovine. L'insolation, le séjour dans des étables chaudes dont l'air est chargé de vapeurs ammoniacales déterminent cette inflammation. Suivant Lafore, les piqûres réitérées des mouches la produiraient également.
Symptômes. — L'œil affecté d'Onglet est enflammé, larmoyant, presque constamment fermé et l'animal se défend quand on veut l'explorer. La conjonctive est rouge, boursouflée; le corps clignotant forme, dans le grand angle de l'œil, une saillie qui se prolonge plus ou moins sur la cornée suivant le degré de la maladie, et il existe souvent une kératite. — Si l'Onglet est négligé, il peut arriver que le fibro-cartilage, qui sert de base au corps clignotant, se nécrose de proche en proche et que l'organe tout entier éprouve alors une sorte de dégénérescence cancéreuse. Dans ce cas, l'Onglet est incurable et il est plus avantageux de livrer l'animal à la boucherie que d'en entreprendre le traitement : la cautérisation et
même l'excision seule ou combinée avec la cautérisation ne sont que des palliatifs.
Traitement. — Les collyres liquides indiqués pour combattre la conjonctivite sont les remèdes ordinaires de l'Onglet. Ainsi les lotions d'eau froide vinaigrée ou blanchie par quelques gouttes d extrait de Saturne conviennent parfaitement. Il en est de même de 1 infusion froide de fleurs de sureau, de la décoction de feuilles de plantain, légèrement saturnée. L'eau céleste peut aussi être employée. Quelques mouchetures sur l'engorgement du corps clignotant en favorisent également la résolution.
Si des végétations fongueuses apparaissent, on a conseillé de les réprimer et de les détruire avec le nitrate d'argent, la potasse caustique et finalement d'avoir recours à l'excision. Mais ces végétations repoussent généralement avec une grande rapidité, alors même que l excision a été suivie de la cautérisation. On conçoit es ors qu il est prudent de s abstenir plutôt que de tenter la guérison d une pareille maladie sur des animaux, qui, d'ailleurs, peuvent être livrés au boucher sans grande perte pour le propriétaire.
ARTICLE II
ENCANTHIS.
On désigne sous le nom d'Encanthis le développement anormal de la caroncule lacrymale ou sa dégénérescence carcinomateuse.
Cette altération de l'une des parties constituantes de l'appareil lacrymal se fait quelquefois remarquer chez les grands ruminants. lie est peu grave et facile à guérir lorsqu'elle consiste en un simp le gonflement de la caroncule lacrymale. On peut aisément a faire disparaître par des lotions de même nature que celles dont on se sert pour combattre l'Onglet au début. Mais quelquefois cette tumeur prend le caractère carcinomateux et peut ainsi acquérir e volume d 'un petit œuf de poule. Alors elle gêne beauanimal, car elle comprime le globe de l'œil entretient l'inflammation de la conjonctive et intercepte la vision.
« L excision remédie, il est vrai, à cette maladie ; mais lorsqu elle est arrivée à ce degré, il est rare qu'elle ne se renouvelle pas quelque temps après, malgré les moyens employés pour empêcher son nouveau développement » (F. Lecoq).
On conçoit dès lors qu'il est préférable, en général, de vendre l'animal au boucher plutôt que de le traiter.
ARTICLE III
OPHTHALMIE.
Chez le bœuf, rOphthalmie peut être simple, périodique ou vermineuse. Nous étudierons successivement ces trois variétés.
§ ler. — Ophthalmie simple.
[Cette forme de l'Ophthalmie est la plus fréquente et la plus simple dans ses caractères.]
Causes. — [Les causes prédisposantes sont peu nombreuses, quoiqu'elles soient très fréquentes dans certaines localités. Toutes les fois que les animaux sont logés dans des étables basses, très chaudes, mal aérées, où manque la litière, et où par conséquent les émanations ammoniacales se trouvent en grande proportion dans l'atmosphère, ils sont prédisposés aux Ophthalmies. L'irritation sourde, entretenue par ces émanations, devient promptement une inflammation des plus intenses, si, en sortant des étables, ils se trouvent subitement soumis à l'action d'un air froid et vif; aussi a-t-on remarqué que ces Ophthalmies se déclarent principalement en hiver. Elles sont surtout à redouter quand l'animal passe d'un lieu où l'air est très chaud et chargé de vapeurs ammoniacales dans une atmotphère très froide et agitée; si l'air n'est pas agité, le danger est bien moindre.
[Après ces causes, viennent les froissements, les coups portés à plat sur le globe, les contusions plus graves faites avec l'extrémité de la corne d'un autre bœuf, les coups d'aiguillon, et enfin, la présence d'un corps étranger, implanté soit sur la cornée transparente, soit sur la conjonctive proprement dite ou retenu entre les replis de cet organe. Les froissements et le frottement d'un corps dur sur le globe ont lieu de plusieurs manières : un bœuf est retenu à la crèche par une corde, qui peut, en s'enchevêtrant dans une des cornes, s'appliquer sur un œil, exercer un froissement qui détermine l'Ophthalmie; ou bien c'est une chaîne en fer, dont le frottement produit des effets plus prompts et plus graves; ou bien encore c'est le bœuf lui-même qui, éprouvant sur les paupières un violent prurit occasionné par la présence d'une dartre furfuracée, se gratte contre un corps dur et raboteux, tel que l'écorce d'un gros arbre, et parfois avec tant de violence, que la peau des paupières en est excoriée, et qu'une Ophthalmie générale se manifeste presque subitement.
[Les coups d'aiguillon sont aussi quelquefois des causes d'une Ophthalmie, la plus dangereuse. Il est arrivé plusieurs fois à ma connaissance, que les bouviers, menacés par des bœufs en liberté, s'en sont défendus en leur poussant dans les yeux la pointe de l'aiguillon dont ils étaient armés.
[Un coup de corne qui déchire seulement la paupière occasionne une Ophthalmie, si le globe a été contusionné, et lorsque la pointe de la corne porte directement sur le globe, elle le transperce rarement; mais la contusion qui en résulte produit une inflammation générale de l'organe, très prompte et très violente.
[Les corps étrangers qui s'engagent dans les replis de la conjonctive, qui s'implantent à la face interne des paupières ou sur la cornée lucide, sont des portions de paille et de balles de blé ou d'avoine, de cette dernière le plus souvent, et voici comment cela se fait : si, comme dans les étables à la flamande, le fourrage est déposé dans la crèche, que ce soit de la paille d'avoine bien divisée, et que les animaux la prennent avec vivacité, en respirant fortement, comme lorsqu'ils mangent avec beaucoup d'appétit, la balle qui se trouve parmi la paille peut être soulevée, et il arrive parfois qu'elle est portée sur la cornée lucide ou sous les paupières.
[Si la paille est mise dans un râtelier un peu plus élevé que la tête du bœuf, ainsi que cela doit être, afin qu'il puisse attirer à lui cette paille plus facilement avec la langue, c'est dans ce dernier mouvement que la balle de blé ou d'avoine tombe sur les yeux, que le bœuf tient grands ouverts, quand il mange de bon appétit. Aussitôt que l'animal éprouve l'impression du corps étranger, il met en mouvement le corps clignotant pour s'en débarrasser; mais comme le corps étranger est pourvu de petites pointes ou aspérités, le corps clignotant ne peut que le déplacer sans le faire tomber, et il pénètre plus profondément sur le point où il s'est arrêté, ou bien il reste attaché au corps clignotant sur lequel se déclare une inflammation qui gagne bientôt les autres parties de l'œil.]
Symptômes. — [Les principaux sont la rougeur et l'injection de la conjonctive, la tuméfaction des paupières et le larmoiement, continuel ; les membranes du globe sont également rouges d 'abord, mais d'une manière moins apparente, et bientôt cette rougeur disparaît pour faire place à une couleur d'un blanc roussâtre, qui occupe, soit partiellement, soit en totalité, la cornée lucide.
[Quand l'inflammation des parties internes de l'œil a précédé celle de la cornée lucide et de la conjonctive, on distingue le trouble et la rougeur de l'humeur aqueuse. L 'Ophthalmie suscite, chez les animaux de l'espèce bovine, une douleur intense; ilsper-
dent l'appétit, ne ruminent que rarement, et témoignent d'une sensibilité extrême toutes les fois qu'on exerce une manipulation quelconque sur une des parties de la tête et même sur la partie supérieure de l'encolure. Ils se détendent de l'approche de l'homme avec une vivacité qui va jusqu'à la violence. Les larmes qui, dans ce cas, coulent sur le chanfrein ont une action irritante très prononcée ; en peu de jours toutes les parties de la peau sur lesquelles elles ont coulé se trouvent épilées. On voit, dans quelques circonstances, une inflammation de la peau, d'un caractère érisypélateux, survenir après l'épilation lorsque le larmoiement a une durée de plusieurs jours.
[On distingue l'Ophthalmie occasionnée par une piqûre de l'aiguillon, en ce que, indépendamment de tous les symptômes généraux de l'Ophthalmie, on remarque sur un point de la cornée lucide la blessure faite par l'aiguillon, laquelle se trouve être le centre d'une irradiation d'une rougeur très prononcée. Si la cornée a été transpercée, l'humeur aqueuse a jailli et le globe est affaissé.
[Quand l'affection est due à l'introduction d'un corps étranger, d'une balle de blé, les phénomènes se modifient légèrement.
[Sur quelque point du globe de l'œil que se trouve la balle de blé ou d'avoine, elle y produit d'abord une vive inflammation qui ne tarde pas à s'étendre, et c'est ici que le larmoiement est le plus considérable et l'âcreté des larmes plus sensible. Alors les paupières sont resserrées et l'œil complètement fermé; il faut agir de force pour les séparer, et quand on y parvenu, c'est d'abord le corps clignotant, très rouge, très tuméfié que l'on aperçoit. Pour distinguer la cornée lucide, il faut attendre que le corps clignotant se soit quelque peu retiré, ce qui a lieu momentanément après un laps de temps plus ou moins prolongé : le déploiement de ce corps ne peut pas avoir une durée constante ; il en est des fibres musculaires, qui lui donnent la facilité de s'étendre en éventail ou de se resserrer, comme de tous les tissus de la même nature : les mouvements de tension et de relâchement doivent être nécessairement alternatifs.
[Donc, on aperçoit le corps étranger, s'il est sur la partie antérieure du globe, aussitôt que le corps clignotant s'est replié ; mais celui-ci ne conserve pas longtemps cet état, son extension et son retrait se suivent avec rapidité.
[Si la balle d'avoine ne séjourne sur la cornée lucide qu'un jour ou deux, elle y laisse seulement un léger nuage qui disparaît en peu de temps; si elle y séjourne plusieurs jours, l'inflammation qu'elle occasionne devient de plus en plus intense, la cornée s'ulcère, elle est transpercée, et l'humeur aqueuse s'échappe par l'ouverture qui s'est produite.
[Le séjour des corps étrangers sur les autres parties du globe et sur la conjonctive n'a pas immédiatement des résultats aussi graves; mais, à la longue, l'inflammation devient également ulcéreuse.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [La marche de l'Ophthalmie dont je viens de parler est rapide, et sa durée est déterminée par la nature de la cause qui l'a produite. Si cette cause a été un refroidissement subit, tel que celui auquel donne lieu le passage brusque de l'animal d'un endroit où ses yeux se trouvent légèrement irrités par une atmosphère chaude et mélangée à des vapeurs ammoniacales dans une autre atmosphère très froide, condensée et agitée, l'Ophthalmie n'a pas une longue durée; si elle est combattue d'une manière rationnelle, elle se termine par la résolution.
[L'Ophthalmie occasionnée par unsimple froissementne persiste pas longtemps non plus ; si elle s'est déclarée après un énergique frottement, l'inflammation est plus vive, dure davantage, et se termine quelquefois par l'état chronique.
[L'Ophthalmie résultant d'un coup porté à plat a pour conséquence le trouble général de l'humeur aqueuse, trouble qui peut avoir une longue durée et se terminer par- l'amaurose ou la cataracte. On obtient difficilement la résolution de l'Ophtalmie occasionnée par un coup de corne, parce qu'elle a pour terminaison ordinaire une taie d'une étendue et d'une épaisseur plus ou moins considérables.
[L'Ophthalmie qui se déclare à la suite d'un coup d'aiguillon est d'une intensité exceptionnelle, sa durée est très longue ; la plaie faite par la piqûre devient ulcéreuse, et quand l'ulcère se cicatrise, il reste sur la cornée ou sur tout autre point du globe piqué par l'aiguillon, un épaississement des tissus qui ne disparait jamais. Cette Ophthalmie prend quelquefois les apparences du cancer.
[Le séjour d'un corps étranger a pour résultat primitif une Ophthalmie générale, dont la terminaison est la résolution, si le séjour n'a point dépassé de vingt à quarante heures, et si ce corps a été souvent déplacé par les contractions et le déploiement du 'corps clignotant, la formation d'un nuage, d'une taie, ou l'ulcération et la dégénérescence squirrheuse du corps clignotant -ou de la conjonctive, si le corps étranger s'est implanté dans ces parties de l'organe visuel.
[D'après les détails qui précèdent, on voit ce que peuvent être les suites de l'Ophthalmie : le nuage ou néphélion, le leucoma ou cicatrice irradiée, la taie ou albugo; l'ulcération, le transpercement par l'ulcération de la cornée lucide et l'écoulement instantané de l'humeur aqueuse, produisant l'affaissement de l'œil
et son atrophie; l'amaurose, la cataracte et la dégénérescence d'apparence cancéreuse. Le pronostic est favorable dans les cas de nuage; il l'est un peu moins avec le leucoma et l'albugo; très grave, si les tissus sont ulcérés; et des plus fâcheux, si la cornée a été transpercée, si l'amaurose ou la cataracte se sont déclarées; la dégénérescence cancéreuse donne lieu, on le comprend, au pronostic le plus défavorable.]
Traitement. — [L'Ophthalmie aiguë doit être combattue souvent, chez le bœuf, par la saignée générale; mais il est rare qu'il existe une indication positive d'appliquer sur l'œil les antiphlogistiques proprement dits : dans tous les cas, il faut commencer par faire cesser l'action de la cause.
[Ainsi, lorsque cette cause est un corps étranger placé sur la cornée, la conjonctive ou le corps clignotant, la première indication est de l'enlever. A cet effet, il convient de rappeler que les ruminants, ceux de l'espèce bovine principalement, sont pourvus d'un organe, le corps clignotant ou troisième paupière; ce corps, placé sous la conjonctive, dans l'angle nasal, entre le globe oculaire sur lequelsa base cartilagineuse se moule et la gaine fibreuse, est uni par sa base au coussinet graisseux, et il balaye la cornée de son extrémité libre ou onguiforme, à chaque contraction des muscles du globe de l'œil, qui, en tirant le globe, poussent en arrière le coussinet graisseux, support et moteur médiat de cette troisième paupière. Or, l'action de ce corps doit être prévue quand on veut procéder à la petite opération alors nécessaire.
[Des vétérinaires ont conseillé, dans ce cas, de passer le bout d'un linge bien fin sur le globe pour enlever la balle de blé ou d'avoine; mais si l'on peut réussir, par hasard, au moyen de ce procédé, c'est que le corps clignotant a déjà déplacé cette balle de blé ou d'avoine. D'autres, plus formalistes, conseillent de procéder à cet enlèvement au moyen de pinces. Ces procédés et d'autres analogues ne sont ni commodes ni efficaces; l'emploi de pinces est plus que cela : il est dangereux.
[ Voici un autre moyen que, le premier, j'ai décrit : on fixe le bœuf par la tête à un arbre, à un poteau, etc., s'il n'est pas sous le joug; on s'approche de cet animal sans l'effrayer, sans le toucher surtout, et l'on reconnaît distinctement la position du corps étranger; puis un aide lui tenant la tête encore plus fixe, en lui serrant les naseaux avec le pouce et l'index, l'opérateur introduit le doigt indicateur sous le corps clignotant qui, au moment où l'on approche le doigt de l'œil, recouvre le globe entièrement ; on promène ce doigt sur le globe en y exécutant un mouvement de pression semi-circulaire; on retire le doigt vivement, et il est très rare que la balle de blé ou d'avoine ne soit extraite du pre-
mier coup ; on l'apporte au bout du doigt ; et ici, quand ce corps étranger n'a pas séjourné longtemps sur l'œil, on peut bien dire: Sublatâ causa toliitur elfectus, car le larmoiement cesse à l'instant même. On panse ensuite avec l'eau légèrement salée ou acidulée ou avec l'eau blanche de Goulard.
[Pour combattre l'Ophthalmie aiguë, si elle est intense, si l'animal est d'ailleurs en très bon état et d'un tempérament sanguin, ce qui est l'ordinaire chez les races travailleuses, on pratique une saignée à une veine quelconque, ou même à une artère, temporale ou coccygienne ; mais là doit se borner le traitement antiphlogistique proprement dit : les émollients aqueux, les pommades exclusivement adoucissantes ne réussissent pas aussi bien que les médicaments pris dans la classe des antiphlogistiques tempérants. On les administre en lotions, en injections, en cataplasmes ou en onctions. C'est ainsi que l'on fait des lotions avec le sous-acétate de plomb liquide étendu d'eau, avec l'eau vinaigrée, l'eau salée, l'infusion de fleurs de sureau. Les injections se font avec les mêmes substances, et plusieurs entrent dans la composition des cataplasmes. Je ferai remarquer pourtant, avant d'aller plus loin, que ces médicaments produisent des effets immédiats de courte durée, bientôt suivis d'une vive réaction, si l'on n'insiste pas sur leur emploi : d'où, suivant l'observation très judicieuse de Tabourin, l'indication de persister dans leur usage local, si l'on veut éviter que sous leur action l'Ophthalmie ne s'aggrave au lieu de se résoudre.
[Les médicaments employés contre l'Ophthalmie sont très nombreux; voici d'abord la formule de quelques collyres liquides dont les effets m'ont paru être très satisfaisants :
Sous-acétate de plomb 10 grammes. Eau ........................................... 1 litre.
[Ce collyre est simple, facile à composer, le moins coûteux de tous ceux que l'on emploie ; mais les lotions que l'on en fait doivent être pour ainsi dire incessantes ou du moins souvent renouvelées; il faut, toutes les fois, avoir le soin d'agiter le liquide. On en baigne aussi les cataplasmes faits avec la fleur de sureau.
[Quand la douleur éprouvée par l'animal est d'une très grande intensité, qu'il ne mànge pas, que l'approche de l'homme le surexcite beaucoup, on emploie le collyre suivant :
Collyre belladoné (Bouchardat).
Extrait de belladone ............................ 10 grammes. Eau ........................................... 200 -
Dissolvez et filtrez.
[J'ai vu les lotions faites avec ce collyre produire promptement de bons résultats. Si elles ne sont pas immédiatement suivies de la résolution de l'Ophthalmie, elles calment au moins la douleur, au point de permettre à l'animal de prendre des aliments et de ruminer.
[L'eau blanche de Goulard est aussi un collyre facile à préparer et qui a une action résolutive encore plus marquée que l'eau blanche simple, quand les Ophthalmies ne sont pas d'une intensité 'excessive.
Collyre saturné.
Extrait de Saturne 16 grammes. Eau-de-vie ..................................... 64 — Eau ............................................ 1 litre.
Agiter également le liquide avant de s'en servir.
[Le collyre suivant de Delabère-Blaine est aussi d'un bon emploi. On le prépare comme suit :
Collyre résolutif.
Sulfate de zinc 1 gramme. Eau-de-vie 10 grammes. Infusion de sureau ............................... 100 —
[L'infusion de sureau est par elle-même un bon remède antiopht.halmique ; c'est le premier que j'emploie sur le bœuf, en l'acidulant avec un peu de vinaigre, parce qu'il se compose de substances que l'on a toujours sous la main.
[Quand l'Ophthalmie existe depuis longtemps, que la conjonctive est blafarde, boursouflée, qu'elle se recouvre d'une chassie blanchâtre, épaisse, je mets en usage, de préférence, le collyre brun, cité par Tabourin, et dont voici la formule :
Collyre brun.
Aloès 4 grammes. Teinture de safrnn 32 — Vin blanc '... 45 — Eau de rose ..................................... 450 —
Mélangez et dissolvez.
[Si l'Ophthalmie me paraît tendre vers l'induration, je fais usage d'un des collyres ci-après :
Collyre résolutif (Francès).
Carbonate de potasse 191,25 Camphre 50 centigr. Teinture d'aloès 2i gouttes. Infusion de chélidoine ""."'" ....... " ... 24 grammes.
Dissolvez.
Collyre de Lanfranc.
Sulfure jaune d'arsenic. J
Aloès ; âa '¿g r ,::>0. Myrrhe '
Eau de plantain „ 100 grammes. Eau de rose ..................................... 100 — Vin blanc ...................................... 500 —
Pulvérisez et dissolvez les trois premières substances dans l'eau de rose et de plantain. Ajoutez le vin blanc. Laissez reposer et décantez.
[J'emploie ces collyres tant que l'inflammation est assez intense pour que le larmoiement soit continuel, que la tuméfaction de la conjonctive soit bien apparente et la douleur très vive. Lorsque ces premiers symptômes ont disparu et qu'il.existe sur la cornée une taie ou un leucoma, j'ai recours aux collyres secs; ceux dont je fais usage de préférence sont :
Collyre ammoniacal (Tabourin).
Sel ammoniacal ......... j aa 2 parties. Alun calciné )
Sucre ......................................... 5 —
Pulvérisez les sels et mélangez-les intimement au sucre pulvérisé.
Collyre aloétique.
Aloès en poudre ........ )
Calomel : aa Parties égales. Sucre candi '
Sucre blanc .................................... 5 parties.
Pulvérisez très finement et mélangez.
[Sur les ulcères, je fais usage du collyre de Cullerier, ainsi formulé :
Collyre résolutif.
Oxyde de zinc ................................... )
Nitre ( Parties égales. Sucre ........................................... '
[J'ai renoncé comme collyre sec à l'os de sèche en poudre ; son action n'est pas assez énergique.
[Toutes les fois que je veux porter directement sur une partie quelconque du globe un collyre sec, je me sers du procédé suivant : Le bœuf est solidement attaché par les cornes à un arbre ou à un poteau d'une grosseur suffisante pour fournir un appui solide au front de l'animal, tout en laissant les orbites en dehors de cet appui ; puis un aide saisit l'animal par les narines en serrant fortement la cloison nasale : ce moyen est très efficace pour exciter le bœuf à tenir les paupières ouvertes, ce qui n'empêche pas l'opérateur d'appuyer en même temps sur ces organes, afin de les maintenir dans cette position. Il a placé dans un tuyau de plume, qu'il tient à la bouche, la portion du collyre à injecter, et lorsque la taie où l'ulcère se trouve mis à découvert par la rétraction du corps clignotant qui d'abord s'est déployé sur la cornée au moment où l'on touchait les paupières, l'opérateur souffle dans le tuyau, et le collyre est poussé sur la taie ou sur l'ulcère.
[Ce moyen est celui qui m'a paru le plus commode et le plus propre à atteindre ce but.
[Aussitôt après l'insufflation, le corps clignotant se déploie de nouveau, les paupières se ferment et le larmoiement se déclare. Au bout de quelques minutes, ce premier effet de l'insufflation du collyre cesse, l'animal tient l'œil à demi ouvert, et l'on distingue alors la taie ou l'ulcère, parce que le corps clignotant, tenu sous l'action irritante du collyre dont il a pris sa large part, reste rétracté plus longtemps.
[La cautérisation avec le nitrate d'argent est un des meilleurs moyens que l'on puisse employer pour faire disparaître les taches de la cornée.]
§ 2. — Ophthalmie ou Fluxion périodique.
Synonymie : Fluxion périodique des yeux, Ophthalmie, périodique, intermittente, rémittente, lunatique Lunatisme, Lune.
[L'Ophthalmie périodique, c'est-à-dire caractérisée par le retour, à des époques plus ou moins rapprochées, des phénomènes inflammatoires, est une maladie que l'on a cru pendant longtemps particulière aux solipèdes, et qui cependant affecte quelquefois les animaux de l'espèce bovine dans certaines localités (1).]
(1) Un vétérinaire distingué, des environs de Toulouse, Brette de Bessières, m'a assuré qu'il avait constaté l'existence de la fluxion périodique chez le bœuf.
Cause». — [On ne possède que des données peu sûres sur les causes prédisposantes de l'Ophthalmie périodique chez les animaux de l'espèce bovine. On a dit qu'elle n'affectait jamais les chevaux et les mulets vivant sur des terrains calcaires, et que la cause prédisposante de cette maladie sur ces animaux était leur séjour sur des terrains argileux ; eh bien, j'ai vu des bœufs fluxionnaires dans des localités à terrain calcaire ou argileux. Je ne sais rien quant à l'hérédité considérée comme cause prédisposante de cette affection sur les grands ruminants; je ne l'ai observée que chez des animaux adultes.
[On n'est pas plus avancé quant. aux causes occasionnelles.] Symptômes. — [Ce sont les mêmes, à de légères différences près, que ceux qui sont remarqués sur les solipèdes fluxionnaires : la Fluxion n'attaque ordinairement qu'un œil à la fois; elle se présente avec des nuances d'expression différentes, suivant qu'elle est à son début ou qu'elle remonte à une époque plus éloignée, suivant aussi son degré d'intensité; et je dois dire qu'elle n'est jamais aussi intense sur le bœuf que sur le cheval : on dirait une Ophthalmie simple, donnant lieu à un larmoiement peu considérable; l'humeur aqueuse est trouble, blanchâtre, et rarement elle a, vers la partie inférieure de la chambre antérieure, la couleur de feuille morte : elle a plus souvent une couleur sanguinolente radiée. Le rétrécissement de la pupille est un des symptômes que l'on remarque d'abord à travers l'humeur aqueuse, qui n'est jamais assez trouble pour qu'on ne puisse distinguer la pupille.
[Je n'ai pas remarqué que la Fluxion périodique occasionnât de mouvement fébrile chez le bœuf; seulement, cet animal paraît plus irritable. Il est aussi plus hésitant quand il marche. en liberté, quoiqu'il n'ait qu'un œil malade à la fois. J'ai dit que le larmoiement est chez lui peu abondant, et je dois ajouter qu'il a aussi une bien moindre durée que chez le cheval.]
Marche. Durée. Terminaison. — [La marche de la Fluxion est lente, et les accès, qui se montrent à des intervalles assez éloignés, sont moins fréquents chez le bœuf que chez le cheval; mais ils sont d'une durée plus longue. Il y a des bœufs qui ne sont affectés de la Fluxion que chaque printemps, et d'autres tous les six mois. La maladie se termine par l'amaurose ou par la cataracte. Je n'ai pas vu de bœuf ayant eu les deux yeux affectés; aussi la cécité complète est-elle un état très rare sur cet animal.
[Je n'ai jamais employé aucun traitement pour combattre la Fluxion périodique du boeuf ; c'est chose parfaitement inutile.]
§ 3. — Ophthalmie vermineuse.
Cette maladie est déterminée par un ver capillaire de 2 à 3 centimètres de longueur que l'on considère provisoirement « comme une forme larvaire du Filaria cervina, qui, a l'état adulte, vit dans les séreuses du boeuf » (Neumann). — Elle sévit parfois sous forme épizootique ; on l'a observée au printemps et en automne. — Ordinairement un seul œil est affecté; exceptionnellement les deux à la fois. On voit d'abord, dans la chambre antérieure, un ou plusieurs vers filiformes nageant dans l'humeur aqueuse. Puis l'œil se trouble, devient larmoyant; l'animal se défend quand on veut l'examiner. — La maladie peut durer trois à quatre mois ; sa marche est intermittente et sa terminaison habituelle est la cataracte. — Parfois le ver meurt et il est ensuite résorbé.
Cette heureuse terminaison pourrait être obtenue, d'après Chaignaud — qui a souvent observé la maladie dont il s'agit — en instillant trois fois par jour, entre les paupières, de la teinture d'aloès étendue de son poids d'eau. — Lorsque la maladie est avancée, la cécité ne peut être prévenue.
On a conseillé la ponction et l'incision de la cornée. Par ce moyen, l'humeur aqueuse s'écoule en entraînant, au dehors, les vers qu'elle contenait. — Cette opération peut être suivie de la fonte purulente de l'œil.
Pour diminuer les souffrances que l'animal éprouve et examiner l'œil avec facilité, il est indiqué d'instiller entre les paupières quelques gouttes d'une solution aqueuse de chlorhydrate de cocaïne au vingtième.
Dans quelques cas, l'ophthalmie vermineuse coïncide avec la conjonctivite vermineuse.
§ 4. — Conjonctivite vermineuse.
Cette maladie est produite par un helminthe connu sous le nom de Filaria /acr?/ma/M ; cette filaire se trouve sous les paupières. A plusieurs reprises, on en a signalé la présence chez des bêtes bovines et parfois même elle s'est manifestée simultanément sur plusieurs animaux.
Symptômes. — Les yeux sont larmoyants, les paupières gonflées, presque closes, très douloureuses. Parfois, les bêtes se défendent très énergiquement et il faut les fixer au joug, à un
poteau ou même dans un travail pour examiner convenablement les organes de la vision. Quand on est parvenu à écarter les paupières, on voit alors serpenter rapidement, sur la cornée, un ver blanchâtre, filiforme, baigné par les larmes, d'une longueur de t centimètre et demi à 2 centimètres. Ce ver n'est point solitaire ; parfois, on en trouve six ou sept qui rampent dans tous les sens et se glissent entre les plis de la muqueuse palpébrale presque toujours vers le grand angle de l'œil. Souvent ils s'enlacent et constituent un petit paquet, qui, le plus ordinairement, se loge sous le corps clignotant.
Ces filaires produisent non seulement une ophthalmie intense, mais encore des kératites diffuses et même, chez quelques bêtes, des ulcérations de la cornée, à tel point que la perforation de l'œil peut être à craindre.
On ne sait point encore sous quelle forme ni dans quel état ces filaires pénètrent entre les paupières et le globe de l'œil. Peut-être s'y introduisent-elles directement, de même que la filaire de Médine pénètre à travers la peau de l'homme. Quoi qu'il en soit, une chose est certaine : c'est que l'humidité favorise le développement de ces helminthes, et l'on peut concevoir ainsi que des bœufs ou des vaches, placés dans des pâturages humides, notamment au voisinage de cours d'eau, soient affectés d'ophthalmie vermineuse à forme enzootique.
Traitement. — La première indication à remplir consiste à débarrasser l'œil de la présence de ces vers, qui agissent comme des corps étrangers. L'extraction avec le bout du doigt peut convenir lorsque les vers sont peu nombreux, mais elle devient insuffisante dans le cas contraire. Alors il faut procéder de la manière suivante : Écarter autant que possible les paupières avec des érignes mousses; cela fait, injecter sur la cornée et autant que possible sous le corps clignotant, au moyen d'une petite seringue, à jet un peu fort, une solution vermicide, notamment de l'eau éthérée, camphrée, comme l'a fait avec succès M. Randanne. Par ce procédé, les vers sont entraînés par le courant liquide et l'animal se trouve débarrassé incontinent de ces hôtes incommodes. Quelques lotions avec l'infusion de fleurs de sureau légèrement saturnée complètent la cure. Les solutions de continuité de la cornée se guérissent peu à peu; toutefois, il peut être utile de passer légèrement le crayon de nitrate d'argent sur les taches de la cornée afin de faire disparaître les dernières traces de cette maladie, qui, contrairement à l'opinion de Roll, ne laisse pas que d'offrir une certaine gravité.
ARTICLE IV
MYOPIE.
[Il peut paraître étrange que je parle de cette infirmité comme affectant l'espèce bovine ; cependant, elle est plus commune qu'on ne pense sur les animaux de cette espèce; c'est elle, le plus souvent, qui rend les bœufs méchants, et par conséquent dangereux pour les personnes obligées de les panser ou de les conduire. C'est pourquoi je crois devoir ne point la passer sous silence.
[Le bœuf devient myope par l'effet d'amaurose ou de cataracte incomplète, ou, bien plus souvent, lorsque ses yeux sont bombés et saillants. Il ne l'est pas toujours des deux yeux. On reconnaît qu'un bœuf est myope quand, au sortir de l'étable, il a l'air effaré, s'avance au grand jour en marchant d'une manière peu assurée, et surtout quand il s'effarouche facilement, en apercevant des objets qui ne l'effrayent r int s'il en est rapproché. Il y a beaucoup de bœufs qui lancent des coups de pied, même à leur conducteur habituel, s'ils l'aperçoivent en arrière à une certaine distance, et aussi quand ils sont en liberté et qu'ils aperçoivent l'extrémité de leur queue, soit directement, soit son ombre, si le soleil est vers son déclin. Ces bœufs ne font d'ailleurs aucune manifestation de ce genre toutes les fois que le conducteur est à portée, même s'il ne fait pas entendre, ou s'ils ne peuvent apercevoir leur queue d'aucune manière ; de même, suivant que le conducteur se trouve à distance ou est très rapproché, ils le menacent de la tête, ou ils se tiennent tranquilles. Il y a des bœufs qui ne se livrent à ces mouvements que lorsque l'objet dont ils s'effarouchent se trouve à leur droite ou à leur gauche.
[Quand j'ai voulu me rendre compte de ces mouvements désordonnés de la part de ces animaux, ce qui les fait considérer comme méchants, j'ai toujours remarqué, ou qu'ils avaient un œil ou deux très bombés et saillants, ou bien qu'ils étaient alteints d'amaurose ou de cataracte commençantes.
[Ces explications suffisent pour appeler l'attention de mes confrères, et l'on comprendra sans peine que je n'aie pas de traitement à indiquer.]
LIVRE QUATRIÈME
MALADIES DE L'APPAREIL DIGESTIF
CHAPITRE 1
MALADIES DE LA BOUCHE ET DE SES DÉPENDANCES
[La Bouche est le siège d'inflammations plus ou moins vives, bornées à la membrane muqueuse, ou affectant en même temps plusieurs de ses parties constituanles. Parfois, quelques-uns des organes qu'elle renferme s'altèrent dans leur composition, éprouvent des contusions qui retentissent dans son intérieur ; des corps étrangers s'y implantent, etc.]
ARTICLE 1
TUMÉFACTION, INFLAMMATION DES LÈVRES.
[La Tuméfaction ou Inflammation des lèvres est une affection fréquente sur les bêtes bovines; elle peut être aiguë ou chronique.] Causes. — [Elles sont très nombreuses, surtout pour les animaux de travail qui reçoivent sur les lèvres des coups plus ou moins violents. Le bouvier veut-il faire reculer les bœufs attelés, il les frappe sur le mufle avec le manche de l'aiguillon ; veut-il leur faire lever la tête, afin de les attacher sous le joug avec plus de facilité, il les frappe sur les lèvres avec son genou, et quelquefois avec la pointe de son sabot. Souvent un bœuf, en secouant la tête pour se débarrasser des mouches qui le tourmentent, atteint avec ses cornes les lèvres de son voisin d'écurie ou de pâturage. Enfin,
les bœufs qui paissent dans les bois sont mordus fréquemment aux lèvres par des vipères.]
Symptômes. — [Gonflement des lèvres très caractérisé par une augmentation d'épaisseur qui leur donne un aspect singulier. Elles font saillie au-dessus du mufle, et elles acquièrent beaucoup de dureté. Ce gonflement est des plus douloureux, et si 1 'animal, pressé par la faim, s'approche du râtelier ou de la crèche pour prendre des aliments, il se retire bien vite si l engorgement est très considérable, ou, s'il l'est modérément, il tire la langue ors de la bouche autant qu'il le peut, afin de saisir les aliments sans éprouver une sensation trop douloureuse.
[J'ai dit que le caractère de cet engorgement des lèvres est d'être très dur et douloureux en proportion ; mais s 'il est l 'e et de la morsure d'une vipère, il est moins circonscrit, et s étend au contraire vers les parties environnantes; enfin, il est mollasse, emphysémateux quelquefois.
[Si l'inflammation est passée à l'état chronique, 1 engorgement a quelque peu diminué, mais il est bosselé à la face interne des lèvres ; alors la membrane buccale, de rouge vif qu elle était, prend une couleur blafarde. Bientôt, on y remarque de légères excoriations, qui, d'abord isolées, finissent par se réunir ; e lles perdent en étendue et gagnent en profondeur ; leurs bords deviennent calleux, et l'on se trouve en présence d'ulcérations de très mauvaise nature, autour desquelles les tissus s 'indurent.] ^
Marche. Durée. Terminaison. — [Le développement de 1 inflammation est ici en rapport avec l'intensité de la cause, c està-dire avec la violence du coup porté sur les lèvres ou avec la nature de la piqûre. Si le coup a été peu violent, l inflammation se déclare avec lenteur. Dans le cas contraire, l engorgement ne tarde pas à se former. Si la piqûre de l aiguillon ou d une épine est peu profonde, l'engorgement est plus ou moins tardif , mais, à la suite de la morsure de la vipère, il est pour ainsi dire instantané.
[L'inflammation peu intense n'a pas une longue durée. Celle qui résulte de la morsure d'une vipère a une marche d abord rapide; elle se prolonge plusieurs jours après que les symptômes d une inflammation très vive se sont calmés. Il y a ici comme un temps d'arrêt qui précède la résolution complète.
[Les terminaisons sont : la résolution ou l'état chronique avec induration. J'ai vu plusieurs bœufs mordus aux lèvres par des vipères, mais je n'en ai pas vu mourir des suites de cet accident.]
Diagiiostie. Pronostic. — [Le diagnostic ne peut jamais être douteux ; la tuméfaction des lèvres est des plus apparentes, et
même à son début, on en reconnaît toujours l'existence à la manière dont les animaux cherchent à saisir lefourrage. Le pronostic n'est fâcheux que si l'inflammation passe à l'état chronique et qu'à la face interne des lèvres viennent à apparaître, des ulcérations à bords calleux.
[Le pronostic auquel peut donner lieu la morsure d'une vipère est toujours fâcheux sans doute, mais non pourtant à un degré extrême. L'inflammation résultant de cette morsure est rarement mortelle, c'est au moins ce qui résulte de nos observations pratiques; d'après les expériences de Fontana, il faudrait, pour que le venin de la vipère fît périr un bœuf, qu'il en fût absorbé de 50 à 60 centigrammes, et, pour cela, la piqûre d'une seule vipère ne saurait suffire. D'ailleurs, une circonstance particulière préserve souvent le bœuf de l'absorption du venin. On sait que chez cet animal, la langue est recouverte d'une membrane épidermique qui acquiert la dureté et la forme d'une râpe. Elle est longue, [très flexible, et le bœuf s'en sert pour se gratter, se lécher, etc. Or, à la plus légère sensation que peut lui faire éprouver la morsure de la vipère faite aux lèvres, comme à d'autres parties où elle peut atteindre, la langue vient passer vivement sur l'endroit où existe la sensation subite et enlève d'un seul coup le venin déposé, bien souvent, selon toutes les probabilités, avant qu'il ait eu le temps d'être absorbé. Une fois enlevé par la langue, il se trouve délayé dans la salive, ou du moins passe dans les voies digestives, oû il ne peut plus produire d'effet malfaisant.]
Traitement. — [Le traitement de l'inflammation deslèvres n'est nullement difficile à indiquer; c'est son application qui l'est à un point extrême, car la langue du bœuf est toujours là, prête à enlever tout ce que l'on pourrait déposer sur la partie enflammée. Lotions, embrocations, tout disparait, et j'avoue que les seules applications que j'aie pu faire en pareil cas se sont bornées à des frictions d'essence de térébenthine, que le bœuf semble respecter après y avoir touché avec sa langue une première fois; et comme ces frictions ont en réalité une puissance résolutive assez marquée, je les ai employées souvent avec succès.
[A l'intérieur, dans tous les cas de morsure de vipère, j'administre l'ammoniaque liquide à la dose de 30 grammes dans un litre d'eau. J'ai toujours constaté l'efficacité de cette médication.
Breuvage avec l'ammoniaque.
Prenez : Ammoniaque liquide (suivant l'âge et la taille de l'animal), de 32 à 64 grammes.
Eau froide ........................ 1 litre à 1 litre 1/2
t
ARTICLE II
MALADIES DE LA MUQUEUSE DE LA BOUCHE.
§ 1. — Inflammation de la muqueuse buccale.
Synonymie : Stomatite,
Causes. — [Cette maladie est ordinairement occasionnée par la présence de corps étrangers implantés sur la membrane muqueuse, autour des gencives, sous la langue, ou à la face intérieure des lèvres, en avant des incisives ou du bourrelet, ou bien encore par des surdents rentrantes, ou des portions de molaires détachées du corps de la dent à la suite d'un choc intérieur.] Symptômes. — [L'écoulement d'un fluide visqueux parles commissures des lèvres, le refus par les animaux de prendre des aliments solides, ou du moins le rejet de ces aliments avant que la mastication ait commencé, la mastication marquée par de fréquentes interruptions, sont les symptômes qui se manifestent d'abord. Puis surviennent, à l'intérieur de la bouche, une douleur vive produite par la plus légère pression; des phlyctènes sur la membrane, ou des ulcérations pouvant siéger sui toute la surface, ou, suivant les causes, sous la langue et entre les lèvres et les incisives ou le bourrelet.
[Je ne mentionnerai, comme symptômes apparents et caractéristiques, ni la rougeur de la membrane, ni la chaleur extraordinaire, brûlante, comme disent presque tous les auteurs qui ont écrit sur la pathologie bovine; la rougeur n'existe pas sur la membrane muqueuse quand elle est de couleur très brune, ce que l'on remarque souvent sur certaines races; quanta la chaleur, il faudrait, pour préciser si elle est modérée ou intense, avoir des termes de comparaison. On peut présumer cette chaleur, mais dire à quel degré elle est arrivée est chose fort difficile, et je ne crois pas que des symptômes décrits avec ces expressions vagues soient de quelque utilité. Ils ne peuvent, selon moi, que rendre le diagnostic incertain.
[Quelquefois, l'inflammation de la bouche est symptomatique d'une affection de même nature, et dont le siège est dans le tube digestif; il n'y a pas alors à s'en occuper, sinon comme phénomène indicatif, devant suivre les phases diverses de la maladie principale, et qui subira l'influence du traitement général.
[Elle est essentielle et purement locale, lorsque des plantes
hérissées d'épines s'étant trouvées mêlées aux fourrages, ces épines se sont implantées dans la muqueuse buccale ; elle l'est également lorsque les barbes de l'orge sont retenues dans les replis membraneux, principalement autour du frein de la langue et s'y implantent; lorsque la langue a été blessée par des chicots et d'autres corps susceptibles de produire des blessures plus ou moins graves sur quelque point de cet organe, tels que les surdents rentrantes et les aspérités des molaires qui résultent d'usure inégale.]
Terminaison. Traitement. — [En général, la Stomatite due à des causes de cette nature guérit promptement, aussitôt que la cause a cessé d'agir. On arrache ou l'on coupe les surdents et les aspérités, on enlève les chicots, les épines, les amas de barbes d'orge ; enfin on déterge les ulcérations s'il en existe, avec de l'oxycrat ou de l'oxymel, et l'on n'y touche plus : la salivation complète la cure.]
§ 2. — Barbillons.
[On a distingué, sous le nom de Barbillons, l'ulcération des orifices des canaux excréteurs de la salive qui s'ouvrent dans la bouche, et l'on en a fait une maladie différente de l'inflammation essentielle de cette cavité. Cette distinction était inutile, l'inflammation étant due presque toujours aux mêmes causes que je viens d'indiquer, et l'ulcération n'étant jamais assez grave pour exiger un traitement autre que l'enlèvement du corps étranger, suivi d'un premier pansement d'une extrême simplicité.
[Quant aux barbillons, le cas est différent, et je crois nécessaire d'entrer dans quelques détails à ce sujet. On a confondu l'existence de l'état pathologique de la bouche que je désigne sous ce nom, avec l'ulcération de l'orifice des canaux salivaires; et quelques auteurs même en ont nié l'existence. Cela s'explique, les maladies du bœuf leur étant presque inconnues; mais cela ne justifie point suffisamment la critique qui a été faite d'un travail que j'ai publié, sur ce même sujet, il y a longtemps déjà. Voici ce que je a, jais alors (1) :
« Les auteurs vétérinaires appellent ainsi deux petits tubercules où s'ouvrent les canaux .excréteurs des glandes maxillaires; ils sont situés, un de chaque côté à la base de la langue, en avant du frein.
» Je désignerai sous ce nom les protubérances molles et très nombreuses qui sont les canaux excréteurs des follicules muqueux
(1) Journ. deméd. vét. théoriq. et pratiq, 183:11 n° de février.
de la membrane qui tapisse la bouche du bœuf. Elles ont leur siège au bord interne des lèvres, de chaque côté seulement, et, dans l'intérieur de la bouche, le long des dents molaires. Leur volume et leur forme varient un peu, suivant la place qu'elles occupent ; grosses et triangulaires aux lèvres, elle sont petites et de forme pyramidale sur les autres parties de la bouche.
» Rien de somblable à ces prolongements muqueux n'existe sur les monodactyles, et je crois que c'est avec juste raison que Flandrin (tome Ier du Nouveau Dictionnaire d'agriculture, article BARBILLONS, p. 407) blâme l'opération qui consiste à couper, avec les ciseaux, les replis de la membrane muqueuse, sous la langue, quand les chevaux éprouvent de la difficulté pourboire ou pour manger.
» Mais l'opération qui consiste à couper ce que l'on appelle les barbillons dans le bœuf, est-elle également blâmable?... Je ne le pense pas 1 Et sans prétendre imposer à cet égard mon opinion à personne, je dirai ce que j'ai vu et pratiqué souvent... Lorsque, dans les premiers temps de mon établissement, on venait me dire : « Mon bœuf ne boit ni ne mange, parce qu'il a les Bar« billons », je refusais de croire, et pourtant je finis par faire cette opération uniquement par complaisance, et, je dois le dire, presque toujours j'obtins un heureux résultat.
» Depuis lors, de nouvelles expériences, suivies avec attention, m'ont donné la certitude que, dans quelques circonstances, ces productions de la membrane muqueuse pouvaient acquérir un certain degré d'irritation, ce qui empêchait les bœufs de manger et surtout de boire. En effet, le bœuf qui souffre des Barbillons ne prend, à chaque gorgée, qu'une très petite quantité d'eau, et en laisse tomber une portion par les commissures des lèvres. Avant même d'avaler celle qu'il a retenue, il la garde dans la bouche en remuant sans cesse les mâchoires absolument comme s'il mâchait une plante âcre qui affecterait son goût d'une manière désagréable. Bientôt, il refuse tout à fait de boire, il mange peu, maigrit; son poil devient piqué, etc.
» On remarquera qu'ici il n'existe d'abord d'autre symptôme morbide que la difficulté de prendre les aliments, et que, presque aussitôt après l'opération, le bœuf mange et boit avec facilité.
» Le procédé opératoire est fort simple : on met le bœuf sousle joug avec son pareil, si, pour travailler, il est attelé par les cornes ; sinon, on l'attache à un arbre, en laissant un peu de liberté à la tète, afin de pouvoir la dévier en la soulevant ; un aide saisit l'animal par les naseaux au moyen du pouce et de l'index, et lui tient ainsi la tête un peu soulevée sans trop de difficulté... un autre aide tire la langue hors de la bouche,
d'un côté, en l'appuyant par sa base sur les premières molaires. C'est un moyen très commode de tenir ouverte la bouche du bœuf.
» Alors le vétérinaire, muni de ciseaux courbes sur plat, retranche quelques portions de ces productions membraneuses... le tiers supérieur ou la moitié à peu près... Une légère hémorragie a lieu; on jette un peu de vinaigre dans la bouche, et l'opération est terminée.
» C'est en hiver, quand les bœufs sont exclusivement nourris avec des fourrages secs, que les Barbillons acquièrent cet excès de sensibilité. On observe également cette affection sur les vaches et les taureaux. »
[Les Barbillons sont douloureux ou irrités par l'effet de causes qui ne sont pas toujours appréciables; d'autres fois, ils sont dans un état d'éréthisme, leur sensibilité est exaltée : ils sont, par exemple, vivement impressionnés par l'eau froide. Enfin, quand les animaux sont mal nourris depuis longtemps et que tous les tissus sont dans un état de faiblesse très apparent, il arrive que la membrane buccale est relâchée et flasque; alors elle peut être pincée et meurtrie pendant la mastication. Le plus souvent, ce sont les Barbillons, ceux principalement qui sont les plus rapprochés des molaires, qui éprouvent cette meurtrissure ; c'est ce dont je suis très sûr pour l'avoir remarqué maintes fois. Il est donc facile de concevoir pourquoi le retranchement d'une partie de chacun de ces barbillons fait disparaître la douleur manifestée par le bœuf, en même temps que la cause dont elle était en effet.
[Au reste, ce relâchement de la membrane buccale est plus fréquent qu'on ne le pense. On voit souvent des bœufs qui, pendant la rumination, laissent échapper par les commissures des lèvres une portion du bol de la rumination. C'est un accident d'autant plus fâcheux qu'il est particulier à des animaux déjà en mauvais état, et qui, nécessairement, maigrissent encore davantage. J'ai combattu avec succès cet accident morbide par de fréquentes injections dans la bouche d'une décoction amère et astringente, par des injections d'une dissolution d'alun ou d'une décoction de baies de genièvre, en donnant comme aliment, pendant plusieurs jours, des feuilles d'artichaut, toutes les fois que cela a été possible, et surtout par l'usage d'une bonne nourriture. Ici l'emploi du sel mêlé aux aliments est parfaitement indiqué et d'une efficacité incontestable.]
[Décoction amère et astringente pour injections dans la bouche à l'effet de combattre le relâchement de la membrane buccale.
Gentiane en poudre • 30 grammes Ecorce de chêne ou de saule ...................... 30 — Eau .............................................. 2 litres.
Faites bouillir jusqu'à diminution d'un tiers du liquide, laissez refroidir et faites les injections.
Autre décoction pour le même emploi.
Baies de genièvre 60 grammes. Eau ............................................. 2 litres.
Préparation comme ci-dessus.
Injection alunée,
Alun cristallisé et en poudre ..................... 15 grammes. Eau : 1 litre.
Agitez et faites l'injection, ou mieux trempez une poupée dans ce liquide et passez-la dans la bouche.]
[J'emploie aussi, dans le même but,
Un mastigadour composé avec :
1° Ail écrasé 1 tête.
2° Oignon cru écrasé ................. 1 de moyenne grosseur. 3° Assa fœtida ....................... 30 grammes.
Le tout enveloppé dans un. sachet en toile, fixé dans le sens de sa longueur, à un mors en bois.]
ARTICLE III
INFLAMMATION DE LA LANGUE.
Synonymie : Glossite, Blessure, Mal de langue, etc.
Définition. Fréquence. — [La Glossite est une inflammation ■de la membrane muqueuse de la langue seulement, ou bien elle
.est, en même temps, une inflammation du tissu de l'organe. Dans le premier cas, elle est dite superficielle; dans le second cas, elle ■est dite profonde.
[La Glossite n'est pas aussi fréquente sur les animaux de l'espèce bovine qu'on pourrait le croire et que l'ont dit quelques auteurs. Les uns l'ont confondue avec le glossanthrax ; d'autres ont
cru à son existence quand la tuméfaction de la langue résultait de la compression exercée sur sa base par le développement subit d'une tumeur sanguine; ils ont supposé que cette tumeur était de nature squirrheuse; et d'autres enfin ont fait de l'inflammation générale et spécifique de la membrane muqueuse de la bouche une Glossite simple.]
Causes. — [Les causes de la Glossite superficielle ou profonde sont toutes celles qui agissent en irritant la membrane muqueuse de la langue ou son tissu. En tirant la langue du bœuf hors de la bouche, afin de mieux examiner l'état de la dentition, des bouviers maladroits ou brutaux meurtrissent quelquefois cet organe, au point d'occasionner une inflammation de sa membrane muqueuse. Des fourrages, parmi lesquels se trouvent des épines ou " des fruits de chardon étoilé, produisent le même effet, ainsi que les barbes de l'épi de l'orge, quand cette graminée, donnée verte, approche de la maturité.
[La Glossite profonde est quelquefois occasionnée par des contusions résultant de la compression violente de la langue entre les incisives et le bourrelet : lorsque, par exemple, un bœuf qui rumine ou qui passe sa langue hors de la bouche fait une chute au bas de quelque monticule ou dans un fossé; lorsqu'il est brutalement frappé sur le mufle ou au-dessus de cette partie, pendant que sa langue est hors de la bouche ou qu'elle s'avance, quand il rumine, jusque vers les incisives et le bourrelet.]
Symptômes. — [Salivation abondante et continue; l'animal tient la bouche entr'ouverte. S'il essaye de prendre des aliments, il le fait en s'approchant lentement, pour ainsi dire, avec précaution, du râtelier ou de la mangeoire, et s'il les saisit, ce n'est que par brins; quand il les a dans la bouche, il est longtemps à les mâcher ou à les tordre avant de les avaler. Il rumine peu ou point; il est triste, il tient la tête dans un état d'immobilité. 11 se défend avec violence lorsqu'on cherche à lui faire ouvrir la bouche de manière à y porter la vue assez profondément pour apercevoir la base de la langue; et il se défend beaucoup plus vivement si on -cherche à la saisir. Cet organe est rouge parfois et non toujours; cela dépend de la couleur de la membrane qui recouvre la langue, et qui offre une teinte brune plus ou moins foncée, variant avec ,la nuance du poil. Des plaies de profondeur variable existent sous le frein de la langue, principalement lorsque la Glossite est occasionnée par les barbes de l'épi de l'orge.]
Marche. Durée. Terminaison. — [Trois OU quatre jours suffisent pour que la Glossite superficielle ait un terme; mais la Glossite profonde se développe plus lentement, et sa résolution se fait attendre plus longtemps. Dans l'un et l'autre cas, la termi-
nais on est favorable. C'est la résolution, ordinairement; je pourrais presque dire que cette terminaison est constante, n'en ayant pas observé d'autre.]
Diagnostic. Pronostic. — [Les symptômes locaux que j'ai décrits permettent de former un diagnostic toujours certain.
[Le pronostic de la Glossite n'est point fâcheux ; il faudrait, pour qu'il y eût du danger, que, dans une chute, la langue eût été, pour ainsi dire, écrasée, et encore pourrait-on, dans ce cas, compter sur la guérison, tant les plaies de la bouche qui se bornent aux parties molles sont promptes à se cicatriser. On en a une preuve dans les scarifications profondes que l'on a pratiquées sans danger sur la langue, bien souvent, quoiqu'il n'y eût pas d'indication précise].
Traitement. — [La diète et les boissons rafraîchissantes sont les premiers et les principaux moyens à employer pour combattre la Glossite : la diète, parce qu'elle laisse en repos les mâchoires et la langue; les boissons, parce qu'elles tempèrent l'âcreté de la salive. Si l'animal ne se défend point quand on essaye d'introduire dans la bouche des poupées enduites d'eaux miellée ou l'extrémité d'une seringue contenant un liquide adoucissant, je conseille l'emploi de ces moyens; mais, pour peu qu'il s'en défende, j'y renonce, parce que dans ce dernier cas, ils produisent un effet contraire à celui qu'on se propose d'obtenir.
[Si néanmoins la fétidité de la salive est telle qu'elle indique l'existence d'ulcérations, on peut, en fixant solidement la tète de l'animal à un poteau ou à un arbre, faire des injections détersives au moyen d'une seringue dont la canule est introduite dans la bouche par les commissures et avec précaution.
[Dans ce cas, on peut employer l'injection suivante :
Injection.
Alun cristallisé 15 grammes.
Faites dissoudre dans 1 litre d'eau.
ou bien :
Eau de Rabel 64 grammes. Vinaigre 100 — Eau ............................................. 2 litres.
Mêlez.]
ARTICLE IV
MALADIE DES JOUES.
§ 1. — Inflammation des joues.
[Cette maladie n'est pas inconnue sur les animaux de l'espèce bovine, comme cela a été dit. Cette inflammation est toujours produite par des coups de corne que les animaux se donnent entre eux, dans l'étable, en voulant se débarrasser des mouches qui les tourmentent.
[Ces coups sont également cause des tumeurs enkystées qui se produisent dans la substance des joues, et dont il sera question plus loin.
[Dans les campagnes du Sud-Ouest, un bœuf se trouve rarement seul dans une loge, que celle-ci soit de forme primitive et fort simple par conséquent, ou d'une construction plus en rapport avec les usages de notre époque. Or, lorsque deux bœufs sont dans la même loge, il arrive fort souvent, en été, que, par un mouvement de tête brusque et violent, l'un de ces animaux frappe, avec l'extrémité d'une de ses cornes, celui qui se trouve à son côté, lorsque ce dernier est à portée suffisante, ou bien que les deux animaux exécutent le même mouvement et que leurs têtes se rapprochent. C'est alors que sont portés des coups d'une grande violence sur les joues et les os maxillaires.
[Quand la contusion a lieu sur les parties molles, elle produit un engorgement de forme et d'étendue variables, mais toujours très douloureux: c'est l'inflammation des joues. Dans ce cas, la première indication serait de faire des ablutions continuelles d'eau froide pendant plusieurs heures. Ce moyen est d'une efficacité incontestable, à la condition que les ablutions seront faites sans interruption. Mais il arrive trop souvent que l'on s'aperçoit de l'existence de la maladie seulement lorsque déjà l'engorgement s'est développé ; et alors il n'est plus temps d'employer ces ablutions froides, qui ne donneraient aucun résultat.
[Quant à l'emploi des émollients proprement dits, tels que cataplasmes ou lotions mucilagineuses, il est inutile d'y compter; d'abord, parce que ces moyens médicamenteux sont loin d'avoir les propriétés qu'on leur attribue, et ensuite parce qu'ils sont d'une application à peu près impossible.
[Dans une métairie, tout au plus peut-on obtenir que le bouvier fasse trois ou quatre lotions par jour, à plusieurs heures
d'intervalle les unes des autres ; et je crois qu'ainsi faites, les lotions, si elles ont quelque action, produisent un effet contraire à celui que l'on veut obtenir. Au bout de quelques minutes, il n'en reste aucune trace sur la tumeur. Quant aux cataplasmes, si on les applique, ils ne tiennent pas longtemps, et leur action ne s'exerce pas plus favorablement que celle des lotions. Le cataplasme se déplace et se refroidit toutes les fois que l'animal fait un mouvement de tête ou de mâchoire. Il faudrait, pour qu'il en fût autrement, que l'animal restât pendant plusieurs heures dans une immobilité complète, qu'il n'essayât pas de manger, qu'il ne ruminât pas, etc.
[Les auteurs, qui ont conseillé l'emploi des lotions ou des cataplasmes dans ce cas, ne se sont pas rendu compte des difficultés d'application de ce mode de traitement, auquel j'ai renoncé depuis longtemps.
[Je fais sur les tumeurs inflammatoires des joues du bœuf, des frictions énergiques d'essence de térébenthine deux ou trois fois par jour ; et lorsque j'ai surexcité de cette manière l'inflammation déjà existante, et que je remarque un commencement de vésication sur la peau, je me borne à attendre que cette surexcitation se soit calmée, — ce qui a lieu au bout de trois ou quatre jours; — il est rare que la tumeur ne se trouve pas alors en voie de résolution. Si cette terminaison se fait attendre, je fais de nouvelles frictions.
[Quelquefois, selon le cas, je remplace les frictions d'essence de térébenthine par une ou deux frictions, au plus, d'un vésicant liquide : feu français, feu anglais, Uniment ammoniacal, etc. Cette médication est préférable à celle qui a pour principe l'emploi des émollients ; son efficacité est incontestable, et quand on a pratiqué à la campagne, on reconnaît que, si elle est la plus propre à la guérison de la maladie dont je m'occupe, et la plus avantageuse au propriétaire de l'animal, elle est aussi, sous tous les rapports, la plus commode pour le vétérinaire.]
§ 2. — Des kystes dans l'épaisseur des joues.
Causes. Symptômes. — [Les kystes placés dans l'épaisseur des joues sont, en général, une dégénérescence de l'inflammation de ces organes, occasionnée par des coups de corne ou par d'autres coups, dont l'effet est le même.
[Ils constituent des tumeurs indolentes et ils contiennent une matière de couleur et de consistance variables, tantôt épaisse et blanchâtre, d'autres fois roussâtre et liquide, ou grumeleuse, ou poisseuse. Le siège particulier de ces tumeurs est ordinairement entre le derme et la membrane muqueuse de la bouche ; leur inté-
rieur est tapissé d'une membrane dense fibro-séreuse ; leur accroissement est lent, mais il est continu. Le plus souvent, elles ne changent pas de caractère; mais il arrive quelquefois que, par suite d'une nouvelle contusion ou de toute autre cause, elles deviennent le siège d'une induration persistante.]
Traitement. — [Je ne considère pas l'extirpation de ces tumeurs comme le moyen curatif le moins sujet à des inconvénients lorsqu'elles sont anciennes, volumineuses et situées très profondément. L'opération est facile, cela est vrai : on incise la peau, on dissèque la tumeur; on n'a presque pas d'hémorragie et le pansement est des plus simples. Mais si l'opération est facile, la guérison de la plaie qui en résulte ne s'obtient pas toujours sans que le vétérinaire éprouve quelque désagrément. Le bœuf, s'il ne peut pas arriver jusqu'à cette plaie avec sa langue, qui, dans ce cas, ferait l'office d'une râpe, y atteint facilement avec ses pieds de derrière; ou, s'il est libre, il se frotte rudement contre les corps extérieurs : la plaie alors devient baveuse, à bords renversés, les parties environnantes s'engorgent, et la guérison est retardée d'autant.
[Je préfère la cautérisation. L'action du cautère, introduit dans l'intérieur des tumeurs et ne laissant intacte aucune portion de la membrane enkystée, est plus efficace que l'enlèvement avec le bistouri. Après avoir opéré avec le cautère, j'ai eu très rarement à constater que les bœufs eussent cherché à porter les pieds ou la langue sur les plaies pendant les premiers jours, ou à se frotter contre des corps durs placés à leur portée. Les eschares qui suivent la cautérisation se détachent lentement et la plaie se trouve cicatrisée en partie lorsque l'élimination est achevée : alors, il y a moins à redouter les effets du frottement.
[Un autre avantage de la cautérisation des kystes des joues, c'est qu'après la chute de l'eschare il n'y a plus rien à faire qu 'à enlever tout doucement, avec des étoupes fines, le produit de la suppuration ou les malpropretés qui restent déposées ou attachées sur la plaie.
[Je cautérise les kystes profonds aussi bien que ceux qui se trouvent placés superficiellement. Quelquefois le cautère est arrivé bien près de la membrane buccale, sans que jamais j aie. vu des accidents résulter de cette circonstance.
[Si les kystes ne sont pas très volumineux, ni situés profondément et qu'ils soient de forme un peu aplatie, on peut user des frictions vésicantes pour en obtenir la résolution. On réussit assez souvent de la manière suivante :
[On fait d'abord, et dans la même journée, deux frictions énergiques. Ces frictions ont moins d'action, c'est-à-dire une action
plus lente, sur la peau du bœuf que sur celle du cheval : si donc, après les deux premières frictions, on ne peut constater une vésication énergique, il faut répéter l'opération. Après la troisième friction, il arrive ordinairement que l'effet attendu a été produit. Alors, on laisse le travail de résorption s'opérer sous l'influence de l'inflammation artificielle qui s'est développée, et lorsque celle-ci paraît avoir entièrement disparu, on prend conseil des circonstances.
[Si la tumeur a diminué de moitié, on suspend toute médication ; il est à croire que le travail résolutoire se terminera par le seul effort de la nature.
[Si la tumeur n'a pas diminué sensiblement, on fait de nouvelles frictions, mais en attendant pour cela que le poil commence à repousser, condition nécessaire pour ne pas détruire les bulbes pileux ni laisser, par suite, sur la partie, des cicatrices apparentes que produiraient des frictions vésicantes trop souvent répétées. Par cette précaution, on évite toujours cet accident qui, bien que léger, a pourtant une certaine gravité, quand il s'agit d'animaux destinés à être vendus pour le travail.
[Les liniments vésicants que j'emploie sont : ou le feu français, ou les préparations suivantes :
Liniment ammoniacal caustique.
Poudre d'euphorbe j d h 16 grammes
— de sabine ) °
Huile d'olive 125 — Ammoniaque liquide ....... 125 —
Faites digérer pendant vingt-quatre heures, à une douce température, les poudres dans l'huile ; ajoutez l'ammoniaque et agitez vivement.
Pommade stibiée.
Émétique en poudre 25 grammes. Axonge ......................................... 100 —
Deux frictions suffisent pour produire sur la peau du bœuf une vésication très énergique.
Onguent vèsicatoire.
Onguent basilicum 100 grammes. Cantharides en poudre , ............... , ... , . , . 2 —
Mélangez intimement.
Deux frictions ne suffisent pas sur le bœuf; il en faut trois ou quatre pour obtenir une vésication suffisante.]
ARTICLE V
MALADIES DES DENTS.
[Le travail de la dentition ne donne lieu, sur les jeunes animaux de l'espèce bovine, à aucun phénomène sérieusement morbide, et il est inutile de décrire de prétendus symptômes qui n'ont jamais existé. Mais il importe de prêter quelque attention à certains détails qui se rapportent :
110 A l'usure des dents sur les animaux adultes ;
[2° Aux surdents, qui se produisent sur les jeunes animaux, et encore plus fréquemment sur les vieux ;
[3° Aux aspérités que l'on remarque fréquemment sur la table dentaire des bœufs de travail, qui vont paître sur des prairies sablonneuses ;
[4° A la carie des dents sur les animaux de tout âge.]
§ 1. — Usure des dents. — Surdents. — Aspérités.
Causes. Symptômes. — [Les bœufs qui vont paître dans les bois ou sur les terrains graveleux ont souvent les incisives usées de bonne heure, ébréchées quelquefois, et la table dentaire des molaires usée d'une manière soit uniforme, soit irrégulière.
[On reconnaît que les incisives sont usées ou ébréchées en abaissant la lèvre inférieure des,animaux, et que la table dentaire est usée inégalement ou d'une manière uniforme, en forçant l'animal à ouvrir la bouche et en tirant sa langue en dehors et de côté, en appuyant cet organe sur les dernières molaires. Mais cette manœuvre, qu'il s'agit de faire en foire ordinairement alors qu'on manque du nombre d'aides nécessaire et de l'instrument appelé pas-d'âne, n'est pas toujours d'une facile exécution, si l'animal se montre indocile ; aussi aussi y ai-je substitué un moyen beaucoup plus simple.
[Si l'animal rumine, on saisit l'extrémité d'une de ses cornes, :avec une certaine précaution néanmoins, afin de ne point le troubler dans l'accomplissement de cette fonction, et alors on distingue parfaitement, à chaque mouvement des mâchoires, si la table •dentaire est régulière ou si elle ne l'est point. S'il existe des surdents, le contre-coup que l'on ressent dans la paume de la main est très sensible, et ne laisse aucun doute sur leur existence. S'il n'y a que de simples aspérités, la sensation communiquée à l'explorateur ressemble à celle qu'il éprouverait en faisant passer
un corps dur sur les dents d'une petite scie. Enfin, lorsque les deux tables sont usées, le frottement de l'une contre l'autre est à peine sensible ; on a une sensation obtuse, comme en faisant glisser l'une contre l'autre deux surfaces polies. La sensation est la même quand une seule de ces tables est usée.
[L'usure de la table dentaire a probablement sa première cause dans la composition imparfaite de la substance de la dent ; mais il est certain que la cause déterminante se trouve dans l'état des pâturages, lesquels, lorsqu'ils sont pierreux ou sablonneux, déterminent toujours une destruction prématurée du tissu dentaire. Un âge avancé est aussi une cause déterminante avérée.]
Diagllostie. Pronostic. — [Quand un animal ne mange pas avec facilité, que les mouvements de ses mâchoires pendant la mastication se font irrégulièrement et sont parfois soudainement interrompus, on explore sa bouche et, de la sorte, on est bientôt fixé sur la cause de la gêne de la mastication ou de son irrégularité. Quant au pronostic, il varie nécessairement.
[L'usure de la table dentaire est un fait très grave, qui nécessite la réforme de l'animal et son engraissement ou son rétablissement, au moyen de pulpes ou de substances farineuses: moyen peu avantageux, parce que, quoi qu'on ait pu dire à ce sujet, le rétablissement d'une bête bovine par des pulpes et des farineux exclusivement ne se fait point dans les conditions normales de la conformation et de l'a constitution de cet animal. S'il ne vit que de matières molles, il ne les rumine presque pas ; de là trouble dans les fonctions générales, la rumination n'étant point seulement chez lui un acte nécessaire à la bonne digestion dès fourrages, mais encore une fonction qui fait partie d'un ensemble harmonique, et sans laquelle toutes les autres restent incomplètes ou languissantes.
[Donc, le pronostic que l'on doit tirer de l'usure de la table dentaire est fâcheux; il l'est moins dans le cas d'aspérités, de surdents et même de carie. On peut faire disparaître les aspérités et les surdents; on peut arracher une dent cariée ou la faire tomber.]
Traitement. — [Les moyens mécaniques sont les seuls dont on puisse faire usage pour remédier aux maladies et irrégularités des dents. Pour les mettre en pratique, il faut abattre l'animal ; cela vaut mieux, sous tous les rapports, que d'opérer au travail. Ici, en effet, il est nécessaire que la tête soit assujettie, et si elle l'est solidement, on ne peut guère tenir les mâchoires du bœuf assez écartées pour que la vue plonge facilement dans le fond de la bouche, d'autant plus que la position élevée de la tête ne permet pas toujours une exploration complète. J'ai donc toujours
eu recours à l'abatage, que je pratique de la manière suivante :
[Le bœuf étant placé sur un tas de fumier assez épais et recouvert de litière propre et sèche, chaume ou paille, un ou deux aides tiennent l'animal par les cornes. Je fixe les entraves audessus du pâturon. Si le bœuf est difficile, s'il ne supporte pas avec patience cette opération préliminaire, ce qui arrive souvent, à moins qu'on n'ait affaire à un animal exténué de maigreur et de fatigue, je lui comprime fortement le flanc au moyen d'une corde enroulée autour du corps, laquelle serre particulièrement le flanc vers le grasse t. Le bout de cette corde, passé dans une anse, est tenu par un ou deux aides. Quand le bœuf se trouve serré de cette manière, il s'agite d'abord, et même il cherche à ruer; mais comme ses efforts n'aboutissent pas, et ne font qu'augmenter la douleur que lui fait éprouver la compression, il finit bientôt par se tenir immobile.
[Alors on peut, en toute sûreté, mettre les entraves, passer le lacs dans les anneaux et rapprocher les membres avant de donner la secousse dernière, laquelle ne doit être assez forte que pour faire tomber l'animal sur les genoux; puis les aides placés à la tête le renversent sans difficulté sur le côté, et avec assez de précaution, pour que les cornes ne portent pas brusquement sur le lit de paille et de fumier; en même temps ceux qui tiennent le lacs facilitent ce mouvement en tirant à eux sur les quatre membres réunis.
[Les détails de cet abatage doivent tous être observés, si l'on veut éviter des accidents tels que l'ébranlement ou la fracture des cornes, et qui seraient possibles, si le bœuf, en tombant, implantait l'un ou l'autre de ces appendices dans une masse de fumier.
[Le bœuf étant ainsi couché, on lui tient la bouche ouverte sans la moindre difficulté; on place le pas-d'âne; un aide saisit la langue par sa pointe, la tire en dehors et sur un côté, et l'on opère à l'aise sans courir le risque de blesser la membrane de la bouche ou la base de la langue avec les instruments employés dans l'opération, c'est-à-dire la gouge et lo maillet ou bien le rabot odontriteur, avec lesquels on fait tomber les aspérités et les surdents, et les fortes pinces qui servent pour enlever les molaires tremblantes.]
§ 2. — Carie.
[On observe quelquefois la carie des dents sur les bœufs adultes et même sur les jeunes animaux. On reconnaît l'existence de la carie à la difficulté de la rumination, à l'interruption fréquente
des mouvements de mastication, à l'écoulement par les commissures des lèvres, pendant que la rumination a lieu, d'une bave plus filante qu'à l'état normal, et à la fétidité de l'haleine de l'animal.
[La carie, chez les animaux de l'espèce bovine, m'a paru résulter, toutes les fois que je l'ai observée, d'aspérités, ou de surdents brisées avec violence et irrégulièrement, ou de la cassure accidentelle d'une dent.
[Le traitement de la carie est des plus 'simples; il se résume dans l'évulsion des dents cariées au moyen d'une forte pince, qui sert à ébranler et à arracher la dent. On doit d'ailleurs pour cela abattre l'animal, et prendre toutes les précautions recommandées plus haut.
[Après les opérations de ce genre, je ne fais d'autre pansement qu'une seule injection, dans la bouche, avec de l'oxycrat; puis je laisse à la nature le soin de guérir les quelques meurtrissures que peut avoir éprouvées la membrane muqueuse, la salive et le mucus buccal étant, à mon avis, les meilleurs topiques à employer en pareil cas. Toutefois, je commande de faire donner à l'animal des aliments de mastication facile.]
ARTICLE VI
MALADIES DES OS DE LA MACHOIRE.
Synonymie : Ostéite, Périostite, Périostose, Exostose, Ostéosarcome.
[Dans les contrées où le bœuf est employé aux travaux des champs, on observe très souvent les maladies des os de la mâchoire, du chanfrein et de la tête proprement dite. Il n'y en a pas de plus communes, parce que la cause est toujours imminente.]
Cornes. — [Les tumeurs osseuses des différentes régions de la têtes sont occasionnées soit par des piqûres de l'aiguillon, soit par des coups portés avec le sabot, chaussure ordinaire du bouvier, soit par des contusions provenant d'autres corps durs et principalement des cornes.
[On a dit que les animaux de l'espèce bovine recevaient ces coups dans les luttes auxquelles ils se livrent lorsqu'ils sont en liberté. C'est une erreur; ce n'est pas ainsi que se produisent les contusions de cette nature. Dans ces luttes, ce sont, au contraire, toutes les parties du corps, autres que la tête, qui sont le plus souvent exposées aux atteintes des cornes. Quand les bœufs
luttent front contre front, ils ne peuvent se blesser de cette manière avec leurs armes ordinaires. C'est presque toujours par un brusque et violent revers de tête ; c'est quand il veut chasser les mouches, dont la piqûre lui est extrêmement sensible ; c'est encore quand il cherche à exercer un frottement énergique sur l'une ou l'autre épaule ou sur une des faces latérales de la poitrine qu'un bœuf blesse, sur une des régions de la tête, sur les mâchoires ordinairement, son voisin le plus rapproché.]
Symptômes. Pronostic. — [La contusion ayant eu lieu sur un corps mou et élastique, ses traces ne sont pas toujours apparentes sur le moment. La réaction inflammatoire est rarement d'une appréciation facile; de sorte qu'elle a souvent produit tous ses effets avant qu'on soit averti de son existence.
[C'est pourquoi l'Ostéite, à ses différents degrés, est toujours une affection des plus graves.
[La périostose est le premier degré de la maladie. C'est alors que se manifeste le premier symptôme : un engorgement peu élevé, peu étendu, mais cependant siège d'une douleur assez vive, mise en évidence par une compression légère et momentanée.
[L'Ostéite, à ce premier degré, est curable ; elle l'est même lorsque l'exostose n'a pas une existence trop ancienne, qu'elle n'est pas élargie à sa base et parait faire partie intégrante de l'os : on peut espérer, dans ce cas, ralentir le développement de la tumeur ou l'arrêter; mais il faut prévoir que l'action légère d'une cause insignifiante en apparence fera reprendre son activité première à un état morbide neutralisé momentanément dans ses effets. Je m'explique : une exostose de la mâchoire ou du chanfrein a été combattue avec un certain succès; depuis quelque temps, elle n'est plus douloureuse au toucher ; elle n'a point fait de progrès; si cet état n'est pas la guérison, il est au moins satisfaisant ; on a ses coudées franches pour disposer de l'animal suivant les circonstances. Mais il suffira d'un choc, d'une contusion, sans effet sur toute autre portion de l'économie, pour imprimer à l'exostose toute la gravité dont elle est susceptible. Alors, on verra une douleur plus vive se manifester et la tumeur s'étendre en élévation et en largeur, et finir par avoir tous les caractères de l'ostéosarcome. A cette période, l'affection n'est plus curable.
[Plus les exostoses dont je m'occupe sont rapprochées des molaires, des os du nez ou des lèvres, plus le pronostic est fâcheux. Toutes les fois qu'elles ont leur siège sur ces parties, il est prudent, si la mastication s'exécute encore dans toute sa liberté, de préparer sans retard l'animal pour la boucherie, parce que la contusion la plus légère en apparence suffirait, comme je viens de le dire, pour aggraver la maladie, et l'on serait privé d'un
expédient avantageux dans cette circonstance. En effet, du moment où la mastication serait difficile et l'animal plus souffrant, il faudrait renoncer à l'engraisser.
[Quand l'inflammation de l'os persiste et qu'elle se propage aux parties environnantes, aux muscles, aux aponévroses, à la peau, celle-ci se transforme en une substance lardacée, d'apparence squirrheuse, fistuleuse, ramollie sur quelques points, donnant lieu à une suppuration peu abondante, sui generis. La peau, autour des plaies fistuleuses qui se sont ouvertes, se dénude, s'épaissit, devient calleuse sur les bords, se recroqueville, adhère fortement aux tissus, qu'elle recouvre en partie. Les plaies deviennent des ulcères fongueux et livides, donnant issue à de la sanie d'une odeur particulière ; cette sanie épile d'abord, puis corrode les parties qu'elle touche. Il y a dans le fond des fistules des portions d'os cariés.
[Tel est l'état morbide que l'on a l'habitude de désigner sous les noms d'ostéosarcome ou cancer de l'os. Dans cet état, la maladie ne cesse de faire des progrès; l'animal affecté maigrit, a de mauvaises digestions, et il se produit des lésions locales de plus en plus graves. J'ai vu aussi la résorption purulente accompagner l'accident et donner lieu à des dépôts dans d'autres organes; les ganglions gutturaux s'engorgent, ainsi que ceux qui sont placés en avant des épaules, et à l'autopsie on trouve les mêmes désordres dans le thorax et le mésentère.]
Traitement. — [Lorsque la maladie est à son premier degré, à l'état de simple périostose, on peut en obtenir assez promptement la résolution.
[Si tant d'exostoses de la mâchoire et du chanfrein sont restées incurables, c'est parce que le traitement a été appliqué trop tard, ou parce qu'il avait pour base les médicaments appartenant à la catégorie desadoucissants ou des calmants. Les tuméfactions résultant d'une inflammation sourde, ne sont résolues que par l'emploi de topiques ayant la propriété de surexciter l'activité organique.
[Sur une périostite récente, on doit pratiquer des frictions irritantes, soit avec l'essence de térébenthine, soit avec un liniment vésicant.
[Je considère comme un mauvais procédé l'excision avec la gouge ou la feuille de sauge, des exostoses à base circonscrite et même pédonculées des mâchoires. Cette opération a pu réussir quelquefois; mais c'est assurément jouer trop gros jeu que d'opérer sur un animal qu'il est d'une économie bien entendue de vendre pour la boucherie.
[Pour l'Ostéosarcome, il n'est d'autre moyen que l'ablation de la
partie malade. Si, dans le principe, la cautérisation complète avec le fer chauffé à blanc, n'est pas d'une telle efficacité qu'après la chute de l'oschare on n'ait plus à traiter qu'une plaie de très bonne nature, se cicatrisant promptement, il faut renoncer à toute médication. L'engraissement, s'il est possible, ou la vente du bœuf tel quel, sont les seules ressources du propriétaire.]
ARTICLE II
ACTINOMYCOSE.
On appelle ainsi une maladie infectieuse déterminée, chez les , bovidés, par un champignon microscopique, YActinomyces bovis. En se multipliant, ce parasite forme des tumeurs dites actinornycomes, qui siègent principalement dans les os maxillaires, surtout •dans les maxillaires inférieurs où ils constituent ordinairement ces néoplasies connues sous le nom d'Ostéosarcomes dont il est parlé dans l'article précédent.
Mais il peut y avoir des sarcomes des mâchoires qui ne résultent pas de l'irritation spécifique déterminée par l' Actî*nomyces bovis et c'est pour ce motif que nous avons reproduit la description des maladies des os de la mâchoire telle qu'elle a été faite par Cruzel.
Symptômes. — Les actinomycomes maxillaires procèdent de la moelle osseuse (Act. myélogènes) ou du périoste (Act. périostaux).
« Ce sont des tumeurs sarcomateuses ou fibrosarcomateuses, dues à l'irritation spécifique développée par le champignon dans le tissu médullaire, le tissu spongieux et les canaux de Havers de l'os. Cette irritation progresse du centre vers la périphérie, amène un gonflement qui écarte les deux tables de l'os et en atrophie la substance compacte. La peau, distendue, s'amincit, se déchire, et la tumeur s'étend au dehors en des masses fongueuses, crevassées, rugueuses, inégales, primitivement d'un gris jaunâtre, mais prenant souvent une teinte rougeâtre ou brunâtres grâce aux hémorragies que provoquent les traumatismes du dehors. Plusieurs de ces masses sont étranglées à leur base par les lèvres de l'ulcération et semblent pédiculées. Il en sort spontanément un pus crémeux, plus abondant par la pression, qui entraîne de petits lambeaux de tissu mortifié,- mélangés à une grande quantité de granulations jaune citrin caractéristiques de l' Aclz*nomyces. Les muscles sont atrophiés ou détruits; le périoste, envahi, s'épaissit, produit des stalactites osseuses, se perfore en plusieurs points. La tumeur est parcourue comme par des canaux excréteurs, trajets fistuleux d'autant plus nombreux, en général, qu'on les re-
cherche plus près de la peau. La néoplasie aboutit parfois au trou sous-orbitaire ou à la fosse temporale, et envahit les sinus. Souvent les dents molaires conservent leur intégrité.
» D'autres fois les alvéoles sont attaquées à leur tour, le fongus pénétrant par le canal de la racine dentaire ou le long du bord alvéolaire. Il peut en résulter de vives douleurs pendant la mastication, ou bien celle-ci est rendue impossible par la mobilité extraordinaire des dents, qui sont déchaussées, reposant sur la masse molle de la tumeur ou sur une collection purulente qui tend à les expulser de l'alvéole. En tous cas, on constate un amaigrissement rapide et la nécessité de l'abatage. Après macération, l'os parait gonflé, criblé de trous, grossièrement spongieux et transformé en un système irrégulier de travées stalactiformes ou de trabécules. La tumeur était diffuse dans les cavités de cette sorte d'ostéoporose.
» Les actinomycomes périostaux sont plus durs, plus fermes, de nature plus fibreuse; ils viennent aussi aboutir à l'extérieur; mais peuvent également en se propageant à l'os, se développer dans son épaisseur.
» Il est une forme d'actinomycose (glossite mycotique) qui a son siège dans la langue, que l'on désignait autrefois sous les noms d'induration chronique de la langue, glossite chronique interstitielle, ou que l'on rapportait à la tuberculose. La lésion consiste en nodosités tuberculeuses, du volume d'un grain de chènevis à celui d'un pois, rarement d'une noix, proéminentes à la face inférieure ou supérieure de l'organe.
» Par leur confluence, elles forment des amas qui s'ulcèrent et se réunissent en longues traînées, d'où s'écoule un pus mêlé des grains jaunes caractéristiques. La cicatrisation se fait parfois assez rapidement. Mais il reste un tissu -fibreux très abondant qui se rétracte inégalement. La langue est dure, déformée et relevée à la pointe : c'est la « langue de bois » des paysans allemands. La mastication est difficile, la salive n'est plus retenue dans la bouche et l'animal dépérit considérablement.
» L'actinomycose du pharynx est moins fréquente. C'est ce qu'on appelait lymphosarcome, polype pharyngien, lymphome du pharynx, de la parotide. Ces actinomycomes envahissent la muqueuse et les muscles de l'arrière-bouche et débutent probablement dans les glandes de la muqueuse. Ce sont des tumeurs molles, d'un volume variable, dont la structure offre tous les caractères des actinomycomes. La déglutition est difficile ; la maigreur s'ensuit ainsi que la nécessité de l'abatage (1). »
(1) G. Neumann, Traité des maladies parasitaires, p. 315.
Diagnostic. — Les caractères cliniques des actinomycomes, notamment de ceux qui se développent dans les maxillaires, la présence dans le pus de petites granulations jaunâtres de la grosseur d'un grain de millet permettent de reconnaître ces tumeurs. Toutefois, pour lever tous les doutes, il faut examiner ces granulations au microscope. On constate alors qu'elles sont constituées par « l'agrégation de masses globuleuses, lobulées, ou de touffes
de de diamètre. Un y reconnaît des éléments rayonnant du centre vers la périphérie, de couleur jaune, et ressemblant à des agglomérations de matières grasses. On peut distinguer dans chaque grain une zone périphérique et une zone centrale » (fig. 5). La première est constituée par des cellules claviformes ou pyriformes dont la longueur varie de 20 à 75 u..
La seconde est formée par un feutrage fibrillaire très complexe contenant des corpuscules comparables à des micrococci.
Étiologie. — L'actinomycose est déterminée par l'Acti7
Fig. 5. —Fragment d'une touffe d'Actinomyces, provenant d'un actinomycome maxillaire du bœuf. Grossi environ 500 fois. (G. Neumann.)
nomyces bovis, comme le démontrent diverses expériences faites en Allemagne.
Toutefois, il n'a pas été possible de reproduire cette maladie en faisant ingérer à des veaux, des chiens et des lapins des fragments d'actinomycomes du bœuf et l'on ignore comment le parasite pénètre dans l'organisme.
On présume, d'après diverses observations et aussi parce que la maladie n'a jamais été constatée sur les carnivores, que ce champignon est apporté par les fourrages et qu'ainsi l'infection a lieu par l'appareil digestif. C'est surtout lorsque ces fourrages renferment des plantes piquantes ou bien lorsque le revêtement épithélial ou muqueux a été détruit par places, comme on l'observe dans la fièvre aphteuse, que l'infection est à craindre.
Pronostic. — Les actinomycomes de la face et du pharynx, ceux de la langue, peuvent se guérir; mais cette terminaison s'accompagne de déformations qui en diminuent beaucoup les avantages. Les actinomycomes des maxillaires sont incurables et
il sera toujours plus économique pour le propriétaire de se débarrasser immédiatement de son animal que de le traiter, car il maigrit rapidement.
Traitement. — Lorsque l'actinomycome siège dans d'autres organes que les maxillaires et qu'il est à la portée du bistouri, on l'extirpe et la guérison a lieu. Si l'extirpation est impossible, on ponctionne la tumeur avec le fer rouge afin de la vider et de détruire les parasites; puis on panse à l'égyptiac.
Pour l'actinomycose de la langue, on recommande des scarifications suivies de badigeonnages avec le phénol iodé ou la teinture d'iode. Ce traitement donnerait de bons résultats au début de la maladie. « Thomassen traite la glossite parasitaire en donnant 8 à 10 grammes d'iodure de potassium par jour dans les breuvages. En deux semaines la guérison est obtenue. Il recommande de suspendre le traitement pendant deux jours, ivers le cinquième ou le sixième (1). »
ARTICLE VIII
GANGRÈNE DE LA BOUCHE CHEZ LES JEUNES VEAUX.
Synonymie : Stomatite gangreneuse.
M. Lenglen, vétérinaire à Arras, a publié dans le Recueil de médecine vétérinaire, en 1880, une étude très intéressante sur la Gangrène de la bouche chez les jeunes veaux. C'est en nous inspirant du mémoire de M. Lenglen que nous avons rédigé le présent article.
Définition. — La Gangrène de la bouche est une mortification en apparence spontanée des parois buccales, qui se déclare chez les jeunes veaux au moment de l'éruption des molaires et se termine fréquemment par la mort.
Causes. — Il y a lieu de les distinguer en prédisposantes et occasionnelles. Parmi les premières il faut citer le mauvais état général de l'économie. Ainsi, cette maladie n'a été observée : « 1° que chez les veaux chétifs et souffreteux, issus de mères âgées, maigres, ne recevant pas une nourriture en rapport avec l'état de gestation et ne donnant, par conséquent, qu'un lait aqueux, rendu encore moins nutritif par l'addition d'eau ; 2° que chez les veaux mal soignés, débilités par la diarrhée, affectés d'une phlébite ombilicale, qui, par la douleur et la suppuration dont elle s'accompagne, cause une déperdition considérable des
(1) G. Neumann, Traité des maladies parasitaires, p. 319.
principaux éléments du sang. » — Toutefois, pour que la gangrène de la bouche se produise, il faut une influence adjuvante, une cause occasionnelle, et M. Lenglen estime qu'elle se trouve précisément dans l'éruption des dents molaires, car, c'est à ce moment que la maladie apparaît.
Symptômes. — « Dès le début, la Stomatite gangreneuse s'annonce par un peu de rougeur et de la salivation; c'est après deux ou trois jours que l'on voit apparaître un point blanchâtre en un endroit quelconque de la surface de la membrane buccale. Peu à peu, ce point s'étend en largeur et en profondeur; le pourtour s'enflamme légèrement, puis la partie primitivement affectée se désagrège, devient caséeuse, paraît se décomposer en répandant une odeur fétide.
» Rien ne résiste à ce processus destructif : les couches musculaires, les membranes périostées, les artères, les veines, les lymphatiques, le tissu cartilagineux qui réunit les deux branches du maxillaire inférieur, la peau elle-même en subissent les atteintes. Il n'est pas rare, en effet, qu'une ulcération, après avoir envahi la muqueuse et les couches diverses intermédiaires entre elles et la peau, n'attaque ensuite la peau, qui finit par s'ulcérer de telle sorte que l'on peut pénétrer dans la bouche, par la fistule ainsi faite. Ces faits s'observent principalement aux joues et à la lèvre inférieure. Dans ces circonstances, aux points extérieurs correspondant aux ulcérations de la buccale, se déclare d'abord une tuméfaction assez dure, tendue, qui finit par se ramollir à son centre et par laisser suinter un liquide saineux, grisâtre, assez abondant. C'est le point de départ du pertuis qui s'agrandit incessamment jusqu'à ce que la mort mette un terme à cet envahissement. » (Lenglen.) La voûte palatine est toujours respectée par le travail ulcérateur.
Il est à remarquer, en outre, que la Gangrène de la bouche ne s'accompagne pas tout d'abord de symptômes généraux de nature à faire pressentir la gravité de la maladie. Ainsi le veau .affecté de Gangrène de la bouche conserve, pendant les trois ou quatre premiers jours, sa vivacité et son appétit habituels. Puis une diarrhée fétide, noirâtre, qui salit la queue et les fesses, se •déclare et épuise l'animal qui reste constamment couché et maigrit très promptement.
La maladie se termine fréquemment par la mort, et sa durée est alors de sept à dix ou douze jours. — Parfois les animaux finissent par se rétablir, mais la convalescence est relativement longue. Il ne faut pas moins d'un mois pour que les veaux, qui ont toujours considérablement maigri, arrivent à atteindre le poids qu'ils avaient au début de la maladie.
Lésions. Nature. — Les lésions les plus apparentes se remarquent dans la bouche, notamment sur les gencives, la face interne des joues, la partie libre de la langue. Elles consistent en ulcérations de mauvaise nature intéressant une partie ou même l'épaisseur tout entière des parois buccales. Ces ulcérations sont recouvertes par une matière grisâtre, caséeuse, d'apparence amorphe. Les vaisseaux périphériques sont obstrués par des caillots.
Les dents se déchaussent facilement et leur racine a une teinte noirâtre; le périoste intra-alvéolaire est réduit en un putrilage brunâtre. Parfois l'extrémité de la langue est en partie détruite et la portion restante est ramollie, jaunâtre.
On trouve « les ganglions gutturaux et rétro-pharyngiens aussi volumineux que des œufs de poule, rouge sombre, ramollis, friables, se réduisant sous la moindre pression des doigts en un putrilage souvent infect et ayant la plus graude analogie avec la pulpe d'une cerise noire ». (Lenglen.)
Parfois, on constate les lésions de la pneumonie, de la pharyngite. En outre, la caillette et les intestins peuvent être le siège d'une inflammation plus ou moins prononcée.
Ces lésions portent à penser que la Gangrène de la bouche n'est point une maladie locale, mais bien et seulement l'expression symptomatiqued'un état général qui consisterait, suivant M. Lenglen, en une altération des liquides et des tissus organiques due aux conditions hygiéniques détestables au milieu desquelles se sont trouvés les veaux qui ont subi les atteintes. L'altération du sang, ajoute cet observateur, est primordiale et les lésions de la bouche viennent la compliquer et ajouter à sa gravité. — Toutefois, M. Lenglen ne pense pas que cette maladie soit contagieuse.
La nature de l'affection n'est donc pas connue, et l'on conçoit qu'elle ne peut être dévoilée que par des recherches expérimentales, qui restent à faire.
Diagnostic. Prollostic. - La Stomatite gangreneuse diffère de la fièvre aphteuse par l'absence d'aphtes, par sa marche plus rapide et plus grave, et par l'absence de propriétés contagieuses.
Le pronostic est très grave. On a vu que la Gangrène de la bouche se termine fréquemment par la mort. Quand les animaux guérissent, la convalescence est toujours longue.
Traitement. — La première indication à remplir consiste à relever l'économie et à combattre la débilité au moyen d'une bonne alimentation. M. Lenglen conseille à cet effet de laisser téter le veau et de ne point le faire boire au seau ou au baquet. Malheureusement ce moyen est d'une application difficile dans le Nord, attendu que l'on préfère le sacrifice « d'un veau de 30 à
40 francs à une perte de 30 à 40 francs de beurre, que l'on retirera du lait des vaches nouvellement vèlées. »
Les œufs conviendraient bien pour remplir l'indication dont il s'agit; mais en raison de leur prix élevé, on ne peut que rarement les employer.
Les farines de fèves, de pois, de maïs, de graine de lin, ne conviennent pas pour combattre cette maladie, « car elles se digèrent difficilement, provoquent souvent la diarrhée et accélèrent la terminaison fatale du mal ».
Par contre, le thé de foin mêlé au lait et à de la farine de seigle peut être employé avec avantage. Le sel marin, ajouté aux aliments à la dose de 15 à 50 grammes par jour produit de bons effets. Il en est de même de l'infusion de café, pure ou mêlée au lait et même additionnée de 20 à 25 grammes d'eau-de-vie, par jour. — La teinture de quinquina à la dose de 20 à 30 grammes par jour, est bien indiqué. Le quinquina, dit M. Lenglen, est un puissant tonique qui m'a, presque dans toutes les circonstances où je l'ai employé au début, procuré des guérisons inespérées.
En même temps que l'on emploie ces moyens, il faut avoir recours à une médication locale. La solution d'acide phénique — 15 grammes pour 200 grammes d'eau et un peu d'alcool — constitue un excellent tonique avec lequel on détergera les plaies trois ou quatre fois par jour, toujours après les repas, afin que le contact soit de plus longue durée.
« J'ai souvent, dit M. Lenglen, obtenu de bons résultats en faisant, préalablement à l'emploi de la solution phéniquée, laver les plaies de la bouche, bien débarrasser des eschares qui les recouvrent, avec de l'eau fortement salée. »
Usage de la viamie. — La viande des veaux morts de cette maladie ne doit pas être consommée; il doit en être de même quand les animaux ont été sacrifiés pendant le cours de la maladie, car leur chair se putréfie très rapidement.
Précautions hygiéniques. — Quoique la Stomatite gangreneuse ne soit pas contagieuse, il sera toujours d'une bonne hygiène de faire enlever les litières, blanchir les murs et les portes des étables. Les seaux, les baquets qui ont servi à abreuver les veaux seront nettoyés à l'eau bouillante.
CHAPITRE II
PHARYNGITE.
Synonymie : Angine pharyngée.
Désunion. — [La Pharyngite est l'inflammation de la membrane muqueuse qui tapisse le pharynx.
[Cette maladie se manifeste assez souvent pendant les saisons où les variations atmosphériques sont fréquentes.]
Causes. — [L'Angine pharyngée est rare en été ou en automne; elle n'est point non plus ordinairement, comme certains auteurs ont paru le croire, le résultat d'un arrêt de transpiration général par suite d'une courbature, et elle est, plus rarement encore, produite par des fourrages grossiers ou des boissons irritantes. D'abord, les fourrages assez grossiers pour irriter le pharynx à leur passage ne sont pas avalés par les bœufs, et dans le cas contraire, ils sont rejetés, avant d'être pelotonnés, par la langue du bœuf, aidée du palais et des molaires.
[Quant aux boissons irritantes, elles ne sont pas introduites dans la bouche. Sous ce rapport, les animaux de l'espèce bovine sont les plus impressionnables de tous les animaux domestiques, et, par conséquent, les moins susceptibles d'ingérer des aliments solides ou liquides qui pourraient leur être nuisibles.
[Il ne faut donc pas chercher la cause de l'Angine du bœuf dans la mauvaise qualité des fourrages ou des boissons. La maladie se déclare ordinairement en hiver et au printemps, pendant les saisons où il y a un écart très considérable entre la température de l'air que les animaux respirent dans les étables, et celle de l'eau qui leur sert de boisson. C'est l'eau glaciale qu'ils avalent, avant que leurs organes soient préparés, qui, chez ces animaux, donne lieu à la. Pharyngite aiguë simple.
[En effet, ils ont passé la nuit dans des étables parfaitement closes, plongés dans un air chaud et raréfié. Ils sont dans un état prononcé de transpiration, et, dès la pointe du jour, quand l'air extérieur se trouve à une température beaucoup plus basse que celle de l'air qu'ils ont respiré pendant la nuit, ils sont conduits à l'abreuvoir; on comprend quelle doit être, dans ce moment, l'impression produite par l'eau froide sur la membrane du pharynx.
[J'ai observé l'Angine simple des bêtes bovines très souvent, et presque chaque fois j'ai dû l'attribuer à cette seule cause.]
Symptômes. — [Le mufle est sec, un peu de salive filante s 'écoule par les commissures des lèvres; le bœuf, s'il est debout, ne porte pas absolument la tête basse, mais il ne la tient pas non plus dans position naturelle : on reconnaît que les muscles de l'encolure sont dans un état qui tient le milieu entre un relâchement complet et la contraction nécessaire pour que la tête soit à son port normal. L'immobilité de toute la région cervicale ne cesse que dans certains moments, lorque la déglutition de la salive doit avoir lieu par un mouvement saccadé, presque convulsif et très apparent.
[Les paupières sont à demi closes, la conjonctive injectée, les muscles masséters sont contractés presque constamment, et leur contraclion plus énergique est marquée par un léger grincement de dents; ou bien ils sont complètement relâchés, la mâchoire restant entr'ouverte.
[La pandiculation ne se fait pas, quand même l'animal ne se lèverait qu'après être resté couché pendant plusieurs heures. Il tient ses membres rassemblés, la colonne dorsale dans un état de roideur très apparent ; on dirait qu'il s'abstient de toute contraction des muscles de la région cervicale, comme s'il redoutait qu'elle retentît jusque sur les muscles du pharynx et augmentât la douleur qu'il éprouve.
[Mais le symptôme le plus caractéristique est dans la difficulté qu'éprouve l'animal pour opérer la déglutition des aliments solides et liquides, de ces derniers plus particulièrement. Si le bœuf prend le fourrage, il le rejette bientôt, après quelque temps de mastication ; il ouvre la bouche et le laisse tomber par son propre poids, absolument comme pour éviter la douleur que lui occasionnerait la contraction des muscles avoisinant le pharynx. C'est de la même manière qu'il laisse retomber les liquides introduits de force dans sa bouche ou qu'il a sucés à grand'peine.
[Il manifeste une très vive douleur quand on presse extérieurement la région du pharynx, et il se défend de cette pression avec beaucoup de violence.]
Marche. Murée. Terminaison. — [L'Angine pharyngée a une marche rapide; elle apparaît subitement et, dès son apparition, elle se trouve avoir acquis toute l'intensité qu'elle doit avoir.
[Dans cet état, la Pharyngite, abandonnée à elle-même, peut devenir beaucoup plus grave, et l'inflammation s'étendre, par contiguïté, au larynx. Parfois, elle passe à l'état chronique et retarde le rétablissement des animaux.
[Traitée convenablement, l'inflammation ne met pas beaucoup
de temps à décroître; sa durée n'est pas de plus de quatre à cinq jours, et sa résolution complète ne se fait pas attendre.
Diagnostic. Pronostic. — [Le diagnostic de la Pharyngite simple n'est pas difficile à établir; la salivation constante, la déglutition impossible ou saccadée, la roideur de l'encolure et la douleur manifestée par l'animal quand on comprime la région du pharynx, sont des symptômes assez caractéristiques pour qu'on ne puisse s'égarer.
[Quant au pronostic, il ne saurait être fâcheux, si la maladie n'est pas abandonnée aux seuls efforts de la nature.
Traitement. — [Si la rumination persiste, même quand la mastication est incomplète, l'animal malade manifeste le désir de prendre des aliments, et si, en même temps, les symptômes d'un trouble général des fonctions ne sont point très prononcés, le traitement consiste en onctions adoucissantes et calmantes pratiquées sur toute la région du pharynx, soit avec l'onguent populéum camphré, soit avec l'huile camphrée ; ou bien, on y applique, autant que possible, des sachets remplis de son cuit ou de mauves cuites; l'on humecte très souvent ces sachets avec le liquide chaud qui a servi aux décoctions. A défaut de ces onctions ou de ces cataplasmes, on passe autour du cou de l'animal et sur la région qui est le siège de l'inflammation, une couverture de laine roulée.
[Ces moyens peuvent suffire pour produire une amélioration très sensible dans l'espace de un à deux jours; mais si les symptômes locaux sont accompagnés d'un malaise général, que dénotent un pouls fort et dur, des conjonctives injectées, des excréments durs et secs; si, en même temps, il y a accélération dans les mouvements de la respiration et si, d'un autre côté, l'animal a été bien nourri, s'il est jeune, en bon état au moment de l'invasion du mal, il faut pratiquer une saignée de 2 à 3 kilos au moins, à la jugulaire, si cet animal est de taille ordinaire.
[Lorsque, dans la journée qui suit celle de la saignée, les symptômes généraux sont moins intenses, on applique sur la région du pharynx une couche d'onguent vésicatoire, ou mieux encore, pour éviter les accidents qui pourraient résulter d'une application mal faite, on y fait une ou deux frictions avec le liniment ammoniacal ou un liniment vésicant plus énergique.
[L'Angine aiguë simple ne résiste pas à ce traitement et je n'insisterai pas beaucoup sur une indication que tous les auteurs donnent en première ligne, dans la formule du traitement de l'Angine : je veux parler des gargarismes adoucissants, des boissons de même nature, tièdes, etc. ; en effet, l'administration de ces médicaments est toujours très difficile sur les animaux de
l'espèce bovine, à moins qu'ils ne soient dans le marasme ou d'une docilité exceptionnelle. Ordinairement, pour faire les gargarismes ou administrer les boissons, il faut employer des moyens contentifs, toujours très fatigants pour les animaux malades. Aussi, je compte peu sur la possibilité d'une médication de ce genre. Je leur fais présenter les boissons, et ils en prennent à volonté; le désir leur en vient d'ailleurs aussitôt que la maladie perd de son intensité.
[Quand la saison le permet, et que les animaux commencent à pouvoir avaler assez librement les aliments, on donne des fourrages, en petite quantité d'abord.
[Si l'Angine, livrée à elle-même, est passée à l'état chronique, ce que l'on reconnaît toujours à la difficulté de déglutition, qui, pour être moindre, n'en existe pas moins, et si les animaux maigrissent, restent souffreteux, ont la peau sèche et dure, qu'ils manifestent de la douleur sous la pression de la région du pharynx, il ne faut plus compter sur la saignée ni sur les onctions adoucissantes et calmantes. On doit pratiquer des frictions vésicantes autour de la gorge, jusqu'à ce qu'un commencement d'eschare se forme. Dans ce cas, j'emploie de préférence la pommade stibiée ordinaire, 25 p. 100; deux frictions suffisent.
[Cette médication est secondée par l'usage de la couverture de laine et par une nourriture analeptique : le bon foin, les racines cuites, les farines et le vert. Dans les belles journées de mai, on recommande le pacage ou un exercice modéré pour activer les fonctions de la peau.
[On peut, en résumé, formuler ainsi le traitement : Tenir les animaux chaudement; leur mettre une couverture de laine; envelopper la région pharyngée avec un chiffon de laine en forme de cravate; faire des onctions de populéum camphré, composé d'après la formule suivante :
Prenez: Populéum 120 grammes.
Camphre porphyrisé 20 —
Mêlez très intimement.
[Si la résolution ne s'opère pas sous l'influence de ce traitement, faire des frictions avec le
Liniment ammoniacal.
Prenez : Huile d'olive 120 grammes.
Ammoniaque liquide .................... 30 —
Mélangez et employez aussitôt.
[Ou bien :
Pomma.de vésicante.
Prenez: Huile de laurier ou d'olive 60 grammes.
Poudre d'euphorbe 30 — Cantharides en pondre .......e.......... 10 —
Mélangez.
[Les liniments ont cet avantage que, par les frictions, ils imprègnent les tissus, et que, sous l'influence de la température de la peau, ils coulent moins que l'onguent vésicatoire sur les parties environnantes.
[Dans l'Angine chronique, on fait deux frictions avec la
Pommade stibiée ou d'Autenrieth.
Prenez : Émétique ............................... 4 grammes.
Axonge 12 —
Mélangez parfaitement et frictionnez au moyen d'une spatule en bois.
[Quand les animaux peuvent avaler les liquides, leur boisson ordinaire doit être édulcorée, au moyen de miel, dans la proportion de 100 grammes par litre d'eau blanchie avec la farine de seigle ou d'orge.
[Les bœufs boivent avec avidité la décoction de graine de lin, pourvu qu'elle ne soit pas trop gluante, et, dans ce cas, on peut se dispenser d'y faire dissoudre du miel.]
CHAPITRE IV
MALADIES DE LA PAROTIDE.
[L'inflammation de la Parotide est la seule affection de cette glande que l'on ait habituellement occasion d'observer sur les animaux de l'espèce bovine, chez lesquels elle se manifeste d'ailleurs assez fréquemment.]
Causes. — [Les piqûres et les contusions sont presque les uniques causes de la Parotidite sporadique sur les animaux de l'espèce bovine; cette affection, en effet, ne se manifeste ordinairement que sur les bœufs ou vaches employés au labourage ou aux charrois, et, en été, sur ceux de ces animaux qui sont à deux
dans une loge, et assez rapprochés l'un de l'autre. L'aiguillon du bouvier fait les piqûres, et la corne de l'un des bœufs contusionne les joues, les mâchoires et la région parotidienne de son voisin, lorsque, par un mouvement violent de la tête, il cherche à se débarrasser des mouches qui le tourmentent.]
Symptômes. — [La Parotidite ne se déclare pas subitement. Son début a un autre caractère : un engorgement bien dessiné, douloureux au toucher, de forme allongée, circonscrite, apparaît sur la région parotidienne. Ordinairement, cette tumeur est précédée d'une salivation assez abondante, de la diminution de l'appétit, d'une gêne marquée des mouvements de la tête. La déglutition est difficile.
[Ces derniers symptômes ne diffèrent pas sensiblement de ceux de l'angine pharyngée. Ce n'est qu'en cherchant à bien établir le diagnostic et en explorant la région gutturo-maxillaire, qu'on reconnaît l'existence d'un engorgement d'abord peu considérable de la parotide. En même temps, par une investigation attentive, on peut presque toujours déterminer la cause de cette affection. On trouve alors, soit les traces d'une piqûre résultant d'un coup d'aiguillon, soit des marques assez visibles d'une contusion correspondant au point douloureux.
[La Parotidite se complique quelquefois d'angine pharyngée et laryngée, c'est-à-dire que l'inflammation se déclare en même temps sur tous les organes de la région gutturo-maxillaire. Dans ce cas, l'engorgement des parotides coïncide avec une salivation abondante, le refus complet d'aliments, l'impossibilité de déglutition et le sifflement de la respiration.
[Quelquefois, un engorgement se forme sans cause apparente; le coup porté sur la glande n'était pas violent, il n'a suscité qu'une faible douleur et une inflammation presque insensible, et cependant, sous son influence, les tissus se sont transformés; de là, une complication toujours grave.]
Marche. Terminaisons. Pronostic. — [L'inflammation qui résulte d'une contusion produite par un coup de corne se caractérise par un engorgement plus prompt à se développer que celui qui a été occasionné par une piqûre. Il arrive à son maximum de développement dans l'espace de deux ou trois jours, avec quelques différences en plus ou en moins, suivant le degré de violence du coup porté. La douleur est aussi moins vive. La résolution est plus facile et plus prompte, et la terminaison par induration également moins fréquente que dans les cas de Parotidite par piqûres.
[Si un bœuf, ayant une parotide indurée, mange sans éprouver aucune gêne, si ses digestions se font bien, s'il est, en un mot,
dans un état de santé satisfaisant, on peut le garder sans devancer l'époque fixée pour sa vente ou son engraissement. Si, au contraire, on ne remarque pas chez lui tous les signes d'une santé parfaite, le mieux est de s'en défaire au plus tôt. J'ai vu quelquefois ces tumeurs acquérir un volume considérable et nécessiter le prompt sacrifice des animaux.]
Traitement. — [Le traitement à employer d'abord, quelle que soit la cause de la Parotidite, consiste dans la saignée à la jugulaire, pratiquée du côté opposé à celui où est le siège de l'inflammation, afin d'éviter que, par un frottement sur l'ouverture de la jugulaire ou par l'effet de toute autre cause, ne se développe un thrombus.
[Après la saignée, je fais des embrocations avec l'huile camphrée et laudanisée, ou des onctions d'onguent populéum camphré et laudanisé également.
[Lorsque cette médication n'agit pas avec efficacité dans les premiers jours, que la mastication reste lente et pénible et la déglutition difficile, et que cependant la douleur, d'abord très vive, manifestée par l'animal sous la moindre pression de la région parotidienne, semble être moins intense, bien que l'engorgement n'ait pas diminué, il faut modifier le traitement.
[Alors, j'applique immédiatement une couche d'onguent vésicatoire ou je fais des frictions avec un vésicant liquide sur la tumeur. Par ce moyen, j'ai obtenu, dans le plus grand nombre des cas, la résolution d'engorgements indurés. Pour obtenir une vésication sensible, il faut au moins deux frictions, la peau du bœuf résistant plus que celle du cheval à l'action de ces topiques; on attend ensuite quelques jours, sept à huit ordinairement; après cela, on répète les frictions, en les faisant suivre d'un autre temps d'arrêt. C'est ainsi qu'en produisant une résolution partielle chaque fois, on parvient à faire disparaître des engorgements qui auraient résisté à toute autre médication.
[Les divers fondants recommandés, tels que l'onguent de Lebas, la pommade mercurielle, les préparations de ciguë, même celles d'iode, sont bien loin d'avoir, dans ce cas, l'efficacité des frictions vésicantes. Leur emploi donne lieu à une perte de temps précieux et n'est qu'une cause de dépense.
[Quand la maladie est due à une contusion, le traitement est plus simple : ordinairement, il n'y a point lieu d'avoir recours à ^ des frictions vésicantes répétées plusieurs fois.
[Si la suppuration s'établit, on ouvre les abcès ausitôt qu'une fluctuation complète en fournit l'indication. J'ai remarqué que si l'on ouvre un abcès incomplètement formé, on s'expose à voir se produire des hémorragies et quelquefois des fistules salivaires ;
tandis que lorsque la glande est entièrement réduite en suppuration, on n'a à craindre ni l'un ni l'autre de ces accidents.
[Les abcès, ouverts dans les conditions que j'indique, laissent des plaies dont la cicatrisation s'opère rapidement, sans laisser aucun point d'induration ; une cicatrice simple et peu apparente marque seule la place du dépôt purulent.
[Si l'on pouvait donner des soins à l'animal aussitôt qu'il a été piqué ou contusionné, les ablutions d'eau froide seraient d'une grande efficacité : elles préviendraient le développement de la tuméfaction ; mais cette circonstance se rencontre si rarement, qu'on ne doit mentionner que pour mémoire ce traitement par l'eau froide.
[Il m'est arrivé quelquefois, lorsque la cause avait agi depuis peu de temps, d'obtenir une prompte résolution au moyen de frictions d'essence de térébenthine, et même de frictions vésicantes plus énergiques, sans faire précéder ces dernières d'aucune application émolliente, et en me bornant, si l'animal n'est ni trop vieux ni trop maigre, à pratiquer une saignée.
[On n'obtient jamais la résolution des tumeurs indurées à la suite de la Parotidite chronique, c'est-à-dire des tumeurs dont la formation a eu lieu lentement et sans que le trouble des fonctions ou l'état des animaux ait paru d'abord exiger un traitement. J'ai essayé contre les tumeurs de cette nature des frictions vésica.ntes, répétées, suspendues et reprises, les frictions avec la pommade d'iodure de potassium iodurée, la cautérisation avec le fer rouge, en raies ou en pointes; et je n'ai eu pour résultat appréciable de ce traitement que celui d'avoir tourmenté les animaux, de les avoir rendus d'un accès difficile et d'avoir retardé le terme de leur préparation pour la boucherie.
[La Parotidite compliquée de l'inflammation de la région laryngo-pharyngée n'apparaît que pendant le printemps et l'automne, lorsque les animaux ont à subir des variations atmosphériques brusques et fréquentes. Le traitement doit être d'abord antiphlogistique; mais la saignée, les onctions adoucissantes et les boissons de même nature, quand les animaux ne se refusent pas à les prendre, n'empêchent pas d'agir en même temps sur la peau, afin de provoquer le retour d'une transpiration normale.]
CHAPITRE Y
CORPS ÉTRANGERS ARRÊTÉS DANS L'ŒSOPHAGE.
Cet accident s'observe assez fréquemment chez les animaux de l'espèce bovine, et les caractères qu'il présente varient suivant la forme et la situation des corps étrangers.
Les corps étrangers qui peuvent s'arrêter dans l'œsophage sont assez variés; généralement ce sont des tubercules ou des racines (pommes de terre, betteraves et navets), ou des fruits (pommes, poires.)
Quand cet accident se produit, on observe immédiatement de violents efforts de vomissement ou de régurgitation, puis l'animal tousse et rend par la bouche une grande quantité de bave écumeuse; en même temps, la météorisation survient, et bientôt l'asphyxie est imminente. Parfois, on constate une tumeur nettement délimitée, arrondie ou irrégulière, dans la région cervicale de l'œsophage, suivant la forme du corps obturateur; d'autres fois, ce symptôme fait défaut ; alors il y a lieu de penser que le corps étranger s'est arrèté dans le trajet intra-thoracique de l'œsophage.
Les commémoratifs sont toujours très explicites ; en pareille circonstance on peut apprendre, en effet, qu'au moment où l'animal sortait de l'écurie, il a saisi ou dérobé au passage une pomme de terre, par exemple, qu'il n'a pu mâcher, soit qu'il ait é té effrayé par un chien, lancé sur lui, ou qu'il ait reçu un coup de bâton.
Cet accident est fort grave, et si l'on ne se hâte de le combattre, surtout chez les ruminants, il amène rapidement la mort par asphyxie. Pour cela, on emploie plusieurs moyens.
i 0 Taxis extérieur et extraction par la bouche. — Ce moyen consiste à exercer des manipulations convenables, des pressions modérées sur le corps étranger, arrêté dans la portion cervicale de l'œsophage, pour le faire remonter jusque dans le pharynx, où on le saisit avec la main introduite dans l'arrière-bouche. On opère sur l'animal debout en maintenant les mâchoires écartées, soit au moyen d'une planche de chêne d'une largeur de 12 à 13 centimètres environ, percée dans son milieu d'un trou assez large pour permettre le passage du bras, soit au moyen d'un spéculum en fer plat de 5 centimètres de largeur sur 3 millimètres d'épaisseur. Ce spéculum est une espèce de cercle de forme oblongue, mesurant 9 centimètres d'un côté et 8 de l'autre afin de.
s'adapter parfaitement à l'écartement des mâchoires. Il se fixe sous le menton à l'aide d'une ligature ; deux ou trois hommes sont indispensables pour tenir la tête horizontalement, ou à peu près, tandis que, placé à gauche, en avant de l'épaule, la main droite d'un côté de l'encolure, la gauche de]l'autre, on procède au déplacement du corps étranger. S'il se trouve un peu bas, près du poitrail, c'est avec l'extrémité des doigts réunis qu'on le fait monter : plus haut, où l'œsophage n'est plus aussi resserré entre les muscles, on opère avec les doigts fermés. Pour faire remonter le corps étranger jusque dans le pharynx, on peut, sans aucun risque, déployer toute la force de ses bras, ce qui permet de surmonter toutes les résistances; du reste, pousser avec beaucoup de force, n'est pas ce qui fait le mieux opérer ; c'est un certain tact, un mouvement de mains exécuté de manière à maintenir l'œsophage, tout en serrant le corps en arrière pour le faire glisser en avant (il faut agir en quelque sorte comme les cylindres d'un laminoir), et, sans désemparer, on l'amène ainsi progressivement jusque dans l'arrière-bouche.
On tient alors le corps étranger fortement poussé dans le pharynx et l'on commande de procéder à son extraction. Pour cela, le praticien cherche préalablement parmi les assistants une personne de bonne volonté et lui recommande de ne pas tâtonner, d'aller tout droit au fond, jusqu'à ce que la main rencontre quelque chose que le toucher fait reconnaître pour une pomme ou une portion de racine fourragère, qu'il faut saisir, sans hésiter, et amener au debors. Ces éclaircissements étant donnés, cette personne dégarnit son bras de tout vêtement, même de la manche de chemise, car, simplement relevée, elle forme un bourrelet qui souvent gêne pour pénétrer assez avant.
Par l'emploi de ce procédé, on évite les déchirures de l'œsophage qui se produisent parfois en employant le poussoir œsophagien; en outre, l'animal étant débarrassé, il n'y a pas à craindre que la météorisation se reproduise après la propulsion du corps étranger, probablement par suite de l'obstacle qu'il apporte à la rumination, comme Schaack l'a observé (1).
On a conseillé cependant l'emploi d'instruments particuliers pour l'extraction des corps étrangers arrêtés dans l'œsophage. Les figures 6 et 7 représentent un appareil connu sous le nom de sonde Baujin. Cet appareil, qui peut servir soit d'instrument extracteur, soit de sonde œsophagienne, se compose de trois parties :
1° Un long tube en cuir épais, muni dans son intérieur d'une
(1) Journal de médecine vétérinaire de Lyon, 1859, p. 173.
spirale en gros fil de fer ou de laiton dont tous les tours se touchent de telle sorte que le tube forme un cylindre creux, résistant,
Fig. 6. — Sonde Baujin démontée. gg, baguette en bois terminée en haut par une garniture métallique taraudée.
Fig 7. — La sonde précédente montée, b, bout de sonde.
et possède cependant une flexibilité convenable. Ce tube se termine, à l'une de ses extrémités, par une garniture métallique, évasée en forme d'entonnoir (fig. 6, 1) ; l'extrémité opposée porte
»
un pas de vis, creusé dans l'épaisseur même du cuir sur lequel on peut visser soit la pièce p (fig. 6), soit le bout de sonde b (fig. 7).
Ce tube présente {m,55 de longueur, non compris le pavillon et le bout de sonde ou l'appareil extracteur, et om,016 de diamètre pour les grands ruminants. Pour le mouton et la chèvre, il offre seulement om,76 de longueur et om,012 de diamètre.
2° Une baguette en bois flexible (fig. 6, g, g), terminée à l'une de ses extrémités par une partie arrondie en forme de poignée et à l'autre, par une garniture métallique dont la face interne est disposée en pas de vis, à la manière d'un écrou, pour recevoir l'extrémité du boulon (o) (fig. 6) qui se trouve au centre de la pièce (p) (fig. 6).
Cette baguette glisse librement dans le tube (t), qu'elle dépasse de 7 centimètres environ, quand l'appareil extracteur est fermé.
3° Une pièce (p) (fig. 6) constituant l'appareil extracteur proprement dit, composée de six branches en fer doux, aplaties, d'une largeur de om,006, à leur partie libre, sur Om ,001 d'épaisseur et om,07 de longueur, terminées chacune par une petite griffe à l'une de leurs extrémités et soudées, par l'autre, à une partie cylindrique (m) en métal (soudure des plombiers ou laiton), taraudée à sa face interne pour se visser sur la partie terminale du tube (t). Les branches de cette pièce peuvent être rapprochées ou
écartées au moyen d une sorte de curseur annulaire, c, muni, en dedans de sa circonférence de petites ouverlures dans lesquelles les branches peuvent glisser à frottement doux. Au centre de ce curseur se trouve fixé, par sa tête, un boulon, terminé en pas de vis, à son extrémité libre, pour se fixer dans la garni-
Fig. 8. — Spéculum.
ture taraudée qui termine la baguette. Par ce moyen celle-ci est unie au curseur annulaire qui règle l'écartement des branches à griffe.
Avec cet instrument il faut, comme avec tous ceux du même genre, un spéculum destiné à maintenir les mâchoires écartées. La figure 8 représente un spéculum des plus simples, il est formé d'un morceau de bois aplati, présentant om,06 d'épaisseur sur om,03 de hauteur dans sa partie centrale qui est percée d'un trou pour le passage de la sonde. Ce bâillon mesure om ,40 de longueur ; il est muni, aux deux extrémités, de courroies qui viennent se boucler sur la nuque.
On pourrait se servir d'un simple morceau de bois, cylindrique, de la grosseur du bras, percé d'un trou dans son milieu et d'un autre trou de moindre diamètre, à chacune de ses extrémités, pour donner passage à des liens, qui s'attacheraient en arrière des cornes.
Étant donné un corps étranger à extraire de l'œsophage d'une bête à cornes, voici comment on procède. On introduit la baguette (g) dans le tube (t), puis on visse, d'abord le bout de la baguette sur le boulon central du curseur et ensuite la pièce (p) sur l'extrémité terminale du tube. On pousse la baguette de telle sorte que le curseur annulaire auquel elle est vissée se trouve à l'extrême bout des branches, comme on le voit dans la figure 7, et l'on enduit ensuite l'appareil d'une couche d'huile d'olive. On fait maintenir solidement la tête de l'animal par un ou deux aides ; on dispose entre les mâchoires le spéculum représenté par la figure 8. Un aide, placé à la droite de l'animal, saisit la langue et l'attire au dehors ; l'opérateur, placé en avant de l'animal, introduit l'instrument dans la bouche, le fait glisser entre la voûte palatine et la face supérieure de la langue et arrive dans le pharynx, puis on pénètre dans l'œsophage en poussant l'instrument avec ménagement. Quand on touche le corps étranger, on tire à soi et lentement la baguette centrale, alors le curseur glisse sur les branches de l'appareil extracteur, qui s'écartent à la manière des baleines d'un parapluie. Lorsqu'on sent que le corps est saisi par l'espèce de griffe que représente l'appareil extracteur, on pousse la baguette, et les crampons métalliques pénètrent dans le corps étranger. Puis on retire l'instrument en tenant, d'une main la poignée de la baguette, et de l'autre le tube.
M. Martin, de Brienne (Aube), a conseillé un procédé de taxis de l'œsophage, plus rationnel que ceux qui ont été en usage jusqu'à présent. Au lieu de faire redresser la tête et d'étendre l'encolure, ce qui a pour conséquence, en allongeant l'œsophage de rétrécir son canal et d'appliquer plus étroitement ses parois sur le corps étranger qu'il contient, M. Martin fait baisser la tête jusqu'à ce que le mufle se trouve à 30 centimètres du sol. Dans cette position,l'œsophage est relâché et l'on peut plus facilement, par la pression méthodique des deux mains, ramener le corps étranger jusqu'au pharynx, d'où l'on en opère l'extraction soit avec sa main, soit à l'aide d'une pince appropriée (1).
2° Propulsion dans l'estomac. — Cette méthode consiste à
(1) Mémoire pour le concours de pathologie à la Société centrale vétérinaire (Rec. vél., 1882, p. 1095).
repousser dans l'estomac, au moyen d'une tige flexible, le corps étranger arrêté dans l'œsophage.
Elle est indiquée lorsque l'extraction par la bouche n'a pu être
effectuée, quand les corps sont anguleux, et ne peuvent être déplacés par le taxis extérieur. Mais il ne faut pas y avoir recours si l'oesophage est obstrué sur une grande étendue par une accumulation de grains gonflés et agglutinés par du mucus, car, en pareil cas, le refoulement n'est pas sans danger.
Pour pratiquer cette opération, les auteurs ont conseillé de se servir d'une tige en baleine de la grosseur du petit doigt et d'une longueur de 1 mètre à Im,50, terminée à l'une de ses extrémités par un renflement olivaire (fig. 9, 0), ou bien par une partie conique évasée en forme de cul de bouteille, comme l'a recommandé Grissonanche (1) (fig. 9, B). Cet instrument est appelé poussoir œsophagien. — On le remplace souvent, dans la pratique, par une baguette de coudrier que l'on choisit nerveuse et souple [une branche de saule, verte, rendue flexible, souple et non cassante, comme une sonde en caoutchouc, en la passant au feu]. On fait des entailles, à l'une de ses extrémités, afin de fixer solidement, au moyen d'une ficelle, une sorte de pelote faites d'étoupes recouvertes d'un morceau de toile.
G. Tisserant a fait remarquer que l'emploi de la baguette est peu commode et expose à blesser le pharynx et l'œsophage; il la remplace avec grand avantage par un long tube cylindrique, creux, formé d'un fil de fer dont les spirales se touchent, et recouvert dans toute son étendue d'une enveloppe de cuir fin. Ce tube, élastique et très flexible, porte à l'une de ses extrémités une olive métallique pesante, du volume d'un petit œuf de poule. Cet instrument
Fig. 9. — Poussoirs œsophagiens.
0, poussoir avec un renflement olivaire. — B, poussoir avec un renflement en cul de boutielle (Grissonanche).
a encore l'avantage de livrer passage au gaz accumulés dans le rumen, comme le fait la sonde œsophagienne, avec laquelle il présente une grande analogie.
Mais il n'est pas rare que le praticien soit pris à l improviste
(1) Journal de médecine vétérinaire de Lyon, 1848, p. 52-3.
et se trouve ainsi dans la nécessité de se servir de l'instrument qui lui tombe sous la main, car, en pareil cas, il faut se hâter pour éviter l'asphyxie. Il est bien vrai qu'on a la ressource de la ponction immédiate du rumen. Mais nous pensons que, quand on peut se passer de cette opération, les animaux sont plus tôt rétablis, quoi qu'on en ait dit. Aussi a-t-on employé quelquefois, chez les bêtes à cornes, [un long manche de fouet, de ceux dont on se sert quand on conduit un ou deux chevaux attelés à une voiture, et qui convient parfaitement par sa flexibilité et sa longueur].
Une branche de saule ou de coudrier de la grosseur du petit doigt et de la longueur de 1 m,50 à lm,60 peut aussi servir de poussoir, après en avoir préalablement entouré l'une des extrétrémités avec de l'étoupe que l'on coiffe d'un linge de manière à former une pelote. On fixe cette pelote au moyen d'une ficelle qui doit être assez longue pour être enroulée sur toute la longueur de la baguette. Par ce moyen, si la baguette se brisait dans l'œsophage, elle pourrait être retirée assez facilement. On a conseillé encore de se servir comme poussoir œsophagien du câble qui sert à lier les voitures de fourrage. A cet effet, « on mouille dans l'eau chaude environ lm,50 de la corde, on l'enduit d'huile et on l'introduit dans l'œsophage en ayant soin de tordre dans le sens de la corde de manière à faciliter son introduction. La corde mouillée est suffisamment rigide pour permettre d'exercer une forte pression lorsqu'on arrive sur le corps étranger et le refouler jusque dans l'estomac ; elle est assez flexible pour se prêter aux mouvements de l'encolure » (Jouanne).
Sur une vache, qui avait une pomme de terre arrêtée vers le milieu de la portion cervicale de l'œsophage, nous nous sommes servi, à défaut de poussoir, d'un manche de fléau que nous avons introduit, par le gros bout, dans l'œsophage, la tête de la vache étant fortement relevée et les mâchoires écartées au moyen d'un anneau de joug, introduit dans la bouche en guise de spéculum. Cette opération, téméraire, nous l'avouons, a été suivie d'un succès complet. Sur une autre vache chez laquelle un fruit (une grosse pomme) s'était arrêtée dans la partie thoracique de l'œsophage, l'introduction d'un poussoir œsophagien improvisé (branche de saule avec pelote d'étoupe) a provoqué des efforts de vomissement et le rejet de la pomme.
Pour repousser dans le rumen les corps étrangers arrêtés dans l'œsophage, on fixe l'animal comme pour l'extraction par la bouche et parfois on place un spéculum ; l'opérateur saisit la langue de la main gauche et l'attire au dehors, puis, de la main opposée, il introduit le poussoir dans la bouche en suivant la voûte
palatine, l'instrument arrive dans l'arrière-bouche, et, en le poussant modérément, il pénètre dans l'œsophage, et descend sur le corps étranger. [Cette introduction doit se faire sans secousse, mais assez vivement pour refouler le corps étranger aussitôt qu'on éprouve de la résistance.]
Plusieurs accidents ont été observés pendant cette opération : ainsi deux fois, Schaack a observés la déchirure de l'œsophage sur des bêtes bovines qu'il a fallu abattre pour la boucherie.
[On a vu plusieurs fois des bœufs, opérés par des empiriques, dont le larynx avait été brisé par les manœuvres que nécessite l'introduction de la baguette... Cet accident est mortel, on doit se hâter d'envoyer l'animal à l'abattoir.]
3° Écrasement (la corps étranger. — Cette méthode consiste à broyer le corps arrêté dans l'œsophage, en le martelant avec un maillet de bois, pendant qu'un aide fait contre-appui du côté opposé.
Une pareille manœuvre est de nature à déterminer des accidents mortels, tels que déchirures de l'œsophage et gangrène consécutive; toutefois, en agissant avec ménagement et si le corps étranger offre peu de résistance, comme un fruit mûr, par exemple, on peut parvenir à l'écraser sans déchirer l'œsophage. — Il est indiqué également de fragmenter le corps, dans l'intérieur de l'œsophage, à l'aide d'un instrument à forte lame introduit par simple ponction. Si on réussit, par cette opération, à diviser une pomme en deux ou trois morceaux, il deviendra plus facile de la repousser dans l'estomac.
CHAPITRE VI
MALADIES DES ESTOMACS.
ARTICLE I
MÉTÉORISATION.
Synonymie : Météorisme. — Tympanite.
[La Météorisation, nommée encore Tympanite, est un état morbide caractérisé par un gonflement plus ou moins prononcé du flanc gauche, déterminé par un dégagement lent ou subit de gaz, en plus ou moins grande quantité, dans les compartiments gas-
triques des ruminants ou dans l'intestin. La formation de ces gaz est due à des causes nombreuses et variées, qui constituent autant de formes distinctes de cette affection.
[La Météorisation doit être examinée sous ses différents aspects ; cela importe beaucoup pour la sûreté du diagnostic des maladies dont elle est un symptôme facile à constater. Il convient ainsi de considérer :
[1° La Météorisation résultant de la présence d'un corps étranger retenu dans le canal œsophagien. — Formée pendant les violents efforts de vomissement que fait l'animal, elle est produite par les gaz développés incessamment dans le rumen et privés, par suite de la présence du corps étranger, de l'issue que, dans l'état normal, leur offre naturellement l'œsophage.
[Cette Météorisation produit un ballonnement extrême et subit, lequel n'a d'autres limites que les propriétés extensives des tissus; et même, avant qu'il y ait rupture des parois du rumen, il arrive souvent que des globules d'air passent entre les mailles du tissu cellulaire sous-cutané et que des tumeurs emphysémateuses se forment vers les régions costales et lombaires.
[La ponction pratiquée au milieu du flanc gauche fait disparaître instantanément la Météorisation dont je parle. L'extraction ou le refoulement du corps étranger amène le même résultat. Après la ponction, la canule du trocart ne donne passage qu'à des gaz sans aucun mélange d'aliments.
[2° La Météorisation occasionnée par une indigestion de luzerne ou de trèfle verts. — Celle-ci se développe aussi très rapidement et donne également lieu à des emphysèmes sous-cutanés; elle est souvent une cause d'asphyxie. La percussion sur le flanc rend un son mat et tumultueux. Des matières alimentaires mi-solides sont souvent mêlées aux gaz; et si, à la suite de la ponction, la première colonne, qui a trouvé une issue par la canule, est du gaz pur, on voit bientôt le dégagement se faire sous une autre forme. Le bouillonnement a produit, dans les couches inférieures de la masse alimentaire déposée dans le rumen, un mélange de globules gazeux et d'aliments. Ce mélange ne s'échappe point librement par la canule; il l'obstrue, au contraire, et la ponction ne produit pas, dans ce cas, un résultat décisif.
[Cette Météorisation se dissipe souvent par des éructations spontanées, et d'autres fois par des éructations provoquées soit par des ablutions d'eau froide, soit par l'effet de breuvages excitants ou par l'emploi de mastigadours composés de différentes substances : une branche de figuier ou un morceau de lard très rance, etc.
[3° La Météorisation provoquée par une indigestion d'aliments
dont l'action est irritante et quelquefois toxique, comme celle du raifort sauvage et de certaines renoncules. — Elle est simplement gazeuse; on le constate par la percussion. Elle se dissipe momentanément après la ponction, et reparait aussitôt après quela canule du trocart a été enlevée, si, par un traitement énergique, on ne s'empresse de combattre la maladie dont elle est le premier symptôme appréciable.
[4° La Météorisation occasionnée par une indigestion de fourrages possédant des propriétés nutritives relativement très développées. Cette dernière se distingue par son apparition subite et par le son mat que donne la percussion du flanc gauche. Elle acquiert rarement le développement de celle qui résulte de la présence d'un corps étranger dans l'œsophage, et de celle de la deuxième forme, que les anciens auteurs désignent sous le nom de méphitique simple. Cependant j'ai cru, dans plusieurs cas, devoir pratiqu er au flanc gauche, pour donner issue aux aliments en ébullition, une incision assez étendue, l'expérience m'ayant démontré que la canule du trocart est insuffisante dans cette occasion.
[Cette opération est d'ailleurs sans inconvénients. Elle donne lieu à l'expulsion de matières mi-solides, mêlées de bulles ; mais la maladie persiste si l'on s'en tient exclusivement à 1 ce premier traitement.
[5° La Météorisation résultant d'une indigestion de farine accumulée dans le rumen. — Dans ce cas, elle ne se déclare pas subitement, se forme peu à peu et n'acquiert jamais des proportions telles qu'on puisse craindre qu'elle soit une cause d'asphyxie. Le son rendu par la percussion du flanc gauche est mat et tumultueux.
[6° La Météorisation accompagnant les cas de phthisie, lorsque le médiastin n'est plus qu'une masse tuberculeuse, qui comprime l'œsophage dans certains moments et s'oppose aux éructations. — Elle n'est jamais très considérable. Le flanc gauche est un peu soulevé; une colonne de gaz, sans mélange d'aucune matière, repose sur la réserve alimentaire du rumen. Elle disparaît plusieurs fois, dans la journée, quand l'animal est debout, pour se développer de nouveau aussitôt qu'il est couché.
[7° La Météorisation résultant d'une gastrite simple. — Elle se présente avec les mêmes caractères que la précédente, avec cette différence toutefois que celle-ci disparaît avec la maladie dont elle est un des symptômes pathognomoniques. Je crois qu'alors elle est non pas précisément une Météorisation de la panse, mais plutôt celle des autres divisions de l'appareil gastrique.
[On voit, d'après ce qui précède, qu'il y a lieu de considérer la Météorisation, non comme une maladie essentielle, mais comme
un symptôme d'affections fort diverses. Aussi m 'eii tiendrai-je à ces observations générales, me proposant de revenir sur ce sujet lorsque je traiterai chacune de ces affections en particulier.]
ARTICLE Il
APPÉTIT DÉPRAVÉ.
Synonymie : Pica.
[On désigne sous ce nom une affection caractérisée par la tendance qu'ont les animaux à manger des substances qui n entrent point habituellement dans la composition de leurs rations alimentaires. Cet état des bœufs ou des vaches est-un symptôme qui ne peut être considéré comme une maladie essentielle; il est, le plus souvent, le résultat, soit d'une affection tuberculeuse, soit d'une induration du pylore, soit de l'ostéomalacie.]
§ 1er. — Pica en général.
[Les animaux sur lesquels se fait remarquer ce symptôme ne sont pas toujours forcément maigres et n'ont pas également l 'aspect d'animaux malades. Beaucoup de bœufs de labour mangent positivement de la terre humide, surtout quand elle est de composition argileuse, aussitôt qu'ils peuvent assez abaisser la tête pour y atteindre; des vaches mangent les enveloppes du fœtus, toutes les fois qu'elles ne sont point surveillées au moment de la parturition ; d'autres mangent la terre des murs, s attaquent aux cuirs, aux tissus de laine, etc.
[Ce goût dépravé chez les animaux ne présente pas pour eux un danger immédiat; mais il doit faire prévoir l'existence d'une lésion organique des estomacs ou du poumon. La plupart des bœufs atteints de phthisie témoignent de ces goûts d'une manière ou d'une autre. Dans ce cas, lors même qu'ils seraient en bon état et que jamais on ne les aurait entendus tousser, il faut toujours conclure à l'existence chez eux de l'affection tuberculeuse.
[Inutile d'indiquer aucun traitement pour ramener l'appétit des animaux à des conditions normales; quand cet appétit est dépravé, on les engraisse s'il en est temps encore, ou on les vend, sans le moindre retard, pour la basse boucherie.
[Lorsque cet état particulier est dû à une affection tuberculeuse, toutes les médications échouent dès qu'elles ne sont pas assez puissantes pour arrêter les progrès de la phthisie.]
Toutefois, dans ces dernières années, on a préconisé les injections hypodermiques d'apomorphine, à la dose d'un à deux décigrammes. On fait une injection par jour et pendant trois jours de suite. — Par ce moyen, desvétérinaires allemands ont obtenu de bons résultats.
§ 2. — Tuméfaction indurée du Pylore.
[L'Induration, souvent désignée sous le nom de Squirrhe du pylore, ne se déclare pas instantanément. Cette transformation des tissus .est l'effet d'un travail inflammatoire lent et continu. Elle est incurable: il faut la signaler néanmoins, parce que le bœuf est un animal qui a toujours une certaine valeur, et qu'il importe, lorsqu'il est atteint d'une maladie incurable, de la reconnaître sans retard, afin de diminuer les pertes en utilisant l'animal dans la mesure du possible.
[L'observation sommaire qui suit fera connaître les principaux symptômes de cette affection.
[Un bœuf maigrissait depuis quelque temps; son appétit était irrégulier; il avait la peau sèche, adhérente, le poil terne, le mufle sec, rugueux, excepté pendant qu'il ruminait. Il mettait plus de temps à ruminer qu'à manger, et, lorsqu'il avait ruminé, il rassemblait ses membres, ne se couchait point, rendait de fréquentes éructations, portait la tête basse, avait les oreilles pendantes. Son haleine était toujours fétide. Si on voulait le faire travailler ou seulement le forcer à marcher lorsqu'il avait ruminé, son départ était toujours très difficile. Enfin, il prenait une allure raccourcie et faisait entendre de sourdes plaintes. Quand il était couché, il appuyait fréquemment la tête sur les côtes. Il avait les flancs creux ; ses excréments, qu'il rendait en faisant des efforts expulsifs très énergiques, avaient la consistance diarrhéique et offraient une écréme fétidité.
[Ces symptômes s'étaient manifestés et développés très lentement; on ne pouvait donner aucune date à leur apparition.
[Le diagnostic resta longtemps incertain; mais il était évident qu'une lésion organique existait dans la caillette. Je supposai une phlegmasie chronique, et le traitement fut dirigé dans le sens de cette indication; il fut inutile. L'animal arriva au marasme; il finit par ne plus manger ni ruminer, et il mourut trois mois après ma première visite.
[A l'autopsie, je constatai l'existence d'une énorme tumeur indurée qui partait du pylore et se prolongeait quelque peu vers l intestin grêle ; elle occupait la caillette presque en entier.
[Si, lors de ma première visite, il m'eût été possible de diagnos-
tiquer l'existence d'une semblable altération, ce bœuf aurait été vendu, pour la boucherie, les deux tiers de sa valeur ordinaire.
[Quelques années plus tard, j'observai sur un autre bœuf absolument les mêmes symptômes, et je n'hésitai pas à conseiller la vente de cet animal. Le propriétaire ne voulut pas prendre cette détermination; il essaya du traitement ordonné successivement par deux empiriques, et son bœuf vécut une année dans cet état,. mangeant quelquefois de l'herbe, d'autres fois du son ou des racines cuites, rarement des fourrages un peu grossiers. Quelquefois, il passait huit ou dix jours sans rendre aucun excrément; puis, il en expulsait la quantité de 12 à 15 litres, de consistance poisseuse, de couleur noire et d'une fétidité extrême.
[A l'autopsie de cet animal, je constatai les lésions suivantes : [Les intestins s'étaient rapetissés, racornis pour ainsi dire ; certaines portions de l'intestin grêle étaient rétrécies à ce point que j'avais de la peine à faire passer l'index dans le canal. La membrane muqueuse de cette portion était épaissie, de consistance lardacée.
[Une tumeur indurée énorme, dans le centre de laquelle existait encore une cavité susceptible de contenir 3 ou 4 litres de liquide, remplissait la caillette ; un gros clou, logé vers l'orifice du pylore, était le noyau et la cause certaine de la formation de cette tumeur.]
ARTICLE 111
VOMISSEMENT.
Définition. Fréquence. — [Le Vomissement est un acte spasmodique par lequelles matières contenues dans les compartimentsgastriques des ruminants sont rejetées au dehors. On l'observeasez souvent chez le bœuf, quoique, pendant longtemps, on ait affirmé que les ruminants ne pouvaient vomir. D'autres fois, on a cru que le vomissement n'était qu'une régurgitation d'aliments provenant dela panse. Cette distinction dont l'importance échappe a été faite par Hurtrel d'Arboval. Je crois, au contraire, que le vomissement est un cas pathologique et nullement un fait de rumination tulmultueus'e. J'ai observé le vomissement de matière& provenant tantôt du rumen, tantôt de la caillette. Au reste, la question me paraît assez importante pour motiver quelques détails historiques, qui seront surtout la reproduction de faits déjà publiés par Sautin, par Bernard et par moi.
Historique. — [Hurtrel d'Arboval admettait, non pas le vomissement, mais une régurgitation d'aliments provenant de la panse..
Pour soutenir cette opinion, il invoquait les observations suivantes publiées par Sautin.
[Ce vétérinaire, appelé à donner des soins à un bœuf affecté de vomissements continuels depuis une quinzaine de jours, trouve l'animal dans un grand état de maigreur, avec les yeux enfoncés, le pouls faible et la marche incertaine. Il mangeait avec voracité, mais bientôt cessait brusquement la mastication, en témoignant beaucoup de malaise. Les muscles de l'abdomen se contractaient, le bœuf allongeait le cou, l'ascension des aliments avait lieu et les matières remontaient et remplissaient la bouche.
[Le même praticien cite deux faits analogues observés sur deux vaches : l'une d'elles, qui venait de transporter du bois, fut à peine dégagée du joug qu'elle se mit à vomir pendant deux heures une quantité prodigieuse d'aliments; elle avait l'oreille pendante, comme paralysée, et la vue éteinte du même côté. L'autre vache, qui était météorisée, se mit à vomir; les vomissements reparurent le lendemain : chaque fois qu'elle avait mangé, elle voussait le dos, allongeait le cou, faisait remonter le ventre en contractant les muscles abdominaux, et le vomissement avait lieu; à ce moment, on remarquait comme un mouvement vermiculaire de la panse.
[Ici, le vomissement ou la régurgitation, comme l'appelle Hurtrel d'Arboval, était formé de matières alimentaires provenant uniquement du rumen. Sautin, qui était l'un des plus judicieux observateurs que j'aie connus, et avec lequel je me suis entretenu, un jour, de ces cas de vomissement, m'a affirmé que l'aspect de ces matières témoignait assez de cette provenance. Croyant, avec raison, à une irritation nerveuse et purement locale du rumen, il administra des breuvages camphrés, qui amenèrent très promptement la cessation de tous les phénomènes du vomissement.
[J'ai constaté plusieurs faits identiques à ceux qui ont été rapportés par Sautin; et mon attention étant alors éveillée par l'entretien que j'avais eu avec ce praticien éclairé, je fis aussi emploi de breuvages camphrés, qui produisirent le même effet. Je donnerai plus bas la formule de ces breuvages.
[Yvart a également observé le vomissement de matières venant du rumen dans un cas de météorisation ; cela se voit quelquefois, si la météorisation est très intense.
[Le vomissement de matières provenant de la caillette est le cas que j'ai observé le premier, d'abord comme symptôme d'une irritation gastrique, et plus tard comme phénomène consécutif au squirrhe du pylore ; Bernard a fait aussi la même constatation.
[Voici maintenant les premières observations publiées sur le
Vomissement des ruminants : elles m'appartiennent, et si je les rappelle, c'est uniquement pour rester dans la vérité historique.
[La première est relative à un bœuf qui présente les symptômes suivants: poil piqué, peau sèche, rugueuse et adhérente; mufle sec; légère tension du flanc gauche; diminution de l'appétit; rumination rare, mais s'effectuant comme à l'ordinaire, c'est-à-dire permettant de compter environ une quarantaine de mouvements de mâchoire par minute. On m'avait prévenu que l'animal vomissait de temps en temps. Une heure après mon arrivée, la rumination s'exécute, après avoir été précédée d'éructations profondes, sonores et d'une odeur pénétrante. Cet acte dure dix minutes, après quoi le bœuf se lève, recule, tire sur sa chaîne, éprouve des tremblements dans les membres thoraciques, rapproche vers le centre les extrémités postérieures,-tend la tête et, après une inspiration très lente, vomit environ 10 litres de matières à demi liquides et parfaitement triturées ; il reste alors un moment placé sur ses membres sans faire aucun mouvement, puis il se couche et rumine. Une demi-heure après, nouvel accès de vomissement.
[Le temps était très chaud et fort sec; les animaux exécutaient des labours très pénibles, et ne buvaient que deux fois par jour. Les compagnons du bœuf affecté de vomissements étaient maigres, constipés, avec la peau sèche et le poil hérissé. L'un d'eux offrait depuis quelques jours une tumeur sanguine dure au fanon. — Je crus à l'existence d'une irritation des organes digestifs occasionnée par l'insuffisance de la boisson, et je recommandai d'abreuver les animaux plus souvent. On pratiqua la saignée sur celui qui vomissait ; en lui administra, à grandes doses, des boissons rafraîchissantes et adoucissantes. Bientôt le vomissement cessa, ce que j'attribuai à la disparition de l'irritation gastrique.
[Je pense aujourd'hui que mon traitement eût été plus rationnel si, au lieu d'administrer deux fois par jour des breuvages de 5 à 6 litres, j'en avais administré plus souvent, dans la journée, à la dose d'un litre seulement. Les breuvages à forte dose — je l'ai remarqué plus tard — ont l'inconvénient de fatiguer les animaux; il en est qui, après les avoir pris, paraissent fatigués, éprouvent de l'anxiété et semblent mème ressentir de légères coliques.
[Un bœuf avait mangé avec gloutonnerie une forte ration de luzerne. Tout à coup, il recule, tient la tête basse, est légèrement météorisé et ne rumine point. Il fait entendre quelque mugissements plaintifs, se couche, se relève, gratte quelquefois la litière avec les pieds de devant; il a les oreilles froides et pendantes, le mufle sec. Pendant que je l'examine avec attention, il tire sur la chaîne qui le tient attaché à la crèche, rassemble ses quatre
membres vers le centre de gravi Lé, élève l'épine dorsale, rapproche le mufle du fanon, fait une profonde inspiration, bientôt suivie d'un sourd mugissement, tend enfin la tête, tire la langue et vomit à grandes gorgées plus de 6 kilos de luzerne à demi triturée qu'il avait mangée peu de temps auparavant.
[Le vomissement terminé, les mouvements de la respiration sont accélérés. Le bœuf est peu sensible à la pression exercée sur la colonne dorsale ; il se meut à peine. On peut constater que la secousse imprimée par le vomissement l'a beaucoup fatigué. On le laisse tranquille ; il se couche et, une heure après, il commence à ruminer.
[Les bœufs vomissent également lorsque, après avoir mangé de la luzerne verte prise sur pied, ils sont modérément météorisés et qu'on les force à courir; alors ils expulsent quelquefois des gaz mêlés à des aliments.
[Il arrive aussi quelquefois qu'une partie du bol, remontant de la panse pour être ruminée, est lancée hors de la bouche ou s'échappe par les commissures des lèvres. Si cet accident est isolé, il tient à une secousse trop violente imprimé au bol, dont la cause est due à une inspiration convulsive provoquée par la position mal assurée de l'animal qui rumine. D'autres fois, une partie du bol s'échappe par suite du relâchement des muscles masséters; cela se voit assez souvent chez les bœufs vieux et maigres, les vaches et les jeunes sujets mal entretenus. Mais cet accident n'a rien de commun avec la rumination ; il s'opère par un mécanisme tout différent.]
« En effet, il suppose toujours, dit Girard, un mouvement convulsif, un trouble plus ou moins grand, et s'accompagne de phénomènes qui indiquent une action augmentée et contraire à un rythme habituel. La sortie des aliments de la cavité du rumen, pour parvenir dans la bouche, s'opère, au contraire, par la contraction naturelle mais très énergique du rumen, secondée par l'action successive et simultanée du diaphragme et des muscles abdominaux. Le bœuf qui vomit éprouve sans doute des douleurs gastriques, des convulsions plus ou moins fortes, tandis que celui qui rumine doit ressentir du bien-être ; aussi fait-il remonter les aliments posément et avec la même facilité qu'il les avale. »
Causes. — [L'irritation nerveuse du rumen, qui produit le vomissement, et que Sautin et moi avons observée, doit avoir pour cause, soit l'action des plantes indigestes et irritantes sur la membrane du rumen, soit une rumination fréquemment et subitement interrompue par des secousses violentes que l animal éprouve quand il est soumis à un rude travail. La distension excessive de la panse par une quantité trop considérable d aliments
peut être aussi une des causes du vomissement provenant de cet organe; il en est de même de l'ingestion d'aliments en fermentation ou de fourrages verts qui peuvent fermenter.
[Les causes occasionnelles du vomissement de matières provenant de la caillette sont toutes celles qui ont irrité fortement cet organe ; la tuméfaction de l'ouverture de la caillette y donne lieu fréquemment lorsque le pylore se trouve considérablement rétréci.
[Je n'ai pas à m'arrêter aux symptômes du vomissement (ils ont été décrits dans les observations que je viens de rapporter), ni à la description de la marche, de la durée et de la terminaison de cet accident, car, ainsi que je l'ai déjà fait observer, le vomissement n'est lui-mème qu'un symptôme résultant d'un état morbide du rumen et de la caillette, dont l'étude se représentera ailleurs.] Traitement. — [Comme mon confrère Sautin, j'ai combattu le vomissement de matières provenant du rumen par les breuvages camphrés, et le vomissement occasionné par une irritation de la caillette, au moyen des antiphlogistiques et d'un régime alimentaire propre à seconder leur action.
[Un breuvage camphré peut suffire pour calmer l'irritation nerveuse du rumen ; mais il est quelquefois indispensable d'en administrer plusieurs. Le camphre a une action très marquée sur les ruminants; il ralentit les fonctions digestives. Aussi ne faut-il pas insister sur l'emploi des breuvages dont il forme la base. Si l'on en a administré deux, il importe de ne pas en donner un troisième avant deux ou trois jours.
Breuvage camphré.
Pour un bœuf ou une vache de taille moyenne :
Camphre 8 grammes. Jaunes d'œufs ................................... deux.
Faites dissoudre dans ces jaunes et ajoutez :
Eau tiède 2 litres.
Pour des animaux de forte taille :
Camphre ........................ 10 grammes, jamais au delà.
[Dans les cas d'éructations provenant de la caillette, les breuvages sont composés avec la décoction de graine de lin ; ce sont ceux que je préfère à tous les autres de même nature, parce qu'on trouve partout de la graine de lin, et que ce genre de breuvage est le moins coûteux, circonstance toujours à considérer quand on exerce à la campagne.]
ARTICLE IV
INDIGESTION D'EAU.
Définition. Fréquence. — [Cette indigestion n'a jamais été décrite ; il est possible qu'elle soit inconnue dans les contrées où les bœufs ne sont pas employés aux travaux des champs ou aux charrois. Elle consiste en un trouble subit de la digestion dans la caillette, à la suite d'une trop forte ingestion d'eau.
[On l'observe fréquemment pendant les saisons chaudes chez les bœufs de travail.]
Causes. Symptômes. — [Il suffit d'avoir observé le bœuf quand il boit, pour reconnaître que les liquides ne doivent pénétrer dans ses organes digestifs qu'en petite quantité à la fois. En effet, on le voit humer l'eau et la filtrer, pour ainsi dire, avec précaution, entre sa langue et le palais; il semble d'abord ne faire que la déguster, et, à chaque gorgée, il en laisse échapper quelque peu par les commissures des lèvres. D'ailleurs, il boit dans des proportions beaucoup moindres que le cheval, aussi peu que le mulet et l'âne; quand il est nourri avec des fourrages verts, il passe même plusieurs journées sans prendre aucune boisson. Si, en hiver, l'eau est très froide, il hésite longtemps avant d'en avaler quelques gorgées, et souvent il s'écarte de l'abreuvoir après y avoir seulement trempé le mufle.
[D'après cela, il doit être contraire aux conditions physiologiques dans lesquelles se trouve cet animal, que ses organes digestifs reçoivent de grandes quantités de liquide; ce qui le prouve, c'est que, si, pendant les fortes chaleurs et après un travail qui a provoqué une soif ardente, il boit avec avidité et avale à pleine bouche une forte colonne de liquide, il est pris immédiatement de coliques qui paraissent atroces. Alors, son abdomen est distendu; mais on reconnaît facilement que la cause de cette distension n'est point dans le rumen. Il n'y a point météorisation de cet organe ; seulement, il paraît fortement refoulé vers le flanc par une masse qui doit être la caillette.
[Les bouviers ne se trompent pas sur les causes de cette colique : ils ont vu l'animal avaler avec précipitation beaucoup plus d'eau qu'il n'en boit ordinairement, et les douleurs gastriques se manifester immédiatement; le plus souvent, ils n'ont même pas le temps de recourir soit au vétérinaire, soit à l'empirique; aussi, dès qu'ils s'aperçoivent de l'accident, ils promènent le bœuf au pas et, le plus souvent, ils le font courir au trot. Quoique ce moyen
puisse être dangereux, si la course est trop vive et dure longtemps, il arrive ordinairement, non que la boisson soit digérée, mais qu'elle soit rejetée par l'anus presque en nature, un peu colorée seulement par des substances qu'elle a entraînées dans son trajet à travers le canal intestinal.]
Marche. Durée. Terminaison. — [Invasion subite; durée, une demi-heure tout au plus, avec des coliques qui tourmentent horriblement l'animal. Terminaison par l'évacuation du liquide; douleurs plus supportables qui se continuent quelques heures, avec perte de l'appétit et suspension de la rumination ; puis retour à la santé.]
Lésions pathologiques. — [Après la terminaison ordinaire que je viens d'indiquer, il n'y a point lieu de décrire des lésions pathologiques. Voici toutefois ce qui peut arriver, mais rarement.
[J'ai dit que, par la promenade au pas ou même par la course au trot, quelquefois aussi au galop, on voyait ordinairement tous les symptômes disparaître ou du moins perdre de leur gravité après une évacuation abondante, par l'anus, du liquide, cause unique de l'indigestion ; mais il est arrivé deux fois, à ma connaissance, que les animaux sont tombés morts pendant cette course violente.
[A l'autopsie, j'ai trouvé une congestion très vive de la membrane muqueuse de la caillette et une déchirure de l'intestin grêle, autour de laquelle j'ai remarqué également une congestion intense, avec injection des vaisseaux sanguins avoisinants.]
Pronostic. — [Il n'est point fâcheux si l'on n'a pas commis l'imprudence de faire de la promenade, selon moi bien indiquée, une course violente qui peut amener la mort dans la circonstance dont il s'agit, alors que la caillette et l'intestin se trouvent surexcités et distendus par une masse de liquide.]
Traitement. — [Il consiste dans la promenade au pas, suivie de l'administration d'un cordial aussitôt que l'on peut supposer qu'une portion de l'eau ingérée commence à passer dans l'intestin.
[Ce traitement est celui dont les cultivateurs intelligents font usage; je n'y ai rien changé, parce qu'il m'a été démontré bien souvent qu'il est d'une efficacité à peu près complète.
[Pour un bœuf, le cordial usité est 1 litre de vin ; quand on n'a pas de vin, on peut employer du cidre, ou bien du poivre en poudre délayé dans un demi-litre d'eau, à la dose de 1 5 à 20 grammes.]
ARTICLE Y
INDIGESTION MÉPHITIQUE SIMPLE.
Synonymie : Ballonnement, Enflure du ventre, Météorisme.
Définition. Fréquence. — [On désigne sous ces noms un trouble de la digestion occasionné par le développement de gaz dans le rumen. Cette maladie est très fréquente chez tous les ruminants.]
Cause. — [La cause prédisposante principale est un état d'affaiblissement qui résulte de travaux excessifs ou d'une alimentation insuffisante.
[Les causes occasionnelles sont plus nombreuses. Rarement cette indigestion est produite par des fourrages secs; je ne l'ai observée que trois fois résultant de cette cause, et c'était après que les animaux eurent mangé, au moment même où il commençait à fermen ter, à s'échauffer, du foin mis en grange dans un état de dessiccation incomplète.
[La luzerne, le trèfle pâturés donnent lieu très souvent à l'Indigestion méphitique simple dans des circonstances bien difficiles à spécifier. On voit maintes fois des ruminants pacager, pendant des journées entières, sur des champs de luzerne ou de trèfle, dans l'arrière-saison, alors que ces plantes ont encore des tiges de plusieurs centimètres de hauteur, sans en être incommodés; et cela que l'atmosphère soit humide ou sèche, que ce soit avant ou après le lever ou le coucher du soleil ; pendant que les plantes sont couvertes de rosée, ou après que la rosée s'est évaporée. Souvent, des années entières se passent sans que ces pâturages paraissent dangereux. Alors le cultivateur se persuade qu'ils n'ont plus aucune propriété malfaisante; il vit, sous ce rapport, dans une entière sécurité. Cette innocuité tout accidentelle est la source ordinaire des croyances les plus absurdes relativement à de prétendus moyens de préservation.
[Un cultivateur vous dira avec une parfaite assurance : « Je n'ai rien à redouter pour mes bœufs d'un pareil pacage; ils ont déjà mangé une poignée de fourrage sec avant d'entrer dans la tréflière ou la luzernière. » Un autre : « Je prends la précaution de ne point les laisser boire quand ils ont pacagé » ; ou bien : « Il n'y a plus de rosée au moment où on les mène paître »; ou : « La gelée a enlevé toute cause de météorisation », etc. Avec de telles idées, on ne tient aucun compte des craintes exprimées par le vétérinaire au sujet d'une aussi imprudente sécurité ; et un jour,
sans que, en apparence, nul changement se soit opéré dans l'état des choses et dans une situation que l'on croyait exempte de danger, la météorisation se déclare subitement sur un certain nombre d'animaux à la fois, et en fait périr plusieurs, parfois même le troupeau tout entier,-ne se fût-il qu'à peine arrêté sur la tréflière ou la luzernière.]
Il est admissible que la météorisation qui survient chez les ruminants après l'ingestion des feuilles de luzerne ou de trèfle, couvertes de rosée, dépend de la présence, dans la rosée, du ferment en chapelet de grains, dont M. Pasteur a reconnu l'existence dans l'intestin des vers à soie qui deviennent flats, après avoir mangé des feuilles de mûrier mouillées par le brouillard. La flacherie, sous une de ses formes, est une sorte de météorisation. (H. Bouley.)
Symptômes. — [Les symptômes ' de l'Indigestion méphitique simple sont ceux de la météorisation (Voy. p. 126) : formation lente ou très rapide, dans le rumen d'abord et ensuite dans le bonnet, d'une plus ou moins grande quantité de gaz qui se dégagent d'aliments dont les propriétés fermentescibles se trouvent subitement développées. A ce moment, la rumination n'est plus possible, et lorsque, par l'effet de la météorisation, les intestins sont comprimés outre mesure, il est à peu près certain que leurs fonctions sont totalement interrompues. Il en est de même de la respiration et de la circulation, qui s'arrètent graduellement. Le bœuf météorisé à ce point a le regard fixe, se meut avec peine; c'est en vain qu'il dilate ses naseaux, qu'il entr'ouvre la bouche pour arriver à faire une inspiration; il s'affaisse sur le côté en écartant les quatre membres, et succombe avec plus ou moins de promptitude, suivant le degré de la météorisation.]
Marché. Durée. Terminaisons. — [L'invasion de la météorisation est toujours subite, instantanée, et sa marche est des plus rapides quand elle s'est développée dans toute son intensité. Modérée, elle peut avoir une durée de plusieurs heures; cette circonstance est pourtant rare. Dans cet état, elle se dissipe parfois spontanément à la suite d'éructations amples et sonores; ce qui n'arrive jamais quand elle a acquis son maximum de développement. L'éructation est impossible toutes les fois que la distension des parois abdominales est excessive; il ne faut donc pas compter sur les efforts de la nature, ce serait une grave imprudence, l'Indigestion méphitique simple se terminant alors par l'asphyxie complète de l'animal.]
SMag-nostic. Pronostic. — [Quand la météorisation se déclare subitement et avec une grande intensité chez un animal de l'espèce bovine qui vient de pacager sur une tréflière ou une luzer-
nière, il ne peut pas y avoir d'erreur de diagnostic possible : on est alors toujours en présence de l'Indigestion méphitique simple.
[Quant au pronostic de cette affection, il est ordinairement fâcheux, si le traitement ne pent être appliqué sans retard. Si, au contraire, la ponction du rumen est pratiquée à temps et avec intelligence, ce qui n'est nullement difficile, et avant que l'animal se soit affaissé, il n'y a pas de danger sérieux à redouter.]
Lésions pathologiques. — [Sur les animaux qui succombent, on remarque les lésions suivantes : le rumen et le réseau sont distendus outre mesure par des gaz; les intestins sont refoulés et comprimés ; leurs vaisseaux sont injectés, ainsi que les diverses portions de la membrane péritonéale; la rate est aplatie, le foie gorgé de sang noir et liquide; les deux lobes du poumon sont comprimés, et ne contiennent, ainsi que les cavités droites du cœur, qu'une très petite quantité d'un sang noir et liquide ; le cerveau est injecté, de mème que le tissu cellulaire sous-cutané.] Traitement. — [Je crois pouvoir affirmer ici que le seul traitement réellement efficace de l'Indigestion méphitique simple est la ponction du rumen, soit au moyen d'un trocart pourvu d'une canule, par laquelle s'échappent instantanément les gaz qui sont contenus dans cet organe ; soit, à défaut de trocart, au moyen d'un instrument tranchant avec lequel on pratique, dans le milieu du flanc gauche, une ouverture qui atteint le mème but, et plus promptement, parce qu'elle est toujours plus large que celle qui résulte de la ponction avec le trocart. Jamais, à cette occasion, je ne me suis mis en peine de cet instrument : lorque je ne l'avais pas sous la main, la lame d'un bistouri ou d'un couteau ordinaire m'a toujours suffi.
[Ce qui importe, dans cette circonstance, c'est de pratiquer l'ouverture au lieu d'élection, dans le flanc gauche et, si l'on se sert d'un instrument tranchant, d'en plonger la lame transversalement, afin d'éviter un déchirement considérable des tissus, provoqué par la force d'expansion des gaz contenus dans le rumen. J'ai vu cet accident se produire plusieurs fois quand on •opérait au moyen d'un bistouri ou d'une lame de couteau ; alors les matières jaillissent à une grande hauteur, ce qui effraye les assistants. D'un autre côté, quand les plaies de la panse sont très grandes, on peut avoir à craindre une inflammation assez grave de cet organe.
[Les plaies ordinaires se cicatrisent sans qu'on ait besoin de faire des points de suture. Il suffit, quand un appareil est nécessaire, d'en contenir les lèvres au moyen d'un emplâtre agglutinatif, composé d'une couche de poix noire étendue sur un morceau de toile neuve.
[Si l'on tient absolument à réunir les lèvres de la plaie au moyen de quelques points de suture, il importe de maintenir le parallélisme entre la plaie du rumen et celle de la peau ; sans cela, les matières provenant du premier de ces organes pourraient rester interposées entre les deux organes et donner lieu à des accidents.
[La ponction n'offre aucun danger quand elle est faite au milieu du flanc gauche et pratiquée avec sûreté. Quand on opère avec le trocart, on commence par inciser la peau avec un bistouri ; je me sers pour cela d'un bistouri à serpette, que l'on peut tenir solidement dans la main, quelles que soient les ondulations des gaz dans le rumen et les mouvements de l'animal. Je pratique l'incision en plongeant le bistouri par le seul effort des doigts, la paume de la main appuyant fortement sur le flanc : après cela, le trocart pénètre sans effort dans le rumen ; tandis que si l'on veut faire la ponction au moyen du trocart seulement, sans avoir au préalable divisé la peau, le coup porté sur le manche de l'instrument peut n'ètre pas assez fort pour que l'opération se fasse complètement, ou bien le trocart peut dévier vers et sous les apophyses transverses, par l'effet du bouillonnement et de l'expansion des gaz : accident très grave que j'ai vu survenir très souvent et donner lieu à des plaies indurées, à des dépôts purulents dont le pronostic est toujours fâcheux. Ce sont des accidents de ce genre, dus à des défauts d'attention ou à des tentatives présomptueuses, qui ont fait naître les doutes sur l'innocuité de la ponction.
[On a recommandé, pour combattre la météorisation méphitique simple, l'éther sulfurique à la dose de 20 à 30 grammes ; l'alcali volatil à peu près à la même dose; l'un et l'autre de ces médicaments étant administrés en breuvage dans un litre d'eau.
[On a vanté l'eau salée, l'eau de fumier, c'est-à-dire le purin, le vinaigre, l'emploi de mastigadours faits avec une branche de figuier, une couenne de lard très rance, l'infusion de plantes aromatiques, de lavande, de tanaisie, d'armoise, une dissolution de colombine. Aux yeux de certaines gens, plus un médicament est dégoûtant et plus il a de vertu. Les ablutions d'eau froide sur le flanc ont été également indiquées ; il est mème très rare que ce ne soit pas d'abord le premier moyen employé quand les animaux atteint de météorisation sont à portée d'un ruisseau, d'un puits ou d'une mare, et même, s'il y a possibilité, on les plonge dans l'eau. D'autres fois, on les fait courir ; mais ordinairement quand on les plonge dans l'eau jusqu'à ce qu'ils puissent nager, ou quand on les fait courir, le traitement a une action prompte et décisive : l'asphyxie est foudroyante.
[Je considère ces derniers moyens comme tout au moins inef-
ficaces, lorsqu'ils ne sont pas essentiellement dangereux ; d'ailleurs, ils ont tous un inconvénient très grave, celui de faire perdre un temps précieux, qui diminue d'autant l'efficacité du seul moyen utile, la ponction.
[On peut remplacer la ponction par l'introduction d'une sonde creuse que l'on fait arriver dans le rumen et par laquelle les gaz se dégagent tout aussi bien que par la canule du trocart.]
On peut aussi recourir efficacement à des excitations portées sur le voile du palais à l'aide d'un manche de fouet. Les pressions intermittentes exercées sur le voile par ce moyen donnent lieu, par action réflexe, à des éructations à la suite desquelles le rumen est évacué des gaz qui le distendent et la météorisation cesse. Ce moyen ne convient que quand il n'y a pas imminence d'asphyxie. (H. Bouley.) [Après la cessation du météorisme auquel a donné lieu l'Indigestion méphitique simple, les animaux se trouvent quelquefois placés sous l'influence de congestions sanguines, cérébrales ou pulmonaires; certains sont tourmentés d'une toux courte et saccadée; d'autres ont la marche chancelante, comme s'ils étaient atteints d'un commencement de paralysie. Ces accidents ne sont pas graves en général, ils se dissipent même quelquefois assez promptement ; cependant, ils peuvent avoir de la durée et devenir inquiétants. Aussi conseillerai-je, aussitôt après que la ponction a été faite, d'ouvrir l'artère coccygienne; la moindre évacuation sanguine suffit alors pour rétablir l'équilibre des fonctions circulatoires. Je préfère cela à la saignée à la jugulaire.
[Lorsque tous les symptômes d'indigestion ont disparu, on doit laisser l'animal libre de prendre quelques aliments solides, de ceux qui peuvent être ruminés facilement, afin que la rumination ait lieu de nouveau.
Breuvages pour indigestion méphitique simple.
No ( 1 Éther sulfurique 30 grammes.
1 Eau froide ............................... 1 litre.
Pour les bœufs adultes :
l~. t, j Ammoniaque liquide 30 à 60 grammes.
. ) Eau froide ................................ 2 litres.
Pour les vaches et les taureaux :
( Ammoniaque liquide 30 grammes.
N NTo 3. | Eau froide 1 litre.
/ Espèces aromatiques 32 grammes.
„0 4 " | Fleurs de camomille romaine ............ 15 — j Ammoniaque liquide 32
(, Eau froide , . , ...................... , ... 2 litres.
Traitez les fleurs par infusion, passez, laissez refroidir et ajoutez l'ammoniaque.
NI' r. ( Fleurs de camomille 50 grammes.
( Eau froide .............................. 2 litres.
Traitez par infusion, et laissez refroidir complètement avant d'administrer le breuvage.
[Le purin ayant quelquefois déterminé des excitations salutaires, on pourrait le donner à la dose d'un litre, à laquelle on ajouterait 1 litre d'eau ordinaire:]
ARTICLE VI
INDIGESTION AVEC SURCHARGE D'ALIMENTS.
[L'indigestion avec surcharge d'aliments est fréquente chez le bœuf. Elle a plus ou moins de gravité et se complique souvent de l'inflammation des diverses divisions de l'appareil gastrique, suivant l'irritabilité de ces organes, La surcharge d'aliments a lieu dans le rumen, mais les aliments desséchés dans le feuillet sont aussi une cause de trouble dans les fonctions, même quand ils ne s'y trouvent pas en très grande quantité.
[L'indigestion avec surcharge d'aliments se présente sous divers. aspects; je m'occuperai particulièrement ici de celle qui doit son existence au séjour d'aliments d'une certaine nature dans un compartiment gastrique auquel ils n'étaient point destinés.]
Causes. — [On observe fréquemment cette indigestion dans les contrées où l'on engraisse exclusivement des bœufs de travail réformés. Déjà ces animaux sont vieux et usés lorsqu'on les soumet au régime de l'engraissement; si ce régime est bien conduit, il donne rarement lieu à des accidents gastriques. Le son, le gruau, les farineux, les pulpes cuites ou fermentées, ayant été distribués en rations proportionnelles et modérées, le bol passe dans l'œsophage à l'état mi-liquide, et parvient tout entier, ou à peu près, dans la caillette, où doit s'opérer la chymification. Il peut arriver cependant que ce bol, à moitié liquide, tombe dans le rumen par suite de l'écartement accidentel des lèvres de la gouttièreœsophagienne, qu'il y séjourne, s'il n'est pas repris en mélange avec les substances alimentaires grossièrement triturées par une. première mastication, pour remonter dans la bouche avec ces substances et passer ensuite dans la caillette.]
Symptômes. — [La Météorisation, dans ce cas, se manifeste et se développe graduellement, sans atteindre la limite extrême qui produit l'asphyxie. Le son rendu par la percussion du flanc gauche est mat et tumultueux. La rumination n'a point lieu; on
entend, de temps à autre, quelques éructations se produire; mais le ballonnement reste le même. L'animal refuse toute sorte d'aliments ; il se tient ordinairement sur ses membres, ne pouvant rester longtemps couché; son mufle est sec; il a les yeux fixes, les paupières ouvertes; sa marche est lente et pénible. Il resterait en place sans bouger, si on ne le forçait à se mouvoir en l'aiguillonnant; alors, chaque pas qu'il fait est marqué par un gémissement faible, quoique très facile à distinguer. Sa respiration est courte.
[Pendant les deux premiers jours qui suivent celui de l'invasion de la maladie, les matières fécales conservent la forme et la consistance qu'elles avaient auparavant; ce n'est qu'après cette courte période qu'elles deviennent rares et diarrhéiques.]
Marche. Durée. Terminaison. — [L'invasion de cette maladie se fait lentement, je l'ai dit déjà en parlant de ses causes, et sa durée serait longue si on l'abandonnait à elle-même. Le bœuf resterait plusieurs jours sans manger et même sans essayer de ruminer ; il continuerait à pousser quelques sourdes plaintes, et maigrirait rapidement. Le ballonnement du ventre n'augmenterait pas sensiblement; mais il deviendrait d'autant plus apparent que la maigreur de l'animal ferait plus de progrès. Si on le laissait dans cet état, sans lui donner aucun soin, il ne succomberait guère avant un espace de vingt à trente jours. On sait combien les bœufs résistent à une diète prolongée, bien qu'atteints en même temps d'une maladie très grave.
[La terminaison de l'Indigestion avec surcharge d'aliments est fâcheuse ordinairement. On doit, dès l'apparition de cette affection, s'empresser d'utiliser les animaux en les livrant au boucher.]
Lésions pathologiques. — [On trouve à l'autopsie d'un bœuf mort à la suite de cette maladie, et j'ai eu l'occasion de faire deux opérations de ce genre, on trouve, dis-je, d'abord une diminution très considérable du volume de l'appareil musculaire, une absence complète de graisse ou de suif; puis des aliments en partie desséchés et en partie à l'état de fermentation putride, contenus dans le rumen, adhérant à sa membrane muqueuse dont l'épithélium se détache par plaques; dans le feuillet, ils sont desséchés également et ne semblent plus former qu'un tout avec les lames de cet organe. La caillette est racornie sur elle-mème, on y trouve seulement une petite quantité de bouillie brune d'une odeur piquante. Des ulcérations sont disséminées sur toute l'étendue de l'intestin.]
Diagnostic. Pronostic. — [On peut diagnostiquer l'indigestion par surcharge d'aliments d'après la manifestation seule d'une
tympanite modérée, répercutant un son mat, tumultueux, et d'après la connaissance du régime auquel l'animal a été soumis, quand ce régime alimentaire se compose, pour une large part, de substances farineuses ou pulpeuses, et que l'animal soit mis à l'engraissement au moment où il se trouve dans un état d'épuisement et de maigreur notable. Le pronostic peut être fâcheux, même lorsque le traitement approprié est mis en pratique sans retard; à plus forte raison, si la maladie a suivi son cours sans être enrayée d'aucune manière.]
Traitement. — [J'ai employé, pour combattre cette maladie, les breuvages avec l'ammoniaque liquide, avec l'éther sulfurique ; les infusions aromatiques de thé, de camomille, de lavande, de tanaisie; les purgatifs en breuvage et en lavement; tout cela en pure perte. Jamais cette médication ne m'a paru produire un effet quelconque; mais j'ai obtenu quelque réussite en pratiquant au flanc gauche une ouverture qui me permettait d'enlever du rumen les matières en fermentation. Après cette opération, j'ai vu assez souvent l'animal manifester le désir de prendre des aliments solides, les fourrages les plus grossiers ordinairement ; alors la marche devenait plus libre et le mufle se couvrait de rosée. Cependant, le malaise n'avait pas entièrement disparu : l'appétit était irrégulier, la rumination ne s'effectuait que rarement, et si l'animal pouvait rester couché un peu plus longtemps qu'auparavant, il ne continuait pas moins à faire entendre, de temps à autre, de sourdes plaintes.
[Évidemment, l'irritation n'existait pas alors dansle rumen seul, mais elle devait aussi affecter le réseau, le feuillet et la caillette. En agissant dans le sens de cette seconde indication, je mettais en pratique un traitement antiphlogistique ; je faisais une ou plusieurs saignées à la sous-cutanée abdominale; je tenais l'animal il la diète, en lui faisant administrer fréquemment des breuvages composés avec la décoction de graines de lin ou de mauves. Sous l'influence de ce traitement, secondé par des lavements, la rumination se faisait librement, et l'animal revenait à la santé après deux ou trois jours.
[C'est ainsi que doit être combattue la gastrite, conséquence de l'Indigestion avec surcharge d'aliments. Au reste, ces moyens sont presque toujours efficaces quand il n'existe point de lésions organiques antérieures à cette maladie sur un point de l'appareil gastrique.
[La plaie de la panse ne doit inspirer aucune crainte ; elle se cicatrise toujours sans accidents. On en réunit les bords au moyen de quelques points de suture; on la tient propre, à sec, ou on l'humecte avec du vin, du cidre ou une infusion aroma-
tique, en s abstenant d'employer aucun onguent ou corps gras.
[D après ce que j'ai dit des causes de cette indigestion, il est facile de comprendre que des récidives puissent avoir lieu si le régime alimentaire ne change pas. On les éviterait en supprimant les pulpes et les farineux, et en leur substituant des portions de tourteau grossièrement concassé, ou bien en réduisant la ration aux fourrages seulement. Mais cette dernière mesure présente des inconvénients, car il s'agit de bœufs soumis depuis quelque temps au régime de l'engraissement et le nourrisseur s'exposerait à perdre toutes ses avances s'il diminuait la ration, soit en quantité, soit en qualité, quand l'engraissement est commencé; aussi obtiendrait-on difficilement, une pareille modification au régime alimentaire. Dans cette prévision, il faut conseiller l'administration des pulpes et des farineux sous forme de bols, écrasés seulement et pas trop liquides, pour éviter que certaines portions puissent filtrer à travers les lèvres de la gouttière œsophagienne. Je crois avoir évité bien des rechutes par l'emploi de ce procédé.
[Lorsque les bœufs affectés d'Indigestion par surcharge d'aliments sont en assez bon état pour être vendus sans perte au boucher, il est prudent de profiter de ce tte circonstance. L'engraisseur s épargnerait des soins qui pourraient, dans le cas d'une rechute, ne pas avoir des résultats complètement satisfaisants.
[C'est également le meilleur parti à prendre lorsque, par défaut de traitement, la maladie date de plusieurs jours et qu'il n'y a point d'amélioration marquée, ce qui est très facile à constater par la persistance des symptômes et par le dépérissement de l 'animal. Il maigrit très vite dans cette circonstance, et l'on est surpris en voyant avec quelle rapidité la graisse, déjà déposée aux maniements, se trouve résorbée. On sait d'ailleurs combien est long et dispendieux l'engraissement qui a subi des interruptions, surtout quand ces interruptions ont été le résultat d'un état morbide.]
ARTICLE VII
INDIGESTION PAR ATONIE DES ORGANES DIGESTIFS.
[L Indigestion par atonie des organes s'observe fréquemment, pendant l hiver ou au commencement du printemps, dans certaines étables placées sur des exploitations rurales mal administrées.]
Causes. — [L'affaiblissement des animaux soit par l'effet d'un travail épuisant, des maladies, soit par suite d'un régime alimen-
taire insuffisant; l'abstinence forcée à laquelle on les soumet journellement, sont les causes ordinaires de cette variété de l'indigestion.]
Symptômes. Terminaisons. — [Les animaux affectés de l'Indigestion par atonie sont ordinairement les plus âgés ou les plus jeunes; ils ont les yeux caves, les conjonctives pâles, le mutle sec, les oreilles pendantes, le poil hérissé, la peau adhérente aux os, la marche chancelante. On remarque sur eux tous les signes d'un affaiblissement général, un œdème plus ou moins prononcé à la région du ventre, et un peu de tension au flanc gauche. Ils ne ruminent point; l'appétit est à peu près nul.
[Avant que se soient manifestées la tension du flanc gauche, la perte de l'appétit et la suppression de la rumination, l'animal était resté plusieurs jours mangeant très peu et ruminant peine; il poussait quelques sourdes plaintes. Déjà, la digestion était lente et incomplète, ce qui se trouvait démontré par l'irrégularité des déjections alvines. Cet état morbide a quelquefois une durée assez longue avant que la digestion soit entièrement suspendue; mais si l'on n'y apporte point remède, la digestion cesse tout à fait d'avoir lieu, l'animal arrive au marasme et finit par rester sur la litière, où il expire après un temps plus ou moins long. A l'autopsie, on trouve les mêmes lésions que celles que 1'011 observe après l'indigestion par surcharge d'aliments.]
Diagnostic. — [Pour l'établir, il faut se rappeler les faits qui se produisent dans le milieu où sont placés les animaux. On les nourrit de détritus impurs, de fourrages avariés restés en meules ou dans les granges, en un mot, de substances indigestes et peu nutritives. Ces aliments provoquent la soif, que les animaux sont libres d'assouvir tout à leur aise, puisque l'eau ne coûte rien; et n'étant ni moins indigestes ni plus nutritifs lorsqu'ils sont imbibés de beaucoup d'eau, ils produisent dans l'organisme des perturbations profondes.]
Traitement, — [J'administre deux ou trois fois par jour un breuvage, à la dose de 1 à 2 litres, composé avec une infusion aromatique de lavande, de romarin ou de camomille romaine. On fait donner des boissons blanches, tenant en dissolution du sel de cuisine, à la dose de 4 à 5 grammes par litre d'eau. On présente à l'animal quelques poignées de fourrage, le meilleur et le plus appétissant, après qu'il a pris le breuvage stimulant ou qu'il a avalé quelques gorgées de boisson blanchie avec de la farine de froment. d'orge, de seigle ou d'avoine; de préférence, avec de la farine de vesces, s'il est possible de s'en procurer, ou même de fèves.
[Sous l'influence de cette médication, l'appétit revient peu à
peu, et la rumination se réveille également dans la proportion de l'appétit.
[Au bout de trois ou quatre jours, l'amélioration est plus apparente; alors on remplace les breuvages aromatiques par des décoctions amères, de gentiane, par exemple, et l'on augmente progressivement la ration de fourrage jusqu'à ce qu'elle soit arrivée au poids ordinaire.
[Les décoctions amères et toniques ne conviennent pas au début du traitement. Toutes les fois que j'en ai fait emploi dans le commencement avant d'avoir, pour ainsi dire, réveillé les forces vitales, elles m'ont paru être d'une efficacité douteuse, et souvent elles ont donné lieu à des symptômes de gastro-entérite bien caractérisés.
[Lorsque les matières alimentaires contenues dans le rumen sont en assez forte proportion pour que cet organe en paraisse constamment rempli, comme après un repas ordinaire, et que son volume reste le même malgré le retour assez fréquent de la rumination, on doit administrer le tartre stibié, en dissolution, deux fois par jour. Si on blanchit le liquide, dans lequel il est en dissolution, avec le son ou la farine, beaucoup d'animaux le prennent, comme boisson ordinaire, sans manifester la moindre répugnance.
[Cette manière d'administrer les médicaments est la plus simple et même la plus efficace, quoiqu'il soit facile de faire prendre un breuvage à un bœuf.]
Le sulfate d'ésérine à la dose de 1 décigramme dissous dans c2 centimètres cubes d'eau distillée bouillie, en injection souscutanée, convient bien pour combattre l'atonie et la parésie de la muqueuse gastrique.
«
ARTICLE VIII
GASTRO-ENTÉRITE.
Synonymie : Échauffement de l'estomac, Plénitude de l'estomac.
[La maladie la plus fréquente chez les bœufs ou les vaches de travail, celle qui, méconnue ou négligée, en fait périr le plus grand nombre, est l'inflammation de la membrane muqueuse de la caillette et presque toujours l'inflammation simultanée de la muqueuse intestinale qui la continue, constituant ainsi l'affection complexe dont la description va suivre.]
Causes. — [La Gastro-entérite du bœuf est occasionnée ordinairement soit par des écarts de régime, soit par des arrêts de trans-
piration, soit parla fatigue extrême que l'animal',éprouve lorsque, n'ayant point ruminé, il est soumis a un travail très pénible donnant lieu à de violentes secousses. Un bœuf, nourri de substances .peu nutritives ou dont la quantité est insuffisante, qui passe subitement de ce régime à un régime opposé, peut être affecté de Gastro-entérite ; il peut en être de même s'il est alimenté, sans mesure, avec des fourrages dits échauffants, parce qu'ils sont très nutritifs, tels que les vesces, la luzerne, le sainfoin, le trèfle, le tourteau de lin ou de colza.
[A la vérité, cette Gastro-entérite est souvent précédée d'indigestion; mais c'est d'elle qu'il faut. se préoccuper d'abord, parce que les fonctions de l'estomac s'exécuteront normalement du moment où la phlegmasie aura cédé. Un bœuf soumis à un travail pénible ne rumine, point, et il est présumable que -la digestion dans la caillette se trouve également interrompue.
[Si cette explication n'est pas exacte, comment se rendre compte de la fréquence de la Gastro-entérite chez les bœufs pendant les saisons où ils sont soumis à des travaux de longue durée qui exigent l'emploi de toutes leurs forces : en été, pendant les fortes chaleurs et quand la terre offre à la charrue une très forte résistance, et à l'époque des semailles, alors que l'on exige des animaux qu'ils travaillent à une allure pour ainsi dire précipitée, afin d'en obtenir plus de besogne?
[Dans des cas semblables, il faudrait modifier le régime alimentaire pour éviter que l'affection se manifestât; ne pas conduire les bœufs au travail avant qu'ils aient eu le temps de ruminer, et multiplier les repas en les rendant moins copieux. Il vaux mieux cependant que l'attelée se fasse en un seul temps, qu'elle dure plus longtemps pour regagner le temps perdu, et que la rumination soit avancée lorsque le départ a lieu, si les animaux ne font que deux repas par jour.
[S'ils en font trois, les deux divisions de l'attelée peuvent bien représenter l'attelée entière, mais il faut donner un temps derepos assez long après le repas de midi.
[Les variations atmosphériques, si fréquentes dans le bassin sous-pyrénéen, sont aussi des causes fréquentes de la Gastro-entérite chez les bœufs de travail. En effet, ces animaux ont à subir pendant l'attelée l'action imprévue d'un vent d'ouest frais et humide ou d'une bourrasque, ou d'une averse; ils sont ramenés à l'étable, et aussitôt se manifestent sur eux les symptômes très caractérisés de la Gastro-entérite. Pourrait-on attribuer cette maladie à une autre cause? Elle est même si évidente que les bouviers, sans bien s'en rendre compte, disent à cette occasion que toute courbature est accompagnée d'indigestion.
[Des plantes irritantes, telles .que le coquelicot, le raifort-sauvage, la camomille puante, mêlées aux fourrages, donnent également lieu à la Gastro-entérite. Il en est de même des fourrages verts coupés de la veille, laissés en tas et qui commencent à fermenter, des sons et des farines avariés. Mais les fourrages verts donnés en quantité modérée et les fourrages secs quoique nouvellement récoltés ne produisent point cette affection, contrairement à l'opinion généralement accréditée par les auteurs qui n'ont pas . eu occasion de juger par comparaison.
[Les foins moisis, les feuilles d'arbres couvertes de chenilles, comme cela arrive quelquefois, ont, dans ce même cas, une action très prononcée. Cette dernière cause a produit certaines années des Gastro-entérites enzootiques, qui auraient occasionné de grandes pertes, si l'on n'avait soustrait promptement les bestiaux à son influence.
[L'étude de ces différentes causes, faite sur les lieux, facilite beaucoup l'établissement du diagnostic. Sans cette considération, la détermination de la maladie reste toujours un peu obscure et laisse dans le vague les indications relatives au traitement.]
Symptômes. — [Le bœuf atteint de cette maladie est triste, abattu; il a les oreilles pendantes, le mufle sec, la peau sèche, le poil terne, les reins plus sensibles à la pression que dans l'état de santé... Ici je dois ouvrir une parenthèse à propos des symptômes dont je viens de parler : tous les auteurs vétérinaires, sans exception, parlent, dans la description des maladies du bœuf, « de reins douloureux à la pression » ; cette manière d'exprimer l'existence d'un symptôme morbide très important n'est pas exacte ; car, dans l'état de santé, toute pression exercée-sur la colonrie dorsale d'un bœuf ou d'une vache produit immédiatement un léger abaissement de cette colonne, et très souvent même cet abaissement est suivi d'un mouvement de pandiculation, qui est toujours un signe de santé. Aussi je dis : les reins plus sensibles à la pression que d'habitude; le flanc gauche tendu, et ordinairement un peu de météorisation ; mais ici encore, il faut faire une distinction. Cette tension du flanc et même le météorisme remarqués n'ont point 'leur siège dans le rumen : ces symptômes sont le résultat de la compression qu'exerce la caillette distendue par des gaz, c'est-àdire météorisée.
[La marche du bœuf atteint de Gastro-entérite est pénible et ,cliaiicelante ; chaque mouvement de locomotion est accompagné d'une plainte sourde, que l'on peut comparer à celle qui est poussée par un homme éprouvant une douleur profonde. Cette plainte est surtout très marquée lorsque l'animal marche en descendant sur un plan incliné. Le pouls, que l'on touche très bien
à l'artère glosso-faciale et à l'artère coccygienne, est petit et concentré; la rumination est suspendue : il y a perte de l'appétit. Vers le second [jour, les excréments sont rares, durs et souvent coiffés.
[Voilà pour le début de la maladie. Si elle est abandonnée à elle-mème, ou si un traitement mal combiné vient l'aggraver ou la laisse s'aggraver, les symptômes augmentent d'intensité : l'animal parait plus abattu, le pouls est plus faible, et quelquefois apparaissent des complications, telles qu'une phlegmasie pulmonaire ou des symptômes qui annoncent un état morbide de l'appareil cérébro-spinal. Dans ce dernier cas, on remarque des soubresauts dans les tendons.
[Indépendamment de ces complications, les évacuations alvines se font avec une certaine irrégularité; ou la constipation est tenace, ou les matières sont de consistance diarrhéique, striées de sang, recouvertes de mucosités filantes et d'une extrême fétidité. Leur consistance et leur apparence poisseuse annoncent ce que l'on appelait autrefois la putridité, la gras-fondure. C'est alors que l'inflammation est arrivée à son dernier terme, et que l'air auquel se mêlent les émanations excrémentitielles, s'il n'est point renouvelé, fait d'abord éprouver aux animaux sains un malaise toujours très sensible, et qui peut donner lieu chez eux au développement d'un état morbide réel.
[Le bœuf reste couché, il se plaint continuellement, et, après quelques jours de souffrances, il meurt dans des convulsions, rendant quelquefois des matières sanguinolentes par l'anus ou par la bouche.
[Si la maladie a eu moins d'intensité dans son début, si le traitement n'a pas influé sensiblement sur son cours régulier, ou si l'inflammation n'a été que faiblement combattue, une nouvelle série de symptômes se déclare : le pouls semble se relever; la rumination a lieu quelquefois; l'appétit revient par intervalles; la tension du flanc gauche est moins apparente et semble quelquefois ne plus exister; mais l'irrrégularité des évacuations alvines persiste, quoique leur fétidité ne soit pas constante. Les urines prennent une teinte briquetée, leur évacuation est plus fréquente que dans l'état de santé, mais se fait en moindre quantité. Le poil est piqué, il s'arrache facilement; la peau est sèche et adhérente aux parties sous-jacentes; on n'y trouve pas, au toucher, cette substance onctueuse, signe certain d'une bonne santé, et qui prouve que la transpiration se fait dans des conditions normales.
[Lorsque cet état dure depuis un ou deux mois, on ne doit plus compter sur la guérison, quoiqu'il puisse durer assez longtemps
encore avec diverses alternatives, jusqu'à ce qu'enfin le marasme et tous les désordres qui sont la conséquence des inflammations chroniques terminent l'existence de l'animal.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [L'invasion de la Gastroentérite aiguë est subite, ou du moins elle se fait en peu de temps, et bientôt, du second au troisième jour, elle peut avoir atteint son maximum de développement. Sa durée, dans cet état, est de cinq à six jours, après lesquels la résolution s'opère sans trop de retard lorsque le traitement n'a pas été négligé; s'il a été mis en pratique dès l'invasion même, la résolution peut avoir du deuxième au troisième jour.
[La Gastro-entérite du bœuf se termine ou par résolution, ou par son passage à l'état chronique, ou par la mort du sujet.
[Cette dernière terminaison a lieu lorsque le caractère éminemment inflammatoire de cette maladie a été méconnu et qu'elle a été traitée comme une indigestion essentielle avec surcharge d'aliments ou par atonie, au moyen des excitants de toute sorte, des purgatifs, etc.
[La terminaison qui consiste dans le passage à l'état chronique est fréquente lorsque l'emploi d'un traitement rationnel a été fait tardivement.]
Lésions pathologiques. — [A l'autopsie des animaux de l'espèce bovine qui ont succombé à la Gastro-entérite aiguë, on trouve, dans le rumen, des aliments presque durcis, que l'on dirait n'avoir jamais été imprégnés de salive. Ceux qui sont dans le feuillet ont le mème aspect; ils adhèrent fortement aux lames de cet organe à ce point que si on veut les en séparer, ils entraînent avec eux des portions de la couche épithéliale. La couleur de ces aliments desséchés est noirâtre, et la membrane muqueuse, mise à nu, paraît vivement phlogosée. Mais la rougeur la plus intense et occupant relativement le plus d'étendue se montre sur la membrane muqueuse de la caillette, où l'on remarque aussi des ulcérations. L'inflammation qui s'étend sur toute la membrane de l'intestin grêle se distingue particulièrement par des taches brunâtres très larges et par des ulcérations assez profondes. Les vaisseaux qui se dirigent vers les points enflammés ou qui en viennent, sont gorgés de sang, et l'on distingue toujours sur le péritoine des traces plus ou moins considérables d'inflammation.
[On reconnaît aussi que l'inflammation de la muqueuse intestinale, tout en agissant sur cette dernière avec la plus vive intensité, s'est réfléchie sur les organes renfermés dans le thorax et l'encéphale, et qu'elle a pu y déterminer, dans bien des cas, des lésions notables.
[Lorsque le bœuf meurt de la Gastro-entérite passée à l'état
chronique, on rencontre sur les organes affectés, outre les désordres que je viens de signaler, des désorganisations, des transformations de tissus : ulcérations, engorgements indurés, etc.
[A l'autopsie d'un bœuf mort six mois après le début d'une Gastro-entérite aiguë, qui avait été traitée comme une indigestion par les cordiaux, les toniques, les purgatifs, et qui était passée à l'état chronique, j'ai vu la caillette, près du pylore, et une partie de l'intestin grèle transformées en une production indurée qui avait fini par obstruer complètement le canal. J'ai fait la même observation dans plusieurs autres circonstances.]
Diagnostic. Pronostic. — [L'inappétence complète, l 'interruption de la rumination, la tension du flanc gauche, sont des symptômes qui, se produisant en même temps, ne peuvent laisser aucun doute sur le véritable caractère de la maladie. Je dis la tension, afin de faire comprendre la différence qu'il y a entre la météorisation dont le siège est dans le rumen, et la tension provenant de l'irritation ou de l'inflammation de la caillette. Dans le cas de météorisation, la percussion fait reconnaître la présence de gaz dans le rumen. Dans le cas de tension seulement, on distingue très bien que les gaz, qui soulèvent modérément le flanc gauche, se sont accumulés dans un organe qui touche à la panse et qui tend à la refouler. La gène de la progression et les sourdes plaintes que l'animal fait entendre, surtout lorsqu'il marche sur un plan incliné, complètent la série des symptômes.
[Au début, on ne saurait concevoir un pronostic fâcheux, à la condition de pratiquer un traitement efficace.
[Le pronostic sera fâcheux toutes les fois que, par l'effet des circonstances, la Gastro-entérite paraîtra devoir se terminer par l'état chronique. Lorsque le caractère de la maladie a été méconnu, que le traitement n'a pas été essentiellement antiphlogistique dans le début et que les symptômes se sont aggravés, le pronostic est encore fâcheux.]
Traitement. — [D'après ce qui précède, on peut facilement se former une idée du meilleur mode de traitement. — Dès le début, saignée à la sous-cutanée abdominale ou à l'artère coccygienne, de 4. à 5, jusqu'à 8 hectogrammes, suivant la taille, l'âge et l'état de l'animal, et aussi en tenant compte de son alimentation habituelle ; quand la saignée est faite à l'artère coccygienne, la quantité' de sang évacuée peut ètre moindre d'un tiers. Au reste, il n'y a pas d'inconvénient à ce que cette quantité soit plus forte que celle que j'indique, si l'animal a été bien nourri et s'il est Jeune.
[Lorsque la veine sous-cutanée abdominale est d'un trop faible calibre, on ouvre aussi la jugulaire. La préférence à donner à la
sous-cutanée abdominale s'explique d'abord par les résultats qui sont meilleurs et plus prompts, et ensuite par ce fait que le sang qui est évacué par la sous-cutanée abdominale, dégorge plus immédiatement le système vasculaire sanguin attenant aux organes de la digestion.
[Après la saignée, des breuvages mucilagineux sont administrés d'heure en heure, à la dose de 2 ou 3 litres.
[Des lavements doivent aussi être administrés plusieurs fois dans la journée; mais il est à remarquer que deux lavements ne doivent pas être consécutifs : le second surcharge l'intestin et provoque l'expulsion du premier; alors le but, qui est le séjour du liquide adoucissant sur l'intestin et son absorption, ne se trouve pas atteint.
[Quand l'inflammation commence à se calmer, on rend les boissons légèrement diurétiques, en y ajoutant 40 à 50 grammes de nitrate de potasse, en deux doses, pendant la journée. On surexcite en mème temps les fonctions de la peau par des frictions de vinaigre très chaud et par l'emploi d'une couverture de laine toutes les fois qu'on peut supposer que la cause première de la Gastro-entérite a été un refroidissement.
[IL faut aussi éviter de donner des aliments solides; cependant cette privation ne doit être ni absolue, ni de longue durée. La rumination est une fonction trop importante, pour qu'on ne hâte pas son rétablissement aussitôt que cela est possible; et il arrive, après une inflammation violente de la caillette, que les aliments déposés dans le rumen forment une masse dure et sèche, réfractaire aux mouvements propres à la formation du bol, si des aliments frais ne viennent s'y mêler.
[C'est pourquoi on doit laisser prendre quelques aliments solides ' au bœuf atteint de Gastro-entérite, aussitôt qu'il en manifeste le désir et lorsque l'inflammation parait en voie de guérison. Ces aliments doivent être donnés en très petite quantité, et choisis parmi ceux qui se prêtent à une rumination facile, tels que l'herbe, le foin ou la luzerne. Point de son même frisé, ni de racines cuites ou non cuites; plutôt un peu de tourteau non pulvérisé, à titre d'excitant.
[Il arrive, quand la Gastro-entérite a été d'une grande intensité, que, malgré un mieux très sensible d'ailleurs, les organes concourant à la rumination sont restés dans un tel état d'atonie que cette fonction ne s'exécute qu'avec une extrême difficulté. Pour combattre cet état, on administre deux fois par jour le tartre stibié à la dose de 1 à 2 grammes en dissolution, dans la boisson ordinaire, par 4 à 5 litres. On commence d'abord par 1 gramme, et il est rare que la rumination ne se fasse très bien au bout de deux jours.
[Dans le cas où l'on juge à propos de faire donner un peu de fourrage au bœuf en voie de convalescence, il faut user de beaucoup de prudence, dans la crainte que le bouvier ne lui en donne une quantité telle que le retour de l'inflammation en soit la conséquence.
[Les infusions aromatiques ou les décoctions amères, administrées également dans le but de provoquer une rumination plus facile, peuvent être employées , mais leur effet est loin d'être aussi sûr que celui des boissons émétisées.
[Lorsque la maladie a été négligée pendant quelques jours, il est rare que l'on obtienne la résolution de l'inflammation parla première saignée, bien que les principaux symptômes, tels que les plaintes sourdes et la tension du flanc gauche, perdent de leur gravité. On voit souvent ces symptômes se manifester de nouveau quelques heures après, et c'est encore à la saignée qu'il faut recourir. La seconde saignée ou la troisième, quand il y a lieu de les employer, ne doivent pas être aussi fortes que la première ; mais la réapparition des symptômes démontre suffisamment qu'elles sont en core bien indiquées, ce qui d'ailleurs se trouve confirmé par une amélioration subite dans l'état de l'animal aussitôt qu'elles ont été pratiquées. C'est ici qu'il importe de ne point se faire illusion sur la faiblesse apparente de l'animal : la gêne des mouvements de locomotion est un des signes pathognomoniques de toutes les phlegmasies intestinales; on la voit disparaître à mesure que l'intensité de ces phlegmasies diminue. Les saignées bien indiquées, comme dans la circonstance dont il s'agit, ne retardent pas la guérison; au contraire, elles abrègent la convalescence. — Tel doit être le traitement de la Gastro-entérite aiguë.
[Si la maladie est passée à l'état chronique; si la rumination n'a lieu qu'à de rares intervalles et si elle est courte; si le flanc gauche reste un peu tendu ; si les sourdes plaintes se font entendre encore de temps en temps, quoique moins fréquentes et moins prononcées que dans la Gastro-entérite aiguë; si l'appétit ne revient point facilement; si la peau contiuue d'être sèche, le poil piqué; si les déjections alvines ne sont point rendues dans leur état normal, et si l'amaigrissement de l'animal continue, il y a lieu de supprimer les fortes saignées et de prescrire un nouveau traitement qui consistera :
[1° Dans l'administration fréquente de boissons adoucissantes et mucilagineuses, ou de breuvages de même nature, si les animaux refusent les boissons;
[2° Dans l'emploi d'une nourriture composée d'aliments qui contiennent des éléments de facile absorption : les farineux, les farines cuites; le vert est aussi indiqué dans ce cas, quand il se
compose de plantes connues comme étant de facile digestion;
[3° Dans l'emploi de frictions sèches sur les membres, de frictions d'essence de térébenthine sur le dos, sur les côtes et sous le ventre; ces frictions ont une efficacité incontestable.
[Quand la Gastro-entérite chronique n'a rien perdu de son intensité sous l'influence de ce traitement, c'est qu'elle a produit des lésions tellement graves que la maladie est incurable : il faut conseiller l'abatage de l'animal, afin d'éviter à son propriétaire des dépenses qui seraient faites en pure perte.]
ARTICLE IX
INFLAMMATION DE L'INTESTIN.
[L'Entérite se présente sous des formes diverses, tenant à des causes spéciales, et constituant des maladies en quelque sorte distinctes, qui, par conséquent, doivent être étudiées séparément.]
§ 1. — Entérite simple.
Définition. Variétés. — [Le nom d'Entérite a été d'abord employé pour désigner l'inflammation de la membrane muqueuse de l'intestin grêle ; celle du gros intestin était désignée, suivant la région affectée : sous le nom de Colite, s'il s'agissait du côlon ; de Cœcile ou Typhlite,si l'inflammation avait son siège sur la muqueuse du caecum, et de Rectite, si la muqueuse du rectum était atteinte. Toutes ces divisions sont assez difficiles à établir; on y parvient cependant, et je les conserve pour la simplification du langage. Ainsi, je décrirai, sous le nom d'Entérite aiguë simple, l'inflammation de la muqueuse de toutes les parties de l'intestin grêle.]
Causes. — [Les causes de l'Entérite sont nombreuses. La maladie se manifeste dans toutes les saisons, et plus particulièrement par des températures atmosphériques extrêmes et dans des conditions de travail exagérées. Les fourrages avariés ou contenant en mélange des plantes âcres, surtout si ces plantes sont vertes, produisent aussi cette maladie : ainsi, le farouch ou trèfle incarnat, dans lequel se trouvent en fortes proportions de la camomille puante, des ravanelles, des coquelicots, bien que non encore en fleur quand on coupe le farouch. Le maïs-fourrage renfermant dans la tige ou dans l'épi une chenille qui lui est propre; les feuilles d'arbre couvertes également de chenilles, les fourrages verts qui déjà entrent en fermentation ; les fourrages secs vasés, moisis,
sablés ou échauffés; l'herbe couverte de gelée blanche; les boissons trop froides; l'eau fournie par la fonte récente des neiges ; l'eau de pluie non encore suffisamment reposée et aérée; le froid humide, les coups de vent, les refroidissements; tout ce qui peut arrêter subitement la transpiration : voilà autant de causes d'Entérite simple et aussi, surtout les dernières, de péritonite.]
Symptômes. — [Mufle sec, diminution de l'appétit, peau sèche, adhérente, poil piqué; point ou peu de rumination; coliques plus ou moins vives, qui se caractérisent par de l'inquiétude, des mouvements brusques. Le bœuf se couche et se relève fréquemment, il regarde son flanc, so.ulève la queue, comme s'il expulsait des gaz par l'anus; il gratte la litière avec ses pieds de derrière vers l'abdomen. Ces coliques, dans le cas d'Entérite simple, ne se manifestent avec cette violence que dès le début de la maladie. Bientôt, elles paraissent se calmer, et l'animal reste assez longtemps couché sans que l'on puisse remarquer aucune modification des autres symptômes. Couché, il porte la tête ou le mufle seulement sur les flancs ou vers les côtes; il ne rumine point et ne cherche pas à manger. Si on lui donne des lavements, il ne les retient pas toujours; ses excréments n'ont ni la forme ni la consistance ordinaires : ils sont secs et enveloppés de mucosités, ou mi-liquides et luisants. Des borborygmes fréquents se font entendre; l'animal essaye souvent d'uriner et ne rend chaque fois qu'une faible quantité d'une urine trouble.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [L'invasion de l'Entérite se fait subitement : si l'action de la cause a été de peu de durée, et si cette cause a cessé d'agir, l'Entérite se termine promptement : elle disparait souvent après quelques heures et par les seuls •efforts de la nature. Si, au contraire, la cause a agi avec violence et pendant un certain temps, la phlegmasie intestinale ne guérit point sans le secours de l'art. Elle prend alors plus ou moins d'intensité, et peut se terminer d'une manière assez fâcheuse par son passage à l'état chronique et quelquefois aussi par la mort. Dans ce dernier cas, la marche de la maladie est prompte. Un bœuf qui a mangé une grande quantité de plantes âcres, celui qui, sortant d'une étable très chaude, a bu de l'eau glacée, peut succomber à. une entérite aiguë au bout de très peu de temps, en trois, quatre ou cinq heures.]
lisions pathologiques. — [La membrane péritonéale est d'un rouge plus ou moins foncé, quelquefois noirâtre; on trouve des traces d'épanchement dans le péritoine. La muqueuse intestinale est colorée absolument comme le péritoine, injectée, réduite en bouillie sur quelques points, exhalant une odeur sui generis, que l'on peut désigner sous le nom de gangreneuse.]
Diagnostic. Pronostic.— [Les coliques, la cessation de l'appéti t, de la rumination, l'irrégularité des déjections alvines, caractérisent assez l'Entérite pour qu'on puisse en affirmer l'existence : mais un symptôme particulier la distingue de la Gastro-entérite; toutes les fois que la caillette ou les autres compartiments gastriques sont affectés d'inflammation,.,il existe un peu de météorisation très appréciable au flanc gauche; tandis que lorsque l'intestin seul est le siège de la phlegmasie, il n'y a point, dans cette région, de météorisme apparent.
[Le pronostic de l'Entérite n'est pas ordinairement fâcheux : il ne peut l'être réellement que lorsque les coliques augmentent de violence en raison de leur durée.]
traitement. — [Le traitement consiste dans la pratique de la saignée, répétée jusqu'à ce que les symptômes commencent à per-. dre de leur intensité, c'est-à-dire jusqu'à ce que le bœuf soit plus calme, que les coliques paraissent diminuer, que le mufle devienne un peu humide ; c'est là un signe très caractéristique de rémission. La saignée doit ètre proportionnée à l'âge de l'animal, à l'état dans lequel il se trouvait au moment de l'invasion de la maladie : les vieux animaux, même en bon état, ne doivent pas être saignés autant que les jeunes; ceux qui sont maigres et épuisés par le travail et les privations seront saignés aussi avec de grands ménagements ; on ne pratiquera sur eux qu'une. émission de 2 à 3 kilos de sang, alors que s'ils étaient en bon état, elle pourrait être de 4 et même de 5 kilos, suivant leur taille.
[On administre des boissons mucilagineuses à doses moyennes, répétées chaque demi-heure, et des demi-lavements. Les fortes doses de breuvages, même adoucissants, fatiguent les organes enflammés et produisent un .effet contraire à celui que l'on veut obtenir. Les lavements entiers sont rejetés immédiatement. Breuvages et lavements doivent être toujours administrés tièdes et même froids, lorsque les coliques sont très violentes. Dans ce dernier cas, on ajoute de 20 à 30 gouttes de laudanum par litre de breuvage ou de lavement.
[Les fumigations émollientes produiraient de bons effets ; mais. il est à peu près impossible de les faire avec fruit sur des animaux qui sont dans un état continuel d'agitation. Je conseille de les remplacer par des embrocations d'huile d'olive, ou, à défaut, d'huile de lin, de colza, etc.
[Quant aux frictions sèches avec la brosse, le bouchon de paille, ou même avec le manche d'une fourche promené vivement sous l'abdomen par deux hommes, frictions qui sont d'une grande efficacité dams tous les cas de coliques venteuses ou de coliques
nerveuses, elles ne doivent jamais être faites lorsque les coliques sont le résultat d'une inflammation intestinale.
[La saignée doit être pratiquée de préférence à la sous-cutanée abdominale, toutes les fois que l'on a à combattre une inflammation intestinale, et à son défaut, à l'artère coccygienne. Je n'entends pas cependant proscrire, dans ce cas, la saignée à la jugulaire, mais je donne la préférence aux précédentes parce que les effets sont plus prompts et plus sûrs.
[Les breuvages émollients ou adoucissants ont tous à peu près les mêmes indications dans le cas d'entérite. On peut facilement les préparer à la campagne.
[Ainsi, avec de la racine de guimauve et du miel, on fait un breuvage très adoucissant; on le ferait tout aussi bien avec le riz _ou l'amidon, alors même que ces substances entreraient seules dans la composition du breuvage ; avec la graine de lin et du miel également, etc. Relativement à la graine de lin, qui est la substance que l'on rencontre le plus communément dans toutes les exploitations rurales, il faut observer que sa décoction ne doit pas être tellement concentrée que le produit soit une espèce ■de mucilage filant, ce qui arrive toutes les fois que la décoction
.est prolongée ou que la dose de la graine dépasse 40 ou 50 grammes pour 2 litres d'eau. Si on donnait le breuvage sous cette forme, il ne serait pas nuisible assurément ; mais il ne produirait pas l'effet désiré, qui est de calmer l'inflammation, en imbibant les surfaces enflammées, et plus particulièrement en faisant prédominer le sérum dans le sang.
[Une autre observation à faire relativement à toutes les décoctions émollientes, c'est qu'elles tournent à l'aigre en très peu de temps, surtout pendant l'été, et l'on conçoit combien il serait irrationnel d'administrer un breuvage dans cet état.
[La dose de laudanum à ajouter à chaque breuvage, quand il y a indication, est de 8 à 16 grammes dans 2 litres de breuvage. Ces doses peuvent être répétées deux, trois et même quatre fois •dans les vingt-quatre heures.
[L'Entérite ne se présente pas toujours sous le même aspect, .elle se complique parfois d'une manière très grave. Ces complications auraient pu être étudiées en traitant de l'Entérite en général; mais l'étude de chacune d'elles en particulier permettra au praticien de mieux se reconnaitre et de conserver une idée plus nette de ces variétés de la maladie.]
§ 2. — Entérite hémorragique.
[L'Entérite hémorragique, qui s'annonce d'abord par les mêmes symptômes que l'Entérite simple est caractérisée par une exsudation sanguine de la membrane muqueuse intestinale, exsudation qui se manifeste par des stries de sang ou des caillots mêlés aux excréments, et quelquefois par des jets de sang s'effectuant à travers l'ouverture anale.
[Les causes de cette'hémorragie sont les mêmes sans doute que celles de l'Entérite simple; mais les travaux excessifs auxquels les animaux sont quelquefois soumis pendant les fortes chaleurs de l'été et l'ingestion des plantes âcres, qui se trouvent mêlées aux fourrages, paraissent y donner lieu plus particulièrement. Je n'ai observé l'Entérite hémorragique que pendant les jours caniculaires, ou lorsque des renoncules, des pavots ou de nombreux pieds de camomille puante infectaient les fourrages verts.
[Le pronostic de cette maladie est plus fâcheux que celui que l'on porte ordinairement sur l'Entérite simple ou la Gastro-entérite. Parfois l'hémorragie est tellement considérable que l'animal tombe presque subitement dans un état d'affaissement très critique, et si la saignée est indiquée tant que l'hémorragie ne se manifeste que par des stries sanguinolentes mêlées aux matières fécales, ou par quelques caillots plus volumineux, je ne conseille pas d'y recourir lorsque les jets par l'anus sont abondants et qu'ils se sont renouvelés plusieurs fois.
[J'ai bien mieux réussi par l'emploi des bains froids, remplacés par des ablutions longtemps continuées d'eau froide sur le ventre, toutes les fois qu'il m'a été impossible de recourir aux bains. Après les bains ou les ablutions, les frictions d'essence de térébenthine remplissent avec succès la mème indication ; les lavements froids réussissent aussi, employés simultanément avec les bains et les ablutions. J'acidule les lavements et les boissons avec l'eau de Rabel, à la dose de grammès par litre d'eau.
[Lorsque ce traitement paraît avoir arrêté l'hémorragie, on administre des boissons ou des breuvages et des lavements mucilagineux, Les bains peuvent être continués, ainsi que les frictions d'essence de térébenthine, qui produisent toujours, en pareil cas, de très bons effets sans jamais raviver l'inflammation intestinale.
[Traitée de cette manière, l'Entérite hémorragique guérit facilement; mais elle peut avoir une terminaison qu'il importe de faire remarquer, parce qu'on a voulu en faire une maladie particulière.
[En effet, il arrive quelquefois que l'exsudation sanguine, qui a lieu dans l'intestin, ne se manifeste pas au dehors ; alors les symptômes ont perdu de leur intensité, l'animal mange quelque peu, il rumine parfois, il ne paraît plus éprouver de coliques, il est moins abattu : sa marche est un peu plus dégagée; il témoigne surtout beaucoup d'appétence pour les aliments demi-liquides, pulpeux ; mais son abdomen s'affaisse, il a les flancs creux ; la pandiculation ne se fait point chez lui comme dans l'état de santé ; il n'est pas autant affecté que pendant les premiers temps de la maladie, mais il n'est pas entré en convalescence. Que se passe-t-il alors? Un corps étranger s'est formé dans le canal intestinal, ce corps porte le trouble dans les fonctions digestives, et la convalescence ne se dessinera que lorsqu'il aura,été expulsé, ce qui fort heureusement arrive d'une manière invariable : un jour, on voit apparaître à l'anus un corps blanchâtre, d'épaisseur variable, de consistance mollasse, et qui a souvent, quand il a été expulsé, une longueur de 50 centimètres à 1 mètre : c'est un caillot fibrineux. Quelquefois, l'expulsion de ce corps étranger a lieu sans que l'animal en paraisse plus malade ; mais il arrive aussi que des coliques plus ou moins violentes le tourmentent préalablement pendant quelques minutes. Après cette crise, le bœuf paraît fatigué ; il se couche, ne rumine point: il est dans un état de torpeur marqué ; mais bientôt les signes d'un retour à la santé se montrent, et l'on peut dès lors considérer la guérison comme complète.]
§ 3. — Entérite couenneuse ou mercurielle.
[On a quelquefois donné le nom d'Entérite couenneuse à l'Entérite hémorragique précédemment décrite ; mais il me parait ne devoir être appliqué qu'à l'Entérite résultant de l'empoisonnement par l'introduction de la pommade mercurielle dans letube digestif.]
Causes. — [Quand on fait des onctions de cette pommadedouble ou simple, sur une partie du corps de l'animal où il peut atteindre avec sa langue, il est presque certain que cette pommade sera enlevée en un tour de langue et avalée immédiatement même quand cet animal n'éprouverait aucune démangeaison sur la partie où est déposé le corps médicamenteux.
[Est-ce l'odeur de la pommade qui l'excite? On ne saurait le dire. Quoi qu'il en soit, le bœuf témoigne un goût très prononcé pour cette substance, et, dans cette circonstance, l'instinct le guide mal ; car ce corps a sur l'intestin une action toxique qui se manifeste par les symptômes suivants :
[Coliques caractérisées par des mouvements qui, sans être violents, ne laissent jamais l'animal en repos ; il se couche, se relève, piétine, regarde son flanc, ne mange ni ne rumine, grince des dents, laisse écouler par les commissures des lèvres une salive filante d'une odeur particulière. Pendant les deux ou trois premiers jours, on ne peut attribuer la perte de l'appétit et la nonrumination à un engorgement de la langue et de la membrane buccale, puisque cet engorgement ne se manifeste que vers le cinquième ou le sixième jour. Mais, deux jours au plus tard après l'introduction de la pommade mercurielle, des gaz sont très souvent rendus par l'anus, le ventre s'affaisse, les flancs se creusent, les matières fécales sont diarrhéiques, couvertes de mucosités, et peu à peu ces mucosités s'épaississent et acquièrent une consistance lardacée. Il y a des tremblements très prononcés des membres, la marche est chancelante, l'animal maigrit très vite, et il meurt le douzième jour, en se débattant.
[Tels sont les symptômes que j'ai observés sur plusieurs bœufs, qui, en se léchant, avaient avalé des portions de pommade mercurielle, dont le poids n'avait en aucun cas dépassé 100 grammes.]
Lésions pathologiques. — [A l'ouverture des bœufs morts à la suite de l'Entérite couenneuse ou mercurielle, j'ai rencontré dans l'intestin les traces évidentes d'une inflammation très intense, des ulcérations profondes à bords calleux sur la membrane muqueuse, des érosions sur de grandes étendues, des épanchements séreux dans les plèvres et le péritoine. Les ganglions mésentériques étaient tuméfiés, ceux des ars également; le foie, la rate, étaient friables et contenaient dans leur tissu du sang très fluide.
[Aussitôt qu'on s'aperçoit qu'un bœuf a avalé une dose plus ou moins forte de pommade mercurielle, on doit, sans le moindre retard, lui donner en breuvage un certaine quantité de lait ou des blancs d'œufs, mêine des œufs entiers ; mais c'est le chlorate de potasse qu'il faut lui faire prendre de préférence à tout autre remède.
[On administre le chlorate de potasse aux animaux de l'espèce bovine à la dose de 8, 16, 32 grammes, suivant l'âge et la taille de ces animaux. Son véhicule est l'eau chaude. Ainsi, pour des breuvages journaliers de un litre, on commencerait par 8 grammes pour un veau, jusqu'à l'âge d'un an; pour une vache de petite race, on donnerait d'abord cette même dose, en l'augmentant chaque jour, d'un gramme ou deux, jusqu'à 16 grammes; pour un bœuf, on commencerait par 16 grammes pour aller jusqu'à 32.
§ 4. — Entérite par invagination.
Synonymie : Volvulus, Intussusception, Hernie interne.
Définitions. Fréquence. — [On désigne sous ces noms l'état de l'intestin grêle noué ou entortillé, ou l'invagination d'une portion de cet organe dans une autre. Cette maladie est assez fréquente chez les animaux de l'espèce bovine ]
Causes. — [L'état de l'intestin qui, chez le bœuf flotte sur le lobe droit du rumen, et se trouve par cette position même susceptible de déplacements fréquents, prédispose à cet accident.
[Tous les animaux que j'ai vus affectés de cette maladie avaient été reconnus malades après avoir beaucoup couru au trot ou au galop, ou fait des bonds nombreux et violents en venant de boire, ou bien lorsqu'ils se trouvaient poursuivis par des chiens ou avaient lutté dans les prairies avec d'autres animaux de leur espèce. Une remarque à faire, c'est que je n'ai observé cette maladie chez aucun bœuf, vache ou taureau qui eût couru, fait des bonds violents, etc., étant à jeun. Cela s'explique peut-être si l'on admet que, lorsque le lobe droit du rumen est fortement distendu, l'intestin grêle flotte et est agité au-dessus de cet organe beaucoup plus facilement que s'il est plein et se trouve par suite placé plus bas dans l'abdomen.]
Symptômes. — [L'invagination s'annonce par des coliques d'une violence extrême. Le bœuf se livre aux mouvements les plus désordonnés ; il gratte ou frappe le sol ou la litière des pieds de devant ou de derrière, alternativement; il se couche et se relève aussitôt; il se recouche encore en s'allongeant ou du moins en essayant de s'allonger, car il ne complète jamais ce mouvement. Il tient la queue constamment relevée, porte fréquemment le mufle vers le flanc droit; il est légèrement météorisé de ce côté. Il est inutile d'ajouter qu'il ne cherche pas à prendre des aliments et qu'il ne rumine point. Pendant quelques heures, les douleurs qu'il éprouve semblent être atroces.
[D'abord, il a rendu en assez grande quantité des excréments détrempés, comme cela arrive toutes les fois qu'il est surexcité d'une manière ou d'autre par la course, par le travail forcé, par la frayeur, par la colère, par de mauvais traitements, etc. Il urine souvent, mais peu à la fois.
[Le second jour, le calme se fait, le bœuf se couche et reste couché, s'il n'est pas fortement aiguillonné ou frappé avec un fouet, car il craint le fouet encore plus que l'aiguillon. Dans cet état, il pousse de sourdes plaintes, très faibles et souvent répétées ; son pouls est petit et vite; il ne prend aucune nourriture, et il
ne rumine plus. Dès ce moment, il ne rend plus absolument aucune matière fécale si ce n'est parfois une petite quantité de mucus sanguinolent.
[Les breuvages, en quelque quantité qu'on les. donne, ne semblent produire aucun effet. On remarque, à un gargouillement très significatif qui se manifeste quand on presse vivement l'abdomen de l'animal, qu'une colonne de liquide existe dans les premières voies, et c'est tout. L'absorption doit même. se faire très lentement, puisque les urines sont peu abondantes.
[Cet état peut durer assez longtemps; j'ai vu des bœufs qui n'ont succombé, qu'au bout de 15 à 18 ou 20 jours.
[A la mort, on trouve les lésions qui ont été décrites en traitant de l'Entérite suraiguë et, de plus, les portions invaginées de l'intestin sont gangrenées.]
Diagnostic. Pronostic. — [Cette Entérite est facile à distinguer de tous les autres modes de l'inflammation intestinale, en ce que le calme se fait subitement après un état de souffrance qui n'a laissé aucun repos à l'animal pendant plusieurs heures, et en ce que, du moment où le calme s'est déclaré, aucune autre matière n'a été rendue par l'anus ; que l'animal ait vécu 8, 15 ou 20 jours, il. en a été toujours de même'.,A de pareils signes, on peut diagnostiquer l'invagination et porter le pronostic le plus fâcheux : les cas de guérison sont très rares; je n'en ai remarqué que deux sur une trentaine d'animaux atteints de cette maladie que j'ai eu occasion de traiter.]
Traitement.— [Les breuvages que j'ai administrés, à petites et il grandes doses, de quelque nature qu'ils fussent, rafraîchissants, huileux, mucilagineux, purgatifs minoratifs ou drastiques, toniques, excitants, se sont perdus dans les premières voies sans produire aucun effet sensible. La saignée, que je n'ai pas épargnée et que j'ai pratiquée abondante et subite, ou par des émissions peu copieuses et souvent répétées, n'a pas été plus efficace. Les lavements séjournent dans le rectum ou sont absorbés en partie, et également sans résultat. Il en a été de même des révulsifs externes ; les frictions d'essence de térébenthine qui, dans bien des c as, sont chez les boeufs d'une efficacité incontestable quand elles sont faites sur de larges surfaces, ont été sans effet.
[Enfin, dans les deux cas qui ont été marqués par la guérison •des animaux, j'ai cru avoir fait cesser l'invagination en administrant des breuvages d'huile d'olive, chacun à la dose de 2 kilogrammes, dans lesquels je mettais des balles de plomb, au nombre de cinq ou six, du calibre d'un fusil de chasse.
[Je ne puis pas en dire davantage sur ce mode de traitement ; mais c'est le seul qui m'ait donné la satisfaction d'une réussite.]
Toutefois, il est très douteux qu'il soit réellement efficace, car il résulte d'expériences faites par H. Rodet, « que les balles avalées par un ruminant tombent directement dans la panse ou daus le bonnet, où elles séjournent longtemps, peut-être sans jamais pouvoir parvenir dans l'intestin.
[Il y a quelques années, J. A. Neyen a fait connaître (1) un procédé employé par Meyer, vétérinaire à Birkenfeld (Prusse rhénane), pour le traitement de l'Entérite par invagination dont je viens de parler. Ce procédé consiste à. pratiquer une ouverture au flanc droit et à replacer avec la main l'intestin dans sa position normale. Dans l'observation rapportée, la portion invaginée de l'intestin n'ayant pu se déployer sans déchirure, l'opérateur l'excisa complètement ; elle avait 1 mètre 80 centimètres de longueur; la solution de continuité fut réu nie par l'adossement des deux séreuses, les bouts renversés, en dedans, au moyen de quelques points de suture comprenant seulement les couches séreuse et musculeuse ; l'organe fut remis en place ; la plaie du flanc fermée par une suture à points passés, et la vache guérit en très peu de temps.
[Je n'ai pas employé ce mode de traitement ; mais il parait assez rationnel, étant donnée la terminaison ordinaire de l'invagination, à moins que l'animal ne soit en assez bon état pour être utilisé immédiatement pour la boucherie.]
§ 5. — Inflammation du côlon.
Synonymie : Colite.
Fréquence. — L'inflammation de la membrane muqueuse du côlon se manifeste assez souvent chez les animaux qui ont travaillé jusqu'à une extrême vieillesse et qui paraissent exténués par la fatigue ; on la remarque également chez les bœufs qui ont été affectés d'entérite aiguë.
Causes. — [Les causes de l'inflammation du gros intestin sont plus particulièrement des digestions incomplètes d'aliments de mauvaise qualité : les fourrages vasés ou avariés d'une manière quelconque, ligneux et par conséquent peu nutritifs; ceux qui se trouvent mélangés intimement à des plantes âcres que les animaux ne peuvent en séparer : les renoncules, les euphorbes, le chardon étoilé. Ce qui prouve, du reste, que ce sont ces plantes âcres qui donnent lieu à la Colite, c'est qu'on n'observe guère cette maladie que pendant les années marquées par l'abondance de ces végétaux parmi les fourrages.]
(1) Rec. de Méd. vétérin., 1863, p. 697.
Symptômes. — [Cette phlegmasie se présente rarement à l'état essentiellement aigu sur le bœuf, mais dans un état moins prononcé sans cependant être chronique.
[On voit un bœuf manger lentement, ne point ruminer avec la même vivacité que lorsqu'il est en très bonne santé ; son flanc (.Ir oit est légèrement tendu; sa marche est plus lente que d'habitude; il a paru quelquefois atteint de coliques; il éprouve manifestement un certain malaise. Si c'est un bœuf de travail, on lui donne quelques jours de repos. Un peu plus tard, il cesse de manger et (le ruminer; ses yeux sont caves, il a le mufle sec, son poil est piqué, sa peau est sèche, elle adhère aux parties sousjacentes; la colonne dorso-lombaire est inflexible. A tous ces signes de malaise général ne tarde pas à s'ajouter un symptôme plus caractéristique : c'est l'irrégularité des évacuations alvines et leur consistance anormale, la diarrhée en un mot, dont on fait une maladie-particulière et qui, en réalité, n'est qu'un symptôme d'inflammation aiguë ou chronique, ou un effet d'indigestion passagère. Alors, l'animal éprouve fort souvent le besoin d'évacuer des excréments qui sont toujours en petite quantité, très fétides, «t dont la couleur varie du grisâtre au noir. Pendant les premiers jours, ils sont de consistance molle, plus gluante, et ils paraissent alors mêlés de stries séro-sanguinolentes.
[La Colite a une marche lente ; sa durée est souvent de plusieurs mois; sa terminaison, quand elle date de loin ou qu'elle est la suite d'une entérite aiguë, est ordinairement fâcheuse ; à l'autopsie, •on trouve la membrane muqueuse épaissie, ulcérée sur quelques points, rouge sur d 'autres, et recouverte d'une couche de matière semblable à celle dans laquelle se trouvent délayés les excréments.] Diagnostic. Pronostic. — [L'amaigrissement continu, la diminution et l'irrégularité de l'appétit, l'irrégularité aussi des évacuations alvines sous la forme diarrhéique, sont des symptômes qui caractérisent parfaitement la Colite chronique et qui permettent d'en établir le diagnostic.
[Le pronostic en est le plus souvent fâcheux. En effet, on ne peut guère espérer guérir 'un animal qui est atteint de Colite chronique. La seule marche à suivre, c'est de le mettre en état de passer à la basse boucherie.]
Traitement. [Ce n est que lorsque la maladie n'est pas encore arrivée à l état chronique, que l'amaigrissement de l'animal n'est pas très sensible, ce qui peut faire croire que la membrane muqueuse de l intestin n'est pas épaissie et ulcérée, que le traitement offre des chances de réussite. Il consiste, dans ce cas, à donner à animal une nourriture de très facile digestion, le vert, par exemple, ou des racines cuites, et à lui faire prendre pour unique
boisson des tisanes mucilagineuses, édulcorées par une forte dose de miel, pendant plusieurs jours de suite, après lesquels on laisse un intervalle pour administrer des breuvages légèrement excitants, tels que ceux qui seraient composés d'une infusion aromatique tenant en dissolution des blancs d'œufs.
[Mais ce régime doit être secondé par des frictions fréquentes d'essence de térébenthine partant du flanc et s'étendant jusqu'à l'hypocondre et même sous l'abdomen. J'insiste beaucoup sur l'emploi de ces frictions qui m'ont toujours donné des résultats. excellents — Quatre ou cinq frictions, faites avec soin, suffisent pour produire sur la peau un gonflement très sensible, suivi du soulèvement de l'épiderme, qui s'enlève comme s'il était tailladé. Le bœuf supporte très bien ces frictions; quoiqu'il n'y soit pas aussi sensible que le cheval, elles n'en produisent pas moins sur lui leur effet curatif.
[Lorsque, dans cette maladie, la caillette parait être restée dans son état à peu près normal, ce que l'on reconnait à l'état du flanc gauche non soulevé, au retour de la rumination, et, pendanl cet acte, à la salive écumeuse qui se présente à la commissure des. lèvres, on peut s'aider également de l'emploi de breuvages rendus diurétiques par une addition de 30 à 40 grammes de nitrate de potasse dans 6 à 8 litres de liquide. L'action de ces breuvages est bien marquée quand on porte la dose journalière de nitrate de potasse à 60 grammes; il convient alors de la diviser en trois portions égales. Mais cette médication ne peut être continue, et doit se borner, chaque fois, à une durée de deux jours.
[La 'saignée est rarement indiquée dans cette maladie, à moins que le pouls ne soit encore fort et l'animal jeune et en bon état.
[Le traitement devient inutile, lorsqu'on s'aperçoit que l'amaigrissement fait des progrès rapides, que les yeux se cavent de plus en plus, que le poil tombe par le plus léger frottement, que des œdèmes apparaissent sous le ventre, qu'il y a des aphtes dans la bouche, que l'haleine devient fétide, et que la fétidité desexcréments augmente également. Au reste, 'sans qu'il soit démontré que les exhalaisons excrémentitielles peuvent, dans ce cas, donner lieu à la contagion, il est prudent de séparer les animaux malades de ceux qui ne sont pas affectés de dyssenterie. L'air est facilement vicié par ces exhalaisons, et si ce n'est la contagion, c'est au moins l'infection ou quelque chose d'approchant que l'on doit redouter en pareille circonstance.]
ARTICLE X
PARASITES DE L'INTESTIN.
On peut trouver dans l'intestin des bêtes bovines divers parasites : Actinomyces.; Psorospermies ; Ténias, denticulé, étendu, blanc; Amphistome; Ascaride du veau ; Strongle ventru; OEsophagostome à cou gonflé; Uncinaire radié; Trichocéphale voisin (1). Ces parasites sont généralement inoffensifs, ce n'est que lorsqu'ils sont accumulés en grande quantité dans le tube intestinal que leur présence détermine des troubles digestifs : appétit capricieux parfois dépravé, diarrhée épuisante, coliques sourdes, état cachectique. Ces symptômes n'ont rien de caractéristique et dans la plupart des cas, leur véritable cause passe inaperçue. Cependant il est possible d'établir le diagnostic par l'examen microscopique des excréments; on peut trouver ainsi soit des œufs, soit des embryons assez caractéristiques. Il est encore à remarquer que l'entérite vermineuse s'observe principalement sur les veaux.
Chez ces animaux, elle est terminée par des Ascarides. Nous avons vu souvent à l'abattoir de Toulouse des veaux en assez bon état de graisse dont l'intestin grêle contenait beaucoup de ces helminthes. Ce n'est que lorsque ce viscère était presque obstrué par des Ascarides que l'on remarquait une vive inflammation intestinale et de la maigreur. Exceptionnellement, l'accumulation des Ascarides dans l'intestin grêle peut être telle qu'il en résulte une déchirure de cet organe et une péritonite mortelle.
Lorsqu'on constate ou seulement quand on soupçonne l'existence de vers intestinaux, il est indiqué d'administrer aux animaux à jeun le breuvage suivant conseillé par Delafond.
Essence de térébenthine ......................... 1G grammes. Jaunes d'oeufs ,.......,........... " .,... deux.
Mélangez intimement l'essence avec les jaunes d'œufs et ajoutez :
Infusion d'armoise. 125 grammes.
(1) G. Neumann, Traité des maladies parasitaires, p. 376 et suiv.
ARTICLE XI
HERNIES VENTRALES.
Synonymie : Hernie al)domintle.
Définition. — On appelle ainsi une tumeur produite par l'échappement sous la peau restée intacte, d'un ou de plusieurs viscères abdominaux à travers une déchirure des parois du ventre.
Le rumen, l'intestin grêle, une partie du gros intestin, tels sont les viscères qui constituent le plus ordinairement les Hernies ventrales chez les bêtes bovines.
Causes. — Ces Hernies sont produites fréquemment par des coups de corne, des coups de pied, des chutes. —Toutefois, chez des animaux âgés dont l'abdomen a acquis un volume considérable par suite de gestations répétées, gémellaires, ou d'hydropisies, il peut arriver que la Hernie se produise sans traumatisme, spontanément en quelque sorte. Serres en explique la formation en admettant « que les fibres musculaires sont, par suite du volume qu'acquiert la cavité abdominale, progressivement tiraillées, amincies et détruites » (1). — On conçoit, en outre, que l'ouverture herniaire doit s'agrandir sous l'influence d'efforts expulsifs, notamment de ceux qui se produisent au moment de la parturitiou.
Symptômes. Diagnostic. — Il y a lieu d'examiner, sous ce rapport, les Hernies du rumen, celles de l'intestin et celles de la caillette.
1° Hernie clu 1'lunen. — Elle peut être simple ou compliquée, récente ou ancienne, traumatique ou spontanée. Son siège est généralement du côté gauche de la cavité abdominale, par suite de la situation du rumen. Exceptionnellement, elle a lieu du côté droit, et, dans ce cas, quelques anses intestinales s'échappent en même temps par l'ouverture herniaire.
a. Hernie traumatique récente. — Cet accident se caractérise par une tuméfaction qui se produit ordinairement vers les deux tiers de la région inférieure gauche de l'abdomen, c'est-à-dire dans la partie sur laquelle le coup a porté. Cette tuméfaction est d'autant plus considérable que la contusion s'est effectuée sur une partie plus déclive de l'abdomen. Il n'est pas rare qu'elle atteigne le volume d'une tête d'homme et même davantage. La peau qui la
(1) Journal des vétérinaires du Midi, 1814, p. 3G5.
recouvre présente çà et là quelques dépilations linéaires permettant de se rendre compte, jusqu'à un certain point, de la direction suivant laquelle le corps contondant a agi. Bientôt, une infiltration œdémateuse se produit dans le tissu conjonctif sous-cutané, à la périphérie et même à la surface de la tumeur herniaire, dont le diagnostic devient ainsi difficile. En même temps, la fièvre de réaction se déclare; toutefois elle n'est jamais bien prononcée, d'ailleurs l'appétit se maintient assez bon et la rumination s'effectue. Tels sont les symptômes qui se produisent au début de l'accident, c'est-à-dire après douze ou vingt-quatre heures. Puis l'œdème augmente, il envahit de plus en plus les parties déclives. Au bout de quatre à cinq jours, il a généralement acquis son plus grand volume, et, vers le sixième jour, il commence à diminuer. La résolution est à peu près complète vers le douzième ou le quinzième jour. A ce moment, le diagnostic peut être établi avec toute la certitude désirable; il en est de même encore lorsque le praticien est appelé dans les premières heures qui suivent l'accident. alors que la tumeur herniaire n'est point masquée par un nuage œdémateux. — Par la palpation, on trouve sans difficulté l'ouverture herniaire. En outre, on peut constater ou, tout au moins, apprendre par la personne chargée de distribuer la nourriture au bétail, que la tumeur acquiert un volume plus considél'able après le repas.
b. Hernie spontanée. — « On n'observe ni œdème, ni fièvre de réaction; de jour en jour, on voit la tumeur herniaire augmenter de volume, un moment arrive enfin, quelquefois avant, mais le plus souvent après la mise-bas, où le rumen semble sorti entièrement de la cavité abdominale et n'être retenu que par la peau. A cette période, ce n'est pas seulement une grande partie de la panse qui est herniée, il y a aussi une portion de la masse intestinale : nous avons même vu la matrice renfermant un fœtus à terme en faire partie. » (Serres.) Alors les animaux sont tristes, le décubitus est presque continuel; l'appétit diminue; la rumination est rare et difficile, une diarrhée survient; l'amaigrissement fait de rapides progrès. Les bêtes ne peuvent plus s'engraisser et l'on se voit obligé de les livrer à l'équarrisseur.
c. Hernie ancienne. — Quand elle est simple, elle est caractérisée par une tumeur molle, élastique, assez facilement dépressible, sans infiltration inflammatoire périphérique. Par une pression méthodique, cette tumeur est susceptible de disparaître, et, en pratiquant ce taxis, on peut reconnaître que les bords de l'ouverture herniaire sont épaissis et comme fibreux. — Les Hernies anciennes peuvent acquérir des dimensions énormes et faire saillie à gauche et à droite de l'abdomen. Ainsi, dans un cas de
ce genre, observé à l'Ecole de Lyon par M. Adenot, la portion de la tumeur herniaire, située à gauche, mesurait à partir des mamelles en se dirigeant en avant, trente-trois centimètres, et transversalement, depuis le milieu de la ligne blanche en remontant vers le flanc, quarante-cinq centimètres. Celle du côté droit mesurait en longueur soixante-dix centimètres et en largeur soixante-deux centimètres. Toutefois, il convient de faire remarquer ici que cette Hernie était produite non seulement par le rumen, mais encore par une portion du gros côlon et même quelques anses de l'intestin grêle, comme l'autopsie l'a démontré.
La Hernie du rumen peut être compliquée d'une plaie de cet organe. On conçoit que cet accident puisse se produire lorsque la panse est distendue par les aliments, au moment où l'animal reçoit un coup violent. Il survient aussitôt une tumeur mollasse, qui donne à la main de l'explorateur une sensation analogue à celle que l'on éprouve en serrant un linge très épais contenant du gros son mouillé. — Un œdème volumineux survient et le diagnostic est. alors fort difficile à établir. Dans ce cas, on a conseillé de pratiquer une petite incision sur un pli à la peau, afin de s'assurer de visu de l'état du rumen.
Lorsque la Hernie du rumen s'accompagne d'une plaie de ce viscère, des aliments s'épanchent dans la cavité péritonéale et donnent lieu à la formation d'un abcès. Il ne faut pas moins de deux ou trois mois pour que la fluctuation devienne évidente« Si l'on incise dans une grande étendue ce foyer purulent, on peut voir la plaie de la panse cicatrisée et les parois du sac herniaire qui adhèrent fortement à la surface externe du rumen.. D'autres fois, les plaies des muscles sont cicatrisées et recouvrent complètement la plaie du rumen. Enfin la plaie du rumen peut ne pas être cicatrisée, alors les matières alimentaires s'échappent presque continuellement dans l'intérieur du foyer purulent. » (Serres.)
2° Hernies de l'intestin. — Elles siègent au côté droit de l'abdomen, à la partie inférieure ou bien à la partie supérieure de cette région. La Hernie intestinale inférieure s'accuse au début par les signes suivants : tumeur ordinairement volumineuse, chaude, douloureuse, de consistance pâteuse ou élastique suivant que l'intestin renferme ou non des aliments. Cette tumeur est généralement susceptible de disparaître par le taxis. Quand il en est ainsi, on reconnaît aisément l'étendue et la direction de l'ouverture herniaire.
Les Hernies récentes de l'intestin, de mème que les hernies du rumen, s'accompagnent d'un œdème plus ou moins volumineux suivant l'intensité du traumatisme qui a déterminé la tumeur her-
niaire. — Cet œdème rend le diagnostic de la hernie souvent fort difficile, car il peut avoir une épaisseur considérable. — En pareil cas, on doit s'abstenir de toute intervention chirurgicale et se contenter de faire sur la tumeur des applications vésicantes, qui auront pour effet d'activer la résolution de l'œdème et de déterminer parfois la diminution ou même la disparition de la Hernie, comme on l'a observé pour des tumeurs herniaires d'un faible volume.
Les Hernies de l'intestin, qui existent à la partie supérieure de l'abdomen et toujours du côté droit, sont généralement produites par le petit intestin. Leur réduction est moins facile que celle des Hernies inférieures; mais une fois qu'elle est opérée, la Hernie se reproduit moins facilement; l'ouverture herniaire a peu de tendance à s'agrandir, et cela se conçoit aisément.
L'engouement, l'étranglement, sont des complications assez fréquentes des Hernies du petit inteslin. c'est-à-dire des Hernies supérieures, tandis qu'elles constituent l'exception pour les Hernies intestinales siégeant à la partie inférieure de l'abdomen.
Lorsque la hernie est ancienne, le diagnostic en est facile. On constate alors la présence d'une tumeur, molle, élastique, indolente, et l'on peut aisément trouver l'ouverture herniaire, dont les bords sont épais et fibreux. Dans quelques cas rares, l'organe hernié ayant contracté des adhérences, la Hernie est irréductible.
Une fois formées, ces Hernies peuvent quelquefois persister indéfiniment sans nuire d'une manière sensible à la santé de l'animal. qui peut être utilisé comme auparavant. Il en est ainsi notamment, lorsque les Hernies sont de petites dimensions. Mais quand elles présentent un volume considérable, l'animal est impropre au travail et le propriétaire est obligé de le vendre pour la boucherie ou bien de le faire opérer. L'opération est même l'unique moyen à employer, lorsque la Hernie se complique d'étranglement, car, en pareil cas, la chair peut être impropre à la consommation, en raison de sa tendance manifeste à la décomposition. Quand l'anse herniée subit l'étranglement, les animaux sont tristes, abattus; il y a inappétence, inrumination, constipation, météorisme; des coliques apparaissent, et si l'on ne se hâte de pratiquer la réduction, la gangrène se déclare et la mort survient.
3° Hernie de la caillette. — Elle est peu commune et ne paraît avoir été observée, avec quelque précision, que chez le veau.
C'est pendant l'allaitement que l'on voit se produire la Hernie de la caillette, par suite, sans doute, du volume considérable que présente alors cet organe et de son rapprochement des parois du
flanc. — Cette circonstance doit être considérée comme de nature à faciliter l'accident dont il s'agit, qui est d'ailleurs déterminé, dans la plupart des cas, par un coup de corne que le veau reçoit dans le flanc droit, ce qui peut arriver quand il cherche à téter une autre vache que sa mère. — Dès que l'accident a eu lieu, une tuméfaction apparaît dans le flanc droit, au voisinage de la dernière côte ; cette tuméfaction, qui peut n'être ni chaude ni douloureuse, même au début de l'accident, offre une consistance molle, analogue à celle d'une masse pulpeuse renfermée dans un sac. — En la comprimant méthodiquement, on peut la faire disparaître, et l'on s'assure alors que l'ouverture herniaire est souvent assez large pour que l'on puisse y introduire la main. Toutefois le taxis ne peut être convenablement effectué qu'au début de l'accident, ou bien quand l'œdème, qui accompagne cette Hernie comme les autres, a disparu, c'est-à-dire au bout de douze à quinze jours. On se trouve alors en présence d'une tumeur piriforme qui atteint parfois le volume d'une tète d'enfant et même plus, tumeur que l'on peut généralement réduire par le taxis. Il est cependant des Hernies de la caillette qui sont irréductibles. Mais les dimensions ordinairement considérables de l'ouverture herniaire atténuent la gravité, car, en pareil cas, l'engouement et surtout l'étranglement ne sont point à craindre. — L'existence de cette Hernie ne porte point une grave atteinte à la santé de l'animal, de telle sorte qu'on peut, s'il s'agit d'un animal adulte, le faire travailler, et même l'engraisser quand le moment en est venu.
Lésions. — Elles ont été observées seulement dans le cas de Hernie de l'intestin et du rumen. — Sur une vache affectée d'une Hernie étranglée, abattue dans les derniers moments de la vie, M. L. Baillet a constaté les lésions suivantes : « Dans le flanc droit, il existe une ouverture de 7 à 8 centimètres de large, à bords amincis et résistants formés aux dépens des muscles du flanc, ouverture circonscrite par une infiltration séreuse et de nombreux points d'attache avec la peau correspondante, tapissée par un refoulement du péritoine. Dans le sac herniaire, aussi bien que sur toute la face interne de l'abdomen, la séreuse a une coloration liquide, plombée, et répand une odeur cadavéreuse. La masse intestinale entière est devenue d'un rouge foncé et a perdu de sa résistance au point de se déchirer facilement sous les doigts. La muqueuse intestinale, fortement congestionnée dans toute son étendue, est en plusieurs points le sièged'une hémorragie récente. Par l'ouverture herniaire a passé une anse du petit intestin, longue de 20 centimètres environ, d'un noir foncé, répandant une odeur infecte et contenant quelques matières sèches, réunies
en pelotes dures, noires et coiffées de mucosités sanguinolentes (1), »
Dans la Hernie du rumen, on constate que la tunique abdominale s'est distendue sans se rompre toutefois sous l'influence des efforts expulsifs incessants du viscère hernié; mais les muscles et le péritoine sont déchirés et les bords de la solution de continuité, c'est-à-dire de l'ouverture herniaire, sont recouverts d'une sorte de tissu cicatriciel de couleur rosée ou blanche et de consistance comme fibreuse. Les viscères herniés (rumen et petit intestin)sont lisses, sans adhérence aucune ni entre eux ni avec le sac herniaire.
Pronostic. — La gravité des Hernies varie suivant leur situation, leur volume, les dimensions de l'ouverture herniaire, leur réductibilité, la nature des viscères qui les constituent. Ainsi les Hernies de l'intestin grêle sont de toutes les plus graves, surtout quand elles siègent à la partie supérieure du flanc droit. — L'observation démontre que les Hernies intestinales inférieures offrent beaucoup moins de gravité que les précédentes. — Les Hernies du rumen, quand elles sont volumineuses, déterminent l'amaigrissement, le marasme, et finissent par rendre l'animal impropre, non seulement au travail, mais encore à la boucherie.
Traitement. — Divers moyens ont été employés pour combattre les Hernies ventrales chez les animaux de l'espèce bovine. — Ainsi, M. Goux (d'Agen) a obtenu la guérison d'une Hernie ventrale chez une vache à l'aide de l'acide azotique il 36°, qu'il appliqua au moyen d'un tampon d'étoupes roulé au bout d'un petit bâton et après avoir coupé le poil très ras. La Hernie qui datait d'environ trois mois, siégeait à l'hypocondre gauche et présentait le volume des deux poings. Une seule application suffit, et un moisaprès, la bête était guérie.
La pommade au chromate neutre de potasse (chromate jaune) au huitième mérite également d'ètre recommandée. Deux ou troisfrictions au plus, à huit ou dix jours d'intervalle, déterminent peu à peu la disparition de Hernies, mème volumineuses.
Serres recommande l'emploi de bandages à pelote convenablement serrés pour la contention des Hernies intestinales récenteset supérieures. « Maintes fois, dit-il, nous avons eu à nous louer de ce mode opératoire et nous engageons nos confrères à y avoir recours en toute confiance. » Suivant cet observateur, on doit, dèsle début, si la Hernie est peu volumineuse et l'ouverture herniaire. petite, la réduire et en opérer la contention au moyen d'un bandage approprié à la région et pouvant se déplacer le moins possi-
(1) Traité de l'inspection des viandes de boucherie, 2e édit., p. 219.
ble. « Il faut avoir le soin de tenir continuellement humectées avec de l'eau froide et cela surtout pendant cinq ou six jours, les étoupe^ recouvrant la région malade: surveiller avec soin l'appareil afin d'éviter les blessures. L'animal doit ètre tenu durant quelques jours à une diète sévère; si l'état du sujet le permet, une saignée sera favorable (1). »
Toutefois, Serres ne décrit point le bandage qu'il a employé; il se contente de dire que cet appareil doit chez le mâle présenter « dans toute l'étendue de la toile correspondant au fourreau, un bourrelet assez fort pour que la compression s'exerce seulement de chaque côté du fourreau, et qu'ainsi soit laissé libre le conduit par où s'échappe l'urine ».
H. Bouley a décrit dans le nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie vétérinaires, Je procédé suivant, qui nous parait parfaitement applicable aux Hernies ventrales récentes, chez les animaux de l'espèce bovine.
« On prépare d'abord une bande de toile mesurant 12 à 15 mètrès de longueur sur une dizaine de centimètres de largeur et une plaque d'un carton souple et solide proportionnée dans ses dimensions à l'étendue de la surface qu'elle doit revêtir. Le premier temps de l'opération consiste à faire rentrer l'intestin hernié et à s'opposer à sa sortie pendant tout le temps de l'application du bandage contentif. La main d'un aide, introduite dans le rectum, et poussée, si c'est possible, jusqu'à l'ouverture herniaire remplit très efficacement cette dernière indication. Il y a donc lieu d'y recourir toutes les fois que cette ouverture est à la portée d'une longueur de bras et qu'on peut se servir de la main comme d'un appareil obturateur momentané. Cela fait, une couche d'un mélange de poix et de térébenthine fondues ensemble est étalée rapidement sur la peau à l'endroit occupé par la tumeur herniaire et dans une étendue qui déborde largement la limite de sa périphérie; cette couche encore chaude est saupoudrée d'étoupes hachées; puis une nouvelle couche de poix est étendue pardessus l'étoupe, et, sur cette deuxième couche, on applique et l'on ajuste la plaque de carton enduite elle-même de la substance agglutinative. Enfin la bande, agglutinée avec la plaque de carton, avec la peau et avec ses propres tours, est enroulée méthodiquement sur le corps de l'animal, de manière à constituer un bandage inamovible, d'une grande rigidité et solidement fixé, qui contient la Hernie assez longtemps pour que le travail de la cicatrice des parois ventrales puisse s'accomplir d'une manière durable. »
(1) Journal desvétérinaires du Midi, 1854, p. 254.
On a conseillé d'opérer la réduction de la Hernie par le taxis direct et immédiat sur le viscère hernié que l'on maintiendrait ensuite dans sa situation normale au moyen de la suture de l'ouverture herniaire et de la peau. A cet effet, l'animal étant à jeun, on le couche et on le place en décubitus latéral ou dorsal, en un mot dans la position la plus convenable pour opérer la réduction. Cela fait, on incise le sac herniaire, de dedans en dehors, sur un pli de la peau et dans une étendue suffisante pour que l'on puisse aisément y introduire la main. On ouvre le sac herniaire avec précaution sur la sonde cannelée au moyen du bistouri droit ou mieux du bistouri boutonné que l'on fait glisser dans la cannelure de la sonde. Si l'ouverture herniaire est étroite et qu'elle ne permette point d'opérer le taxis sans que l'on soit exposé à froisser et surtout à déchirer l'anse herniaire, il est indiqué de la débrider avec précaution sur la sonde cannelée. On réduit ensuite la Hernie, et, pour la maintenir, on réunit les lèvres de la plaie au moyen de la suture à points passés (Terrien) ou de la suture des pelletiers (Serres); on rapproche ensuite les bords de la peau au moyen d'une suture à bourdonnets de manière à pouvoir surveiller la plaie sous-jacente. On fait relever l'animal, et, pour soutenir les sutures, on applique un bandage de corps, formé par un drap de lit doublé en quatre dont les extrémités sont fixées sur les reins au moyen de fortes attaches convenablement serrées, afin d'exercer une certaine compression sur la région opérée.
On laisse ensuite l'animal à la diète pendant quelques jours, en se contentant de lui donner de la tisane d'orge, d'abord pure ou simplement miellée; puis on ajoute peu à peu à cette tisane une quantité graduellement croissante de farine d'orge; en même temps, ou donne quelques lavements avec la décoction de graine de lin, l'eau de mauve, afin d'entretenir la liberté du ventre. Au bout de vingtcinq à trente jours, la cicatrisation est, sinon complète, du moins très avancée, et l'animal peut être considéré comme guéri.
Bien que cette opération ait été pratiquée plusieurs fois, avec succès parait-il, chez les bètes bovines par divers praticiens, Terrien, Serres, notament, nous pensons qu'il convient de la réserver pour les cas dans lesquels l'animal ne peut pas être vendu avec avantage pour la boucherie, comme lorsque la Hernie est compliquée d'étranglement ou bien quand il s'agit d un animal reproducteur d'une grande valeur. Nous ajouterons qu'il faut encore s'abstenir de pratiquer celte opération lorsque la hernie est ancienne, volumineuse, et que l'ouverture herniaire est large. En pareil cas, l'animal peut être employé pendant des mois et même des années aux travaux des champs; on peut
l'engraisser ensuite d'une manière satisfaisante. Il serait donc téméraire d'avoir recours à l'opération de la Hernie pour des cas de ce genre.
ARTICLE XII
ÉVEi\T)!ATION.
On désigne sous ce nom un accident d'une gravité suprême, et qui consiste dans la sortie des intestins par une ouverture intéressant toute l'épaisseur des parois abdominales, y compris la peau, dp, telle sorte que le viscère se montre au dehors complètement à nu.
Étiologie. — On observe ordinairement l'Éventration lorsque les animaux tombent sur des corps acérés ou tranchants, tels que tessons de bouteilles, débris de verre, etc. ; ou bien à la suite de blessures faites par des instruments tranchants. Il n'est pas très rare de constater cet accident à la suite de coups de corne donnés sur les parois du ventre, comme nous avons pu en observer plusieurs exemples.
Getaccident accompagne parfois certaines opérations, tellesque : castration de la vache ; manœuvre dystociques ayant déterminé la perforation du vagin ou de la matrice; cautérisation intempestive d'une hernie ventrale; suture trop serrée et amenant la chute prématurée du sac herniaire.
Les Eventrations sont habituellement formées par l'intestin grêle ou le côlon flottant, rarement par le gros intestin.
Symptômes. — Quand l'ouverture qui donne passage à l'intestin est étroite, on voit ce viscère apparaître sous forme d'une petite tumeur arrondie qui s'allonge de minute en minute, de telle sorte qu'au bout de quelques instants, une anse intestinale émerge de la plaie abdominale. Alors les douleurs ressenties par l'animal deviennent vives, et il les accuse par des trépignements qui ont pour résultat d'accélérer la sortie de nouvelles anses d'intestin grêle, formant ainsi une masse pelotonnée qui pend sous le corps et ne tarde pas à se dérouler sur le sol. L'animal est en proie à des coliques d'une violence extrème; il piétine, se couche et se roule, déchirant et écrasant ainsi ses boyaux.
En pareil cas, ce qu'il y a de mieux à faire est de le sacrifier immédiatement pour la boucherie à moins qu'il ne s'agisse d'une bête de grande valeur.
Toutefois, il est à remarquer que chez les ruminants, les Éventrations offrent beaucoup moins de gravité que chez le cheval. comme en témoignent les opérations qui ont été quelquefois
pratiquées avec succès dans le cas d'invagination et surtout dans le cas de hernie ventrale.
Traitement. — Réduction. — La première indication à remplir quand les viscères abdominaux sont sortis par une ouverture accidentelle de la cavité qui les contenait et qu'ils ne sont point déchirés, c'est de les réintégrer dans leur situation normale; car, lorsque l'intestin est intact ou que sa blessure n'est pas considérable, il faut toujours se réserver les chances de la réduction, quelque inquiétantes que puissent être les apparences des organes échappés de l'abdomen. On pratique donc le taxis direct en ayant le soin de nettoyer préalablement l'intestin.
Contention. — Les moyens de contention consistent dans la suture enchevillée, qui a été recommandée de tout temps ; l'application d'un casseau entre les branches duquel on interpose et l'on comprime les lèvres de la plaie herniaire, dénudées ou revêtues de l'enveloppe tégumentaire, suivant les indications qu'il s'agit de remplir. On peut enfin avoir recours à l'emploi d'un bandage contentif semblable à celui qui a été décrit pour les hernies ventrales.
ARTICLE XIII
PÉRITONITE.
Définition. Fréquence. — [La Péritonite est l'inflammation du péritoine, et, selon toute probabilité, des vaisseaux et des ganglions lymphatiques tapissés par cette membrane. Cette inflammation est partielle ou générale ; mais quand elle est partielle par l'effet d'une cause particulière, elle ne tarde pas ordinairement à devenir générale, c'est-à-dire à se propager sur toute l'étendue du péritoine et à toutes les divisions du système lymphatique, à avoir un retentissement marqué sur toutes les membranes séreuses.
[On reconnaît à la Péritonite deux formes distinctes : la Péritonite aiguë et la Péritonite chronique.]
§ 1er. — Péritonite aiguë.
Causes. — [Les causes les plus actives et les plus fréquentes de cette maladie sont les refroidissements. Les changements de température, si subits dans certaines régions de la France qu'ils semblent constituer un état normal pendant le printemps et l automne et aussi quelquefoisen hiver, donnent lieu à cette maladie beaucoup plus souvent que ne l'ont dit des auteurs mal renseignés. Qu elle se montre rarement chez les bœufs ou vaches qui passent leur
vie dans les étables ou sur des pâturages sans jamais être contraints à faire un exercice qui accélère chez eux la circulation et par suite rende la transpiration plus sensible et plus abondante. cela se conçoit; mais pour les bœufs et les vaches employés aux travaux des champs, c'est bien différent. Exposés à l'impression des brouillards et des vents, quand ils sont en sueur, ils risquent, en effet, d'être atteints de Péritonite, si l'excitation produite par le travail est arrêtée subitement, surtout dans les saisons froides et humides.
[L'immersion des animaux dans l'eau froide, et après cette immersion le repos à l'air libre, sont aussi des causes de la Péritonite. Elle peut également être occasionnée par des coups violents portés sur certaines parties de l'abdomen avec les -pieds, les cornes-d'un autre animal, l'extrémité d'un bâton, la pointe d'un sabot; dans ce cas, la Péritonite commence par être partielle, pour devenir générale, s'il n'y est point porté remède.
[Elle se manifeste quelquefois à la suite du bistournage, et elle complique la métrite survenant après le part.]
Symptômes. — [Les symptômes de la Péritonite aiguë sont assez faciles à constater : l'animal éprouve des frissons continus ou momentanés; il reste couché en donnant des signes d'anxiété; il tourne souvent la tête vers l'abdomen, pousse quelques mugissements plaintifs, beaucoup moins distincts que ceux qu'il fait entendre quand il est affecté de l'inflammation gastro-intestinale; Il témoigne d'une douleur assez prononcée si on comprime fortement les parois abdominales, du côté droit principalement et en haut ; il a le mufle sec, il ne rumine point, il a perdu l'appétit: s'il est debout, il tient ses membres rassemblés et très rapprochés du centre, ou bien il fléchit tantôt l'un, tantôt l'autre. Le pouls est petit et concentré : quoi qu'on en ait dit, il n'est jamais ni fort ni précipité dans le cas de Péritonite. C'est même dans cet état qu'il caractérise plus particulièrement, sur l'espèce bovine, l'inflammation des membranes séreuses.
[Quand la Péritonite est concomitante de la gastro-entérite, l'animal ne reste point couché; il frappe la terre de ses pieds, mais sans violence ; de même quand il les soulève vers le ventre, il n'y arrive jamais, et l'on peut facilement supposer que si les coliques existent par l'effet de douleurs intestinales, l'animal éprouve en même temps des souffrances qui n'ont pas leur siège dans l'intestin, mais bien au péritoine.
[Le flanc droit des bœufs ou vaches affectés de Péritonite est légèrement tendu ; ils ont la peau sèche et froide dans le début de la maladie; un peu plus tard, quand il y a réaction, la peau est très chaude, et les signes d'anxiété sont plus manifestes : c'est
seulement alors que la respiration s'accélère; car au début elle est courte et lente. Comme l animal tient ses membres ou rassemblés près du centre de gravité ou dans un état de flexion, afin que l'abdomen n'éprouve ni contractions ni tiraillements, de même les premières douleursabdominales qu'il ressent le portent à retenir sa respiration et à ne dilater le thorax que le moins possible.
[Si, dans le début, la sortie des excréments se fait librement, ce n'est que vers la seconde période de la maladie que la constipation a lieu et que les matières fécales sont dures et sèches; lorsqu elles sont coiffées ou recouvertes de mucosités, on peut cr oir e que l inflammation existe également sur la membrane muqueuse intestinale.]
Diagnostic. Pronostic. — [Les frissons généraux, les signes d ^ anxiété, la tension du flanc gauche, la petitesse du pouls, sont des signes pathognomiques qui ne peuvent laisser aucun doute dans l esprit de l'observateur. Le pronostic n'est point fâcheux tant qu'il ne surgit point de complication ou si le traitement n'a pas été retardé.]
Marche. Murée. Terminaisons. — [La Péritonite aiguë simple a une invasion prompte, presque subite; aussi arrive-t-elle à son état le plus accusé en quelques heures. Combattue avec intelligence, elle n 'a pas une longue durée, et sa terminaison est ordinairement la résolution ; si, au contraire, elle a été abandonnée aux seuls efforts de la nature, elle passe facilement à l'état chronique, et alors se déclarent toutes les lésions qui sont comme des •conséquences de l altération des fonctions du péritoine et des vaisseaux lymphatiques : l hydropisie ascite, les engorgements ganglionnaires, etc., etc. Rarement les animaux succombent'aux atteintes de la Péritonite aiguë ; mais, quand cela arrive, elle s'est compliquée d'entérite suraiguë, et alors on remarque les lésions pathologiques suivantes, outre celles qui résultent de cette dernière affection.]
Lésions pathologiques. — [Le péritoine est plus ou moins injecté, les ganglions mésentériques le sont également, eL, ordinairement, ils paraissent avoir augmenté de volume; il y a toujours dans le sac péritonéal un épanchement de sérosité plus ou moins considérable, dans lequel se trouvent des dépôts albumineux.
Traitement. — [Si l'on a pu constater l'invasion de la Péritonite, la première indication à remplir consiste à rétablir la transpiration supprimée. D 'abord, on bouchonne l'animal, non pas fortement, mais longuement ; ces frictions doivent être continuées jusqu'à ce que les frissons aient cessé et que la peau soit réchauffée. Ceci est très essentiel. EnsuiLe, on couvre l'animal d'une couverture de laine qui doit envelopper tout le corps en passant sous le ventre.
Il ne faut pas se contenter de recouvrir les parties supérieures du corps, il faut également recouvrir l'encolure et même les cuisses,. surtout à leur face interne. Quand les couvertures sont placées, on doit les réchauffer promptement en faisant passer sur toute leur étendue une bassinoire remplie de braise, ou tout autre ustensile que l'on peut avoir à sa portée.
[On tient l'animal à*la diète; on lui administre quelques lavements, mais jamais plus d'un dans le même moment : il faut éviter de surcharger l'intestin. On présente des boissons tièdes en attendant qu'on ait préparé dès breuvages sudorifiques composés avec l'infusion de fleurs de sureau.
[Ces breuvages doivent être administrés d'heure en heure, à la dose de 1 à 2 litres. On les fait de la manière suivante :
[Dans deux litres d'eau bouillante, on met deux fortes poignées. de fleurs de sureau ; on recouvre le vase, et on laisse l'ébullition. continuer pendant une ou deux minutes.
[Ce traitement serait efficace le plus souvent, s'il était mis eit pratique sans retard; mais si la Péritonite aiguë a été négligée ou méconnue, il ne faut pas compter en obtenir la résolution immédiate, passé les premiers temps de son invasion. Alors, il faut la combattre par d'autres moyens.
[On tient l'animal modérément couvert, afin d'éviter un nouveau refroidissement, et l'on pratique la saignée aux veines thoraciques. Cette saignée ne doit jamais être abondante, et même si l'on pouvait la pratiquer de telle manière que le sang coulât en un petit tllet continu, cela vaudrait mieux qu'une large saignée laissant couler beaucoup de sang en peu de temps. Il ne s'agit pas de. produire une déplétion subite : il faut agir, pour ainsi dire,. localement.
[En même temps, on administre des lavements rafraîchissants composés avec une décoction émolliente peu chargée; et l'on fait prendre à l'animal trois breuvages par jour, composés chacun. comme suit :
Tisane d'orge ou de chiendent, ou mieux de pariétaire 3 litres.
Nitrate de potasse (pour animaux adultes) ...... 20 grammes.
Si l'animal est âgé de moins de dix-huit mois, réduire la dose de nitrate cleo potasse à 15 grammes..
[On seconde cette médication en faisant, sous le ventre et à la face interne des cuisses, des onctions d'onguent mercuriel double, chacune à la dose de 10 grammes. Mais il faut, dans ce cas, prendre les précautions nécessaires pour que l'animal ne puisse-
se lécher ou qu 'il ne puisse être léché par les animaux bien portants qui seraient placés auprès de lui.
[Lorsque la Péritonite ne semble point céder à l'action de cette médication, on doit réitérer la saignée si l'on n'a pas à traiter un .animal dont la constitution soit usée par l'âge et le travail ; continuer l'emploi des breuvages nitrés suivant la formule indiquée plus haut, et faire sur les parois de l 'abdomeii, par côté, en dessous principalement, des frictions avec l'essence de térébenthine. -On peut en faire deux par jour et employer pour chaque friction de 40 à 50 grammes de ce médicament. On cesse de faire des frictions quand le cuir commence à s'épaissir et à se gercer.
[Le mieux se manifeste : par l'abaissement du flanc, par le retour de la rumination, par le désir que manifeste l'animal de prendre des aliments et par l'état des matières fécales, lesquelles •commencent à être expulsées moulées comme dans l'état de santé, et sans effort; déjà les urines ont dû être plus abondantes. La Péritonite aiguë du bœuf guérit ordinairement par l'effet du traitement qui vient d'être indiqué, à moins d'une complication fâcheuse produite par l'existence de lésions sur les viscères contenus dans l'abdomen.
[Elle n'acquiert une gràvité mortelle que lorsqu'elle a été abandonnée à elle-même ou que, par suite d'imprudences, il y a eu aggravation de l'état morbide. Alors, se manifestent les symptômes suivants : le pouls est très faible, on éprouve la plus grande difficulté pour distinguer les pulsations de l'artère ; la peau est très froide ; l'animal est d'une faiblesse extrême; il se couche et ne se relève qu'après avoir fait beaucoup d'efforts inutiles; les mugissements plaintifs continuent sans interruption, les matières fécales sont expulsées en diarrhée ; on remarque des soubresauts musculaires et tendineux, et enfin arrivent les dernières convulsions, quelquefois très violentes, d'autres fois plus faibles et de courte durée.]
§ 2. — Péritonite chronique.
[Tantôt la Péritonite chronique est une terminaison de la Péritonite aiguë, tantôt elle est essentielle. Dans le premier cas, on a observé à la suite du traitement une certaine amélioration dans l état de l 'animal, bœuf ou vache; il a pris quelques aliments pendant plusieurs jours, il a ruminé de temps à autre et lentement, il a paru moins souffrant, mais jamais on ne l'a vu exécuter le mouvement de pandiculation ni rester couché sans se remuer et se déplacer fréqLlemment; bientôt on s'aperçoit que ce mieux n 'a été chez lui qu'une transition ; son abdomen s'évase, prend
de l'ampleur, et l'on y entend des gargouillements toutes les fois (lue l'animal fait un mouvement; la percussion permet de diagnostiquer un épanchement séreux qui ne tarde pas à augmenter de manière à ne plus laisser aucun doute sur son existence. Alors tout traitement est inutile.
[On ne doit essayer d'y recourir que lorsque l'animal est resté assez fort, que les fonctions digestives s'exécutent avec assez de régularité, et que l'on a la presque certitude qu'il n'existe des lésions organiques dans aucun des viscères, soit thoraciques, soit abdominaux; dans cette circonstance, le traitement doit être énergique.
[On fait deux ou trois frictions d'essence de térébenthine par jour sur toute la région abdominale, et, s'il y a des parties sur lesquelles ces frictions n'ont agi que faiblement, on remplace l'essence de térébenthine par la teinture de cantharides ou par un liquide vésicant, avec lequel il n'est pas nécessaire que les frictions occupent une surface aussi étendue,
[Avec les liquides vésicants, on fait deux frictions, adroite et à gauche sur les bas côtés de l'abdomen, et on ne les rapproche point du fourreau ou des mamelles. En même temps, on administre trois fois par jour un breuvage composé ainsi qu'il suit :
Décoction d'orge ou de chiendent, de carotte ou de pariétaire 3 litres.
Nitrate de potasse .............................. 30 grammes.
Ce breuvage peut être administré chaud.
La décoction précédente ........................ "l litres. Acétate d'ammoniaque .......................... (;0 à 80 grammes.
Ce breuvage sera administré froid.
[Les doses de nitrate de potasse désignées dans les formules précédentes conviennent pour les grands animaux, c'est-à-dire pour ceux d'un âge au-dessus d'un an et demi; pour un veau ou une génisse au-dessous d'un an, cette dose doit être moindre de moitié.
[Mais la Péritonite chronique peut être primitive, c'est-à-dire ne pas être une modification de la Péritonite aiguë. On l'observe chez des animaux jeunes ou vieux dont la constitution s'est affaiblie sous l'influence d'un régime débilitant, d'un travail forcé et continu, d'une alimentation insuffisante ou composée de substances peu nutritives, avariées, ou qui proviennent de terrains bas et humides, ou exposés au nord et abrités du soleil par des bois ou des coteaux. Dans les dispositions où se trouvent les
animaux soumis à un pareil régime, la transpiration cutanée se fait d'une façon anormale : ou ils sont en transpiration abondante par l'effet du moindre exercice, et alors ils éprouvent des refroidissements fréquents, qui ne sont pas suivis d'une réaction favorable, comme cela arrive chez les animaux doués d'une bonne constitution; ou bien la transpiration se fait mal, la peau est tenue à une température au-dessous de l'état normal, et les fonctions du péritoine en sont troublées ou se font d'une manière incomplète.
[Cette Péritonite s'observe chez les vaches très vieilles qui ont eu de nombreuses parturitions, chez leurs produits, et, en général, chez les veaux qui ont été sevrés de bonne heure ou qui ont été allaités avec parcimonie. Toutes les causes débilitantes peuvent donner lieu à la Péritonite chronique, affection d'au tant plus grave qu'elle est considérée d'abord comme un état passager occasionné par les privations hibernales, et qu'une alimentation plus substantielle, au printemps par exemple, fera disparaître : ce qui peut être vrai quand la Péritonite chronique n'existe pas en même temps que des engorgements des ganglions.
[Lorsque les animaux sont jeunes et qu'il ne s'est manifesté chez eux aucun symptôme de phtisie tuberculeuse, on doit les soumettre au traitement qui vient d'être indiqué pour combattre la Péritonite chronique succédant à la Péritonite aiguë. L'on aura quelques chances de réussite de plus, s'ils ont conservé un peu d'appétit. Ce traitement devra être secondé par une alimentation composée de fourrages secs de bonne qualité, de tourteau ou de substances farineuses.]
§ 3. — Ascite.
Synonymie : Hydropisie du péritoine.
Définition. Fréquence. — [L'Ascite est une affection caractérisée par un épanchement de sérosité dans la cavité du péritoine.] Causes. — [La vieillesse, l'usure de la constitution des animaux par un travail excessif, une alimentation insuffisante ou composée d'aliments peu nutritifs, la gestation à un âge très avancé, des logements où l'air raréfié est presque constamment humide à l'excès, de fréquents arrêts de transpiration chez les vaches travailleuses et portières dans les saisons où la température est variable. Autrefois, il ne se passait pas de printemps sans que de vieilles vaches de travail fussent affectées d'Ascite. Cette malaclie, parfois occasionnée par l'usage de fourrages verts très aqueux dont l'action pernicieuse se trouvait augmentée par la
saignée dite de précaution, disparaissait insensiblement sous l'influence d'une alimentation plus nutritive et d'une température uniforme et assez élevée.
[Mais l'Ascite peut être due à d'autres causes. Comme les autres hydropisies, elle est idiopathique ou symptomatique, et, dans ce dernier cas, elle se montre à la suite de l'impression subite du froid qui a troublé les fonctions de la peau, d'une péritonite, d'une inflammation aiguë ou chronique du foie ou de la rate.]
Symptômes. — [Les symptômes de l'Ascite sont : extension graduelle de l'abdomen, qui s'évase d'une manière très sensible en même temps que les flancs se creusent: pâleur des membranes apparentes, de la conjonctive principalement qui, dans cette circonstance, prend la teinte luisante de la conjonctive des bêtes à laine affectées de la cachexie ; faiblesse du pouls, marche embarrassée et vacillante des animaux ; perte de l'appétit, trouble ou arrêt de la rumination. La percussion ne produit, dans les cas d'Ascite, qu'un son mat, et si la sérosité est abondante, on le constate à la fluctuation produite par la pression saccadée de l'abdomen.] Hardie. Durée. Terminaisons. — [La marche de l'Ascite est lente, quoique continue, jusqu'au moment où elle se trouve enrayée par un traitement approprié, ou jusqu'à ce qu'un changement complet de régime ou l'élévation de la température pendant un certain temps rendent aux fonctions de la peau leur activité normale. C'est ainsi que l'on voit des guérisons de l'hydropisie ascite s'opérer presque spontanément. Ces cas sont rares, à la vérité, mais enfin j'en ai observé qui n'ont laissé aucun doute dans mon esprit. Sa durée,' dans les conditions ordinaires et en l'absence de traitement, est généralement longue, et sa terminaison est la guérison ou la mort.]
Traitement. — [Le traitement de l'Ascite idiopathique, — il ne peut être question, dans ce moment, que de celle-ci, — consiste d'abord, comme pour toutes les maladies, dans la suppression des causes, ce qui indique suffisamment que c'est d'abord aux règles de l'hygiène qu'il faut demander les premiers moyens. Selon les circonstances, on fournit aux animaux une nourriture plus alibile, on les loge sainement, on favorise les fonctions de la peau, et, ce premier point obtenu, on administre, en breuvages, les diurétiques. C'est le cas de recourir aux breuvages nitrés, aux purgatifs quelquefois, et aux frictions d'essence de térébenthine continuées jusqu'à ce qu'elles aient produit le soulèvement de l'épiderme et une irritation assez forte du derme. Si l'Ascite n'est point la conséquence de l'irritation de quelques-uns des viscères contenus dans l'abdomen ou d'une lésion organique profonde, ce traitement est presque toujours efficace.
[Il n'est pas constamment nécessaire d'administrer le sel de nitre en breuvage aux ruminants : tous ceux qui ne font point difficulté de s'abreuver à l'étable dans des baquets d'eau, blanchie ou non par une substance farineuse, prennent le nitrate de potasse dans leur boisson, et de cette manière, l'effet est beaucoup plus sÙr. Toutes les fois que la boisson se compose de 5 à 6 litres de liquide, il est avantageux de porter la dose du médicament de 25 à 30 grammes, ce qui fait, par jour, de 50 à 60 grammes pour un animal de taille moyenne. Après cinq ou six jours de ce traitement, on suspend l'administration du sel de nitre, pour donner, pendant deux ou trois jours de suite, des breuvages amers ou des opiats toniques ; puis on revient aux boissons nitrées ou l'on donne un purgatif.
[Si l'on administre le sulfate ou le nitrate de potasse au delà de cinq ou six jours aux animaux de l'espèce bovine, son action diurétique se modifie, sans pour cela cesser entièrement : il donne lieu à des purgations qui produisent un bon effet ; alors on en suspend l'emploi pour le reprendre un peu plus tard.
[Le sulfate de soude produit un effet à peu près semblable, si on l'administre à la dose de 200 grammes par jour, pendant cinq à six jours également, en dissolution dans 2 ou 3 litres d'une décoction d'orge, de maïs, de seigle ou mème de chiendent.
[Les purgatifs drastiques ne conviennent point dans le traitement de l'Ascite ; ils suscitent une irritation intestinale qui aggrave l'état de l'animal sans amener une diminution sensible de l'épanchement de sérosité.
[Les frictions d'essence de térébenthine doivent être faites sur de larges surfaces, au tiers inférieur à peu près de l'abdomen, de chaque côté.
[Les breuvages amers dont il a été question se composent :
soit ( gentiane on écorce de saule, en poudre... 30 à G0 grammes.
1 ou haies de genièvre 50 à G0 — Eau, pour décoction ............................ 2 litres.
[L'extrait de genièvre, donné deux fois par jour à la dose de 50 à 60 grammes en mélange, avec suffisante quantité d'une substance farineuse, constitue un bol tonique dont l'emploi peut être très utile.]
ARTICLE XIV
SPLÉNITE.
Définition. Fréquence.— [La Splénite est l'inflammation de la raie. Les auteurs qui n'ont pas eu à observer cette maladie, assez fréquente chez les grands ruminants, nient son existence, et ceux qui l'ont vue peu souvent cherchent à expliquer sa rareté par des considérations propres à en obscurir le diagnostic. En ce qui me concerne, je déclare que je l'ai observée assez souvent. La Splénite essentielle existe à l'état aitju simple, à l'état aigu très intense, enfin à l'état chronique. Peu intense au début, elle disparait quelquefois subitement, pour se montrer de nouveau, lorsque les causes qui l'avaient d'abord provoquée recommencent à agir.
< ;iiises. — [Ces causes se trouvent dans le tempérament essentiellement sanguin des boeufs appartenant aux races de travail, dans les travaux souvent très pénibles auxquels ces animaux sont soumis et dans les interruptions fréquentes de la rumination pendant l'exécution de ces travaux.
[L'influence d'une température froide et humide, l'usage longtemps continué de fourrages très nutritifs, tels que ceux qui proviennent des prairies artificielles croissant sur des sols argilocalcaires, enfin de grands efforts de travail qui accélèrent la circulation et troublent les fonctions digestives, donnent également lieu à cette maladie. « L'inflammation de la rate, ai-je écrit pendant que j'avais sous les yeux les animaux malades, se montre pendant les saisons froides et humides, si les animaux sont habituellement soumis à des travaux pénibles : lorsque, dans ce cas, on les attelle immédiatement après qu'ils ont pris leur repas et sans qu'on leur ait laissé le temps de ruminer, et alors qu'ils sont obligés d'employer leurs forces pendant plusieurs heures avec l'abdomen surchargé d'aliments. La Splénite se déclare aussi en été, lorsque les variations atmosphériques sont fréquentes, dans ce sens que des ondées d'orages tombent souvent après des journées pendant lesquelles la chaleur a été étouffante. »
[Ischerlin, qui a décrit également la Splénite du bœuf, attribue cette maladie à l'état très sec de l'atmosphère ; en été, aux changements de temps très subits, au défaut de boissons, aux marches forcées, aux ea'M.r pourries, aux mauvais pâturages, au défaut de bonne nourriture, à l'air vicié trop froid, aux écuries sombres, humides, mal aérées, aux mauvais traitements que les conducteurs font subir aux animaux, etc., etc. Lorsque les causes
ont une action intermittente, la Splénite prend également ce caractère.]
Symptômes. — [Je laisse de côté tous les symptômes généraux qui se manifestent sur les animaux toutes les fois qu'il y a chez eux trouble des fonctions : mufle sec, arrêt de la rumination, perte de l'appétit, marche lente et difficile, sensibilité outrée de la colonne dorso-lombaire, etc., etc., pour m'arrèter aux signes pathognomoniques de la Splénite :
[Frissons plus ou moins prononcés au début de la maladie, tension du flanc gauche, gène de la respiration, caractérisée par la dilatation de la poitrine ; marche embarrassée, comme si la contraction et la flexion des membres gauches provoquaient chez l'animal des douleurs très vives. Le soulèvement du flanc gauche est (lifférent des cas de météorisation ou d'indigestion, de gastroentérite, en ce qu'il parait être déterminé par le refoulement de la rate en arrière. En effet, le son rendu par la percussion est mat, comme celui qui résulterait du choc sur un corps mou mais offrant une certaine consistance. Ici la rate est déplacée par suite de son état de congestion. J'ai autrefois signalé ainsi qu'il suit cet important symptôme:
« Un bœuf de huit ans venait de faire un repas copieux de luzerne sèche, quand on l'attela pour lui faire transporter du gravier: il travailla pendant deux heures, sans qu'il parût malade. bien qu'il n'eût pas ruminé. Tout à coup, son flanc s'élève... il témoigne beaucoup de sensibilité quand on comprime fortement l'hypocondre gauche. »
Marche. Durée. Terminaisons. — [Invasion presque subite de la Splénite par suite de l'inrumination et d 'un travail forcé. Durée courte si le traitement est mis en usage sans retard; durée longue, au contraire, si l'action de la cause est intermittente. Dans le premier cas, la terminaison est prompte et bonne : c'est la résolution. Dans le second cas, la maladie passe à l'état chronique, et sa terminaison est fâcheuse lorsque la cause agit avec une certaine violence et d'une façon incessante, comme cela a eu lieu dans l'observation suivante, qui fait partie de la première notice que j'ai publiée sur cette maladie :
« Un bœuf de six ans mange, vers minuit, une grande quantité d'épis de maïs vert; il est attelé et on le met en route avec une vitesse d'allure qui ne lui permet pas de ruminer; puis il est forcé de traîner une trop lourde charge. A dix heures du matin, il tombe, et l'on s'aperçoit que son ventre est ballonné; on le force à se relever, on le pousse, on l'excite de l 'aiguillon; mais au bout de quelques instants, à peine est-il débarrassé de son joug, qu'il tombe mort. »
Lésions. — [A l'ouverture de cet animal, j'ai trouvé dans le rumen une grande quantité d'épis de maïs écrasés simplement; il y avait dans l'abdomen plusieurs litres de sang épanché, la rate était volumineuse et déchirée en plusieurs points de son bord postérieur : elle était brune, molle, friable, ainsi que le foie; le péritoine était parsemé de rougeurs assez vives.]
Diagnostic. Pronostic. — [J'ai dit quels sont les symptômes pathognomoniques de la Splénite aiguë : soulèvement du flanc gauche, occasionné par la présence en arrière de la rate engorgée ; matité du son produit par la percussion, gêne des mouvements du bipède latéral gauche. Ils sont trop caractéristiques pour qu'on puisse s'y méprendre : donc le diagnostic est facile à établir ; et si la Splénite a pu être combattue sans trop de retard, le pronostic •est favorable, puisque la résolution est certaine.
[D'un autre côté, il est évident que lorsque la Splénite se manifeste avec la violence et la promptitude dont on a un exemple dans la dernière observation que je viens de rapporter, la déchirure de l'organe est possible, et alors la mort est inévitable. Ainsi, le pronostic peut être des plus fâcheux si l'inflammation atteint ce degré d'intensité; mais il faut pour cela que l'animal affecté soit vivement surexcité.]
Traitement. — [La saignée est le premier moyen à employer pour combattre la Splénite avec efficacité; elle doit être large et abondante, qu'on la pratique à une veine ou à l'artère coccy.gienne. Elle réussit tout aussi bien quand on ouvre en même temps les deux veines sous-cutanées abdominales. La première -saignée ne doit pas être moindre de 5 kilogrammes pour un bœuf de travail de taille ordinaire, bien nourri et en bon état au moment où la Splénite se déclare.
[Si, par la première saignée, on n'obtient pas une amélioration presque subite, on la réitère deux heures après.
[Dans le cas de Splénite suraiguë, je conseille de faire dès le début des ablutions d'eau froide sur l'hyponcondre gauche en même temps que le sang coule par l'ouverture faite à un vaisseau.
[Après la saignée et les ablutions d'eau froide, la diète, le repos, des boissons rafraîchissantes ou adoucissantes, acidulées et non nitrées, produisent, ainsi que les demi-lavements, de très bons effets.
[Ainsi, le traitement de la Splénite aiguë ou suraiguë se borne à ces simples moyens : saignée abondante, réitérée quand il y a indication, c'est-à-dire si la résolution ne se fait pas assez promptement; ablutions d'eau froide, puis boissons et lavements adoucissants non nitrés.]
ARTICLE XV
MALADIES DU FOIE.
§ 1er. — Hépatite aiguë.
Définition. Fréquence. - [L'Hépatite est l'inflammation aiguë ou chronique de la capsule et du parenchyme du foie. Elle est aiguë ou chronique ; je l'ai observée sous ces deux états. Elle se manifeste rarement chez les bœufs non utilisés pour les travaux des champs, tandis qu'elle est, au contraire, assez fréquente chez ceux qui y sont employés.]
Cause».— [La principale et presque l'unique cause de l'Hépatite aiguë est l'abus des fourrages nutritifs à un très haut degré, pendant que les animaux font des travaux très pénibles dans les saisons 011 les chaleurs sont intenses et se font sentir par intermittences sous le souffle des vents du Midi.]
Symptômes. — [Pendant l'invasion : frissons généraux ou partiels, respiration courte et précipitée, anxiété extrème; l'animal se couche souvent; mais aussitôt qu'il a pris cette position, il se relève assez brusquement, comme si la compression exercée sur les viscères abdominaux lui faisait éprouver de vives douleurs; il existe un peu de tension du flanc droit; le bœuf marche lentement, soulevant surtout \es membres droits avec difficulté, et il semble que la colonne dorsale soit devenue inflexible. Il fait entendre de sourdes plaintes, refuse de prendre des aliments, ne rumine point; le pouls est fort : on aperçoit assez facilement les pulsations des carotides. Le bœuf grince des dents assez souvent ; il regarde son flanc droit presque toutes les fois qu'il fait entendre des plaintes; il est très sensible à la pression exercée sur la colonne dorsale, et il s'en défend avec énergie dans toute la mesure de la liberté de ses mouvements; sa respiration est courte et précipitée.
[Le second ou le troisième jour, la peau est sèche et le poil terne, comme lorsque l'animal est malade depuis longtemps; alors, il est constipé de manière à ne rendre qu'avec efforts des excréments très secs, recouverts d'un enduit jaunâtre, ou bien il a une diarrhée presque continuelle, fétide, glaireuse et entremêlée de stries de couleur jaunâtre.]
Ilarchc. Durée. Terminaisons. — [L'Hépatite aiguë est, dans les premiers jours, lente à se manifester; on reconnaît bien que l'animal chez lequel elle commence à se déclarer est dans un état de santé anormal, mais cet état n'est pas assez grave pour que le
trouble des fonctions soit très apparent. Celte inflammation a rarement la violence de la gastrite aiguë, même de la splénite ; ce n'est donc que lorsque l'appétit a disparu et que la rumination n'a point lieu, que l'on constate les.symptômes que j'ai énumérés ; alors seulement se fait remarquer la tension modérée du flanc droit, caractérisée, non par l'existence d'une colonne gazeuse, mais par un soulèvement auquel la percussion fait rendre un son mat.
[La lenteur du début indique assez que la marche de la maladie n'est point rapide; aussi, les symptômes sont-ils pour ainsi dire stalionnaires, ce qui doit inspirer des craintes plus sérieuses que si, par leur manifestation croissante, ils se trouvaient mieux dessinés. C'est ainsi que l'Hépatite fait souvent des progrès sans que le propriétaire des animaux, qui les voit tous les jours, puisse s'en douter, ce qui explique le passage de l'Hépatite à l'état chronique. C'est même là une de ses terminaisons, mais il en est d'autres. J'ai vu des bœufs succomber à une Hépatite aiguë, et d'aulres chez lesquels cette affection se terminait par résolution, même après avoir été méconnue et par conséquent négligée pendant plusieurs jours.]
Lésions. — [Je n'ai pu constater que dans une seule autopsie les lésions pathologiques occasionnées par l'Hépatite aiguë. Un bœuf de forte taille, employé au labourage, avait éprouvé des frissons, de l'anxiété; on avait remarqué chez lui la tension du flanc droit et tous les autres symptômes que j'ai décrits plus haut. Cet état avait duré huit à dix jours; puis l'animal s'était couché, avait conservé cette position, et le lendemain on l'avait trouvé mort; à cette occasion, je remarquai les lésions suivantes :
[Le bœuf étant couché sur le côté gauche, comme cela arrive toujours; du sang noir avait coloré sous le cuir toutes les parties du corps de l'animal qui portaient sur le sol ; en explorant l'abdomen, on voyait un épanchement séro-sanguinolent assez considérable dans la cavité péritonéale ; le foie était très volumineux, contenait beaucoup de sang noir, et son enveloppe offrait, sur toute son étendue, une couleur lie de vin; la vésicule biliaire était très volumineuse.
Diagnostic. Pronostic. — [Les symptômes sont trop obscurs dès le début pour que le diagnostic s'établisse facilement; il faut y apporter une grande attention. Cependant la tension particulière du flanc droit, la roideur de la colonne dorso-lombaire et la gêne des mouvements des membres droits doivent faire supposer l'Hépatite, dont l'existence se confirme bientôt par l'état des matières alvines, dures, sèches et couvertes d'un enduit jaunâtre, ou molles et colorées en jaune plus ou moins foncé.
[Le pronostic de l'Hépatite aiguë, dont l'existence a pu être constatée, n'est pas ordinairement fâcheux. On triomphe aisément de cette maladie, et lorsque la résolution de l'inflammation a eu lieu franchement, l'on ne voit point de récidive se produire.] ..
Traitement. — [La saignée est le premier moyen à employer, et si elle a été assez abondante, la tension du flanc a dû diminuer presque instantanément. Du reste, c'est là le résultat certain de la saignée dans tous les cas de phlegmasie aiguë des organes parenchymateux des animaux de l'espèce bovine. Après la saignée, on administre des breuvages rafraîchissants, à doses modérées, mais souvent répétées : par exemple, 1 litre de tisane de graine de lin, de maïs, de seigle ou d'orge, toutes les deux heures, et des lavements de même nature, donnés en même temps que les breuvages.
[Quand la liberté des mouvements existe et que la tension du flanc droit a disparu, si l'appétit n'est pas revenu, si la rumination se fait lentement, sans production de bave épaisse, et si les matières fécales n'ont point repris leur consistance normale, on doit agir sur l'intestin par une dérivation modérée, afin de provoquer une sécrétion de bile plus abondante. On peut atteindre ce but en administrant deux breuvages par jour, composés de sulfate de soude et d'une décoction mucilagineuse. Ces breuvages sont préparés de la manière suivante :
Breuvage purgatif.
Sulfate de soude 300 grammes. Décoction de graine de lin ....................... 3 litres.
[Administrez tiède, avant les repas qui doivent être de faible ration jusqu'à ce que toute apparence de malaise ait disparu.
[L'action résolutive de la saignée et des purgatifs minoralifs est parfaitement secondée, dans le cas d'Hépatite, par les frictions d'essence de térébenthine faites sur une longue surface, dans la région de l'hypocondre droit. Elles doivent être continuées tous les jours jusqu'à ce que le cuir se soulève comme fendillé.]
§ 2. — Hépatite chronique.
[Il arrive parfois, en raison même de l'obscurité dans laquelle restent les symptômes de l'Hépatite aiguë, que cette phlegmasie, abandonnée à elle-même, ou par suite d'un traitement inefficace, prend le caractère de la chronicité. C'est alors que la coloration en jaune de la conjonctive et de toutes les muqueuses apparentes
se dessine plus nettement; que le flanc reste sinon tendu, du moins un peu plus soulevé qu'à l'ordinaire; que la respiration n'a pas son ampleur normale ; que l'appétit est irrégulier et bien moindre que dans l'état de santé. On remarque également que .l'animal, dont la inarche est un peu plus libre qu'elle ne l'était dans l'état aigu de l'Hépatite, maigrit beaucoup et très vite. Ses muscles ilio-spinaux s'effacent, ses cuisses s'amincissent; la partie inférieure de son abdomen reste seule volumineuse, évasée et douloureuse aussi lorsqu'on la comprime fortement.
[C'est ainsi que se dessine l'Hépatite chronique, dont le pronostic reste fâcheux malgré des signes d'amélioration apparente. Si le bœuf peut rester plus longtemps couché que lorsque l'Hépatite est à l'état aigu, son repos n'est pas complet pour cela. On le voit à chaque instant soulever avec précaution le membre postérieur resté libre sur la litière. Il tourne encore souvent la tête en l'appuyant sur le thorax, sans la laisser dans cette position au delà d'une minute. Si, toutes les fois qu'il se met debout, il s'approche de la crèche ou du râtelier, il s'en éloigne bien souvent après avoir seulement avalé quelques bouchées de fourrage.
[Telle est l'Hépatite chronique. Quelquefois, l'animal succombe. Voici, dans ce cas, les lésions que l'on rencontre.
[Une certaine quantité de sérosité est épanchée dans l'abdomen r le foie est hypertrophié, très volumineux ; il y a dépôts purulents dans la substance du viscère qui présente des adhérences avec le diaphragme.
[L'ictère ou coloration en jaune des membranes produite par le passage des matières colorantes de la bile dans le sang, peut être due à la présence de calculs dans la vésicule biliaire.] — Ces calculs peuvent s'arrèter à l'embouchure du canal cholédoque et s'opposer ainsi à l'écoulement de la bile ; alors ce liquide s'accumule dans la vésicule biliaire qui finit par se rupturer. La bile s'épanche dans la cavité abdominale et détermine une péritonite mortelle ainsi que M. Chassaing l'a observé sur un bœuf.
Traitement. — [Il faut renoncer à la saignée. Le traitement consiste dans l'emploi de purgatifs minoratifs, du sulfate de soude notamment. Après que les purgatifs ont donné lieu à des évacuations régulières et abondantes de matières alvines, on ne fait prendre, pendant deux ou trois jours, à l'animal, que des boissons blanchies et des aliments de facile digestion, distribués en rations très modérées.
[Puis on administre, en breuvage, l'infusion de fumeterre officinale.
[On la traite par infusion; quand elle est sèche, les breuvages se préparent de la manière suivante :
. Breuvage tonique.
Fumeterre officinale desséchée .................. 20 grammes. Eau. , .......................................... 2 litres.
Faites infuser comme les plantes aromatiques.
[Si la fumeterre est verte, la dose doit être d'un tiers plus forte au moins. On administre deux breuvages par jour, puis on laisse un intervalle de deux ou trois jours avant d'en faire prendre de nouveaux ou de revenir à l'emploi des purgatifs.
[On emploie aussi, à défaut de la fumeterre, l'électuaire suivant :
Électuaire diaphorétique.
Protosulfure d'autimoiiie ........................ 45 grammes. Poudre d'atinée ................................. 60 —
Miel, suffisante quantité pour donner la consistance pàteuse.
[On fait prendre cet électuaire une fois par jour, et si l'animal se défend de manière à se fatiguer beaucoup, on délaye ce médicament dans 2 litres d'eau, qu'on fait avaler en une seule fois en breuvage.
[Quand on a employé les purgatifs minoratifs, sans qu'ils aient produit une amélioration sensible et continue, on remplace les purgatifs et les breuvages avec la fumeterre par des breuvages émétisés, et l'on administre ainsi par jour de 2 à 3 grammes de tartre stibié.
[Ce traitement est complété par des frictions vigoureuses d'essence de térébenthine, faites sur une large surface, correspondant à la région du foie.
[Ce traitement est énergique; mais il est d'indication urgente si l'on veut éviter la formation de dépôts purulents dans le parenchyme du foie.]
§ 3. — Parasites du foie.
Parmi les parasites que l'on peut rencontrer dans le foie des bovidés, il en est deux, qui, en raison de leur fréquence et de leur gravité, doivent être étudiés ici, ce sont les Échinocoques et les Distomes. L'accumulation de ces vers dans le foie gêne le cours de la bile, altère cet organe, entrave la circulation et finalement détermine un état cachectique.
1° Échinococcose.
On appelle ainsi une maladie déterminée par les Échinocoques. Ces parasites représentent la phase cystique du Tsenia echinococcus qui vit principalement dans l'intestin du chien. « Le carnivore porteur de ce Ténia rejette au dehors, avec ses excréments, des proglottis mûrs et gorgés d'oeufs. Ceux-ci protégés, par la résistance de leur coque, contre les causes extérieures de destruc-
Fig. 10. —Une vésicule proligère fortement grossie (Railliet) (1).
tion, sont entraînés en partie dans les eaux de boisson ou sur les matières alimentaires de l'homme et des animaux et pénètrent avec elles dans le canal digestif. » (G. Neumann.) Ces oeufs éclosent et les embryons gagnent le foie, le poumon, les reins, la rate, les séreuses, etc. Dans le foie, les échinocoques se logent dans des kystes dont le développement se fait aux dépens du tissu hépatique. Ces kystes sont arrondis ou ovoïdes; ils ont la grosseur d'une aveline, d'une noix; ils peuvent même atteindre le volume du poing et plus lorsqu'il s'agit d'Ëchinocoques multiloculaires; leurs parois sont blanchâtres, épaisses, fibreuses, élastiques. En les incisant, il s'en écoule un liquide lim-
pide et 1 on voit des vésicules (vésicules proligères) à la lace interne desquelles se trouvent les scolex du Tsenia echinococcus, bien reconnaissables à leur double couronne de crochets (fig. 10) que l'examen microscopique permet de constater. Parfois les diverses vésicules dont se compose î'Ëchiiiocoque restent stériles, c'est-à-dire ne produisent pas le scolex, alors on ne trouve pas de crochets et l'on a affaire à des acéphalocystes. En vieillissant les kystes hydatiques augnientent de volume, leurs parois s'indurent, se calcifient, leur contenu s'épaissit, prend la consistance du mastic et finalement d'une masse calcaire. Le foie est bosselé, marbré, décoloré par places, hypertrophié, sclérosé. Son poids peut atteindre 50 kilogrammes.
Symptômes. — Ils ne deviennent apparents que lorsque les lésions hépatiques sont très étendues. Alors « l'appétit et la rumination cessent d'être réguliers; l'animal maigrit, la peau
(1) G. Neumano, Traité des maladies parasitaires, p. 453.
devient sèche, le poil terne, hérissé. La pression et la percussion sur les quatre dernières côtes à droite provoquent la douleur. On voit apparaître une teinte ictérique sur la conjonctive. Quelquefois l'exploration rectale peut permettre de percevoir l'énorme volume du foie et d'en soupçonner la cause (1). » Le plus souvent l'échinococcose n'est reconnue qu'à l'ouverture des animaux dans un abattoir.
Prophylaxie. — S'abstenir de donner aux animaux des fourrages souillés par les excréments des chiens, ne pas les conduire dans des pâturages infectés par ces excréments; telles sont les précautions qu'il conviendrait de prendre afin d'éviter l'introduction des œufs de Ténia dans le tube digestif des bovidés. On conçoit encore qu'il serait rationnel de ne pas abandonner aux chiens les viscères qui contiennent des hydatides afin de prévenir le développement du Ténia échinocoque. Mais la surveillance constante qu'impliquent ces mesures en diminue beaucoup la valeur pratique.
2° Distomatose.
Synonymie : Cachexie aqueuse, Pourriture, Anémie, Hydrohémie.
La Distomatose est une maladie déterminée par la présence dans le foie, de vers appelés uistomes et vulgairement douves.
Cette affection est de nature parasitaire, car elle est essentiellement produite par des vers distomaires. C'est, comme le dit H. Bouley, la maladie du distome, de même que la gale est la maladie de Façade et le charbon bactéridien, la maladie de la bactérie (2).
Pour ce motif, nous adopterons la dénomination de Distomatose, de préférence à celles de Cachexie aqueuse, d'Anémie, d'Hydl'ohémie, qui n'ont pas l'avantage de rappeler la cause essentielle de la maladie, celle qu'il faut chercher à prévenir.
Fréquence. — Chez le mouton, la Distomatose est extrêmement fréquente et très redoutable; c'est un vrai fléau pour l'agriculture. Chez le bœuf, elle est moins meurtrière et sévit moins souvent à l'état épizootique. Pourtant cette affection a été quelquefois observée, sous cette forme, même sur les animaux de l'espèce bovine, notamment par Didry, Mangin.
Symptômes. — Suivant les observations faites par ces praticiens, la Pourriture, c'est-à-dire cet état morbide qu'il convient d'appeler Distomatose, s'annonce d'abord par une diminution notable de l'embonpoint, une nonchalance telle que lorsqu'on
(1) G. Neumann, Traité des maladies parasitaires,458.
(2) H. Bouley, Le progrès en médecine par L expi,menaion. — Leçons de pathologie comparée, faites au Muséum. Paris, 1882, p. 93.
conduit le troupeau au pâturage, les animaux qui commencent à en être attaqués restent en arrière. Un œdème froid se montre dans l'espace intermaxillaire, qu'il occupe en entier. La faiblesse générale augmente, l'animal reste longtemps couché, et il se relève difficilement. Le pouls est lent, mou et faible. Cependant, au début de l'affection, les fonctions digestives ne paraissent pas notablement altérées.
Mais, au fur et à mesure que la maladie fait des progrès, les bêtes maigrissent; elles se météorisent fréquemment; une diarrhée rebelle se déclare. Les muqueuses sont pâles, les yeux chassieux, « et si on palpe la peau sur les épaules et sur toute la colonne dorsale, on remarque la présence d'un liquide épanché dans le tissu cellulaire, sans gonflement très apparent : des incisions pratiquées à cet endroit laissent fluer quelques gouttes d'un liquide séreux très limpide. » (Didry.) — On a signalé encore la présence de poux chez les bœufs atteints de Distomatose; toutefois il n'en faudrait pas conclure qu'il y a une corrélation forcée entre cette affection et les parasites dont il s'agit, car ceux-ci pullulent toujours sur les animaux anémiques, qui ne sont point tenus proprement.
Nous verrons plus loin que le diagnostic de la Distomatose peut être établi avec une complète certitude par l'examen microscopique des excréments des bêtes malades.
La Distomatose a une marche très lente ; elle est compatible avec les apparences de la santé pendant des mois et même peutêtre pendant des années. Lorsqu'elle s'accuse à l'extérieur par une faiblesse, une maigreur considérabe, un état anémique manifeste, les lésions qui la caractérisent sont très prononcées, et il n'est plus possible d'en atténuer les effets par un bon régime.
Lésions. — On trouve assez souvent à l'ouverture des bêtes bovines, sacrifiées pour la boucherie, des Distomes en plus ou moins grande quantité dans les canaux biliaires. Ces Helminthes sont aplatis, ovalaires, de couleur brune ou verdâtre, d'une longueur de un à trois centimètres, suivant l'espèce à laquelle ils appartiennent. Ainsi le Distome ou Douve du foie (Distoma hepaticum) a 30 à 35 millimètres de longueur et 12 à 15 millimètres de largeur; le Distome lancéolé (Distoma lanceolatum) n'a guère que 5 à 9 millimètres de longueur sur 2 millimètres de largeur. La première espèce se rencontre plus fréquemment que la seconde, et l'on conçoit aisément que les lésions sont plus ou moins prononcées, suivant la quantité d'Helminthes contenus dans le foie.
Lorsque les Distomes sont en petit nombre, leur présence ne modifie pas sensiblement l'aspect du foie; tout au plus la couleur de cet organe est-elle parfois un peu moins foncée que dans l'état
physiologique. Les autres tissus de l'économie ne présentent alors aucune altération et l'animal peut être en parfait état de chair et de graisse. Mais il n'en est plus de même quand les Distomes sont nombreux ; alors ces Helminthes se sont entassés dans les canaux biliaires, qu'ils distendent, de telle sorte que ces conduits présentent, dans leur partie extérieure, un aspect bosselé; ailleurs leur parois sont épaissies, sclérosées. Le foie est décoloré par places, et en coupant cet organe, on remarque qu'il n'a plus son aspect grenu; la surface de section est lisse et si des canaux biliaires ont été intéressés, il s'en échappe une bile épaisse, visqueuse, entraînant des Distomes. — Cette désorganisation du foie est accompagnée d'épanchement dans la cavité abdominale et même dans la cavité thoracique. Le liquide épanché est séreux, clair, et de couleur citrine. Le tissu musculaire est pâle, de consistance molle; il est infiltré de sérosité et dépourvu de graisse.
Diagnostic. — Il est facile de l'établir post mortem, car il suffit de découper le foie ou seulement de presser sur les canaux biliaires pour en faire sortir des Distomes. Mais il n'en est plus de même du vivant de l'animal, surtout lorsque l'état général est satisfaisant. Ce n'est que lorsque l'animal commence à maigrir et qu'il se méléorise de temps à autre que le praticien peut être consulté. Mais la Distomatose ne s'accuse à l'extérieur par aucun symptôme lui appartenant en propre. On peut cependant la reconnaître sûrement en examinant au microscope les excréments de l'animal suspect.
Si l'on a affaire à la Distomatose, on trouvera des œufs de Distomes. Ces œufs présentent chez le mouton les caractères suivants : ce sont des corps régulièrement elliptiques, de couleur jaune verdâtre à contenu granuleux ou celluleux, d'une longueur de omm,04, et d'une largeur de Omm,02, quand ils proviennent du Distome lancéolé. Ceux du Distome hépatique, c'est-à-dire de l'espèce que l'on rencontre communément, ont Omm,13 de longueur et omm,07 de largeur. (C. Baillet.) Ces œufs offrent les mêmes caractères chez le bœuf puisque les Distomes qui habitent le foie de cet animal sont de même espèce que ceux du mouton.
Un grossissement de 70 à 80 diamètres suffit pour les reconnaître si l'on a soin de diluer les excréments dans un peu d'eau distillée et d'éliminer avec une aiguille les plus gros fragments végétaux. On met une goutte de ce mélange sur une plaque de verre que l'on recouvre d'une lamelle, et l'on examine au microscope. On voit alors au milieu de débris végétaux de toutes sortes (cellules épidermiques, fibro-cellules, cellules ponctuées, poils, etc.), des œufs de Distome, que l'on reconnaît à leur forme régulièrement
elliptique et à leurs dimensions (fig. 11). Il est nécessaire de faire plusieurs préparations, à moins que l'on ne trouve d'emblée les œufs microscopiques que l'on cherche.
Étioiosie. — La Distomatose résulte de la pénétration dans le foie de deux vers trématodes : le Distome hépatique ou grande Douve et secondairement le Distome lancéolé ou Petite Douve. On sait aujourd'hui que l'embryon infusiforme, cilié, qui sort d'un œuf de Distome hépatique pénètre dans une Limnée (L. truncatula) où
Fig. 11. — OEufs de Distoma hepaticum, grossis 130 fois.
A, œuf pris dans les conduits biliaires d'un mouton.
— B, œuf contenant un embryon développé. — C, œuf après l'éclosion (1).
il s'enkyste et se transforme en sac cercarigère. « U Il seul œuf de Douve pourrait ainsi produire plus de mille cercaires. Ceux-ci ont un corps ovalaire, à revêtement épineux en avant, long de 280 p., large de 230 [j.; leur queue, très mobile, est deux fois aussi longue que le corps. Une fois en liberté, ils ne tardent pas à s'enkyster sur les feuilles de
l'herbe des prairies (rumex, pissenlit, cresson, etc.). Leur présence sur les feuilles s'accuse par de petits kystes blancs, formés par ^ une sorte de mucus accompagné de granulations spéciales. Les pérégrinations du Limnæa trunculata facilitent la dissémination des cercaires. C'est donc en consommant l'herbe des prairies humides que les animaux doivent s'infecter... Une fois arrivé dans l'estomac, le kyste est dissous; le ver est mis en liberté et pénètre dansle foie, probablement par le canal cholédoque. » (G. Neumann.) La Distomatose se montre quelquefois à l'état épizootique chez les veaux, sur lesquels elle revêt un caractère de gravité beaucoup plus prononcé que chez les bêtes avancées en âge. Ce sont surtout les animaux âgés de deux ans qui paraissent particulièrement sensibles à la présence des Helminthes dans le foie. Aussi, dans plusieurs des épizooties qui ont régné sur l'espèce bovine, on a remarqué que les veaux étaient atteints les premiers et que les bètes de deux ans et au-dessous périssaient en proportion plus considérable que celles d'un âge plus avancé.
C'est principalement au printemps et à l'automne que la maladie apparaît. Parmi les causes qui favorisent l'invasion de la Distomatose, on a signalé la dépaissance d'une herbe chargée de brouillard ou de rosée, et surtout de celle qui pousse dans les
(1) G. Neumann, Traité des maladies parasitaires, p. 466.
prairies dont le sol ou le sous-sol est argileux, imperméable, dans des terrains exposés aux inondations.
L'humidité est une circonstance des plus favorables à l'éclosion des œufs, qui sont rejetés avec les excréments, et, d'après les observations de M. C. Baillet, ils peuvent résister à un froid de plusieurs degrés au-dessous de zéro, du moins lorsque le travail de segmentation n'est pas encore commencé.
Pronostic. — Chez les animaux de l'espèce bovine, la Distomatose ne présente une gravité réelle que lorsqu'elle revêt le caractère épizootique. On conçoit cependant que l'accumulation d'une grande quantité de Distomes dans les canaux biliaires finisse par déterminer des troubles digestifs et une maigreur telle que l'on ne peut plus utiliser les animaux pour la boucherie.
Traitement. — [La première indication consiste à prévenir l'introduction des douves. Si les animaux pacagent dans des lieux humides, marécageux, on leur fait abandonner les pâturages; si les étables sont malsaines, elles doivent être assainies; si la nourriture n'est pas assez substantielle, on la rend meilleure. Quand on n'est pas en mesure d'obtenir ce changement, il est inutile' d'entreprendre la guérison des animaux. En pareille occurence, la mission du vétérinaire se borne à conseiller l'abatage comme le parti le plus avantageux.
[Il est indiqué de nourrir les animaux avec des fourrages de meilleure qualité, en procédant avec mesure, en ne fatiguant pas subitement leurs organes digestifs par une alimentation copieuse, qu'ils ne pourront supporter que lorsqu'ils auront commencé à la recevoir par rations graduées. Par exemple, si un bœuf ou une vache digère bien, dans l'état de santé, 8 à 10 ou 12 kilogrammes de luzerne par jour, on ne lui en donne d'abord qu'une ration de 3 ou 4; ainsi du tourteau, ainsi du son, etc. Le fourrage vert ne convient aux animaux cachectiques que lorsqu'il est coupé au moment où sa graine commence à se former, et si le temps n'est point trop pluvieux.
[Les tourteaux de lin et de colza peuvent entrer dans cette alimentation ainsi que la luzerne, les vesces, le maïs, toutes les céréales et les légumineuses, parce que ces plantes sont très nutritives, à moins d'être venues dans des terrains humides à l'excès.
[Cette première partie du traitement est la plus importante. Viennent ensuite les médicaments proprement dits, et dans cette catégorie se range en première ligne le pain tonique ferrugineux, que Delafond a recommandé pour combattre la cachexie du mouton : ce pain a le double avantage d'être un aliment et un médi-
cament parfaitement appropriés aux indications à remplir. En voici la formule :
Farine de blé et d'orge non blutée, ââ 1000 grammes. Farine d'avoine non blutée 2000 — Sulfate de fer et bicarbonate de soude en poudre ââ 15
Sel marin ..................................... 12 —
Faites une pàte, que vous laissez fermenter et cuire au four; donnez au mouton matin et soir 50 grammes environ de ce pain.
[Je rapporte la formule de Delafond telle qu'il l'a indiquée, en faisant remarquer qu'on pourrait donner à un bœuf ou à une vache adulte, en trois jours d'abord, puis en deux, et même en un seul, ce pain tout entier pesant 3k,040; dans ce cas, on ferait des pains de 10 à 12 kilos, en observant les proportions indiquées dans la formule.
[J'administre le sulfate de fer et le bicarbonate de soude, à la dose qu'en prendraient les animaux dans le pain fabriqué d'après la formule, et j'en ai obtenu, dans bien des cas, d'excellents effets.
[Raynaud recommande une galette de farine de lupin fortement salée, et contenant par dose une cuillerée à bouche de suie de cheminée; on en donne d'abord une dose par jour, puis deux, et enfin trois.
[Je donnerai la préférence à une galette préparée avec la farine de maïs et de fèves, également salée, contenant de la suie à la dose d'une forte cuillerée par kilogramme de farine. Cette galette doit être bien cuite; on l'écrase en petits morceaux, presque en poudre grossière. Les bœufs ne la prennent pas d'abord avec avidité, mais ils finissent pas s'y accoutumer; on la donne, en commençant, mêlée à du son frisé. La ration est de 1 kilogramme par jour au début; on peut ensuite arriver à 3 kilogrammes.]
Un vétérinaire allemand, Buuck, a conseillé l'emploi de la benzine à la dose de 60 à 120 grammes par jour, en deux fois, dans un breuvage mucilagineux, pendant quatre ou six jours. Suivant Buuck, aucun malade ne serait réfractaire à cette médication. Avec un bon régime, les animaux se remettraient ensuite rapidement (1).
(1) Journal de l'École de Lyon, 1866, p. 378.
LIVRE CINQUIÈME
MALADIES DE L'APPAREIL GÉNITO-URINAIRE
CHAPITRE 1
MALADIES DES VOIES URINAIRES.
[Ces maladies sont beaucoup plus fréquentes sur les animaux de l'espèce bovine que sur ceux des autres espèces. Il n'y a pas de praticien vétérinaire qui n'ait eu à traiter plusieurs fois la néphrite, la cystite, les affections calculeuses et toutes celles que j'aurai à décrire successivement et dont l'observation se rapporte plus particulièrement aux bœufs et vaches qui travaillent jusqu'à un âge très avancé.]
ARTICLE 1
NÉPHRITE.
Définition. Fréquence. — [La Néphrite est l'inflammation aiguë non pas seulement de la membrane qui tapisse les bassinets des lobules constituants du rein, mais encore de la substance même de cet organe.]
CauseH. — [Les causes prédisposant à la Néphrite se trouvent dans la contexture anatomique de l'organe : le rein du bœuf est lobulé, essentiellement vasculaire ; l'artère rénale, qui s'y ramifie et s'y capillarise à l'infini, est d'un volume considérable relativement à celui du viscère, dont les fonctions sont incessantes et très actives. D'un autre côté, le bœuf a la région dorso-lombaire allongée, et quand il n'est pas amplement fourni de muscles et de
graisse, ce qui est l'ordinaire chez ceux qui travaillent, les reins se trouvent moins garantis des commotions qu'ils peuvent éprouver soit par les efforts d'un tirage violent, soit par des chocs extér rieurs, des chutes, des tiraillements occasionnés par des faux pas, etc. De ces causes, il en est, comme on voit, qui sont prédisposantes et d'autres occasionnelles.
[Au nombre de celles dont les effets sont multiples, il faut comprendre : une alimentation composée exclusivement de fourrages très nutritifs, tels que les vesces dont les graines sont presque foncées; les fourrages verts auxquels se trouvent mêlées des plantes âcres, comme il en pousse en abondance au printemps dans les pâturages bas et humides, marécageux ; les bourgeons ou les feuilles de chêne, d'arbres résineux, etc.
[La Néphrite aiguë simple peut se déclarer épizootiquement sous l'influence d'une cause toute spéciale : c'est la présence, dans les pacages fréquentés par les animaux de l'espèce bovine, d'une quantité innombrable de chenilles qui, après avoir dépouillé complètement les arbres de leurs feuilles, sont descendues ou sont tombées sur l'herbe.
[La Néphrite se déclare également sur les animaux qui sont nourris au printemps avec le farouch auquel se trouvent mêlés, dans une forte proportion, la camomille puante ou le coquelicot; il est probable que l'action irritante de ces plantes est due à, la présence d'une huile essentielle qui s'évapore par la dessiccation, puisque la camomille puante et le coquelicot, mêlés aux fourrages secs, n'occasionnent point cet accident.
[Lorsque les bœufs marchent en troupes ou qu'il se rencontre dans les prairies quelques animaux dont le bistournage n'est pas complet, il en est qui sautent sur d'autres bœufs ou des vaches, et la commotion qu'éprouve le rein, par le fait de ce saut brusque et souvent impétueux, donne fréquemment lieu à la Néphrite. On voit des vaches ou des bœufs pisser le sang aussitôt qu'ils ont ressenti les effets de cette commotion.
[La Néphrite aiguë simple se déclare parfois à la suite d'une violente surexcitation résultant d'une course forcée. Un bœuf qui faisait partie d'un troupeau que l'on conduisait à une foire s'écarta de la route, un chien fut mis à sa poursuite, et le bœuf, effrayé, ayant toujours le chien à ses trousses, se lança à travers les champs et accomplit une course effrénée, après laquelle il s'arrêta haletant et sembla pris d'une raideur tétanique. Je le vis deux heures après ; sa respiration était plus calme ; mais il paraissait souffrir de violentes coliques, et j'observai bientôt chez lui tous les symptômes d'une Néphrite aiguë.
[Cette maladie se manifeste aussi quelquefois sur des bœufs qui
vont s'abreuver à des mares entourées d'arbres sur lesquels ont séjourné des cantharides. De quelle manière a pu agir cette cause? Se trouvait-il de ces insectes en décomposition dans la mare? Cela me paraît très présumable, quoique je ne puisse pas l'affirmer absolument..]
Symptômes. — [D'abord de la tristesse, de la gêne dans la marche se manifestent, et si l'animal est à l'étable, il tient ordinairement ses membres engagés sensiblement sous le centre de gravité, ou bien il les étend en soulevant la queue légèrement; point de pandiculation ; la colonne dorso-lombaire n'est pas seulement sensible à l'excès, elle est douloureuse ; l'animal se campe pour uriner, et il urine peu ou point. Si la Néphrite est simple, et si la vessie n'est point distendue par l'urine, les efforts que l'animal fait pour uriner ne sont pas accompagnés de ce battement précipité du bulbe de l'urèthre, qui est le symptôme caractéristique de la présence d'un calcul engagé dans le canal. Ces efforts provoquent d'abord l'expulsion des matières fécales contenues dans les dernières voies, restées encore à leur état normal ; ces matières sont mi-liquides, et ne sont expulsées, dures et sèches ou coiffées, que lorsque l'inflammation a eu une durée de deux à trois jours.
[La douleur éprouvée par l'animal augmente progressivement, et, si elle ne se manifeste d'abord que par le malaise que j'ai déjà signalé, elle est bientôt marquée par des trépignements et des convulsions d'une telle violence que. l'animal paraît presque furieux : il se couche, se relève, sans jamais conserver une position normale; il refuse toute sorte d'aliments; il ne rumine point; son mufle est sec, ses conjonctives sont injectées ; il regarde son flanc assez souvent, et il pousse de temps à autre des mugissements sourds et plaintifs; il grince des dents.
[Si la Néphrite n'est pas combattue par un traitement qui en arrête la marche, la météorisation se déclare plus ou moins intense, et quelquefois, elle tue les animaux en les asphyxiant. Comment expliquer cette météorisation, sinon par une inflammation violente survenue sympathiquement et qui se propage successivement et rapidement à tous les organes renfermés dans l'abdomen? Au reste, cette explication se trouve presque toujours confirmée par les lésions pathologiques observées.
[Le pouls est vite et précipité ; les urines qui sont rejetées en très petite quantité sont toujours colorées dans le début, puis sanguinolentes. Quelquefois aussi, elles ont cette couleur dès l'invasion de la maladie, et sur certains sujets, elles ont l'aspect du sang artériel, quoique la couleur en soit moins nette. Il y a des bœufs qui ont toujours le regard fixe et qui balancent leur
tête comme s'ils se disposaient à frapper les personnes qui les entourent.
[La Néphrite peut exister à l'état chronique, mais on ne remarque point qu'elle soit, dans aucun cas, une modification de la Néphrite aiguë. Les symptômes qui la caractérisent à son début sont beaucoup moins saillants que ceux de la Néphrite aiguë : l'appétit se soutient modérément, la rumination a lieu de temps en temps, les mouvements de pandiculation ne sont pas entièrement supprimés, la peau reste légèrement onctueuse; cependant l'animal piétine quelquefois, en regardant son flanc. Il n'urine qu'après avoir fait des efforts multiples et prolongés; mais il se soutient, quoiqu'il mange peu. Le régime de l'engraissement n'aggrave pas cet état, mais il n'a point de résultat avantageux.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [La Néphrite aiguë a une marche assez rapide; son début est quelquefois lent et un peu obscur dans ses manifestations; il est le plus souvent d'une violence extrême, et alors sa marche est rapide. La Néphrite aiguë se termine par la résolution ou par la mort.]
Diagnostic. Pronostic. — [Les symptômes de la Néphrite aiguë sont trop saillants, trop caractéristiques pour que l'on puisse s'y méprendre; un bœuf qui piétine, regarde son flanc, se couche, se relève, n'est pas affecté d'une colique ordinaire : si avec tout cela, il fait souvent des efforts pour uriner et que les urines qu'il rend en petite quantité soient fortement colorées ou sanguinolentes, et que la région dorso-lombaire soit douloureuse à l'excès, on peut diagnostiquer sans hésitation une Néphrite aiguë, surtout si les battements du bulbe de l'urèthre ne se font pas remarquer à son passage sur l'arcade ischiale. D'ailleurs, il y a ici une émission d'urine, quoique en faible quantité, tandis que s'il existe des calculs dans le canal de l'urèthre, c'est tout au plus si parfois on voit quelques gouttes d'urine humecter le fourreau. Donc, à cet égard, il n'y a pas de doute possible.
[Quant au pronostic, il est rarement fâcheux si le traitement a été dirigé avec intelligence.]
Lésions. — [Les reins sont gorgés de sang noir et comme sphacélés; on trouve, dans les uretères et les bassinets, de la sérosité jaunâtre. La vessie est rapetissée et vide. Mais les deux reins ne sont pas affectés de Néphrite dans tous les cas; un seul l'est quelque peu, et cependant la sécrétion urinaire a été interrompue. Il y a, semble-t-il, une telle corrélation entre les deux organes, que les fonctions sécrétoires sont suspendues dans le rein qui n'est pas malade aussi bien que dans celui qui est le siège de la Néphrite. La muqueuse de la vessie est enflammée, épaissie
et quelquefois ulcérée, et tout le tissu cellulaire qui entoure les reins est coloré en jaune.
[Si la Néphrite a été rapidement mortelle, les reins sont engorgés et leur parenchyme réfléchit une couleur rouge noir; la muqueuse des bassinets est colorée de la même manière, épaissie, ramollie ; la substance des reins se déchire facilement, et les tissus graisseux et cellulaire qui les enveloppent paraissent presque toujours avoir participé à l'inflammation. Ordinairement, le muscle grand ilio-spinal, et surtout ceux de la région sous-lombaire, sont noirs, infiltrés d'une sérosité sanguinolente et comme sphacélés. Lorsque ces lésions se produisent aussi graves, les autres organes abdominaux et thoraciques sont aussi dans un état pathologique remarquable; il y a sur la muqueuse de la caillette et de l'intestin des traces d'une vive inflammation. Le cœur et les principaux vaisseaux sont remplis de sang noir mi-liquide ; les poumons sont engorgés, et dans les bronches, il y a beaucoup de mucosités spumeuses.] « Greve a observé un taureau qui, depuis près d'un an, souffrait de dysurie; dans les derniers temps, l'urine évacuée était mêlée de flocons muqueux. Le rein gauche de cet animal fut trouvé transformé en un énorme kyste rempli d'un liquide purulent et fétide, dans lequel était un strongle géant. » (G. Neumann.)
Traitement. — [La saignée est le moyen principal du traitement de la Néphrite aiguë. On la pratique à la jugulaire ou à l'artère coccygienne, abondante relativement au vaisseau : de 4 à 6 kilogrammes, suivant l'âge et l'état des animaux, si elle est faite à la jugulaire; de quantité moindre d'un tiers, si on a ouvert l'artère coccygienne. Et ici que l'on nous permette une réflexion applicable dans un grand nombre de cas.
[Un bœuf ou une vache se trouve pris subitement des symptômes d'une Néphrite aiguë; son état est des plus alarmants. On reconnaît la nécessité de pratiquer une abondante saignée; mais l'animal a pris son repas depuis peu, et devant cette prétendue contre-indication, on ne le saigne pas; en attendant, la maladie fait des progrès et l'animal meurt. Eh bien, la contre-indication n'existe point. On craint que la saignée arrête la digestion; mais déjà cette digestion est troublée sympathiquement par l'inflammation aiguë dont un organe important est le siège, et ce n'est qu'en rétablissant dans l'économie l'état normal que la digestion suspendue reprendra son cours.
[Que l'on ne saigne pas un animal bien portant lorsqu'il vient de prendre son repas, cela se conçoit ; mais ne pas le saigner quand il y a indication urgente, sous le prétexte qu'on pourrait contrarier la digestion, est une grosse erreur. Au reste, la
contre-indication de la saignée après le repas est admise par tous les propriétaires de bestiaux, comme une vérité incontestable, et le vétérinaire a quelquefois fort à faire pour conserver sa liberté d'action.
[Donc, la saignée est le moyen qu'il faut employer d'abord pour combattre avec succès la Néphrite aiguë; puis on applique sur toute la colonne dorso-lombaire des cataplasmes de mauves, de graines de lin ou d'autres substances émolJientes. La difficulté de faire tenir ces cataplasmes sur cette région m'a amené à les remplacer par de fréquentes lotions avec le liquide résultant de la coction de ces substances. J'en fais imbiber une couverture de laine un peu épaisse, et je la fais maintenir au moyen de ligatures en ruban de til ou en corde. Ces couvertures, qu'il faut avoir soin d'imbiber souvent, conservent bien l'humidité et une douce température.
[On administre d'heure en heure des demi-lavements, après avoir vidé le rectum, afin qu'ils ne soient point rejetés. On' donne souvent des boissons rafraîchissantes, à petites doses, pour ne pas fatiguer les organes digestifs; ces boissons sont répétées de demi-heure en demi-heure, si cela est possible et si l'animal ne se défend pas; car, s'il se défendait avec violence, il vaudrait mieux s'abstenir et établir une compensation en administrant des lavements en plus grand nombre.
[Quelques praticiens ajoutent aux breuvages du nitrate de potasse à doses plus ou moins fortes; je n'approuve nullement cette pratique, tant que l'inflammation des reins se trouve dans toute son intensité. Même étendu dans une grande quantité de liquide, le sel de nitre surexcite toujours un peu les reins, et c'est ce qu'il faut éviter à tout prix quand déjà l'inflammation est portée sur ces organes à un degré extrême.
[On administre les boissons nitrées un peu plus tard, lorsque l'inflammation a été calmée, alors que les reins, qu'elle a laissés dans un certain état d'inertie, ont besoin d'être légèrement surexcités.
[Si, malgré la disparition des principaux symptômes de la Néphrite, la sécrétion urinaire ne parait pas se faire avec abondance, non seulement on a recours aux boissons et aux breuvages nilrés, mais encore on fait sur la colonne dorso-lombaire des frictions d'essence de térébenthine, ou l'on y laisse séjourner un fort sinapisme pendant quelques heures.
[Pendant toute la durée de la convalescence, les animaux doivent être tenus à une demi-ration composée de fourrages peu échauffants, le vert de préférence, il faut surtout éviter une indigestion qui, survenant pendant la durée d'une convalescence, serait un accident des plus graves.
[Les formules médicamenteuses à indiquer dans le traitement de la Néphrite aiguë sont fort simples.
[J'ai dit quelles sont à peu près les doses des breuvages rafraîchissants à administrer, et quelle est également la quantité approximative des médicaments. J'ajouterai seulement que pour obtenir du sel de nitre une action assez énergique, il faut le donner à la dose de 30 grammes, en dissolution dans 2 ou 3 litres de liquide; pour une action un peu moindre, de 15 à 20 grammes; et enfin, pour qu'il agisse comme légèrement excitant des fonctions des reins, à la simple dose de 20 grammes dans 4 ou 5 litres de liquide : la même dose et la même quantité de liquide à administrer deux fois par jour.]
ARTICLE II
CYSTITE.
Définition. Fréquence. — [La Cystite est l'inflammation de la vessie. Autrefois, on ne donnait le nom de Cystite qu'à l'inflammation des parois, et l'on appelait catarrhe vésical l'inflammation qui ne paraissait affecter que la membrane muqueuse. Cette distinction n'est pas facile à établir, et d'ailleurs elle serait parfaitement inutile pour l'indication du traitement. La division en Cystite aiguë simple, Cystite aiguë compliquée d'entérite, Cystite chronique, me semble mieux répondre aux nécessités de la pratique.]
§ 1er. — Cystite aiguë simple.
Causes. — [La Cystite aiguë simple est beaucoup plus commune sur le bœuf qu'on ne l'a cru, surtout sur le bœuf de travail. Elle est moins fréquente chez les femelles, et l'on en comprendra facilement la raison. La vessie, chez le bœuf, est invariablement placée et maintenue dans la cavité pelvienne; elle peut acquérir un volume considérable par suite de l'accumulation de l'urine dans son intérieur, sans jamais s'avancer vers la cavité abdominale, l'extrémité postérieure du rumen s'opposant toujours à son déplacement dans ce sens. D'un autre côté, le canal de l'urèthre est d'une capacité relativement peu considérable; aussi, l'évacuation de l'urine ne peut-elle avoir lieu sans des contractions continuelles partant du col de la vessie : ce qui fait que si cet organe se trouve distendu outre mesure, les contractions étant plus faibles, plus lentes à se produire, l'évacuation ne peut se
faire que par un jet saccadé, formé d'un simple filet d'urine. Donc, la vessie peut, chez le bœuf, rester longtemps distendue, et une inflammation plus ou moins intense peut être la conséquence d'un pareil état.
[La Cystite aiguë se déclare par l'effet d'une nourriture composée de plantes âcres ou contenant seulement des principes astringents dans une forte proportion, après que l'animal a pacagé dans des lieux où végètent des renoncules, des tithymales, des coquelicots, le Raphanus raphanistrun, etc., et dans les bois, au moment où se développent les bourgeons du chêne et d'autres grands arbres ou ceux d'arbustes, tels que le genêt, etc. Mais on l'observe plus souvent encore sur des bœufs de travail qui ont été dérangés quand ils commençaient à uriner ou qui n'avaient pu même s'arrêter pour évacuer le premier jet; aussi faut-il considérer le séjour forcé de l'urine dans la vessie comme la cause la plus fréquente et la plus active de la Cystite, les autres causes que j'ai indiquées agissant assurément avec moins d'intensité.]
Symptômes. — [Perte de l'appétit, inrumination, pouls fort et vite, anxiété, agitation de l'animal, accompagnée de trépignements des membres postérieurs et même des membres antérieurs qui sont brusquement fléchis en arrière et sous le thorax, après que l'animal a gratté le sol ou soulevé la litière qui se trouve sous ses pieds. Le bœuf se couche et se relève souvent tant que la distension de la vessie n'est pas arrivée à son point extrême; alors se produisent des essais fréquents d'évacuation d'urine au moyen de contractions générales de tout le train postérieur, sans que les battements ou bonds de l'urèthre soient ni très apparents ni continuels, comme lorsque des calculs se trouvent engagés dans le canal. J'insiste sur cette différence, parce qu'elle importe essentiellement pour la formation du diagnostic de la Cystite aiguë simple et de celui de la Cystite calculeuse, tant que la vessie n'est point rupturée. Toutes les fois, dès le début de la maladie, que le bœuf fait des efforts pour uriner, les matières fécales arrivées dans le rectum sont expulsées avec une certaine violence, et l'anus se contracte même quand il n'existe plus de ces matières dans le rectum. Cette évacuation forcée est due à deux causes bien apparentes : d'une part, aux contractions musculaires qui ont pour but l'évacuation de l'urine, et, d'autre part, à la compression exercée par la vessie distendue outre mesure sur le rectum, compression qui ne fait qu'augmenter jusqu'à ce que ses parois se soient rompues. Pour constater cette distension énorme de la vessie, il n'est besoin que d'introduire la main dans le rectum.
Marche. Durée. Terminaisons. — [La Cystite a une marche rapide, courte et régulière. L'inflammation augmente d'intensité au fur et à mesure que l'urine s'accumule dans la vessie. On peut donc mesurer le degré d'inflammation d'après l'extension de cet organe, et si, dans les deux ou trois premiers jours, la tension n'a point diminué, il y a rupture, et alors le résultat est inévitablement fatal.
[Je dis que la rupture se fait dans les deux ou trois premiers jours; mais il ne faut pas entendre cette expression dans son sens le plus rigoureux, car la vessie peut rester plus longtemps dans un état de distension extrême ou n'y rester que quelques heures. A cet égard, on observe des différences de durée très grandes. Quelquefois, le terme fatal arrive dès le jour de l'apparition des premiers symptômes, mais alors ils ont été très violents; d'autres fois, la vessie reste distendue pendant cinq ou six jours avant de se rupturer : il est vrai de dire que, dans ce dernier cas, la distension s'est faite lentement. Si l'on prive les animaux de boisson, ils urinent beaucoup moins, et l'on peut croire, dans quelques cas, que l'inflammation existant aux reins en même temps que dans la vessie,la sécrétion urinaire adû être moindre qLiedansl'étatnormal.
[J'ignore si la Cystite aiguë simple peut se terminer par résolution sous l'action des seuls efforts de la nature. Cependant, cela me paraît possible lorsque les animaux ne sont point dans de mauvaises conditions hygiéniques; s'ils conservent, par exemple, un peu d'appétit et s'ils ont pu, à l'étable, se nourrir de fourrages verts très aqueux, ou s'ils ont trouvé dans les pâturages une herbe fraîche et tendre. Ce que je sais, c'est que la saignée, les demi-lavements émollients et les boissons mucilagineuses en triomphent aisément.
[Je n'ai pas observé que la Cystite aiguë simple se terminât par la gangrène; mais quand elle est très violente, il arrive parfois que la rupture de la vessie a lieu spontanément, sans que les animaux aient fait aucun mouvement, comme elle a lieu surtout pendant qu'ils se couchent et se relèvent vivement.
[La terminaison par la rupture de la vessie s'annonce par la cessation complète des symptômes les plus graves. Plus de trépignements, l'animal se couche et reste dans cette position jusqu'à ce qu'on le force à se lever. Il ne fait plus aucun effort pour uriner, et si on ne s'assure pas de l'état de la vessie en explorant par le rectum, on peut, au premier abord, croire à une amélioration très sensible. Cependant l'animal refuse de manger, il boit quelquefois et même beaucoup ; mais il ne rumine pas; il grince des dents presque continuellement; il porte sa tête vers le flanc, en l'appuyant sur le thorax. Au moyen de l'auscultation, on entend
avec facilité le gargouillement produit par l'agitation de l'urine épanchée dans l'abdomen, si on presse cette région avec un peu de force et dans plusieurs sens.
[Les auteurs qui ont avancé que le bœuf périssait deux ou trois jours après la rupture de la vessie se sont trompés ; j'ai vu un très grand nombre d'animaux dans cet état pathologique, et pas un, je l'affirme, n'est mort avant que huit ou dix jours se fussent écoulés, et j'en ai vu qui ont vécu de vingt-cinq à trente et même jusqu'à quarante-huit jours.
[Il arrive même qu'un bœuf, ayant déjà l'urine épanchée dans l'abdomen, puisse faire de 20 à 30 kilomètres, pourvu qu'on ne lui fasse pas prendre une allure précipitée. Il marche bien mieux encore, si, ainsi que je l'ai pratiqué plusieurs fois, on fait, au bas de l'abdomen et à droite, une ponction au moyen de laquelle on débarrasse l'animal de plusieurs litres d'urine.]
Lésions. — [A l'ouverture de l'abdomen on trouve une quantité plus ou moins considérable d'urine, et tous les viscères aussi bien que les muscles exhalent une odeur d'urine très prononcée; le péritoine paraît enflammé et les chairs sont décolorées. La vessie est d'une couleur rouge brunâtre, et dans sa partie la plus évasée ordinairement se trouve une déchirure à bords roulés, par laquelle l'urine s'est répandue dans l'abdomen.]
Diagnostic. Pronostic. — [Le diagnostic de la Cystite aiguë simple n'est point difficile à établir : un bœuf se tourmente, il trépigne, il fait de vains efforts pour uriner, ou ses efforts n'amènent qu'un jet peu considérable d'urine roussâtre. Il y a absence de battements réguliers de l'urèthre à son passage sur l'arcade ischiale; l'animal tient la queue soulevée, il fiente avec effort, et en introduisant la main dans le rectum, on trouve la vessie distendue démesurément. Alors rien de plus facile que de reconnaître l'existence d'une Cystite aiguë non calculeuse. L'absence des bonds ou battements suffit pour cela, quand on voit les autres symptômes qui se manifestent : s'il reste des doutes à cet égard, il n'y a, pour les faire disparaître, qu'à se rappeler les circonstances qui ont précédé le début de la maladie.
[Ce travail de la mémoire et de l'intelligence est d'un grand secours en pareille occasion. En recherchant les causes qui ont pu agir défavorablement sur l'économie, et en les étudiant avec soin, on finit par comprendre quels effets elles ont dû produire. C'est ainsi que s'établit le diagnostic.
[Le pronostic de la Cystite aiguë, telle que je viens de la décrire, n'est pas ordinairement fâcheux, si le traitement est rationnel et s'il a pu être mis en pratique dans les premiers temps de la maladie, cinq ou six heures après son apparition; si le traitement
a été retardé, le pronostic peut être fâcheux de plusieurs manières : ou l'inflammation a produit des lésions graves, et alors sa terminaison peut devenir l'état chronique, ou la vessie a été rupturée, et le cas est mortel.]
Traitement. — [En première ligne, la saignée, quel que soit l'état de force et d'embonpoint; seulement, elle devra ètre peu copieuse si l'animal est vieux, maigre ou fatigué par le travail ; abondante et répétée jusqu'à la diminution bien marquée de l'intensité des symptômes, s'il est jeune et vigoureux. Le vaisseau d'élection pour faire la saignée doit être, ou la sous-cutanée abdominale, ou l'artère coccygienne; mais si la saignée n'a pas été assez copieuse par l'un ou l'autre de ces vaisseaux, il ne faut pas hésiter à ouvrir la jugulaire.
[Après la saignée, les demi-lavements tièdes, presque froids, et les boissons mucilagineuses ; mais il est bon de se rappeler, à propos de ces dernières, qu'il n'est pas prudent de les laisser prendre ou de les administrer en breuvages en grande quantité, tant que la vessie est pleine et que l'écoulement de l'urine n'est point rétabli, au moins en partie; car, on le sait, il est des moments où les boissons ne font que passer dans les organes digestifs et sont immédiatement transformées en urine très aqueuse et décolorée. Dans la circonstance qui nous occupe, leur arrivée dans la vessie ne ferait qu'aggraver les accidents.
[Les boissons nitrées sont ici doublement nuisibles : elles surexcitent des organes qui déjà sont beaucoup trop surexcités, puis elles augmentent la sécrétion de l'urine quand l'évacuation ne peut avoir lieu.
[Le sel de nitre administré en dissolution est utile dans bien des. cas; mais il m'a semblé depuis longtemps qu'il ne devait être employé dans le traitement des maladies des voies urinaires qu'avec une extrême circonspection.
[S'il ne convient pas de comprendre les breuvages ou les boissons nitrées dans le traitement de la Cystite aiguë, il est d'indication rigoureuse de tenir constamment sur les reins et jusqu'à l'origine de la croupe, des cataplasmes de mauves ou de farine de lin, et d'administrer fréquemment des demi-lavements ou même des quarts de lavements, afin qu'ils soient mieux retenus et que leur action ait de la durée. Ces lavements sont faits de décoctions émollientes, et dans chacun on ajoute quelques gouttes de laudanum, ou quelques grammes d'assafœtida ou de camphre en dissolution dans des jaunes d'œuf, ou bien encore quelques grammes d'infusion de feuilles de belladone.
[Ce traitement a une efficacité bien marquée, et cela se comprend : si la cause de la Cystite est une rétention d'urine occa-
sionnée par le spasme du col de la vessie, comme cela arrive quand l'animal est empêché d'uriner par un exercice pénible non interrompu, ou si la rétention provient de ce que cet animal a été brusquement remis en marche au moment où il n'avait pas fini d'uriner, le spasme du col de la vessie sera efficacement combattu par l'imbibition ou par l'absorption des demi-lavements laudanisés ou belladonés.
[J'ai obtenu de bons résultats de ce traitement.
[Pour que le lavement soit retenu et absorbé, il est indispensable, avant de l'administrer, de vider le rectum, et l'on devrait même ajouter à cette opération préparatoire l'action de pincer la colonne dorsale du bœuf, aussitôt que le lavement a été introduit dans l'intestin.]
§ 2. — Cystite aiguë compliquée d'entérite, avec hématurie.
Synonymie : Mal de brou, Maladie des bois.
Définition. Fréquence. — [Ici encore, il y a inflammation de la vessie, mais inflammation qui ne se borne pas à cet organe, et qui s'est déclarée en même temps sur l'estomac, l'intestin, les reins et les uretères. Elle a été décrite d'abord par Chabert, sous le nom de Maladie des bois; les vétérinaires qui sont venus après lui l'ont désignée sous le même nom, ou l'ont appelée Mal de brou. Toutes ces dénominations se valent ; elles indiquent la cause principale de l'affection, dont la fréquence tend à diminuer, depuis que l'extension des prairies artificielles a permis aux cultivateurs de nourrir pendant plus longtemps leurs bestiaux à l'étable, et par conséquent de ne pas les abandonner dans les bois, autour des haies et dans les mauvais pâturages, où ne croissent que des plantes âcres.]
Causes. — [La principale cause prédisposante de la Cystite compliquée dont je m'occupe, est le régime débilitant auquel ont été soumis les bestiaux pendant plusieurs mois, et qui, en altérant la vitalité des organes, les a rendus moins résistants à l'action malfaisante des plantes âcres et des jeunes pousses d'arbres ou d'arbustes.
[La cause occasionnelle est une alimentation presque exclusivement composée de bourgeons de chêne, de frêne, de troène, de cornouiller, de pousses d'aubépine, d'ajonc, et, dans les prés, d'une herbe mélangée de moutarde, de colchique, d'euphorbe, de renoncule scélérate, etc.]
Symptômes. — [Le bœuf est triste, son appétit diminue ; il ne rumine ni facilement ni longtemps; il reste couché, regarde son
flanc de temps en temps ; des borborygmes se font entendre dans son abdomen ; les excréments sont secs; il urine fréquemment par jets très courts ; les battements de l'urèthre sont très forts, et l'urine est de couleur roussâtre. La peau est sèche, très chaude, ainsi que la base des cornes; l'animal a le poil piqué et la colonne dorso-lombaire plus sensible que dans l'état normal. Voilà ce qu'est la maladie à son début. Bientôt après, trois ou quatre jours, les symptômes prennent plus de gravité, les conjonctives sont injectées, la bouche est sèche et très chaude, l'appétit a disparu complètement : point de rumination ; l'animal reste fréquemment couché; il regarde son ventre plus souvent ; il piétine; son pouls est dur et ses battements sont tumultueux; la respiration est ac- , célérée et plaintive; enfin, les excréments sont rendus avec effort, ils sont très durs, marronnés et coiffés; l'urine est rougeâtre ; l'hématurie se manifeste. Alors, si on introduit la main dans le rectum, on trouve la membrane muqueuse de cet organe sèche comme du parchemin, et très chaude; si, en même temps, on presse sur la vessie, on la trouve dure, tendue et d'un volume qui doit faire supposer qu'elle est remplie aux deux tiers au moins.
[Chez les vaches, la sécrétion du lait, qui d'abord a diminué, finit par se tarir. Ces animaux se campent pour uriner à chaque instant, absolument comme les mules qui sont en chaleur, et l'urine qu'elles rendent est toujours plus rouge que celle des bœufs atteints de la même maladie.
[Plus tard, on voit se produire des alternatives de chaud et de froid sur toutes les parties du corps, et des sueurs partielles; il y a des animaux qui éprouvent des tremblements dans les membres, des soubresauts aux parties tendineuses ; et une diarrhée fétide, écumeuse et mêlée de stries sanguinolentes succède à la constipation des premiers temps de la maladie. L'animal maigrit très vite, sa peau devient adhérente et complètement insensible ;
il reste couché et ne se lève que vivement aiguillonné, puis soutenu ; s'il parvient à se relever, il reste tremblant sur ses membres écartés, et il se recouche bientôt, ou plutôt il tombe.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [Cette maladie n'a pas une marche en général très rapide. J'ai dit que les symptômes d'abord assez lents à se produire prennent plus de gravité après trois ou quatre jours ; cela est vrai généralement, et cependant, chez quelques sujets, la durée de cette première période est beaucoup plus longue. On voit des animaux travailler pendant huit à dix jours, dans cet état de la maladie, lorsqu'ils ne sont ni trop jeunes ni vieux, si la constitution n'a pas été affaiblie jusqu'à ce moment. Cette durée est donc variable, suivant le degré d'intensité des causes, suivant le temps pendant lequel leur action a pu se faire
sentir, et aussi d'après la force de résistance des animaux ou leur passivité organique.
[La terminaison de cette Cystite n'est point ordinairement fâcheuse. Partout où ses causes sont connues des propriétaires des bestiaux, on s'empresse de les soustraire à leur action, et la maladie s'amoindrit, puis disparaît. Sur bon nombre de ces animaux, les choses se passent de cette manière ; d'autres fois, avec un traitement antiphlogistique, la résolution est encore la terminaison ordinaire. Aussi peut-on dire que la Cystite aiguë simple n'est mortelle que par exception.]
Diagnostic. Pronostic. — [Les symptômes, la dysurie, la constipation surtout, ont un caractère si expressif, et les causes sont si bien connues, que le diagnostic peut être formé sans aucune hésitation. Quant au pronostic, on peut le déduire des considérations qui viennent d'être exposées relativement à la terminaison de la Cystite avec hématurie : il est rarement fâcheux.]
Lésions. — [Les aliments contenus dans le rumen sont desséchés : dans le feuillet, ils sont de couleur brunâtre très foncée, très secs, et pouvant même se briser entre les doigts; ils adhèrent à la muqueuse. La face interne de la caillette est enduite de mucosités épaisses, quelquefois sanieuses : elle est enflammée d'une manière très prononcée ; les intestins grêles sont enflammés également, et leur épithélium se détache facilement. On rencontre souvent des infiltrations et des épanchements sanguins dans le mésentère, sur l'épiploon et sur l'enveloppe graisseuse des reins, et ces organes sont dans un état anormal de dilatation ou de resserrement; la vessie est quelquefois vide et revenue sur elle-même, d'autres fois distendue et volumineuse ; dans ce dernier cas, elle contient une certaine quantité d'urine sanguinolente ; sa membrane est toujours vivement enflammée et souvent ulcérée sur quelques points. D'ailleurs, on observe sur les autres organes toutes les lésions qui sont la conséquence de l'inflammation à laquelle les animaux ont succombé.]
Traitement. — [Comme premier moyen, soustraire immédiatement les bestiaux à l'action de la cause à laquelle on peut en toute certitude attribuer l'apparition de la maladie; ensuite, pratiquer sur ceux qui sont en bon état une forte saignée, puis une seconde le lendemain ou le surlendemain, si la rémission des symptômes n'est pas bien marquée.
[Sur les animaux très jeunes ou vieux et faibles, faire aussi une ou deux saignées proportionnées à l'état de leurs forces, et faire en sorte que l'émission du sang se fasse en un faible jet; car si, par exemple, on ouvrait la jugulaire, et que l'ouverture du vaisseau fournit un gros jet, la bête pourrait tomber en syncope,
quand même ce gros jet arrêté à temps n'aurait fourni que 2 kilos de sang. Après la saignée, on administre à doses modérées, mais souvent répétées, des breuvages de décoction de mauves, de graines de lin, de racines de guimauve, etc. J'insiste sur ce point : ces breuvages ne doivent pas être donnés à doses considérables, pour ne point fatiguer les organes déjà enflammés. D'ailleurs, s'ils ne fatiguaient point l'estomac et les intestins, ils n'atteindraient pas pour cela le but proposé ; ils passeraient vite. Les mucilagineux administrés dans cette circonstance produisent des effets d'autant plus favorables qu'ils parviennent sur les organes irrités lentement et, pour ainsi dire, en nappes minces et légères, agissant presque par imbibition. Il doit en ètre de même quant aux lavements qui, de la même nature que les breuvages, complètent cette partie du traitement.
[Si les animaux témoignent d'une vive douleur quand on exerce une légère compression sur la colonne dorso-lombaire, on applique sur cette partie des cataplasmes émollients; ou ce qui vaut peut-être mieux, vu la difficulté de maintenir les cataplasmes, on fait une forte décoction mucilagineuse avec la graine de lin ou avec des mauves; on y trempe une bande en tissu de laine, et quand elle est ainsi bien humectée de cette décoction, on la place sur la partie où devrait être le cataplasme. Aussitôt que cette bande est refroidie et sèche, on la trempe de nouveau. Ce mode de remplacement des cataplasmes est d'un usage facile.
[Les animaux atteints de la gastro-entéro-cystite avec hématurie, que j'ai simplement désignée sous le nom de Cystite compliquée avec hématurie, doivent être d'abord entièrement privés d'aliments solides ; et quand une légère amélioration commence à se manifester, on peut leur donner une petite quantité d'aliments, parmi ceux qui sont de plus facile digestion ; on les abreuve avec de l'eau blanche, ou mieux encore avec des décoctions légères de mauves, de guimauve ou de graine de lin. Ils ne refusent les boissons de cette nature que lorsqu'elles sont gluantes, ce qui est d'autant plus facile à éviter qu'on les rend plus légères et plus liquides en y ajoutant de l'eau en suffisante proportion. Si on a des fourrages verts un peu tendres, on les donne de préférence à tout autre fourrage.
[Dans le traitement de cette Cystite compliquée avec hématurie, je considère comme dangereux l'emploi du nitrate de potasse, même à faible dose.]
§ 3..- Hématurie.
Synonymie : Pissement de sang.
Définition. Fréquence. — [L'Hématurie est souvent un symptôme de la néphrite, de la cystite; elle est également un symptôme de la maladie de brou ou des bois, qui est en réalité une gastro-entéro-néphrite. Mais on l'observe aussi dans bien des cas, sans que nul symptôme d'inflammation existe, soit dans les reins, soit dans la vessie. L'Hématurie paraît être alors une maladie essentielle, résultant d'une altération du sang. Toutefois, en raison de l'incertitude qui règne sur sa nature réelle, et comme elle offre une certaine ressemblance avec l'hématurie ordinaire, il nous a paru convenable de l'étudier ici.
[Elle est fréquente sur les bestiaux qui ont passé l'hiver et une partie du printemps enfermés dans des étables où se trouvaient réunies toutes les causes qui tendent à amener l'appauvrissement du sang.] Causes. — [Je viens de désigner la principale en parlant de la fréquence de l'Hématurie, et ce qui doit confirmer mon opinion à cet égard, c'est que si les bœufs de travail dont la constitution est robuste se ressentent évidemment de l'influence des causes débilitantes qui ont exercé une action d'une certaine durée, ils y résistent cependant beaucoup mieux que les vaches laitières, dont la constitution se trouve appauvrie par une sécrétion abondante de lait, et mieux aussi que les plus jeunes élèves, dont la constitution n'est pas formée. Telles sont, à mon sens, les causes prédisposantes.
[Quant aux causes occasionnelles, elles se trouvent dans le passage brusque d'une alimentation débilitante, qui se compose de fourrages secs, pris dans un lieu où l'air est ordinairement chargé d'émanations insalubres, à une alimentation de tout autre nature et débilitante également. Lorsque les bestiaux sont envoyés au pacage au commencement du printemps et que, pressés par la faim, ils broutent généralement avec avidité toute l'herbe tendre qu'ils trouvent sous la dent, même les bourgeons à peine développés du chêne, du hêtre, ils sont atteints d'Hématurie.]
Symptômes. — [Un symptôme unique, l'état sanguinolent des urines, caractérise l'Hématurie essentielle. Les animaux malades, vaches ou jeunes sujets, au poil hérissé et long, aux muscles amaigris, à la démarche lente, vacillante, aux membranes apparentes.d'une grande, pâleur, aux oreilles pendantes, arrivent au pâturage où ils passent quelques jours, en apparence dans le même état de santé, paissant avec avidité, ruminant avec régularité, quoique lentement ; puis ces animaux si malingres se mettent
à uriner tout à coup du sang en assez grande quantité, sans qu'il se manifeste d'autre symptôme qu'un peu d'accélération dans le pouls, qui cependant reste mou; et dans tout cela, rien ne témoigne d'une inflammation qui affecterait un organe quelconque. Point de douleur sur la région lombaire, point de difficulté pour uriner, pas le moindre signe de douleur intestinale; seulement un peu de diarrhée, que l'on pourrait attribuer aux digestions incomplètes d'une nourriture trop aqueuse.
[La maladie apparaît subitement quelques jours après que les bestiaux sont entrés dans les pâturages. La terminaison est toujours ou presque toujours favorable, à moins que les animaux ne soient déjà arrivés au dernier degré du marasme.]
lésions. — [Les organes parenchymateux et même les intestins sont comme exsangues. Tous les tissus sont généralement décolorés, blafards, principalement ceux du système musculaire ; les reins sont pâles et contiennent parfois un peu de sang dans les bassinets; la vessie est ordinairement vide ou elle a retenu une très petite quantité d'urine sanguinolente ; sa muqueuse est décolorée. Le cœur est mou, et l'on trouve assez souvent de petits caillots sanguins dans ses cavités, tandis qu'il n'en existe pas dans les gros vaisseaux.]
Traitement. — [Dans l'Hématurie essentielle, il faut agir comme pour toutes les maladies qui résultent de l'altération du sang, c'est-à-dire en rétablissant l'homogénéité de ce liquide et en lui rendant sa plasticité première. La nature ne fait pas autre chose, lorsque l'herbe des pâturages se trouvant mieux développée, moins aqueuse, plus nutritive, on voit l'Hématurie diminuer de jour en jour, et finir par disparaîlre entièrement.
[Donc, point de saignée. Une alimentation de bonne qualité, administrée d'abord à petites rations, pour être augmentée ensuite graduellement; l'emploi du sel de cuisine comme condiment dans les fourrages, afin de soutenir les facultés digestives et de pousser à une complète assimilation, mais en l'utilisant avec circonspection, car l'usage journalier du sel produirait un effet contraire aux indications à remplir.
[On doit faire prendre aux animaux des préparations ferrugineuses et compléter le traitement par des prescriptions hygiéniques. Ainsi : ranimer les fonctions de la peau par des bouchonnements fréquents; soustraire autant que possible les animaux à toutes les causes débilitantes résultant des variations atmosphériques ; ne point les exposer sans transition à un air vif quand ils sortent d'une étable très chaude, ne pas les laisser exposés à la pluie, et, s'ils ont-été mouillés, les ramener promptement dans un lieu où la température est plus élevée, où l'air n'est pas agité.
[Tel est le traitement le plus rationnel de l'Hématurie essentielle. [On donne le sel aux animaux de l'espèce bovine, dans les boissons, dans les breuvages, ou mélangé à des substances alimentaires ; dans le son frisé, par exemple, dans les pâtées que l'on fait avec des racines cuites, etc.
[Les doses sont : pour les bœufs ou vaches adultes et de taille ordinaire, de 64 à 125 grammes;
[Pour les génisses, les taureaux au-dessous de deux ans, de 30 à 60 grammes ;
[Pour les veaux de lait, de 8 à 15 grammes.
[Ces doses ne doivent être données qu'une fois tous les huit jours. [On abuse quelquefois du sel; mais ici l'indication est précise : on l'administre à des intervalles marqués, dans l'unique but d'exciter convenablement les organes digestifs. Les ferrugineux et les toniques amers complètent le traitement.
[Les préparations ferrugineuses que l'on peut employer dans le traitement de l'Hématurie essentielle par altération du sang sont nombreuses. Les principales sont le sous-carbonate de fer en poudre et la limaille de fer. Celle-ci est rarement pure dans le commerce; elle est parfois rouillée, ce qui n'offre pas d'inconvénient ; mais elle peut être mélangée de battitures, petites paillettes d'oxyde noir de fer à peu près inertes. Enfin, elle peut renfermer du cuivre, du zinc, etc., ce qui ne présente de la gravité que lorsque ces métaux s'y trouvent en quantité notable.
[Le fer en limaille, le carbonate de fer, s'administrent ou en électuaire ou en bol; on peut aussi, les mélanger au son, à la pâtée. Ce médicament doit être donné pendant le repas ou peu de temps après, parce qu'il ne devient actif que par sa dissolution au moyen du suc gastrique, et que c'est alors qu'il rencontre ce fluide en plus grande quantité; on peut aussi favoriser sa dissolution en y ajoutant du bitartrate de potasse.
[La dose de limaille de fer est, pour les bœufs ou vaches adultes, de 32 à 64 grammes; pour les génisses ou taureaux audessous de deux ans, de 16 à 30 grammes; pour les veaux de lait, de 8 à 16 grammes. Quand on emploie le carbonate, la dose est doublée. Si l'on ajoute du bitartrate de potasse à la limaille, il n'est pas nécessaire d'en porter la dose au delà de 20 à 30 grammes. A une dose quatre ou cinq fois plus forte, il agirait comme laxatif, ce qu'il faut éviter.
[On peut employer aussi l'eau ferrée. La meilleure est celle que l'on trouve dans l'atelier d'un maréchal, parce que c'est celle qui est la plus chargée d'oxyde noir de fer et de carbonate de la même base.
[Il y a enfin l'eau rouillée que l'on prépare en déposant dans une certaine quantité d'eau du fer rouillé. Cette eau se'donne en boisson.]
§ 4. — Hémoglobinémie.
Friedberger et Frôhner appellent ainsi un état morbide complexe consistant essentiellement « soit en une décomposition du sang produite par des agents toxiques et infectieux, soit en une hémoglobinémie myogène, c'est-à-dire rhumatismale ». Cette maladie, qui se traduit surtout par la teinte rouge de l'urine et que l'on a souvent confondue avec l'hématurie, se montre parfois à l'état épizootique dans les régions basses et marécageuses. Elle apparaît sous cette forme en Roumanie où elle fait périr annuellement plus de 30 000 bêtes bovines. — Babès a démontré que cette maladie est due à un microbe (diplococci) qui se trouve dans le sang, soit à l'état de liberté, soit fixé aux globules rouges ou même contenu dans l'intérieur de ceux-ci. — L'inoculation du sang ou des cultures pures de ce microbe, à dose suffisante, reproduit la maladie chez les animaux de l'espèce bovine.
« Ses principaux symptômes sont : la prostration, la suppression de l'appétit, la difficulté de la marche, une fièvre intense, la coloration rouge de l'urine (qui renferme généralement de l'albumine et de l'hémoglobine), de la constipation ou de la diarrhée avec ténesme. Vers la fin de la maladie, les animaux restent continuellement couchés et l'urine est rouge foncé ou noirâtre; on constate en outre du larmoiement, des tremblements musculaires et de l'œdème sous-cutané (1). »
Sa durée moyenne est de dix à quatorze jours; elle peut se terminer par la guérison et une première atteinte ne confère pas l'immunité.
Les lésions procèdent essentiellement du microbe découvert par Babès : le sang est noir, la rate est hypertrophiée, les muscles sont pâles, et il existe çà et là, entre les plans musculaires, des infiltrations séro-sanguinolentes, notamment dans la croupe, l'épaule, l'encolure. On observe aussi les lésions du catarrhe intestinal aigu, de l'entérite hémorragique et quelquefois celles d'une pneumonie ayant déterminé la mort.
L'hémoglobinémie est une maladie microbienne qui se déclare lorsque les animaux paissent dans des pâturages marécageux ou bien lorsqu'on les nourrit avec du foin provenant de ces pâturages. Les refroidissements que les animaux peuvent éprouver soit à l'étable, soit aux pâturages exercent aussi une grande influence sur le développement de cette maladie.
(1) Pathologie et thérapeutique spéciales des animaux domestiques, par Friedberger et Frôhner, traduit de l'allemand sur la deuxième édition par Cadiot et Ries, L. I, p. :; 15.
Pour la prévenir, il ne faut pas faire paître les animaux par un temps froid et humide : s'abstenir de les conduire dans des pâturages marécageux ou tourbeux. « Dès que la maladie a fait son apparition, on doit retenir les animaux à l'étable. Le mal lui-même est fort difficile à atteindre ; il faut se borner à faire de la médecine des symptômes, combattre la constipation du début par les laxatifs, et la diarrhée par les styptiques (sulfate de fer. 15 à25 grammes ; alun, 15 à 25 grammes ; tannin, 15 à 25 grammes ;< sucre de Saturne, 2 à 5 grammes; opium, 10 à 20 grammes, etc.); on peut également essayer le fer pulvérisé (2 à 5 grammes). La saignée doit être proscrite, surtout lorsque la maladie est bien accusée et qu'elle existe depuis quelque temps. » (Friedberger et Frôhner.)
ARTICLE III
CYSTITE CHRONIQUE CALCULEUSE.
Synonymie : Gravelle.
Définition. Fréquence. Division. — [On désigne sous le nom de Gravelle l'ensemble des symptômes qui précèdent, suivent ou accompagnent la présence de concrétions dans les urines ou de celles qui, entraînées par les urines, restent enchatonnées dans la membrane muqueuse de la vessie, ou qui, engagées dans le canal, s'y arrêtent à l'S ordinairement et interceptent entièrement l'écoulement de l'urine.
[Quand un bœuf est atteint de la Gravelle, les bouviers disent qu'il a le sable, qu'il a la pierre, et les hommes de l'art disent qu'il a des calculs.
[Cette maladie s'observe très fréquemment sur les bœufs employés aux travaux des champs. Je ne l'ai pas observée sur des vaches, mais dans ma pratique, j'ai vu, tous les ans, de cinq à dix bœufs au moins qui en étaient atteints, et il est très rare que lorsque cet état pathologique est constaté sur un de ces animaux, on ne le remarque pas en même temps, à quelques jours de différence près, sur plusieurs autres. C'est ordinairement quand ils sont soumis au régime sec, en décembre, janvier ou février.
[Sur le bœuf, les concrétions urinaires, considérées au point de vue de leur volume, peuvent être divisées : 1° en sables ou sédiments pulvérulents ; 2° en graviers ou concrétions un peu plus grosses, mais qui, n'excédant point par leur volume les limites du diamètre ou de la dilatabilité de l'urèthre, peuvent être expul-
sés spontanément ; 3° enfin, en calculs urinaires ou pierres, concrétions beaucoup plus grosses et dont le volume est supérieur au diamètre du conduit excréteur.
[La composition chimique des calculs du bœuf, gros ou petits ou sablonneux, comprend plusieurs éléments, parmi lesquels domine le phosphate de chaux.
[Leur grosseur varie depuis celle du sable le plus fin jusqu'à celle d'un très gros pois ; ils sont arrondis ordinairement, mais on en trouve qui portent des aspérités, ou sont anguleux, comme ceux qui sont enchatonnés dans la membrane muqueuse de la vessie et dans le canal de l'urèthre ; ils sont libres dans beaucoup de cas, et j'ai fait de nombreuses autopsies qui me les ont toujours montrés dans cet état.
[Verheyen a fait des Calculs vésicaux une description très exacte : [« Ces calculs, dit-il, sont blancs ou bruns : cette dernière nuance provient d'une enveloppe brune, mince, recouvrant la couche périphérique blanche. Ils ont une forme sphérique, leur surface est inégale, bosselée ; le noyau se compose d'un gravier de carbonate calcaire, auquel viennent s'accoler quatre à six autres graviers que le mucus agglutine au premier. Blancs sur la coupe, quelques couches brunes les traversent. Pesanteur spécifique, 1,265 à 1,376. Ils sont constitués par l'acide silicique (57 p. 100), le carbonate de chaux et de magnésie, de la matière organique et des traces de fer. »
[Taylor a fait connaître une seconde variété de concrétions vésicales du bœuf, qu'il désigne sous le nom de Calculs perlés. Verheyen ramène à six variétés les Calculs uréthraux du boeuf : vert brillant, blanc arrondi, blanc réticulé, blanc jaunâtre, brun jaune, blanc sale.]
Causes. — [Si les causes de la Gravelle sont peu connues, il en est cependant qui, tout obscures et incertaines qu'elles soient, ne laissent pas de pouvoir être considérées comme prédisposantes, du moins en ce qu'elles ont une influence marquée sur la manifestation des symptômes de la Gravelle. Ainsi les bœufs ne sont presque jamais malades de la pierre, tant qu'ils sont nourris avec des fourrages verts. On dit, à la vérité, que cela tient à ce que sous l'influence de ce régime l'urine est sécrétée en plus grande quantité, qu'elle est plus fluide et que par conséquent elle entraine avec elle les calculs qui, n'ont pas un trop grand volume. Cela peut être ; mais on voudra cependant remarquer que, malgré l'abondance et la limpidité des urines, les calculs dont le volume serait supérieur au diamètre du canal ne resteraient pas moins arrêtés dans l'S.
[Ne serait-il pas plus exact de dire que le régime du vert a
pour conséquence, en rendant les urines plus fluides et plus abondantes, de s'opposer à la formation des couches sédimenteuses successives qui donnent au calcul son volume, et que, la diathèse calculeuse existant, ce régime peut en amoindrir les effets ?
[La qualité des fourrages peut bien être aussi pour quelque chose dans la formation des calculs ; si ces fourrages sont vasés habituellement, ou si les animaux vont paître constamment une herbe qui pousse sur un terrain sablonneux, il ne serait pas tout à fait illogique de supposer qu'un pareil régime a une part d'action dans l'existence de la diathèse calculeuse.
[Et maintenant examinons la Gravelle dans chacune des divisions formées au point de vue du volume des concrétions urinaires.
[LRE DivisioN. - Sables ou sédiments pulvérulents. — La diathèse calculeuse du bœuf n'a pas toujours une gravité alarmante, dans ce sens que sa marche et sa durée permettent au praticien d'indiquer au propriétaire, en temps opportun, le parti le plus avantageux qu'il peut tirer d'un animal sur lequel la Gravelle se présente sous cette forme.
[On voit des bœufs qui, pendant plusieurs années, ont rendu, entraînée dans les urines, une certaine quantité de sédiment sablonnneux. On sait que les bœufs attelés à la charrue urinent assez souvent, et que les bouviers soigneux attendent qu'ils aient fini avant de jles remettre en marche. Cela fait que souvent les bouviers ont l'occasion de remarquer les circonstances de l'évacuation urinaire, et j'en ai trouvé plusieurs qui, frappés des différences de couleur ou de limpidité qu'ils avaient observées, m'en ont demandé la raison.
[Certes, j'ai été embarrassé plus d'une fois pour leur donner une explication satisfaisante... pour moi, et alors, je leur faisais la recommandation de recueillir une certaine quantité d'urine, et de la: conserver pour que je pusse l'examiner. Je n'ai pas toujours pu faire à temps la vérification que je m'étais proposé ; mais quand cela m'a été possible, j'ai constaté que lorsque l'urine est rendue en un jet trouble qui paraît tomber lourdement, elle dépose ordinairement une couche de sédiment sablonneux plus ou moins épaisse. J'ai observé longtemps des bœufs qui m'avaient fourni l'occasion de constater ce phénomène pathologique, et jamais je n'ai remarqué qu'ils aient paru s'en porter moins bien; ils ont travaillé jusqu'à l'âge de dix ou douze ans, et se sont engraissés avec autant d'avantage pour le propriétaire que les autres bœufs.
[La diathèse calculeuse ne présente donc aucun danger pour le bœuf tant qu'elle n'est que sédimenteuse.
[Et ne perdons pas de vue que, dans ce moment, je parle des
bœufs appartenant aux races travailleuses que j'ai observées plus particulièrement : la race gasconne, la garonnaise, la bazadaise, l'ariégeoise, la race Salers, et même celle d'Aubrac, que j'ai vue à l'œuvre dans le département du Lot.
[Je signale ces races, parce qu'elles vivent et travaillent sur des terrains qui diffèrent entre eux de composition, et dont les fourrages varient également entre eux par leurs propriétés nutritives, et cela pour en revenir à cette conclusion que l'influence de la constitution géologique du sol n'est pas démontrée.
[21 DIVISION. — Concrétions ayant et peine le volume d'une tête d'épingle. — Cette maladie n'a été signalée par aucun auteur. Je l'ai observée plusieurs fois; je vais la décrire très succinctement, et j'espère que le praticien pourra la distinguer avec facilité.
[Le bœuf qui en est atteint n'est pas jeune ordinairement; mais il travaille et jouit en apparence d'une très bonne santé, excepté pourtant quand il se prépare à uriner. Alors on le voit agiter la queue pendant un moment, remuer de droite à gauche et de gauche à droite son train postérieur : on dirait qu'il commence à souffrir de coliques. Bientôt les bonds ou battements de l'urèthre paraissent; mais pendant une minute au moins ces bonds ne font pas jaillir l'urine du pénis. Ce n'est qu'après ces contractions, faites en apparence inutilement, que l'animal commence à uriner, en un filet plus ou moins ténu, mais jamais du volume ordinaire. Ainsi, on reconnaît très bien que le boeuf n'urine pas, comme l'on dit, à plein canal.
[Aussi, il est très long 1:1 exécuter cette fonction : c'est, dit le bouvier, le seul défaut qu'il ait.
[Les choses marchent de cette manière pendant un temps plus ou moins long, et le jet d'urine va en diminuant peu à peu de volume, jusqu'à ce qu'enfin il arrive un jour où le bœuf ne peut plus uriner. La vessie se distend, les coliques deviennent atroces et continues, puis la rupture se fait et une péritonite mortelle se déclare.
[Mais si le vétérinaire est arrivé avant la rupture de la vessie, et qu'il suppose que les accidents dont il est témoin résultent de l'arrêt d'un calcul dans l'S du canal, il pratique une ouverture artificielle; il est tout surpris de reconnaître que, même la vessie n'étant pas encore rupturée, il ne coule point d'urine par cette ouverture. Cependant, s'il introduit une sonde dans le canal à travers l'ouverture qu'il vient de pratiquer dans le but de chercher à se rendre compte d'une manière quelconque de l'insuccès de son opération, il ne tarde pas à trouver un commencement d'explication : l'extrémité de la sonde introduite a rencontré une résistance, le canal est comme oblitéré, et l'opérateur ramène
avec cette extrémité même de la sonde du gravier très menu ou du sable.
[C'est qu'il n'y a pas dans le canal un calcul arrêté à l'S ; mais, dans toute l'étendue de cet organe, il y a des incrustations calculeuses qui ont pris toute la place vide.
[Voilà ce qui se passe : une portion plus ou moins considérable de la vessie est garnie de ces incrustations, lesquelles ont fini par occuper également toute la surface libre du canal. J'ai fait trois autopsies de bœufs de travail atteints de cette maladie, et si je n'en ai pas pratiqué un plus grand nombre, ce n'est pas que les sujets aient pu me manquer, mais bien parce qu'une fois les symptômes de cette Cystite chronique calculeuse bien constatés, je recommandais vivement aux propriétaires des animaux malades de les livrer au boucher.
[Après l'observation de symptômes aussi évidents et aussi caractéristiques, le diagnostic est facile, et le pronostic toujours fâcheux. Et, remarquons-le bien, c'est un bœuf qui ne parait souffrir et se tourmenter que pendant un espace très court avant d'uriner, qui ne parvient à faire jaillir l'urine qu'en un très petit filet, qui met beaucoup de temps à remplir cette fonction, qui recommence souvent. Cette difficulté d'uriner tient d'une part à la diminution de capacité de la vessie, et de l'autre à la diminution graduelle de la capacité du canal, diminution dont la cause première est l'écoulement d'urines constamment sédimenteuses à un très haut degré. Un bœuf affecté de cette manière est dans un état incurable.
[D'ailleurs, si, après l'observation des symptômes que j'ai rapportés, il reste des doutes, on peut très facilement les lever, en recueillant une certaine quantité d'urine rendue par le bœuf; et l'on distinguera bientôt qu'elle a déposé au fond du vase un sédiment sablonneux, que l'on reconnaît parfaitement, à la vue d'abord, et puis au toucher.
[Je ne parle pas des causes de cette maladie, je me suis déjà expliqué à ce sujet. Les bœufs que j'ai reconnus atteints de la Cystite chronique calculeuse vivaient dans les lieux où beaucoup d'autres animaux n'étaient pas affectés de calculs et ne rendaient point des urines sédimenteuses; ils s'abreuvaient aux réservoirs communs : donc, causes inconnues et traitement inutile.
[3e DIVISION. — Concrétions un peu plus grosses et progressivement graviers, calculs oupierres. — Les observations les plus fréquentes que j'ai faites sur le bœuf appartiennent à cette division, dont l'étude fera l'objet de l'article suivant.]
ARTICLE IV
CALCULS URÉTHRAUX.
Symptômes. — [S'il se manifeste des symptômes précurseurs, ils ne sont jamais observés ni par le bouvier, ni parle vétérinaire. Aussitôt que celui-ci se trouve auprès de l'animal malade, il le voit tourmenté par des coliques qui lui paraissent douloureuses à l'excès. L'animal se couche, se relève avec violence ; il gratte la terre ou la litière avec ses pieds de devant, et avec ceux de derrière il frappe ou il appuie brusquement sous son ventre, ou bien il lance des ruades. Alors, plus d'appétit ni de rumination. Les battements ou bonds du canal de l'urèthre à son passage sur l'arcade ischiale sont très forts et incessants ; que l'animal soit couché ou qu'il reste campé un moment sur ses membres, les battements ne discontinuent point. Si l'on explore la vessie, en introduisant la main dans le rectum, on la trouve fortement distendue, très dure, portée en arrière, et comprimant le rectum de manière à provoquer l'expulsion violente de tous les excréments qui parviennent dans cet organe.
[Si on cherche à saisir avec la main le pénis au-dessus du scrotum, à l'endroit formant l'S, cette partie du canal paraît être très douloureuse; quelquefois on trouve la saillie que fait le calcul dans cette portion du canal.
[Voilà pour les symptômes existants, tant que la vessie n'est point rupturée; et la rupture est la terminaison fatale de l'accumulation de l'urine dans cet organe. Cette rupture a lieu, dans bien des cas, quelques heures à dater du moment où les premiers symptômes ont apparu, huit ou dix heures par exemple, et d'autres fois après un temps plus long : quinze, vingt heures ou même trente. Ces derniers cas sont les moins communs.
[Quand la vessie est rupturée, l'animal éprouve subitement un soulagement bien marqué, et alors cessent les bonds ou battements; car il ne faut pas confondre ces battements avec des mouvements vermiculaires à peine sensibles, que l'on peut remarquer toutes les fois que l'anus se contracte. Il faut bien faire attention à cette différence, pour ne pas s'exposer à tenter une opération tout à fait inutile. D'ailleurs, si encore l'on éprouve quelques doutes sur l'existence de la rupture, ils doivent disparaître par l'exploration de l'état de la vessie. Si elle est rupturée, la saillie bosselée qu'elle formait et que l'on trouvait par l'exploration rectale a disparu, et l'on perçoit au contraire très bien le vide qui s'est fait dans le bassin.
[J'ai assez longuement traité dans les articles précédents des symptômes qui annoncent l'existence des calculs engagés et retenus dans le canal de l'urèthre, pour ne pas avoir besoin de les répéter en vue de l'établissement du diagnostic : les bonds de l'urèthre ne cessent point, la bosse vésicale est énorme dans le rectum ; l'animal éprouve des douleurs atroces et il n'urine point. Ces signes sont suffisants.
[Pour diagnostiquer la rupture de la vessie, c'est différent. [Les renseignements sur les phénomènes qui ont existé avant le calme apparent dont je viens de parler sont très importants à recueillir, quoique l'on puisse à la rigueur s'en passer; mais enfin ces renseignements mettent tout de suite le vétérinaire sur la voie. Il sait qu'il y a eu rétention d'urine, et le voici en présence d'un animal qui n'a pas uriné depuis que les douleurs paraissent calmées. Cet animal est couché ; il ne rumine point ; il n'a pas mangé ; sa peau est froide ; il tient la tête souvent appuyée sur la litière ou sur l'épaule. En percutant, ou mieux en pressant par saccades les parois abdominales, on distingue très bien le glouglou du liquide épanché dans cette cavité, et, signe certain, constant et qui ne trompe jamais, l'haleine du bœuf sent l'urine, peu de temps après la rupture de la vessie; et un peu plus tard, la transpiration cutanée exhale la même odeur.
[Dans cet état, l'animal peut vivre pendant plusieurs jours comme on l'a vu ci-dessus (p. 210).
[Je crois que le praticien qui ne se trouve pas pour la première fois en présence de cette maladie n'a pas besoin d'une longue investigation pour diagnostiquer la rupture de la vessie, s'il peut observer les symptômes que je viens de décrire; mais, dans le doute, il doit faire placer autour des reins du bœuf une ceinture qui, passant sous le ventre, recouvre l'extrémité de la verge, et indique suffisamment par son état sec ou humide s'il y a eu évacuation d'urine pendant l'absence des personnes préposées à la garde de l'animal.
[Cette précaution, je l'ai indiquée souvent, lorsque j'étais appelé pour donner des soins à un bœuf que l'on croyait atteint de calculs et que je ne pouvais me rendre sans retard auprès de cet animal. Cette maladie étant très fréquente, surtout quand l'animal est mis au vert sans aucune préparation, les propriétaires, qui croient toujours à l'existence de la colique la plus dangereuse, annoncent invariablement que le bœuf a la pierre. Alors pour les rassurer, s'il n'y a point de calcul, je recommande l'usage de la ceinture.
[Le bœuf dont la vessie est rupturée peut, même dans cet état, faire une course assez longue, si on ne force pas l'allure de son pas et surtout si, comme je l'ai déjà dit, on a ponctionné l'abdo-
men, pour alléger cette cavité d'une partie de l'urine qui s y trouve épanchée. Mais livré à lui-même, il reste couché sans faire de grands mouvements; seulement il soulève de temps en temps les pieds postérieurs qui portent sur la litière, comme s'il voulait, dans cette position, chasser des mouches. Sa respiration est plaintive par moments, pendant les premiers jours, puis elle l'est continuellement sans être très bruyante.]
IlÀésions. — [Les lésions sont toujours les mêmes, quand elles ont eu pour cause première ou qu'elles ont accompagné la rupture de la vessie : une grande quantité d'urine épanchée dans l'abdomen, l'odeur urinaire et la décoloration des chairs, une déchirure dans le fond de la vessie, une couleur noire et un épaississement de ses parois, l'inflammation générale ou partielle des organes renfermés dans la cavité abdominale principalement, enfin quelquefois une masse de calculs dans la vessie, quelques-uns souvent dans les reins, et, dans le canal de l'urèthre à l'S, le calcul qui a occasionné la rétention d'urine, telles sont les lésions que l'on rencontre à peu près constamment.]
Traitement. — [Il n'y en a pas d'autre que l'uréthrotomie. Elle se fait au lieu d'élection sur l'arcade ischiale, ou à quelques centimètres au-dessous, ou bien à l'S du pénis.
[Ici, je dois présenter quelques observations : quand le vétérinaire est appelé pour donner des soins à un bœuf atteint d'une rétention d'urine, occasionnée par la présence d'un calcul dans l'urèthre, il n'a pas toujours le choix des procédés opératoires. S'il arrive dans un moment où la rétention d'urine s'est manifestée depuis quelques heures, il peut craindre la rupture de la vessie, et cette rupture peut être déterminée par les mouvements brusques et violents auxquels se livre l'animal, qui se laisse tomber tout à coup comme une masse, et se relève par un bond violent. La vessie est distendue outre mesure, et alors est-il prudent de fixer l'animal par la tête et de lui passer des entraves, ou une corde autour des flancs, pour le maintenir et se préserver de ses ruades, qu'il détache fort bien en arrière, quand il ne peut les détacher par côté et en avant? Cela étant, a-t-on le choix de faire, dans le sens de la longueur du canal, une incision très régulière? Et quand on ne réussit pas du premier coup à faire jaillir l'urine contenue dans le canal, faut-il attendre, faut-il abattre l'animal, ou le mettre dans un tel état de gêne, qu'en se défendant il fasse éclater les parois de la vessie? Évidemment non. Aussi, lorsqu'en pareille occasion je n'ai pas d'un premier coup ouvert largement le canal dans le sens de sa longueur, j'agrandis l'ouverture déjà faite en travers, quand même je devrais faire entièrement la section du canal dans ce sens.
[Il faut que l'urine sorte, voilà le point principal, et d'ailleurs qu'importe, dans ce cas, que l'incision soit tout à fait transversale ou longitudinale? On fait uriner le bœuf pour qu'il vive et qu'il puisse s'engraisser ou se rétablir, afin d'en tirer un meilleur parti, et ce but est atteint, si l'on a pu donner issue à l'urine.
[Quoi qu'il en soit, une fois l'incision pratiquée, l'urine doit jaillir, à moins que le calcul ne se trouve engagé dans le col de la vessie, ce qui est rare, mais ce qui néanmoins se présente quelquefois ; si elle n'a point jailli et que la vessie ne soit point rupturée, on introduit une sonde en la faisant glisser vers le col, et l'on refoule le calcul dans la vessie. L'urine coule rarement pure, après l'opération; elle est ordinairement sanguinolente, et il y a une hémorrhagie assez considérable; il ne faut pas s'en préoccuper, elle s'arrête d'elle-même. D'ailleurs, quand elle est abondante, on peut s'en féliciter, parce qu'elle agit en calmant l'irritation ou plutôt l'inflammation de la vessie.
[L'incision uréthrale pratiquée sur l'arcade ischiale ou audessous n'est pas le seul procédé que l'on puisse employer, surtout quand on a du temps devant soi, c'est-à-dire quand la rétention d'urine n'est pas arrivée au point de faire craindre une rupture imminente. La grosseur et la tension de la bosse vésicale, ainsi que le temps qui s'est écoulé depuis l'apparition des symptômes, doivent fixer à cet égard. Donc, si l'on a du temps, si l'on est assuré que la cause de la rétention est un calcul arrêté dans l'S, on attache le bœuf de manière à pouvoir opérer en sécurité, mais sans jamais l'abattre, afin d'éviter une chute qui pourrait occasionner la rupture, et l'on pratique l'incision du canal sur la partie même de l'S où se fait sentir le calcul. Ici, l'incision doit être longitudinale, c'est de rigueur, sous peine de donner lieu plus tard à une fistule urinaire ; puis on enlève le calcul. Si ce calcul est unique, l'opération est terminée, et elle a une réussite momentanée qui épargne au bœuf bien des souffrances, conséquence ordinaire de l'uréthrotomie pratiquée vers l'arcade ischiale.
[Mais dans ce cas comme dans les autres dont j'ai parlé, il importe de mettre promptement le bœuf en état d'être livré à la boucherie ; car il n'y a jamais un calcul seul, ils sont toujours en nombre dans la vessie, et à chaque instant on peut en voir un autre s'engager dans le canal et s'arrêter à l'S. J'ai recueilli plusieurs observations de ce genre, et il m'est arrivé de voir des calculs se présenter à l'ouverture de l'urèthre pratiquée vers l'arcade ischiale.
[Au reste, cette incision tend sans cesse à se cicatriser quand elle n'est point transversale; il faut l'agrandir tous les quinze ou vingt jours. J'ai vu plusieurs bœufs de travail qui ont vécu et tra-
vaillé n'ayant pas d'autre moyen d'uriner que cette ouverture artificielle du canal. On ne les avait pas engraissés, parce qu'on n'en avait pas les moyens, et l'on s'en servait tels qu'ils se trouvaient.
[Quand un bœuf urine au moyen d'une ouverture artificielle, il faut avoir le soin de tenir constamment les parties sur lesquelles l'urine peut se répandre, recouvertes d'une couche onctueuse de suif, de graisse, de beurre ou d'huile, afin d'éviter qu'elles se dépilent et s'irritent.
[Sile bœuf opéré de l'uréthrotomie ne reprend pas quelque temps après, une heure ou deux, tous les signes de la santé; si les urines ne s'écoulent pas limpides ; si elles sont fortement colorées ; si l'appétit n'est pas revenu avec la rumination ; si, en introduisant la main dans le rectum, la région vésicale paraît douloureuse à la compression ; si l'animal regarde son ventre de temps en temps, ou s'il reste couché, et, quand il se lève, s'il n'exécute pas entièrement le mouvement de pandiculation, c'est que le séjour prolongé de l'urine dans la vessie et la distension forcée qu'a éprouvée cet organe ont provoqué une cystite, et alors il faut saigner l'animal aux sous-cutanées abdominales, si c'est possible, ou à l'artère coccygienne.
[Après la saignée, on administre des boissons mucilagineuses nitrées. Ici le nitrate de potasse est bien indiqué; l'expérience l'a prouvé; et peut-être l'explication du bon résultat produit dans ces affections calculeuses se trouve-t-elle dans une action spécifique de cette substance, dans une modification de l'état diathésique. Ainsi, je crois à une action peu salutaire du nitrate de potasse dans des inflammations non calculeuses des organes urinaires, et à son action utile dans le traitement des affections accompagnées de formation de calculs.]
ARTICLE V
CYSTOCÈLE.
Définition. Fréquence. — On désigne sous le nom de cystocèle une hernie formée par le déplacement de la vessie. Cet accident a été quelquefois observé chez la vache, à la suite d'une parturition difficile ou d'un renversement de la matrice. Dans ce cas, la vessie fait hernie dans le vagin, et c'est seulement de cette variété de hernie dont nous allons parler, car il n'est pas à notre connaissance que l'on ait, chez la vache comme chez la femme, observé des cystocèles pb'inéales, crurales et inguinales.
Symptômes. — Ils varient suivant la manière dont la hernie s'est produite. Tantôt, en effet, au moment d'un effort expulsif, la vessie, en état de vacuité, peut se retourner sur elle-même à la manière d'un doigt de gant et s'échapper par le méat urinaire; tantôt elle s'engage directement par une sorte de mouvement de bascule d'avant en arrière, dans une déchirure de la paroi inférieure du vagin.
Dans le premier cas, on se trouve en présence d'une tumeur rougeâtre, tenant au vagin par une sorte de pédicule. La surface de cette tumeur présente des plis entre lesquels on découvre deux ouvertures qui ne sont autre chose que les orifices des uretères, d'où l'on voit d'ailleurs sourdre de l'urine aisément reconnaissable à son odeur. Il peut même arriver que l'urine s'échappe en jets saccadés au moment des efforts expulsifs.
Dans le second cas, la cystocèle vaginale se caractérise par une tumeur arrondie ou ovoïde, lisse, fluctuante, dont le volume s'accroît rapidement par suite de l'accumulation incessante de l'urine dans son intérieur. Ce symptôme, qui permet à lui seul de reconnaître l'accident, est la conséquence du déplacement de la vessie. En effet, le fond de cet organe se trouve maintenant vers la vulve et pèse de tout son poids sur le canal de l'urèthre qui est, en outre, replié sur lui-même de telle sorte que l'urine ne peut plus s'écouler au dehors.
Diagnostic. — Au premier abord, on peut confondre la tumeur formée par la hernie de la vessie avec la poche des eaux, en raison de son aspect lisse et de la fluctuation qu'elle présente. Mais par un examen attentif, on arrive aisément à distinguer ces tumeurs. En effet celle qui est formée par la poche des eaux augmente à chaque contraction utérine et s'affaisse dans l'intervalle des douleurs. Bientôt elle arrive à former en dehors de la vulve une tumeur allongée, à parois minces et transparentes ; puis elle se rupture et les eaux s'échappent. Il est même recommandé, dans la pratique obstétricale, de ne pas ponctionner la poche des eaux qui se rompt toujours au moment opportun et parfois même, comme le dit M. Saint-Cyr, plus tôt qu'il ne faudrait. Une prudente expectation suffira donc pour établir sûrement le diagnostic différentiel et le praticien ne commettra pas ainsi la faute grave de ponctionner largement une hernie de la vessie prise pour la poche des eaux, comme cela s'est vu.
Les kystes du vagin peuvent être confondus avec la cystocèle vaginale, et dans ce cas encore, l'erreur peut avoir des suites funestes. On arrivera à différencier ces deux sortes de tumeurs, en se rappelant que la hernie de la vessie forme une saillie qui s'accroît sans cesse par suite de l'impossibilité ou tout au moins de
la très grande gêne de la miction. Ce symptôme, qui est véritablement pathognomonique, permettra toujours au praticien de reconnaître exactement la nature de la tumeur en présence de laquelle il se trouve, et d'agir en conséquence.
Pronostic. — Il n'est pas toujours fâcheux, comme on l'a avancé autrefois. On sait aujourd'hui, grâce aux observations et aux recherches de Violet, que l'on peut guérir radicalement la cystocèle vaginale, par la ponction de la vessie pratiquée comme il est dit ci-après.
Traitement. — L'indication à remplir consiste à opérer la réduction du viscère déplacé. A cet effet, il faut préalablement vider la vessie afin de diminuer son volume et la remettre dans sa situation normale. Pour cela, il convient d'abord de chercher à pratiquer le cathétérisme de la vessie. On sait que chez la vache, comme d'ailleurs chez les autres femelles, le méat urinaire est plus large que le canal uréthral du mâle et peut admettre ainsi des sondes d'un assez fort calibre. A défaut de sonde, on pourrait se servir d'une jeune pousse de sureau débarrassée de sa moelle.
Si l'on ne pouvait pratiquer le cathétérisme, toujours assez difficile chez la vache et qui l'est encore davantage dans le cas de hernie vésicale, il serait indiqué d'avoir recours à la ponction de la vessie suivant le procédé de Violet.
Ce procédé consiste à faire pénétrer obliquement dans la paroi supérieure de la vessie, — devenue inférieure, — un fin trocart d'essai, de manière à lui faire parcourir un certain trajet dans l'épaisseur des parois de la vessie avant de perforer la muqueuse. On voit que ce procédé est une imitation très ingénieuse de la disposition naturelle des uretères à leur terminaison, et c est ce qui explique sans doute son innocuité. Nous le recommandons donc en toute confiance aux praticiens.
Une fois la vessie vidée, la réduction s'opère très facilement et en quelque sorte d'elle-même, et la bête ne tarde pas à se rétablir complètement.
CHAPITRE II
MALADIES DES ORGANES GÉNITAUX DU MALE.
ARTICLE 1
INFLAMMATION DU FOURREAU.
Synonymie : Acrobustite.
Fréquence. Causes. - L'inflammalion du fourreau est fréquente chez les animaux de l'espèce bovine, en raison des dispositions anatomiques du fourreau et du mode d'entretien des ces animaux. Chez les ruminants, le fourreau se prolonge sous le ventre beaucoup plus que chez les solipèdes, en outre il est remarquable par son étroitesse, sa profondeur, et il est tapissé par une membrane muqueuse fine et délicate. L'étroitesse de l'entrée du fourreau est telle que, lorsque le bœuf urine, elle ne donne point passage au corps ou seulement à la pointe de la verge, de telle sorte que l'urine peut rester en partie ou en totalité dans le fourreau. On conçoit aisément que cet accident a d'autant plus de chances de se produire, que l'étroit orifice du fourreau sera plus ou moins obstrué soit par la matière sébacée que sécrètent les parois de cette gaine, soit par les dépôts sédimenteux de l'urine ou bien par le fumier, qui s'amasse à l'entrée du fourreau, lorsque les animaux sont mal soignés.
A ces diverses causes, il convient d'ajouter celles qui procèdent d'un traumatisme quelconque, notamment les contusions, les froissements que le fourreau et même le pénis éprouvent quand l'animal est assujetti dans le travail. Là se trouve encore une cause fréquenté d'acrobustite chez le bœuf, attendu que la contention dans le travail est indispensable pour que l'on puisse ferrer cet animal. Mais l'acrobustite qui se développe dans cette circonstance mérite une description particulière (voy. p. 235) et, pour le moment, nous n'aurons en vue que l'inflammation du fourreau par l'accumulation de matière sébacée ou de corps étrangers dans cette gaine.
Symptômes. — [Tant que l'inflammation n'est pas assez intense et que, dans la cavité du fourreau, il y a encore un passage plus ou moins rétréci par lequel l'urine peut s'écouler en jet peu volumineux, on remarque seulement que le bœuf malade est plus
long que les autres animaux à uriner et qu'il s'y prépare plus lentement, d'abord en soulevant la queue, quelquefois en imprimant à son train postérieur un mouvement de contraction de droite à gauche et de gauche à droite. On remarque aussi que les bonds de l'urèthre sont très forts, beaucoup plus que sur les bœufs qui urinent librement, et que le premier jet, toujours peu volumineux, est lent à paraître.
[Si, lorsque ces symptômes se manifestent, on avait le soin d'explorer le fourreau, on le trouverait un peu tuméfié, très dur, douloureux, et son entrée devenue si étroite qu'on aurait de la peine à y faire passer l'extrémité du doigt indicateur. Si on y parvient, c'est en employant une certaine force, et en arrivant dans la cavité, on reconnaît qu'elle est remplie de matière onctueuse, souvent granuleuse, exhalant une forte odeur d'urine en décomposition.
[Mais cette entrée finit par être complètement fermée ; le bord s'est contracté de manière que la pointe de la verge n'y pénètre en aucune manière, et la rétention d'urine se manifeste avec des symptômes analogues à ceux qui résultent de l'arrêt d'un calcul dans le canal de l'urèthre : des battements violents et continus, des coliques atroces, la bosse vésicale occupant toute la partie postérieure du bassin, refoulant le rectum, etc.; c'est à s'y méprendre, si l'on n'a pas eu la précaution d'explorer l'état du fourreau, car c'est la première précaution à prendre quand on arrive auprès d'un bœuf qui présente les symptômes que je viens de rappeler.]
Marche. Durée. Terminaisons. — La marche de l'inflammation est lente; il faut cinq, six ou huit mois avant que l'obturation du fourreau se produise d'une manière complète, et, généralement, ce n'est que quand l'écoulement de l'urine est devenu très difficile ou même n'a pas lieu du tout que le praticien est enfin appelé. Il est clair que si l'on ne remédie point, dans le plus bref délai, à cet état de choses, la rupture de la vessie finira par se produire.
Quand cette fâcheuse terminaison est à craindre, on constate que « le bœuf pousse des plaintes, il se tourmente, il trépigne des pieds de derrière, se couche, se relève, se tord la colonne vertébrale, agite la queue, fléchit sur ses jarrets ; il se place pour uriner, l'urèthre bondit, d'énergiques efforts se produisent. En fouillant par le rectum, on sent la vessie considérablement distendue. » (Lafosse.)
Lorsque la cavité du fourreau a été débarrassée des matières qui s'opposaient au passage de l'urine, l'animal est immédiatement soulagé; mais on se tromperait, si on le considérait comme radicalement guéri. L'observation apprend que l'accident est suscep-
tible de se reproduire après six ou huit mois. Quand il en est ainsi, le fourreau devient le siège d'un engorgement induré, de consistance comme cartilagineuse \ en même temps, sa muqueuse sans cesse irritée devient le siège d'ulcérations fongueuses, et cette terminaison grave constitue ce que l'on a appelé la dégénérescence squirrheuse du fourreau.
Diagnostic. Pronostic. — L'écoulement de l'urine en un mince filet, o'u même goutte à goutte, les efforts auxquels l'animal se livre pour uriner, l'engorgement du fourreau permettent de reconnaître la lésion dont il s'agit. Toutefois, pour établir le diagnostic avec toute la précision désirable, il convient d'introduire le doigt ou la sonde jusque dans la cavité du fourreau. Le pronostic n'est jamais fâcheux à l'excès, si on a pu déterminer la cause de la rétention d'urine avant quela rupture de la vessie se soit produite. Ajoutons cependant que l'inflammation du fourreau est une affection rebelle qui exige une opération dont les suites ne laissent pas que de présenter une certaine gravité.
Traitement. — Le but à atteindre est évidemment de rétablir le cours de l'urine, en débarrassant le fourreau des matières qui l'obstruent. Si la rupture de la vessie n'est pas immédiate, on doit essayer d'y parvenir d'abord au moyen du doigt ou d une pince à pansement que l'on introduit dans le fourreau.
Si l'engorgement périphérique, qui augmente encore l'étroitesse de l'entrée du fourreau, ne permet pas de procéder ainsi, il est indiqué alors de débrider sur la sonde cannelée l'orifice dont il s'agit. Toutefois ce débridement ne peut être fait avec sûreté, et dans toute l'étendue nécessaire, c'est-à-dire 5 à 6 centimètres, qu'autant que l'animal est abattu. Mais le praticien ne doit avoir recours à ce moyen de contention, qu'après s'être bien assuré, par l'exploration rectale, que la vessie n'est pas distendue. Lorsqu'il en est ainsi, mieux vaut tenter le débridement du fourreau sur l'animal, assujetti en position debout, plutôt que de l'abattre.
Quand on est parvenu à extraire les matières contenues dans le fourreau, il est d'une bonne pratique de faire des injections, d'abord avec l'eau ordinaire que l'on a toujours immédiatement sous la main, afin d'achever le nettoyage ou le curage du fourreau. Dans les jours suivants, on injecte des décoctions de feuilles de noyer ou autres décoctions astringentes. Si l'on a pratiqué le débridement, la plaie exige quelques soins de propreté (lotions d'eau ordinaire ou mieux légèrement salée ou saturnée, lotions astringentes, antiseptiques, phéniquées, etc.). Dans tous les cas, on doit veiller à ce que la litière soit fréquemment renouvelée, nettoyer avec soin le bouquet de poils qui entoure l'orifice du fourreau, ce qui est bien plus utile que de faire la toilette du tou-
pillon, comme cela se pratique dans le midi de la France, par des bouviers très soigneux sans doute, mais trop exclusifs.
Si la rétention d'urine est complète et que la rupture soit imminente au moment où le praticien est appelé, il faut pratiquersurle-champ l'uréthrotomie ischiale, au moyen d'une incision longitudinale et ouvrir ainsi une large voie à l'urine, dont l'accumulation incessante dans la vessie en amènerait inévitablement la rupture. Cela fait, on extrait les matières contenues dans le fourreau, comme il est dit ci-dessus.
Lorsque l'engorgement du fourreau a éprouvé l'induration, le débridement de l'orifice est insuffisant pour y remédier ; il faut le faire suivre de la cautérisation du tissu induré qui constitue alors les parois de la gaine.
A cet effet, on couche l'animal sur le côté gauche, puis on fixe le membre postérieur droit comme pour la castration. Au préalable, on se munit des instruments suivants : sonde cannelée, bistouri, cautères cultellaires ou olivaires. Tout étant préparé et l'animal fixé, l'opérateur introduit la sonde dans le fourreau et à l'aide du bistouri conduit sur la sonde, il débride les tissus dans toute l'étendue de l'induration, en ayant le soin de ne pas intéresser le pénis. Cela fait, il passe le cautère chauffé à blanc, sur les tissus indurés, ou bien il se contente d'appliquer quelques pointes de feu pénétrantes dans les parois indurées du fourreau.
La cautérisation détermine une suppuration, qui amène peu à peu la disparition ou tout au moins la diminution de l'engorgement chronique dont le fourreau était le siège. La plaie consécutive à cette opération n'exige pas moins de deux mois pour être entièrement cicatrisée.
On voit donc que cet accident offre une gravité réelle. Dès lors il faut s'appliquer à le prévenir en tenant les animaux sur une litière propre et surtout en leur nettoyant le fourreau de temps à autre.
ARTICLE Il
ACROBUSTITE CONSÉCUTIVE A LA CONTENTION DANS LE TRAVAIL.
Mode de formation. Symptômes. — Dans toutes les localités où les bœufs travaillent, on est obligé assez souvent de ferrer les huit onglons, notamment lorsqu'ils sont employés aux charrois dans les villes et sur les routes. Parfois on ne ferre qu'un onglon à chaque pied. Quoi qu'il en soit, on ne peut généralement ferrer les bœufs qu'en les incarcérant dans un travail, où ils sont fixés
par la tête à un joug et suspendus par des sangles de corde qui leur passent sous le ventre.
[Or, le bœuf est un animal très doux en général par caractère, mais très impatient et très irritable si on le maltraite ou si on le contraint et si on le serre fortement sur quelque partie du corps. En général, il se défend avec énergie lorsqu'il sent la compression des sangles même très modérée ; si la compression est forte, il entre quelquefois en fureur, et il se livre tant que dure la compression à des mouvements d'une violence extrême.
[Dans ces mouvements, le fourreau est froissé et contusionné, de telle manière qu'une inflammation très vive se déclare sur cette partie. Au bout de quelques heures, un engorgement très chaud, très douloureux, très dur, s'étend du scrotum jusqu'au delà du fourreau. Alors le bœuf ne mange point, ne rumine point ; il ne se couche pas, tient les jambes écartées, urine souvent, mais par un filet ou goutte à goutte ; il a le pouls fort et tumulteux, le mufle sec, les conjonctives injectées, la respiration accélérée. On remarque donc tous les symptômes d'une inflammation très intense des parties froissées par les sangles et ceux d'une phlegmasie générale.]
En outre, si la peau a été fortement comprimée par les sangles, elle se mortifie et se détache en laissant à nu la tunique abdominale ; il peut même arriver, comme M. Cagny en a observé un exemple, « que, au contact de la litière, un gros vaisseau sanguin soit déchiré lorsque l'animal se couche, et qu'on le trouve mourant d'une hémorragie consécutive (1) ».
Traitement. — Quoi qu'on en ait dit, les émollients et les vésicants ne donnent aucun résultat satisfaisant, si ce n'est pourtant les frictions avec l'essence de térébenthine, qui, employées avec persistance pendant trois ou quatre jours et renouvelées deux ou trois fois par jour, produisent parfois la résolution complète de la tumeur. — On peut augmenter l'effet résolutif de ces frictions en les faisant précéder de profondes mouchetures dans les parties engorgées.
Si, après huit ou dix jours, la tuméfaction du fourreau est devenue fluctuante, il est indiqué alors d'en pratiquer la ponction. On peut, à cet effet, donner d'abord un coup de flamme dans le point où la fluctuation se fait sentir, il s'écoule alors de la sérosité sanguinolente. On agrandit ensuite l'ouverture faite parla flamme avec un cautère olivaire, chauffé au rouge et de manière à pénétrer dans la cavité du fourreau afin de donner écoulement à l'urine qui s'y est accumulée. Puis, avec le talon
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1882, p. 51 î.
de l'aiguille à séton, on fait passer une mèche par cette ouverture en la faisant sortir par l'orifice du fourreau afin d'éviter son obstruction. « A partir de ce moment l'engorgement va toujours en diminuant, l'émission de l'urine devient possible, il suffit de faire tous les jours des injections pour nettoyer et vider la plaie. Par l'ouverture faite, on peut extraire des débris de tissu cellulaire. » (Cagny.) On enlève la mèche au bout de deux à trois semaines.
M. Rossignol traite de la même manière l'accident dont il s'agit; seulement il remplace la mèche par un drain en caoutchouc laissé à demeure.
ARTICLE III
SARCOCÈLE.
Définition. Fréquence.— [Le Sarcocèle est une tumeur dure, bosselée parfois, qui affecte le testicule, s'étend au cordon, et acquiert chez le bœuf un volume très considérable.]
Causes. Symptômes. — [On sait que le plus ordinairement la castration du taureau s'opère par le bistournage, et que l'atrophie des testicules en est la conséquence inévitable. Cependant ces testicules qui, dans cet état, se trouvent réduits à un très faible volume, sont encore doués d'une certaine vitalité. Les contusions un peu violentes, les piqûres de l'aiguillon déterminent sur ces organes une inflammation peu intense en apparence, mais dont la marche n'en est pas moins continue, quoiqu'elle soit d'une telle lenteur que, bien souvent, le développement anormal de la tumeur ne devienne manifeste qu'au bout de plusieurs années.
[Souvent cette inflammation est le résultat d'une torsion incomplète du cordon. On voit des taureaux châtrés par le bistournage et dont un testicule est resté plus volumineux qu'il ne devrait l'être; c'est sous l'action constante, quoique très faible, de cette vitalité, que le testicule à moitié atrophié prend un développement anormal, et qu'il finit par constituer une tumeur d'apparence squirrheuse ou cancéreuse.
[Le Sarcocèle se développe quelquefois sous l'influence qui transforme en tumeur cancéreuse les ganglions lymphatiques placés dans les cavités splanchniques ou hors de ces cavités. Alors, il coïncide avec l'engorgement de ces ganglions. On voit aussi le Sarcocèle apparaître pendant qu'un ostéosarcome envahit les maxillaires. Je ne veux pas expliquer cette coïncidence, mais je la constate pour que les praticiens en fassent leur profit, car il m'est arrivé dans maintes circonstances, après avoir reconnu
l'existence d'engorgements ganglionnaires en avant des épaules de bœufs de travail en très bon état, de rencontrer un testicule en voie d'un développement de la même nature.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [Le développement du Sarcocèle se fait toujours d'une manière très lente.
[Quand la tumeur est devenue très apparente, elle grossit à vue d'œil, et l'amaigrissement de l'animal augmente en proportion. Quoi que l'on fasse, le bœuf ne s'engraisse jamais bien, quand le Sarcocèle est parvenu à ce degré.]
Traitement. — [Je le crois tout à fait inutile. J'ai vainement essayé sur de nombreux sujets l'enlèvement du Sarcocèle ; tous les bœufs sur lesquels j'ai pratiqué cette opération ont succombé peu de jours après, ou bien ils sont arrivés promptement à un marasme complet qui a nécessité leur abatage. D'où il faut conclure que l'on doit livrer à la boucherie, sans le moindre retard, les bœufs affectés de Sarcocèle.]
CHAPITRE III
MALADIES DES ORGANES GÉNITAUX DE LA FEMELLE.
ARTICLE 1
KYSTES DU VAGIN.
Il se forme parfois dans le vagin de la vache un kyste rempli d'une sérosité claire et limpide dans laquelle nagent quelques flocons albumineux.
Symptômes. Diagnostic différentiel. — Ces kystes, en forme de poche, tiennent au vagin par une base très étroite et pédonculée. Ils acquièrent la grosseur et la forme d'une très grosse poire. Ils se montrent entre les bords de la vulve dans le décubitus et ils rentrent quand l'animal est debout. Quelquefois ils sont assez gros pour ne pas rentrer d'eux-mêmes; on est obligé de les repousser à l'intérieur du vagin.
L'aspect extérieur de la tumeur, sa forme ovoïde, la couleur de son enveloppe peuvent faire croire à un renversement du vagin. Mais si l'on considère que le kyste se développe sous la muqueuse vaginale, qu'il constitue une tumeur pédiculée à parois comme transparentes et faciles à circonscrire avec les doigts, tandis que le collapsus vaginal forme une sorte de bourrelet ou manchon d'un rouge foncé, à surface chagrinée, qui est en
continuité avec la muqueuse vaginale, il sera facile d'établir le diagnostic différentiel.
Le kyste du vagin peut être confondu au premier abord avec la cystocèle vaginale, et cette erreur de diagnostic peut avoir des conséquences fort graves. Si, croyant avoir affaire à une tumeur kystique, on en pratique la ponction et qu'il s'agisse en réalité d'une hernie de la vessie, l'urine s'écoulera ensuite dans la cavité abdominale et il se produira ainsi une péritonite mortelle. On évitera cet accident en se rappelant que la tumeur formée par la hernie de la vessie s'accroît sans cesse et que l'animal ne peut pas uriner.
Pronostic. Traitement. — Le traitement est très simple : un coup de lancette fait sortir le liquide, qui jaillit avec force; la poche s'aplatit et les parois internes, mises en rapport, se cicatrisent sans aucun autre soin. Les kystes du vagin ne récidivent pas. La facilité avec laquelle on les fait disparaître indique assez qu'ils ne peuvent pas mettre obstacle à la parturition.
ARTICLE Il
MÉTRITE AIGUË OU MÉTRO-PÉRITONITE.
Définition. Fréquence. — [C'est une inflammation de l'utérus, compliquée ordinairement d'une inflammation du péritoine, qui se déclare après la parturition avant terme ou à terme, sans que l'on puisse affirmer qu'elle soit plus fréquente dans un de ces cas que dans l'autre.]
Causes. — [Les coups violents, les heurts, les travaux très pénibles qui ont occasionné l'avortement, donnent lieu aussi à la métro-péritonite, de même que l'insolation prolongée, le passage subit d'un air chaud à un air froid, la pluie que les vaches ont à supporter peu de temps après la parturition, les boissons prises à une basse température, le séjour prolongé de la vache dans une étable où règne un air humide, etc., sont les causes occasionnelles de cette maladie.]
Symptômes. — ,[Tension de l'abdomen, plus particulièrement vers le flanc droit, qu'il ne faut pas confondre avec celle qui résulte d'une affection gastro-intestinale. Celle-ci ne se manifeste guère qu'au flanc gauche, d'une façon souvent fort irrégulière ; tandis que la tension ou le météorisme produit par la MétroPéritonite se maintient au même degré, jusqu'à ce que l'inflammation commence à perdre de son intensité sous l'influence d'un traitement convenable.
[La vache affectée de cette maladie a la respiration précipitée et un peu convulsive ; son pouls est petit et concentré ; elle donne des signes de douleur quand on comprime l'abdomen un peu fortement avec la main fermée, surtout dans la région du flanc droit; elle regarde son flanc, elle a le mufle sec, ne rumine point, refuse tous les aliments qu'on lui présente; elle se couche et se relève souvent, fait entendre de sourdes plaintes; elle est constipée au point que son rectum ne se vide pas toujours au moyen de lavements : il faut la fouiller pour débarrasser cet intestin, et les excréments sont durs, secs et d'un très petit volume; la vulve est béante en partie et enduite d'un mucus filant qui exhale une odeur fétide; la membrane du vagin est rouge et violacée; la sécrétion du lait a diminué considérablement ou elle est complètement suspendue. Quelquefois, la vache affectée de Métro-Péritonite a la marche tellement difficile qu'on pourrait supposer qu'il existe chez elle un commencement de paralysie.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [La Métro-Péritonite se déclare subitement, un ou deux jours après la parturition à terme ou avant terme, rarement après cet espace de temps. Sa marche est rapide; les principaux symptômes se manifestent dès le début presque dans toute leur intensité. Sa durée n'est point longue; elle ne dépasse guère la huitaine à dater de son apparition, à moins qu'elle ne passe à l'état chronique, qui est une de ses terminaisons.
Cela se produit quand elle a été abandonnée à elle-même, principalement chez les vieilles vaches usées et malingres. Mais sa terminaison la plus ordinaire est la résolution, si, dès les premiers jours de son apparition, un traitement rationnel a été mis en pratique.]
lisions. — [Gellé fait la description suivante des lésions observées à l'ouverture d'une vache affectée de Métro-Péritonite, qui mourut le second jour de la maladie : « Système veineux sous-cutané fortement injecté; chair d'un rouge vif; méninges très injectées; cerveau ferme, mais pas plus rose que de coutume; plèvre, poumons, péricarde, cœur enflammés et violacés; un peu de sérosité sanguinolente dans le péricarde et la plèvre; péritoine, épiploon, rumen, intestins, mésentère montrant des traces d'inflammation et portant des taches violettes; veines très injectées; foie, rate et reins dans le même état; l'inflammation était plus marquée au péritoine et dans les intestins grêles, dont la muqueuse était très injectée et d'un rouge noir; vessie ballonnée, pleine d'urine foncée en couleur, et enflammée; matrice offrant les traces les plus marquées de phlegmasie ; sa
membrane péritonéale et ses ligaments suspenseurs étaient très colorés; la membrane muqueuse fortement colorée aussi et injectée, surtout au col. »
Diagnostic. Pronostic. - [Le diagnostic de la Métro-Péritonite s'établit : par l'existence de la tension continue de l'abdomen, remarquable surtout au flanc droit; par la douleur que manifeste la vache toutes les fois que l'on comprime fortement cette partie ; par la rougeur très vive de la membrane du vagin et par l'écoulement de mucosités filantes et fétides qui se montrent au vagin et aux bords de la vulve.
[Le pronostic n'est fâcheux que lorsque, dans les deux ou trois premiers jours du traitement, les symptômes généraux n'ont point perdu de leur intensité et que la tension des flancs n'a point diminué sensiblement; alors on peut craindre la mort ou la terminaison par l'état chronique.
[Ce dernier état, caractérisé par la persistance de tous les symptômes, mais avec une intensité moindre que dans le début, ne laisse pas beaucoup d'espoir de guérison.J
Traitement. — [Si la vache est en bon état, la saignée est le premier moyen à mettre en pratique. On la fait de préférence à la veine sous-cutanée abdominale mammaire, toujours volumineuse sur les vaches qui viennent de mettre bas. Cette saignée doit néanmoins être toujours en rapport avec l'état de l'animal. Il est évident que la saignée, qui peut être de 3 ou 4 kilogrammes, même de 5 chez les vaches de forte taille, jeunes et en bon état, doit être bien moindre si les vaches sont très âgées et presque décharnées, comme le sont souvent les bêtes de travail.
[La saignée à la saphène peut remplacer, jusqu'à un certain point, celle de la veine mammaire; il y a des praticiens qui l'indiquent à l'exclusion de toute autre. Je ne suis point de leur avis.
[Si les vaches sont en assez mauvais état, on fait une saignée moins copieuse; mais si l'inflammation est très intense, on réitère la saignée dans la même journée ou le lendemain, quand même le pouls ne serait pas bien développé. On sait qu'il en est ainsi dans toutes les inflammations des membranes séreuses. Les bains de vapeur et les lotions émollientes peuvent être employés; ils n'offrent aucun inconvénient, mais j'ai appris à ne pas compter beaucoup sur leur emploi. Les sachets de son cuit appliqués et maintenus sur la région lombaire sont d'une efficacité moins douteuse. On administre des demi-lavements émollients, tièdes seulement; froids, ils donnent lieu à une réaction peu favorable, et trop chauds, ils augmentent l'intensité de l'inflammation. J'insiste sur ces détails, parce que les lavements émollients, qui
sont un des moyens thérapeutiques auxquels on peut accorder une grande confiance, sont quelquefois mal administrés.
[Après une forte saignée sur les vaches en bon état, comme après une saignée peu copieuse sur les vaches vieilles ou maigres, ou même quand la saignée n'a pu être pratiquée, on fait, sous le ventre et au plat des cuisses, des frictions, répétées trois fois par jour, d'essence de térébenthine. On administre des breuvages adoucissants et nitrés, lorsque seulement l'on aperçoit que l'abdomen s'évase, et que, par la percussion, on reconnaît qu'un épanchement séreux commence à se produire ou s'est produit.
[Du moment où, par la rémission des symptômes, la convalescence s'annonce, les vaches atteintes de Métro-Péritonite et qui d'abord ont dû être mises à une diète sévère, reçoivent une demiration de fourrage et sont abreuvées avec de l'eau fortement chargée de farine d'orge, de seigle ou d'avoine, etc. Chaque jour, au reste, et même plusieurs fois par jour, il faut, si elles ont un veau, lui faire prendre le trayon de la mère et à son défaut traire ou du moins essayer de traire la vache : c'est un moyen dérivatif excellent, et il a de plus l'avantage de conserver ou de faire reparaître la faculté secrétoire des mamelles.
[Le traitement de la Métro-Péritonite chronique consiste principalement dans les frictions répétées d'essence de térébenthine sur de larges surfaces de la région abdominale, dans les boissons nitrées à haute dose, de 60 à 80 grammes par jour, divisées en trois portions égales, administrées chacune dans une décoction de pariétaire ou de racine de persil.
[De temps à autre, on alterne ces breuvages nitrés avec un breuvage purgatif, si l'état des organes digestifs le permet, c'està-dire s'ils ne sont pas sensiblement irrités.]
ARTICLE III
RÉTENTION DE L'ARRIÈRE-FAIX.
[On sait que, chez la vache, la disposition des cotylédons placentaires retarde toujours la délivrance, et nécessite souvent l'intervention de la main pour qu'elle soit effectuée complètement. Un retard de quelques jours pour la sortie du placenta n'est donc pas un accident très grave; cependant, il peut le devenir jusqu'à un certain point. On a conseillé d'introduire la main dans la matrice pour enlever l'arrière-faix; mais, après un jour ou deux, il est rare que cette manœuvre puisse être exécutée facilement. L'ouverture de la matrice s'est resserrée, et il est souvent impos-
sible d'y faire passer la main. Si le placenta pend au dehors de la vulve, on peut le retirer en entier, en usant de beaucoup de ménagements, en le tirant par un mouvement régulier et continu.
[Dans ce cas, l'opérateur doit envelopper sa main d'un linge grossier quoique souple, afin de presser suffisamment le corps mollasse qu'il tient sans le déchirer. Ce procédé m'a toujours bien réussi ; mais si le col de l'utérus s'est resserré avant l'expulsion complète de l'arrière-faix, il arrive inévitablement que ce corps privé de vie se décompose, se putréfie et ne sort de l'utérus que sous la forme d'une matière gluante, fétide, qui se colle aux parois du vagin. On comprend quels accidents morbides peuvent être la conséquence d'un pareil état : ainsi, j'ai vu une vache périr d'une infection putride à la suite de la décomposition du placenta dans la matrice ; mais ces cas sont très rares.
[Lorsque le séjour du placenta se prolonge, les premiers phénomènes morbides appréciables sont, chez la vache, la diminution de l'appétit et de la sécrétion lactée, l'inrumination, l'anxiété, une certaine tension du flanc droit, et sur les bords de la vulve la présence de matière roussâtre gluante et d'une odeur très fétide, sui generis.
[Inutile de chercher alors à enlever le placenta, la main ne pourrait pénétrer dans l'utérus, à moins de faire des déchirures qui auraient certainement de graves inconvénients. Il vaut mieux recourir à l'emploi de médicaments qui ont une action marquée sur la matrice et qui provoquent les contractions énergiques de cet organe. On administre des breuvages emménagogues. Il en est plusieurs dont l'efficacité est assurée ; tels sont les breuvages composés par décoction, dans 1 litre 1/2 d'eau, de 30 ou 40 grammes de rue verte ou de sabine, ou de 10 grammes de seigle ergoté et 20 grammes de sabine en poudre.
[A la suite de l'administration de l'un ou de l'autre de ces breuvages, les efforts expulsifs se manifestent, et le placenta est rejeté par portions ou en une seule fois.
[L'administration de ces breuvages n'a d'autre inconvénient que de laisser la vache un peu inquiète et sans appétit pendant un ou deux jours.
[On seconde l'action de ces breuvages en faisant dans le vagin, au moyen d'une seringue ordinaire, de fréquentes injections d'infusion aromatique tiède, et mieux de liquides antiseptiques, tels notamment que l'eau phéniquée : 10 grammes d'acide phénique dans 1 litre d'eau. Dans les cas où l'on doit redouter une infection putride par suite de la rétention dans la matrice de matières organiques putréfiées, les injections antiseptiques doivent être conduites jusque dans l'intérieur de la cavité utérine à l'aide d'une longue sonde que l'on introduit dans le détroit du col
et qui sert au rejet des liquides injectés et des détritus qu'ils entraînent avec eux.]
S'il est vrai que, dans quelques cas, l'emploi des breuvages emménagogues, combiné avec les injections intra-utérines ou mieux le lavage de la cavité utérine, puisse provoquer des efforts expulsifs, qui finissent par amener la sortie du délivre, il est non moins certain que ce traitement médical est souvent insuffisant ; parfois même, il ne produit aucun effet, et il entraîne des dépenses inutiles ; d'un autre côté, quand les enveloppes sont sorties en grande partie, les tiraillements incessants qu'elles exercent par leur poids, sur le fond de l'utérus, peuvent déterminer le renversement de cet organe; mieux vaut donc, à notre avis, extraire le placenta, 48 heures, ou au plus tard, trois jours après la mise-bas.
Extraction directe du placenta ou délivrance. — Au moment où le praticien est appelé, il peut arriver qu'une portion des enveloppes pende au dehors ou que rien n'apparaisse à l'extérieur. Quoi qu'il en soit, l'opérateur, avant d'introduire son bras dans les parties sexuelles, aura le soin de recouvrir d'une couche épaisse de corps gras (huile d'olive notamment), toute l'étendue de la main, du bras et de l'avant-bras, afin de prévenir l'absorption des matières putrides qui peuvent se trouver dans l'utérus. On a même conseillé, dans ce but, l'usage d'un brassard en caoutchouc, mais une couche d'huile d'olive suffit. L'opérateur introduit sa main dans, le vagin, et il l'enfonce doucement jusqu'au col utérin, soit en se guidant sur les enveloppes, si elles se trouvent dansle conduit vaginal, soit directementquand rienn'apparaîtàl'extérieur ou queles enveloppesontétéenpartiearrachées.
Si le praticien a été appelé tardivement, quatre, cinq ou six jours après le vêlage, par exemple, le col est fermé èt, pour le franchir, « il faut alors introduire d'abord un doigt dans l'orifice, puis deux, puis trois, les écarter doucement afin de l'entr'ouvrir, y glisser les autres doigts à mesure que l'espace le permet, puis, les réunissant en cône, forcer doucement le passage, en leur imprimant un mouvement de térébration, jusqu'à ce qu'enfin, après avoir vaincu la résistance du col, la main tout entière pénètre dans l'utérus » (Saint-Cyr). On ne tarde pas à trouver les cotylédons qui forment des saillies hémisphériques, brièvement pédiculées. Les premiers que l'on rencontre sont généralement libres de toute adhérence avec le placenta, mais les suivants sont comme coiffés par les enveloppes dont il s'agit de les séparer. Pour cela, dit M. Saint-Cyr, dans son excellent Traité d'obstétrique, on presse légèrement le cotylédon à sa base entre le pouce et l'index, en ajoutant, s'il est besoin, à cette douce pression, un léger mouvement des doigts l'un sur l'autre comme celui qu'on
exécute pour faire sortir un bouton d'habit de sa boutonnière. On opère ainsi successivement sur les cotylédons au fur et à mesure que la main les rencontre. Mais ce travail d'énucléation devient laborieux, quand on arrive vers le fond de l'utérus où les cotylédons sont nombreux et très rapprochés. Il ne faut pourtant rien brusquer, et tout en exerçant au dehors avec la main restée libre, des tractions très modérées sur les enveloppes, afin de les tendre et de faciliter leur désengrènement, il faut, comme Schaack le conseille, « faire agir l'extrémité du pouce ou celle des autres doigts, de manière à soulever avec l'ongle un des bords adhérents, que l'on déverse, que l'on écarte ensuite pour achever le décollement sur toute l'étendue de la surface ».
On doit éviter avec le plus grand soin d'arracher les cotylédons comme le font certains empiriques, car, suivant la judicieuse observation de Goubaux, une manoeuvre aussi barbare rendrait stérile la vache qui l'aurait subie, en admettant qu'elle résiste à la phlébite utérine consécutive. Après que la délivrance est opérée, on recommande de s'assurer que le délivre tout entier a été extrait, mais pour se conformer à cette prescription, qui est certainement bonne en elle-même, le praticien ne doit cependant pas exercer des tractions intempestives sur les enveloppes, car il risquerait d'arracher les cotylédons ou de produire l'invagination de la corne correspondante et, finalement, un renversement complet de l'utérus. Il est donc bien préférable, quand les adhérences sont fortes, comme cela se voit lorsque le vêlage est récent, d'attendre leur séparation naturelle, « en ayant la précaution, toutefois, de lier la portion du délivre obtenue et de couper ensuite l'excédent » (Schaack). La vache qui vient d'être délivrée doit être placée ensuite sur une liLière disposée de telle sorte que le train postérieur soit un peu plus élevé que l'antérieur.
Si, en raison de l'état de putréfaction des enveloppes, on craint quelques complications septicémiques, les injections phéniquées, employées d'après le mode dont il est parlé ci-dessus, sont bien indiquées. D'ailleurs, quand l'opération est bien faite, la bête ne tarde pas à éprouver un soulagement manifeste, qui se traduit par un excellent appétit et l'augmentation de la sécrétion lactée.
ARTICLE IV
CHUTE OU RENVERSEMENT DU VAGIN.
[On désigne sous le nom de Renversement du vagin, un déplacement de la muqueuse vaginale, qui se trouve rejetée en arrière,
en dehors de l'orifice vulvaire, à travers lequel elle se montre sous la forme d'une tumeur rouge, violacée, faisant saillie au dehors de la vulve, inclinée en bas, où elle présente une ouverture au fond de laquelle s'aperçoit le col de l'utérus.
[Il est des causes prédisposantes de la Chute du vagin. On remarque que toutes les génisses ou les vaches dont la queue est relevée, dont l'anus est enfoncé et la vulve proéminente, sont plus sujettes à cet accident que celles dont la conformation ne présente point ces défauts.
[Les causes occasionnelles sont, pour les génisses comme pour les vaches, la fâcheuse habitude que les cultivateurs ont, dans certaines contrées, de placer sous les pieds de devant de ces animaux des marchepieds élevés de plusieurs centimètres au-dessus du plan sur lequel reposent les membres postérieurs ; de telle sorte que pour prendre le fourrage qu'on leur donne dans un râtelier très élevé au-dessus de la mangeoire, ils se trouvent dans une position telle que, forcément, les viscères abdominaux sont rejetés en arrière, et par cela même pèsent continuellement sur le vagin. On ne saurait expliquer autrement les Chutes nombreuses du vagin sur des génisses n'ayant jamais été saillies.
[Le vagin est souvent déplacé pendant la gestation, sous l'influence de la même cause ; mais lorsqu'il a été renversé une première fois, son renversement devient périodique : il se renouvelle pendant toutes les gestations suivantes.
[C'est un accident d'autant plus grave, que, dans ce cas, sa membrane muqueuse s'irrite, qu'elle devient peu à peu le siège d'une inflammation lente et continne, qui a pour résultat un engorgement des tissus avec induration, et toujours incurable.
[Alors, la réduction du vagin renversé est une opération difficile ; dans les autres cas, elle est facile:; mais cette réduction n'est que momentanée : la Chute ou le Renversement se reproduit par le seul fait de la position inclinée en arrière du corps de l'animal. Il est même rare que le Renversement de l'utérus n'ait pas lieu après la parturition sur les vaches qui, étant en état de gestation, ont éprouvé la Chute du vagin.
[Toutes les fois qu'une vache en état de gestation est affectée de la Chute du vagin, on doit la placer de telle manière, à l'étable, que ses quatre membres reposent sur un plan incliné plutôt en avant qu'en arrière, parce que, lorsqu'elle a pris son repas et que le rumen est plein, la Chute du vagin se renouvelle mème si les quatre membres reposent sur un plan horizontal. Quand cette Chute se renouvelle tous les jours, il faut, en attendant que la délivrance de la vache ait eu lieu, nourrir cette bête avec des aliments qui, sous un moindre volume, puissent l'entretenir en
bon état, afin d'éviter que le rumen acquière après chaque repas un volume trop considérable.]
ARTICLE Y
RENVERSEMENT DE L'UTÉRUS.
Définition. Fréquence. — [Le Renversement de l'utérus est un accident qui se manifeste assez fréquemment chez les vaches, et qui consiste dans le déplacement de cet organe, rejeté en arrière hors de sa position normale, par la déchirure ou l'extension exagérée de ses ligaments suspenseurs, et retourné complètement, de façon à montrera l'extérieur sa face interne plus ou moins recouverte de cotylédons déchirés.]
Causes. — [Le Renversement de l'utérus, très grave dans beaucoup [de cas, peut être une suite de la parturition avant terme, comme de la parturition à terme et du part laborieux, du part contre nature et de manœuvres maladroites faites pour extraire le fœtus. Toute extraction faite avec violence peut amener le Renversement de l'utérus. Chez certaines vaches, il existe une prédisposition à cet accident. On en voit chez lesquelles le Renversement a lieu sans qu'aucune manœuvre ait été employée pour opérer la délivrance, et d'autres qui sont affectées d'un Renversement plus ou moins considérable, toutes les fois qu'elles mettent bas ; celles précisément qui étaient sujettes à la Chute du vagin. Il faut croire que, dans ces cas, l'accident se produit par suite d'un relâchement constant des attaches de l'utérus.]
Symptômes. — [Le Renversement a lieu de la manière suivante : le fond de l'utérus se déprime, s'invagine dans sa propre cavité, sort à travers l'orifice utérin et s'échappe par la vulve ; alors il forme une tumeur très volumineuse qui pend jusqu'aux ja.rrets et même plus bas; elle est rouge, violette, parsemée de tumeurs cotylédonaires, auxquelles adhèrent souvent des fragments du placenta.
[Si le déplacement est incomplet, l'organe renversé peut occuper seulement la cavité du vagin dont l'orifice à demi béant fait une forte saillie en arrière.]
Traitement. — Dès que le renversement de la matrice s'est produit, il faut prévenir des complications, sinon irrémédiables, du moins fort graves, telles que des déchirures de la muqueuse utérine ou la gangrène du viscère hernié.
Il est donc urgent de le réduire dans le plus bref délai.
*
I. Soins préliminaires. — Si la vache est couchée, il faut essayer de la faire lever. A ce sujet, il est bon de faire remarquer que l'approche d'un chien constitue un moyen de stimulation recommandé par Schaack et qui nous a réussi plusieurs fois. Si malgré tout, la bête ne peut se tenir debout, il faudra relever fortement le train postérieur, en plaçant sous la croupe une ou plusieurs bottes de paille, en ayant le soin de ne pas blesser la matrice.
Lorsque les enveloppes fœtales adhèrent encore à la muqueuse utérine, il faut les enlever avec précaution en respectant les cotylédons, à moins que ces organes ne soient déjà mortifiés, auquel cas il vaut mieux enlever ceux d'entre eux qui sont dans cet état, plutôt que d'en confier l'élimination aux soins de la nature. — Si la délivrance a déjà eu lieu au moment où le praticien est appelé, il faut immédiatement nettoyer la matrice avec de l'eau tiède afin de la débarrasser du fumier et plus généralement de toutes les immondices qui peuvent la recouvrir. On l'enveloppe ensuite avec un linge bien propre, et avant de procéder à la réduction, on s'assure de l'état de réplétion du rectum et surtout de la vessie. Il est facile d'extraire les excréments qui peuvent s'être accumulés dans le rectum, mais il n'est pas aussi simple de vider la vessie. Pour cela, deux aides soulèvent la matrice avec précaution, afin que l'opérateur puisse trouver le méat urinaire, à la face inférieure de l'organe. Parfois il suffit d'introduire le doigt dans cet orifice pour que la vache urine aussitôt. Quand il n'en est pas ainsi, il faut faire pénétrer une sonde par le canal de l'urèthre jusque dans la vessie. On peut se dispenser de cette précaution lorsque l'accident est récent, qu'il ne date pas de plus d'une heure ou deux ; car, d'une part, l'urine n'a pas pu s'accumuler en grande quantité dans la vessie, et, d'autre part, le volume de la matrice n'a pas encore beaucoup augmenté.
Si le volume de la matrice est tellement considérable qu'il semble impossible de la faire rentrer en cet état, on a conseillé de faire quelques mouchetures dans l'épaisseur de la muqueuse ; mais il peut se produire de la sorte une hémorragie grave, même mortelle, au moins chez la jument. Aussi est-il bien préférable d'avoir recours au procédé conseillé par M. Coculet, il y a une vingtaine d'années, et qui lui a réussi sur deux vaches. Ce procédé consiste à comprimer méthodiquement l'utérus au moyen d'un linge de toile, sec et propre, ayant environ un mètre de long et 70 centimètres de large que l'on engage en dessous de la matrice jusqu'à la vulve, où on le confie à un aide. On replie ensuite l'extrémité libre du linge sur l'utérus, puis l'on en rabat l'un des côtés sur la face supérieure de l'organe déplacé et l'autre sur la face opposée, en exerçant une certaine compression. On verse 0
de l'eau tiède sur cette large bande, que l'on serre de plus en plus et progressivement, de l'extrémité de la corne utérine vers la base. Au bout d'un quart d'heure à vingt minutes, la matrice revient à son volume normal et la réduction est facile. C'est du moins ce que M. Coculet a observé dans deux cas.
II. Réduction. — [L'opérateur étant debout ou à genoux derrière la vache, selon qu'elle se trouve sur ses membres ou couchée, et la matrice étant soutenue sur un linge tenu par deux aides, il cherche l'extrémité de la corne, et quand il a rencontré ce point, il pousse fortement avec la main ouverte ou le poing fermé, de dehors en dedans, évitant avec soin de faire concorder ses efforts avec les mouvements expulsifs de la vache ; l'autre main prend un point d'appui sur la croupe.
[Ce procédé est très simple, il n'exige pas beaucoup de temps : en une ou deux minutes tout au plus, l'opération est terminée. Si la vache fait des efforts d'expulsion, ce qui arrive fréquemment, et si ces efforts sont d'une violence telle qu'ils empêchent le travail de l'opérateur, on passe une corde autour du corps de l'animal vers la région dorsale, on serre fortement cette corde et les contractions sont amoindries considérablement ou tout à fait annulées.]
S'il est possible que ce procédé de réduction puisse réussir lorsque la matrice renversée ne forme en dehors de la vulve qu'une tumeur peu volumineuse, il est dangereux ou même tout à fait inexécutable quand la tumeur herniaire est volumineuse, quand elle descend jusque sur les jarrets.
En pareil cas, il faut, suivant le judicieux conseil d'un praticien très autorisé, Schaack, faire rentrer d'abord les parties les plus voisines de la vulve et ne repousser directement le fond que lorsque la plus grande partie de l'organe est déjà replacée dans le bassin. « Pour cela, dit M. Saint-Cyr, les aides placés de chaque côté de la croupe soulèvent l'utérus de manière à le rapprocher de la vulve et à le maintenir dans l'axe du bassin. En même temps, l'opérateur pressant doucement, avec ses mains à plat, sur les parties voisines de la vulve, les refoule et les force à rentrer peu à peu dans l'excavation pelvienne. En agissant ainsi avec patience et précaution, en s'opposant, autant qu'il est possible, à ce que les parties déjà réduites ne soient pas repoussées au dehors lors des efforts expulsifs auxquels de temps à autre se livre la femelle, on voit peu à peu la tumeur diminuer de volume, et il ne serait pas impossible de la réduire ainsi tout entière. Mais cela n'est pas nécessaire; quand on a fait rentrer de cette façon les deux tiers ou les trois quarts de la masse totale, il est plus expéditif, et il est alors sans danger, d'appliquer son poing fermé sur la
partie la plus déclive, et de pousser directement dans l'axe du bassin, de manière à refouler vers l'abdomen et à retourner d'un seul coup tout ce qui reste de la tumeur » (1). Tel est le procédé de réduction que nous recommandons sans réserve, car, nous avons eu l'occasion d'apprécier sa valeur:
Ajoutons, comme le fait d'ailleurs observer M. Saint-Cyr, que quand l'utérus a été replacé dans la cavité abdominale, le praticien doit, avant de retirer sa main de la matrice, explorer avec soin la face interne de cet organe, et s'il rencontre quelque repli, quelque invagination commençante, il doit, suivant la remarque très importante de Schaack, la refouler doucement, l'étendre, la déplisser, remettre en un mot tout à sa place afin de prévenir un nouveau renversement, qui ne manquerait pas de se produire si la réduction n'était pas entièrement et complètement opérée. Quand il en est bien ainsi, la matrice se contracte et revient sur elle-même, ce que l'on reconnaît en laissant la main dans l'intérieur de cet organe après que la réduction est achevée.
La réduction de l'utérus est une opération souvent longue et toujours fatigante en raison des efforts expulsifs auxquels la vache se livre et qui tendent à rejeter au dehors ce que l'on est parvenu à faire rentrer avec tant de peine et de difficultés. — Pour diminuer ces efforts expulsifs, il est bon de faire serrer la cloison nasale par les doigts d'un aide, ou mieux au moyen d'une pince-mouchettes. On a conseillé de pincer les lombes avec les doigts ou d'exercer sur cette région une pression continue avec une barre, — le manche de la fourche ou du balai, — que l'on confie à deux aides.
La saignée, l'emploi de l'opium ont été également recommandés pour amoindrir ces poussées, qui rendent parfois la réduction extrêmement difficile, mais leur efficacité est douteuse. L'anesthésie, parl'éther ou le chloroforme, est préférable. Deux cents à deux cent cinquante grammes d'éther rectifié peuvent suffire, suivant H. Bouley, pour anesthésier le cheval le plus vigoureux. Une semblable dose pourrait donc convenir pour la vache, et la dépense ne serait pas excessive.
Mais, comme le dit M. Saint-Cyr, il reste toujours la difficulté de se procurer de l'éther assez pur et en quantité suffisante, difficulté qui peut être grande quand on doit, comme il arrive d'ordinaire, opérer dans des fermes isolées, loin de tout centre populeux et de toute pharmacie.
Un vétérinaire hollandais, Van Dommelen, cité par M. Saint-Cyr, assure avoir fait cesser complètement les efforts expulsifs chez les
(1) Traité cl'obstétrique .vélé?,inai7-e, p. C15.
vaches atteintes de renversement utérin, en leur administrant un demi-litre à un litre d'eau-de-vie ordinaire. Cette médication produit l'ivresse et amène la résolution musculaire. Nous ne l'avons pas employée, mais il nous a paru bon de la signaler à l'attention des praticiens, dans le cas où poussées utérines persistent malgré tout. Le chloral, conseillé par M. Saint-Cyr, mérite certainement d'être employé, car il amène sûrement la résolution musculaire. — Une injection hypodermique faite sur l'une des faces de l'encolure, avec une solution composée de 25 grammes de chloral pour 70 grammes d'eau distillée, produit chez le cheval une somnolence manifeste, et il est permis de penser que cette même dose déterminerait chez la vache la cessation des efforts expulsifs dont il est parlé ci-dessus. Cette médication n'aurait d'autre inconvénient que de déterminer un abcès dans la région où l'injection aurait été pratiquée.
I1L Contention. — [Quand l'utérus est replacé, il s'agit de le contenir et d'éviter que le renversement ait lieu de nouveau à la suite de contractions ou d'efforts qui pourraient se produire, non sans donner à cet accident beaucoup plus de gravité ; on place la vache de telle sorte que le train postérieur reste plus élevé que le train antérieur dans toutes les positions qu'elle peut prendre. On l'attache de manière qu'elle ne puisse pas relever la tête: ses aliments sont déposés par terre ; puis à l'aide d'une corde fixée autour du corps, serrée fortement, s'appuyant en arrière du flanc contre les hanches, et passant sous le ventre en avant des mamelles, de manière à ne pas comprimer -ces organes, on exerce sur le flanc une compression qui offre l'avantage de retenir l'utérus dans la position qu'il doit occuper naturellement, et de plus empêche les contractions qui pourraient occasionner un nouveau renversement.
[Si la vache n'est pas en sueur, on fait des lotions réfrigérantes sur les reins ou de fortes frictions d'essence de térébenthine. Ces dernières ne provoquent pas la même irritation subite et très douloureuse que sur les chevaux; mais elles produisent, à un moindre degré cependant, le même résultat que la compression circulaire dont je viens de parler.
[Ces premiers soins suffisent ordinairement, et l'on n'a pas à redouter un nouveau renversement lorsque quelques heures se sont écoulées depuis la réduction.
[Si au contraire la vache se tourmente extraordinairement, soit qu'elle souffre de coliques, soit que l'irritation de l'appareil utérin soit arrivée à un degré extrême, on pratique d'abord une forte saignée ou une saignée moyenne, selon l'état dans lequel elle se trouve, puis on contient l'utérus par des moyens plus énergiques.
Parmi ces moyens, nous mentionnerons : la suture de la vulve, les pessaires, les bandages.
[La suture des lèvres de la vulve est un procédé qui ne remédie à rien, car il n'empêche pas l'utérus ou le vagin d'être refoulé jusqu'à l'orifice de cet organe, dont il finit, les efforts d'expulsion continuant, par déterminer la déchirure.
[Les pessaires sont des appareils de forme variable, destinés à être introduits dans le vagin et à exercer sur le col de l'utérus une sorte de pression qui maintient l'organe en place. Depuis le pessaire des anciens, consistant en une vessie fixée à l'extrémité d'un bâton creux, et que l'on gonflait par insufflation, la forme de ces appareils a beaucoup varié. On a employé ainsi : le pessaire à bilboquet, de Chabert; le pessaire à pelote, une bouteille, etc. Citons encore le pessaire de Leblanc, consistant en un cône tronqué creux, formé avec de la toile supportée par deux rondelles en bois blanc, qui sont elles-mêmes fixées par leur centre sur une tige de bois dur solide. Cette tige, qui est l'axe du cône, se prolonge au delà de la plus petite rondelle, et offre dans cette partie plusieurs trous, dans l'un desquels on passe une corde qui est destinée à fixer l'instrument au reculement.
[« La durée de l'application de ce pessaire, dit Leblanc, est très variable, selon les circonstances qui accompagnent le Renversement; en général, cette durée est en rapport direct avec la disposition à un nouveau Renversement. J'ai été quelquefois contraint de laisser le pessaire pendant dix jours; le plus ordinairement, quatre à cinq jours suffisent...
[« Il a pour avantage, ajoute-t-il, d'être léger, d'offrir aux divers organes contre lesquels il est appliqué des surfaces larges, polies et molles ; de pouvoir prendre toutes les longueurs voulues; de n'offrir aucun obstacle à la sortie de l'urine et des excréments solides; de pouvoir être fabriqué dans quelque endroit qu'on se trouve; car partout il y a un bout de planche, un bâton, de la toile, de la ficelle et un instrument tranchant. »
[Ce pessaire, bien que très ingénieusement imaginé, ne me paraît pas pouvoir être, aussi facilement que le pense son inventeur, fabriqué partout. Sans doute, entre les mains d'un opérateur habile, prompt à concevoir autant qu'à exécuter, ce pessaire, dont la confection n'exige qu'un bout de planche, un bâton, de la toile, de la ficelle, un instrument tranchant, peut être très utilement employé ; mais toutes ces choses réunies ne se rencontrent pas aussi aisément que le pensait Leblanc, au milieu des terres, dans une étable isolée, où l'on ne trouve pas toujours des aides indispensables.
[Dans tous les cas, cet appareil offre l'inconvénient général de
tous les pessaires, celui de provoquer, par sa présence, des contractions qui vont directement contre le résultat à atteindre, et de retarder ainsi plus ou moins le moment de la guérison définitive, lorsqu'il ne provoque pas directement le retour de l'accident. Aussi l'usage des pessaires de toutes formes est-il aujourd'hui universellement abandonné. On obtient des effets beaucoup plus avantageux de l'emploi des bandages extérieurs, consistant en des bandes ou plaques de cuir que l'on maintient à la surface de la vulve à l'aide de courroies latérales retenues à un surfaix, ou plus simplement encore en des cordes avec lesquelles on confectionne ces divers systèmes à'encordement connus de tous les praticiens. Le plus simple est une corde transversale pressant sur la vulve et attachée latéralement au surfaix. Une autre manière d'encorder consiste à prendre deux cordes, que l'on plie par le milieu, et dont les deux parties pliées, réunies en sens inverse et entortillées de chaque côté, forment une sorte d'anneau que l'on appliqne autour de la vulve, les extrémités des cordes étant dirigées ensuite, les supérieures le long du dos jusqu'aux cornes, les inférieures sous le ventre, pour aller, en remontant le long des flancs, se fixer à la double corde passant sur les reins.
[Voici un autre bandage, très simple, que l'on peut confectionner à l'instant et sans inconvénients d'aucune sorte. On le fait de la manière suivante : on prend une longue corde de la grosseur du petit doigt; on la plie en deux, on l'attache à chacune des*cornes, puis on la fait passer le long de l'encolure, en avant de l'épaule, sous le poitrail, chaque division portant contre la face interne du membre : les deux divisions viennent ensuite se réunir en X sur le dos, pour se séparer de nouveau le long des reins et sur la croupe, puis se réunir et se croiser, d'abord sur la queue, et puis au-dessous; de sorte qu'après ce double tour, chaque division passe sur la vulve, le long de chaque lèvre, près de la cuisse, et presse fortement cet organe, l'empêchant de céder à la pression qui viendrait de l'intérieur du vagin.
[Les deux extrémités de la corde sont ensuite, après s'être croisées encore et avoir été nouées au-dessous de la vulve, dirigées sous le ventre où elles s'écartent, en laissant dans l'intervalle les mamelles libres, pour venir se croiser en avant et se fixer à l'X formé sur le dos.
[On serre plus ou moins, selon les circonstances. La vache reste pendant quelques heures sans se coucher, ce qui n'est pas un grand mal, et il est très rare que ce bandage se déplace, ou, lorsque cela a lieu, les efforts d'expulsion ont complètement cessé et il n'y a plus à redouter le Renversement.
Amputation d'une des cornes de la matrice ou d'une portion d'une
de ces cornes. — [J'ai été, dans deux circonstances, obligé de recourir à cette opération ; la première fois, elle a été suivie de succès, et la seconde fois, la vache a succombé à une Métro-Péritonite.
[Après un renversement de l'utérus, il n'est pas rare de trouver une portion de l'organe renversée, meurtrie, noirâtre ou sphacélée, se déchirant sous la moindre pression, et laissant couler par ces déchirures une sanie plus ou moins fétide. On ne peut remédier à un accident de cette nature au moyen de la réduction, qui occasionnerait soit une infection purulente, soit une violente inflammation, consécutive de toute l'étendue de la matrice, soit une péritonite.
[Dans les deux cas dont j'ai parlé, je me décidai à faire l'amputation de toute la portion meurtrie à l'excès ou sphacélée; à cet effet, je fis une solide ligature circulaire, avec de la ficelle très forte et double, à quelques millimètres au-dessus de la portion sphacélée, et je pratiquai l'amputation immédiatement, avec la précaution de laisser un étroit bourrelet de tissus vivants pour maintenir la ligature. La réduction de la portion restante se fit sans difficulté, la suppuration s'établit autour de la ligature, des injections aromatiques entraînaient les produits de cette suppuration et débarrassaient le vagin. Au bout d'une quinzaine de jours, la ficelle avait été entraînée, la suppuration s'arrêtait: la vache fut mise au régime de l'engraissement et vendue plus tard avec profit.]
Ablation totale de la mat1'ice. - Cette opération a été pratiquée plusieurs fois chez la vache avec un plein succès. Toutefois elle n'est indiquée qu'autant que la décomposition des tissus ne laisse plus aucun espoir de guérison par le taxis. Alors, comme le dit Schaack, on peut tout essayer.
Divers procédés ont été conseillés pour effectuer cette opération. Nous nous contenterons de signaler ceux qui nous paraissent d'une application simple et surtout efficace.
I. Emploi du casseau. — Cet appareil constricteur a été mis en usage avec succès par Genée, vétérinaire à Dol (Ille-et-Vilaine) « J'employai, dit ce praticien, un casseau en bois de saule pliant, de la grosseur de 2 centimètres et de la longueur de 24 centimètres environ; je l'appliquai sur le vagin au point le plus rapproché des lèvres de la vulve; je fixai les deux parties du casseau avec deux bouts de ficelle et, ainsi, la compression bien établie isola complètement l'utérus du corps de la vache. — Cinq ou six jours après, j'amputai la matrice, et le casseau tomba à l'instant; • je prescrivis de fréquents lavages à l'eau froide, etc. ; la suppuration s'établit et dura vingt jours. La vache se rétablit promptement et fut engraissée. »
On pourrait employer avec avantage un long casseau courbe semblable à celui dont on se sert pour l'opération de la hernie. Il faudrait garnir la rainure de cet appareil de suif saupoudré de sublimé corrosif par exemple, afin d'obtenir plus rapidement la mortification des tissus compris entre les branches du casseau, qui doivent être d'ailleurs rapprochées le plus possible.
II. Emploi de la ligature élastique. — En 1875, M. Saint-Cyr conseillait, dans son ouvrage d'obstétrique, l'emploi de la ligature élastique pour exciser la matrice quand la réduction de cet organe est impossible. L'année suivante, un praticien de la Drôme M. Brugel (de Pierrelatte), nous communiquait une observation très remarquable, qui témoigne des bons effets de ce moyen d'exérèse pour l'amputation de la matrice. — « Pour pratiquer cette opération, dit M. Brugel, je me suis servi d'un cordonnet en caoutchouc, de la grosseur d'une ficelle de fouet. J'ai appliqué cette ligature élastique à la base de la tumeur, près de la vulve, en faisant plusieurs tours fortement serrés et assujettis par un nœud droit; j'ai pratiqué, en un mot, une ligature en masse. L'animal ne s'est point agité. On a eu le soin ensuite de relever l'utérus et de le renverser sur la croupe où on l'a maintenu afin de permettre l'écoulement de l'urine. — Quarante-huit heures après l'application de cette ligature, la masse herniaire fut excisée à quatre centimètres environ en arrière de la ligature, et le moignon utérin disparut aussitôt dans le bassin. Les jours suivants, l'animal reprit de l'appétit, la rumination se rétablit et la sécrétion lactée devint abondante. — Un écoulement purulent eut lieu par la vulve, puis il se tarit. »
Il ressort de ces faits que l'ablation de la matrice est susceptible de réussir chez la vache; toutefois le praticien ne doit pas oublier que c'est là un moyen extrême, qu'il ne faut employer que lorsque la réduction du renversement utérin est impossible.
ARTICLE VI
MAMMITE.
Définition. Fréquence. — [La Mammite est une inflammation de la mamelle. On l'observe plus souvent chez les vaches à la fois laitières et travailleuses que chez les vaches qui sont laitières seulement. Cette inflammation peut être superficielle ou profonde, générale ou partielle.
Causes. — [Les lésions physiques, des contusions, des plaies, l'implantation de corps étrangers, telles sont les causes de cette
affection. Les contusions peuvent résulter des violents coups de tête que donnent les veaux quand le lait ne vient pas en abondance; c'est pourquoi la Mammite est plus fréquente chez les vaches de travail, qui sont plus mauvaises laitières. Lorsqu'après une attelée de plusieurs heures, la vache, quelquefois mal nourrie, rentre à l'étable avec les mamelles mal disposées à une sécrétion abondante, il n'est pas étonnant que le veau très affamé saisisse le trayon avec une espèce de voracité et qu'il frappe les mamelles avec violence; de là des gerçures au trayon et des engorgements inflammatoires de la mamelle. Des contusions d'une autre nature peuvent aussi produire la Mammite : il arrive parfois que des chiens se mettent à la poursuite des vaches nourrices, les poussent à travers champs, et que, dans leur course, elles rencontrent des corps durs, sur lesquels les mamelles frappent avec force.]
Symptômes. — [Les gerçures sont des fentes, et souvent de simples excoriations, qui ont leur siège principal aux trayons, et qui paraissent occasionner une vive douleur, car les vaches se défendent avec violence du contact de la main et ne se laissent traire que difficilement.
[L'inflammation du tissu de la mamelle se manifeste par un engorgement plus ou moins dur et non moins douloureux que les gerçures.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [Les gerçures se déclarent en très peu de temps, quelquefois dans l'espace d'une journée. Il en est de même de l'inflammation du tissu de la mamelle ; et cette inflammation disparaît vite, si elle est traitée convenablement.
[Si, au contraire, elle est abandonnée à elle-même, elle peut avoir une longue durée et se terminer, soit par l'induration, soit par la suppuration; si c'est l'induration, la douleur que peut occasionner le contact de la main ou une légère compression devient moins sensible, et même l'engorgement diminue d'abord, pour augmenter plus tard progressivement; si c'est la suppuration, l'engorgement augmente, la douleur est aussi moins vive, et l'on ne tarde pas à constater l'existence d'un foyer purulent circonscrit, qui occupe rarement toute l'étendue de la partie engorgée.]
Il n'est pas rare cependant que le pus se forme avec une très grande lenteur dans les mamelles, de telle sorte que ce n'est qu'au bout d'un mois ou deux que l'on constate l'existence d'un abcès mammaire.
[Dans tous les cas de Mammite, la sécrétion laiteuse diminue plus ou moins, et se trouve mème supprimée entièrement si l'inflammation est très intense.]
Diagnostic. Pronostic. — [On vient de voir par quel petit nombre
de symptômes bien caractérisés peut s'établir le diagnostic de la Mammite ; quant à son pronostic, il est rarement fâcheux : l'inflammation cède facilement à un traitement rationnel.]
Cette terminaison heureuse n'est pourtant pas constante, et il est bon d'être prévenu que la Mammite peut se terminer non seulement par suppuration, mais encore par gangrène de l'un des quartiers de la mamelle, quoique le traitement ait été très rationnel. — Il faut donc être réservé dans l'appréciation de la gravité de cette maladie et ne pas se prononcer après une seule visite.
Traitement. — [La première indication à remplir, c'est d'entretenir une sécrétion lactée normale, en trayant la vache régulièrement, si le veau ne peut ou ne veut pas prendre le trayon, car il importe que la traite soit faite ; sans cela, il surviendra des dépôts laiteux qui ne tarderaient pas à se transformer en dépôts purulents. Il arrive parfois qu'en trayant la vache, le lait jaillit coloré en rouge par son mélange avec une exsudation sanguine, et cette circonstance n'est point de mauvais augure : la résolution de l'inflammation n'en est que plus prompte et plus sûre.
[Lorque cette inflammation est très intense, on pratique une saignée, sans que l'on ait à redouter la suppression définitive de la sécrétion lactée. Les onctions adoucissantes sont bien indiquées, mais comme elles ne peuvent en général être faites qu'au moyen de corps gras qui s'aigrissent en passant au rance, on les remplace par des lotions émollientes, fréquemment renouvelées. S'il s'agit seulement de gerçures, les lotions d'infusion de sureau sont bien indiquées.]
Nous avons obtenu de très bons résultats par l'emploi de frictions de liniment ammoniacal simple, au début de la Mammite. — Ces frictions, que l'on répète trois fois, à un jour d'intervalle, produisent souvent la résolution de l'inflammation et une guérison très prompte.
[Lorsque des abcès se sont formés, on les ouvre par une incision assez grande pour que le pus s'en écoule très facilement ; et la cicatrisation s'opère en très peu de temps. Il est rare qu'une fois l'abcès ouvert, on soit obligé de recourir à une autre médication.
[L'induration de la mamelle est un résultat d'autant plus fâcheux que tout moyen de traitement reste sans efficacité : aussi, quand on n'a pu l'éviter, le seul parti qui reste à prendre, c'est de livrer la vache à la boucherie.]
Toutefois, une vache peut encore donner du lait en assez grande quantité par trois trayons pour qu'il y ait souvent avantage à la conserver.
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ARTICLE VII
MAMMITE CONTAGIEUSE.
On appelle ainsi une forme de mammite catarrhale déterminée par un Streptocoque, qui a été découvert en 1884 par M. Nocard.
Cette maladie s'accuse par une induration qui apparaît à la base d'un ou de plusieurs trayons. En palpant la mamelle, on reconnaît que cette induration est circonscrite, indolente, ou peu douloureuse, formant ainsi une petite tumeur sous-cutanée de la grosseur d'une noisette ou d'un œuf de pigeon. On dit que la mamelle se noue .Le lait ne paraît pas modifié, seulement sa quantité diminue. Si on le mélange avec le lait fourni par des vaches bien portantes et dont la mamelle ne présente aucune altération, il en détermine promptement la coagulation. Lorsque la maladie est plus avancée, le lait présente une réaction acide, il devient séreux, grumeleux, fétide. En l'examinant au microscope, après coloration au bleu de méthylène on constate, la présence d'un streptocoque, c'est-à-dire d'un microbe en chapelet dont chaque grain légèrement ovoïde présente 1 millième de millimètre de diamètre de largeur sur 1 millième 1/4 de millimètre de longueur. On trouve ordinairement plusieurs streptocoques dans la même préparation ; parfois ils forment des amas.
L'induration de la base du trayon, qui caractérise cliniquement la maladie dont il s'agit, se propage peu à peu et le quartier correspondant s'hypertrophie et s'indure. Deux quartiers de la mamelle peuvent être ainsi intéressés. Dans ce cas, la sécrétion lactée est diminuée de moitié et il est généralement économique de vendre l'animal au boucher.
La mammite contagieuse apparaît ordinairement dans une étable, après l'introduction d'une vache récemment achetée. Elle se communique ensuite aux autres vaches par la personne chargée de les traire. Sa cause déterminante est le streptocoque signalé ci-dessus. C'est ainsi que, sur une vache et sur une chèvre, M. Nocard a reproduit la maladie, avec tous ses caractères, en injectant une culture pure du microbe dont il s'agit, dans l'un des trayons.
Le traitement de cette mammite microbienne consiste à injecter par le trayon de chaque quartier malade, 100 grammes d'une solution d'acide borique à 4 p. 100. Cette injection doit être faite immédiatement après la traite du soir; elle doit être renouvelée deux ou trois fois, à huit jours d'intervalle. Ce traitement réussit au début de la maladie lorsqu'il n'existe qu'un noyau induré, mais
non lorsque la pullulation du microbe a déterminé l'induration de tout un quartier, car l'injection ne peut arriver dans le tissu conjonctif interstitiel, sclérosé par le développement des streptocoques. Aussi est-il très important de prévenir cette affection si préjudiciable à l'industrie laitière. Pour cela, M. Nocardrecommande les précautions suivantes :
« Avant la traite, la personne chargée de cette besogne devra se laver les mains et laver le pis de la vache avec une solution phéniquée à 3 p. 100.
» Ce double lavage sera répété chaque fois que le trayeur approchera d'un nouveau sujet.
» Les vaches malades seront traites en dernier lieu; leur lait sera recueilli à part et ne devra servir qu'à l'alimentation des porcs. »
ARTICLE VIII
PARALYSIE DES VACHES APRÈS LE PART.
Définition. Causes. — [Cette maladie n'est pas une paralysie essentielle ; elle résulte d'un état congestionnel des centres nerveux. C'est le travail de la parturition qui amène cet état sur des sujets pléthoriques nourris abondamment et non soumis à un exercice journalier. Les vaches travailleuses en sont rarement affectées. Les laitières proprement dites, ne travaillant point habituellement, y sont beaucoup plus exposées.]
Symptômes. — [Ils se manifestent peu d'heures après le vêlage : aux symptômes généraux qui sont communs à presque toutes les maladies des bêtes bovines, tels que le défaut d'appétit, l'inrumination, la plénitude et la force du pouls, tumultueux parfois, se joint un symptôme caractéristique : une paralysie incomplète qui semble affecter plus particulièrement le train postérieur.
[Souvent les vaches restent couchées sur la litière sans pouvoir se relever; elles paraissent presque insensibles à la piqûre de l'aiguillon ou au fouet. Si elles sont debout, elles ont une peine extrême à se mouvoir, et quand, à force d'excitations, elles essayent de changer de position, on les voit chanceler et relever brusquement les membres, pour les laisser retomber brusquement aussi sans que la marche ait eu lieu. Mais la vache ne reste pas longtemps debout ; elle se couche, étend ses membres sur la litière, essaye parfois de changer de position, mais sans y réussir. A cet état succède bientôt un engourdissement général; alors, la sensibilité est totalement émoussée. Néanmoins, au bout de quelques heures, des convulsions, d'abord de courte durée, mais qui ensuite <r"
se prolongent davantage, se déclarent, et sont accompagnées de sourdes plaintes. Le pouls s'efface, le météorisme survient, les déjections alvines s'échappent spontanément, et enfin les animaux succombent, lorsque la maladie n'a pas été combattue rationnellement.
[Cependant, elle ne se manifeste pas toujours avec un tel degré d'intensité; quelquefois, les symptômes sont moins saillants, et, quoique la gêne de la locomotion soit grande, la vache prend quelques aliments; elle rumine un peu; ses paupières recouvrent moins le globe ; elle est sensible à la piqûre de l'aiguillon ou au fouet, et la sécrétion laiteuse reste suffisante pour allaiter le veau. Mais il ne faut pas compter sur une guérison spontanée, la Paralysie, étant, malgré cette lenteur à se déclarer, la terminaison presque certaine de la maladie.
[Lorsque la difficulté des mouvements de locomotion est le seul symptôme qui se manifeste, et si la vache mange, rumine, s'étire même, tient les yeux grands ouverts comme dans l'état de santé, on peut croire que la gêne des mouvements n'est point due à une compression réelle des centres nerveux, mais seulement à la compression qu'exerce la matrice dans son état de plénitude sur les vaisseaux sanguins et sur les nerfs qui portent la vie aux extrémités postérieures. S'il en était autrement, comment pourrait-on s'expliquer le retour presque spontané de la liberté des mouvements par le seul fait d'un repos de quelques instants ou de frictions excitantes sur la colonne dorso-lombaire?]
Diagnostic. Pronostic. — [Le trouble des fonctions et la Paralysie caractérisent suffisamment la maladie, pour permettre d'établir un diagnostic certain.
[Quant au pronostic, il se formule d'après le degré de gravité des symptômes : très fâcheux quand la maladie se manifeste avec l'intensité décrite plus haut; favorable ordinairement, toutes les fois que les symptômes n'ont pas atteint ce degré d'intensité, surtout lorsque la gêne des mouvements n'est accompagnée par la manifestation d'aucun des symptômes^généraux dont il a été fait mention.]
Lésions. — [Injection très remarquable des membranes du cerveau et de la moelle épinière, avecépanchementséro-sanguinolent dans les ventricules du cerveau; traces évidentes de congestion sanguine sur le péritoine ; rougeur prononcée de la muqueuse vaginale. Les organes qui sont le moins congestionnés sont ceux du thorax.]
Traitement. — [Saignée à l'artère coccygienne. C'est par cette saignée que l'on obtient plus promptement la résolution des maladies congestionnelles. Après la saignée, des frictions d'es-
sence de térébenthine sur la colonne dorso-lombaire, et au début des affusions continue d'eau froide sur la tête, pendant plusieurs heures; des lavements laxatifs, composés chacun de 100 grammes de sulfate de magnésie dans 1 litre d'eau tiède.
[Les frictions d'essence de térébenthine doivent aussi être faites à la face interne et externe des cuisses, et cette partie du traitement suffit pour faire disparaître le commencement de Paralysie qui ne se manifeste que par un peu de gêne dans la locomotion.]
ARTICLE IX
FIÈVRE VITULAIRE.
Synonymie : Collapsus du part, Suite de vêlage, Congestion de l'encéphale.
Définition. — [On désigne sous le nom de Fièvre vitulaire une maladie particulière aux vaches qui viennent de mettre bas.] Toutefois, suivant Violât, « la Fièvre vitulaire peut attaquer les vaches avant la mise-bas, ainsi qu'un certain temps après ». Cette maladie consiste essentiellement en une congestion de l'encéphale.
Causes. — D'après Violet, qui a publié sur cette maladie une très intéressante étude (4), il y a lieu de distinguer des causes prédisposantes et des causes occasionnelles.
Parmi les premières, cet auteur signale la stabulation permanente, la pléthore et l'état de gestation, et il examine, avec le plus grand soin, le rôle de chacune de ces causes. — Nous devons nous borner à quelques considérations sommaires.
L'observation a démontré que la maladie est plus fréquente sur les vaches laitières entretenues à l'étable, que sur celles qui sont employées aux travaux des champs, comme cela est habituel dans le Midi. [Ce fait porte à penser que le travail auquel les vaches sont soumises pourrait bien être jusqu'à un certain point un préservatif de la Fièvre vitulàira.] — Il est établi également que les vaches abondamment nourries, comme celles des laitiers, des meuniers, des brasseurs, etc., sont les plus exposées à la Fièvre vitulaire, qui est pour ainsi dire la maladie des bonnes vaches.
Toutefois la cause prédisposante dont l'influence paraît prépondérante, c'est le vêlage. La Fièvre vitulaire est, en effet, beaucoup plus fréquente dans les premières heures ou dans les premiers jours qui suivent la mise-bas, qu'en tout autre temps.
(1) Journal de l'École de Lyon, 1880, p. 185, 225, 281.
Cependant Violet a vu survenir cette maladie, f( deux fois avant le part et une fois environ vingt jours après ».
Au nombre des causes occasionnelles, il convient de mentionner le refroidissement de la peau et la rapidité exceptionnelle du part. [Les huit ou dix observations de Fièvre vitulaire que je possède se sont toutes déclarées sur des bêtes fraîchement vêlées, qui étaient exposées aux intempéries pendant le labourage.] Une parturition facile et rapide serait une cause occasionnelle non moins certaine que les refroidissements cutanés.
Symptômes. — [Rainard donne des symptômes de cette maladie la description suivante :
« Les vaches tombent malades instantanément le lendemain ou le plus ordinairement le surlendemain de la mise-bas, sans aucun signe avant-coureur. Tout à coup, elles cessent de manger; la température extérieure de leur corps s'abaisse ; leur démarche est chancelante ; la station sur les membres leur est impossible; elles tombent sur la litière sans se relever, et demeurent dans un état remarquable d'insensibilité. »
[La Fièvre vitulaire se manifeste d'abord par des frissons, par la sécheresse de la peau, le redressement des poils et de sourdes plaintes. La prostration des forces et l'anéantissement des fonctions cérébrales (collapsus), qui sont des symptômes caractéristiques de cette affection, ne sont réellement très apparents qu'après la phase d'invasion annoncée par les frissons. A la suite, on remarque un larmoiement plus ou moins considérable, et quelquefois, des muscosités visqueuses qui fluent des commissures des lèvres, quoique le mufle reste sec. Le pouls est petit et vite; la respiration est irrégulière et souvent plaintive, râlante, saccadée et entrecoupée par une toux courte et un peu sifflante.
[L'appétit est nul; la rumination ne se fait point; les matières contenues dans le rumen et le feuillet se dessèchent, et la digestion gastrique proprement dite et intestinale est également suspendue.
[La bête reste couchée, tenant sa tête de côté, appuyée sur la litière, ou bien le mufle portant sur cette litière. On voit des vaches qui tiennent pourtant la tête soulevée et les membres antérieurs non repliés sous le sternum, et portés en avant dans un état de demi-flexion. Dans ce cas, la respiration est courte, précipitée; et c'est afin de respirer plus à l'aise que les vaches prennent cette position.
[Ces symptômes ont une marche rapide ; en quelques heures, ils se produisent dans toute leur intensité.
[Si d'abord la température de la peau s'est abaissée considérablement, elle se relève bientôt, et l'on remarque très souvent une
brusque alternance de froid et de chaleur. Les cornes sont aussi alternativement chaudes et froides. Quand la chaleur s'élève ainsi, la bête n'a plus les oreilles pendantes comme elle les avait dans la période du froid.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [La marche de la maladie est très rapide. Les symptômes se manifestent dans leur plus haute intensité, dans l'espace de trois ou quatre heures. Sa durée ne dépasse guère trois ou quatre jours, et la terminaison ordinaire est la mort.
[On signale, comme une particularité remarquable, l'état normal des mamelles pendant la durée de la Fièvre vitulaire, et l'on assure que la sécrétion du lait se fait presque aussi bien que lorsque les vaches sont en bonne santé. On a dit que cette sécrétion était assez abondante pour nourrir le veau. Je suis fort tenté de révoquer en doute cette particularité, car je ne l'ai observée dans aucun cas. Il est vrai de dire cependant que nos vaches travailleuses et portières étant moins bonnes laitières que les vaches exclusivement laitières, il n'est pas étonnant que, pendant la Fièvre vitulaire, la sécrétion du lait ne se fasse pas chez les premières d'une manière aussi apparente.]
Lésions. — Elles portent sur les viscères de l'appareil digestif, quelquefois sur l'utérus et constamment, d'après Violet, sur les centres nerveux.
« Tous les observateurs signalent la réplétion des organes digestifs par des matières dures et sèches : amas d'aliments durcis entre les lames du feuillet, où ils forment des plaques compactes, que l'on a comparées à des galettes de pain d'épice ou à des tourteaux de colza; matières fécales moulées, sèches, dures, de consistance presque pierreuse, dans les dernières portions du gros intestin et en particulier dans le rectum. » (Saint-Cyr). Mais des dissidences nombreuses se sont élevées sur l'importance qu'il convient d'attribuer à ces lésions ; nous sortirions des limites assignées à cet ouvrage en les analysant, même très sommairement. D'ailleurs, pour donner une bonne idée de ces lésions, il nous paraît suffisant d'en emprunter la description au mémoire de Violet.
Sur une vache non délivrée lors de l'invasion de la maladie et qui a succombé en trente-six heures environ, cet auteur a constaté les lésions suivantes : « Utérus ayant les dimensions de celui d'une vache arrivée au troisième mois de la gestation. Corne gauche peu développée, la droite étant beaucoup plus considérable. Dans l'intérieur, gaz infects contribuant à lui donner son volume, et de plus, sanie rougeâtre, boueuse, dont la quantité peut être évaluée à trois litres; l'odeur est celle du délivre en
putréfaction dont, cependant, on ne retrouve aucune parcelle. Cotylédons ayant la moitié du volume normal au moment du vêlage; quelques-uns sont ramollis et ont leurs couches superficielles réduites à l'état de putrilage; d'autres sont noirâtres, mais plus fermes. — Le cerveau et le cervelet étant enlevés de la boîte cranienne, on constate que les vaisseaux de la pie-mère sont gorgés d'un sang très noir ; l'injection qui en résulte donne à l'ensemble de l'organe une teinte brune très foncée, particulièrement dans les sillons qui séparent les circonvolutious. Les plexus choroïdes sont également gorgés de sang. De la grande veine de Galien, j'extrais un long caillot noir qui la remplissait en entier ; une petite quantité de sérosité très rouge existe dans les grands ventricules; la substance céphalique divisée dans toutes ses parties, laisse voir immédiatement — aussi bien dans le cervelet que dans le cerveau — un pointillé rouge noirâtre qui augmente rapidement, en ce sens que, quelques instants après l'incision, les points paraissent beaucoup plus gros ; indice évident, pensons-nous, de la distension des petits vaisseaux dont ils indiquent la section. Ce pointillé est généralement plus prononcé à gauche qu'à droite ; il est surtout plus considérable dans les tubercules bi-géminés. »
Diagnostic. — [Les symptômes caractéristiques tirent ici leur importance principale de leur apparition après la mise-bas. Ainsi, dit Villeroy, lorsque les vaches qui, après avoir tout récemment vêlé, deviennent tristes sans cause apparente, qu'elles perdent l'appétit, refusent même toute nourriture, ne ruminent plus, ne peuvent plus se tenir sur leurs jambes, qu'elles restent constamment couchées, en appuyant la tête sur les côtés de la poitrine ou sur la litière, on peut facilement diagnostiquer l'existence de la Fièvre vitulaire.]
Pronostic. — La Fièvre vitulaire est une maladie très grave, souvent mortelle ; aussi, quelques praticiens conseillent-ils de sacrifier immédiatement pour la boucherie la vache malade. Il ne faut pourtant rien exagérer. D'une part, en effet, la bête est susceptible de se rétablir et, d'autre part, la viande peut être saisie, notamment lorsqu'il existe quelque complication du côté de l'utérus, de nature à faire craindre une infection septicémique.
Le praticien doit donc plutôt s'appliquer à prévoir les conséquences, heureuses ou funestes, de la maladie, tout en instituant un traitement dont il sera parlé ci-après. Sa tâche est difficile, il est vrai, car on a vu plus d'une fois des vaches succomber au moment le plus inattendu. Parmi les signes que l'on considère comme permettant d'émettre un pronostic favorable, il convient de signaler le rétablissement de la sécrétion urinaire et de la défécation. Quand on parvient à combattre la constipation, disent
tous les praticiens, c'est le premier signe de guérison. On conçoit que l'inertie complète du tube digestif et de l'appareil urinaire est un mauvais signe. Néanmoins, il faut reconnaître que la plus grande incertitude règne sur la valeur réelle des signes pronostiques sur lesquels le praticien peut motiver son appréciation, de telle sorte qu'il peut arriver que la mort survienne quand on se croyait en droit de compter sur une guérison prochaine, ou bien que la bête se rétablisse. — A ce sujet, il est permis de se . demander, avec H. Bouley, s'il ne serait pas possible d'établir un pronostic exact en tenant compte surtout des signes qui sont fournis par l'état du pouls et la température animale, et l'on conçoit aisément que l'emploi du thermomètre donnerait des indications précises.
Traitement. — Il est préservatif ou curatif ; le premier procède des données que nous possédons sur les circonstances les plus certaines dans lesquelles la maladie apparaît. Ainsi, pour prévenir l'état pléthorique qui prédispose les vaches à la Fièvre vitulaire,
il est bon de prendre les précautions suivantes : « Diminuer un peu la ration aux approches du part ; fournir aux femelles des aliments plus facilement digestibles, plus aqueux, moins encombrants, — des racines, du son mouillé, de l'herbe verte, si la saison le permet ; — éviter ou combattre la constipation à laquelle les vaches pleines, nourries au sec et tenues à l'étable, sont assez sujettes, et qui est sinon le point de départ, comme quelques-uns l'admettent, du moins une complication constante et grave de la maladie; —leur procurer, autant que possible, chaque jour un peu d'exercice, toujours si sal-utaire à toutes les femelles en état de gestation ; — éviter avec soin les courants d'air et tout ce qui peut produire des troubles des fonctions cutanée^(l). » — La saignée pratiquée, vers la fin du neuvième mois, constitue un excellent moyen préventif de la Fièvre vitulaire chez^es vaches pléthoriques dont les [vaisseaux sous-cutanés, notamment ceux des / oreilles, sont bien apparents. '
[Le traitement curatif est très varié. Villeroy a recommandé le traitement suivant, qui est à peu près analogue à celui que j'ai employé. « On pratique d'abord une saignée à la jugulaire, et l'on tire de 2 à 3 kilos de sang, suivant l'intensité de l'inflammation, l'âge et la force de la bête. » Je fais de préférence la saignée à la veine mammaire afin de ne pas augmenter la congestion encéphalique par l'application d'un lien autour de l'encolure. « On administre ensuite, de trois heures en trois heures, des breuvages composés de : sel de Glauber, 60 à 90 grammes;
(1) Saint-Cyr, Traité d'obstétrique, p. 717.
sel de nitre, 15 grammes, disssous dans de l'eau chaude, puis étendus dans une décoction émolliente, comme graine de lin, mauve, etc. Ces breuvages sont continués jusqu'à ce que la fièvre et les symptômes iuflammatoires soient apaisés. »
[Rien à dire sur la composition des breuvages, sinon qu'il est plus simple de faire dissoudre directement le sel de Glauber dans la décoction émolliente, et qu'il est au moins inutile d'y ajouter 15 grammes de sel de nitre.
[Dans le cas de constipation opiniâtre, on ajoute à chaque breuvage 120 à 200 grammes d'huile de lin, et l'on administre des lavements émol1ienls (trois ou quatre par jour), jusqu'à ce que la constipation ait cessé.
[On fait usage de frictions avec le bouchon de paille, et mieux encore avec l'essence de térébenthine, sur la colonne dorso-lombaire et sur le ventre.
[L'engorgement et l'inflammation des mamelles, qui se manifestent ordinairement pendant le cours de la maladie, doivent être traités par des embrocations adoucissantes : les onctions d'althéa, d'onguent populéum légèrement camphré; et si l'engorgement tend à s'indurer, on fait des frictions avec le liniment ammoniacal camphré. Je repousse, dans ce cas, l'emploi de la pommade mercurielle: il offre des inconvénients trop graves.
[Ici, comme dans tous les cas d'engorgement des mamelles, il faut de toute nécessité avoir le soin de traire les vaches plusieurs fois par jour, afin d'éviter la formation de dépôts laiteux, qui ont toujours beaucoup de gravité. L'inflammation acquiert par leur présence une intensité considérable; la suppuration en est la conséquence, et souvent, après la guérison, la mamelle s'atrophie. Donc, il faut traire la vache avec beaucoup de soin, quand même le lait jaillirait sanguinolent.]
Aux moyens précédents, il convient d'ajouter l'emploi de l'eau froide, soit à l'aide de compresses appliquées sur le front et la nuque, soit à l'aide d'un, bandage matelassé appliqué sur le chignon et sur le front, soit enfin avec un sac de loile étendu sur la partie supérieure de la tête et la région dorsale. —Ces divers appareils (compresse, bandage ou sac) sont mouillés continuellement avec de l'eau froide, ou bien on les trempe de temps en temps dans ce liquide et on les applique sur la tète et le dos, de manière à refroidir ces régions, afin d'exciter les contractions des capillaires et de prévenir l'hémorragie cérébrale, c'est-à-dire une lésion incurable, qui est imminente dans le cas de Fièvre vitulaire.
Ces applications réfrigérantes doivent être continuées pendant plusieurs heures. — On les supprime peu à peu, lorsque la vache relève la tête et que le regard reprend son expression habi-
tuelle. Alors on la sèche en la bouchonnant vigoureusement et on l'enveloppe chaudement; puis on renouvelle la litière qui est toujours mouillée. — Afin de combattre le coma et d'exciter le tube digestif, Violet recommande d'administrer trois ou quatre litres de café noir à raison de un par heure. Ce breuvage doit être versé dans la bouche avec lenteur et en petite quantité à la fois pour qu'il ne fasse pas fausse route. — S'il ne se produit aucune amélioration, on administre une nouvelle dose de café, après dix ou douze heures, en y ajoutant 300 à 400 grammes de sulfate de soude.
Lorsque l'animal est tellement abattu qu'il ne peut plus avaler, il est indiqué de faire des injections sous-cutanées de vératrine, d'ésérine ou même de strychnine. — Ces alcaloïdes exercent une action constrictive marquée sur les vaisseaux et peuvent ainsi faire disparaître la congestion de l'encéphale. — En outre, la vératrine et l'ésérine provoquent des évacuations excrémentitielles copieuses, qu'il est indiqué d'obtenir dans le traitement de la Fièvre vitulaire.
Il convient de se servir d'une solution aqueuse de sulfate de vératrine ou de sulfate d'ésérine en se rappelant toutefois que la solution de ce dernier sel s'altère rapidement. — Les doses varient de 091,05 à 091,10 qu'il convient de ne pas dépasser, mais on peut les répéter au bout de quinze à vingt minutes. — En ce qui concerne le sulfate de strychnine, on se souviendra que l'élimination de ce sel exige environ trois jours et qu'un empoisonnement se produirait par l'accumulation de petites doses administrées il de courts intervalles. Chez le bœuf, la dose toxique est, d'après M. Kaufmann, de ogr@,)o à ogr,40. — Les injections hypodermiques tendent de plus en plus à s'introduire dans notre thérapeutique et il est à désirer, dirons-nous avec Violet, que l'avenir justifie les espérances que font naître les propriétés physiologiques de ces divers agents médicamenteux et que semblent déjà confirmer quelques essais heureux.
ARTICLE X
DE L'AVORTEMENT.
[L'avortement ou parturition avant terme est l'expulsion accidentelle du fœtus hors de la matrice, avant l'époque fixée par la nature pour qu'il ait acquis tout le développement nécessaire à son existence. Les femelles de tous les animaux peuvent avorter et à toutes les époques de la gestation. Si l'avortement a lieu dans
les premiers temps, le fœtus est toujours privé de vie ; si, au contraire, cet accident n'est survenu que vers la fin de la gestation, non seulement le fœtus peut naître vivant, mais encore il est possible de le voir prolonger son existence.
[H. Bouley fait observer avec raison (.Nouveau Dictionnaire p1'a- tique de médecine et de chirurgie vétérinaires, article AVORTEMENT), que « l'Avortement diffère de l'accouchement prématuré en ce que, dans ce dernier cas, le fœtus, bien qu'il vienne au monde avant le terme ordinaire prescrit pour sa sortie de la cavité utérine, réunit cependant en lui toutes les conditions de sa viabilité, il est apte à vivre indépendamment de sa mère ».
[La durée de la gestation est, sur la vache, de huit à neuf et quelquefois dix mois. Or, s'il arrive qu'une cause agisse d'une manière plus ou moins active sur l'économie en général, ou sur l'organe utérin en particulier, l'expulsion du fœtus peut être déterminée avant ce terme. Ainsi l'Avortement est un effet et, pour le prévenir, il importe de bien déterminer les causes qui le produisent.]
Causes. — [Dans certaines localités, on a vu un grand nombre de vaches avorter en même temps, ce qui a fait reconnaître un Avortement dit enzootique; de là est venue également l idée de la contagion considérée comme cause déterminante. D autres fois, l'Avortement ne s'étant manifesté que sur un petit nombre de bêtes à la fois, et toujours isolément, on a pu l'attribuer à des causes particulières non susceptibles de se reproduire avec persistance et régularité. Il me semble donc nécessaire, pour rendre cette étude facile, de distinguer deux sortes de causes : 1° des causes générales; 2° des causes particulières.
[Certaines des observations citées par Flandrin, pour constater que la Parturition avant terme peut être remarquée sur un grand nombre de femelles à la fois, serviront à spécifier une partie de ces causes; et j'ajouterai ensuite aux observations du savant professeur celles qui ont été recueillies par d'autres praticiens ou par moi-même.
[.Première observation, communiquée par Barrier (de Chartres).
Après avoir donné les signes précurseurs de l'Avortement, Barrier se résume en ces termes :
« Les vaches deviennent en chaleur aussitôt après l'Avortement, mais elles conçoivent difficilement et sont souvent en chasse avant de se faire emplir; quelques-unes le deviennent même après avoir conçu; d'autres, enfin, et ce cas est le plus fréquent, ne peuvent concevoir, surtout avant la révolution du terme... Il est rare de voir une vache n'avorter qu'une seule année; nous avons vu un troupeau nombreux dans lequel cet accident s'est renouvelé pen-
dant cinq années de suite... Au bout de ce temps, la maladie du sang survint et emporta toutes les mères... L'Avortement reparut après la disparition de cette maladie, et pendant deux années encore, il occasionna des pertes considérables. »
[Plusieurs vaches sont sujettes à des ardeurs, à des sécheresses de la peau, à des démangeaisons, à des ébullitions, etc., etc.
[Barrier continue : « Les causes de l'Avortement épizootique, dont nous venons de reconnaître la marche, sont : la construction vicieuse des étables où ces vaches sont renfermées pendant toute l'année, les mauvais soins qu'on y donne à ces animaux, les aliments qui leur sont distribués et l'eau des mares dont on les abreuve, les vicissitudes de l'atmosphère, la prédisposition des organes de la génération, etc., etc. »
[Deuxième observation : « Les vaches, dit Flandrin, qui pâturent l'herbe couverte de gelée blanche avortent fréquemment... Seize vaches avortent en différents temps de la gestation; elles avaient pâturé pendant un été très sec dans un marais fangeux; les vaches enfonçaient dans la vase jusqu'aux genoux; les plantes qu'elles paissaient étaient des laiches, des joncs, des renoncules. Plusieurs de ces vaches sont mortes. »
[Ici ce ne sont pas les émanations méphitiques qui ont provoqué l'Avortement, du moins ce n'est pas probable ; c'étaient plutôt les propriétés toxiques des renoncules, lesquelles sont emménagogues et irritantes à un très haut degré.
[L'herbe couverte de gelée blanche, l'alimentation par des plantes âcres venues dans des marais fangeux, sont ici les causes qui ont déterminé des phlegmasies intestinales et ont aussi provoqué l'Avortement. C'est ce que j'ai observé plusieurs fois.
[En 1824, je fus consulté par un propriétaire qui, voulant exploiter lui-même ses propriétés, s'était décidé à les retirer à son fermier. Il avait d'abord placé, sur trois métairies, dix vaches qu'il destinait à la reproduction et qu'il faisait travailler quelquefois, lorsque les travaux des champs devenaient trop pressants. La première année, trois vaches avortèrent : deux du quatrième au cinquième mois, une à la fin du septième. Les fœtus étaient bien conformés et bien développés. L'arrière-faix fut expulsé au moment de l'Avortement, et sur la dernière vache se déclarait, en même temps, une hémorragie assez forte pour inspirer des craintes. Cependant, cette hémorragie s'arrêta, sans qu'il fût employé aucun moyen pour cela. Ces vaches se rétablirent très promptement, et ne tardèrent pas à être fécondées de nouveau.
[Les deux premières, qui avaient avorté l'année précédente, avortèrent à cinq ou six mois de la gestation ; et celle qui avait été affectée d'hémorragie utérine arriva à son terme sans avoir
éprouvé de malaise apparent : elle mit bas un veau bien conformé qui vécut deux jours sans qu'il fût possible de le faire téter. Il resta constamment couché, ayant la tête appuyée sur un des côtés de la poitrine; enfin, il mourut dans les convulsions, rendant par l'anus des matières mucoso-sanguinolentes... Cette vache resta longtemps en chaleur et ne put être fécondée cette année-là.
[En mai 1826, une des vaches qui n'avaient pas avorté parut, un jour, éprouver de violentes coliques en revenant des champs, après une attelée de quatre heures; on lui administra, suivant l'usage, un breuvage composé d'huile d'olive et d'eau-de-vie. Une heure après, elle avorta d'un fœtus bien conformé, non vivant. Le placenta fut arraché, et cette opération fut suivie d'une forte hémorragie qui ne tarda pas à s'arrêter. Deux jours après, la vache ne paraissait pas avoir été malade ; elle recherchait le taureau.
[Voilà quelles circonstances avaient précédé ma première visite. [Je trouvai toutes les vaches dans un état d'embonpoint très prononcé ; les veaux qu'elles avaient produits étaient aussi en bon état. Dans les prairies, dans les étables, rien ne paraissait avoir pu donner lieu aux avortements. Il fallut bien reconnaître la cause de cet accident dans l'état constamment pléthorique où se trouvaient les vaches. Cette conjecture se fortifiait par les symptômes qui avaient accompagné l'Avortement. Les fourrages, — pris exclusivement parmi ceux des prairies artificielles dont le sol est argilo-calcaire, et ce sont les plus nourrissants, — étaient donnés sans mesure, ils avaient dû être au moins une cause prédisposante. La ration fut réduite de moitié. Je pratiquai sur toutes les vaches, quelle que fût l'époque de la gestation, une saignée de 3 à 4 kilos. Depuis, cette opération fut répétée tous les ans, et il n'y eut plus d'Avortement.
[Il est une autre cause qu'il n'importe pas moins de signaler ici, parce qu'elle peut occasionner l'Avortement sur plusieurs bêtes en même temps et dans un même lieu : c'est la disproportion qui peut exister entre le mâle et la femelle.
[Flandrin rapporte, d'après Moutonet, « qu'à Bournonville toutes les vaches avortaient : quatorze, qui avaient été saillies par un taureau très gros et très long de corps, et qui les fatiguait beaucoup dans le temps du saut, avortèrent à quatre mois. »
[J'ai signalé, dans le temps, un fait de la même nature ; mais tout en reconnaissant que la pesanteur du corps a de très graves inconvénients, il m'est impossible d'admettre que l'un de ces inconvénients ait été la cause de l'Avortement pendant le qua-
trième mois de la gestation. Ce n'est pas le saut, mais bien le développement du fœtus qui provoquait l'Avortement.
[« Dans certaines circonstances, dit H. Bouley, la cause de l'Avortement enzootique peut être attribuée à la faiblesse du mâle qui a sailli toutes les femelles d'un troupeau. Ainsi, par exemple, lorsqu'un taureau est obligé à couvrir trop de vaches à la fois, il perd de ses vertus prolifiques, et les produits qui en proviennent n'ont souvent pas assez de forces pour arriver à leur entier développement. »
[Salomé est du même avis, et j'ai fait la même observation relativement aux taureaux cantonaux, qui, dans bien des cas, sont épuisés par la même cause.
[Au nombre des causes générales, il faut aussi placer l'infection, que Flandrin, ses continuateurs et Hurtrel d'Arboval ont désignée sous le nom de contagion.
[Des bêtes malades sont entassées dans une étable où l'air est altéré par la respiration, vicié par les émanations délétères qui s'exhalent du corps des animaux. Ces émanations, répandues dans une atmosphère circonscrite, sont aspirées par les poumons : elles pénètrent dans l'économie par toutes, les voies de l'absorption générale, et tout semble prouver qu'elles doivent produire sur le système génito-urinaire une impression capable d'amener l'Avortement. Aussi, lorsque ces émanations proviennent en forte proportion du flux utérin d'une vache, après son Avortement, leur action doit être puissante, car on sait quelle odeur fétide exhale par sa décomposition le placenta du foetus : l'odeur des sanies du sphacèle l'égale à peine. Nous pouvons donc considérer une semblable émanation comme une cause directe d'Avortement.
[« C'est une intoxication, » dit H. Bouley; et Gellé, Rainard, Huvelier et Salomé, partagent cette opinion; » et, ajoute H. Bouley, nous croyons que cette interprétation de l'influence des vaches qui avortent sur les femelles pleines avec lesquelles elles cohabitent convient à un certain nombre des faits observés. S'il est vrai que les miasmes qui se dégagent, par les temps chauds, de la bourbe des mares ou des flaques d'eau à moitié desséchées, exercent sur l'organisme des femelles en état de gestation une influence nuisible qui les prédispose à avorter, à plus forte raison cette influence doit-elle être efficace et puissante, lorsque ces miasmes sont concentrés dans les étables chaudes, hermétiquement closes... Il n'y a donc pas de doute qu'il y a là un principe nuisible au premier chef, auquel on peut avec justesse attribuer, dans un certain nombre de cas, la propagation de l'Avortement dans une étable lorsqu'une fois il s'est manifesté sur une femelle. »
[Ce que nous savons de l'étiologie de cette propagation, n'en
est pas le dernier mot. Je me borne à. dire que je n'ai pas trouvé d'autre explication aux Avortements remarqués dans une étable contenant un certain nombre de femelles. Après un ou plusieurs accidents de cette nature, il est toujours prudent d'éloigner la vache qui vient d'avorter des autres femelles en état de gestation. Pendant longtemps, je ne m'expliquai pas, comme beaucoup de mes confrères, une pratique qui pouvait bien avoir eu dans le principe quelque raison d'être : quand une vache avortait, on la plaçait dans l'endroit de l'étable le plus éloigné des. autres bètes, et l'on faisait jeter par la fenêtre opposée à la porte d'entrée le veau produit par l'Avortement. Cette pratique avait bien en elle-même quelque chose d'étrange, d'autant plus qu'on l'expliquait ordinairement par des causes surnaturelles; mais il est évident qu'elle avait été d'abord inspirée par certaines idées d'infection ou de contagion, mal définies à la vérité, mais non entièrement dépourvues de sens.
[Je n'ai jamais observé un Avortement ayant pour cause la contagion; mais j'ai pu me convaincre, dans plusieurs circonstances, qu'il pouvait être provoqué par une action sympathique d'organes soumis à un état morbide.
[Ainsi, j'ai vu, en 1826, le tiers des brebis d'un nombreux troupeau avorter à deux mois de la gestation, pendant la durée d'une affection charbonneuse enzootique.
[L'eau très froide des viviers ou des mares, dont on a brisé la glace, qui sert de boisson à des vaches pleines au moment où elles sortent d'une étable dont la température est très élevée, donne lieu à l'Avortement. Il est toujours imprudent de rompre la glace pour abreuver immédiatement des animaux mâles ou femelles, avant de les avoir préparés à supporter cette boisson sans danger, en ramenant l'air des étables à la température de l'air extérieur, par l'ouverture des portes et des fenêtres.
[Après avoir ainsi passé en revue la plupart des causes générales qui peuvent provoquer l'Avortement sur un certain nombre de femelles à la fois, il reste à faire connaître celles qui le provoquent accidentellement. Les coups, les chutes sont de ce nombre, ainsi que les heurts contre les poteaux ou les battants des portes, lorsque les femelles se pressent pour sortir de l'étable. Il faut aussi ranger dans les mêmes causes les courses violentes et les surexcitations que provoquent des chiens mal dressés.
[Les coups portés sur la croupe peuvent produire un Avortement subit : c'est ce que j'ai remarqué plusieurs fois sur les vaches, sur les brebis et sur les juments.
[On a dit qu'une saignée pratiquée dans les premiers temps de la gestation est une cause infaillible d'Avortement ; cette opinion
est même généralement accréditée, et, pourtant, rien n'en démontre l'exactitude.
[Quand la saignée est bien indiquée, elle n'est jamais une cause d'Avortement ; je l'ai pratiquée sans inconvénient sur un très grand nombre de femelles en état de gestation. Depuis bien longtemps, je ne considère plus l'état de gestation comme une contre-indication des émissions sanguines abondantes. Pour que la saignée produisit l'Avortement, il faudrait la pratiquer sans nécessité et sans mesure.
[Il est cependant évident que si on voulait essayer de la saignée sur des bêtes que les privations de tout genre ont réduites à un état d'anémie complet, qui d'ailleurs avortent très souvent par le seul fait de cet état, cette saignée pourrait bien être suivie d'un Avortement comme d'une syncope ou de la mort, et c'est très judicieusement que M. Bouley reconnaît des causes affaiblissantes.
[Une cause d'Avortement assez fréquente, c'est la saillie intempestive. Les vaches saillies pendant la gestation par des taureaux ou des bœufs imparfaitement bistournés avortent toutes inévitablement.
[Les phlegmasies de l'utérus, occasionnées ordinairement par les causes externes dont j'ai parlé plus haut, peuvent donner lieu à l'Avortement. On prévient cet accident par un traitement ration- * nel. Les squirrhes de l'ovaire sont aussi des causes d'Avortement, [Les vaches affectées de la phthisie tuberculeuse ou pommelière avortent quelquefois, surtout quand elles ont de fréquents et violents accès de toux.
[Le marasme est aussi une cause d'Avortement ; on dirait, dans ce cas, que cet accident a lieu par suite de la faiblesse et du relâchement des tissus. L'extrême vieillesse produit le même effet.
[L'action des cantharides produit l'Avortement. Une vache pleine de six mois était affectée d'une laryngite croupale très intense. J'appliquai autour du larynx et de la portion supérieure de la trachée un large vésicatoire s'étendant en partie sur les faces de l'encolure. Cette vache était menacée de suffocation, et au bout d'une heure elle respirait plus librement; le vésicatoire avait produit son effet, mais la vache avortait.
[Cette action abortive des cantharides, je l'ai remarquée aussi puissante et aussi prompte sur les juments, et depuis je n'applique jamais de vésicatoires sur des femelles en état de gestation, sans incorporer à l'onguent une certaine dose de camphre.]
Symptômes. — Signes précurseurs. — [S'il importe d'indiquer avec soin les causes diverses de l'Avortement, il n'importe pas moins d'en signaler les symptômes précurseurs, et cela n'est pas toujours facile. L'incurie des conducteurs de bestiaux fait que le
plus souvent ces signes passent inaperçus; d'autres fois, ces conducteurs eux-mêmes, dans la crainte de s'attirer un blâme qu'ils ont mérité, s'efforcent de cacher la manifestation de ces symptômes au propriétaire ou au vétérinaire, de telle sorte que ce dernier n'est prévenu ordinairement que lorsque l'Avortement a eu lieu. Ces signes, d'ailleurs, sont variables, comme les causes. Ainsi, quand l'Avortement résulte de l'infection, il est précédé de la perte de l'appétit, de la cessation de la rumination. Quelquefois, les vaches sont météorisées; leur marche est chancelante; si la gestation est avancée, on cesse d'apercevoir les mouvements du fœtus; le ventre est affaissé; la vache reste longtemps dans une même position, couchée ou debout, et sans faire aucun mouvement. Sa respiration est oppressée, légèrement convulsive ; elle mugit quelquefois. Des matières gluantes fluent par la vulve; la croupe s'affaisse, la vulve se dilate, le fœtus se présente dans le vagin et il est totalement expulsé, sans de grands efforts.
[Si l'Avortement a pour cause la maigreur, soit que la faiblesse extrême de la vache provienne d'une alimentation insuffisante, soit qu'elle résulte de la vieillesse seule, la sortie du fœtus s'effectue sans efforts et sans secousses. On le trouve sur la litière, et la femelle a les cuisses et les fesses salies par des matières gluantes, sans que d'autres symptômes aient annoncé l'imminence de l'Avortement. Cependant, les mouvements de la respiration sont irréguliers, l'appétit a diminué et l'affaiblissement est général.
[Au reste, cet Avortement, tel que je viens de le décrire, s'observe plus particulièrement sur la jument; car j'ai vu un très grand nombre de vaches pleines tombées dans le marasme, rester plusieurs jours sur la litière et dans l'impossibilité de se lever, et il m'est arrivé très rarement d'en rencontrer que cet état eût prédisposées à l'Avortement. On dirait que la vache avorte plutôt par l'effet d'une surexcitation que par un affaiblissement.
[Les signes de la parturition avant terme, occasionnée par des coups qui ont porté sur l'abdomen ou les reins, ou par des causes violentes, diffèrent des précédents en ce qu'ils sont plus saillants et qu'ils dénotent un trouble prononcé de la santé. La vache cesse de manger et de ruminer; elle s'agite, se tourmente, appuie fréquemment la tête sur la mangeoire, sur la litière ou sur son flanc, mugit, frappe du pied ; quelquefois, il se déclare une hémorragie utérine. L'expulsion du fœtus ne se fait pas sans efforts ; souvent le col de l'utérus ne peut se dilater, et dans ce cas, la rupture de cet organe est à craindre si les contractions utérines persistent.
rL'utérus est fortement rejeté en arrière; le rectum est comprimé; et en même temps que l'abdomen est affaissé, chaque con-
traction nouvelle provoque l'expulsion de faibles portions de matières fécales et le soulèvement du flanc.
[Phénomènes consécutifs. — Les suites de l'Avortement qui a eu lieu sous l'influence des causes générales agissant sur un certain nombre de femelles à la fois sont toujours en rapport d'intensité avec ces causes. Si l'impression a été profonde, de longue durée, que la constitution des individus ait été gravement affectée, la maigreur, la faiblesse générale, l'adhérence de la peau aux tissus sous-jacents, sa rigidité, le défaut d'appétit, la diminution de la sécrétion du lait sont les symptômes apparents d'un état morbide dont le siège et le caractère peuvent varier.
[Ce sont, d'ordinaire, des phlegmasies chroniques d'un ou de plusieurs viscères, et d'autres fois l'engorgement inflammatoire de l'utérus qui se manifeste par une légère tension du flanc droit, par un suintement fétide à travers le vagin et la vulve ; et si les organes digestifs participent à cet état morbide, ce qui se produit presque toujours, la rumination n'a point lieu, et les digestions sont lentes, pénibles, interrompues.
[Quelquefois, si la cause n'a pas agi très énergiquement, les résultats sont moins graves ; mais l'utérus peut avoir contracté une disposition à se débarrasser du fœtus, au bout d'un certain temps, avant la fin de la gestation normale. On a dit, à ce sujet, que les Avortements subséquents s'effectuaient toujours au temps de la gestation où le premier avait eu lieu, avec cette différence néanmoins que cette période suivait une marche ascendante : par exemple, si le premier Avortement a eu lieu pendant le quatrième mois de la gestation, le second arrivera dans le cinquième mois, et le troisième Avortement vers la fin du sixième mois, jusqu'à ce qu'enfin la mise-bas se fasse à terme. Il m'a été difficile de me former une conviction à cet égard. J'ai vu très souvent la seconde gestation arriver à son terme, après un premier Avortement, lorsque les femelles avaient été soustraites à l'action de la cause déterminante.
[Quand l'irritation de l'utérus existe sans autre complication, comme accident consécutif de l'avortement, elle entretient les femelles en chaleur ou leur fait perdre tout désir de copulation ; dans le premier cas, la vache recherche le taureau, elle se laisse saillir et se trouve rarement fécondée. Lorsque la parturition avant terme n'a pu être effectuée qu'avec beaucoup de difficultés par des manœuvres pénibles, et qu'elle a été provoquée par des coups portés avec violence sur la région lombaire ou abdominale, le déchirement du col de l'utérus, des blessures au vagin, la chute de ce dernier organe et le renversement de la matrice, la perforation du rectum, sont des accidents qui peuvent en être la conséquence, aussi bien que la métro-péritonite.
[On observe quelquefois que, le fœtus étant mort, la vache ne fait aucun effort pour s'en débarrasser, et cela arrive principalement toutes les fois qu'après l'écoulement des eaux de l'amnios la parturition ne s'est pas effectuée. Dans cet état, le fœtus reste quelquefois dans l'utérus pendant plusieurs jours. Alors, la vache témoigne d'une grande anxiété ; elle rumine peu, cesse bientôt de prendre des aliments, regarde son ventre en poussant de sourds mugissements ; les lèvres de la vulve restent écartées : le col de l'utérus et le vagin sont dilatés, et ils n'offrent aucune résistance à une dilatation plus considérable.
[Après trois ou quatre jours, la situation s'aggrave, le trouble des fonctions va en augmentant, un liquide sanieux apparait aux bords de la vulve, et si l'on ne se hâte de procéder à l'extraction du fœtus, devenu un corps étranger dont la décomposition commence, la vache périt inévitablement. Tels sont les principaux phénomènes morbides qui se manifestent à cette occasion ; mais il existe des différences dans le mode de manifestation, et les symptômes n'ont pas toujours autant de gravité. Le plus ou le moins d'impressionnabilité des vaches, leur état de santé au moment où les causes de l'Avortement se produisent, le genre de nourriture de ces femelles et une foule d'autres circonstances, influent en bien ou en mal et font varier le pronostic.
[J'eus une fois à donner mes soins à une vache qui était dans le septième mois de la gestation ; depuis dix jours, elle avait rendu les eaux de l'amnios et aucun autre signe de parturition ne paraissait ; elle était seulement un peu triste, elle ruminait Ôêt avait conservé son appétit ordinaire. Le fœtus était déjà dans un état de décomposition sensible ; j'en opérai l'extraction, et la vache ne parut pas avoir été malade.
[Si les excoriations de la membrane muqueuse de l'utérus et du vagin ne sont pas, en général, des accidents très graves, excepté en temps d'épizootie, il n'en est pas de même de la perforation du rectum. Celle-ci est mortelle le plus souvent, ou donne lieu à une fistule qui rend l'animal impropre à tout service.
[En juin 1826, on me fit voir une vache qui, à la suite d'un avortement, avait conservé une fistule communiquant du rectum au vagin. Des matières fécales s'échappaient par l'ouverture, salissaient et irritaient le vagin ; cette vache étant dans le marasme, on la fit abattre.
[Le placenta n'est pas toujours expulsé avec le fœtus, et des accidents morbides peuvent être la conséquence de son séjour prolongé dans l'utérus, soit que la parturition ait eu lieu à terme ou avant terme; mais ces accidents sont plus rares qu'on ne l'a dit, et d'ailleurs, ils ne sont point d'une gravité extrême.
[Chez beaucoup de vaches, le placentan'estexpulséque plusieurs jours après la parturition, sans qu'elles paraissent malades. D'autres fois, il reste en partie attaché à l'utérus, tandis qu'une portion, roulée sur elle-même, se présente dans le vagin et hors de la vulve. D'ans ce cas, son extraction est une opération simple et facile. L'opérateur recouvre sa main d'un linge assez grossier quoique souple, et il opère par des tractions soutenues et faibles. S'il agissait brusquement, la portion libre se séparerait de celle qui adhère à l'utérus, et son extraction serait plus difficile.
[Quand le placenta est resté dans l'utérus et que le col de cet organe s'est resserré, ce qui arrive quelquefois, la vache témoigne d'une certaine anxiété; elle n'a point son appétit ordinaire, elle rumine peu et semble météorisée vers le flanc droit. Alors on aperçoit des matières gluantes fluer parfois de la vulve. Dans cette circonstance, on doit administrer un breuvage emménagogue, tel que celui-ci :
Seigle ergoté, suivant la taille de ]a vache.... 16 à 32 grammes. Infusion aromatique .............................. 1 litre.
[Ce traitement suffit pour amener l'expulsion du placenta, et s'il en est autrement, on répète l'administration de ce breuvage.] Néanmoins, il peut arriver que le praticien soit obligé de pratiquer la délivrance, car les breuvages ne suffisent pas toujours.
[La rétention du délivre ne devient un accident grave que lorsque cet organe séjourne dans l'utérus au delà de huit à diy jours, et qu'il commence à se décomposer en une matière putride qui se présente dans le vagin et hors de la vulve. Surtout en temps d'épizootie, chez une vache qui vit au milieu d'autres animaux de la même espèce, cette décomposition présenterait un danger, non seulement pour cette vache elle-même, mais aussi pour les autres animaux.
[L'Avortement produit encore cet effet sur les femelles qui l'ont éprouvé, que souvent elles restent valétudinaires pendant plusieurs mois, avec les flancs serrés, les mouvements de la respiration irréguliers, n'ayant point d'appétit et fournissant peu de lait; au reste, l'Avortement a des suites d'autant plus fâcheuses qu'il a lieu à une époque plus avancée de la gestation.]
Moyens préventifs. — [Soustraire les femelles aux causes qui provoquent cet accident, est la première et la plus judicieuse indication à remplir pour prévenir l'Avortement. La plupart de ces causes ont été énumérées, et il suffit de se les rappeler et d'employer les moyens hygiéniques propres à les faire disparaître
ou à les neutraliser : pratiquer de nombreuses ouvertures aux murs des étables, afin de faciliter le renouvellement de l'air et l'entrée de la lumière. Si on laisse le fumier dans les étables, il faut le recouvrir de litière, de terre ou d'autres substances susceptibles d'absorber les gaz qui s'en dégagent; l'agriculteur gagne doublement à cette pratique. Il y a des personnes qui pensent rendre les écuries ou les étables plus salubres en faisant enlever le fumier tous les jours, sans avoir la précaution de recouvrir le sol d'une litière quelconque ; mais il arrive que, par le piétinement des animaux, les excréments déposés dégagent des gaz qui vicient l'air. Mieux vaut laisser le fumier sous les pieds des animaux et avoir le soin de le recouvrir.
[Les fumigations chlorurées ou phéniquées ont la propriété de détruire les germes contagieux.
[Le lavage des murs, des crèches, des râteliers, etc., avec la dissolution de chlorure de soude, est un excellent moyen de désinfection; mais il ne faut pas oublier que ce désinfectant n'a d'autre propriété que de purifier les objets avec lesquels il est en contact, et non de suppléer au renouvellement de l'air, dans un lieu qui n'en reçoit pas une quantité suffisante.
[Si l'eau qui sert habituellement de boisson est devenue malsaine, il ne fau t pas reculer devant un déplacement et des dépenses. Je ferai observer néanmoins, pour ne rien exagérer, que l'on voit des bœufs et des vaches s'abreuver de préférence à des mares dont l'eau est noirâtre et semble devoir être malsaine, et dont un long usage a prouvé l'innocuité; aussi, le vétérinaire est-il dans l'obligation de ne pas se prononcer légèrement sur l'insalubrité des boissons, afin de ne pas détourner l'attention de la véritable cause, si elle existe d'autre part.
[Il est à peu près constant que lorsque l'eau des réservoirs où s'abreuvent les bestiaux est réellement malsaine, ceux-ci ne s'en approchent qu'avec répugnance et pressés par la soif. J'ai remarqué également que lorsque des eaux stagnantes existaient autour des habitations rurales, ce n'était pas précisément comme boisson qu'elles étaient malsaines, mais principalement par leurs effluves qui, volatilisées pendant le jour, infectent l'air le matin et le soir, s'introduisent dans l'économie par le poumon, la peau, en un mot, par les voies absorbantes. Je crois que les eaux insalubres, à moins qu'elles ne le soient par les éléments minéraux qu'elles contiennent, n'ont pas une action aussi pernicieuse en passant par les voies digestives.
[L'usage d'envoyer les vaches pleines paître l'herbe couverte de gelée blanche, sous le prétexte ridicule qu'elles en seront purgées, doit être sévèrement interdit. L'herbe couverte de gelée
agit à la façon des drastiques en irritant les muqueuses, ou bien par indigestion. Dans l'un ou l'autre cas, c'est un très mauvais moyen d'alimentation; cette herbe est un purgatif violent administré sans but et à contretemps; elle irrite la membrane intestinale, et sympathiquement elle provoque la parturition avant terme. C'est ainsi qu'opèrent en général les substances qui ont des propriétés emménagogues.
[Si l'Avortement enzoo tique tient à une irritation permanente des organes ou à la prépondérance excessive et habituelle du système sanguin, il faut pratiquer une saignée sur les vaches qui se trouvent dans cet état et diminuer leur ration de fourrage. On a vu plus haut .quels avaient été les bons effets d'une semblable médication.
[Dans les années calamiteuses, quand tous les fourrages ont été mal récoltés ou avariés, alors qu'ils sont par conséquent peu nutritifs, indigestes, qu'ils irritent les organes par les portions terreuses dont ils sont recouverts et qu'il est impossible de les remplacer par des fourrages de meilleure qualité, on doit conseiller l'usage de boissons adoucissantes, rafraîchissantes et analeptiques : l'eau blanchie avec la farine d'orge, de seigle, de graine de lin, remplit parfaitement cette indication. On évite par ce moyen l'invasion de ces phlegmasies chroniques qui altèrent profondément les plus robustes constitutions et provoquent des parturitions avant terme.
[Il est encore un grand nombre de moyens de prévenir l'Avortement, et que la simple désignation des causes indique suffisamment : changer les taureaux dont les formes, la taille, par exemple, ne sont pas en rapport avec celles des femelles ; soustraire celles-ci aux exercices et aux travaux trop fatigants : ne pas atteler les vaches de telle manière que les ébranlements ou les chocs des véhicules puissent avoir une action sensible sur les organes des cavités'abdominale et pelvienne; traiter ces femelles avec douceur, ne pas les frapper sur les reins, sur la croupe ou sur les flancs; proscrire l'administration à l'intérieur de toute substance âcre ou purgative, à moins d'une indication très prononcée, qui mette dans la nécessité de sacrifier le fœtus pour conserver la mère. Cette circonstance se présente d'ailleurs très rarement.
[Un autre conseil non moins essentiel est celui de fournir aux animaux des rations alimentaires en doses proportionnées à leur constitution et aux exigences des travaux auxquels ils sont assujettis. On rencontre trop souvent des agriculteurs à vues étroites qui ne considèrent que le présent : ils nourrissent mal pendant l'hiver ; les bêtes maigrissent, quelques-unes arrivent au marasme ; alors les parturitions avant terme sont fréquentes.
L'économie mal entendue devient une cause de pertes considérables.
[Si l'Avortement s'est effectué sous l'influence de causes générales, qui ont agi en viciant l'économie, comme lorsqu'il résulte d'une organisation défectueuse ou incomplète, de l'insalubrité des lieux, etc., etc., et si l'action de ces causes a cessé, on doit s'attacher d'abord à rétablir les fonctions vitales dans leur rythme normal par l'usage d'un régime opposé au précédent.
[Si, d'après la manifestation des symptômes appréciables, on a la certitude qu'il existe des phlegmasies soit aiguës, soit chroniques, on s'empresse de mettre en pratique les moyens curatifs propres à les combattre avec efficacité.]
Dans ces dernières années, la prophylaxie de l'Avortement s'est enrichie de nouvelles données procédant des recherches de M. Nocard sur cette affection. Ces recherches portent à penser que l'avortement épizootique est « une maladie microbienne du foetus et de ses enveloppes, maladie à laquelle la mère reste absolument étrangère. » En conséquence, nolre éminent collègue conseille ce qui suit :
« 4 0 Chaque semaine, le sol de l'étable sera gratté, nettoyé à fond et arrosé avec une solution de sulfate de cuivre à 40 grammes par litre.
» 2° Chaque semaine, on fera dans le vagin des vaches pleines une vigoureuse injection avec une seringue à cheval remplie du liquide tiède ci-après :
Eau distillée (ou eau de pluie) 20 litres. Glycérine j Alcool a 36° ( 100 B mes. Bichlorure de mercure ................. 10 —
Faire dissoudre le bichlorure de mercure dans l'alcool et la glycérine, mêler à l'eau et agiter fortement.
Cette solution doit être conservée dans un vase en bois, baril, seau, baquet, et mise à l'abri des atteintes des enfants et des animaux.
» 3° Chaque matin, au moment du pansage, on lavera soigneusement avec une éponge imbibée de la même solution tiède la vulve, l'anus et la face inférieure de la queue de toutes les vaches pleines.
» 4° Enfin, dans le cas où une vache avorterait, il faudrait : a. la délivrer immédiatement à la main; — b. détruire immédiatement aussi, par le feu ou l'eau bouillante, le fœtus et le délivre; — c. irriguer la cavité utérine à l'aide d'un long tube de caoutchouc conduit à la main jusqu'au fond de l'organe, avec 8 ou 10 litres de la solution tiède indiquée plus haut. »
De plus, M. Nocard recommande de commencer le traitement
prophylactique le plus tôt possible après la saillie et de le continuer jusqu'à la mise-bas; il serait même prudent, ajoute-t-il, de faire une injection vaginale deux ou trois jours avant la saillie, pour être bien sûr que le sperme n'entraînera pas avec lui dans l'utérus les germes de contage qui pourraient avoir pénétré dans le vagin.
Il est à remarquer que les injections intra-utérines et même les injections vaginales déterminent chez la vache de violents efforts expulsifs. Afin de diminuer ces efforts, M. Nocard conseille de réduire de moitié le titre de la solution de sublimé employée pour l'irrigation de la cavité utérine, c'est-à-dire d'y ajouter quantité égale d'eau tiède.
Peut-être pourrait-on, sans compromettre le résultat du traitement prophylactique, dirons-nous, avec MM. Saint-Cyr et Violet, supprimer ces injections et se contenter, pour les soins à donner à chaque vache pleine, de lavages quotidiens de la queue et de la vulve avec la solution de sublimé au 1/2000. C'est à l'expérience de prononcer.
LIVRE SIXIÈME
MALADIES DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE
CHAPITRE 1
MALADIES DES CAVITÉS NASALES.
ARTICLE 1
ÉPISTAXIS.
Synonymie : Hémorrhagie nasale, Rhinorrhagie.
Définition. Fréquence. — [On nomme Épistaxis un écoulement de sang qui se fait à la surface de la membrane pituitaire].
Causes. — [Le tempérament sanguin, particulier à toutes les races travailleuses des régions du Midi ; une nourriture composée de fourrages très nutritifs, tels que la luzerne, le sainfoin, le trèfle, les vesces dont la maturation est avancée, sont, en été surtout, les causes prédiposantes bien constatées de l'Épistaxis dans le jeune âge et l'âge adulte. Un bœuf jeune, vigoureux et habituellement bien nourri, est attelé au moyen d'un joug, et pendant huit ou dix heures il travaille péniblement, exposé à l'ardeur du soleil. Quand il tire fortement la charrue engagée dans un sol très résistant, ses narines se dilatent, sa tête est branlante, la sueur coule sur son chanfrein. C'est alors qu'on voit, à la suite d'efforts violents souvent renouvelés, une hémorragie nasale se déclarer chez cet animal. Telle est la cause la plus commune de l'Épistaxis. Quelquefois aussi, le bœuf la provoque, après avoir introduit l'extrémité de sa langue dans les naseaux, par le frotte-
ment qu'il exerce sur la membrane pituitaire pour se débarrasser des insectes qui le tourmentent].
Symptômes. — [Je n'ai à m'occuper ici que de l'Épistaxis idiopathique.
[Le sang exhalé par la muqueuse nasale est rouge; il coule goutte à goutte ou en un petit filet; il n'est pas écumeux; il se coagule promptement. On a parlé de prodromes de cet accident ; on a dit qu'avant la manifestation de l'hémorragie nasale, le bœuf portait la tête basse, que ses conjonctives étaient injectées, que ses carotides battaient tumultueusement : cela peut être. Mais si le bœuf est sous le joug et qu'il marche poussé par l'aiguillon, aucun de ces prodromes n'a pu être observé. Un symptôme précurseur, unique, a été constaté, parce qu'il se présente au moment où l'hémorragie va avoir lieu : c'est quelquefois une sorte d'ébrouement convulsif qui précède de quelques secondes l'écoulement du sang. D'ordinaire, l'hémorragie ne se fait que par une seule narine, à moins qu'elle ne se déclare à la suite de coups violents portés sur le chanfrein ou sur toute autre partie de la tête; dans ce cas, l'exhalation du sang peut se faire à la surface de la partie de la membrane qui tapisse les sinus frontaux ou ceux des cornes].
Marche. Durée. Terminaisons. — [Invasion subite, durée quelquefois courte, d'autres fois longue. J'ai vu de ces hémorragies continuer pendant deux et trois jours; d'autres fois se reproduire périodiquement, tous les huit ou dix jours, chaque mois, et tous les ans pendant les fortes chaleurs. Une terminaison inquiétante de l'Épistaxis est celle qui se caractérise par le retour tellement fréquent de cet accident morbide, que l'animal en perd ses forces et maigrit au point de devenir impropre au travail. Mais, ordinairement, l'Épistaxis s'arrête d'elle-même, et c'est là sa terminaison la plus commune].
Diagnostic. Pronostic. — [Un symptôme unique caractérise cette maladie : l'écoulement goutte à goutte ou en filet, par une narine, de sang rouge non écumeux. Si le sang est très rouge, s'il sort par jets et s'il est écumeux, l'hémorragie n'est point nasale; elle provient de la membrane muqueuse qui tapisse le larynx, les bronches, ou elle résulte d'une maladie organique du poumon.
[Le pronostic de l'Épistaxis n'est point fâcheux, à moins toutefois qu'elle ne se reproduise périodiquement et qu'elle ne soit de longue durée, cas dans lequel l'animal doit cesser de travailler, afin qu'on puisse le préparer pour la boucherie].
Traitement. — [Tenir les animaux à un régime alimentaire bien réglé; ne les soumettre, en aucun temps, à des travaux qui
exigent de leur part des efforts violents, souvent renouvelés : tel serait le traitement préservatif de l'Épistaxis. Mais pour obtenir des cultivateurs de pareilles conditions, il faudrait faire disparaître bien des habitudes invétérées, et il y a encore fort à faire avant d'avoir atteint ce but. En attendant, comptons sur le traitement curatif, qui ne se compose pas de prescriptions trop compliquées.
[La saignée d'abord, non pas celle que l'on pratique à la jugulaire et que l'on appelle quelquefois saignée de précaution, mais celle qui consiste à ouvrir un vaisseau éloigné de la tête. En effet, si l'Épistaxis tient à une congestion de la muqueuse nasale, il est évident que la ligature que l'on est obligé de placer autour de l'encolure pour ouvrir la jugulaire ne peut qu'aggraver cet état.
[ Donc, la saignée à l'artère coccygienne, à la saphène ou à la sous-cutanée abdominale, est indiquée par la raison et l'expérience. La saignée à l'artère coccygienne est celle que l'on doit pratiquer de préférence : je l'ai vue si souvent amener la cessation subite de l'hémorragie, que je ne saurais trop en recommander l'emploi dans cette circonstance.
[Après la saignée, la diète, les boissons acidulées et le repos. [Si l'Épistaxis a pris des proportions inquiétantes, si elle a une longue durée, si le sang coule en filet continu, on fait des affusions d'eau froide en petit jet sur la tête, sur le chanfrein, autour du nez, même sur la colonne dorso-lombaire et les parois de la poitrine. J'ai employé plusieurs fois avec succès l'eau froide lancée sous forme de douches, au moyen d'une seringue,, sur le scrotum.
[On a conseillé l'eau de Rabel administrée en breuvage. J'ai mis ce moyen en pratique dans un cas d'hémorragie qui se reproduisait tous les jours chez un bœuf, lorsqu'il avait travaillé pendant quelques heures; mais je n'en ai obtenu aucun résultat avantageux.
[Je donne la préférence aux boissons acidulées avec le vinaigre ordinaire. C'est une substance que le vétérinaire exerçant à la campagne trouve toujours sous la main, et ces boissons ou breuvages sont très faciles à composer. On met de l'eau blanchie dans un vase ; on y ajoute du vinaigre jusqu'à ce que, en goûtant ce liquide, on reconnaît qu'il a acquis un goût légèrement acidulé.]
ARTICLE II
CORYZA.
Synonymie : Catarrhe nasal, Rhinite, Coryza simple, Coryza gangréneux.
Définition. Fréquence. — [Cette maladie est constituée par l'irritation, suivie de l'inflammation, de la pituitaire ou membrane muqueuse qui tapisse les cavités nasales, les sinus frontaux, maxillaires et ceux des cornes.
[Le Coryza se complique quelquefois de l'inflammation de la membrane muqueuse de toutes les voies aériennes, de celle des voies digestives, et s'accompagne aussi de l'arachnitis.
[Les noms divers qu'a reçus cetle maladie, tels que ceux de Coryza simple, Coryza gangréneux, n'ont servi qu'à désigner la même phlegmasie se présentant avec quelques différences dans l'intensité des symptômes et à indiquer sa tendance plus ou moins marquée vers une terminaison bénigne ou fâcheuse.]
Causes. — [L'insolation, les coups portés avec violence sur le mufle, sur la tête et autour des cornes; les corps étrangers engagés dans les cavités nasales et les piqûres des insectes, même non venimeux, peuvent occasionner le catarrhe nasal par une action directe. Cependant, il faut considérer le passage subit des bœufs de travail d'un air chaud à un air froid et humide, et leur exposition à la pluie et au brouillard quand ils sont en sueur, comme les causes déterminantes dont l'influence est la plus énergique. Celle-ci, par exemple, qui se produit dans des conditions toutes spéciales : il existe parmi les laboureurs une habitude pernicieuse ; après deux ou trois heures de travail au labour, le bouvier s'arrête pour faire son premier repas, laissant ses bœufs exposés à l'action de toutes les intempéries, la tête tournée vers le vent. Dans ce moment, ils sont nécessairement surexcités par le travail et dans un état de transpiration plus ou moins prononcé. Leur inaction dure au moins une demi-heure, pendant laquelle ils respirent à pleins naseaux un air froid, vif ou humide, tel enfin que le comporte l'état de la saison ou de l'atmosphère. Dès lors, si l'on veut se rappeler que c'est au printemps et à la fin de l'automne que règnent les plus fréquentes et les plus dangereuses variations atmosphériques, on aura l'explication très simple des cas nombreux de Coryza observés à cette époque de l'année ; comme l'on peut se rendre raison de la gravité et de la terminaison fâcheuse de cette maladie en étudiant les effets du mauvais régime d'hiver sur ces
animaux et ceux du travail excessif auquel ils sont assujettis pendant les fortes chaleurs.]
Symptômes. — [Les paupières sont tuméfiées, les yeux larmoyants. La membrane nasale est d'un rouge violet; elle s'engorge, et les cavités nasales se trouvent rétrécies, ce qui rend la respiration difficile et bruyante.
[L'hémorragie nasale est quelquefois le premier symptôme du Coryza gangréneux, et le sang est ou très rouge ou noir. Il faut noter cette différence, car, dans le premier cas, le pouls est dur et plein, les battements sont tumultueux, l'hémorragie est active et la phlegmasie franche; dans le second cas, le pouls est déprimé, les pulsations sont très lentes et irrégulières, l'hémorragie est passive; alors l'altération du sang a probablement devancé l'invasion du Coryza.
[En peu de temps, les cavités nasales, le mufle et les paupières sont boursouflés, la conjonctive est injectée de sang rouge ou de sang noir, suivant le caractère particulier de l'inflammation membraneuse ; le larmoiement est continuel; les cornes sont alternativement chaudes ou froides, mais elles sont toujours froides quand la terminaison gangreneuse approche.
[Des ulcérations apparaissent sur la membrane nasale, sur le mufle et autour du nez. Suivant la gravité du mal, ces ulcérations sont circonscrites et superficielles, ou bien elles sont larges et profondes, à bords irréguliers et de couleur brune : les premières fournissent un pus ou un suintement formé d'une matière blanchâtre et visqueuse: les secondes produisent un écoulement jaunâtre ou brun et sanguinolent, dont l'odeur est toujours fétide et repoussaute.
[Le bœuf a les flancs rétractés et la respiration de plus en plus bruyante. Il chancelle en marchant, et sa colonne vertébrale qui, dans le débutde sa maladie, était d'une sensibilité extrême, devient progressivement tout à fait insensible. Quelquefois, des collections de la matière qui constitue l'écoulement nasal se forment dans les différents sinus ou dans l'intérieur des cornes ; alors l'animal tient la tête penchée du côté où existe l'écoulement, et, sur cette partie, la chaleur est toujours plus intense que sur les autres régions de la tête.
" [Le larmoiement continuant, l'âcreté des larmes irrite la peau sur laquelle elles s'écoulent, et le poil s'en détache; l'humeur aqueuse du globe de l'œil est trouble, d'un blanc jaunâtre, et la cécité est complète. Dans les cas, jusqu'à présent fort rares, de guérison, la transparence de cette humeur se rétablit et la vision a lieu, mais après un délai de plus de deux mois, à compter de l'entrée en convalescence.
[Des soubresauts se font remarquer aux muscles de l'encolure et des membres antérieurs. Lorsque les membranes du cerveau sont le siège d'une inflammation symptomatique, le bœuf repose la tête sur tous les corps qui sont à sa portée, et il s'appuie sur ces corps, quelquefois convulsivement, comme la plupart des chevaux atteints de vertige.
[A mesure que la maladie fait des progrès, les ulcérations s'étendent jusque dans la bouche et le pharynx, ce qui rend la déglutition, sinon impossible, du moins très difficile, et donne un aspect singulier à l'animal auquel on cherche à faire avaler des liquides. S'il a conservé un peu de sensibilité d'action, il secoue la tête, relève le mufle, et, s'il est contraint, il se détend autant que ses forces le lui permettent.
[Une bave filante et d'une odeur très fétide s'écoule par les commissures des lèvres ; des convulsions surviennent, le bœuf reste couché sur la litière en se débattant. Il succombe du quatrième au sixième jour, lorsque le Coryza a été réellement gangreneux, et trois ou quatre jours plus tard, lorsque la maladie n'a pas ce caractère d'une manière bien prononcée.
[Le Coryza gangréneux qui se complique d'une éruption exanthémateuse affecte une marche encore plus rapide et tout aussi fatalement mortelle. C'est comme dans la morve aiguë du mulet : presque dès l'invasion, il y a flux par les naseaux d'un liquide séro-purulent ; des ulcères envahissent la cornée lucide; la respiration est convulsive; des boutons lenticulaires durs et rougeâtres se montrent sur tout le corps ; les ganglions lymphatiques placés autour de l'arrière-bouche sont engorgés; une infiltration œdémateuse s'étend de la partie postérieure du mufle jusqu'au fanon. Le pouls est imperceptible. La région dorsale est absolument dépourvue de sensibilité ; la locomotion est impossible. Si le bœuf est placé sur ses membres, il tombe quand on le force à se mouvoir, et s'il est couché, il est très difficile de le faire lever. Il meurt du second au troisième jour.
[L'éruption exanthémateuse ne fait pas du Coryza gangréneux une maladie de nature différente; seulement, elle lui donne plus de gravité ou elle annonce un trouble plus profond des fonctions. Dans cet état, il a beaucoup de ressemblance avec la morve aiguë des solipèdes, et c'est probablement ce qui lui a fait donner le nom de mal de tête de contagion par quelques anciens vétérinaires.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [La marche du Coryza est toujours rapide; sa durée ne dépasse six à huit jours que lorsque l'on est parvenu à l'enrayer et qu'il tend à se terminer par la résolution. Cette terminaison n'a pas été jusqu'à présent la plus
commune. Il a été un temps où je voyais périr presque tous les animaux affectés de Coryza; et je pense aujourd'hui, d'après quelques observations récentes, que sa terminaison sera moins fâcheuse à l'avenir. Il semble s'être modifié dans sa forme; car, à mesure qu'il devient plus rare, je vois les cas de Catarrhe des cornes facilement curable être plus nombreux.]
Lésions. — [Membrane muqueuse nasale et des sinus épaissie et de couleur violacée, ulcérée sur plusieurs points et parsemée de taches livides sur les parties non ulcérées, surtout lorsque le Coryza gangréneux s'est compliqué d'une éruption pustuleuse; les ulcérations sont recouvertes de sanie. On rencontre souvent. dans les sinus frontaux ou des cornes une matière qui, par sa consistance, ressemble à du pus mal élaboré, et qui, par sa couleur, a la même apparence que la sanie des ulcérations.
[Si le Coryza a eu une marche très violente, si l'animal a succombé avant le quatrième ou le cinquième jour, les cornes sont vacillantes et la cloison nasale est ramollie, ainsi que les feuillets de l'ethmoïde. Quand il est exanthémateux, les tissus sous-cutanés sont infiltrés d'une sérosité jaunâtre, et, outre les lésions rapportées plus haut, on remarque un engorgement presque général de tous les ganglions lymphatiques. Les poumons sont noirs et emphysémateux; ils se déchirent avec facilité. La membrane muqueuse de la caillette et de l'intestin est parsemée de points lenticulaires de couleur brune et circonscrite par une aréole de couleur plus rouge. La rate est plus volumineuse que dans l'état normal; sa substance est friable. Le cerveau est ramolli; ses membranes sont injectées.]
Contagion. — [Le Coryza du bœuf, quelle que soit l'intensité des symptômes, n'est pas contagieux. Je l'ai observé dans les conditions les plus propres à mettre en évidence sa nature contagieuse si elle eût existé, et elle ne s'est point manifestée.
[J'ai pu observer des cas nombreux de la maladie se succédant dans des étables situées dans une même commune, comme aussi j'ai vu très souvent des bœufs qui en étaient atteints séjourner dans ces étables pendant toute la durée de la maladie, et se trouver côte à côte avec leurs pareils, sans que ces derniers aient jamais contracté le Coryza. Il est aussi arrivé plusieurs fois que les bœufs restés bien portants avaient imprégné leur mufle de la matière visqueuse qui coulait des naseaux d'un animal près de succomber.]
La marche du Coryza gangréneux, les lésions qu'il détermine, notammentla tuméfaction de larate et desganglions lymphatiques, les marbrures brunâtres que l'on trouve dans l'intestin, les infiltrations sous-cutanées, portent à penser qu'il s'agit probablement
d'une maladie due à la présence d'un microbe. Peut-être le Coryza gangréneux du bœuf n'est-il autre chose qu'une variété symptomatique du charbon bactérien.]
Pronostie. [La nature de cette maladie, le siège qu'elle occupe, la violence avec laquelle elle parcourt ses périodes et sa tendance à la terminaison gangréneuse, tendance provoquée sans doute par l'atteinte profonde que des causes générales, agissant depuis longtemps, ont portée à la constitution des bœufs de travail, doivent nécessairement donner lieu presque toujours à un pronostic fâcheux. Cependant, il le serait moins si, au moment de l'invasion, on pouvait constater que ces animaux n'ont subi aucune de ces influences pernicieuses dont j'ai parlé et si le Coryza n'a point succédé à une autre affection, à une entéropéritonite bien caractérisée, par exemple , ainsi que je l'ai observé.
[Le Coryza est dangereux par sa nature de phlegmasie suraiguë se développant sur une constitution déjà altérée; il l'est également, parce que l'orifice des cavités nasales du bœuf est très resserré et que cet animal respire très peu par la bouche. D'où il résulte que, lors de l'inflammation de la membrane muqueuse, l'orifice du nez se trouvant rétréci, la gêne de la respiration devient une circonstance des plus aggravantes. Alors le passage continuel de l'air est une cause incessante et inévitable de surexcitation. Ainsi, la phlegmasie s'étend et se prolonge dans l'intérieur des cavités nasales tout en augmentant d'intensité. S'il est vrai d'ailleurs qu'une phlegmasie est d'autant plus intense qu'elle occupe une surface plus étendue, on aura une autre explication, du moins très plausible, de la gravité du Coryza.]
Traitement. — [Pour faire une application judicieuse du traitement le plus propre à combattre avec succès le Coryza gangréneux des bêtes bovines, il faut tenir compte de toutes les circonstances qui ont concouru au développement de cette maladie, des causes qui, en portant une atteinte profonde à la constitution des animaux, lui ont imprimé son caractère si dangereux, de celles qui ont déterminé son apparition et de l'état des animaux au moment de l'invasion.
[Lorsque le Coryza gangréneux se montre, chez des bœufs ayant le sang appauvri, épuisés par le travail, par des privations alimentaires ou par l'effet de toute autre cause, et que, presque dès le début de ce Coryza, des signes du désorganisation se manifestent, que des eschares se forment, que des ulcérations rongent les tissus, et qu'elles se recouvrent d'une sécrétion sanieuse, il est évident qu'il n'y a pas à songer à l'emploi de la saignée. Au lieu d'enrayer la marche de la maladie, elle ne servirait qu'à précipiter le dénouement fatal.
[Toutes les fois qu'il en sera ainsi et que le Coryza débutera avec ce cortège de symptômes, le traitement devra être excitant et révulsif. On ne saurait s'y méprendre : dans ce cas, l'hémorragie nasale donne du sang noir et difficilement coagulable, ainsi que la saignée. Quant au sang fourni par l'artère coccygienne, il coule lentement, en jet à peine sensible, et il est très pâle.
[Si la saignée n'est pas indiquée, les autres moyens antiphlogistiques ne le sont pas davantage.
[Au début de la maladie, on aura recours aux fumigations aromatiques et antiseptiques. Ces fumigations n'exigent pas un appareil bien compliqué : on met de la braise dans un réchaud, on y jette des plantes aromatiques ou fortement excitantes, telles que la rue, la tanaisie, la menthe, la lavande ; on couvre la tête de l'animal de manière que la fumée qui s'élève du réchaud soit dirigée en grande partie dans les naseaux.
[Il y aurait de l'imprudence à se servir d'un appareil qui restreindrait l'air inspiré à une masse gazeuse formée presque exclusivement par les vapeurs excitantes. Dans l'état où se trouvent les premières voies aériennes, les fumigations de ce genre pourraient déterminer des accidents. On fait plusieurs fumigations dans le jour et aussi pendant la nuit; on alterne avec les injections suivantes :
Alun (sulfate d'alumine et de potasse)... 10 à 20 gramm es. Eau .................................... 1 litre.
On fait dissoudre à froid, après'avoir pulvérisé l'alun.
[On injecte cette préparation dans les naseaux quatre ou cinq fois par jour, au moyen d'une petite seringue de la capacité de 10 à 15 centilitres.
[En même temps, on fait sur le chanfrein des embrocations avec un liniment ammoniacal. Ces embrocations se font en prenant sur la main à peu près la quantité d'une cuillerée à bouche du liniment, et en frictionnant avec force pendant quatre ou cinq minutes.
[Une seule friction par jour avec la teinture de cantharides produirait un meilleur effet, c'est-à-dire une rubéfaction plus prompte, si l'on faisait cette friction avec un soin tel qu'aucune partie de cette teinture ne jaillit sur les yeux, dans la bouche ou dans les naseaux de l'animal.
[Si l'on ne fait pas de frictions avec la teinture de cantharides ou le feu francais sur le chanfrein, il faut en faire sur les faces de l'encolure, jusqu'à ce que de petites ampoules apparaissent. Les frictions doivent s'étendre sur de larges surfaces. Deux vésicatoires
sur les faces de l'encolure produisent beaucoup plus d'effet que les trochisques placés au fanon.
[Il en est de même de la pommade stibiée, dont l'emploi est même préférable à celui du vésicatoire. On la compose comme suit :
Pommade stibiée (formule ordinaire).
Axonge 75 grammes. Tartre stibié ............................... 25 —
Pommade stibiée double.
N° 1. | £x0fnge";-;v, | Parties égales.
\ Tartre stibié ) D
N„ „ \ Axonge 25 grammes.
) Tartre stibié ........................ 75 —
[J'emploie les secondes formules de préférence, la pommade ordinaire ne produisant pas des effets assez énergiques.
[Quand on se sert de la dernière, une friction suffit ordinairement. Ce vésicatoire agit à la manière des escharotiques. C'est le seul inconvénient qui résulte de son emploi ; la cicatrisation des plaies qu'il a faites laisse des traces qui ne disparaissent jamais.
[Lorsque le Catarrhe nasal se présente avec des symptômes d'une intensité modérée, on peut ne faire que des applications d'eau sédative sur le front et sur le chanfrein du bœuf, en prenant toutefois les précautions nécessaires pour que les linges trempés dans ce médicament ne s'égouttent pas sur le globe de l'œil, dans la bouche ou les cavités nasales.
[Le traitement interne consiste dans l'administration de breuvages stimulants, diurétiques ou altérants.
Breuvages stimulants.
No ( Acétate d'ammoniaque 100 grammes. j Eau froide 1 litre.
No 2 ( Ammoniaque liquide 30 grammes.
' | Eau ................................ 1 litre.
Breuvage diurétique.
Nitrate de potasse 30 à 40 grammes. Décoction mucilagineuse ................ 3 ou 4 litres.
Breuvage altérant.
Tartre stibié 2 à 4 grammes. Eau blanchie (en dissolution) .............. 2 à 4 litres.
[Les breuvages avec l'ammoniaque doivent être répétés deux ou trois fois dans les vingt-quatre heures. Ils produisent une surexcitation qui se traduit par une augmentation de chaleur à la peau, et quelquefois par des sueurs assez sensibles.
[Les breuvages diurétiques, qu'il faut également administrer au moins trois fois dans les vingt-quatre heures, donnent lieu ordinairement, au bout de quarante-huit heures, à une diurèse abondante.
[Les breuvages avec le tartre stibié en dissolution sont donnés en même nombre que les diurétiques; ils produisent quelquefois une purgation modérée, si on les administre pendant deux ou trois jours de suite.
[Les uns et les autres s'excluent réciproquement; les derniers m'ont paru agir avec plus d'efficacité que les alcalins et les diurétiques. La plupart des guérisons que j'ai obtenues se sont dessinées après les purgations.
[Quand, sous l'influence de ce traitement, les symptômes du Coryza gangréneux perdent de leur intensité, on voit l'engorgement de la muqueuse nasale diminuer et par suite la respiration se faire plus librement. Dans ce cas, elle cesse d'être bruyante ; les larmes coulent avec moins d'abondance; le pouls devient plus plein, ses battements sont plus réguliers ; le bœuf tient la tête dans sa position normale, il se couche et se relève avec plus de facilité ; sa marche et sa station sont plus assurées; en un mot, l'énergie vitale semble se ranimer, et s'il ne rumine pas encore, il manifeste du moins le désir de prendre quelques aliments. Les plus grossiers sont ceux qu'il préfère.
[Cette appétence qui, dans toute autre circonstance, pourrait être considérée comme une dépravation du goût, m'a paru être un signe d'atomie des organes digestifs qu'il importait de faire cesser, au moyen d'une alimentatiun légèrement excitante. Alors il y a indication de mélanger aux fourrages du sel de cuisine, à la dose de 30 à 40 grammes divisés en deux rations, et de faire prendre à l'animal à jeun un breuvage tonique que l'on prépare par décoction :
Breuvage tonique,
Gentiane en poudre ........................ 30 grammes. Eau ....................................... 3 litres.
[Ce breuvage, qu'il faut administrer pendant trois jours au moins pour qu'il agisse efficacement, peut être remplacé par un opiat composé de la manière suivante :
Opiat tonique.
Gentiane en poudre ....................... 30 grammes. Extrait de genièvre 15 — Miel ....................................... Q. S.
[Si l'amélioration s'est déclarée sans qu'il y ait eu purgation, on doit administrer, par jour, trois lavements, dont l'effet immédiat sera l'évacuation de matières fécales mal élaborées, souvent très dures, qui, sans cela, n'auraient été expulsées que difficilement.
[Si les évacuations sont diarrhéiques à la suite de l'administration des breuvages nitrés ou émétisés, les lavements sont inutiles, à moins toutefois que la purgation n'ait déterminé des contractions intestinales fréquentes, suivies de l'expulsion de mucosités sanguinolentes. Alors on fait prendre des breuvages adoucissants et calmants, préparés avec une décoction de mauves ou de graine de lin, à laquelle on ajoute 2 grammes de camphre dissous dans un jaune d'œuf pour 3 ou 4 litres de liquide. C'est ainsi que se préparent les lavements camphrés.
[Lorsque les signes d'amélioration que j'ai indiqués se maintiennent et vont en progressant, le jetage diminue en changeant de caractère; la matière qu'il produit devient blanchâtre; il cesse d'être sanguinolent ou sanieux pour devenir une mucosité inodore. Bientôt, on aperçoit autour des naseaux des pellicules minces de couleur jaune, et l'on voit au-dessous de ces pellicules des plaies dont la cicatrisation est avancée et qui tendent à s'effacer.
[En même temps, commence l'épilation des surfaces qui ont éprouvé l'action des embrocations irritantes. Les vésicatoires ont produit sur la peau leur effet ordinaire ; des engorgements plus ou moins douloureux se sont formés autour des plaies qui sont résultées de leur application. Mais comme il ne s'agit pas d'entretenir sur ces plaies une suppuration de longue durée, suppuration que l'on n'obtient d'ailleurs que très difficilement sur les animaux de l'espèce bovine,, on n'a plus à s'en occuper que pour leur donner des soins de propreté.
[S'il s'est formé des dépôts purulents dans des sinus frontaux ou dans ceux des cornes, on leur donne issue par l'amputation ou la térébration de l'un de ces organes ou de tous les deux en même temps, ce qui devient quelquefois nécessaire. La térébration n'est pas toujours suffisante pour livrer passage au dépôt tout entier, si la matière qui le forme s'est épaissie. Aussi, ne faut-il l'employer que lorsqu'on se trouverait, sans cela, dans l'obligation d'amputer
la corne placée en dehors. Si le bœuf est destiné à être attelé par les cornes, l'amputation serait ici une cause de dépréciation. Mais elle serait indiquée, si, par la térébration, on ne pouvait obtenir l'évacuation complète du dépôt purulent.
[Les dépôts formés dans les sinus maxillaires n'exigent aucune opération : ils ont leur issue naturelle par les naseaux. J'ai vu des bœufs dont l'état paraissait inquiétant, même après la disparition des symptômes les plus graves du Coryza gangréneux, qui n'ont recouvré leur appétit ordinaire et n'ont ruminé avec régularité qu'après avoir rejeté par les naseaux une certaine quantité de matière purulente, dont le dépôt ne pouvait être que dans les sinus maxillaires.
[Quand les symptômes du Coryza gangrène ux sont arrivés à ce point de rémission, le bœuf témoigne d'une sensibilité excessive aux parties épilées par les vésicatoires; les mouvements de pandiculation commencent à s'exécuter; il boit avec assez de facilité; il continue à prendre du fourrage sec de préférence à du fourrage vert ou à des aliments pulpeux ou farineux. On sait d'ailleurs que si la rumination est restée complètement suspendue pendant quelques jours, cette fonction ne s'exécute bien que lorsque le bœuf a pu introduire dans le rumen des aliments grossièrement triturés. La résistance ou le point d'appui qu'ils offrent rend les contractions du rumen plus énergiques et facilite la formation du bol.
[Lorsque la résolution se manifeste par ce mieux apparent, le traitement curatif doit être remplacé par un régime approprié; il cesse d'être médicamenteux pour devenir analeptique. Il consiste dans une nourriture composée de substances de facile digestion, et d'après les ressources que peut offrir la saison dans laquelle on se trouve. A cet égard, il ne saurait y avoir d'indication très précise. Il suffit de savoir que, pour rétablir un animal éprouvé par une maladie aussi dangereuse, il faut, avant tout, le placer dans les meilleures conditions hygiéniques : le loger dans une étable où l'air puisse circuler librement, sans qu'il y soit jamais exposé à l'action des intempéries, au froid ou à une extrême chaleur; il faut qu'il soit pansé avec soin, afin que les fonctions de la peau se fassent bien, et que sa ration alimentaire n'arrive à son maximum que progressivement. Je répète que sur les grands ruminants la privation d'aliments ne doit jamais être de longue durée.
[On ne doit pas négliger non plus de favoriser la défécation par l'administration de quelques lavements. A la suite de maladies très graves, le rectum conserve une certaine faiblesse; il se contracte difficilement, et la défécation se fait mal.
[Ce traitement est celui qui m'a donné les meilleurs résultats, mais il doit être appliqué sans retard et avec une ponctualité assez difficile à obtenir des agents ruraux chargés de soigner le bétail. Aujourd'hui, lorsque cette condition d'exactitude est bien remplie, les cas de non réussite se bornent presque au Coryza gangréneux compliqué d'exanthèmes.
[Si un ensemble de causes débilitantes n'a pas altéré la robuste constitution du bœuf de travail ; si la prédisposition aux phlegmasies aiguës qu'il tient de son tempérament n'a pas été détruite ou modifiée profondément par un mauvais régime ; si, au moment de l'invasion, cet animal s'est trouvé en bon état; si le pouls est dur avec pulsations tumultueuses, il y a indication de pratiquer la saignée.]
CHAPITRE Il
MALADIES DU LARYNX ET DES BRONCHES
ARTICLE 1
LARYNGITE AIGUË SIMPLE.
Définition. Fréquence. — [On donne le nom de Laryngite aiguë simple, d'Angine laryngée, à l'inflammation de la membrane muqueuse du larynx. Les Latins lui avaient donné le nom de Angina (de angere, étrangler, suffoquer), d'où est venu le mot Angine.
[On observe rarement cette maladie chez les vaches laitières, chez les jeunes animaux et chez les bœufs ou vaches des régions où les variations atmosphériques ne sont pas fréquentes. Elle se manifeste souvent chez les bœufs de travail du Sud-Ouest, dans tous les quartiers et pendant les saisons où ces variations se font remarquer.]
Causes. — [Quelques sujets, bœufs ou vaches, employés aux travaux des champs, paraissent prédisposés à la Laryngite : ce sont tous ceux dont la conformation est élancée, dont la poitrine est étroite, l'encolure longue et grèle, le larynx et la trachée détachés pour ainsi dire de l'encolure ; ceux, en un mot, qui, par leur conformation, semblent plus particulièrement prédisposés aux affections aiguës ou chroniques des voies respiratoires. Je ne connais pas d'autre cause prédisposante à la Laryngite, si ce n'est
une Laryngite antérieure. En effet, on voit bien souvent des bœufs qui, après avoir été affectés d'abord d'une Laryngite dont la résolution s'était effectuée d'une manière très satisfaisante en apparence, contractent de nouveau la même maladie quand ils restent exposés, dans un état de repos complet, à l'action d'un air froid et vif.
[Les causes occasionnelles sont les arrêts de transpiration, et voici dans quelles circonstances ils produisent l'inflammation de la muqueuse du larynx :
[Dans beaucoup de localités, l'attelée des bœufs se fait en un seul temps, et sa durée est de huit à neuf heures, quelquefois même de dix ou onze. Le bouvier conduit son attelage aux champs dès la pointe du jour et il commence l'attelée; au bout de deux ou trois heures, il suspend son travail et, laissant ses bœufs au repos sur le champ, il prend son premier repas. il s'abrite dans un fossé, derrière une haie ; ses bœufs restent exposés à l'impression de l'air, dont la température est très variable dans certaines saisons, surtout au printemps et en automne, et cela au moment même où ils se trouvent dans un état de transpiration plus ou moins prononcée. Telle est la cause ordinaire de la Laryngite chez les bœufs de travail, cause d'autant plus active que ces animaux, quand on suspend leur travail, sont toujours tournés la tête vers le vent. Ainsi, ils étaient fortement surexcités, leur respiration était accélérée, et subitement on les condamne à l'inaction complète, on les place de telle manière qu'un air froid et vif va frapper directement la muqueuse des voies respiratoires au moment où ils cessent d'être en mouvement.
[La Laryngite est aussi occasionnée quelquefois par des manœuvres maladroites exercées dans l'arrière-bouche, dans le but de refouler vers le rumen des corps étrangers engagés dans l'œsophage. Pendant l'hiver, on donne aux bœufs de travail et à ceux que l'on engraisse, du tourteau de lin ou de colza, quelquefois des pommes de terre ou bien des betteraves, et l'on n'a pas toujours la précaution de réduire ces substances en fragments peu volumineux ou de les faire passer sous le coupe-racines; aussi il arrive souvent que des portions de ces tourteaux ou de ces racines restent engagées dans l'œsophage. Certes, il y a pour refouler ces corps étrangers dans le rumen un procédé d'une simplicité élémentaire ; mais ce n'est pas toujours le vétérinaire qui est le premier à entreprendre l'opération : ce sont des bouviers ou des maréchaux aussi peu habiles les uns que les autres, et maintes fois on voit des Laryngites très intenses résulter des manœuvres dont je parle et qui produisent parfois le brisement des cartilages.]
Symptômes. — [Le bœuf atteint de Laryngite aiguë a la respiration plus ou moins sifflante, ou râlante ; il tient la tête soulevée, élève légèrement le mufle, en allongeant l'encolure; il se couche rarement, ou du moins il ne reste pas longtemps couché; ses flancs sont agités et rétractés. Les carotides battent fortement ; la bouche est à demi ouverte, la langue est refoulée en dehors, vers les commissures des lèvres, avec la pointe pendante à droite ou à gauche, et quoique cet organe ne soit point tuméfié réellement, il le paraît, car sa base est portée en avant. Le mufle est humecté par des mucosités qui fluent des naseaux, en même temps que de la salive filante s'échappe de la bouche; les paupières sont inégalement gonflées; les conjonctives sont injectées d'une manière très sensible ; les mouvements respiratoires sont quelquefois accompagnés de plaintes sourdes; la peau est sèche, le poil hérissé. L'animal refuse les aliments; il ne rumine point. Une faible pression exercée sur la région du larynx provoque la toux, et l'animal témoigne d'une grande douleur. De temps en temps, il grince des dents. Ses excréments sont expulsés en petites quantités à la fois ; ils sont moulés et secs ; l'urine est fortement colorée.
[Si la maladie est abandonnée à elle-même, la respiration devient plus difficile : elle est tout à fait râlante et entrecoupée de quintes de toux, qui paraissent très douloureuses; alors ce ne sont plus des mucosités qui coulent par les naseaux, mais un liquide mucoso-sanguinolent. Les flancs sont rétractés de plus en plus et l'animal ne se couche pas.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [La Laryngite débute presque subitement, et, dans peu de temps, on la voit arriver au point où tous les symptômes que j'ai décrits se manifestent. Traitée convenablement, elle s'arrête presque aussi vite qu'elle s'est déclarée ; dans ce cas, on voit des bœufs qui paraissent complètement guéris quelques heures après qu'une abondante saignée a été pratiquée. Ici, la terminaison est la résolution. Il arrive quelquefois que la Laryngite se termine par la gangrène et la mort, surtout lorsque le traitement a été retardé.
[La Laryngite se termine aussi par un état chronique dont l'unique symptôme est le cornage. Ce n'est pas une hypothèse que j'avance. J'avais été appelé pour voir un bœuf atteint d'une Laryngite aiguë simple bien caractérisée : le propriétaire de l'animal était un de ces hommes prétentieux, qui ont toujours quelque objection à faire au vétérinaire; j'eus peut-être le tort de ne pas conserver assez de calme et de patience en présence de ses objections, et je quittai la métairie sans pratiquer la saignée, que j'avais indiquée comme le moyen le plus efficace de triompher de la maladie.
[Le propriétaire ne s'occupa plus de son bœuf que pour lui présenter à boire de la tisane de graine de lin, dans laquelle l'animal malade trempait seulement le mufle et l'extrémité de la langue. Au bout de quatre ou cinq jours cependant, ce propriétaire vint à moi pour m'engager à revoir son bœuf, et cette fois il me laissa libre d'agir. Mais si, par la saignée (que je ne pouvais plus faire très copieuse), et par le reste du traitement employé, je parvins à amener ce bœuf à un état de guérison assez avancé, je ne pus néanmoins réussir à obtenir la résolution complète de la maladie. Il avait repris de l'appétit, de la gaieté, et conservait toutes les apparences de la santé tant qu'il était en repos et qu'il ne mangeait pas avec avidité; mais lorsqu'il marchait ou qu'il avalait gloutonnement une forte bouchée de fourrage, sa respiration se faisait d'abord sifflante, puis il cornait d'une façon très bruyante. On dut l'engraisser pour le livrer à la boucherie.
[Avant de recueillir cette observation, j'avais plusieurs fois été appelé pour constater l'état de bœufs affectés de cornage. Dans ce cas, il m'était arrivé quelquefois de rencontrer la cause de cet état pathologique ailleurs que dans une lésion organique du larynx; mais le plus souvent, je ne pouvais réellement voir dans le cornage que le résultat d'une Laryngite aiguë simple, dont la résolution n'avait pas été complète. Mon opinion se formait ou se fortifiait alors par les renseignements précis que je recueillais.
[La Laryngite peut donc avoir pour terminaison : 1" la résolution; 2° l'état chronique, qui sera traité dans un chapitre spécial ; 3° la gangrène. Il est rare que cette dernière ne soit pas le résultat d'une influence enzootique ; je m'en occuperai plus particulièrement en décrivant la Laryngite gangréneuse.]
Lésions. — [Je ne possède sur les lésions pathologiques produites par la Laryngite aiguë que l'observation faite à l'autopsie du bœuf qui avait été affecté de cornage par suite du passage de la maladie à l'état chronique. Je remarquai, chez cet animal, une tuméfaction des parties constituantes de la glotte et de l'épiglotte, avec rétrécissement très marqué de l'ouverture laryngienne. Aucune trace d'ulcération n'existait sur ces parties ni dans la trachée et les bronches. Les poumons étaient sains, ainsi que les autres organes contenus dans la cavité thoracique. Il était impossible d'attribuer le cornage à une autre cause qu'aux lésions du larynx.] (
Diagnostic. Pronostic. — [Les symptômes se manifestent d une manière trop évidente pour que le diagnostic puisse être un ins tant douteux; d'ailleurs, la douleur éprouvée par l'animal lors-
qu'on exerce une légère pression sur le larynx, et la toux qui en résulte, sont des symptômes pathognomoniques qui ne peuvent tromper; de même que le sifflement de la respiration, le râle et la position de la langue : le diagnostic peut donc être facilement établi.
[Quant au pronostic, il n'est jamais absolument fâcheux tant que la Laryngite ne se complique point d'une autre affection, et qu'elle est combattue dans le principe par un traitement rationnel. Le passage à l'état chronique ne comporte pas non plus un pronostic fâcheux à l'excès : si les symptômes de la Laryngite aiguë ont cédé au point que la respiration se fasse assez bien, si l'appétit est revenu et si la rumination a lieu normalement, le bœuf peut conserver encore une grande partie de sa valeur, eût-il même perdu de son aptitude au travail.]
Traitement. — [On combat toujours avec succès la Laryngite aiguë simple au moyen de la saignée d'abord, puis en faisant des applications adoucissantes sur la gorge. Mais la saignée à la jugulaire, dont l'indication est précise, doit être pratiquée avec une grande dextérité. Je m'explique : la condition de placer une ligature fortement serrée autour du cou, quand on veut être assuré de ne point faire une saignée blanche, m'a fait hésiter bien souvent avant d'employer ce moyen; mais je dois reconnaître que, dans le cas de Laryngite aiguë, avec respiration très sifflante ou râlante, les fortes saignées à l'artère cocygienne ou à la veine sous-cutanée abdominable ne produisent pas une déplétion assez prompte. J'ai pu comparer les effets de l'une et de l'autre, et malgré les inconvénients résultant de la ligature, j'ai dû, dans ce cas, donner la préférence à la saignée à la jugulaire sur toute autre saignée. Seulement, il y a des précautions à prendre, pour que la ligature reste appliquée aussi peu de temps que possible et pour que le sang jaillisse avec force.
[Mais cette évacuation subite d'une quantité de sang assez considérable, puisque l'on pratique chez les bœufs de taille moyenne et de la conformation ordinaire des saignées de 3 kilos au] moins, produit quelquefois la syncope. Il ne faut point s'en effrayer, elle n'a pas de durée ; bien mieux, on la voit très souvent, soit dans les cas de laryngite aiguës soit dans des cas d'autres phlegmasies franches et aiguës, être suivie d'une amélioration très sensible, ou même de la résolution presque instantanée des accidents morbides.
[Après la saignée, on fait des onctions adoucissantes sur toute la région du larynx, et si le temps est froid et variable, on entoure cette région d'un bandage de laine, en forme de large cravate ; le meilleur est une peau de mouton, avec la toison placée directe-
ment sur la peau de l'animal; de cette manière, on entretient une douce chaleur sur la partie malade, et les embrocations adoucissantes pénètrent mieux les tissus.
[Lorsque l'inflammation commence à céder, on remplace les graisses ou onguents purement adoucissants qui ont servi à faire les premières onctions, par l'huile ou le populéum camphré. J 'ai dit ailleurs qu'il fallait préférer, dans le traitement des maladies du bœuf, les onctions ou les embrocations aux cataplasmes, parce que l'action de ceux-ci n'a point de durée, et que l'indocilité des animaux ne permet pas que ces topiques soient tenus en place comme il faudrait.
[Quand les principaux symptômes inflammatoires paraissent avoir complètement disparu, alors que l'appétit est revenu, que la rumination a lieu comme dans l état normal, si l animal éprouve quelques quintes de toux quand il boit ou avale un bol alimentaire quelque peu volumineux, il faut renoncer aux applications adoucissantes. Les traces d'irritation qui se conservent encore sur la membrane muqueuse du larynx doivent être combattues par des frictions d'une teinture vésicante, faites de manière que l'imbibition soit complète lorsque la friction cesse. C'est ainsi que l'on parvient à empêcher le liquide de s'étendre sur des parties autres que celles où son action doit s'exercer.
[Il n'y a plus à s'occuper des frictions de cette nature une fois qu'elles sont faites; le poil se soulève, il tombe avec l'épiderme et la vésication ne laisse point de traces.
[Les médicaments à employer pour les onctions adoucissantes sont :
[1° Toutes les graisses que l'on trouve à la campagne dans les ménages, pourvu qu'elles ne soient point altérées. Celles qui sont rances ont des propriétés irritantes et produiraient un effet contraire à celui que l'on attend.
[2° L'onguent populéum auquel on ajoute en mélange une certaine quantité de laudanum, dans les proportions suivantes, lorsque la douleur éprouvée par l'animal paraît des plus intenses :
Onction adoucissante.
Onguent populéum ou d'althea .............. 200 grammes. Laudanum de Rousseau 10 —
ou de Sydenham ................... 20 —
[En frictions vésicantes, on e mploie l'essence de térébenthine pure, à raison de trois frictions par jour jusqu'à ce que le cuir semble se crevasser; ou bien on fera deux ou trois frictions, en deux ou trois jours, avec le liniment ammoniacal.
[Ce traitement local et externe ne serait pas assez énergique, si la Laryngite aiguë passée à l'état chronique avait laissé l'animal affecté de cornage, quoiqu'il parût d'ailleurs avoir entièrement recouvré la santé, car il faudrait alors faire des frictions nombreuses avec des liquides vésicants : le feu français ou la teinture de cantharides ; mais le plus énergique de ces vésicants est la pommade stibiée, composée pour cette indication suivant la formule suivante :
Axonge 100 grammes. Émétique .................................. 25 —
Mêlez parfaitement.
[Faites une onction seulement, au moyen d'une spatule en bois. [Pour d'autres indications, l'émétique entre dans cette pommade dans une proportion plus considérable.]
ARTICLE II
LARYNGITE CHRONIQUE.
[Sous ce titre, je décrirai la Laryngite chronique considérée comme une terminaison de la Laryngite aiguë simple, et celle qui est occasionnée ou entretenue par des engorgements de nature glandulaire ou autre.
[Cette maladie est caractérisée tantôt par une inflammation lente de la membrane muqueuse, avec engorgement ou ulcération des tissus, tantôt par l'engorgement du tube cartilagineux sans lésion apparente de la membrane muqueuse.]
Causes. — [Quand la Laryngite chronique est une terminaison de la Laryngite aiguë simple, on en connaît la cause : il n'y a pas à la rechercher ailleurs que dans l'application d'un traitement mal indiqué ou dans l'absence de tout traitement. La Laryngite chronique se manifeste quelquefois après que des manœuvres inhabiles ont été exercées sur le larynx, manœuvres qui n'ont pas été assez violentes pour briser les cartilages et ont cependant donné lieu à une inflammation qui a produit l'engorgement et la soudure des cartilages entre eux, et par suite le rétrécissement du tube. La Laryngite chronique résulte aussi quelquefois de la pression exercée par des engorgements glanduleux placés autour du larynx.]
Symptômes. — [La toux sifflante, courte, qui se produit sans contraction du thorax, toux qui se manifeste en tout temps, mais
surtout pendant la déglutition d'un bol volumineux et aussitôt que l'animal a bu de l'eau très froide, est, dans bien des cas, l'unique symptôme de la Laryngite chronique, notamment tant qu'elle est simple et que la membrane muqueuse du larynx n'a point subi d'altération sensible, qu'elle ne s'est point épaissie et qu'elle n'a pas donné lieu à un rétrécissement du tube aérien. Si, au contraire, cette aggravation existe, outre la toux on constate que la respiration est plus ou moins gênée, toujours un peu bruyante même pendant que l'animal est en repos, et plus bruyante encore s'il mange ou s'il est en mouvement.
[Quand la maladie est plus avancée, l'animal maigrit, quoiqu'il soit bien entretenu; il a le poil piqué, la peau sèche, et un symptôme pathognomonique, c'est l'amaigrissement plus prononcé des muscles de la région cervicale. J'appelle particulièrement l'attention des praticiens sur ce symptôme, parce que, du moment où il peut être remarqué, il n'y a plus à compter sur l'efficacité d'un traitement quelconque. On avise au moyen de tirer de l'animal le meilleur parti possible, sans le moindre retard. Toutes les tentatives d'engraissement échoueraient aussi bien que les médications les plus rationnelles.
[Cette considération de l'amaigrissement s'applique à toutes les affections chroniques des animaux de l'espèce bovine ; et il ne faut point perdre de vue que la Laryngite chronique qui date de quelques mois est presque toujours compliquée d'une bronchite de la même nature d'abord, puis de l'affection tuberculeuse.
[Quand il y a épaississement de la membrane muqueuse, il arrive pourtant quelquefois que l'aggravation du mal ne se déclare qu'avec beaucoup de lenteur; on voit des bœufs affectés de cornage se conserver pendant longtemps dans une apparence de bonne santé, et le cornage rester au même point. Il y a des bœufs qui travaillent tous les jours, et dont la respiration ne devient bruyante que lorsqu'ils font des efforts plus violents que d'habitude; ce cornage peut exister sans que rien prouve qu'il y ait sur un point des voies respiratoires autre que le larynx des lésions pathologiques.
[Plusieurs fois j'ai été appelé pour constater l'état de bœufs, affectés de cornage, que les acheteurs supposaient atteints de la phthisie tuberculeuse. Mais si j'en ai rencontré qui réellement étaient phthisiques et affectés de cornage en même temps, j'en ai aussi observé qui cornaient par le fait d'un travail pénible et qui n'étaient point phthisiques. Un, entre autres, qui, ayant fait le sujet d'une contestation, avait été vendu au boucher à la suite d'une transaction que j'avais ménagée, offrit une lésion très appa-
rente du larynx; son poumon ne présentait pas la moindre trace de tubercules.
[Si la laryngite chronique est occasionnée par la soudure des cartilages du larynx ou par leur engorgement, la toux a un caractère particulier : elle ne se produit que par des contractions violentes des muscles thoraciques. La respiration est toujours sifflante, même dans le repos ; mais pendant que l'animal mange ou qu'il est en mouvement, elle est bruyante et saccadée.
[Si la Laryngite est entretenue par la pression qu'exercent sur le larynx des engorgements qui se sont développés à son pourtour, les symptômes varient suivant que la pression est continue ou qu'elle est momentanée. En effet, les tumeurs adhèrent quelquefois d'une telle manière aux tissus sous-jacents ou environnants, qu'elles exercent une pression qui est toujours la même; quand elles sont mobiles et que dans certains mouvements elles se trouvent déplacées, leur action n'étant plus la même, les symptômes diminuent ou s'aggravent.
[Lorsque la tumeur ne se déplace jamais, la toux est fréquente, et la respiration toujours gênée; si elle se déplace facilement, des manifestations variables de l'un et de l'autre symptôme se font remarquer.
[Tantôt ces tumeurs sont constituées par un tissu lardacé dépourvu de cavités; tantôt elles ont dans leur centre des kystes, des cavernes divisées par des brides. Quelquefois, ce sont des glandes thyroïdes, qui, par suite d'une contusion ou d'une piqûre, sont passées à un état d'induration ; ce sont aussi les parotides qui, sous l'action de causes à peu près semblables, se sont également indurées. J'ai vu, chez deux vaches, des tumeurs de cette nature développées sur la région du larynx à la suite de mouchetures profondes pratiquées sur un engorgement sanguin, dont le siège primitif avait été d'abord entre les deux branches du maxillaire.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [La Laryngite chronique a constamment une marche très lente : conséquemment, elle a une longue durée, ou du moins elle aurait une assez longue durée si l'on n'avait la faculté de tirer des animaux un parti relativement avantageux en les livrant au boucher. Quant à la terminaison, elle est fatale dans le plus grand nombre de cas.]
Lésions. — [A l'ouverture des animaux morts des suites de la Laryngite chronique ou, du moins, sacrifiés pendant l'existence de cette maladie, on trouve de la rougeur sur la muqueuse du larynx, un ramollissement ou un épaississement de cette membrane. D'autres fois, les cartilages ont acquis de l'épaisseur ; ils sont soudés, et les ouvertures gutturales sont plus ou moins
rétrécies. J'ai dit précédemment de quelle nature sont les tumeurs qui occasionnent ou compliquent la Laryngite chronique.]
Diagnostic. Pronostic. — [La Laryngite chronique, qui se caractérise par des symptômes peu nombreux, très saillants et pour ainsi dire isolés, n'est point difficile à distinguer des autres affections des voies respiratoires : il suffit, pour la caractériser, de cette toux sifflante, saccadée, se manifestant toutes les fois que l'animal boit ou mange, ou qu'il est obligé de marcher à une allure un peu vive.
[Le pronostic est fâcheux dans ce sens qu'on doit prévoir que la Laryngite chronique ne guérira point, à moins qu'elle ne soit simple et qu'elle ne constitue seulement une modification de la Laryngite aiguë simple. Il est alors possible d'en triompher au moyen d'un traitement rationnel, ou du moins d'éviter qu'elle ne soit un obstacle à l'engraissement.]
Traitement. — [Si la Laryngite chronique est simple, les frictions vésicantes faites sur la région laryngée peuvent amener la disparition des symptômes; mais il faut qu'elles soient souvent renouvelées, en observant les indications suivantes : on fait, avec la teinture de cantharides ou avec le feu français, ou même avec l'onguent vésicatoire, des frictions en nombre suffisant pour que la peau commence à se tuméfier, que le poil se redresse et que l'épiderme se soulève. Quand on a obtenu ce résultat, on ne fait plus de frictions ni aucune espèce d'application ; elles seraient inutiles ou dangereuses : irritantes, elles produiraient une eschare qu'il faut éviter; adoucissantes, elles entraveraient en partie l'action des vésicants. Donc, le traitement cesse aussitôt que les frictions ont produit l'effet désiré, et l'on attend, pour savoir s'il y a lieu d'en faire de nouvelles, que le poil soit tombé ainsi que l'épiderme, que la tuméfaction de la peau n'existe plus et que le poil commence à repousser. On reviendra à la même médication, s'il se produit encore des symptômes de Laryngite chronique.
[Si l'on se sert d'onguent vésicatoire1, les onctions doivent être faites avec une spatule, et de telle manière que cette préparation soit entièrement fondue et qu'elle ait disparu par une sorte d'imbibition quand l'opération cesse ; sans cela, l'onguent coule sur les parties que l'on voudrait ménager ou sur les corps qui sont à porlée des animaux, et ceux-ci peuvent l'enlever avec la langue ou s'en imprégner le mufle, les paupières, en se frottant contre ces corps.
[Dans les autres états de la Laryngite chronique, tout traitement serait inefficace.]
ARTICLE III
LARYNGITE DlPHTllÉRITIQUE.
Synonymie : Croup, Angine croupale.
Définition. Fréquence. — [La Laryngite diphthéritique ou pseudo-membraneuse est une inflammation aiguë sui generis de la membrane muqueuse du larynx. Elle est caractérisée par la production d une fausse membrane, désignée communément sous le nom de Croup dans le langage médical ; à la campagne, les bouviers lui donnent des noms qui varient à l'infini.
[En général, on l'observe chez les vaches vieilles ou jeunes,, chez les génisses et chez les veaux beaucoup plus souvent que chez les bœufs de travail.]
Causes. — [L'âge n'est pas, chez les animaux de l'espèce bovine, une cause prédisposante. Le mal se déclare le plus souvent chez les bêtes dont la constitution a été appauvrie par une alimentation,insuffisante ou par des travaux excessifs. Ordinairement. les veaux qui sont affectés du Croup sont issus de vaches très vieilles, maigres et qui ne fournissent qu'une très petite quantité de lait.
[Un bœuf ou une vache qui se trouvent en sueur sont surpris par une averse ; ils stationnent, et sont exposés à un vent froidLe bœuf est en très bon état, vigoureux, bien nourri; la vache, vieille et maigre, exténuée par l'âge ou les privations. Or, sous l'influence de la même cause, le bœuf sera affecté d'une Laryngite aiguë franche, et la vache sera atteinte du Croup. La même cause aurait produit un effet identique chez les deux animaux, s'ils se fussent trouvés dans les mêmes conditions de santé.
[Il y a donc lieu de tenir compte de l état des animaux au moment de l'invasion de la Laryngite, et Ton verra pour quel motif lorsqu'il sera question du traitement.
[Les causes occasionnelles ne sont pas toujours des averses ou l exposition à des courants d 'air; les génisses et les veaux n'ont pas été dans tous les cas mis en transpiration avant d'être affectés du Croup. Il est de ces animaux qui ne sont jamais sortis des étables quand le mal se déclare ; mais ils y ont souvent respiré un air chargé de principes irritants.
[Une vive surexcitation peut également occasionner le croupi des taureaux en ont été affectés pour s'être fatigués et violemment surexcités en luttant dans les pâturages.
[On voit parfois des veaux de lait affectés de cette maladie et d'une affection vermineuse en même temps. Si la cause prédisposante est la même pour ces deux maladies, il est pourtant bien évident que la présence de vers dans les voies respiratoires peut être également la cause occasionnelle de la Laryngite croupale. Cette présomption, d'ailleurs, a été souvent confirmée par les résultats du traitement.]
Symptômes. — [Tristesse, appétit nul, point de rumination, absence de pandiculation, sensibilité extrême manifestée par la pression la plus légère de la région laryngée, toux rauque, fréquente et quinteuse ; naseaux dilatés, yeux larmoyants, quoique grands ouverts ; conjonctive injectée, respiration difficile, flancs rétractés, encolure tendue presque horizontalement. L'animal relève légèrement la tête; il a les oreilles pendantes; sa station est inquiète, incertaine.
[Chaque quinte de toux est suivie d'un flux muqueux par les naseaux ou d'expectoration par la bouche de mucosités épaisses et blanchâtres. Après chacune de ces quintes, l'animal entr'ouvre la bouche, puis il grince des dents.
[Je n'ai remarqué la force, la plénitude, la dureté du pouls que chez un petit nombre de bœufs ou de vaches, jamais chez des génisses ni des veaux. Le plus souvent, l'artère est molle plutôt que souple ; les battements sont faibles plutôt que forts et tumultueux, le pouls assez vite pourtant.
[Quand on a entendu une fois la toux d'un sujet malade du croup, on ne peut plus s'y tromper; aussi suis-je porté à considérer cette sonorité, rauque et râlante en même temps, comme un symptôme pathognomonique décisif.
[Après les quintes de toux, le râle croupal est moins fort ; il semble diminuer pour reprendre bientôt toute sa gravité. La nuit aussi, il est moins intense. Si les animaux affectés de croup se couchent, ils se relèvent bientôt. Ordinairement, ils rendent des excréments plus ou moins recouverts de mucosités, et leurs urines ont un aspect légèrement laiteux.
[Les animaux expulsent très souvent, pendant les accès de toux, des portions plus ou moins considérables de la production pseudomembraneuse ; et il arrive quelquefois, après cette expulsion, qu'ils paraissent guéris; la respiration se fait régulièrement, la toux cesse et l'appétit semble être revenu; l'animal rumine quelquefois, mais lentement. Cette amélioration n'est que momentanée, à moins que, sous l'influence du traitement ou par les seuls efforts de la nature, la fausse membrane n'ait été expulsée complètement et qu'il ne s'en soit formé une autre.
[Je possède deux observations de Laryngite croupale avec érup-
tion déboutons sur la peau. Je ne me suis point occupé de cette éruption, que je ne considérais que comme un épiphénomène; d'ailleurs, cette éruption disparut chez un de ces animaux, qui en guérit, au fur et à mesure de la diminution des symptômes de la Laryngite croupale.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [L'Angine croupale fait des progrès rapides ou lents ; mais il ne parait pas que sa résolution puisse avoir lieu, du moins dans le plus grand nombre des cas, par les seuls efforts de la nature. Un traitement rationnel peut être suivi de guérison au bout de huit à dix jours, mais les cas de mortalité sont plus nombreux. Dans beaucoup de faits de terminaison heureuse, les animaux malades ont rejeté, par l'expectoration, des portions de fausses membranes, et une amélioration sensible, durable ou momentanée seulement; en a été la conséquence immédiate.
[Dans l'Angine croupale, il se produit des exacerbations fréquentes, suivies de rémissions alternatives; quelquefois, les accès se déclarent la nuit, d'autres fois, c'est pendant le jour; sous ce rapport, ils n'ont rien de régulier. Il est fort difficile d'assigner à cette maladie des périodes bien distinctes : la période d'invasion, caractérisée par la première manifestation des symptômes, est la seule régulière ; mais après, ce sont des temps uniformes ou des exacerbations inégales d'intensité et de retour.]
Lésions. — [Muqueuse de l'arrière-bouche d'un rouge brun ; les follicules muqueux du voile du palais et de la langue un peu rouges, mais tuméfiés sensiblement et recouverts de mucosités blanchâtres; muqueuse du larynx, recouverte de fausses membranes; même lésion sur la membrane de la trachée et des bronches ; les fausses membranes du larynx sont épaisses, surlout à la base de l'épiglotte où elles se détachent avec facilité, tandis que, dans la trachée et les bronches, elles sont très adhérentes. L'épaisseur de ces fausses membranes est très variable. Au-dessous, la muqueuse est très rouge chez les animaux en bon état qui n'ont pas été saignés, mais elle est pâle chez ceux qui ont été saignés ou qui étaient dans de mauvaises conditions quand la maladie s'est déclarée.
[On trouve aussi des fausses membranes dans les grosses divisions des bronches et sur la muqueuse intestinale, et plus ou moins dans les divers organes gastriques proprement dits ou intestinaux, chez toutes les vaches en mauvais état au moment où la Laryngite croupale s'est manifestée.]
Nature. — On est porté à penser que la Laryngite diphthéritique est de nature parasitaire. Les recherches d'OErtel, de Klebs, deLetzerich, de Talamon, tendent à établir que la diphthé-
rie est due à un microbe : toutefois ces savants diffèrent d'opinion sur les caractères de ce parasite. Ainsi le Micrococcus dil)hlheî,ieus de Klebs n'est pas le microbe de Letzerich, ni le champignon décrit par M. Talamon. Ces dissidences résultent des difficultés que l'on éprouve pour étudier les propriétés de ce microbe, car, d'une part, il faut compter avec la résistance de l'organisme de l'animal inoculé, qui écrase, suivant l'expression de M. Duclaux, le microbe lorsqu'il est peu actif ; d'autre part, « avec un microbe aussi évidemment aérobie, se développant dans des régions où le contact de l'air apporte des myriades d'êtres divers, la prudence est plus nécessaire que partout ailleurs » (1).
Diagnostic. Pronostic. — [Le râle croupal indique suffisamment quel est le véritable caractère de la maladie ; et le pronostic, qui doit toujours être formulé avec réserve, varie nécessairement en raison des différents caractères de la maladie et de l'état des sujets affectés. Si le sujet est jeune, vigoureux, et d'une constitution bien conservée, on peut compter, jusqu'à un certain point, sur les effets du traitement.
[Si la constitution de l'animal est usée, il est impossible de pronostiquer avec assurance une terminaison favorable. Les vieilles vaches, la plupart déjà minées par la phthisie tuberculeuse, ne résistent pas à l'angine croupale ; les veaux maigres, et souvent affectés en même temps de quelque maladie vermineuse, n'y résistent pas davantage.
[Le pronostic n'est favorable que lorsque l'on voit des portions de fausses membranes être rejetées par l'expectoration, ou lorsqu'après la trachéotomie, la respiration se fait librement, que l'animal témoigne du désir de prendre des aliments et qu'il peut les avaler facilement.]
Traitement. — [J'ai d'abord employé la saignée pour faire avorter la Laryngite croupale et empêcher la formation de la fausse membrane; mais j'ai dû renoncer à ce moyen.
[Le traitement dont on peut obtenir les meilleurs résultats consiste dans l'application, au début de la maladie, de sinapismes aux avant-bras, au plat des cuisses; dans l'administration de boissons émétisées, à petites doses souvent répétées, pourvu que cela n'augmente point la difficulté de la respiration. Quand il est devenu évident que des fausses membranes existent dans le larynx, que leur formation est complète, on doit faire des frictions vésicantes sur la gorge et mème aux faces de l'encolure vers la région supérieure. Si, malgré l'emploi de cette médication, la suffocation est imminente, on pratique la trachéotomie.
(1) E. Duclaux, Ferments et maladies, p. "251.
Cette opération a pour effet immédiat de rendre à la respiration toute sa liberté; mais elle n'amène la guérison complète que lorsque les fausses membranes, se détachant en partie du larynx, viennent se présenter à l'ouverture faite à la trachée et qu'on les enlève.
[L'apparition des fausses membranes à l'ouverture pratiquée à la trachée-artère est un fait à peu près constant, et si elles ne se présentent pas, on cherche à les attirer avec des pinces recourbées. Mais l'opération, même quand elle est suivie d'une amélioration très sensible, n'implique pas la suppression de tout autre moyen de traitement. Ainsi des gargarismes profonds, avec une solution composée de 100 grammes de perchlorure de fer pour 1 litre d'eau, produisent de bons effets (1).
[Pendant quelques jours encore, l'action des applications vésicantes doit être continuée, et l'on ne cesse d'administrer des boissons émétisées que lorsque l'animal a recouvré l'appétit, qu'il rumine, et que son pouls, de faible et vite qu'il était, est devenu normal. A ce moment, on donne des breuvages amers alternativement avec des breuvages émétisés. Si l'on reconnait que ces derniers provoquent des accès de toux et qu'ils fatiguent beaucoup l'animal, on les remplace par des lavements également émétisés, qu'on a le soin de faire précéder d'un lavement ordinaire qui vide le rectum. De plus, on presse légèrement la colonne dorso-lombaire, l'animal étant debout.
[On prescrira les boissons et lavements ci-après, qu'on administrera trois fois par jour :
Boissons ou lavements émélisés.
Eau tiède 1 litre. Tartre stibié .................................... 1 gramme.
Pour les petits animaux (veaux au-dessous d'un au) moitié dose.
Breuvages amers.
Racine de gentiane 64 grammes. Écorce de saule 64 — Extrait de genièvre .............................. 64 —
Eau ............................................ 1 litre et demi.
Faites une décoction avec les deux premières substances et l'eau, et ajoutez l'extrait de genièvre.
[Au lieu du précédent, lorsque les animaux donnent les signes d'une grande faiblesse, on donnera le breuvage ci-après :
(1) Revue vétérinaire, 1880, p. 508.
Breuvage stimulant.
1 Baies de genièvre 32 grammes.
Cannelle 32 — Anis vert on étoilé 16 — Eau ............................................ 1 litre.
Faites infuser et administrez tiède.]
ARTICLE IV
LARYNGITE PAR FRACTURE DES CARTILAGES.
Fréquence. Causes. — [Cette affection n'est décrite dans aucun ouvrage traitant des maladies du bœuf. L'imprévoyance des cultivateurs est telle, dans bien des localités, qu'ils ne se donnent aucun soin pour empêcher que des substances alimentaires puissent rester engagées dans l'œsophage des ruminants, et les accidents de cette nature sont fréquents. Les bœufs avalent gloutonnement les portions de tourteau qu'on leur distribue, les racines, betteraves, carottes, pommes de terre, navets, etc. ; ils ne mâchent pas toujours ces aliments, ils en forment un bol trèsvolumineux, et ce bol reste quelquefois engagé dans l'œsophage; ou bien ces substances sont anguleuses : telles sont les portions de tourteaux faites avec la hache ou avec le couteau, etc., et elles se trouvent retenues aux parois de l'œsophage. Il est facile de concevoir comment, dans ces circonstances, se manifeste l'accident qui nous occupe.
[Aussitôt qu'un corps étranger s'est arrêté dans le canal œsophagien et qu'il ne peut ni remonter ni descendre, le bœuf se livre à des mouvements désordonnés : il trépigne, se couche, se relève, rapproche ses membres, contracte avec violence ses muscles abdominaux et pectoraux; il tousse avec force; il rejette des mucosités par la bouche et par les naseaux ; puis.bientôt, il est météorisé,.au point d'être quelquefois menacé d'asphyxie.
[Lorsqu'un bœuf se trouve dans cet état, le propriétaire ou les personnes préposées à sa garde cherchent à lui faire avaler en breuvage de l'huile, ou d'autres liquides que l'on suppose propres à faciliter la déglutition. Mais ces tentatives n'ayant d'autre résultat que d'aggraver la situation, on ne tarde pas à essayer l'introduction dans l'œsophage d'une forte baguette ou d'un bâton flexible, pourvu d'une pelote de chiffons ou d'étoupes à une de ses extrémités, et cette manœuvre qui, le plus souvent, ne produit pas l'effet désiré parce qu'elle est mal exécutée, a pour ré-
sultat, dans nombre de cas, la fracture des cartilages du larynx. Un pareil accident est toujours mortel.]
Symptômes. — [Les symptômes sont très apparents : une tumeur emphysémateuse s'est formée autour du larynx, et en la pressant, on sent et l'on entend craquer les cartilages fracturés ; alors on voit des stries de sang mêlées aux mucosilés qui fluent par la bouche et par les naseaux ; la respiration est sifflante, quoique par la ponction du rumen on ait fait cesser la menace d'asphyxie.
[En pareil cas, il n'y a qu'un parti à prendre : sacrifier l'animal pour en tirer sans retard le meilleur parti possible.]
ARTICLE Y
BRONCHITE AIGUË SIMPLE.
Synonymie : Courbature, lIIorfondement, Morfondure, Rhume de poitrine, Catarrhe pulmonaire, Pulmonie catarrhale, Fausse peripneumonie, Angine de poitrine. définition. Fréquence. — [La Bronchite est l'inflammation de la membrane muqueuse des bronches. Cette inflammation se présente sous deux états bien distincts: elle est aiguë ou chronique. Elle a reçu dans la pratique des noms assez nombreux. Ces dénominations diverses ont été données à la Bronchite parce qu'on a confondu la cause avec l'effet et qu'on a cru reconnaître dans des phénomènes qui n'étaient que des symptômes le caractère essentiel d'une maladie. Le praticien évilera cette confusion pour ne pas errer dans son diagnostic; mais il doit tenir compte de ces dénominations, car chacune d'elles porte avec elle son enseignement.
[La courbature, caractérisée par un sentiment de fatigue générale, précède la plupart des inflammations de la membrane muqueuse des voies respiratoires; c'est après une grande fatigue ou un arrêt de transpiration, le trouble des fonctions le plus à redouter, et ne pas s'y arrêter serait une faute. La morfondure a la même signification, et le morfondement exprime la même chose. Quant aux termes de catarrhe pulmonaire, de pulmonie catarJ'hale, etc., ils se rapportenl à la toux, qui est un symptôme de presque toutes les affections des voies respiratoires.
[La Bronchite est plus fréquente chez les animaux de l'espèce bovine qu'on ne le pense généralement, plus fréquente que la pneumonie dont elle est souvent la première phase et qu'elle complique ordinairement.
Causes. — [Les causes sont de deux sortes : elles tiennent à l'état des animaux, à leur constitution, à leur âge, et aussi aux modifications que doit nécessairement subir cette constitution sous l'action des agents qui surexcitent les fonctions de la muqueuse des bronches. Mais la cause prédisposante la plus remarquable est la phthisie tuberculeuse, même quand elle n'a pas fait de grands progrès.
[Les autres causes prédisposantes principales sont la jeunesse et la vieillesse, et, à ces deux époques de la vie, une constitution affaiblie par un mauvais régime ou déjà minée par la phthisie. Les génisses et les vieilles vaches sont plus sujettes à la Bronchite que .les bœufs de travail bien constitués et bien nourris, et on l'observe plus souvent chez ces animaux lorsqu'ils sont logés dans des étables basses et mal aérées.
[Les saisons pendant lesquelles les Bronchites se manifestent le •plus communément sont le printemps et l'automne, ainsi que les ,hivers très doux.
[Les causes occasionnelles sont ordinairement des arrêts de transpiration. Si la Bronchite se déclare chez un bœuf de travail c'est parce que, étant aux champs, il a été laissé en repos exposé à tous les vents, à toutes les variations atmosphériques, quand il se trouvait soit en sueur, soit dans un état de surexcitation musculaire ou pulmonaire après un travail pénible. J'ai dit ailleurs comment les bœufs de labour étaient souvent courbaturés parce que leur attelée était interrompue brusquement, et que l'interruption était d'une durée suffisante pour que le refroidissement de l'animal eût lieu. Que les animaux affaiblis par une cause quelconque passent, sans transition, d'une atmosphère chaude et chargée d'émanations qui fatiguent les organes de la .respiration, dans une atmosphère agitée et dont la température -est plus basse, la Bronchite se déclare instantanément, comme ,elle se déclarerait chez l'animal qui serait forcé d'aspirer des vapeurs irritantes. Un bœuf était couvert de poux, un empirique conseilla au propriétaire de faire autour de ce bœuf des fumigàtions sulfureuses. Une première fois, l'homme et le bœuf s'en trouvèrent très fatigués, mais la seconde fumigation produisit sur d'un et sur l'autre une Bronchite aiguë très violente.] symptômes. — [Dans le début, frissons, signes de malaise ; 'l'animal est un peu agité, il remue fréquemment les membres antérieurs qu'il tient un peu écartés ; son mufle est sec, ses conjonctives injectées; il ne rumine point ; son appélit a diminué; la pression exercée sur la colonne dorsale parait augmenter son malaise, il s'en défend, et cette pression suffit pour le faire tousser. 'Quand il tousse, il entr'ouvre la bouche d'une manière très sensi-
ble ; la toux est quinteuse, sèche d'abord, et un peu plus tard elle est grasse et paraît profonde. Il y a de la gêne dans la respiration; l'inspiration est courte; l'air expiré est plus chaud que d'habitude ; les flancs sont agités et le plus léger mouvement provoque la toux. Parfois, après qu'elle s'est produite, des mucosités assez épaisses coulent par les naseaux ; pendant la toux, il en est aussi rejeté par la bouche.
[Dans le début, on obtient par la percussion un son clair, et par l'auscultation on constate que l'air pénètre dans le poumon à peu près comme dans l'état normal, excepté quand la Bronchite existe chez un animal déjà tuberculeux.
[Lorsque la Bronchite tend à céder soit aux efforts de la nature, soit à l'action d'un traitement bien indiqué, la toux devient grasse, et les mucosités qui se présentent à l'orifice des cavités nasales sont plus épaisses sinon plus abondantes; la respiration est râlante avant que la toux se produise; et si, après cette toux, la respiration est un peu précipitée, on s'aperçoit néanmoins que ses mouvements sont devenus normaux, et que l'air n'éprouve plus d'obstacles pour pénétrer dans les poumons. C'est seulement lorsque des mucosités se sont amassées de nouveau dans les bronches que le ràle muqueux se fait entendre et que l'animal toussse.
[A cette période de la maladie, l'appétit reparaît, et la rumination a lieu aussi souvent et pendant une durée presque aussi longue que dans l'état de santé; la colonne dorsale est moins sensible, la peau, de sèche qu'elle était, devient onctueuse et l'animal s'étire d'une manière incomplète, symptôme qui mérite une certaine attention. On sait que le bœuf en santé fait un mouvement de pandiculation bien prononcé toutes les fois qu'après être resté couché pendant quelque temps, une heure ou deux, il se place sur ses membres ; alors il les écarte un peu en les appuyant assez fortement sur le sol ; quelquefois même il pousse comme une espèce de soupir sourd et cependant bruyant, et dans ce mouvement il avance la tête en l'abaissant un peu, et il relève la queue.
[Or, s'il est simplement courbaturé, il s'étire à peine; et s'il est atteint gravement d'une affection quelconque, il ne s'étire plus du tout. Lorsque, après une maladie, il se trouve soulagé, cette action reparaît; c'est la convalescence qui commence; et lorsque l'état morbide a cessé, on voit la pandiculation se faire complètement.
[Tels sont les symptômes ordinaires de la Bronchite aiguë simple; mais ces symptômes peuvent se manifester avec plus de violence; la respiration peut être très précipitée, bruyante ou râlante et saccadée; alors la sensibilité de la colonne dorsale est extrême, l'animal refuse tous les aliments et il ne rumine point; les con-
jonctives sont très injectées: on voit se dessiner très distinctement les vaisseaux sanguins qui rampent sur cette membrane, où l'on dirait qu'ils font saillie. Alors, l'inflammation ne s'est pas seulement propagée à toute la membrane muqueuse des bronches; elle s'est étendue également sur celle qui tapisse la trachée, le larynx et les cavités nasales, ce qui est quelquefois si apparent que l'orifice de ces cavités est un peu tuméfié. Dans bien des cas de Bronchite arrivée à ce degré d'intensité, on pourrait croire d'abord à l'invasion du coryza gangreneux.]
Marche. B>urée. Terminaisons. — [La Bronchite se déclare subitement dans le plus grand nombre des cas; presque dès son invasion, elle se manifeste avec tous les symptômes qui la caractérisent. Si elle est combattue par des moyens appropriés, sa durée ne dépasse guère huit ou dixjours, et il arrive souvent que le mieux se manifeste le troisième jour, lorsque l'animal est jeune, vigoureux, et que la saignée a été assez forte pour que la résolution commence aussitôt. Si, au contraire, la Bronchite s'est déclarée chez un animal épuisé, amaigri, vieux ou très jeune, elle traine souvent en longueur, parce que la saignée ne peut faire partie du traitement. J'ai dit maintes fois que je devais à la saignée les plus nombreux succès que j'ai obtenus dans le traitement des maladies des animaux de l'espèce bovine, mais il ne faut pas conclure de celte affirmation que ce moyen soit indiqué toujours et quand même. On rencontre souvent de ces animaux dont le sang est appauvri par suite de privations, et dans ce cas la saignée est contre-indiquée. Il arrive donc souvent que la Bronchite a une durée qu'il est difficile de délerminer. Sa terminaison est la résolution ou l'état chronique.]
diagnostic. Pronostic. — [Les symplômes de la Bronchite aiguë simple sont d'une telle évidence qu'ils ne laissent aucun doute à l'observateur, et le pronostic n'est fâcheux que lorsqu'on se trouve en présence d'un animal dont la constitution est épuisée par un mauvais régime ou que la maladie se complique de la phthisie tuberculeuse. Ici, la Bronchite est un épiphénomène, une fâcheuse complication qui ne peut d'ailleurs laisser aucun espoir de guérison.]
Traitement. — [Lorsque l'animal est dans les conditions voulues pour que la saignée puisse être employée, on ouvre la jugulaire, si cette opération peut être faite assez promptement pour que la ligature ne doive pas aggraver l'état du malade. Si l'on craint des accidents et quoiqu'il soit bien démontré que la saignée à la jugulaire ait pour effet immédiat de dimipuer l'afflux sanguin qui se fait aux bronches comme dans le poumon, on peut néanmoins compter sur le même résultat au moyen de la saignée
à la coccygienne. Après la saignée, la diète et les boissons adoucissantes : on évitera de donner des breuvages qui pourraient provoquer des quintes de toux.
[Si, par une première saignée, la résolution de la Bronchite se dessine franchement, ce que l'on distingue très bien à la diminution d'intensité de tous les symptômes, alors que le mufle se couvre de rosée, que les mouvements de la respiration sont normaux et que les quintes de toux deviennent de plus en plus rares, on attend un jour en se bornant à surveiller l'animal, et si l'amélioration est persistante, on n'a plus qu'à entretenir les fonctions de la peau, en le couvrant au moyen d'une couverture de laine, et en le plaçant dans un milieu où la température est douce, sans ètre trop chaude, où l'air est pur; puis, on le remet graduellement à son régime ordinaire. Mais, lorsque l'on doit combattre la Bronchite aiguë chez un bœuf fortement constitué, chez lequel le tempérament sanguin n'a pas été appauvri et que la résolution n'a point lieu, on fait une seconde saignée; après cela, on passe un trochisque au fanon, si le mieux n'est pas suffisamment prononcé.
[Tant que l'inflammation est dans son état d'acuité, on ne doit pas employer ce moyen chez les animaux dont la constitution n'a pas été détériorée, car il arriverait inévitablement que la révulsion ne se produirait point et que les symptômes deviendraient plus intenses. Chez les sujets débilités, il en sera autrement; on ne fera pas de saignée, et on commencera par un trochisque des plus énergiques, dont l'action sera secondée par des béchiques adoucissants dans le début, puis incisifs.
[Dans aucun cas, on ne doit faire de scarifications sur les engorgements produits par les trochisques; elles ne sont jamais avantageuses et sont très souvent nuisibles. En effet, la révulsion existe par le fait seul de la production de l'engorgement, et lorsqu'il a déterminé la résolution de la Bronchite, il se résout à son tour, lentement à la vérité, mais très sûrement, après la chute de l'eschare qui résulte de l'action immédiate du caustique.
[Les scarifications donnent lieu à une hémorragie, dont on ne comprend plus la nécessité si l'application du trochisque n'a été faite qu'après une ou deux saignées, et elles sont dangereuses, dans ce sens que, chez certains animaux, elles sont suivies de plaies baveuses qui prennent quelquefois un très mauvais caractère; chez d'autres animaux débilités par une cause quelconque, elles donnent lieu à des hémorragies que l'on n'arrête pas toujours avec facilité et qui peuvent être mortelles.
[Dans le cas de Bronchite aiguë simple, comme dans toutes les maladies inflammatoires, on administre de temps à autre des
lavements émollients, afin de faciliter l'évacuation des excréments.
[Lorsque l'inflammation tend à se résoudre, qu'il existe cependant un peu de râle dans la respiration et que la toux est encore grasse, on fait emploi des béchiques incisifs.
[Dans le traitement de cette maladie, les médicaments sont administrés aux animaux soit sous forme d'électuaire, soit sous forme de bol. On sait que les électuaires ou opiats sont des préparations magistrales de consistance pâteuse, destinées à l'usage interne; les bols sont un peu plus consistants que les électuaires. Ces préparations ont pour excipients le miel ou la mélasse.
Bol béchique adoucissant.
Gomme pulvérisée 32 grammes. Guimauve en poudre 32 —
Huile d'olive 64 —
Jaunes d'œufs .............................. 2
Miel ...................................... Quantité suffisante.
(Tabourin.)
Incorporez l'huile dans les jaunes d'œufs et les poudres dans le mélange, et ajoutez le miel.
[Le même bol peut être préparé indifféremment avec la poudre de réglisse au lieu de poudre de guimauve, et avec la gomme au lieu d'huile d'olive, mais à dose un peu plus forte, et avec un ou deux jaunes d'œufs de plus; pour donner la consistance, on augmente aussi la dose de la poudre de réglisse. On fait des bols de 2 à 3 onces pour les bœufs, et d'un poids un peu moindre pour les petites vaches et les veaux.
' Bol béchique incisif.
Kermès minéral 64 grammes. Térébenthine 32 —
Baies de genièvre pulvérisées 64 —
Miel ....................................... Quantité suffisante.
(Tabourin.)
Faites quatre bols pour les bœufs et cinq pour les vaches.
[Comme béchique incisif, on donne souvent, au lieu de bols composés tels que ceux qui viennent d'être indiqués, le sulfure d'antimoine à la dose de 25 grammes par jour pour les petites vaches, et de 30 à 40 grammes pour les bœufs. Ces animaux prennent très bien ce médicament mélangé au son ou à toute autre substance farineuse.
[Le trochisque que je préfère, parce qu'il est le plus énergique et celui dont le résultat se fait le moins attendre, est fait avec une mèche en ruban de fil ou en cordon de chanvre ou de lin, enduite de pommade stibiée, préparée soit avec 25, soit avec 50 p. 100 de tartre stibié incorporé dans l'axonge.]
ARTICLE VI
BRONCHITE CHRONIQUE.
Synonymie : Catarrhe bronchique, Toux -,rasse.
Définition. Fréquence. — [La Bronchite chronique est l'inflammation chronique de la membrane muqueuse qui tapisse les bronches. Le nom de toux grasse la différencie de la toux sèche et sifflante, qui est un des principaux symptômes de la phthisie tuberculeuse. Elle est assez fréquente, et bien des bœufs ou vaches jeunes que l'on croit être phthisiques, et qui, pour ce motif, deviennent le sujet de contestations, ne sont en réalité atteints que de bronchite chronique.]
Causes. — [Les causes prédisposantes sont toutes celles qui ont été indiquées à propos de la Bronchite aiguë, et cette Bronchite elle-mème, quand elle s'est déclarée plusieurs fois chez le même animal, finit par donner lieu à la Bronchite chronique par son action répétée sur la membrane muqueuse. On conçoit, en effet, que des bœufs ou des vaches, séjournant pendant tout l'hiver dans des élables toujours trop chaudes, parce qu'elles sont étroites, basses et mal aérées, en soient affectés deux ou trois fois dans le courant de l'année, et l'on conçoit tout aussi bien que des muqueuses ainsi irritées périodiquement éprouvent une modification qui les rend plus disposées à être affectées de Bronchite chronique.
[Les causes occasionnelles sont aussi les mêmes que celles qui donnent lieu à la Bronchite aiguë, avec cette seule différence que, si leur action est plus lente, elle est aussi plus continue. Ainsi, des animaux sont, pendant certaines saisons, sujets à éprouver journellement des refroidissements- de moyenne gravité par leur brusque passage d'une atmosphère très chaude dans une autre atmosphère d'une température moins élevée. Alors, ils contractent une Bronchite chronique, qui n'est pas assez grave pour constituer un état morbide violent, mais qui peut néanmoins tendre à modifier d'une manière fâcheuse l'état physiologique de la membrane muqueuse ; c'est une irritation sourde et continue, dont les
ravages sont d'autant plus dangereux que leur action est moins sensible. Ainsi, la Bronchite chronique est parfois primitive, et d'autres fois elle succède à la Bronchite aiguë, dont elle est la terminaison.]
Symptômes. — [La Bronchite chronique primitive débute par une toux grasse, qui se produit sans de grands efforts de la part de l'animal, et reste pendant longtemps l'unique symptôme appréciable. Ici, point de réaction fébrile habituelle; il arrive seulement quelquefois, quand l'animal s'est trouvé surexcité par un travail très pénible, que la toux, ordinairement facile, devient quinteuse. Cette toux est rarement suivie de l'expulsion, par la bouche ou par les cavités nasales, de mucosités grumeleuses ou filantes, mais assez épaisses. Du reste, l'animal mange, rumine et travaille comme s'il se trouvait en bon état de santé; sa respiration est pourtant plus courte et un peu plus accélérée.
[Au surplus, il ne faut pas donner une importance exagérée à l'accélération de la respiration chez les animaux de l'espèce bovine. Dans une étable chaude, ou pendant qu'ils travaillent sous l'action d'une température élevée, ils paraissent toujours beaucoup plus essoufflés que le cheval et le mulet; lorsque, pendant l'été, nos bœufs se couchent après avoir pris leur repas, ils sont haletants comme s'ils venaient d'être soumis à un violent exercice.
[Lorsque la Bronchite chronique tend à s'aggraver, la toux devient habituellement quinteuse, la respiration est toujours accélérée et saccadée, la peau cesse d'ètre onctueuse, l'appétit diminue, la rumination est rare.]
Marche, Murée. Terminaisons. — [La marche de la Bronchite est lente et sa durée est longue, quand elle succède à une Bronchite aiguë ou quand elle est primitive et que l'animal est encore jeune et bien constitué ; mais cette durée est courte si l'animal est vieux, et surtout si déjà il est atteint de phthisie tuberculeuse, même peu avancée; car, dans ces cas, une pneumonie ne tarde pas à compliquer la Bronchite, ou bien la phthisie tuberculeuse fait des progrès rapides.]
Lésions. — [A l'autopsie, on trouve la membrane bronchique rouge ou violacée, et cette lésion s'étend presque dans toutes les divisions des bronches; la membrane muqueuse est épaissie, ramollie, et sa surface irrégulière. On rencontre sur divers points de ces divisions, des mucosités visqueuses en grumeaux volumineux, et, dans presque tous les cas, les ganglions bronchiques sont engorgés.]
Diagnostic. Pronostic. — [La toux persistante avec les caractères qu'on lui reconnait donne l'indication du diagnostic : celle qui se produit par le fait d'une laryngite est sèche, et l'on sait
quels sont les autres symptômes qui l'accompagnent : gêne de la respiration, douleur manifestée par l'animal à la pression de la gorge, etc. La toux de la Bronchite aiguë simple n'est pas isolée; et quant à la toux de la phthisie tuberculeuse, elle est sèche et sifflante. Dans le cas de Bronchite chronique, rien de pareil; il n'est donc pas difficile de diagnostiquer cette affection.
[Quant au pronostic, il est toujours fâcheux : la Bronchite chronique n'est point curable, et il n'y a pas à s'occuper d'un mode de traitement quelconque. Toutes les fois qu'on se trouve en présence de cette affection, il y a lieu de conseiller l'engraissement de l'animal, s'il y a quelque chance de succès, sinon la vente immédiate. On favorise l'engraissement par l administration du sulfure d'antimoine en mélange avec des substances farineuses, continuée de la manière suivante : pendant dix ou quinze jours, 30 grammes de sulfure et ainsi de suite en une seule dose, puis une interruption d'autant de jours, après lesquels 30 grammes par jour. On formule cette prescription comme suit :
Sulfure d'antimoine 300 gramme?.
Divisez en dix portions égales.
[Lorsque la toux est fréquente et râlante, et que des mucosités épaisses sont rejetées de temps en temps par les naseaux, on passe au fanon un séton animé avec la pommade stibiée, et là se borne le traitement. Il est peu dispendieux, c'est le plus énergique de tous ceux que l'on peut employer en pareille circonstance, d'une application beaucoup plus facile que les sinapismes, et il est d'une action plus sûre et plus prompte, même quand on se proposerait de scarifier les engorgements qui peuvent résulter de leur application.]
ARTICLE VII
BRONCHITE VERMINEUSE.
Cette maladie est fréquente sur les jeunes animaux de l'espèce bovine, chez lesquels elle revêt parfois le caractère enzootique, et même épizootique.
Elle est déterminée par la présence d'un ver nématoïde, le Strongle micrure (Strongylus micrw-us), qui habite les bronches.
Symptômes, Diagnostic. —Au début, la présence des Strongles dans les bronches est signalée par une toux sonore, quinteuse, qui détermine l'expulsion, par la bouche et les narines, de muco-
sités spumeuses, dans lesquelles on peut découvrir par un examen attentif, à l'œil nu ou bien avec un instrument grossissant, l'existence de petits filaments blanchâtres pelotonnés, semblables à des brins de charpie ou à des cheveux blancs et qui ne sont autre chose que les Strongles micrures. En délayant ces mucosités dans de l'eau tiède, on constate parfois que les Helminthes exécutent des mouvements vermiculaires. Ils présentent d'ailleurs les caractères suivants :
Corps filiforme. Tète arrondie non ailée. Limbe de la bouche pourvue de trois papilles petites. Longueur du mâle 50 millimètres. Bourse entière avec cinq rayons fendus profondément. Longueur de la femelle, 80 millimètres, plus ou moins. Extrémité caudale pointue. Vulve située en avant du milieu du corps. Vivipare. (DAVAINE.)
Lorsque ces vers se trouvent en grand nombre dans les bronches, ils déterminent des quintes de toux extrêmement violentes, de véritables accès de suffocation : les animaux malades allongent la tête sur l'encolure, ouvrent la bouche pour respirer. Parfois même ils tombent, et se débattent en râlant comme dans l'asphyxie. Et l'on conçoit aisément que la maladie doit se terminer de la sorte lorsque l'animal ne parvient pas à se débarrasser, par les efforts de toux, des paquets de Strongles, qui obstruent les bronches et empêchent l'arrivée de l'air dans le poumon. Toutefois cette fâcheuse terminaison peut être prévenue, soit par la vente de l'animal pour la boucherie, soit par un traitement spécial lorsque la maladie a été reconnue avant d'avoir parcouru toutes ses phases, car ordinairement cette affection progresse lentement. Les veaux qui en sont affectés maigrissent peu à peu, leur corps se couvre de poux; les quintes de toux deviennent plus fréquentes et plus prolongées et ils finissent par succomber. Il ne faudrait pas croire cependant que cette terminaison soit constante et inévitable, car, lorsque les animaux ont une constitution robuste et qu'ils sont placés dans de bonnes conditions hygiéniques, ils parviennent à expulser les Strongles vers la fin de la première année et ils reprennent toutes les apparences de la santé. On constate assez souvent chez les jeunes bêtes abattues pour la boucherie des lésions pulmonaires qui indiquent cette terminaison.
Lésions. — Le séjour des Helminthes dans le poumon laisse dans cet organe des traces faciles à constater. Ainsi on aperçoit à la surface du poumon, de petites nodosités tuberculiformes, de la grosseur d'un grain de chènevis à celle d'une noisette, et qui soulèvent quelque peu la plèvre pulmonaire. Les plus petites tumeurs sont nettement arrondies, grisâtres et d'aspect vitreux ; les plus volumineuses, qui sont formées par le fusionnement des précé-
dentes, forment des espèces de plaques jaunâtres, opaques, à bords légèrement festonnés.
Ces tumeurs sont irrégulièrement disséminées à la surface du poumon ; elles paraissent pourtant moins nombreuses à la partie antérieure de cet organe que dans la région opposée. Elles sont isolées et rares, ou bien nombreuses et confluentes, suivant le degré de la maladie. Dans le second cas, elles forment des espèces d'îlots jaunâtres, entourés d'une zone rouge foncé indiquant une vive inflammation du poumon par suite de la confluence des nodules primitifs et de leur agrandissement incessant et progressif.
Ces nodules renferment, du moins quand ils sont de formation récente, c'est-à-dire lorsqu'ils sont grisâtres et translucides, des œufs, des embryons de Strongles, qui sont logés dans les alvéoles pulmonaires. Cette structure est mise en évidence par l'examen microscopique de coupes pratiquées dans ce nodule, après dur% cissement préalable dans des réactifs appropriés.
Les tumeurs jaunàtres sont souvent calcifiées, à leur périphérie, tandis que leur centre est formé par un tissu de consistance indurée, entremêlé parfois de grains calcaires et dans lequel on ne trouve plus ni œufs ni embryons.
Dans les bronches, on trouve des mucosités qui peuvent contenir des Strongles entièrement développés et reconnaissables à l'œil nu, des embryons et même des œufs, au moins dans les petites bronches. En examinant, au microscope et à un faible grossissement, le mucus qui tapisse ces dernières, on y voit des embryons animés de mouvements divers.
Parfois, on peut rencontrer des centaines de Strongles entrelacés " -et formant ainsi des espèces de pelotes qui obstruent les bronches, et donnent lieu à cette dyspnée que nous avons signalée ci-dessus.
Étiologie. — La formation de ces lésions s'explique très bien par le mode de reproduction de ces Helminthes, mis en évidence par les recherches de M. G. Colin. Tantôt la femelle pond dans les bronches, « ses petits s'y développent ou sont entraînés » ; tantôt « elle s'enferme dans un diverticulum celluleux, puis meurt ,et se transforme en une véritable gaine à œufs, destinée à fournir insensiblement et à longue échéance le contingent que le ver vivant eût pu, dans un autre lieu, donner tout d'un coup. Les deux habitats de ces Helminthes coïncident donc, chacun, avec une période de leur vie et avec certaines circonstances de leur reproduction.
» Dans le kyste, ils éclosent successivement avec une certaine lenteur, demeurent petits, agames et vivent entassés au milieu des
débris de leur mère. » Ils forment ainsi ces nodosités tuberculiformes signalées ci-dessus, dans lesquelles ils demeurent enroulés, jusqu'au moment de la dispersion. Alors, « les petits Helminthes se dégagent de leurs membranules, ils poussent devant eux les premiers nés, et ceux-ci font peu à peu irruption dans les fines ramifications bronchiques où ils trouvent de l'espace, de l'air et d'abondantes mucosités. Dès lors, ils grandissent, deviennent visibles à l'œil nu, se groupent en faisceaux, en petites pelotes pour résister à l'impulsion du courant aérien. Insensiblement, ils s'éloignent de leur point de départ, progressent vers les grosses bronches, jusqu'à la trachée, pour s'aventurer parfois au voisinage du larynx. C'est alors qu'on en trouve des mèches, des pelotons serrés de plusieurs milliers d'individus pour l'ensemble d'un poumon. Les petites tumeurs qu'ils ont abandonnées s'affaissent, perdent leur compacité, redeviennent perméables ou s'incrustent à leur centre d'un dépôt verdâtre de matière crétacée.
» Le départ des colonies de Strongles vers les bronches parait une conséquence de l'éclosion continue et successive des œufs entassés par myriades dans le nid. Néanmoins il semble réglé et périodique. C'est surtout vers la fin de l'été qu'il devient très actif pour préparer les redoutables Bronchites vermineuses qu'on voit souvent sévir avec le caractère épizootique. Il se fait de telle sorte que les générations d'Helminthes ne se mêlent pas, si bien que si l'une vient à périr, elle ne peut être remplacée qu'après un laps de temps considérable.
» Dans les bronches, les Strongles se développent, deviennent sexués, adultes, s'accouplent et se préparent à l'émigration extérieure. »
La Bronchite vermineuse est bien manifestement contagieuse, comme cela résulte de nombreuses observations, et la contagion s'effectue par les mucosités, chargées de Strongles, que les animaux rejettent en toussant. Ces mucosités tombent sur l'herbe des prairies, sur les fourrages, les litières, dans les eaux où les animaux s'abreuvent.
Dans ce nouveau milieu, les Strongles femelles meurent; néanmoins les œufs que ces Helminthes renfermaient, éclosent et les petits vivent en attendant qu'ils puissent pénétrer dans l'économie.
« C'est dans les eaux douces que les Helminthes se développent le mieux et vivent le plus longtemps, lorsqu'ils quittent leur demeure naturelle. Les eaux constituent un milieu transitoire dans lequel le ver qui a abandonné un animal peut vivre en attendant le moment d'entrer dans un autre. Dans ce milieu, les Strongles éclosent, et vivent pendant des semaines et des mois
entiers, sans prendre d'accroissement notable, c'est-à-dire en conservant leurs proportions initiales, microscopiques. Ils jouissent de la faculté de résister à de brusques changements de température et à l'influence délétère de matières septiques, en attendant l'occasion de rentrer avec les aliments dans les voies aériennes d'un nouvel hôte où ils trouvent les conditions nécessaires pour qu'ils puissent reprendre les attributs de la sexualité et se reproduire. »
Ces faits concordent parfaitement avec ceux que M. C. Baillet a observés et qui l'ont conduit à admettre que c'est probablement par l'intermédiaire de l'herbe des pâturages humides ou de l'eau des boissons que ces embryons retournent dans les organismes des bêtes ovines ou bovines, et il cite une expérience qui parait démontrer ce mode de migration. Un agneau, auquel on avait fait prendre de l'eau tenant en suspension un grand nombre d'embryons éclos, tirés des utérus de plusieurs femelles de Strongles, fut sacrifié trente-deux jours après. M. Baillet constata, dans la. partie postérieure de ses poumons, de petiles tumeurs, à parois demi-vitreuses, ayant à peine 1 ou 2 millimètres de diamètre, et dans lesquelles existaient, pelotonnés sur eux-mêmes, des vers agames, effilés, très grêles et longs de 5, 10 à 12 millimètres.
Enfin, il est à remarquer que les épizooties de Bronchite vermineuse ont toujours été signalées vers la fin de l'été ou au commencement de l'automne. C'est du mois de juillet au mois d'octobre qu'elles apparaissent.
Traitement. — Il est préventif ou curatif.
10 Traitement préventif. — Il convient de séparer les animaux malades des animaux sains et de ne pas se servir, pour faire boire ces derniers, des seaux, baquets ou autres ustensiles qui servent aux premiers, sans les nettoyer à fond et très complètement. On aura le soin de ne pas donner aux animaux sains des fourrages qui auraient été souillés par les mucosités que les bêtes malades rejettent en toussant. Il faudra également avoir la précaution de ne pas laisser dans les mêmes herbages les bêtes malades et les bêles saines.
2° Traitement curatif. — Il consiste dans des fumigations faites avec des médicaments anthelminthiques susceptibles de se réduire en vapeurs et de pénétrer de la sorte, à chaque inspiration, jusque dans les bronches. Telles sont les fumigations d'éther, d'assa t'œtida, d'huile empyreumatique, d'essence de térébenthine et d'éther, de goudron et de tabac, auxquels il faudrait ajouter, suivant M. Lewis, des inhalations de chlore (1). Ces fumigations
(1) Recueil de méd. vétéi-inaire, 1861, p. 153.'
peuvent être pratiquées plusieurs fois par jour au grand air; mais il est préférable qu'elles soient faites dans un local clos, avec la précaution toutefois d'opérer le dégagement des vapeurs au moyen de cendres chaudes ou bien d'une pelle rougie au feu et non suides charbons qui pourraient déterminer l'asphyxie. Ce traitement externe peut être secondé par l'administration des mêmes substances à l'intérieur.
Ainsi la mixture suivante a été employée avec succès par plusieurs praticiens :
Assa foetida 30 grammes. Huile empyreumatique de Chabert ' * ' « « 60 Décoction mucilagineuse * ' 500 —
Une cuillerée par jour dans un verre de lait.
Un vétérinaire anglais, Read, a conseillé le moyen suivant : La tête du veau étant maintenue en position horizontale, il introduit, dans chaque narine, deux cuillerées à café de la mixture suivante :
Éther sulfurique *.* *.,.*., *.* * *.* * * * 64 grammes. Huile d'ambre rectifiée * * * ' * *." 2 —
On peut varier cette formule en remplaçant l'huile d'ambre par l'essence de térébenthine.
Il faut répéter cette administration trois ou quatre fois, le second et le troisième jour.
Cette mixture se réduit en vapeur par la chaleur des cavités nasales, et va agir sous cette forme dans les divisions profondes des conduits aériens.
Des animaux réduits à l'état de squelettes et étendus sans force sur le sol, par le fait de la présence de vers dans les voies respiratoires, ont été rendus à la santé par ce moyen.
Dans ces dernières années, on a préconisé les injections trachéales de liquides parasiticides, notamment l'essence de térébenthine, l'acide phénique. Voici un mélange qui a été employé avec succès par M. Eloire sur seize veaux atteints de bronchite vermineuse.
Huile d'oeillette 100 grammes. Essence de térébenthine 100 — Acide phénique ............................ 2 — Huile de cade .............................. 2 —
« Chaque veau a reçu 10 grammes par jour de ce mélange pendant trois jours. L'injection, qui doit être faite lentement, est
suivie d'un accès de toux et l'air expiré répand l'odeur de térébenthine. Le même traitement a réussi à Milan.
» De semblables essais, favorables aussi, ont été faits par Hutton sur huit veaux atteints de bronchite vermineuse arrivée, chez certains, à son dernier période. Il se servait d'un mélange d'essence de térébenthine, teinture d'opium, acide phénique pur et eau, l'essence de térébenthine formant à elle seule la moitié de la composition. Il injectait chaque fois 15 grammes de ce mélange et faisait trois injections à un, deux ou trois jours d'intervalle selon la gravité du cas (1). »
CHAPITRE III
MALADIES DU POUMON ET DES PLÈVRES
ARTICLE 1
APOPLEXIE PULMONAIRE.
Synonymie : Coup de sang, Asphyxie pulmonaire.
Définition. Fréquence. — [L'Apoplexie pulmonaire est une congestion avec épanchement rapide de sang dans la trame des poumons. Cette maladie n'a pas été décrite par les auteurs vétérinaires qui se sont occupés des maladies des bètes bovines; elle est cependant très fréquente, mais on l'avait confondue avec l'Apoplexie cérébrale, qui est beaucoup plus rare.]
Causes. — [Les bœufs des fortes races de travail sont doués d'un vaste appareil respiratoire, leur système sanguin est très puissant, et leur appareil digestif très développé; des quantités de fourrage relativement considérables sont contenues dans le rumen, et cet organe, dans son état de plénitude, refoule le diaphragme en avant et borne le jeu des poumons. Tant que l'animal est au repos ou qu'il est soumis à un exercice modéré, cette pression exercée par le rumen n'est pas assurément une cause de maladie, mais elle le devient du moment où la circulation s'accélère, quand l'animal fait des efforts de traction violents et continus. Si l'on veut.bien comprendre quel doit être l'effet de la pression que le rumen exerce sur le diaphragme, il n'y a qu'à
(1) G. Neumann, Traité des maladies parasitaires, p. 521.
observer l'état des bœufs couchés dans l'étable après un repas copieux : ils sont essoufflés au point qu'on pourrait supposer, à voir leur respiration courte et précipitée, qu'ils se trouvent dans un état morbide. De temps en temps, ils allongent les membres antérieurs ou les deux, ou bien ils se mettent complètement sur le côté en allongeant les quatre membres, afin d'avoir la facilité de faire des inspirations fortes et profondes. C'est toujours après avoir fait un fort repas, soit en hiver, soit en été, que les bœufs sont frappés d'Apoplexie pulmonaire, le plus souvent en travaillant et quelquefois en sortant d'une étable très chaude pour respirer un air très froid.
[L'action continue des causes prédisposantes finit par devenir une cause occasionnelle, aidée puissamment par une nourriture trop substantielle.
[Toutes les fois que j'ai été à même de constater un fait d'Apoplexie pulmonaire, il s'était déclaré chez un bœuf nourri habituellement avec des vesces, de la luzerne ou du sainfoin, quelquefois avec des épis de maïs vert, et l'Apoplexie avait eu lieu presque immédiatement après le repas et avant que l'animal eût eu le temps de ruminer.
[L'insolation est également une cause occasionnelle. Les bœufs employés au battage des grains travaillant en plein soleil, la tète basse, sont fréquemment pris de chaleur d'abord et bientôt frappés d'Apoplexie pulmonaire.
[En été, ces deux causes : une nourriture échauffante prise à satiété, puis l'insolation et la réverbération réunies, s'exercent manifestement : les animaux sont par un soleil ardent très incommodés et un air embrasé passe dans leurs poumons.
[L'action de ces deux causes a été si bien établie que partout où il y a possibilité de faire autrement, on n'attelle plus les bœufs aux rouleaux de battage et on évite de les tenir dans les champs au milieu du jour.]
Symptômes. — [Si l'Apoplexie n'est point foudroyante, et elle ne l'est pas toujours, l'animal est essoufflé, sa respiration est entrecoupée et sifflante quelquefois ; un peu de sang apparaît aux orifices de ses naseaux ; on voit et l'on entend des mouvements de déglutition accompagner presque chaque inspiration ; l'animal est chancelant, une sueur froide couvre son corps; les pulsations de l'artère sont lentes et à peine sensibles; puis il se laisse aller brusquement à terre, et s'il n'expire pas dans ce moment, il se tient sur le côté, étendant ses membres convulsivement ; alors des mucosités écumeuses coulent par la bouche. Tant que l'animal est debout, les contractions de certaines parties du thorax sont très apparentes, et la respiration est bruyante.
Chaque mouvement d'expiration est accompagné d'une espèce de plainte sourde et rauque. D'autres fois, la respiration est bouillonnante, ce qui a lieu lorsque des mucosités obstruent les bron- ches. Je n'ai pas besoin d'ajouter que sous l'imminence de l'Apoplexie pulmonaire, il n'existe plus de sensibilité à la peau, que la pression de la colonne dorsale n'en provoque pas le moindre signe et que la piqûre de l'aiguillon ne produit pas plus d'effet que sur un corps privé de vie. Par l'auscultation, on constate très bien, dans les bronches, le râle muqueux. S'il y a quelquefois hémoptysie, elle est peu abondante. Ce n'est guère qu'après la mort que l'on aperçoit chez quelques animaux un peu de sang autour des naseaux.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [Dans la moitié des cas, au moins, la mort a lieu subitement; dans l'autre moitié, la durée n'est pas longue. Lorsque le traitement convenable est appliqué dès l'apparition des premiers symptômes, il se manifeste d'abord un temps d'arrêt, lequel est suivi d'une amélioration sensible, après une heure ou deux, puis la résolution s'opère assez rapidement; au bout de deux jours, elle est complète. Chez les animaux de l'espèce bovine, l'Apoplexie pulmonaire n'a que deux terminaisons : la mort ou la résolution.
[Aussitôt que l'engouement du poumon a cessé, la respiration se fait dans toute l'ampleur de la poitrine, pourvu que déjà une portion de l'organe n'ait pas été envahie par des masses tuberculeuses; mais il est très rare que, dans ces sortes de cas, la guérison ait lieu. Quelquefois cependant la congestion se fait avec moins de rapidité : l'ànimal reste campé sur ses membres, essoufflé, presque insensible, ne ruminant pas et refusant de boire et de manger.]
Lésions. — [On trouve dans tous les cas d'Apoplexie pulmonaire foudroyante une grande étendue du poumon congestionnée. Cet organe est très volumineux, rouge, lourd, et si on l'incise, on en fait jaillir, en le pressant, du sang d'un rouge noir, et d'une consistance que l'on dirait produite par un commencement de cuisson. Une ligne apparente limite les portions dans lesquelles la congestion s'est faite, et celles qu'elle a respectées sont devenues emphysémateuses, comme l'on peut s'en apercevoir en les divisant avec l'instrument tranchant. — Lorsque les poumons étaient tuberculeux, les portions atteintes se reconnaissent très distinctement au milieu de la masse congestionnée. Chez quelques sujets, il y a du sang épanché dans les plèvres, probablement par les déchirures qui se font remarquer au parenchyme pulmonaire.]
Diagnostic. Pronostic. — [La perte de la sensibilité, les trem-
blements, la respiration entrecoupée et les autres symptômes précédemment énumérés, ainsi que les circonstances qui ont précédé cet état morbide, indiquent suffisamment une congestion pulmonaire. Quant au pronostic, il peut varier. Si d'abord et avant la chute de l'animal, on a employé, sans le moindre retard, les moyens indiqués pour enrayer la congestion, le pronoslic n'est pas toujours fâcheux, avec cette réserve néanmoins que déjà la phthisie tuberculeuse n'ait point désorganisé en partie le poumon. Dans des conditions normales, il est possible de sauver presque une moitié des bœufs ou vaches frappés d'Apoplexie pulmonaire.] Traitement. — [Quand l'Apoplexie a une marche qui n'est pas foudroyante, le premier moyen à employer, si la maladie se déclare sous l'action d'une température très élevée, d'un travail fatigant, c'est de faire, sur le corps de l'animal, des ablutions d'eau froide subites et abondantes, principalement vers la région du thorax, en avant sur le poitrail et sur les côtes; j'insiste sur l'emploi de ce moyen, la sueur même dont l'animal est couvert ne devant pas le contre-indiquer.
[Lorsque le temps d'arrêt se manifeste, après les ablutions d'eau froide, on ouvre l'artère coccygienne et on laisse couler le sang jusqu'à ce que la respiration commence à se faire assez régulièrement, que l'animal devienne sensible à la piqûre de l'aiguillon, et qu'il semble abaisser la colonne dorsale sous une pression modérée. Mais, à moins d'être copieuse, cette première saignée ne suffit pas ordinairement ; il faut la réitérer en la modérant une ou deux heures après la première.
[On administre des lavements rendus excitants par une dissolution de savon, et si l'animal ne refuse point les boissons, on lui en donne à discrétion, en les acidulant au moyen du vinaigre.
[Les boissons émétisées conviennent aussi particulièrement ; elles se composent en ajoutant 1 gramme d'émétique à 2 ou 3 litres de tisane d'orge, de seigle ou de carottes; et, pour que cette boisson soit prise avec facilité, on y mêle du son ou de la farine, ou du tourteau en poudre. Si l'animal ne se défend pas et qu'il refuse de boire, on lui donne des breuvages ; mais il faut avoir soin de les faire couler lentement dans la bouche.
[En même temps, on applique de larges sinapismes au fanon et sur les côtes en arrière de l'épaule, sans les faire remonter très haut. J'ai déjà dit qu'il est inutile ou dangereux de sacrifier les engorgements provoqués par les sinapismes.
[On remet les animaux guéris de l'Apoplexie pulmonaire à leur régime ordinaire progressivement ; mais il importe de les soustraire autant que possible à l'action des causes qui ont donné lieu à la maladie une première fois, si l'on ne veut pas que la
congestion se renouvelle avec une telle gravité qu'on ne puisse en obtenir la résolution.
[L'indication des causes prédisposantes ou occasionnelles de cette maladie doit suffire pour faire comprendre qu'il y a aussi un traitement préservatif dont on retirerait un grand avantage si les propriétaires ou les conducteurs de bêtes bovines consentaient à le mettre en pratique. Il consiste à tenir les animaux dans des étables assez bien disposées pour qu'ils y soient à l'aise, pour que l'air y soit constamment respirable et sans danger pour la santé ; à leur donner un régime alimentaire varié; il faut surtout se bien pénétrer de cette idée que les bœufs employés à de pénibles travaux ne doivent jamais être attelés aussitôt qu'ils ont mangé à satiété et avant d'avoir ruminé au moins pendant une demi-heure. S'ils ont beaucoup mangé et qu'ils partent immédiatement au travail, la forte pression exercée par le rumen sur les autres organes de l'abdomen et sur le diaphragme met obstacle à la respiration aussi bien qu'à une bonne digestion.
[Lorsque je dis qu'il y a du danger à laisser prendre au bœuf un repas très copieux au moment où l'on va exiger de cet animal de violents efforts longtemps continués, je ne veux pas dire qu'il puisse être envoyé aux champs avec l'estomac, c'est-à-dire le rumen, à peu près vide; ce serait une exagération tout aussi nui- sible que celle que je viens de blâmer. Les ruminants ont de vastes réservoirs alimentaires; la vacuité de ces réservoirs serait aussi contraire à un état de santé que la plénitude excessive. C'est une nécessité pour ces herbivores d'avoir toujours dans le rumen une certaine quantité d'aliments ; la respiration, la digeslion, l'assimilation même se font mal lorsque le rumen reste pendant quelque temps à peu près vide. On le voit bien chez les bœufs nourris exclusivement de substances qui passent directement dans la caillette. Ceux de ces animaux auxquels on ne donne que du grain ou des farineux finissent par dépérir.
[Il y a des fourrages qui, par leurs qualités, prédisposent plus particulièrement les bœufs à l'Apoplexie pulmonaire, quand on les fait entrer pour une part considérable dans la ration et quand cette ration est forte: ce sont, en première ligne, les vesces, si on les a récoltées quand la graine était formée ; le blé dans le même état; la luzerne provenant d'un terrain compact; le maïsfourrage vert, lorsque la tige porte plusieurs épis presque mûrs, etc.
[On doit, comme moyen préservatif de l'Apoplexie pulmonaire, ne donner ces fourrages qu'en mélange avec d'autres fourrages moins nutritifs et en ration moyenne.
[La course, les mouvements violents, les sauts, la lutte entre
animaux étant également des causes prédisposantes et occasionnelles de cette maladie, il faut recommander aux bouviers d'empêcher que les bœufs se livrent à ces mouvements quand ils sont bien nourris et qu'ils viennent de prendre leur repas. On voit des bœufs tomber foudroyés par une Apoplexie pulmonaire, après avoir fait une bonne course de quelques minutes en venant de prendre un repas composé de vesces, d'autres fois après une lutte dans les prairies.]
ARTICLE II
PNEUMONIE AIGUË.
Synonymie : Pneumonite, Péripneumonie, Fluxion de poitrine.
Définition. Fréquence. — [La Pneumonie est l inflammation du parenchyme pulmonaire. Elle est très fréquente chez les animaux de l'espèce bovine : elle est aiguë ou chronique, primitive ou secondaire ; elle n'affecte qu'un lobe ou les deux à la fois, et souvent elle n'occupe qu'une portion de l'étendue de l'un de ces organes.]
Causes. — [La grande quantité de sang, qui chez les animaux de l'espèce bovine, pénètre dans le poumon, sans cesse exposé par la nature de ses fonctions à l'influence de l'air et de ses variations si fréquentes dans certaines régions, tient cet organe, si vasculaire, constamment placé dans les conditions qui Je prédisposent aux inflammations.. Les animaux nourris avec des substances alimentaires très échauffantes, très nutritives, sont prédisposés a la Pneumonie beaucoup plus que ceux qui sont nourris avec des substances peu alibiles.
[Les étables très chaudes, basses et mal aérées tiennent également les animaux dans cette prédisposition, comme tous les travaux qui exigent des efforts violents souvent renouvelés, qui accélèrent la respiration outre mesure. Les bœufs dont le thorax est aplati sont plus sujets à contracter la Pneumonie que ceux dont le thorax est bien développé ; il en est de même de ceux qui déjà sont infectés de tuberculose : ils seront plus facilement atteints de l'inflammation pulmonaire que les bœufs dont le poumon est parfaitement sain.
[La plus fréquente des causes occasionnelles est le refroidissement subit de la peau, ou la transition subite du chaud au froid après un exercice violent qui a mis l'animal en sueur. Que le refroidissement ait lieu par l'effet de cette cause ou par suite d'une
pluie qui arrive brusquement, ou d'une immersion ou de l'action continue d'un brouillard, le résultat est le même; la perspiration cutanée s'arrêle et le poumon se trouve au même instant dans un état d'engouement qui détermine l'inflammation du parenchyme. Le refroidissement occasionné par une boisson très froide ingérée brusquement agit de la même manière, ainsi que l'abaissement subit de la température, quand les animaux sont forcés de rester en repos pendant qu'ils sont en état de transpiration plus ou moins prononcée. Cette dernière cause se produit fréquemment dans les régions à température très variable.
[La Pneumonie se déclare en été chez les bœufs qui, après avoir travaillé pendant une journée très chaude, sont laissés à la prairie dans la soirée ou dans la nuit, même quand on aurait eu la précaution de leur mettre des couvertures, parce que c'est autant l'air humide et froid qu'ils respirent que l'action de cet agent sur la peau qui peut donner lieu à la Pneumonie. C'est un fait très important à faire remarquer aux propriétaires ou aux conducteurs de bestiaux. L'herbe couverte de serein agit de la même manière que les boissons froides, si elle est touffue et si les animaux peuvent en prendre de fortes bouchées. Il n'en est pas de même si elle est rare et courte, parce que la faible quantité que le bœuf en saisit avec la langue et les incisives se trouve réchauffée et humectée par la salive avant de passer dans le rumen.
[Lorsqu'à la fin de l'automne les bœufs de travail sont mis dans les prairies après l'attelée, l'herbe subitement refroidie par une légère averse ou par une giboulée peut aussi donner lieu à un refroidissement dont la Pneumonie est la conséquence.]
S'il est vrai que la Pneumonie peut se manifester après un refroidissement, il est également rationnel de penser que cette cause n'agit que secondairement en favorisant le développement du microbe de la Pneumonie. On sait en effet que chez l'homme, on a trouvé dans les lésions de la Pneumonie a frigore, un pneumocoque qui est la cause essentielle de la maladie comme de nombreuses recherches expérimentales l'ont démontré. Bien que ce microbe n'ail pas encore été signalé chez les bêtes bovines atteintes de Pneumonie a frigore, il est tout à fait conforme aux données actuelles de la science d'amettre que cette maladie est de nature microbienne. Par suite, deux conditions sont nécessaires pour que cette affection se développe : 1° la présence d'un microbe; 2° l'action du refroidissement.
[Les chutes sur le thorax, les chocs ou les coups de tête ou de corne, les blessures, les plaies pénétrantes, les fraclures des côtes, peuvent donner lieu à la Pneumonie.
[Cette maladie se déclare aussi par continuité ou sympathique-
ment dans les cas d'angine laryngée, de bronchite, et en même temps que le rhumatisme, que la gastro-entérite ou d'autres affections, qui elles aussi, ont pu avoir pour cause occasionnelle la suppression de la transpiration.
[Je n'ai point observé que des fourrages auxquels se trouvent mêlées des plantes âcres aient occasionné la Pneumonie, ainsi que l'affirme Hurtrel d'Arboval. Je considère comme pouvant produire cette maladie de violents accès de toux provoqués d'une manière ou d'une autre. L'inspiration de vapeurs très intenses d'ammoniaque, de chlore, etc., la produit également.]
Symptômes. — [La Pneumonie ne se manifeste pas aussitôt que l'action de la cause se fait ressentir; elle n'est au début qu'une congestion, susceptible, dans quelques cas, de déterminer une apoplexie pulmonaire, et ses premiers symptômes sont des frissons qui mettent tout le corps en mouvement, ou seulement des frissons partiels très apparents aux cuisses, aux avant-bras et sur les parois du thorax. Les naseaux sont dilatés, les conjonctives injectées et la pituitaire plus rouge que dans l'état normal ; la respiration est irrégulière ; les flancs sont agités. L'animal refuse les aliments; il ne rumine point; son pouls est fort, plein; la sensibilité de la colonne dorso-lombaire est augmenlée; la peau est sèche, le poil hérissé. Une toux, qui se produit avec des efforts assez marqués, se fait entendre souvent, et il suffit de presser légèrement la trachée pour la provoquer immédiatement. Par l'auscultation et la percussion, on constate ce qui suit : au début de la Pneumonie, à cette période que l'on pourrait appeler d'engouement, et si la congestion a envahi les deux poumons, le murmure respiratoire est peu sensible, malgré la fréquence de la respiration. Si elle s'est bornée à un seul poumon, le murmure est plus fort dans celui qui reste sain. Si le poumon n'est que partiellement congestionné, le bruit respiratoire devient plus fort dans la partie que la congestion n'a pas envahie ; il y a résonance plus prononcée vis-à-vis des points qui sont sains et légèrematité. vis-à-vis de ceux qui sont atteints.
[Si l'engouement n'est pas combattu par les moyens propres à amener la résolution, les symptômes prennent plus d'intensité. L'animal reste campé sur ses membres dans un état d'immobilité presque complète ; sa respiration est plus pénible, les ailes du nez sont rétractées, il tient la tête un peu allongée dans la position qui semble devoir faciliter l'entrée de l'air dans la poitrine ; des frissons généraux se produisent, souvent accompagnés de sueurs partielles aux flancs et à la face interne des cuisses ; la peau est alternativement chaude ou froide, les poils se hérissent et la peau est adhérente et sèche ; la sensibilité de la colonne
dorso-lombaire diminue progressivement ; l'animal ne se couche plus. A cette période de la Pneumonie, chaque expiration est accompagnée d'une plainte. Quelquefois, des matières de couleur et de consistance sanieuses se font remarquer à l'orifice des naseaux, et la toux se confond avec la respiration plaintive dont j'ai parlé.
[Dans cet état de la Pneumonie, les conjonctives sont injectées ; mais les vaisseaux apparents sont pluLôt n-oirs que rouges. Le bœuf trempe assez souvent le mufle dans les boissons qu'on lui présente ; mais il n'en avale chaque fois qu'un petit nombre de gorgées. Les urines sont rares ; les cornes à leur base, les oreilles et les extrémités sont froides ; le pouls est accéléré et mou, intermittent. Par l'auscultation, on constate du râle crépitant humide et du souffle tubaire dans les points enflammés, et la percussion y indique de la matité ; tandis que dans les parties du poumon qui sont encore perméables à l'air, le murmure respiratoire est exagéré et la résonance plus prononcée que dans l'état normal. Lorsque la Pneumonie intéressé les parties antérieures du poumon, cachées par l'épaule, on conçoit que l'auscultation èt la percussion ne peuvent plus fournir de donnée précise pour le diagnostic.]
Marche. Ourée. Terminaison. — [La marche de la Pneumonie est rapide dans bien des cas. Chez les sujets délibités avant son invasion, les symptômes sont moins saillants, parce que la vitalité s'est amoindrie ; mais aussi la réaction est presque nulle. Chez les sujets bien constitués et en bon état de santé, lorsque la Pneumonie s'est déclarée, sa marche est rapide ; si elle est abandonnée à elle-même, les animaux succombent du sixième au huitième jour, quelquefois en moins de temps.
[La durée moyenne de la Pneumonie, traitée convenablement dès son début, ne dépasse pas quatre jours si la constitution de l'animal n'est pas appauvrie.
[Sa terminaison ordinaire, sous l'action d'un traitement efficace, est la résolution; mais elle peut. aussi se terminer par l'hépatisation, la suppuration, la gangrène, ou passer à l'état chronique.
[La résolution s'annonce par le retour de l'appétit et de la rumination. La peau devient onctueuse, de sèche qu'elle était ; le mufle se couvre de rosée; la pandiculation commence à se faire, imparfaitement à la vérité; le pouls est plus souple, ses battements sont irréguliers ; la respiration est moins accélérée ; l'inspiration plus large, plus profonde; les flancs sont moins agités et l'air expiré-est moins chaud; le regard de l'animal n'est plus atone et fixe ; la température de la peau est douce et la colonne dorso-lombaire d'une sensibilité presque normale. On entend
moins le râle crépitant, et la poitrine recouvre peu à peu sa ré-. sonance ordinaire. La toux n'est plus quinteuse ; elle se fait entendre rarement.
[Dans les cas d'hépatisation, appelée aussi induration, le parenchyme pulmonaire n'est plus perméable à l'air. L'imperméabilité du tissu pulmonaire explique la malité aux endroits où l'allération s'est produite, et l'absence du bruit respiratoire. Ces deux phénomènes ne se manifestent pas sur une partie déterminée de l'organe pulmonaire; ils se remarquent tantôt sur un seul point du poumon, tantôt sur plusieurs points à la fois. Un râle crépitant humide se fait entendre autour de ces points quand ils sont enflammés ; le bruit respiratoire est plus fort sur les portions qui n'ont pas encore été le siège de l'inflammation.
[La respiration est irrégulière et entrecoupée, l'artère tendue, le pouls petit et serré, la toux sèche et quelquefois humide, la peau sèche; l'animal ne se couche plus, ou s'il se couche pour un instant, c'est sur le côté malade.
[La suppuration du poumon se présente sous deux formes bien distinctes : tantôt le pus est disséminé au milieu du parenchyme pulmonaire, dans de très petits foyers; tantôt il y forme de vastes collections ou des abcès. Ces deux formes sont assez rares ; mais la seconde l'est beaucoup plus que la première. Celle-ci est indiquée par le râle crépitant; il y a râle muqueux quand l'extrémité des bronches participe à l'inflammation et que ces canaux contiennent du pus, ce qui arrive ordinairement.
[Dans le cas de gangrène, celle-ci peut être générale ou partielle, et l'inflammation a une marche très rapide lorsqu'elle doit avoir cette terminaison. L'artère est flasque, le pouls petit et vite; les muqueuses sont pâles, la température de la peau baisse, l'air expiré exhale une odeur de gangrène bien caractérisée, et quelquefois on voit autour des naseaux une matière grisâtre ou roussâtre très fétide; on enLend des gargouillements dans les bronches ; il y a râle caverneux, circonscrit, si la gangrène est partielle, non circonscrit ou existant sur plusieurs points et accompagné de râle muqueux, si elle est générale. L'adynamie est très marquée, la langue est aride et de couleur brune.
[Voici une description de la terminaison de la Pneumonie par la gangrène, telle que je l'ai publiée après avoir observé cette maladie :
[« Quand l'inflammation tend à se terminer par la gangrène, la gêne de la respiration persiste, sans que les mouvements du flanc semblent s'accélérer; il existe un jetage d'un jaune grisâtre et d'une odeur très fétide; l'air expiré est imprégné de la même odeur; la prostration des forces est extrême; la peau est froide,
surtout aux extrémités ; le pouls est à peine sensible, mou, accéléré ; une diarrhée fétide a lieu parfois, ou bien il n'y a point de déjection de matières fécales; le poil, hérissé et terne, tombe de lui-même ou peut être arraché facilement sur certaines parties du corps, notamment aux extrémités, et l'animal succombe sans se livrer à des mouvements convulsifs. »]
Lésions. — [Hépatisation. —Dans les cas d'hépatisation, le poumon acquiert ordinairement un grand volume; son tissu est très compact ; il ne crépite plus quand on le presse, et il ne surnage point lorsqu'on le plonge dans l'eau. Si on l'incise, la surface divisée ne présente pas une couleur rouge uniforme ; elle est nuancée irrégulièrement de rose, de brun et de blanchâtre, et parfois de violet. Çà et là se remarquent les orifices des bronches coupées et quelques fortes branches artérielles ou veineuses. Quand, au lieu d'inciser le poumon, on le déchire, on aperçoit les petits points saillants, arrondis, blanchâtres.
[Cet aspect granuleux du poumon, sa compacité et sa teinte générale rougeàt.re, l'ont fait comparer au foie. De là est venu le terme hépatisation.
[Suppuration. — Dans les cas de suppuration, la plèvre a toujours participé à l'inflammation du parenchyme, et l'on rencontre dans les plèvres de la sérosité ordinairement limpide et quelquefois sanguinolente. Les poumons sont très volumineux et marbrés à leur surface; si on les incise, ils laissent échapper un liquide qui n'est pas, dans tous les cas, du pus bien formé, et n'est souvent qu'un pus séro-sanguinolent très fétide : il s'est formé dans des foyers assez vastes ou dans de petits foyers disséminés sur tous les points du parenchyme. J'ai trouvé une fois du pus dans les plèvres; il provenait d'un abcès qui s'était ouvert sur ce point.
[:Terminaison gangréneuse. — En faisant l'autopsie d'une vache dont la Pneumonie s'était terminée par la gangrène, Delafond trouva le poumon gros et dur, de couleur rougeâtre ; le tissu cellulaire sous-séreux était infiltré de sérosité rougeâtre comme le poumon; la substance parenchymateuse se déchirait avec facilité : elle élait grisâtre et laissait écouler un liquide roussâtre, spumeux, ayant l'odeur de la gangrène; au cenlre de la partie moyenne du lobe, existait une large cavité non circonscrite, divisée elle-même par d'autres cavités communiquant les unes avec les autres. Ces cavités renfermaient un putrilage fétide d'un gris noir, au milieu duquel se rencontraient des lambeaux blanchâtres résultant de la gangrène du parenchyme. Au milieu de cette sanie, on apercevait des rameaux bronchiques et des divisions vasculaires ; les premiers avaient leurs canaux détruits par la gangrène :
ils contenaient de la sanie pulride, et leur muqueuse était légèrement bleuâtre.
[Les lésions pathologiques que j'ai constatées à l'ouverture de bœufs morts de Pneumonie dont la terminaison avait été la gangrène, se rapportent à peu près à celles qui ont été décrites par Delafond.]
Diagnostic. Pronostic. — [Les symptômes que j'ai énumérés caractérisent bien la Pneumonie aiguë. Les maladies qui la compliquent ordinairement, et avec lesquelles on pourrait la confondre dans quelques circonstances après un examen superficiel, s'en distinguent cependant en plusieurs points bien déterminés. Ces maladies sont la bronchite et la pleurésie.
[Dans la bronchite, l'inspiration est petite, douloureuse, difficile ; la poitrine a conservé sa résonance habituelle, quand on la percute, et le bruit respiratoire se fait entendre dans toutes les parties du poumon; plus tard, on entend en arrière de l'épaule le râle muqueux, d'abord à pelites, puis à grosses bulles.
[Dans la pleurésie, l'air expiré par l'animal n'est pas plus chaud que de coutume; l'invasion de la maladie s'annonce par des coliques plus ou moins prononcées... Depuis longtemps j'ai constaté qu'il y avait un tel rapport entre les membranes séreuses de l'abdomen et du thorax que j'ai presque toujours vu les pleurésies débuter par des symptômes très prononcés de douleurs abdominales, chez les bêtes bovines comme chez les solipèdes; ce symptôme ne se manifeste jamais lors de l'invasion d'une Pneumonie non compliquée de pleurésie.
[Dans la pleurésie, l'inspiration est courte, inégale et entrecoupée ; on remarque très bien que la dilatation du thorax fait éprouver à l'animal de vives douleurs, et que l'expiration se fait, au contraire, avec facilité. Ces symptômes sont très caractéristiques, et, parleur précision, ils facilitent singulièrement le diagnostic de la Pneumonie aiguë. D'ailleurs les indications obtenues par l'auscultation et par la percussion peuvent être d'un grand secours.
[Le pronostic de la Pneumonie aiguë n'est pas ordinairement fàcheux, si elle a pu être combattue peu de temps après son invasion. Il n'en est pas de même si l'inflammation a été abandonnée à elle-même et si la saignée a été employée tardivement; c'est que les révulsifs, de quelque nature qu'ils soient, n'ont pas une efficacité constante quand la phlegmasie s'est modifiée dans le sens de l'une et de l'autre des terminaisons fâcheuses que j'ai indiquées. Dans ce cas seulement, le pronostic doit être porté avec une grande réserve ; car la rémission des symptômes est trop souvent le commencement d'une aggravation.]
Traitement. — [La saignée est le moyen réellement efficace dans le traitement des inflammations aiguës franches et bien caractérisées du parenchyme pulmonaire : ses effets sont pour ainsi dire instantanés. Je recommande de faire des saignées fortes, et pourtant en rapport avec l'état de l'animal. Chez un bœuf de taille ordinaire, la première saignée sera de 3 kilos au moins ; et, suivant la gravité des symptômes, on peut sans aucune crainte pousser cette émission sanguine jusqu'à 5 kilos. Si l'on fait une première saignée moins forte, il faut en faire une seconde et quel quefois une troisième dans les vingt-quatre heures. Depuis surtout que les prairies artificielles ont pris beaucoup d'extension, les saignées faites coup sur coup donnent d'excellents résultats. Un nombre considérable de fois, j'ai obtenu dans les douze premières heures, à compter du début, la résolution immédiate de la Pneumonie caractérisée par les symptômes les plus alarmants.
[Mais je précise bien mon indication : les saignées abondantes faites coup sur coup auraient un résultat funeste si l'on opérait sur un animal habituellement mal nourri, dont la constilution serait minée par une affection tuberculeuse ou dont le sang serait appauvri par un régime débilitant. Il faut, dans de semblables circonstances, être beaucoup plus réservée étudier attentivement les effets d'une première saignée moyenne, et agir suivant les indications fournies par l'état des symptômes.
[En prescrivant la saignée comme un moyen héroïque, il est nécessaire de dire quel effet plus ou moins prompt et favorable elle doit produire suivant le vaisseau sur lequel elle a été pratiquée. Quand on ouvre la jugulaire sans difficulté, c'est par ce vaisseau qu'il est préférable d'obtenir l'émission sanguine, surtout si l'ouverture donne un gros jet. A peine ce jet a-t-il coulé pendant moins d'une minute, que la respiration commence à se faire avec plus de facilité. Sans doute une émission aussi restreinte n'amènerait pas la résolution, mais on voit qu'elle permet à l'animal de respirer plus librement.
[Si, dans le traitement de la Pneumonie aiguë, on ne peut pas ouvrir la jugulaire, on ouvre l'artère coccygienne; le premier effet est presque aussi prompt que celui de la saignée à la jugulaire, mais la quantité de sang à faire couler ne doit pas être aussi considérable; elle peut être moindre d'un tiers. A défaut de la jugulaire ou de l'artère coccygienne, c'est la sous-cutanée abdominale que l'on ouvre.
[Pendant tou te la durée du traitement, les animaux doivent être tenus en un repos complet, dans un lieu où l'air soit pur sans être agité. La température doit être de 18 à 20° au plus. Ils doivent être recouverts d'une couverture de laine, complètement
privés d'aliments solides et mis à même de prendre des boissons tempérantes en grande quantité.
[Si l'on reconnaît que la résolution ne s'opère pas avec facilité, et que l'état de l'animal et la mollesse de son pouls ne permettent pas de pratiquer de nouvelles saignées, on passe dans le tissu cellulaire du fanon un séton d'une longueur de 20 à 25 centimètres, dont le ruban est enduit de pommade stibiée; il y a bien des trochisques d'une autre nature employés par les praticiens, mais je n'en connais pas qui produisent un effet aussi prompt que celui que je viens d'indiquer. Les vésicatoires proprement dits ont une action très lente sur la peau du bœuf et pourraient faire perdre un temps précieux, surtout quand on n'a pas constamment les animaux sous les yeux. Il en est de même des sinapismes, sur lesquels il est imprudent de compter si l'on ne peut visiter les animaux tous les jours.
[Comme médication interne, il y a lieu de recommander les boissons émétisées, que l'on obtient en faisant dissoudre 2 ou 3 grammes d'émétique dans 8 ou 10 litres d'eau blanchie par le son ou la farine d'orge ; ces boissons favorisent singulièrement la résolution sans jamais être nuisibles.
[Je n'accorde pas une grande confiance aux remèdes dits expectorants, la réglisse, l'aunée, le lierre terrestre, le camphre et même l'opium, que l'on administre à titre de calmants. Leurs propriétés sont loin d'être justifiées par l'expérience.
[Je compterais un peu mieux sur un purgatif administré vers la fin de la maladie. Je dois le répéter, si la saignée a été faite à propos, elle doit suffire, avec l'aide des boissons tempérantes et dérivatives, pour amener la guérison.
[Le kermès minéral est employé avec avantage lorsque l'inflammation a commencé à céder au traitement antiphlogistique, à la condition toutefois que les organes digestifs ne soient pas dans un état d'irritation ou d'inflammation. On administre ce médicament à la dose de 30, 35 ou 40 grammes, en opiat : on peut en faire prendre deux doses par jour; si chacune n'est que de 30 grammes, il produit de bons effets. On ne doit pas l'administrer pendant plus de deux jours : il finirait par irriter l'intestin et par donner lieu à des purgations.
[Le sulfure d'antimoine le remplace; son action est moins puissante à la vérité, mais on peut en continuer l'emploi pendant plusieurs jours sans avoir à redouter le moindre inconvénient. D'ailleurs, le sulfure d'antimoine coûte moins cher et il n'est pas ordinairement falsifié, tandis que le kermès minéral est très souvent mélangé à des substances inertes.
[Les personnes qui pansent le bétail à la campagne ont une
grande confiance dans les effets des fumigations, et cette confiance leur vient de ce que les animaux étant souvent malades par suite d'arrêts de transpiration, elles avaient constaté qu'au moyen de fumigations aromatiques ou excitantes, on parvenait quelquefois, en provoquant une abondante transpiration, à prévenir l'invasion de maladies qui auraient pu être très graves : cette pratique est bonne, mais il ne faut pas en abuser. Un animal est pris de frissons violents après avoir subi une averse ou un coup de vent, etc. ; on le réchauffe en le recouvrant de plusieurs couvertures de laine et en faisant passer sous les couvertures la fuméelde plantes aromatiques, d'ail, de son, etc. ; bientôt, en effet, les frissons n'ont plus lieu et l'animal est en transpiration. Mais cette pratique, excellente en soi, peut devenir un danger si l'inflammation pulmonaire a acquis une grande intensité : c'est que, dans cette circonstance, la surexcitation de la peau et le surcroît de gêne occasionné dans la respiration aggravent considérablement la phlegmasie. Souvent, j'ai dû attribuer à des fumigations tardivement faites une recrudescence très fâcheuse des symptômes d'une Pneumonie que les premières saignées avaient calmée.
[Je ne pense pas non plus qu'il soit utile de faire des fumigations de vapeurs adoucissantes sous le nez des bœufs atteints de Pneumonie, en leur couvrant la tête. Ces fumigations fatiguent les animaux si la colonne de fumée est concentrée. Je préfère, si l'air des stables est très sec et sa température trop élevée, que les vapeurs d'eau chauffée se mêlent à toute la masse d'air con tenue,dans l'étable.
[Résumé du traitement. — 1° Aération régulière de l'étable; température modérée de l'air, dans lequel on fait pénétrer des vapeurs d'eau s'il est trop sec.
[2° Repos absolu de l'animal et privation d'aliments solides. [3° Saignées faites coup sur coup, c'est-à-dire dans l'espace de vingt-quatre à trente-six heures, chaque saignée devant produire, suivant l'état de l'animal, une émission de 3 à 5 kilos.
[4° Boissons tempérantes d'abord, émétisées le troisième jour. [5° Trochisque avec la pommade stibiée, si après les saignées la résolution ne s'opère point nettement; sinapismes ou vésicatoires, s'il est possible de surveiller leur action.
[6° Quand l'application d'un trochisque, de sinapismes ou de vésicatoires est jugée nécessaire, administration de kermès minéral en opiat, d'après la formule suivante :
Opiat au kermès.
Kermès minéral 30 grammes. Réglisse en poudre .......................... 64 —
Miel ........................................ Suffisante quantité.
[On peut administrer cet opiat deux fois par jour, pendant deux jours, puis suspendre son emploi pour y revenir, s'il y a lieu, à deux.jours d'intervalle.
[Le kermès minéral excite la transpiration cutanée, il facilite l'expectoration des mucosités retenues dans les bronches et détermine une abondante sécrétion d'urine; tous les auteurs qui en ont parlé lui reconnaissent cette propriété à un très haut degré.
[Le sulfure d'antimoine sera, en général, préféré, parce qu'i1 paraît avoir les mêmes propriétés et que son usage peut être continué pendant plusieurs jours sans que l'on ait à redouter les accidents que produirait le kermès, et aussi parce qu'il coûte beaucoup moins cher. Quand je le prescris dans la Pneumonie à son déclin ou pendant l'état chronique, je lui associe le soufresublimé dans les proportions de la formule suivante :
Poudre diaphorélique.
Soufre sublimé 150 grammes. Sulfure d'antimoine ........................ 200 —
Mêlez et faites dix paquets ; donnez deux paquets par jour, l'un le matin et l'autre le soir, mélangés au son, à la farine, etc.
[Après cette quantité, on peut en donner une pareille sans interruption.]
ARTICLE III
PNEUMONITE CHRONIQUE.
Synonymie : Catarrhe de poitrine.
Définition. Fréquence. — [La Pneumonite chronique est un mode d'inflammation pulmonaire qui diffère de la pneumonie aiguë en ce que les symptômes qui la caractérisent ont une intensité moindre, que sa marche est plus lente et sa durée plus longue.
[Elle est fréquente chez l'espèce bovine ; elle est quelquefois une terminaison de la Pneumonie aiguë ; mais d'autres fois, elle est essentielle.]
Causes. — [La conformation défectueuse de la poitrine, conséquence de l'hérédité ou d'un régime alimentaire insuffisant imposé aux animaux dès leur jeune âge, est une des causes prédisposantes de la Pneumonite chronique.
[A cette cause, on peut ajouter : les arrêts de la transpiration,
résultant des intempéries que les bestiaux ont à supporter; les écarts de régime, etc. ; quelquefois aussi les contusions déterminées sur les parois du thorax, dans la lutte au pacage, et aussi parla brutalité des gardiens.]
Symptômes.— [Si la Pneumonie aiguë passe à l'état chronique, l'artère est moins tendue, le pouls est faible, la respiration moins oppressée, quoiqu'elle soit pourtant irrégulière ; l'animal peut rester couché pendant plus de temps ; il rumine quelquefois, mais lentement; sa toux est grasse et n'est pas aussi souvent quinteuse ; il prend quelques aliments; et ce qui caractérise la nouvelle modification morbide, c'est la persistance de ces symptômes, mais avec une intensité amoindrie.
[Les symptômes de la Pneumonite chronique essentielle sont les suivants : ordinairement maigreur de l'animal, toux sèche, faible et fréquente; peau sèche, collée aux os; mufle sec, yeux couverts en partie, oreilles abattues, flancs agités ; diminution de l'appétit, rumination rare et, quand elle a lieu, lente. La fatigue -ou seulement la marche ordinaire rend la bête haletante ; elle ehancelle si on la force à prendre une allure un peu vive, ne reste pas longtemps couchée si les deux lobes sont malades; le contraire a lieu si l'inflammation n'existe que sur un seul de ces organes. Cette remarque importe beaucoup pour établir le diagnostic et le pronostic. Très souvent il y a un peu de météorisme, qui se manifeste avec un caractère d'alternance.
[Tant que l'inflammation n'a pas envahi les cleux poumons, la -digestion de la petite quantité d'aliments ingérés se fait sans autre trouble que le météorisme dont je viens de parler, et les excréments, qui sont un peu plus mous que dans l'état de santé, n'ont pas cependant la consistance diarrhéique.
[La sécrétion du lait diminue beaucoup chez les vaches atteintes •de la Pneumonite chronique, et elle finit par ne plus avoir lieu.
[Quand on presse avec force la colonne dorsale, on est assuré presque toujours de provoquer la toux accompagnée d'une expiration plaintive, et cela se remarque aussi lors de chaque expiration, quand la maladie a fait beaucoup de progrès.
[Il est rare de voir le jetage de matières purulentes par les naseaux ; s'il a lieu quelquefois, c'est plus souvent par la bouche à la suite de la toux.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [La marche de cette maladie est lente comparativement à celle de la Pneumonie aiguë ; mais «lie n'est réellement très lente que lorsqu'elle s'est déclarée d'emblée, c'est-à-dire sans passer par l'état aigu. Si des animaux arrivés à l'âge de trois ou quatre ans, nés et élevés dans les conditions d'un mauvais régime, passent dans un milieu plus favo-
rable, la Pneumonite chronique, contractée avant ce changement, si elle n'a pas encore amené des lésions d'une grande étendue peut avoir une durée assez longue. On voit des bœufs et des vaches chez lesquels la Pneumonite a une durée de deux à trois ans avant de se terminer par la mort. Beaucoup d'autres dans les mêmes conditions, ont pu être engraissés à l'âge de cinq à six ans.
[La durée de la Pneumonite chronique succédant à une Pneumonie aiguë est plus courte. Toutes ces circonstances sont à noter pour la formation du diagnostic et du pronostic, qui est ici d'une importance beaucoup plus grande que s'il s'agissait d'animaux ne pouvant pas être utilisés pour la boucherie. Si un bœuf doit succomber inévitablement un peu plus tôt ou un peu plus tard, et que l'on puisse cependant espérer de le remettre en état d'ètre livré au moins à la basse boucherie, on conseille son engraissement s'ilIest jugé possible, et s'il ne l'est pas, on avise pour le mieux, plutôt que de laisser la maladie arriver au terme fatal.]
jLésions. — [A l'autopsie, on trouve assez souvent des adhérences entre les portions de la plèvre et les côtes, et entre le sternum, le péricarde et les poumons. Ces adhérences ont lieu ordinairement au moyen de fausses membranes, qui sont le résultat d'exsudations inflammatoires; il n'est pas rare de rencontrer dans le thorax de la sérosité en plus ou moins grande quantité.
[Le parenchyme pulmonaire est hépatisé sur plusieurs points, qui présentent une [coloration grise ou rougeâtre; d'autres fois, il y a dans le p-arenchyme des cavités de capacité variable, contenant du pus à différents états.]
Le tissu pulmonaire enflammé chroniquement présente une consistance comme cartilagineuse et crie sous le scalpel qui l'incise.
[S'il se produit des abcès dans le cas de Pneumonite chronique, on les trouve, dans Ir. parenchyme pulmonaire, plus ou moins nombreux et d'étendue variable. En général, ils sont vastes et profonds lorsqu'ils sont peu nombreux. Il y en a qui contiennent encore du pus blanc ou jaunâtre, et ordinairement fétide. Quelquefois ce pus a été évacué; mais le foyer qui le contenait est reconnaissable, quoique les parois de l'abcès soient resserrées, et l'on y découvre des traces de fausses membranes. Quand ces abcès sont multipliés, la matière purulente ne présente pas dans tous le mème degré de formation; les plus avancés sont circonscrits par un tissu de consistance fibreuse.]
Diagnostic. Pronostic. — [Il n'y a pas à s 'arrêter longtemps sur le diagnostic et le pronostic : l'appréciation des symptômes
est chose facile, même sans le secours de l'auscultation. L'état de la respiration, le caractère invariable de la toux, persistante, quinteuse et faible; la diminution de l'appétit, le météorisme plus ou moins apparent au flanc gauche, la difficulté pour l'animal de rester couché sur l'un ou l'autre côté, ou l'obligation dans laquelle il se trouve de se coucher exclusivement sur un seul, l'amaigrissement qui se produit plus ou moins rapidement, suffisent pour établir le diagnostic.
.[Quant au pronostic, il est fâcheux parce qu'il est douteux que la résolution puisse être complète.]
Traitement. — [Le traitement ne peut avoir qu'un seul but, qui est d'obtenir une rémission dans les symptômes, le ralentissement de la marche de la maladie, le maintien des fonctions dans un état qui permette des digestions régulières, sinon complètes de tout point, du moins suffisantes pour que l'assimilation ait lieu dans des conditions ordinaires. Il faut, pour que l'engraissement complet résulte assez promptement du régime auquel on soumet l'animal, qu'un seul poumon soit affecté, afin que l'hématose se fasse bien sur un point et que l'animal puisse rester couché pour faire de bonnes digestions, ce qui est de rigueur dans cette circonstance. Jamais on ne doit conseiller l'engraissement ou seulement le rétablissement d'un bœuf atteint d'une affection chronique quelconque des voies respiratoires ou d'autres systèmes, s'il ne peut rester couché que pendant peu de temps.
[On doit ordonner : un régime alimentaire composé de substances de digestion facile; des médicaments propres à calmer la douleur que l'animal peut ressentir dans les poumons, et à tonifier les organes digestifs sans les irriter jamais.
[Dans le début de ce traitement, on doit appliquer un trochisque, afin d'obtenir, par son action révulsive, une diminution d'intensité des phénomènes morbides qui s'exercent sur les poumons; mais le trochisque ne doit pas être permanent. Après sept ou huit jours, il faut qu'il soit enlevé: son action trop prolongée deviendrait un obstacle au rétablissement de l'animal, non par la suppuration qu'il produirait, puisqu'on ne l'obtient jamais abondante chez le bœuf, mais par la douleur continue qu'il entretiendrait et qui troublerait les fonctions assimilatrices, surtout chez un animal aussi irritable.
[Les médicaments sont pris dans la catégorie des béchiques incisifs: ainsi, le kermès, le sulfure d'antimoine, alliés au miel ou aux tisanes mucilagineuses.
[Le régime alimentaire se compose de foin de prairies naturelles, de racines cuites, de farines de céréales ou de légumineuses, ou de graine de lin.
[Je donne la préférence au foin des prairies naturelles sur les fourrages provenant des prairies artificielles, parce que ceux-ci sont, à ration égale en poids, beaucoup plus nutritifs que le foin, et que, dans cette circonstance, il importe particulièrement _de ne point appeler sur l'organe pulmonaire un afflux trop considérable.
[Si l'on fait entrer dans la ration des bestiaux de l'espèce bovine, soumis à un régime alimentaire spécial, en vue d'un engraissement pour cause de Pneumonite chronique, des racines, telles que navets, betteraves, carottes, pommes de terre ou topinambours, etc., etc., on doit toujours avoir la précaution de les faire cuire et de les mélanger ensuite avec des farines d'orge et de seigle. Les farines de maïs, de fèves, de vesces ou de froment, peuvent entrer dans cette ration, mais pour un quart ou un tiers tout au plus. Les faits constatés par la pratique prouvent en effet que les animaux ne se trouvent pas bien d'un régime « échauffant », c'est-à-dire trop nutritif relativement; que les racines que l'on fait cuire, afin de les rendre de digestion facile, sont plus avantageuses que les grains ou les graines réduites en farine, toujours pour le même motif.
Opiat béchiqup.
Kermès minéral ............................ 30 grammes.
Miel ....................................... 100 —
[Si l'on veut donner à cet opiat la consistance du bol, on y :ajoute un peu de farine d'orge ou de graine de lin, ce qui vaut autant que les poudres inertes de réglisse ou de racine de guimauve, et coûte moins cher. On ne donne, dans le cas présent, le kermès qu'à la dose de 30 grammes, afin de modérer son action sur l'intestin et de pouvoir l'administrer pendant plus longtemps. Ainsi, l'on en fait prendre 300 grammes pour dix jours, puis on administre, pendant un intervalle d'autant de jours, de la farine de lin, à raison de 300 grammes le matin et 300 grammes le soir. mélangée à la ration ordinaire de farineux.
[En ajoutant à cette ration 60 à 65 grammes de sulfure d'antimoine également divisés en deux doses, on obtient le mème résultat qu'avec le kermès minéral.]
ARTICLE IV
PLEURITE.
Synonymie : Pleurésie.
Définition. Fréquence. — [La Pleurésie ou Pleurite est l'inflammation aiguë ou chronique de la plèvre. On la désigne sous le nom de Pleurite quand elle est bornée à la plèvre seulement; mais si l'inflammation a son siège en même temps sur la plèvre et sur l'organe pulmonaire, la maladie qu'elle caractérise porte le nom de P leur o pneumonie ou de Péripneumonie.]
Causes. — [Un tempérament lymphatique, attribut du jeune âge, est une des causes prédisposantes les mieux caractérisées de la Pleurite. Le séjour des animaux dans des étables où le sol ■est constamment humide et l'atmosphère viciée, les pâturages bas et la débilitation, conséquence d'une maladie de longue durée, sont des causes de même nature.
[La principale cause déterminante résulte des arrêts de transpiration subits, ou peu intenses et souvent renouvelés, comme lorsque les variations atmosphériques sont fréquentes et que les animaux sont dans les pacages, où ils restent dans l'immobilité, après avoir été soumis à un exercice qui a surexcité les organes pulmonaires et activé les fonctions de la peau. On peut remarquer tous les jours que le temps de repos, ne serait-il que de quelques minutes, accordé aux animaux pendant qu'ils sont aux champs, est une cause fréquente de Pleurésie ; mais il en est une autre non moins active qui se produit en automne, en hiver et au printemps, et voici dans quelles conditions :
[On sait que la température normale ne devrait pas s'élever, dans les étables, au-dessus de 18° à 20°, et cependant elle dépasse le plus souvent 25 et même 28 ou 30 degrés. C'est un fait presque constant pendant la nuit, alors que les ouvertures, s'il en existe dans l'étable en outre de la porte, restent fermées hermétiquement. Or, les animaux placés dans cette atmosphère lourde, viciée par des émanations de toute sorte et échauffée à un haut degré, sont sans cesse haletants. En les pansant dans ce même lieu, le matin, on surexcite encore chez eux, par l'étrille, les fonctions de la peau, puis, sans aucune transition, on les retire de l'étable pour les mener à l'abreuvoir, en leur faisant traverser une autre atmosphère, dont la température est au-dessous de 15 à 20 degrés. C'est dans ce moment que les génisses, les taureaux, les veaux et
les vieilles vaches sont pris d'arrêts de transpiration qui donnent lieu à la Pleurésie.
[On voit également cette affection se produire à la suite de coups violents portés à plat sur les parois latérales du thorax. D'autres fois, elle a été occasionnée par l'immersion des animaux dans une eau stagnante très froide; l'eau courante leur est moins nuisible sous ce rapport. On dit que la Pleurésie se manifeste quelquefois chez des animaux qui se sont abreuvés avec de l'eau très froide, surtout quand il a fallu, au préalable, rompre la glace; mais cette cause ne doit pas avoir une action bien marquée, car il répugne beaucoup aux animaux de l'espèce bovine de s'abreuver d'eau glacée; ils la prennent en petite quantité, en la filtrant pour ainsi dire dans la bouche, et même il en est beaucoup qui, pendant l'hiver, se passent de boisson plusieurs jours de suite, plutôt que de boire de l'eau trop froide. Au reste, alors même qu'ils s'en abreuveraient, il n'en serait nullement incommodés ; il suffit, pour s'en convaincre, de voir comment le bœuf introduit l'eau froide dans sa bouche : il la prend en très petite quantité, l'y laisse séjourner, remue les mâchoires, agite la langue et les lèvres; par ces divers mouvements, l'eau se réchauffe au contact de la membrane muqueuse et des nombreuses papilles qui la tapissent ; elle arrive ainsi réchauffée dans l'estomac du bœuf, et il n'est point possible qu'elle puisse alors, comme cela se voit chez le cheval, donner lieu à la Pleurésie.
[Les coups d'aiguillon portés violemment dans les intervalles intercostaux peuvent aussi faire naître la Pleurésie, concomitante alors d'une phlegmasie musculaire très intense. Les fractures des côtes sont aussi parfois des causes de Pleurésie. Celte affection n'est pas toujours simple et isolée; elle se déclare sympathiquement dans bien des circonstances : dans les cas de métro-péritonite, de péritonite, etc., tant il est vrai qu'il existe entre les membranes séreuses des cavités thoracique, abdominale et pelvienne, un tel rapport sympathique, que l'une ou l'autre de ces membranes n'est presque jamais affectée d'une inflammation un peu vive sans que les autres y participent à un degré plus ou moins marqué.]
Symptômes. — [Que l'invasion de la maladie soit subite ou lente, le symptôme qui la caractérise est un frisson, qui se manifeste aux parois thoraciques, pour se continuer aux flancs, au grasset, à la face interne des cuisses, et plus rarement vers l'encolure. L'animal porte la tête un peu au-dessous de sa position ordinaire; il a le regard fixe, les yeux à demi clos, les membres rassemblés sous le centre de gravité, la peau froide et sèche; la moiteur de cet organe n'existe plus, le poil est quelque peu
redressé, et la pression exercée sur la colonne dorsale accuse une sensibilité considérable.
[On n'observe chez l'animal aucun signe d'appétit ; il ne rumine pas, son pouls est petit et vite ; la pression des parois thoraciques provoque des signes de douleur très sensibles.
[L'animal se couche souvent, et il se relève en regardant son flanc; il témoigne de douleurs intestinales qui, sans être très violentes en réalité, sont néanmoins très apparentes; puis la respiration paraît embarrassée, les mouvements d'inspiration et d'expiration sont incomplets; on voit que le thorax ne se dilate pas dans toute son ampleur, qu'il revient, pour ainsi dire, lentement sur lui-même.
[Bientôt la température du corps s'élève, les conjonctives sont injectées, la respiration est courte, brusque, entrecoupée; les naseaux sont très dilatés. La toux, quand elle se produit, ce qui n'arrive pas dans tous les cas, est petite, courte et comme avortée ; en auscultant la poitrine, on distingue un murmure respiratoire faible, avec un léger frottement, vers la partie antérieure ordinairement. La percussion semble donner lieu à une douleur très vive, et cependant la résonance du thorax n'est pas sensiblement modifiée.
[Ces symptômes sont ceux qui se manifestent particulièrement dès l'invasion de la Pleurésie et qui caractérisent sa période d'état; mais je ne crois pas qu'il soit possible d'assigner à cette période un temps fixe : sa durée tient à tant de causes, qu'on ne peut indiquer d'une manière certaine que les signes d'aggravation.
[Si la résolution ne s'opère point, l'exhalation séreuse s'accroît et reste dans les sacs pleuraux.
[Tant que l'épanchement est peu considérable, il est difficile de constater son existence; mais s'il augmente, on le reconnaît à l'absence complète du bruit respiratoire, à la matité de la région inférieure de la poitrine.
[Alors on remarque aussi chez le sujet un léger ballonnement du flanc gauche, qui disparaît après quelques éructations pour se montrer bientôt après. Dès ce moment, l'animal malade ne se couche presque pas, ou bien itse relève après quelques instants, ei jamais on ne le voit exécuter le mouvement de pandiculation; il a le mufle sec; son pouls est filiforme, irrégulier; et il conserve longtemps la position qu'il a prise sur ses membres, poussant de temps en temps quelques plaintes qui se nuancent d'une toux avortée ; il ne paraît d'ailleurs très souffrant que lorsqu'on le force à se mouvoir. Dans ce cas, sa respiration s'accélère, et des frissons presque convulsifs se remarquent aux muscles de la cuisse.
[L'épanchement et la formation de fausses membranes sont des
terminaisons de la Pleurésie; mais la gangrène en est une autre, rare cependant, et qu'on remarque plus particulièrement sur les animaux que l'inflammation a saisis alors qu'ils étaient très vigoureux et très sanguins. Dans ces cas, les symptômes n'ont pas une marche lente et graduée; ils se manifestent subitement et s'aggravent avec rapidité.
[Si, au contrairé, la résorption du liquide épanché s'opère, soit par suite d'une réaction purement vitale, soit par les effets du traitement, la matité diminue peu à peu, mais d'une manière continue; le bruit respiratoire devient progressivement plus sensible à la région inférieure de la poitrine ; l'inspiration se fait comme dans l'état normal, et l'animal peut se coucher, conserver même cette position et se mouvoir librement. La sensibilité de la colonne dorsale se réveille, la peau redevient onctueuse, l'appétit reparaît, et la rumination, quoique lente et courte d'abord, revient bientôt à son rythme habituel.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [La marche de cette maladie est len te toutes les fois qu'elle se déclare sur un jeune ou sur un vieux sujet; elle est rapide si l'animal est fort et vigoureux, et si son tempérament n'a pas été détérioré par un régime débilitant. La durée de la Pleurésie ne peut être rigoureusement déterminée, car elle varie suivant une foule de circonstances qui peuvent bien souvent être ignorées du propriétaire de l'animal aussi bien que du vétérinaire. Un bœuf qui se trouve dans une étable avec plusieurs autres que l'on ne fait sortir que pour les mener à l'abreuvoir, peut être atteint d'une Pleurésie plusieurs jours avant que son état soit constaté; il en est de même chez les animaux qui travaillent, si l'invasion de la maladie ne se fait pas brusquement et si les symptômes n'en sont pas d'abord très accusés.
[La terminaison de la Pleurésie est la résolution ou le passage à l'état chronique avec hydrothorax, quelquefois la gangrène. La résolution a lieu assez fréquemment, si le traitement rationnel a été appliqué en temps opportun : la terminaison par l'hydrothorax est moins fréquente. Elle s'accuse par les symptômes suivants : amaigrissement, œdème sous-sternal prononcé; pâleur des muqueuses; urines rares; respiration plaintive et courte; matité de la partie inférieure de la poitrine et absence de murmure respiratoire.]
Lésions. — [Toutes les fois que la plèvre s'enflamme, il se produit des exsudations, des fausses membranes, des collections de liquide, et, dans le plus grand nombre des cas, diverses lésions que l'on remarque dans l'un ou l'autre des sacs pleuraux et quelquefois dans les deux. J'ajoute que la plèvre contracte avec le poumon et avec les parois costales des adhérences tellement intimes
qu'elles subsistent même après le retour des animaux à la santé.] Diagnostic. Pronostic. — [Les frissons, les coliques, la froideur de la peau, la petitesse du pouls et l'irrégularité des mouvements de la respiration, caractérisent bien la Pleurésie chez les bêtes bovines. Le pronostic n'est pas toujours fâcheux; on peut en général compter sur la guérison des animaux dont la constitution n'est point complètement détériorée, et chez lesquels la maladie n'a pas une date très ancienne ; constaterait-on l'existence d'un épanchement qu'il ne faudrait pas désespérer de la guérison. Le pronostic n'est très fâcheux que dans le cas de pleurésie chronique ou d'hydrothorax de date ancienne.]
Traitement. — [J'ai cru, pendant un certain temps, que toutes les inflammations aiguës devaient être combattues en principe par la saignée; mais une longue pratique a modifié mes opinions sur ce point. Si les inflammations des membranes séreuses peuvent être traitées par des saignées, celles-ci ne doivent pas être trèscopieuses, 2 ou 3 kilos au plus.
[C'est dans l'emploi des applications vésicantes que doit surtout consister le traitement.
[On applique au fanon et sur les faces latérales de la poitrine de larges sinapismes, si la maladie est à son début; si elle est plus avancée, l'effet des sinapismes ne suffirait pas pour déterminer la résorption du liquide épanché : c'est au vésicatoire qu'on doit recourir, à la pommade stibiée, aux trochisques, etc.
[A l'intérieur, on administre des breuvages nitrés, ou, si les voies digestives ne sont pas irritées, un ou deux purgatifs drastiques, à deux jours d'intervalle. Tant que le traitement est borné à l'application des sinapismes, on tâche de produire une révulsion encore plus étendue en faisant des frictions avec du vinaigre très chaud ou même fouillant aux extrémités, sur la colonne dorsolombaire; ou bien des frictions répétées d'essence de térébenthine sur de larges surfaces rapprochées du thorax et de l'abdomen : elles sont d'une efficacité incontestable quand les frissons se font remarquer. Ces moyens ne suffisent pas, si l'épanchement est considérable; alors on s'en tient aux vésicatoires, au séton et aux boissons nitrées. Au reste, on peut toujours bien augurer de l'issue de la maladie si le séton produit, dans les vingt-quatre ou trente heures, un engorgement très considérable.
[Si le vétérinaire était appelé au début, dès l'apparition des frissons précurseurs de la Pleurésie, il pourrait employer avec succès des breuvages cordiaux, secondés par des frictions vives et continuelles sur la peau, ou par des fumigations excitantes. Ce traitement provoque une réaction salutaire, rétablit la transpiration et fait avorter l'inflammation. Mais, si l'on doit approuver des
fumigations excitantes dans cette circonstance bien déterminée, il n'en est pas de même dans le traitement de la Pleurésie confirmée, parce qu'alors elles ne peuvent être d'aucune efficacité.
[S'il y a indication d'employer des sinapismes, il faut avoir le soin de couper le poil aussi ras que possible. Pour obtenir un effet prompt et efficace, il importe d'avoir à sa disposition de la poudre de moutarde bien pure; et comme la graine ne saurait être falsifiée et qu'on en trouve presque partout dans les habitations rurales, on peut la pulvériser soi-même dans un moulin à café ou à poivre, ou à défaut, dans un mortier; puis on mélange cette poudre avec de l'eau tiède, dans la proportion de deux parties de poudre de moutarde et une partie d'eau.
[Les sinapismes agissent avec assez d'activité sur les animaux de l'espèce bovine, mais il faut les préparer avec de l'eau tiède et non avec du vinaigre, et les laisser en place pendant douze, quinze, vingt, et même vingt-quatre heures, en ayant le soin de les arroser de temps à autre avec de l'eau à peine tiède.
[Quand on administre des boissons ou des breuvages nitrés pour provoquer la résorption du liquide épanché, 'on peut en continuer l'usage pendant plusieurs jours et y faire entrer le nitrate de potasse dans les proportions suivantes :
Breuvage nitré.
Nitrate de potasse 30 grammes. Eau blanchie ............................... 4 litres.
[On peut faire prendre ce breuvage trois fois par jour et pendant cinq ou six jours, pour recommencer, s'il y a lieu, après deux ou trois jours d'interruption. Au moyen du séton animé avec le tartre stibié et des breuvages nitrés, on voit.disparaître très souvent des épanchements pleurétiques en peu de temps.
[Lorsque les épanchements sont anciens et qu'il existe en même temps des fausses membranes, ce que l'on peut toujours, dans ce cas, supposer, même sans le secours de l'auscultation, on emploie alternativement les diurétiques et les purgatifs. Ces derniers sont quelquefois peu actifs chez les grands ruminants; il est cependant très possible d'obtenir des purgations abondantes en administrant l'aloès en bol, à la dose de 80 à 90 grammes; on prépare le bol avec du miel et de la farine.
[Cependant, je préfère le jalap, administré en breuvage aussi, à la dose de 80 à 90 grammes, dans une décoction de graine de lin de 2 à 3 litres; il donne lieu également à une purgation si on a la précaution de faire avaler le breuvage par petites gorgées. On fait prendre aussi le jalap en bol, préparé comme pour l'aloès.]
LIVRE SEPTIÈME
MALADIES DE L'APPAREIL CIRCULATOIRE ET DU SYSTÈME LYMPHATIQUE
CHAPITRE 1
MALADIES DU CŒUR ET DE SES ENVELOPPES.
[Je me bornerai à parler de la Cardite et de la Péricardite, que j'ai observées chez des veaux, des vaches et chez quelques bœufs.]
ARTICLE 1
CARDITE. — PÉRICARDITE.
Causes. — [Chez les veaux et chez les vaches maigres et vieilles, les causes de la Cardite et de la Péricardite, sont ordinairement des coups de tête portés avec violence sur les parois du thorax par d'autres animaux. Chez un bœuf que j'ai observé, la Cardite, qui avait eu pour conséquence une hypertrophie du cœur, était due probablement à la même cause. Elle est occasionnée plus souvent par la présence de corps étrangers qui, du rumen, sont parvenus à s'introduire dans le thorax, en traversant les parois du rumen, le diaphragme, et qui finissent par s'implanter dans le cœur ou dans les oreillettes; tels sont : des bouts de fil de fer, des aiguilles à coudre, d'autres corps acérés, même des clous auxquels manque la tête. J'en ai vu plusieurs exemples, et ces corps étrangers produisent quelquefois les lésions les plus graves.]
Symptômes. Pesions cadavériques. — [La Péricardite et la Cardite, chez les animaux de l'espèce bovine, s'annoncent par des
symptômes qui ne sont pas toujours parfaitement saisissables.
[L'animal éprouve une anxiété très apparente, il tend le mufle en avant, sa respiration est accélérée, et si le sujet est un veau, - il ne tète pas avec facilité; à chaque instant, après avoir avalé une gorgée de lait, il abandonne le trayon pour respirer, puis il le reprend. S'il s'agit d'un taureau ou d'une vache, on constate que le pouls est petit, mou et vite : la bête se couche et se relève fréquemment sans jamais s'étirer ; elle a un peu de diarrhée ; et tous ces symptômes resteraient obscurs, si l'on ne sentait et si l'on ne voyait en même temps des battements de cœur tumultueux, et fréquemment des infiltrations œdémateuses, d'abord au fanon, puis sous l'abdomen et aux membres.
[Quand, en s'aidant de ces symptômes, on a diagnostiqué, soit une Péricardite, soit une inflammation aiguë ou chronique du cœur, il est inutile de s'enquérir des moyens de guérison : il ne reste qu'à faire le sacrifice des animaux.
[On trouve à l'autopsie : ordinairement de la sérosité dans le sac des plèvres, le péricarde distendu et contenant aussi de la sérosité de couleur citrine en plus ou moins grande quantité, des fausses membranes, et, le plus souvent, le cœur hypertrophié ; le poumon est rempli de sang noir.
[L'observation que je vais rapporter a été faite sur un bœuf de travail de race gasconne. Lorsque je le vis pour la première fois, il était très bien portant, il mangeait sa ration avec appétit, travaillait aussi bien que son compagnon, avait le poil luisant, la peau onctueuse ; seulement on remarquait que sa respiration était accélérée et entrecoupée, comme celle du cheval atteint de la pousse. Tout cela n'aurait guère préoccupé le propriétaire si cet animal n'avait pris constamment dans l'étable une attitude singulière : quand il voulait se reposer, il laissaitallersurla litière son train postérieur, et au lieu de replier sous le thorax les membres antérieurs, il les étendait en avant, les écartait en s'appuyant avec force sur les pieds de telle sorte que le point d'appui du train antérieur se faisait un peu sur le sternum et bien davantage sur les pieds. Dans cette position, le bœuf ruminait : mais chaque expiration était accompagnée d'une sourde plainte. J'auscultais souvent cet animal, j'entendais des battements tumultueux, irréguliers., mais très faibles.
[Il resta longtemps dans cet état : il travaillait, et ses muscles ne se déformaient point. Cependant le propriétaire cédant à mes instances, se décida à le vendre au boucher, et voici ce que je constatai à l'autopsie : le péricarde était distendu, il contenait une certaine quantité de sérosité dans laquelle on distinguait des fausses membranes : le cœur avait acquis un volume triple de son
volume ordinaire; sa substance était blanchâtre et de consistance fibro-cartilagineuse. ]
ARTICLE II
PÉNÉTRATION DE CORPS ÉTRANGERS DANS LE COEUR.
Il arrive parfois que des bœufs ou des vaches avalent des épingles, des aiguilles ou des morceaux de fil de fer qui se trouvent éparpillés dans les fourrages ou sur la litière. Ces corps étrangers arrivent ainsi dans le rumen et dans le réseau principalement, d'où ils se dirigent quelquefois vers la région cardiaque en traversant le diaphragme.
C'est principalement chez les bêtes bovines entretenues à l'étable et auxquelles la nourriture est distribuée par des femmes que cet accident se remarque. Suivant Hamon, vétérinaire à Lamballe (Côtes-du-Nord), l'accident dont il s'agit serait fréquent en Bretagne, où les femmes chargées de soigner les vaches maintiendraient, paraît-il, leurs coiffes, mouchoirs de cou et tabliers, attachés tant bien que mal et sans soin aucun, avec un grand nombre d'épingles et d'aiguilles. On conçoit encore que l'habitude adoptée dans certains pays, de travailler à la couture dans l'étable afin de profiter de la chaleur des animaux, expose ceux-ci à l'accident dont il s'agit et qui est fréquemment mortel. Il suffit d'énumérer ces diverses circonstances pour indiquer comment on peut prévenir ce redoutable accident, qui procède d'une cause en apparence insignifiante.
Symptômes. — Ils ne deviennent apparents que plusieurs mois après que les ruminants ont ingéré, avec leurs aliments, les corps étrangers dont il s'agit. C'est ainsi qu'un vétérinaire italien, Rocco, rapporte avoir trouvé, au mois d'août 1849, à l'autopsie d'une vache, un couteau « perdu au printemps de la même année » et dont la lame avait pénétré « à une profondeur de 5 à 6 centimètres, dans la substance musculaire du cœur (1) ».
D'ailleurs, on sait que l'on trouve très fréquemment, à l'ouverture des bêtes de boucherie, soit des clous, soit des aiguilles ou des épingles dans le réseau. Parfois ces corps sont encore libres dans les cellules de cet organe; d'autres fois ils se sont implantés dans les parois de ces cellules. On conçoit aisément que ce n'est que quand ces corps étrangers, effilés et piquants, cheminent vers le cœur que des symptômes appréciables se manifestent. Et encore
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1864, p. 183.
ces symptômes ne deviennent-ils significatifs que lorsque les bêtes n'ont plus que peu de temps à vivre.
Ainsi, les premiers signes que l'on observe offrent une certaine analogie, tantôt avec ceux d'une indigestion ou d'une gastroentérite, tantôt avec ceux d'une pleuro-pneumonie. Ces signes se montrent parfois d'une manière intermittente; et ils ne présentent pas tout d'abord un caractère inquiétant, de telle sorte que le propriétaire, croyant à un malaise passager,. ne consulte pas le vétérinaire. Ce n'est que quand le corps étranger est parvenu au cœur, que sa présence se traduit à l'extérieur par des signes offrant une certaine gravité. L'animal est triste et abattu, il mange moins, maigrit, pousse des plaintes. La démarche est nonchalante, pénible, et la bête s'essouffle au moindre exercice.
Les battements du cœur sont d'abord forts et précipités; plus tard, ils deviennent très difficilement perceptibles. La respiration est accélérée, même au repos ; elle est des plus irrégulières et l'on constate dans l'expiration un soubresaut comme dans la pousse chez le cheval. La percussion dénote un peu de matité dans les parties inférieures de la poitrine, notamment du côtédroit. Par l'auscultation, on constate parfois du bruit de souffle dans la même région et une exagération du murmure respiratoire dans les parties supérieures de la cavité thoracique. Ces signes peuvent faire croire à l'existence d'une maladie de poitrine ordinaire, que le praticien peut chercher à combattre par les moyens habituels : saignée, révulsifs externes, émétique à l'intérieur, etc. Il peut même arriver que ce traitement produise une certaine amélioration dans l'état de l'animal. Mais ce soulagement n'est que momentané et bientôt la dyspnée devient plus manifeste, tout en étant accompagnée de nouveaux symptômes qui permettent alors d'établir le diagnostic avec certitude.
Ainsi, d'après M. Boizy, l'on constate par l'auscultation du cœur un bruit de clapotement, qui a lieu au moment de la systole ventriculaire et que M. Boizy a comparé à celui qui se produit pendant le battage du lait dans une baratte à piston. Ce bruit serait constant, et s'il est possible qu'on ne l'entende pas tout d'abord, il suffit de faire marcher l'animal pendant quelques instants pour le rendre perceptible. Son intensité et ses caractères, dit M. Boizy, reconnaissent probablement pour cause la consistance du liquide qui le détermine et la présence de gaz dans le péricarde (1).
Suivant M. Hamon, indépendamment de ce bruit de clapotement, on entendrait parfois un bruit métallique qu'il compare à celui que l'on produit « en frappant doucement un verre vide
(1) Recueil de méd. vétérinaire, 1858, p. 558.
avec le dos d'un couteau ». D'après M. Vernant, « on ne peut mieux comparer ce bruit qu'à celui qui serait produit dans le silence de la nuit, par des gouttes d'eau qui tomberaient régulièrement d'une certaine hauteur, sur une table en marbre ». Pour M. P. Roy, qui a observé fréquemment des vaches atteintes de blessures du cœur, on entendrait un bruit de glou-glou. C'est, dit-il, assez exactement le gloii-glou du liquide tombant en cadence du goulot de là bouteille dans un vase sonore (1).
Ce bruit anormal, dont le timbre peut être diversement apprécié, ne s'entend distinctement qu'à la dernière période de la maladie. Avant ce moment, « les bruits du cœur s'entendent moins : ils paraissent éloignés. Il semble que le timbre en soit amorti, et il l'est véritablement, à cause de l'épaississement du péricarde et des fausses membranes qui le remplissent. Souvent cet affaiblissement est tel, que l'oreille les entend à peine » (Roy).
A ce symptôme, qui présente une très grande importance pour établir le diagnostic, s'en ajoutent d'autres. Ainsi, on constate l'existence d'un œdème qui apparaît peu à peu dans la région du fanon. Parfois, cet œdème s'étend en avant, jusque dans la cavité de l'auge; d'autres fois il se localise vers la pointe du sternum où il peut acquérir la grosseur d'un pain de quatre livres (Boizy).
Selon M. Roy, l'œdème apparaît vers l'auge d'abord. « Il s'étend peu à peu le long du bord inférieur de l'encolure, remplit la gouttière des jugulaires, descend au fanon, sous la poitrine. Insensible, froid, gardant l'empreinte du doigt, il augmente de jour en jour et finit par atteindre, quoi que l'on fasse, des proportions considérables. »
L'œdème sous-glossien et sous-sternal dont il s'agit est accompagné ou même précédé par le pouls veineux, qui est toujours très apparent dans le cas de pénétration de corps étrangers dans le cœur. En pareille circonstance, les jugulaires sont saillantes et leurs battements très visibles. Par contre, le pouls, exploré à l'artère glosso-faciale, est petit et effacé.
Il est un symptôme que l'on trouve mentionné dans presque toutes les observations qui ont été publiées sur le sujet qui nous occupe, et sur lequel l'attention des praticiens. doit ètre appelée d'une manière toute particulière. Il s'agit du rejet de gaz par la bouche, c'est-à-dire de véritables éructations ou rots pl us ou moins sonores, se produisant parfois d'une manière très fréquente. Ce signe mérite d'être pris en sérieuse considération, car, à 'priori, il est de nature à éloigner de l'esprit toute idée de lésion trauma-
(1) Recueil deméd. vétérinaire, 1875, p. 1139.
tique, du cœur surtout. Dès lors, le praticien pourrait méconnaître la gravité de l'accident en présence duquel il se trouve et croire à l'existence d'une affection des voies digestives. Mais en réfléchissant que ce symptôme coïncide avec une respiration irrégulière., un œdème sOlls-glossien et sous-sternal, le pouls veineux et le bruit de goutte d'eau ou de clapotement systolique, il pourra se prononcer sur la cause première de tous ces désordres fonctionnels et prédire même ce que l'on doit trouver à l'autopsie.
Indépendamment des symptômes précités, qui ont la plus grande valeur, il faut encore tenir compte de l'essoufflement très prononcé qui se produit dès que l'animal fait quelques pas ; de la plainte qui accompagne chaque expiration, de la douleur et de l'anxiété que l'animal parait éprouver quand il est couché, comme en témoignent l'attitude de la tête fortement étendue sur l'encolure et les sourds gémissements plaintifs qu'il pousse de .temps à autre. Ajoutons enfin, comme symptômes généraux auxquels il ne faut point d'ailleurs attacher trop d'importance, en raison de leur inconstance, un état de maigreur plus ou moins prononcée et la pâleur des conjonctives.
Diagnostic différentiel. — « La petitesse du pouls, la plénitude des jugulaires, le pouls veineux, l'œdème du fanon, sont des symptômes communs à l'hydrothorax et aux maladies du cœur et de son enveloppe. Le soubresaut de la pousse, les palpitations ne sont pas non plus spéciaux à la péricardite par cause traumatique. 11 ne nous reste donc plus que le caractère tout particulier des bruits du cœur et les renvois qui sont, en effet, les seuls signes sur lesquels il peut être permis de baser un diagnostic différentiel presque certain » (Boizy).
Pronostic. — Dans le plus grand nombre des cas la pénétration d'une épingle ou d'une aiguille, dans le péricarde ou les parois du cœur, constitue un accident mortel. Mais il peut arriver cependant, comme M. L. Baillet l'a observé, que la présence de ces corps acérés ne détermine « aucun désordre bien important, non seulement dans le cœur lui-même, mais aussi dans l'organisme entier (1) ». Toutefois, il n'est pas sans intérêt de faire remarquer que la perte éprouvée par le propriétaire sera d'autant moins considérable que l'accident aura été reconnu plus tôt. On comprend, en effet, que si la bête était encore en bon état de chair lorsque le praticien annoncera la présence d'un corps étranger dans le cœur, il faudrait s'empresser de la sacrifier pour en tirer le meilleur parti possible.
Lésions. — En dépouillant le cadavre, on constate une infil-
(1) Traité de l'inspection des viandes de boucherie, 2e édition, p. 256.
tration plus ou moins prononcée du tissu cellulaire du fanon, du poitrail et même de l'abdomen. Parfois, on rencontre une certaine quantité, vingt à vingt-cinq litres environ de sérosité jaunâtre, limpide, dans le sac péritonéal. Mais les lésions les plus remarquables se voient dans la cavité thoracique.
Le péricarde est distendu par l'accumulation entre ses deux feuillets d'un liquide trouble, grisâtre ou jaunâtre, épais et infect, dont la quantité varie de trois à sept litres environ. Les parois de cette membrane sont épaisses, lardacées et très fortement adhérentes au diaphragme. Le cœur est généralement atrophié, de couleur pâle, comme s'il avait éprouvé un commencement de coction. L'aspect de cet organe est parfois repoussant, Hamon le compare au « ventre et au dos du crapaud ». Tantôt on trouve une aiguille implantée, soit dans la surface extérieure du cœur, soit dans l'intérieur même de cet organe ; tantôt ce corps se rencontre dans le liquide infect qui remplit le péricarde ou bien au milieu des productions pseudo-membrapeuses qui tapissent le péricarde et la face antérieure du diaphragme, et il faut procéder avec attention et ménagement pour le découvrir. Parfois le trajet du corps étranger est teinté d'une nuance jaune verdâtre très prononcée, notamment lorsqu'il s'agit d'une épingle en laiton. Mais, indépendamment de la présence de l'aiguille, de l'épingle ou d'un morceau de fil de fer, qui constituent véritablement le corps du délit, l'attention de l'observateur est encore appelée par les nombreuses adhérences, ou pour mieux dire le fusionnement qui s'est opéré entre le réseau, la partie inférieure du diaphragme et le péricarde, au moyen de productions fibreuses très épaisses pouvant même former une masse de la grosseur d'une tête d'enfant. En pratiquant une coupe dans ce tissu induré, on trouve une sorte de canal fistuleux, étroit, qui part du réseau, traverse le diaphragme et aboutit au péricarde, ou bien même, quoique plus rarement, pénètre jusque dans les cavités cardiaques. Ce canal est parfois comme ramifié à son point de départ et chaque branche d'origine peut se cicatriser de telle sorte qu'il n'existe pas alors de communication directe entre le réseau et le péricarde. Dans ce cas exceptionnel, l'éructation fait défaut, comme M. Boizy l'a observé.
Le trajet fistuleux, simple ou multiple que le corps étranger s'est frayé dans la cavité thoracique pour arriver jusqu'au cœur, est toujours entouré d'une sorte de manchon fibreux dont les parois sont quelquefois creusées çà et là de petits foyers purulents. M. Boizy a même constaté une fois que l'un de ces conduits aboutissait à une poche qui lui a paru formée « par un dédoublement des feuillets du médiastin » et qui contenait un demi-litre
de sanie purulente, grisâtre et fétide. Dans tous les cas, lorsque l'on découvre l'aiguille ou l'épingle qui a déterminé toutes ces lésions, on remarque qu'elle a pris une teinte noire par suite de l'oxydation qu'elle a éprouvée; de plus, il n'est pas rare qu'elle soit plus ou moins coudée. Ajoutons enfin que le praticien peut constater parfois un épanchementpleurétique considérable. Ainsi Hamon rapporte avoir trouvé « vingt litres d'un liquide séreux, parfaitement limpide et légèrement jaunâtre », dans la poitrine d'une vache, qui avait une forte aiguille à passer la laine, implantée de part en part dans le ventricule gauche du cœur.
Telles sont les principales lésions que l'on peut rencontrer lorsqu'une épingle ou une aiguille a été avalée par un ruminant. Il va sans dire qu'un pareil accident, qui peut être si facilement évité par de l'attention et de la surveillance, ne comporte aucune espèce de traitement curatif; mais il est non moins évident que le praticien qui parvient à diagnostiquer une lésion de cette nature, augmente ainsi. sa réputation, car, en pareil cas, l'autopsie est généralement faite en présence d'une foule de curieux, dont quelques-uns tout au moins ne demanderaient pas mieux que de trouver le vétérinaire en défaut. C'est pour éviter cet écueil que j'ai exposé succinctement, dans cet article, les signes caractéristiques de la pénétration des corps étrangers dans le cœur des bêtes bovines.
CHAPITRE II
MALADIES DES VAISSEAUX SANGUINS
1 ARTICLE 1
SUITES DE LA SAIGNÉE A L'ARTÈRE COCCYGIENNE.
[La saignée s'accompagne très communément de l'inflammation de l'artère coccygienne, dont la cause me paraît alors être celle-ci : lorsque l'on a incisé ce vaisseau pour en obtenir une émission de sang plus ou moins abondante, il arrive assez souvent, que, par suite des contractions répétées des muscles de la queue, le parallélisme de l'incision faite à la peau et au vaisseau se trouve détruit, et que, par suite, il'devient nécessaire de frapper de petits coups secs, au moyen d'une baguette en bois ou d'un bâton, en avant de l'incision et le long du trajet de l'artère pour que le jet sanguin
soit rétabli. Pendant que l'on frappe ainsi, les animaux s'impatientent, ils se défendent mème avec énergie; alors on n'agit pas toujours avec régularité et modération, et ces contusions répétées donnent lieu à l'inflammation du vaisseau.
[Elle résulte aussi et même plus souvent d'une compression exercée trop fortement et pendant une durée de quelques jours, afin de prévenir une émission de sang accidentelle, car l'appareil fort simple d'ailleurs au moyen duquel on fait cesser l'écoulement n'est pas toujours maintenu en place assez longtemps; les bœufs peuvent quelquefois y atteindre avec leur langue, et comme ils sont très friands du goût et de l'odeur du sang, ils ravivent l'ouverture, et la perte de sang, abondante, qui survient inopinément à la suite, n'est arrêtée par le bouvier que par des ligatures très serrées. La compression exercée par ces ligatures est aussi une cause fréquente d'artérite, cause dont l'action s'exerce avec d'autant plus de facilité que le vaisseau est déjà, par l'effet des manœuvres employées, prédisposé à l'inflammation.]
Symptômes. Marche. Terminaisons. — [Le premier symptôme qui se manifeste est un engorgement chaud, très douloureux, rénitent, partant du point où a été faite la saignée et remontant vers la base de la queue, en prenant plus de développement; les battements de l'artère ne sont pas faciles à distinguer, ils paraissent comme se perdre au milieu de la tumeur qui s'est formée et qui bientôt devient noueuse. On voit alors sortir de la plaie quelquefois des filets de sang artériel pur, mais le plus souvent de la sanie.
[Dans ce moment, l'animal a les yeux injectés, il tient la tête basse, il ne s'étire plus, il a perdu l'appétit; la rumination n'a point lieu, les carotides battent avec force, les nodosités remarquées sur la tumeur se déchirent pour laisser échapper de la sanie, et les ouvertures qui sont formées sont de véritables ulcères à bords calleux du plus mauvais aspect.
[Ces accidents se déclarent promptement, du premier au troisième jour après la saignée; j'ai vu l'engorgement se produire aussitôt après les manœuvres qu'avait nécessitées une saignée mal réussie : sa durée n'est pas longue, car, si on ne parvient pas à obtenir la résolution prompte de l'inflammation, la terminaison par la grangrène survient du quatrième au sixième jour. Cette terminaison, la plus fâcheuse de toutes, n'est pas forcément mortelle. On voit des bœufs chez lesquels la gangrène se borne ■et se termine par la chute de la queue, à partir des premières vertèbres coccygienhes. D'autres fois, la gangrène ne s'est pas étendue aussi haut, et n'a entraîné que la chute des deux tiers à peu près de l'appendice caudal. Les plaies fistuleuses qui
existent après cette terminaison sont d'une guérison difficile; elles font souffrir l'animal pendant longtemps; il s'engraisse mal.
[La lésion la moins grave qui résulte de la non-résolution de l'artérite est la chute ou l'amputation devenue obligatoire d'une portion de la queue.]
Traitement. — [Quand on s'aperçoit, après la saignée faite, qu'un engorgement se forme à la face interne ou inférieure de la queue, on commence par faire des affusions d'eau froide incessantes, jusqu'à ce que l'engorgement cesse d'être douloureux et tende à diminuer. Si ces ablutions ne produisent pas l'effet désiré, on fait sur toute l'éLendue de la tumeur une onction très forte d'onguent vésicatoire, et l'on entoure la partie frictionnée d'une couche épaisse d'étoupes, que l'on maintient en place au moyen de ligatures de ruban de fil.
[Lorsque la tumeur n'augmente point, malgré les phlyctène& qui se sont formées sous son action, et que l'animal ne donnepoint de signes d'anxiété, qu'il rumine et même qu'il s'étire, cela indique que l'onction vésicante a produit son effet révulsif. Au bout de trois ou quatre jours on enlève les étoupes, l'épiderme se soulève, se dessèche, tombe, et la tumeur a disparu.
[Quand la résolution n'a pas été obtenue par les frictions ou onctions vésicantes, on ouvre les abcès, qui se forment dans toutes les nodosités de l'artère, avec une certaine précaution, c'est-à-dire quand la présence de la sanie ou du pus est bien constatée ; si l'on faisait prématurément cette opération, il pourrait en résulter une hémorragie qu'il serait peut-ètre difficile d'arrêter. On débride ces plaies fistuleuses dans toute leur étendue, afin d avoir la facilité de les panser ou de les déterger de manière à en faire des plaies simples.
[C'est avec la mixture de Villatte qu'on les cautérise, et non avec le fer rouge afin d'éviter les hémorragies qui peuvent se produire au moment de la chute des eschares.
[ Quand l'artérite coccygienne se trouve bornée au tiers inférieur de l'appendice caudal, le traitement s'applique plus facilement ; et si la terminaison par la suppuration ou la gangrène se manifeste, on fait l'amputation de toute la partie qui semble compromise.]
ARTICLE II
THROMBUS.
Définition. Fréquence. — [Le Thrombus est une tumeurdure. de forme irrégulière, qui se produit au siège d'une saignée,
par suite d'un épanchement sanguin dans le tissu cellulaire..
[Le Thrombus s'observe, chez les animaux de l'espèce bovine, à la jugulaire, à la saphène et plus communément à la sous-cutanéeabdominale.]
Causes. — [La plus fréquente est le défaut de parallélisme existant entre l'ouverture faite à la peau et celle du vaisseau. Les jugulaires du bœuf étant très mobiles, et cet animal se montrant toujours plus ou moins impatient, il arrive parfois que ce parallélisme dont j'ai parlé est détruit aussitôt qu'il est établi. Après avoir frappé le coup sec qui doit produire l'ouverture de la peau et du vaisseau, on voit un jet de sang sortir par l'ouverture et puis s'arrêter; les paysans disent : « L'animal retient son sang ». Souvent ce défaut de parallélisme n'a point d'autre conséquence; mais il arrive aussi qu'une tumeur se forme dans le tissu cellulaire : c'est le Thrombus.
[D'autres fois, la saignée a eu son effet attendu ; mais les animaux, en se frottant contre les corps qui les environnent, font jaillir à travers l'ouverture du vaisseau une certaine quantité de sang qui, n'ayant pas d'issue par l'ouverture de la peau, s'extravase et constitue le Thrombus.
[La même cause produit exactement les mêmes effets à la jugulaire et à la sous-cutanée abdominale ; mais ici l'extravasation se faisant au milieu d'un tissu moins abondant, la résorption naturelle se fait plus lentement, et les thrombus de la sous-cutanée. sont généralement plus volumineux et plus lents à disparaître.]
Symptômes. — [Le symptôme unique du Thrombus est un engorgement, qui se résorbe peu à peu. Plus tard, il est douloureux et un travail inflammatoire s'y développe. Son pronostic est rarement fâcheux, si l'accident n'est point compliqué de phlébite.]
Traitement. — [On remédie à la formation du Thrombus par des affusions d'eau froide faites avec soin et sans interruption pendant tout le temps nécessaire pour que la résorption du liquide épanché commence à se faire, ce que l'on reconnaît facilement au ramollissement de la tumeur et à la diminution de son volume.
[Si, malgré les affusions d'eau froide, l'engorgement ne tend pas à se résoudre, on y fait des frictions vésicantes. Ordinairement c'est l'essence de térébenthine qui est employée à cet effet, parce qu'elle n'a aucun des inconvénients des liniments cantharidés.]
ARTICLE II
PHLÉBITE.
Définition. Fréquence. — [La Phlébite est l'inflammation, avec oblitération par un caillot sanguin, de la veine; de même que le thrombus, qu'elle complique bien souvent, elle s'observe à la jugulaire, à la sous-cutanée abdominale et à la saphène.]
Causes. — [Les causes sont les piqûres répétées sur le même lieu, la section entière du vaisseau et le frottement exercé avec plus ou moins de violence sur la plaie résultant de la phlébotomie. Un bœuf ,a été saigné depuis peu de temps; il se frotte avec violence contre des corps durs, raboteux; si une épingle a été placée pour réunir les lèvres de la plaie faite par la flamme, cette épingle peut, par l'effet du frottement, blesser et irriter le vaisseau, et produire cet ensemble de phénomènes qui ont recule nom de Phlébite. ]
Symptômes. — [Un engorgement chaud et douloureux se produit sur le trajet d'une veine atteinte de Phlébite; puis il se résorbe et le vaisseau apparaît alors sous forme d'un cordon dur, bosselé, noueux. Par l'ouverture de la saignée, dont la cicatrice se rouvre, du sang coule quelquefois en assez grande quantité, et d'autres fois de la sanie. Les animaux mangent avec difficulté quand c'est la jugulaire qui est le siège de l'inflammation, et ils restent peu de temps couchés sur le côté lorsque la lésion intéresse la souscutanée abdominale. Si c'est la saphène, le membre tout entier est plus ou moins engorgé et la claudication est manifeste.
[Parfois le vaisseau devient fistuleux; plusieurs petits abcès s'ouvrent sur son trajet, le pus est sanieux et fétide.]
Hardie. Durée. Terminaisons. — [La Phlébite se déclare assez promptement. L'engorgement du vaisseau et des parties environnantes apparaît du deuxième au troisième jour après que la cause a agi; mais l'inflammation une fois déclarée a une durée de plusieurs jours. Sa terminaison ordinaire est la suppuration, suivie de la destruction du vaisseau, dans toute la portion qui est le siège de l'inflammation; parfois, il y a seulement oblitération avec induration des parois, se terminant toujours alors par la transformation du vaisseau en une sorte de cordon fibreux.
[Ces divers modes de terminaison peuvent s'observer en même temps dans diverses parties du vaisseau. Ainsi, la jugulaire d'un bœuf, enflammée d'abord à l'endroit de la saignée, tombe en suppuration à cette partie, s'oblitère un peu plus haut et pré-
sente un engorgement induré en remontant vers la région parotidienne.]
Pronostic. — [Il est toujours fâcheux, jusqu'à un certain point. Une veine atleinte par la Phlébite ne recouvre jamais son état normal; elle s'oblitère, et la circulation ne s'y rétablit pas. C'est dans ce sens que la Phlébite est un fait assez grave. Là se bornent pourtant les fâcheuses prévisions que peut inspirer cette affection ; car l'animal privé d'une jugulaire, d'une sous-cutanée abdominale ou d'une saphène, n'en reste pas moins bien portant et apte au travail.]
Traitement. — [Le traitement de la Phlébite est des plus simples; on guérit la plus compliquée, la plus grave en apparence, celle qui se traduit par des hémorragies d'abord, des abcès fistuleux ensuite, des engorgements indurés vers la région parotidienne, etc., par de simples applications d'onguent vésicatoire ; une onction vive sur toute l'étendue du vaisseau malade est l'unique moyen à employer. L'inflammation révulsive, qui est son premier effet, arrête les hémorragies; son action dispense de la ligature du vaisseau.
[Cinq ou six jours après avoir fait une première application d'onguent vésicatoire, on en fait une seconde et successivement, jusqu'à ce qu'on ait obtenu la résolution complète de la Phlébite.]
ARTICLE IV
PHLEGMASIE ROUGE DOULOUREUSE.
Définition. Fréquence. — [J'ai observé plusieurs fois cette affection sur le bœuf de travail. On pourrait dire que c'est un œdème chaud et douloureux résultant d'une inflammation des vaisseaux sanguins, avec épanchement de sang dans les tissus. Cette maladie s'observait plus communément autrefois, alors que les animaux de travail étaient considérés comme des machines vivantes qui devaient fonctionner jusqu'au moment où ils étaient sacrifiés pour la boucherie, quel que fût leur état d'embonpoint. Les progrès accomplis en agriculture depuis quelques années ont amené sous ce rapports des changements favorables : les bœufs de travail sont mieux nourris; on ne les laisse point arriver à la limite extrême de la vie avant de les préparer pour la boucherie, et la Phlegmasie rouge et douloureuse ou l'œdème chaud ne s'observe pas aussi souvent.]
Causes. — [L'appauvrissement de la constitution de l'animal, par suite d'un âge avancé, de fatigues journalières et excessives,
et l'influence d'une alimentation insuffisante ou malsaine, sont les principales causes prédisposantes.
[Comme causes occasionnelles, il faut signaler : des coups portés avec plus ou moins de violence à la face interne ou à la faceexterne de la cuisse, sous le ventre et de côté, sur le trajet de& veines sous-cutanées abdominales, soit avec le manche de l'aiguillon, soit avec la pointe du sabot du bouvier, soit enfin un coup de corne. Mais la cause occasionnelle la plus fréquente est la piqûre faite par l'aiguillon : on trouve un petit bouton dur et très douloureux placé sur un point de la tumeur, et adhérant à la peau comme s'il en était une partie constituante. Ce symptôme m'a toujours fourni des indications précises, confirmées par des renseignements ultérieurs.]
Symptômes. — [Tumeur douloureuse au toucher, avec chaleur très vive, sans changement de couleur à la peau ; elle se forme lentement et peut acquérir sous l'abdomen un volume considérable en se maintenant, dans le plus grand nombre des cas, sur le côté où elle se trouve placée, tout en se prolongeant jusque sous le sternum et, en arrière, jusqu'au scrotum. Cette tumeur est rénitente: en la pressant avec un peu de force, on distingue parfaitement qu'un liquide d'une certaine consistance est déposé dans ses profondeurs ; qu'elle ait son siège à l'une ou à l'autre face de la cuisse ou même à l'abdomen, la marche de l'animal en est gênée ; il évite de se coucher sur le membre malade.
[L'animal perd d'abord l'appétit; il ne rumine point, son pouls, est précipité sans être plein ; il maigrit rapidement, et lorsque la tumeur a son siège à la cuisse, l'amaigrissement se fait remarquer surtout vers les parties supérieures du membre, à la croupe, et l'articulation coxo-fémorale est bientôt décharnée.
[Je noterai en passant que je n'ai jamais observé les tumeurs de cette nature sur les membres antérieurs.
[Si la Phlegmasie rouge douloureuse existe vers les parties inférieures de l'abdomen, l'animal qui en est affecté reste placé sur ses membres tant qu'il peut résister à la fatigue que lui fait éprouver cette position ; puis il se laisse tomber sur la litière, pourse relever bientôt si ses forces le lui permettent, car il ne saurait résister pendant longtemps à la douleur occasionnée par la compression de la tumeur.]
Marche, Durée. Terminaisons. — [Les tumeurs qui caractérisent la Phlegmasie rouge douloureuse se forment lentement, ainsi que je l'ai déjà dit, et leur résolution, quand on peut l'obtenir, ce qui est fort rare, se fait attendre des mois entiers. Si elles sont placées aux parois abdominales, cette résolution s'obtient un peu plus facilement; mais son mode de terminaison le plus fréquent
-est l'induration. La suppuration n'a presque jamais lieu. Lorsque la tumeur est placée soit à la face interne, soit à la face externe -de la cuisse, elle prend une forme triangulaire en se prolongeant vers le jarret, et sa terminaison est alors ou l'induration ou le sphacèle.
[Une fois arrivées à un certain développement, ces tumeurs ne grossissent plus; mais il s'opère, dans toutes leurs parties constituantes, un travail de désorganisation qui conduit l'animal au marasme et le fait périr.]
Lésions. — [L'autopsie des animaux morts des suites de la Phlegmasie rouge douloureuse fait reconnaître dans tous les organes internes un état d'anémie complet ; la tumeur est constituée par une matière sanguignolente de couleur et de consistance variables, pâle et fluide, ou noire et grumeleuse, très rouge et coagulée lorsque l'animal a été sacrifié pendant les premiers temps de la maladie. La peau qui recouvre la tumeur est épaissie et encore assez distincte, puis elle se confond avec la tumeur et ■semble en faire partie intégrante quand la maladie date de plusieurs mois.
Diagnostic. Pronostic. — [Le diagnostic de la Phlemasie rouge douloureuse s'établit d'autant plus facilement qu'on est mieux fixé sur sa véritable cause. Ce qui, d'ailleurs, distingue cette Phlegmasie de l'œdème, c'est la chaleur et la douleur qu'on y remarque •constamment.
[Quant au pronostic, il est ordinairement fâcheux ce qui est une conséquence de l'appauvrissement de la constitution des animaux au moment où la maladie s'est déclarée. Il est moins fâcheux cependant lorsque l'animal malade est encore jeune et que la Phlegmasie a son siège dans larégion sous-cutanée abdominale.] Traitement. — [J'ai quelquefois, pendant les premières années de ma pratique, employé la saignée générale et aussi des scarifications profondes sur les tumeurs, afin de produire un effet dérivatif; mais j'ai dû renoncer à ces moyens, le mal empirant sous leur action. Par les scarifications, il se déclarait des hémorragies toujours fort inquiétantes et que la compression arrètait difficilement.
[Les bains dans l'eau courante étaient plus efficaces et, à défaut de bains, des ablutions d'eau froide faites sans interruption.
[Je donne cependant la préférence aux bains, parce qu'à la campagne il est presque impossible d'obtenir, tant des maîtres que des serviteurs, qu'ils fassent des ablutions soutenues pendant un temps assez long ; ils en feront une ou deux dans l'espace d'une heure, et ils croiront avoir rempli fidèlement l'indication. Or, non seulement les ablutions faites à des intervalles plus ou moins
éloignés ne servent à rien pour amener la résolution des tumeurs, mais elles produisent un résultat opposé. Après chaque lotion d'eau froide isolée sur une partie enflammée, un mouvement de réaction a toujours lieu, et s'il se répète l'réquemuent, il rend l'inflammamation plusintense.
[Enfin, toutes les fois que j'ai dû m'en rapporter aux conducteurs de bestiaux pour l'emploi des ablutions, elles m'ont paru inefficaces, parce qu'on ne les avait pas faites avec soin; au contraire, les bains froids locaux ont souvent produit de bons effets quand ils ont été répétés plusieurs fois dans la journée et que chacun a duré au moins une heure.
Lorsque, pendant les premiers jours à dater de l'apparition de la phlegmasie, les bains froids n'ont pas diminué en grande partie l'intensité des symptômes, on doit faire sur les tumeurs, si elles sont encore aplaties et à bords non circonscrits, des frictions d'essence de térébenthine, continuées deux fois par jour jusqu'à ce que la peau soit soulevée et gercée profondément.
[Si les tumeurs sont circonscrites, dures, très volumineuses et très élevées, il faut recourir à des frictions de vésicatoire liquide, deux par jour, jusqu'à ce qu'elles aient produit sur la peau leur effet ordinaire. L'action des vésicatoires se fait attendre un peu plus longtemps sur la peau du bœuf que sur celle du cheval : d'où la nécessité de frictions plus fréquentes.
[Lorsque ces moyens ont échoué, je cautérise les tumeurs par des boutons de feu pénétrants ; et je considère comme un excellent résultat une augmentation considérable de la chaleur et de la douleur, parce que celte réaction permet d'espérer la formation d'une eschare, dont le soulèvement serait la première phase de la résolution de la tumeur.
[Pour être plus efficaces, les frictions d'essence de térébenthine doivent être faites avec la main de l'homme ; elles n'ont pour lui aucun inconvénient si, aussitôt qu'elles ont été faites, il trempe sa main dans l'eau froide.
[La dose d'essence de térébenthine pour une friction doit être de 50 à 60 grammes pour une surface carrée de 10 centimètres. , [Mais il ne faut pas oublier que si la Phlegmasie rouge douloureuse se déclare, ce n'est pas seulement par l'effet d'une contusion du tissu vasculaire. sous-cutané ou d'une piqûre : tenons compte également, dans l'indication du traitement, de la prédisposition de l'animal, ayant pour cause un appauvrissement de sa constitution. On remédie à cet état au moyen d'une nourriture analeptique, qui se compose de fourrages de meilleure qualité : dans le Midi, ceux qui proviennent de prairies artificielles ; dans d'autres régions, de prairies naturelles ; et partout, de farineux,
de racines cuites, etc. Sous l'influence de ce régime, les forces de l'animal se rétablissent, la nutrition se fait mieux, ce à quoi l'on aide principalement par l'administration de préparations ferrugineuses.
[La plus simple de toutes les préparations ferrugineuses se donne à volonté ; sa dose n'est limitée que par la soif de l'animal : c'est l'eau ferrée, que l'on prépare en plongeant, à plusieurs reprises, un gros morceau de fer rougi dans l'eau qui doit servir de boisson.
[La limaille de fer s'administre mélangée à un peu de son frisé, à la dose de 16 à 32 grammes, suivant la taille des animaux.
[Quand on a fait emploi des préparations ferrugineuses pendant plusieurs jours, on cesse de les administrer, et, après un intervalle de deux jours, on fait prendre chaque matin à l'animal à jeun, un breuvage tonique composé comme suit:
Tanaisie verte ou Absinthe 30 grammes. Eau ........................................ 1 litre.
Traitez par infusion.
Autre breucage.
Gentiane en poudre ou Centaurée ........... 30 grammes. Eau ....................................... 1 litre et demi.
Traitez par décoction.]
ARTICLE V
ÉCHAUBOULURE ,( 1).
Synonymie : Échauffement, Ébullition, Coup de sang.
Définition. Fréquence. — [Sous le nom d'.uchauboulure, on désigne une éruption de boutons circonscrits se produisant sur toutes les parties du corps en nombre plus ou moins considérable. Apparaissant ordinairement d'une manière subite, avec ou sans trouble des fonctions, cette maladie s'observe fréquemment sur les animaux de travail, pendant l'été surtout, quand ils sont abondamment nourris de fourrages artificiels.]
Causes. — [Le tempérament sanguin des animaux, le travail
(1) L'échauboulure étant caractérisée anatomiquement par une congestion du réseau vasculaire cutané, nous en avons placé l'étude dans ce chapitre, qui traite des lésions des vaisseaux.
1
pénible exécuté pendant les fortes chaleurs, alors surtout que l'air est très sec, l'usage d'aliments très nutritifs, tels que la luzerne, le maïs vert dont l'épi est monté, les vesces, le sainfoin, telles sont les causes les plus actives. L'Échauboulure ne se manifeste jamais sur les animaux maigres, vieux, affaiblis par des privations, mais sur ceux qui, après avoir été dans cet état, sont soumis à un régime opposé, c'est-à-dire à un régime de repos et de nourriture abondante.
[Cette maladie des bêtes bovines est rare dans les contrées où elles ne sont pas employées aux travaux des champs, et dans les régions où les fourrages sont moins nutritifs que dans le Midi, ou bien dans celles dont le climat est à peu près constamment humide.]
Symptômes. — [On vient de voir quels sont les symptômes de .l'Echauboulure d'une manière générale ; ils sont les mêmes sur nos grands et vigoureux bœufs de travail, avec cette différence que chez eux le trouble des fonctions est plus marqué, parce que leur sang est plus riche. Ici, les boutons apparaissent subitement; ils sont plus gros ; ils sont plus nombreux; ils se touchent presque : ils envahissent les membres, les paupières, les lèvres, les ailes du nez, gênent ainsi la locomotion, la respiration, la mastication.
[La maladie affecte quelquefois une forme plus rapide et tout à fait caractéristique. L'animal alors est frappé tout à coup et succombe foudroyé au moment où l'.uchauboulure se déclare. Dans ce cas l'Échauboulure s'accompagne toujours d'une apoplexie pulmonaire et elle n'est que partielle.]
Marche. Durée. Terminaisons. [Invasion Subite ; durée quelquefois éphémère pour ainsi dire, si la'forte chaleur de la journée se trouve tempérée subitement par le souffle assez vif d'un vent frais, si on pratique sur l'animal une saignée presque au moment de l'apparition des boutons, ou si on l'asperge d'eau froide.
[Abandonnée aux soins uniques de la nature, il est rare que l'Échauboulure soit une maladie mortelle. Les boutons s'affaissent lentement, se dissipent en partie seulement; ils s'exfolient et quelquefois ils s'abcèdent, et leur résolution se fait avec une extrême lenteur. Si la résolution ne s'en opère que lentement, les animaux qui sont affectés de l'Échauboulure maigrissent rapidement, et leur convalescence est très longue. Cette terminaison est, après l'Échauboulure foudroyante, la plus fâcheuse qui puisse se produire.]
Lésions. — [Les lésions sont celles que l'on remarque sur les animaux qui ont succombé à l'apoplexie pulmonaire, .et que j'ai
décrites. Mais, si l'animal est abattu lorsque la résolution des petites tumeurs ou boutons a été incomplète, et s'il a maigri au point de ne pouvoir être rétabli ou engraissé pour la boucherie, on trouve dans quelques-unes de ces tumeurs une matière mi-fluide de couleur jaunâtre, tandis que le tissu de tous les boutons qui ne sont pas abcédés est de couleur et de consistance lardacées.]
Diagnostic. Pronostic. — [L'apparition subite de boutons nombreux sur le corps d'un bœuf ne peut pas laisser un instant de doute dans l'esprit du praticien, si l'animal est vigoureux, si la température atmosphérique est élevée et si la nourriture de cet animal, d'ailleurs soumis au travail, est de celles que nous appelons échauffantes, c'est-à-dire nutritives à un très haut degré.
[Le diagnostic est également facile à établir toutes les fois que l'apparition de boutons moins gros se fait tumultueusement sur un bœuf qui, étant dans un état de faiblesse ou de maigreur apparente, a été mis au repos et a reçu sans transition une nourriture échauffante; cela indique bien certainement une ébullition ou échauboulure, mais d'une intensité moindre que l'Échauboulure ordinaire ; et nous verrons, en parlant du traitement, qu'il faut tenir compte des états divers qui ont donné lieu aux deux formes de la maladie.
[Le pronostic diffère également suivant que la forme de l'Échauboulure est ce que j'appellerai suraiguë, ou simplement aiguë. Dans le premier cas, si des soins intelligents ne sont pas donnés sans retard, l'animal peut succomber ou la maladie passer à l'état chronique, qui amène la maigreur.
[Si, au contraire, le traitement rationnel de l'Échauboulure aiguë a été appliqué sans retard, le pronostic peut être toujours favorable. La résolution commence à s'opérer du moment où la veine ou l'artère est ouverte, pour être complètement terminée ■dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures au plus.
[Si l'animal faible et maigre, qui a été affecté d'Échauboulure, a subi l'écart de régime que j'ai mentionné, il guérira également, pourvu qu'il ne soit pas déjà affecté de quelques lésions organiques. S'il est phtisique, par exemple, le pronostic doit être fâcheux.]
Traitement. — [La saignée est la première indication à remplir; mais c'est encore à l'artère coccygienne qu'elle doit être pratiquée, parce que d'ordinaire le cuir est entièrement recouvert de boutons sur la région où passent les jugulaires, qu'on ne peut alors fixer le vaisseau de manière à l'ouvrir, même avec une flamme très longue, et qu'on hésitera toujours à faire autour de l'encolure une forte compression, lorsqu'il y a stase de la circulation générale, ou lorsque celle-ci est tumultueuse.
[Sous le ventre, le cuir peut être également épaissi sur la ligne que suit la sous-cutanée abdominale ; cependant il l'est toujours moins à cette région qu'autour de l'encolure, et il m'est arrivé assez souvent d'ouvrir cette veine sans éprouver trop de difficultés. Au reste, quand je pratique cette saignée, je me sers d'une flamme moyenne, et je la place presque en travers du vaisseau. Par ce moyen, qui n'offre absolument aucun danger, on est beaucoup plus sûr d'obtenir un bon résultat qu'en plaçant la flamme dans le sens longitudinal. Dans ce dernier cas, la contraction de la peau ou des muscles rapproche les bords de l'ouverture, et le sang ne coule pas.
[L'action de la saignée doit être secondée par des boissons rafraîchissantes, des lavements de même nature, ou, tout à fait dès le moment de l'invasion, par des aspersions d'eau froide. — Ici quelques réserves sont nécessaires. Lorsque, dans les champs, un bœuf est subitement affecté d'une lèJchauboulure, il est parfaitement indiqué de l'asperger d'eau froide si l'on en a, et, si l'on ne peut pas s'en procurer immédiatement, avec de l'eau stagnante, qui seulement est toujours un peu chaude pendant l'été. Si l'on a de l'eau courante ou un réservoir quelconque à portée, on doit également y faire entrer l'animal, mais jusqu'à mi-ventre seulement. Rappelons que sa respiration est plus ou moins gênée par la tuméfaction des orifices des naseaux; que, si le cuir est épaissi autour du thorax, cette cavité se dilate avec difficulté, et qu'il pourait arrriver que le saisissement occasionné par l'impression de l'eau froide suspendit entièrement la respiration. On voit des bœufs atteints d'Échauboulure périr instantanément après avoir été plongés dans une masse d'eau suffisante pour qu'ils puissent y nager; leurs mouvements s'y trouvent paralysés par l'impression de l'eau froide, ils s'asphyxient.
[D'un autre côté, si les ablutions peuvent être d'un grand secours dès l'invasion de la maladie, elles cessent d'être d'un emploi utile quand la saignée a été pratiquée; alors je les ai vues ralentir outre mesure la circulation du sang. Elles produisaient des frissons, de l'anxiété et quelquefois des syncopes. J'ai été obligé, dans une circonstance, de faire prendre à l'animal un cordial énergique, un litre et demi de vin, et de recourir à de vigoureuses frictions sèches pour raviver la circulation et faire. disparaître les accidents.
[Quand la résolution des boutons se fait imparfaitement et avec douleur, les frictions d'essence de térébenthine sont aussi indiquées. C'est ainsi que l'on évite les exfoliations ou les desquamations qui pourraient survenir et qui laissent quelquefois sur la peau des traces persistantes.]
CHAPITRE III
MALADIES DU SYSTÈME LYMPHATIQUE.
ARTICLE I
OEDÈME.
[On désigne sous le nom d'OEdème une hydropisie partielle du tissu cellulaire. On distingue l'OEdème chaud et l'OEdème froid. Il est essentiel ou symptomatique].
Causes. Symptômes. — [Les causes de l'OEdème chaud essentiel sont de plusieurs sortes : les contusions qui ont porté plus directement sur les vaisseaux lymphatiques et les veines; les piqûres de ces organes, les engorgements qui gênent la circulation d'une manière ou d'une autre. Chez le bœuf, l'OEdème chaud se manifeste à la suite de coups de corne peu violents, mais répétés; après un froissement violent : par exemple, un bœuf éprouve une vive démangeaison ; à sa portée se trouve un corps dur contre lequel il se frotte avec persistance, et bientôt se forme un OEdème chaud essentiel. ' ' [L'OEdème froid se manifeste pendant une maladie dont la durée a été longue, ou à sa suite ; il peut être occasionné par une plaie contuse ou non.
[L'OEdème se montre généralement aux parties où le tissu cellulaire est abondant et lâche, surtout dans les régions les plus déclives, telles que le dessous du ventre ou du thorax, les paupières, le scrotum, les environs des mamelles et du pénis, le bas des membres. Il est une conséquence presque inévitable de la castration ; il précède la parturition ; il survient après l'avortement ou à la suite d'un sevrage subit. Tous ces OEdèmes sont plus communs chez les animaux dont la constitution est appauvrie.
[L'OEdème diffère de l'anasarque, d'abord dans les causes qui le produisent ; ensuite, en ce que l'infiltration est limitée à une partie du corps, tandis que dans l'anarsaque elle est générale. Il ne peut pas être confondu avec les tumeurs phlegmoneuses ou charbonneuses. Il se distingue du phlegmon, à la tension, à la chaleur des téguments; il n'est point douloureux comme celui-ci. Et quant aux tumeurs charbonneuses, elles se caractérisent par des signes particuliers dont il sera parlé à l'article Charbon. Le pronostic de l'OEdème n'est pas ordinairement fâcheux.]
Traitement. — [La première indication à remplir consiste à faire disparaître la cause qui a donné lieu à l'OEdème ou qui ,l'entretient, puis on a recours aux frictions ou aux onctions résolutives. Sur les OEdèmes chauds, on fait des onctions de pommade camphrée ou iodurée, des applications de pâtes formées de terre glaise et de vinaigre. On traite les OEdèmes froids par des applications vésicantes, des frictions avec un de ces vésicatoires liquides, connus sous le nom de feu français, feu anglais, topiques, etc. Les mouchetures, la cautérisation pénétrante favorisent également la résolution.]
ARTICLE II
ANASARQUE.
Définition. Fréquence. — [L'Anasarque est une accumulation ■de sérosité dans le tissu cellulaire de tout le corps, principalement dans le tissu cellulaire sous-cutané: c'est un des genres de l'hy,dropisie,. caractérisé par une tuméfaction générale et ordinairement indolente des téguments. Cette tuméfaction cède sous l'impression du doigt, et l'empreinte se conserve plus ou moins longtemps.
[On la considère, avec raison, comme une altération du sang. [L'OEdème froid n'en diffère qu'en ce que l'infiltration séreuse -y est bornée à une partie du corps de l'animal.]
Causes. — [L'Anasarque se manifeste subitement, et sa cause est, dans le plus grand nombre des cas, l'action répercussive du froid sur la peau en sueur. A l'inverse de ce qui se passe dans .l'ascite, l'Anasarque affecte plus particulièrement les bœufs de travail les plus robustes. Il faut distinguer pourtant cette Anasarque de celle qui affecte les veaux et qu'ils portent souvent en naissant. Celle-ci tient probablement à des lésions d'organes occasionnées par des coups portés sur l'abdomen de la vache pendant la gestation ou par des secousses violentes qu'a éprouvées d'utérus, ou bien elle s'est développée comme conséquence d'une maladie dont la vache était affectée. Il est à remarquer d'ailleurs que l'Anasarque congénitale des veaux n'a guère été observée ■que sur ceux de ces animaux dont les mères étaient soumises au
.travail. ]
Symptômes. — [Comme l'Anasarque du cheval décrite par M. H. Bouley, l'Anasarque du bœuf débute par de larges plaques ,œdémateuses qui apparaissent tout à coup à la face interne des membres, aux fesses, sous le ventre, au fanon, aux paupières, aux
oreilles, aux naseaux. Ces plaques, d'abord isolées, se réunissent bientôt et constituent un vaste œdème qui augmente de volume. et tend à se porter vers les parties les plus déclives qu'il envahit en peu de temps: de telle sorte que les membres, le plan inférieur du corps, ne forment plus qu'une masse confuse : alors les paupières recouvrent entièrement les yeux ; l'ouverture des naseaux se trouve considérablement rétrécie et la respiration est trèsdifficile. Lorsque l'Anasarque est arrivée à cet état, le bœuf ne peut se mouvoir qu'avec une extrême difficulté ; il ne mange point,ne rumine point; sa peau est sèche comme du parchemin, à moins toutefois que des gerçures ne se forment instantanément sur certaines parties du corps, au pli du genou, du jarret, à la base des oreilles, parce que, dans ce cas, la sérosité sanguinolente à. laquelle ces gerçures donnent passage humecte les téguments.] Marche. Durée. Terminaisons. — [L'invasion de l'Anasarque se fait en peu de temps et sa durée n'est pas longue ; car, si la résolution, qui ordinairement peut s'obtenir avec assez de facilité, se fait attendre, le trouble de la respiration survient, parsuite de l'obtacle mécanique qui s'oppose à l'entrée de l'air dans la poitrine; puis toutes les fonctions sont enrayées, le troubledevient général; alors la mort est inévitable, et elle a lieu du. troisième au quatrième jour.
[L'Anasarque se termine par la résolution assez souvent, sous l'influence d'un traitement méthodique ; mais cette résolution sefait lentement, par degrés; elle commence à la tête, aux naseaux,, vers le plan supérieur d'abord, excepté aux oreilles, dont la basereste assez longtemps infiltrée. Bientôt, les parois de l'abdomen sont dégagées à leurs parties supérieures; mais le fanon, le dessous du ventre, les boulets, conservent l'infiltration plus longtemps. ] Diagnostic. Pronostic. — [L'Anasarque diffère du coup de sang général, de l'infiltration sanguine proprement dite, qui n'est en, réalité que le résultat d'une hémorragie active, en ce que les infiltrations qui la constituent amènent une diminution marquée de la, température des téguments, et en ce que les infiltrations conservent l'impression du doigt; c'est le contraire qui a lieu dans .les cas d'échauboulure et d'infiltration sanguine générale.
[Le pronostic de l'Anasarque ne devient fâcheux que lorsque la résolution ne se dessine d'aucune manière. Il suffit qu'elle commence, pour que l'on puisse compter jusqu'à un certain point sur une terminaison favorable. Le pronostic est fâcheux toutes les fois. . que le trouble des fonctions se produit.]
lisions. — [Tissus décolorés ; épanchement dans le tissu cellulaire d'un liquide séro-sanguinolent, quelquefois gélatineux; sur certains points, formation de fausses membranes aux régions-
où l'épanchement a été plus considérable; pétéchies sur les muqueuses.]
Traitement. — [Si l'animal affecté d'Anasarque subitement développée était d'ailleurs en bon état au moment de l'invasion, on pratique une saignée de 1 à 2 kilos. On répète celte saignée, après un intervalle de quelques heures, si elle a produit un bon effet; on la réitère même le lendemain, quand le mieux se prononce ; mais il ne faut jamais faire de fortes saignées, car on pourrait voir la maladie s'aggraver et l'animal périr. S'il est vieux, usé, qu'il ait été mal nourri, la saignée ne doit pas être employée, et le traitement consiste dans des scarifications pratiquées aux parties déclives, scarifications que l'on peut rendre plus efficaces en les agrandissant au moyen de boutons de feu, pénétrant dans les tissus infiltrés, sur les parties non scarifiées. En même temps, on fait de fréquentes frictions d'essence de térébenthine, deux et même trois fois par jour. On pourrait au besoin recourir à la trachéotomie si l'asphyxie paraissait imminente. On fait avaler des breuvages nitrés, avec toutes les précautions nécessaires pour ne pas avoir à craindre l'asphyxie de l'animal, et l'on administre également des lavements avec l'eau de savon.
[Les breuvages nitrés se composent de la manière suivante :
Décoction de grains de maïs, d'orge ou de seigle. 2 litres.
Nitrate de potasse '" ........................ 35 à 40 grammes.]
ARTICLE III
ÉLÉPHANTIASIS.
On appelle ainsi une maladie des bêtes bovines caractérisée principalement par des engorgements siégeant à la tête; au fanon, sous le ventre et sur les membres. Ces engorgements sont suivis de mortification de la peau, d'induration, de crevasses, donnant à l'animal un aspect hideux.
Cette maladie a été appelée Éléphantiasis en raison des caractères que présentent les engorgements et de l'aspect de la peau. On a pensé qu'elle pouvait être assimilée à l'éléphantiasis de l'homme, c'est-à-dire à une affection caractérisée notamment par un engorgement de la partie inférieure des membres et tel que « le pied gonflé, élargi, recouvert de masses épidermiques et sébacées, parfois d'un jaune luisant, d'autres fois brunâtre par places, calleux ou lisse, parsemé ou non de végétations, d'excoriations
ou d'ulcérations, rappelle la configuration extérieure du pied d'éléphant » (1). — Cette assimilation a été combattue par M. Cadéac qui estime que l'Éléphantiasis des bêtes bovines « caractérise un mode de manifestation de l'anasarque, une complication de cette maladie ». (Revue vétérinaire, 1884.) — Toutefois, comme cette opinion ne modifie point le traitement de la maladie appelée éléphantiasis des bêtes bovines et que ce terme a même l'avantage d'appeler l'attention sur une. complication redoutable de l'anasarque, — en admettant que ces deux maladies n'en forment qu'une, — il nous a paru utile, pratiquement parlant, de les décrire dans deux articles.
Causes. — [Contagion. — Aucun fait ne tend à prouver que cette maladie puisse se transmettre d'un animal à un autre, soit de la même espèce, soit d'espèce différente. Nous avons vu souvent des animaux qui en étaient affectés vivre pendant plusieurs mois, dans une étable commune, au milieu d'autres bœufs restés sains. En 1852, trois superbes bœufs garonnais sont atteints subitement et presque à la même heure de l'Éléphantiasis: ils étaient placés dans différentes loges, parmi cinq autres bœufs soumis au même régime, ayant constamment travaillé ensemble. Le traitement des bœufs malades dura dix à douze jours; leur isolement était presque impossible, et d'ailleurs, comme nous ne croyions pas à la contagion dans cette circonstance, cette mesure ne nous vint pas dans l'idée. Ils guérirent, et aucun symptôme morbide ne se manifesta sur les autres.
[Les bœufs, vaches, taureaux ou génisses sur lesquels s'est, sous des formes diverses, déclaré l'Éléphantiasis, se trouvaient sous l'influence de régimes très variés. Les premiers étaient des animaux de travail et les autres de croit. Généralement ils n'appartenaient pas à cette catégorie d'animaux qui sont presque toujours privés d'une nourriture suffisante, et qui sont condamnés habituellement à faire des travaux au-dessus de leurs forces. Tous ou presque tous se trouvaient chez de petits cultivateurs soigneux ou étaient dans des métairies placées sur les meilleurs fonds. Donc, le régime alimentaire n'y était pour rien.
[Nous n'avons pas remarqué que l'Éléphantiasis se soit développé, comme chez l'homme, à la suite de la cicatrisation d'ulcères variqueux, qu'il ait été précédé de l'oblitération des veines et de l'engorgement des ganglions lymphatiques. Jamais il ne nous a été possible de supposer, avec quelque apparence de raison, que la chaleur, la sécheresse ou l'humidité de l'atmosphère
(1) Dictionnaire usuel des sciences médicales, par A. Dechambre, M, Duval, L. Lereboullet.
aient pu être pour quelque chose dans l'apparition de la maladie, ainsi que la qualité de l'eau servant de boisson et les conditions hygiéniques des étables. Nous en sommes resté aux conjectures suivantes : l'impression subite d'un air froid et vif sur tout le corps de l'animal ou sur une seule partie ; l'immersion dans l'eau froide, suivie du repos complet, pendant que le bœuf était exposé à un courant d'air frais. Comme on le voit, c'est une étiologie bien obscure.]
Symptômes. — [L'Eléphantiasis débute ordinairement de la manière suivante : tristesse bien apparente; diminution de l'appétit; suspension de la rumination ; défaut de pandiculation; hérissement du poil; sécheresse de la peau; sensibilité extrême de la colonne vertébrale; quelquefois à l'origine des poils, apparition de petits boutons qui s'éraillent facilement et sont très. douloureux au toucher. Le mufle est sec ; les naseaux un peu tuméfiés; les paupières couvertes; la conjonctive injectée; les matières fécales sèches, marronnées; les contractions anales lentes et incomplètes; le pouls plein et tumultueux. Ces premiers symptômes ne tardent pas à être accompagnés d'un autre phénomène plus caractéristique : la peau se montre tuméfiée sur une ou plusieurs parties du corps, autour du mufle, sur les paupières, sur les oreilles, au fanon, sous le ventre, au grasset, à la base de la queue, aux membres à partir du genou et du jarret, et audessous, jusqu'aux onglons, quelquefois sur une seule de ces parties, souvent sur plusieurs, éloignées ou rapprochées les unes des autres. Nous n'avons jamais remarqué que la tuméfaction dès ganglions lymphatiques placés extérieurement existât au début de la maladie.
[Ces symptômes caractérisent la période d'invasion ou. l'état aigu; entre cette période et celle qui va suivre, la transition est brusque sur tous les bœufs que la maladie surprend lorsqu'ils semblent jouir de la meilleure santé, qu'ils sont bien nourris.
[Chez ceux qui sont exténués par des privations et un travail excessif, les premiers symptômes sont moins apparents; il faudrait un œil bien plus exercé que celui des conducteurs ordinaires de bestiaux pour en constater l'existence. Dans ce cas, la tuméfaction de la peau est le seul symptôme qui donne l'éveil, et cette tuméfaction n'est ni un œdème ni une anasarque.
[L'écoulement de salive filante et fétide n'est pas non plus un symptôme appartenant à la période d'invasion; il n'a réellement lieu que lorsqu'il existe des ulcérations dans l'intérieur de la bouche ou sur les commissures des lèvres.
[Bientôt, sur les parties affectées, la peau se trouve desséchée; elle est soulevée, crépitante; des crevasses profondes la divisent
en plusieurs sens et en portions d'étendue variable; par ces crevasses, suinte un liquide séreux ou séro-purulent, quelquefois jaunâtre et de consistance oléagineuse, et toujours d'une odeur fétide. Le poil tombe par le plus léger frottement ou s'arrache par touffes, entraînant des bulbes d'un volume exagéré et anormal. A la surface extérieure du cuir, la sensibilité paraît ne plus exister, mais lorsqu'on introduit la pointe d'un bistouri jusqu'au fond des crevasses, le bœuf paraît éprouver une douleur subite très intense, ordinairement accompagnée de soubresauts dans les parties supérieures des membres, à l'épaule, à la cuisse et sur la région lombaire; chaque piqûre provoque des mugissements plaintifs. Le mufle, les oreilles et les paupières ne tardent pas à être le siège des symptômes les plus saillants, même lorsque la tuméfaction de la peau s'est d'abord manifestée isolément au fanon ou aux extrémités. Le bœuf éléphantiaque offre alors un aspect hideux ; aussi nos campagnards désignent-ils la maladie dont il est affecté sous le nom de casque. Les yeux apparaissent comme des crevasses plus grandes que les autres, mais le sens de la vue n'est pas affaibli; le mufle acquiert un volume considérable; les ouvertures nasales sont rétrécies; la respiration est sifflante et pénible. Quand des ulcérations se forment dans l'intérieur des cavités, il y a écoulement par les naseaux d'une matière semblable par l'odeur et par la couleur à celle qui flue des crevasses; les mêmes causes produisent cette salivation filante et fétide dont nous avons déjà parlé.
[Mais ces derniers phénomènes ne sont pas constants, pas plus que le suintement par les crevasses extérieures. Il y a des bœufs chez lesquels on ne remarque ni suintement, ni jetage, ni salivation. A la vérité, cela se présente rarement et est de bon augure. L'engorgement des membres peut être très considérable; ordinairement, il est circonscrit au-dessus des articulations par un énorme bourrelet, et l'origine des onglons est entourée d'une production semblable. Vers la fin de la vie, quelques-uns de ces onglons se détachent même spontanément. De lourde qu'était la marche dans l'invasion, elle devient impossible lorsque toutes les articulations sont renfermées dans cette masse informe, et que les crevasses, qui arrivent directement sur l'articulation, rendent encore les mouvements plus douloureux. Alors, les animaux restent debout tant que leurs forces ne sont pas épuisées par une station prolongée; puis, ils tombent tout d'une pièce, brusquement, en tenant les membres étendus, leur flexion étant impossible. Dans cette chute, la fracture de la cheville osseuse, sur laquelle est implantée la corne, a lieu quelquefois complètement du côté où cet organe a touché la litière ou même le fumier, et
nous avons cru remarquer que cet os avait perdu de sa dureté et de sa densité ordinaires. Un peu moins d'intensité dans ces symptômes, et cet état peut durer longtemps; alors les animaux prennent de temps à autre des aliments en petite quantité; ils boivent souvent; quelques-uns refusent absolument les boissons chargées de farine, et ils emplissent avec avidité leur estomac d'eau pure et même d'eau de fumier; d'autres ne se nourrissent qu'avec un mélange d'eau et de farine. La rumination s'exécute lentement et avec une grande irrégularité, soit que le bol remonte en très petit volume, soit lassitude des mâchoires ou difficulté de les mouvoir. Les matières fécales sont noirâtres, de consistance diarrhéique ou dures et enduites de mucosités.
[L'Éléphantiasis ne se manifeste pas toujours par les mêmes symptômes. Il s'aggrave quelquefois à la suite de véritables accès pendant lesquels on voit se renouveler tous les phénomènes morbides qui ont signalé son invasion : nous l'avons remarqué, d'une manière bien précise, sur deux bœufs. D'autres fois, les symptômes ont une gravité moindre, les ulcérations ne gagnent ni l'intérieur de la bouche ni les cavités nasales, la tuméfaction se borne à un membre, au fanon, à l'épaule ou à toute autre partie, et le trouble des fonctions internes n'a point de durée. Le suintement qui a lieu par les crevasses n'a pas une fétidité extrême, le fond des crevasses n'est pas jaune, lardacé, il est plutôt de couleur rougeâtre. Dans cet état, la maladie peut rester longtemps stationnaire, elle est moins rebelle au traitement, et même on la voit, à la longue, s'amoindrir au point d'approcher de la guérison.
[D'autres fois, la dépilation a lieu insensiblement, et puis on s'aperçoit que la peau est devenue d'une épaisseur quatre ou cinq fois plus considérable que dans l'état normal, que cet organe est d'un brun jaunâtre, rude au toucher, privé presque entièrement de sensibilité, qu'une poussière furfuracée le recouvre. L'épaississement de la peau du front, des paupières et du mufle donne bien au bœuf un aspect étrange, mais non hideux, comme lorsque le cuir est sillonné par de profondes crevasses. Les membres sont empâtés, la marche un peu moins libre que dans les conditions ordinaires; nous avons vu des bœufs faire malgré cela un passable service pendant des années entières, et finir par la phthisie pulmonaire et le marasme.
[Lorsque l'Éléphantiasis n'affecte qu'une portion des téguments, et qu'après la période d'invasion, les symptômes généraux vont en diminuant d'intensité, il arrive assez souvent que la lésion du cuir se borne à la dépilation, à un changement de couleur en brun, à des gerçures peu profondes, à la formation de pellicules furfuracées, et que par la suite la peau finit par récupérer ses
qualités normales; ou bien, si elle est desséchée, divisée par des crevasses son accompagnées d'un suintement séro-purulent, l'enlèvement des portions désorganisées est praticable avec quelques chances de succès.
[Les mouvements fébriles qui se reproduisent de temps en temps après une rémission assez apparente, sont caractérisés par l'accélération du pouls, par la fréquence et par l'irrégularité de la respiration, par la cessation complète de l'appétit et de la rumination, par une soif inextinguible; à la suite de ces mouvements fébriles, les engorgements gagnent en étendue et les crevasses en profondeur.]
Marche. Terminaisons.— [L'Éléphantiasis,débutant rapidement à l'état aigu sur des bœufs non affectés de phthisie pulmonaire, non exténués, non réduits au marasme par la fatigue et par des privations prolongées, est ordinairement curable ; il se termine par la résolution complète du sixième au douzième jour, sans qu'il y ait à craindre de récidive, si le traitement que nous indiquerons plus bas est appliqué avec intelligence, avant le desséchement et le crevassement de la peau. Il faut remarquer néanmoins que les chances de réussite prompte sont d'autant plus nombreuses que la période d'invasion est marquée par des symptômes bien saillants, bien dessinés. Nous n'entrerons dans aucune explication à cet égard, mais c'est un fait acquis que lorsque les symptômes d'invasion sont moins intenses, l'action favorable de la médication est plus lente.
[L'Eléphantiasis, passé à l'état chronique ou ayant débuté sous cette forme, n'est combattu avec succès que par exception. Nous ne pouvons citer que deux exemples de guérison. Les animaux qui.en sont atteints vivraient quelquefois plusieurs années, mais ils seraient, dans les étables, un embarras. Ils mangent peu, ruminent rarement, restent couchés plusieurs jours sans pouvoir se relever, et ils s'affaiblissent graduellement.
[L'Eléphantiasis partiel est susceptible d'une guérison aussi prompte que l'Éléphantiasis aigu.
[L'Eléphantiasis, caractérisé seulement par la chute complète du poil et l'épaississement de la peau, a constamment résisté à tous les moyens employés pour le combattre, mais il n'abrège que lentement l'existence des animaux, qui sout encore susceptibles de rendre des services et même d'arriver à un certain degré d'engraissement; il est vrai qu'ils finissent par la tuberculose.]
JLésiona. — [Les portions mortes du cuir ressemblent à de la corne chauffée fortement ou à de très fort parchemin; une substance lardacée, d'épaisseur très variable, remplace le derme et
les aponévroses ; les muscles amaigris, décolorés adhèrent à ce corps pathologique; nous avons vu des articulations du genou, paraissant complètement soudées par la transformation de toutes les parties en une masse lardacée; les onglons sont quelquefois détachés, et presque toujours la corne est ramollie, spongieuse sur les talons, humectée d'un liquide dont l'odeur se rapprochebeaucoup de celle qu'exhalent les ulcères des pieds, appelés crapaud sur les monodactyles. Des ulcères à bords calleux, couverts de sanie, existent dans les cavités nasales; la cloison est quelquefois perforée par ces ulcères; on en rencontre aussi dans. la bouche, à la base de la langue, aux commissures des lèvres; le cœur n'a point son volume ordinaire, il est mou; la petite quantité de sang que l'on trouve soit dans la veine pulmonaire,, soit dans la veine cave, est de couleur lie de vin ; le sang est grumeleux dans la substance pulmonaire, les ganglions bronchiques et le médiastin; il y a ordinairement un grand nombre de tubercules, de grosseur variable, dont quelques-uns à l'état de suppuration.
[Dans la cavité abdominale, on trouve du liquide épanché en plus ou moins grande quantité; les ganglions mésentériques sont engorgés et tuberculeux en partie ; il y a souvent des taches brunes, vers le pylore et des ulcérations dans l'intestin grêle.
[Nous avons rapporté plus haut deux cas de fracture des cornes, qui semblent annoncer qu'une maladie aussi grave, dont l'action se fait sentir presque dans tous les tissus, peut également produire une altération profonde dans la composition des os; l ankylose même incomplète des articulations du genou, du jarret et du boulet en fournit un autre preuve.]
Traitement. — [En 1829, nous écrivions que l'Éléphantiasis du bœuf était susceptible de guérison dans quelques circonstances rares, et encore les observations de curabilité ne s'appliquaientelles réellement qu'à un petit nombre de cas se rapportant à l'Éléphantiasis partiel, c'est-à-dire n'ayant affecté qu'une portion plus ou moins considérable de l'organe cutané, un ou plusieurs membres, la région lombaire, etc. Quant à l'Éléphantiasis arrivé à la période où le cuir est desséché, divisé à l'infini par des crevasses ulcéreuses, les cavités nasales parsemées d'ulcères, les tissus placés immédiatement au-dessous de la peau, désorganisés, il a été presque toujours rebelle à toute médication.
[Dans ce dernier état, nous avons depuis longtemps renoncé à la saignée, et les onctions adoucissantes, les lotions, les frictions irritantes ou détersives, ont été tour à tour employées avec un égal insuccès. Nous avons administré les excitants diffusibles, les sudorifiques proprement dits, les toniques, les cordiaux, les
spécifiques apéritifs. A l'extérieur, l'onguent populéum camphré, l'huile camphrée, les frictions mercurielles, les lotions aromatiques avec le vin, irritantes avec le vinaigre, détersives avec la mixture de Villate; enfin la cautérisation. A l'intérieur, la décoction de saponaire, de salsepareille, de gayac, de serpentaire de Virginie, de gentiane, de valériane; les opiats soufrés, des boissons nitrées jusqu'à la superpurgation : car le nitrate de potasse produit cet effet sur le bœuf quand on l'administre pendant plusieurs jours, en augmentant la dose de 4 ou 5 grammes par jour, en dissolution dans un liquide mucilagineux, dans la proportion de 4 litres de liquide pour 30 grammes de nitre. Nous nous sommes servi du tartre stibié en lavage, à la dose de 2 à 4 et 6 grammes. Ces diverses médications ont toujours échoué.
[Un petit nombre de fois, dans l'Éléphantiasis partiel, l'enlèvement graduel de la peau désorganisée a été suivi de la guérison; la peau était remplacée par une production épidermoïde, sèche, rugueuse et complètement dépourvue de poil.
[Voilà l'historique très exact du traitement que nous avons employé pour combattre cette terrible lèpre du bœuf à l'état chronique. Ses résultats heureux n'ont été que des exceptions. Aujourd'hui, nous sommes beaucoup plus avancé pour le traitement de l'Éléphantiasis aigu, quand il n'a pas encore dépassé sa période d'invasion, avant la désorganisation du derme, avant la formation des crevasses. Dans ce moment déterminé, nous avons recours à la saignée artérielle, aux boissons nitrées, et surtout aux frictions d'essence de térébenthine pure, répétées souvent dans la journée sur toutes les parties où la tuméfaction de la peau commence à paraître, et après les frictions, aux lotions de même nature, de manière à tenir les parties constamment humectées avec l'essence de térébenthine ; celte saignée, ces boissons, ces frictions, ces lotions, constituent un traitement efficace, au point de provoquer ordinairement la disparition de tous les symptômes, la résolution complète de la maladie, du sixième au dixième ou douzième jour.]
ARTICLE IV
LYMPHANGITE.
[On appelle ainsi l'inflammation des vaisseaux lymphatiques. [Cette affection se manifeste assez fréquemment sur les veaux, les génisses et les taureaux, et sur les vieux bœufs ou les vieilles vaches.]
Causes. — [Le jeune âge ou la vieillesse, une nourriture insuffisante ou composée de fourrages altérés par une cause quelconque, telles sont les causes prédisposantes ordinaires de la lymphangite.
[On compte, dans les causes occasionnelles, tout ce qui peut irriter directement les réseaux lymphatiques placés à la face interne des membres : les coups, les piqûres de l'aiguillon, les contusions sourdes, les écorchures, etc.]
Symptômes. — [Il y a tuméfaction de la région, sur laquelle rampent les vaisseaux lymphatiques, avec infiltration inflammatoire périphérique; la peau est tendue, chaude et douloureuse au toucher; les ganglions lymphatiques placés en avant de l'épaule, au grasset, s'engorgent consécutivement; le membre, siège de la Lymphangite, est très gêné dans ses mouvements et parfois la boiterie est tellement prononcée que la marche de l'animal est très pénible. Quand les symptômes ont atteint ce degré d'intensité, les animaux ne mangent point, ils ne ruminent point; leur pouls est vite, quoiqu'il ne soit pas très fort; ils ont la colonne dorso-lombaire très sensible à la pression.
[L'engorgement, qui a paru d'abord à la face interne des membres, ne tarde pas à s'étendre au fanon, ainsi qu'à toute la région sous-sternale et sub-abdominale lorsqu'il y a tendance à la terminaison par la gangrène, et alors cet engorgement est emphysémateux sur plusieurs points de son étendue.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [L'engorgement se développe lentement, quelquefois même il reste stationnaire, et son apparition est parfois si peu marquée, qu'on est, dans les premiers jours, à chercher la cause de la gêne que l'animal semble éprouver pour fléchir ou étendre les membres. Le point douloureux se reconnaît plutôt à la pression qu'à la vue. Les inflammations du système lymphatique sont toujours plus lentes à se produire que celles des autres tissus.
[La durée de la Lymphangite est en rapport avec celle de son invasion : elle est de plusieurs jours et quelquefois même de plusieurs mois, car cette durée dépend de la terminaison, qui peut être : la résolution ou l'induration.
[La première de ces terminaisons a lieu en une quinzaine de jours; l'induration est très lente à se produire.]
Lésions. - [Le tissu cellulaire sous-cutané est infiltré d'une sérosité roussâtre, onctueuse ; les vaisseaux lymphatiques ont acquis.un volume relativement considérable, ils représentent des nodosités bien caractérisées; les ganglions lymphatiques sont engorgés, durs; ils ont une teinte roussâtre; leur substance crie sous le scalpel ; les muscles sont aussi engorgés, et le plus souvent
infiltrés d'un liquide de la nature de celui qui est épanché dans le tissu cellulaire.]
Diagnostic. Pronostic. — [La tuméfaction douloureuse d'une partie de la face interne des muscles placés sur le trajet des lymphatiques, et la gêne de la marche ou la claudication, indiquent assez quel est le caractère de la maladie; on ne saurait la confondre ni avec la distension et l'engorgement de tissus musculaires ou aponévrotiques, ni avec une inflammation phlegmoneuse ubitement développée.
[Quant au pronostic, il varie suivant l'intensité première de la maladie et suivant la terminaison que les symptômes font prévoir, particulièrement lorsque l'inflammation s'est développée avec lenteur. Si les premiers résultats du traitement sont favorables et qu'ils dénotent une amélioration quelque légère qu'elle soit, on peut ordinairement pronostiquer une terminaison satisfaisante : la résolution.
[Si, au contraire, ces résultats n'accusent pas une modification favorable; si, en un mot, l'inflammation est stationnaire, on doit craindre la terminaison par induration, et le pronostic est, dans ce cas, d'autant plus fâcheux que la claudication est plus intense, car si l'on n'a pas à redouter précisément la mort des animaux, on a tout au moins à craindre pour eux un état de souffrance qui s'opposera à leur engraissement.]
Traitement. — [La saignée est contre-indiquée dans.la Lymphangite. Toutes les fois que je l'ai employée contre cette inflammation, elle m'a paru avoir produit un effet contraire à celui que j'attendais. Les embrocations d'huile camphrée, de pommade camphrée, de populéum laudanisé et camphré, donnent de meilleurs résultats; mais ces moyens n'ont pas. l'efficacité marquée des onctions vésicantes.
[Celles-ci semblent d'abord aggraver les symptômes; sous leur action, l'animal donne des signes d'une anxiété plus vive, son pouls s'accélère et même devient dur, sa respiration s'accélère également; il tient les yeux grands ouverts, son regard témoigne d'une irritation nerveuse extraordinaire: il a toujours l'air de se défendre avec la tête de l'approche de l'homme; mais à cette irriLation ne tarde pas à succèder un calme, un apaisement qui est le signe certain d'une modification favorable opérée dans l'état de l'animal. En effet, les onctions vésicantes ont.produit ou des phlyctènes ou de simples érosions très douloureuses au toucher, et cependant le mufle de l'animal se couvre de rosée. Cet animal témoigne du désir de manger, il rumine, il s'étire même autant que peut le lui permettre la gêne qu'il éprouve au membre malade; et quand ce changement s'est produit, on peut comp-
ter sur la résolution à peu près certaine de la Lymphangite.
[Les embrocations camphrées dont j'ai parlé n'ont pas une action favorable aussi marquée, quoiqu'il soit vrai de dire qu'elles amoindrissent l'intensité des symptômes. Mais ce résultat est rarement suivi de résolution complète de l'inflammation tandis que, dans le plus grand nombre des cas, cette terminaison a lieu par l'influence des onctions vésicantes, du troisième au quatrième jour qui a suivi leur application; les phlyctènes ou les érosions ont formé des croûtes minces ou simplement des pellicules, sous lesquelles on voit l'engorgement des tissus diminuer progressivement, en même temps que la douleur locale et la -claudication.
[Quand on est appelé à traiter la Lymphangite à son début, les frictions d'essence de térébenthine, vigoureusement faites et répétées deux et même trois fois dans la même journée, produisent un effet résolutif très prompt ; elles sont moins efficaces si l'inflammation a déjà acquis une certaine intensité.
[Sur les engorgements indurés, ce sont les frictions avec la pommade d'iodure de potassium iodurée que l'on devra préférer, et l'on administre en même temps l'iode à l'intérieur.
[J'emploie de préférence, pour les onctions vésicantes, l'onguent de Lebas, dont voici la formule :
Onguent vésicatoire 500 grammes. Pommade mercurielle double ............... 200 — Savon vert 125 — 2f Huile de laurier ............................ 160 — Cire jaune .................................. 100 —
Faites fondre la cire et ajoutez successivement les autres substances; mêlez avec soin.
Pommade d'iodure de potassium.
1f Iodure potassique 8 grammes.
Iode 4 — Axonge .................................... 32 —
Préparez d'abord la pommade et ajoutez ensuite l'iode.
[Je double ordinairement la dose de l'iodure et même de l'iode -quand les engorgements sont de date ancienne.
[On administre l'iode à l'intérieur, à la dose de 4 grammes aux bœufs ou vaches de petite taille, et de 6 à 8 grammes aux bœufs ou vaches adultes des fortes races de travail, dans une décoction de gentiane ou de tanaisie. Chaque dose d'iode est donnée dans 2 litres de ce véhicule.
[Sous cette forme, on n'administre l'iode que de deux jours l'un, et quand les animaux en ont pris quatre doses, on laisse un intervalle de six à huit jours, avant de recourir à une nouvelle administration de ce médicament.]
ARTICLE V
LYMPHADÉNIE.
Synonymie : Leucocythémie, Carreau, Scrofules, etc.
Définition. — On désigne sous le nom de Lymphadénie une maladie générale caractérisée par l'hypertrophie des ganglions lymphatiques et de certains organes comme la rate, les plaques de Peyer notamment, avec ou sans augmentation des globules blancs.
Fréquence. —La Lymphadénie a été observée chez les animauxde l'espèce bovine, notamment sur des vaches et des bœufs, et parfois aussi, selon M. GrioleL aîné, sur des veaux de trois à quatre mois. Toutefois, les observations qui ont été publiées sur cette maladie sont encore peu nombreuses, ce qu'il faut attribuer sans doute à ce qu'elle a été méconnue ou décrite sous les noms de carreau, et de scrofules.
Symptômes. — La Lymphadénie peut se présenter sous des formes variées, et il convient d'étudier en premier lieu les symptômes communs à ces diverses modalités, puis ces modalités elles-mêmes.
Suivant M. Griolet, « les mouvements du sujet sont lents, l'œil, est larmoyant, la conjonctive est pâle. Le poil est terne et piqué,. les chairs sont flasques; les maniements, parfois abondamment pourvus de graisse, sont toujours mous ; dans ceux du flanc, de la brague et de l'épaule, il est possible de constater par la palpation que les ganglions lymphatiques ont acquis un volume anormal (1) ». Les symptômes généraux par lesquels la diathèse lymphogène se manifeste sont ceux des affections cachectiques, et au fur et à mesure que cette diathèse fait des progrès, « les malades deviennent de plus en plus faibles; ils ne marchent qu'avec peine, titubant, fléchissant sur le train postérieur, les membres antérieurs écartés, la tête et l'encolure étendue; s'arrêtant après. quelques pas incertains, en proie à une dyspnée intense; ils présentent l'émaciation la plus complète; parfois ils refusent absolument de se mouvoir » (Nocard).
(1 ) Écho des sociétés et associations vétérinaires de France, 1879, p. 15.
Si l'on pratique une petite saignée et que l'on recueille le sang dans une éprouvette de calibre étroit, plongée ensuite dans de l'eau froide, on constate que le caillot blanc forme une colonne beaucoup plus haute que dans l'état physiologique. L'examen microscopique du sang frais permet de se rendre compte approximativement de la proportion relative des globules rouges et des globules blancs. Mais pour établir exactement ce rapport, il faut avoir recours à la numération des globules d'après les procédés de Malassez ou de Hayem. Cette opération est également indispensable lorsque la diathèse lymphogène ne s'accompagne pas de leucocytose et qu'elle consiste en une anémie globulaire comme cela se peut observer.
Modalités. 1° Lymphadénie ganglionnaire. — Dans cette forme de la maladie, on constate une hypertrophie des ganglions lymphatiques sous-cutanés. Ces organes apparaissent sous forme de tumeurs mamelonnées, dures et grosses comme des pommes de terre, qui se montrent dans l'auge, à l'épaule ou au grasset notamment. Il est extrêmement rare que les ganglions extérieurs soient seuls atteints, de telle sorte que quand on constatera les tumeurs sous-cutanées que nous venons de signaler, on devra pratiquer l'exploration rectale afin de s'assurer de l'état des ganglions souslombaires. Par ce moyen, le praticien pourra établir le diagnostic avec toute la certitude désirable. C'est encore à l'exploration rectale qu'il devra avoir recours alors même qu'il existe des troubles fonctionnels de l'appareil respiratoire et de l'appareil circulatoire, tels que : respiration irrégulière, entrecoupée par un soubresaut; essoufflement rapide; toux quinteuse; œdème soussternal; battements du cœur précipités. Ces symptômes, qui procèdent d'une hypertrophie des ganglions bronchiques et de ceux du médiastin, ne peuvent être rationnellement interprétés qu'en les rapprochant des tumeurs lymphatiques extérieures et des données fournies par l'exploration rectale. En pareil cas, il est possible de reconnaître, dans la région sous-lombaire, une masse bosselée produite par l'hypertrophie des ganglions.
2° Lymphadénie splénique, hépatique et rénale. — Ces formes ne peuvent guère être reconnues qu'à l'autopsie. On a bien dit que l'hypertrophie de la rate s'accusait à l'extérieur par une certaine saillie de l'hypochondre gauche, et la matité sur une grande partie de cette région. Mais on conçoit aisément que cessignes ne peuvent être constatés que lorsque la rate acquiert un très grand volume. Et même les signes dont il s'agit ne sont pas toujours apparents, car, chez les ruminants, la rate est située très profondément sous l'hypochondre gauche, de telle sorte que « dans la grande majorité des cas on manque de renseignements objectifs sur l'état
actuel de la rate, et l'on ne peut se baser, pour faire le diagnostic, que sur les symptômes généraux et sur l'état du sang » (Nocard). On ne peut donc que soupçonner cette hypertrophie de la rate; il en est de même de l'infiltration lymphoïde du foie et des reins.
3° Lymphadénie pulmonaire. — Jusqu'à ce jour, nos moyens d'investigation ne nous ont pas permis de la reconnaître sûrement, nous ne pouvons que la soupçonner en tenant compte des modifications des mouvements respiratoires, de la dyspnée et de l'existence de tumeurs ganglionnaires, extérieures ou sous-lombaires. Car la percussion et l'auscultation de la poitrine ne fournissent aucun renseignement précis et utile pour établir le diagnostic.
4° Lymphadénie intestinale. — Elle s'accuse par des troubles digestifs prononcés, mais peu significatifs, en l'absence de tumeurs extérieures ou de tumeurs sous-lombaires. Ainsi, on a constaté parfois une diarrhée rebelle, accompagnée ou non de météorisation. D'ailleurs la météorisation peut être produite par la compression que les ganglions hypertrophiés exercent sur l'œsophage dans son trajet thoracique.
Marche. Durée. Terminaisons. Pronostic. — [Cette maladie parcourt ses périodes très lentement, si les animaux sont placés dans des lieux sains, s'ils vivent sur des coteaux, et si leur régime alimentaire est constamment bon. On rencontre dans les foires des bœufs bien constitués, grands, forts et gras, sur lesquels se remarquent des engorgements ganglionnaires très apparents et que les marchands de bestiaux achètent pour les revendre comme bœufs de travail, ou même pour la boucherie, quand ils espèrent ■en tirer un meilleur parti. Nul doute que si ces bœufs ont cette destination immédiate, ils ne fournissent de la bonne viande; mais s'ils se trouvent employés à des travaux pénibles, et si en même temps ils sont mal nourris, l'affection ne tarde pas à faire -de rapides progrès; d'abord, ils perdent l'appétit, deviennent lents à la marche, sont facilement essoufflés, ils maigrissent à vue d'œil, et le plus souvent ils commencent à tousser; les engorgements ganglionnaires deviennent beaucoup plus apparents, soit qu'ils aient augmenté de volume, soit que la résorption de la graisse qui les recouvrait les ait laissés plus à découvert. La terminaison est le marasme, quand les animaux ne sont pas livrés à la boucherie aussitôt que l'amaigrissement commence; car, dès ce moment, il ne faut plus penser à les engraisser. Le premier engraissement n'a d'ailleurs été ni dispendieux, ni long, parce qu'ils y étaient disposés par leur constitution exceptionnellement lymphatique.
[Quand on a acheté des bestiaux placés dans les conditions de cet embonpoint compliqué d'engorgement ganglionnaire, il faut
leur donner sans retard la seule destination à laquelle ils sont encore propres, c'est-à-dire la boucherie, la maladie dont ils sont affectés étant au-dessus des efforts de l'art.]
Lésions. — Le sang est d'une teinte rosée, analogue à celle du sirop de groseille ou de grenadine étendu d'eau. Les cavités du cœur et les grosses veines renferment des caillots volumineux, divisés en deux parties : l'une, supérieure, d'un blanc grisâtre,, laiteux; l'autre inférieure, rouge violacé.
La rate est hypertrophiée à tel point qu'elle peut acquérir une longueur de om, 7 4 sur Om ,21 de largeur, et 0m,07 d'épaisseur (Siedamgrotzky), et même 1 mètre de longueur, Om, 35 de largeur et om,08 d'épaisseur (Griolet). M. Mauri a vu cet organe « cinq à six fois » plus volumineux qu'à l'état normal (1). « Elle a généralement conservé sa forme, augmentant d'étendue dans tous les sens; parfois, au contraire, elle est farcie de lymphadénomes qui peuvent atteindre les dimensions du poing, la bossellent et lui donnent une forme des plus irrégulières (2). »
Les ganglions lymphatiques, notamment ceux de l'appareil digestif, sont hypertrophiés. L'observation suivante, publiée par Flammens, en 1834, sous le titre de scrofules du bœuf, donne une. idée générale de l'altération dont il s'agit : Dans la cavité abdominale, il existe une infinité d'engorgements ganglionnaires, irrégulièrement arrondis ou ovoïdes, disposés en chapelet et variant en grosseur, depuis celle d'une pomme de terre jusqu'à celle d'un petit melon. Ces masses se trouvaient dans le mésentère, le long de la colonne vertébrale jusque dans le bassin, autour de la vessie et du rectum ; il en existait aussi dans le thorax, entre les lames du médiastin, autour du cœur, des bronches et le long de la trachée jusqu'au larynx ; elles étaient presque toutes formées de ganglions hypertrophiés, qui présentaient, dans leur centre, des ramollissements blanchâtres, homogènes, de nature purulente et d'odeur infecte. Les poumons rapetissés étaient recouverts de tubercules: non ramollis. De toutes ces lésions, les principales, au dire de. Flammens, étaient celles du « mésentère et de la région sous-lombaire. »
Des lésions analogues ont été observées tout récemment par M. Lucet, qui, de plus, y a rencontré un bacille dont les cultures injectées dans le péritoine du lapin et du cobaye déterminent « la mort en trente-six ou quarante-huit heures, avec une péritonite intense, accompagnée de l'hypertrophie de la rate, d'un piqueté hémorragique des reins, d'une arborisation intestinale accentuée,
(1) Revue vétérinaire, novembre 1879, p. 245.
(2) Ed. Nocard, Dictionnaire de méd. et de chirurg. Art. Leucocythémie, p. 559
d'une congestion énorme des ganglions abdominaux et de leur augmentation de volume (1). »
L'examen microscopique de ces tumeurs montre qu'elles ont la même structure que les ganglions lymphatiques. On y trouve ■en effet des amas de globules blancs supportés par un réseau de tissu adénoïde. Pour ce motif, on les désigne sous le nom de lymphadénomes.
Le foie est hypertrophié et comme farci de tumeurs lymphatiques, arrondies, bien délimitées, reconnaissables à leur couleur blanche et à leur homogénéité. Les reins présentent parfois une infiltration diffuse de tissu lymphoïde dans leur intérieur. L'utérus, les ligaments larges et le col de la vessie peuvent être le siège d'une infiltration de mème nature (Siedamgrotzky).
L'intestin peut être également le siège d'altérations très intéressantes qui ont été étudiées chez le chien par M. Nocard.
« Tantôt elles ont pour point de départ les éléments lymphatiques de l'intestin, follicules clos ou plaques de Peyer et présentent alors l'aspect de tumeurs blanches, arrondies ou aplaties, pouvant acquérir les dimensions d'une lentille, d'une noisette, d'une noix, du poing ou de la tête d'un enfant, offrant l'aspect des néoplasies ganglionnaires, et résultant de l'hypertrophie simple de l'organe lymphoïde préexistant; tantôt, au contraire, elles se sont développées dans la couche mince de tissu réticulé sous-muqueux, se traduisent d'abord par un simple épaississement de la muqueuse, qui peut acquérir peu à peu jusqu'à 3 ou 4 centimètres d'épaisseur.
c( Sous ces deux formes, les tumeurs lymphoïdes peuvent respecter la couche musculaire et la couche superficielle de la muqueuse, qui conserve son aspect villeux, ou au contraire envahir toute l'épaisseur du tube digestif, jusqu'à refoulement du péritoine, destruction de la couche glandulaire et de l'épithélium muqueux; dans ce cas, la face libre de la tumeur devient ordinairement le siège d'ulcérations irrégulières, plus ou moins étendues, bourgeonneuses, saignantes et limitées par un bourrelet saillant, arrondi, sur lequel reparaît le velouté de la muqueuse.
« Le microscope montre que la lésion est toujours de même nature, c'est à-dire qu'elle est constituée par un réseau plus ou moins riche de tissu adénoïde, supportant un nombre très considérable de globules lymphatiques ; seulement, tandis que dans un cas la lésion est limitée par la membrane d'enveloppe des follicules, considérablement distendue, dans l'autre elle est comme diffuse à la face profonde des glandes de Lieberkühn, d'où elle s'étend jusqu'au plan musculaire le plus interne; dans les points les plus gravement atteints, la néoplasie s'étend à la couche musculaire qu'elle peut détruire jusqu'à la séreuse, et entre les glandes en tubes qu'elle dissout, qu'elle refoule, qu'elle déforme jusqu'à entière destruction, là où il existe des ulcérations.
cc Toute cette infiltration lymphoïde est traversée par de nombreux vaisseaux capillaires dont la couche adventice sert de point d'insertion aux ramifications du tissu adénoïde ; on peut rencontrer çà et là des foyers hémorragiques plus ou moins anciens et étendus, au centre desquels on retrouve toujours le vaisseau déchiré. Il
(1) Journal de méd. vét., etc.. publié à l'école de Lyon, n° de novembre 1891, p. 581.
En reproduisant ce passage du remarquable travail de notre collègue d'Alfort, nous nous sommes proposé d'appeler l 'attention des praticiens sur des lésions intestinales, qui existent peutêtre chez les animaux de l'espèce bovine, et qui constituent des manifestations très intéressantes de la diathèse lymphogènè.
L'exposé précédent montre, d'nne manière évidente, que la Lymphadénie est une maladie générale. Ajoutons que les chairs sont molles, pâles et souvent infiltrées de sérosité, surtout lorsque la maladie est arrivée à sa période ultime.
Dans tous les cas, et suivant la judicieuse remarque de M. Nocard, la dissémination des lésions se fait par la voie du système lymphatique.
Étiologie. — Nous devons avouer que, sous ce rapport, nos connaissances se réduisent à quelques conjectures. Les observateurs qui ont décrit autrefois le carreau, les scrofules chez le bœuf, c'est-à-dire la maladie que l'on appelle aujourd'hui Lymphadénie, sont portés à penser que cette maladie est héréditaire.
[Cet état morbide se développerait plus facilement sur les bœufs ou les vaches d'un tempérament faible ou qui sont prédisposés aux affections tuberculeuses ; mais il semble qu'il peut se développer sous la seule influence d'un mauvais régime alimentaire. Ici, je dois citer un fait entre tous ceux du même genre que j'ai recueillis pendant ma pratique.
[Après 1830, des forêts domaniales furent vendues avec autorisation de défrichement. Dans un canton du département de Tarnet Garonne, la forêt de Verdun fut défrichée, et sur un domaine de plus de 200 hectares, résultant de ce défrichement, furent placés de vingt à vingt-quatre bœufs de travail. D 'abord, toutes les terres furent ensemencées en avoine, et cette culture y était alors la seule rationnelle. Il fallait, pour obtenir du froment ou des fourrages, épuiser d'abord les sels de potasse qui dominaient dans le sol. Cela réussit; mais les fourrages manquaient totalement, excepté la paille d'avoine.
[On sait que lorsque cette paille a été bien récoltée, les bœufs la mangent avec appétit, et que pendant un certain temps ils paraissent se bien trouver de cette nourriture. Le propriétaire était absent, et le régisseur, voyant que les bœufs paraissaient jouir d'une bonne santé et travaillaient bien, ne voulut pas acheter des fourrages et varier la nourriture de ces animaux : il pensait que la paille d'avoine suffirait.
[Ce régisseur fut remplacé, et le domaine passa en d'autres mains ; la plupart des bœufs achetés primitivement y étaient encore, mais ils étaient bien déformés, et le nouveau propriétaire ne tarda pas à s'apercevoir que presque tous portaient au grasset ou
à l'épaule des tumeurs grosses et dures, comme des pommes de terre. Quatorze de ces bœufs étaient affectés du Carreau (Leucocythémie). On essaya bien de les remettre un peu en chair; ce fut inutile. Cinq à six autres, sur lesquels on ne remarquait point d'engorgements ganglionnaires, purent être un peu engraissés, après avoir consommé en fourrages, en tourteaux ou en farineux, trois fois leur valeur.]
Ce fait méritait sans doute d'être signalé, mais il ne faudrait pas en conclure cependant que la Lymphadénie procède constamment d'une alimentation de cette nature; car, de même que la tuberculose, dont elle se distingue nettement par ses caractères anatomiques et microbiologiques, « elle peut atteindre tous les animaux, quels que soient leur sexe, leur race, leur service ou leur mode d'alimentation » (Nocard). En outre, ce qui différencie encore la Lymphadénie de la tuberculose, ce sont les résultats de l'inoculation au cobaye et au lapin, que nous avons rapportés ci-dessus (p. 388) d'après les recherches de M. Lucet.
Traitement. — Lorsque la Lymphadénie peut être reconnue ou seulement soupçonnée chez des animaux de l'espèce bovine, ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de les préparer pour la boucherie ou bien de les vendre tels quels s'il sont en bon état de chair. Dans ce cas la viande a encore une assez belle apparence et une consistance assez ferme, de telle sorte que l'on peut en tolérer la consommation. Plus tard, lorsque l'amaigrissement se fait remarquer, la viande est molle, pâle, infiltrée et doit être saisie, car elle ne constitue plus qu'un aliment inalibile, et, d'autre part, la généralisation des lymphadénomes est de nature à faire craindre la transmission de cette maladie à l'homme par l'usage de la chair.
ARTICLE VI
FARCIN.
Définition. — On appelle Farcin du bœuf, une maladie microbienne, à marche lente, caractérisée par l'inflammation suppurative des vaisseaux et des lymphatiques superficiels déterminant, à la longue, l'amaigrissement des animaux.
Le microbe générateur de cette affection a été découvert en 1888 par M. Nocard, qui l'a isolé et cultivé à l'état de pureté. Puis, notre collègue a démontré que ce microbe était bien la cause déterminante du farcin, en reproduisant cette maladie chez des vaches et des moutons, par l'injection intra-veineuse d'une culture puro de ce microbe ou du pus.
Fréquence. — On ne peut actuellement se prononcer sur ce -point, car le diagnostic de cette maladie n'est établi avec certitude que par l'examen microscopique du pus recueilli purement au • centre d'un abcès ou d'un pseudo- tubercule. — On peut bien /présumer l'existence de cette maladie d'après ses caractères clitniques et sa marche, mais l'erreur est possible, facile même, suivant nous. C'est ainsi qu'à l'Ecole de Toulouse, nous avons observé une vache que des praticiens déclaraient atteinte de Farcin et qui, -en réalité, était affectée de tuberculose. Aussi déclarons-nous que rien ne prouve que le Farcin soit moins fréquent ou plus rare aujourd'hui qu'autrefois. Nous savons pertinemment, grâce aux (belles recherches de M: Nocard (1), qu'il existe sur les bœufs de la Guadeloupe, et nous supposons qu'il en est de mème en France.
Symptômes. — [Le Farcin du bœuf a son siège ordinaire aux membres et sous le ventre en suivant le trajet des sous-cutanées. Il se présente sous la forme de tumeurs circonscrites et de cordes ; et chez le même animal, lorsque le Farcin existe sur deux memtbres, on remarque parfois les deux formes différentes. Les cordes ou tumeurs (boutons) sont indolentes, quelquefois très dures, d'autres fois légèrement fluctuantes ; on les trouve aux deux faces du canon, à l'avant-bras et à la face interne de la cuisse; elles se dirigent toujours vers les ganglions lymphatiques, qui sont ordi-
nairement engorgés. Lorsque des cordes ou des boutons de farcin
existent au canon ou aux avant-bras, il est rare que les ganglions 'lymphatiques placés en avant de l'épaule ne soient pas plus ou moins engorgés, et il est également rare que des symptômes de f phtisie tuberculeuse ne se manifestent pas lorsqu'il y a du farcin aux membres et que l'engorgement ganglionnaire dont je parle est apparent. On rencontre sur le trajet des cordes des abcès circonscrits qui se dessinent parfaitement, ce qui n'empêche pas que, dans bien des cas, ces cordes soient empâtées et fluctuantes.
[Les abcès farcineux s'ouvrent quelquefois, mais au pli du genou ou du jarret seulement. En incisant les cordes ou les tumeurs, on fait sortir par l'ouverture pratiquée, en comprimant la tumeur ou la corde à sa base, une matière blanchâtre, ressemblant assez à .de la crème épaisse. Cette matière est inodore.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [Le Farcin se développe insensiblement chez le bœuf, et sa durée par conséquent est très longue. J'ai vu des bœufs qui portaient des tumeurs farcineuses -depuis plusieurs années sans que jamais aucun autre symptôme morbide se fût manifesté chez ces animaux. Ils avaient travaillé,
,.(I) Annales de l'Institut Pasteur, n° de juin 1888.
ils s'engraissaient et ils arrivaient à l'abattoir tout aussi bien que, s'ils n'eussent pas été atteints du Farcin.
[Les tumeurs farcineuses ne se terminent point par la résolution chez le bœuf, et la suppuration est un état permanent qui ne se modifie que par l'induration.]
Sur les bœufs de la Guadeloupe, les symptômes sont plus accusés, d'après les observations faites par M. Couzin.
« L'affection semble débuter par l'inflammation d'un ganglion lymphatique, les ganglions brachiaux, préscapulaires, prépectoraux sont les premiers et le plus fréquemment atteints; le ganglion tuméfié, chaud, douloureux, œdémateux, augmente lentement de volume et finit par offrir les caractères d'un abcès froid induré ; la ponction donne issue à un pus épais, crémeux, parfois caséeux et grumeleux. La paroi de l'abcès est extrêmement épaisse (8, 10,12 centimètres), indurée, lardacée, criant sous le tranchant du bistouri, et sa face interné est tomenteuse, douce au toucher, bourgeonneuse. Après la ponction, le sujet semble revenir à la santé; mais à une échéance plus ou moins éloignée, parfois six mois, d'autres tumeurs apparaissent, parcourant les mêmes phases que la première; l'animal meurt dans le marasme.
» Dans toutes les autopsies, on a trouvé les poumons, le foie, la rate et les ganglions farcis de pseudo-tubercules dont la partie centrale avait subi la transformation caséeuse ou purulente, suivant le volume de la tumeur. »
Diagnostic. — L'évolution de la maladie, ses caractères cliniques, permettent d'en soupçonner l'existence; toutefois, pour établir le diagnostic avec précision, il faut examiner au microscope, à un grossissement de 850 diamètres environ, le pus recueilli purement au centre d'un abcès ou d'un pseudo-tubercule.
On colore ce pus par le procédé de Gram-Weigert (1) et l'on voit apparaître « en quantité considérable un fin et long bacille se présentant sous forme de petits amas enchevêtrés d'une façon inextricable, la partie centrale figurant un noyau opaque, d'où rayonnent à la périphérie une myriade de fins prolongements dunt la plupart semblent ramifiés; on dirait une tête de chou-fleur, un fagot épineux ou encore une semence de bardane » (Nocard).
On voit que ce microbe est bien différent de celui de la tuberculose, c'est-à-dire du bacille de Koch, ce qui permet de distinguer ces deux maladies. — Nous ajouterons encore que le microbe du Farcin du bœuf ne s'inocule pas au lapin, tandis que celui de la tuberculose se développe bien chez cet animal.
(1) Voyez Précis de microbie médicale et vétérinaire, par Thoinot et Masselin, p. 147.
Pronostic. — La gravité du Farcin du bœuf est diversement appréciée. Il est des praticiens qui considèrent cette maladie comme incurable; d'autres quiestiment qu'on peut la guérir « au moyen de cautérisations profondes » (Mauri). Quoiqu'il en soit, nous pouvons affirmer, en nous appuyant sur les expériences de Renault et celles de MM. Cadéac et Malet, d'une part, ainsi que sur les recherches de M. Nocard, d'autre part, que le Farcin du bœuf est une maladie essentiellement différente du Farcin du cheval, car cette dernière affection est engendrée par un microbe spécial : le bacille de la morve, qui ne se développe pas chez les bovidés.
Traitement. — [La méthode que j'emploie pour le traitement des boutons et des cordes de Farcin est simple et d'une efficacité qui ne s'est jamais démentie. Elle consiste uniquement dans la cautérisation. Étant donnés des boutons de Farcin, je me munis de deux cautères, l'un à pointe très aiguë, l'autre à pointe en olive. Avec le premier, chauffé à blanc, je transperce la peau et j'arrive au centre de la tumeur, dans laquelle je promène le cautère incandescent. Aussitôt que par l'ouverture pratiquée j'ai fait sortir le pus, si l'intérieur de la tumeur est d'une certaine capacité, je me sers, pour compléter la cautérisation, de mon second cautère à olive. Et c'est tout.
[L'eschare tombe au bout de quelques jours; une plaie de belle couleur occupe la place où était le bouton et la cicatrisation se fait en peu de temps ; la nature fait alors tous les frais de la guérison. Ici, une simple observation : je suis convaincu que toutes les applications cicatrisantes que l'on fait sur les plaies de bonne nature résultant de la chute des eschares produites par la cautérisation ne sont propres qu'à retarder le travail de la nature et de la franche cicatrisation. Tous les soins que l'on se donne à cet effet, dans ces sortes de cas, sont peine perdue. Évitez seulement que les animaux ravivent ces plaies avec leur langue qui est rugueuse; évitez que les mouches s'y reposent et tourmentent les animaux, en recouvrant les parties avec des bandages d'étoupes en forme de guêtres, si ces plaies sont aux extrémités, et aucun soin ne sera nécessaire pour achever la guérison.
[Je cautérise les cordes également avec le cautère en pointe ; mais cette pointe est longue de 6 à 10 centimètres; de telle sorte qu'en le passant dans l'intérieur de la corde, après l'avoir ouverte sur un point à la manière des boutons, je puisse la détruire en entier sans avoir une plaie extérieure de toute cette longueur; seulement, si la corde s'étend sur une surface deux, trois ou quatre fois plus considérable que la longueur de la pointe recourbée du cautère, on devra pratiquer des ouvertures par le feu à une certaine distance les unes des autres, pour ne laisser aucune portion
de la corde de Farcin à cautériser, et pour faciliter la sortie du pus et des débris de l'eschare intérieure.
[Rarement on est obligé d'enlever les tumeurs indurées. Elles n'ont pas en général un volume tel qu'on ne puisse les détruire en entier par le feu en passant plusieurs fois le cautère dans leur intérieur. Il n'y a, dans ce cas, qu'une précaution à prendre, qui est de faire au centre de la tumeur et dans le sens de sa déclivité une ouverture grande proportionnellement à son volume. Les opérations sur les tumeurs indurées ou enkystées faites avec l'instrument tranchant exigent des soins et une surveillance attentive, conditions difficiles à obtenir à la campagne ; et d'ailleurs ces opérations sont toujours d'une réussite douteuse. Si la cautérisation est un moyen efficace, c'est surtout quand on s'en sert avec un peu d'intelligence pour le traitement des maladies de l'espèce bovine.]
LIVRE HUITIÈME
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX
CHAPITRE 1
MALADIES DES CENTRES NERVEUX
ARTICLE 1
CONGESTION CÉRÉBRALE OU CÉRÉBRITE AIGUË.
Synonymie : Encéphalite, Arachnoïdite, Méningite, Phrénésie, Vertige,
Apoplexie incomplète, Coup de sang.
Définition. Fréquence. — [La Congestion cérébrale est un afflux considérable de sang dans le cerveau, congestion qui donne lieu à différents phénomènes morbides. Cette maladie est connue et a été décrite sous des noms assez divers, rappelant plutôt des symptômes qu'une maladie bien nettement caractérisée. C'est pourquoi je conserverai le nom de Congestion qui me semble en donner une idée plus exacte. Les Congestions cérébrales sont fréquentes chez les animaux de l'espèce bovine, chez ceux principalement qui sont employés aux différents travaux de l'agriculture et aux forts charrois.]
Causes. — [Le tempérament essentiellement sanguin de toutes les races élevées pour le travail, plus développé que chez les races spécialement destinées à la boucherie, dont l'origine, le régime alimentaire approprié à la destination, le repos presque absolu dans lequel elles restent, doit nécessairement modifier les prédispositions; l'âge adulte, le sexe mâle, sont les principales causes prédisposantes de la Cérébrite aiguë chez les races tra-
vailleuses. Dans les causes occasionnelles doivent être rangées : les étables basses, mal aérées, où la température est toujours très élevée; une alimentation constamment composée de fourrages très nutritifs, tels que la luzerne, le sainfoin, le trèfle, surtout les vesces; le temps froid et humide, les fortes chaleurs, un travail soutenu sous un soleil ardent ou sous un ciel nuageux fortement chargé d'électricité, l'insolation prolongée, des coups violents portés sur la région frontale ou occipitale, etc., etc.
[La plupart de ces causes peuvent, quand leur action est subite et violente, devenir immédiatement déterminantes.]
Symptômes. — [Le premier symptôme qui se manifeste sur un bœuf frappé d'une Congestion cérébrale est la stupeur, l'immobilité, la fixité du regard, la station incertaine, la diminution de la sensibilité, le trouble de la vue au point que l'on pourrait considérer l'animal comme atteint subitement de cécité. Il a perdu l'appétit, il ne rumine point ; la température de la peau est encore normale ; le pouls bat tumultueusement, les conjonctives sont injectées ; la respiration est lente. Bientôt les symptômes prennent plus de gravité : la marche est chancelante et quelquefois impossible, souvent le bœuf appuie la tête sur les corps placés à sa portée, ou bien il relève la tête en avançant le mufle, et il tourne sur lui-même, d'un côté ou d'un autre. On remarque dans ses membres des tremblements qui ont plus ou moins de durée. Il abaisse une paupière, ou les deux s'écartent en même temps; la pupille est dilatée entièrement ou resserrée. Les yeux sont larmoyants quelquefois, et ordinairement des matières muqueuses et filantes coulent par la bouche et les naseaux. Quand l'animal tourne sur lui-même, c'est constamment du même côté. Parfois il fait entendre des beuglements sourds et plaintifs.
[La peau est devenue sèche, le poil est hérissé le plus souvent et l'artère est tendue ; mais ses battements ne sont plus ni précipités, ni tumultueux comme dans le début. Les cornes sont très chaudes à leur base.
[Il y a des bœufs qui semblent pris d'accès de fureur ; ils courent, se précipitent sur les corps environnants ; et dans leur course ils ont toujours une allure saccadée; ils tombent fréquemment, et, après chaque chute, ou ils se relèvent par un élan furieux ou ils restent à terre immobiles pendant quelques minutes, puis ils sont pris de mouvements convulsifs des membres avec accélération de la respiration; ou bien enfin ils restent dans un état d'immobilité qui ressemblerait à la perte totale du sentiment ou du mouvement, et même à la mort, si l'on ne voyait la respiration, lente et profonde, s'exécuter.
[La colonne dorso-lombaire est dépourvue de sensibilité, comme
les autres parties du corps : il est rare que le bœuf manifeste de la douleur, si on le pique même très fortement avec l'aiguillon, ou si on le frappe avec le fouet.
[Il existe un moyen très énergique pour raviver la sensibilité du bœuf : il consiste à froisser sa queue entre deux bâtons que l'on fait aller vivement de haut en bas de cet organe en le pressant avec force. Ce moyen, je l'ai essayé plusieurs fois chez des bœufs affectés de Congestion cérébrale, tant pour produire une révulsion que pour réveiller leur sensibilité et les mettre en état de se relever, et bien souvent il a été sans résultat, les animaux n'ayant paru éprouver aucune douleur ; ce qui confirme mon affirmation précédente.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [L'invasion est Subite mais la marche, la durée et la terminaison peuvent se rapporter à trois ordres de phénomènes.
[On voit,des Congestions cérébrales sanguines faire périr les animaux en très peu de temps, d'autres qui les tiennent dans un état morbide pendant un espace de temps assez long, et d'autres qui amènent un état chronique d'une durée indéterminée.
[La terminaison est : ou la guérison, ou le passage à l'état chronique, ou la mort, qui survient le premier ou les deux ou trois premiers jours après l'invasion de la maladie.
[Si cette première période s'écoule sans que l'animal succombe, et surtout s'il a conservé un peu de sensibilité qui se manifeste à certains intervalles, par exemple, s'il cherche à prendre des aliments dans les temps de rémission, cela prouve que la lésion produite par la Congestion cérébrale n'est pas immédiatement mortelle et que la maladie prend le caractère de la chronicité, pendant laquelle se produit, soit un épanchement séro-sanguin dans les ventricules, soit le ramollissement de certaines parties du cerveau ou leur induration. On peut observer la maladie sous tous ces états.]
Lésions. — [Quand l'animal succombe à une Congestion cérébrale aiguë, on trouve les lésions suivantes : les membranes cérébrales sont rouges et enflammées, les vaisseaux du cerveau sont injectés; il y a, dans les ventricules, épanchement de sérosité sanguinolente, et la substance du cerveau est piquetée de taches rouges.]
Diagnostic. Pronostic. — [La suspension de la sensibilité, l'irrégularité des mouvements, le trouble de la vue, l'injection des vaisseaux de la'conjonctive, les battements tumultueux de l'artère, accusent nettement la compression du cerveau et de ses dépendances. Lorsque la congestion s'est déclarée subitement chez un animal qui ne se trouvait pas auparavant sous l'action d'un état
morbide, si cet animal n'est pas arrivé à une extrême vieillesse, on peut avoir quelque espoir de guérison, avec l'aide d'un traitement rationnel.
[Si le trouble des fonctions existe depuis quelque temps, le pronostic est plus fâcheux ; et si la Congestion a eu une durée assez longue pour produire des lésions organiques, il faut désespérer de la guérison. Ici, comme dans tous les cas de maladie grave, la justesse du diagnostic fait tout le mérite du pronostic, car si l'on n'établit pas la différence qui existe dans les divers états de la maladie, le pronostic est toujours incertain; et c'est toujours une circonstance fâcheuse quand il s'agit d'une maladie qui affecte un animal dont on peut souvent éviter la perte entière en pronostiquant juste. En effet, il y a beaucoup de bœufs dont on tire bon parti, malgré leur état de maladie quand on sait les faire sacrifier à temps, au lieu de les soumettre à un traitement qui doit être inévitablement sans efficacité.]
Traitement. — [La Congestion cérébrale ou Cérébrite doit être combattue résolument par les saignées générales, si l'on peut les pratiquer avant que la Congestion ait amené des lésions graves. On fait cette saignée à la jugulaire, à la sous-cutanée abdominale et à l'artère coccygienne, mais il m'a toujours paru qu'il y avait dans ces cas moins d'avantage à ouvrir la jugulaire que la sous-cutanée abdominale, quand celle-ci peut donner un jet assez considérable, et moins d'avantage à ouvrir l'une ou l'autre de ces veines que l'artère coccygienne.
[Après la saignée viendront lesaffusions d'eau froide longtemps continuées. Si, après deux ou trois fortes saignées et des affusions froides, il reste encore des signes assez saillants de Congestion, on doit, bien qu'une amélioration considérable se soit produite, agir sur l'intestin par les purgatifs, et sur la peau au moyen de vésicatoires appliqués aux faces de l'encolure. J'ai remarqué que les sétons ou trochisques passés au fanon dans les cas de Cérébrite ne produisaient pas une révulsion aussi active que les vésicatoires, quoiqu'ils eussent donné lieu à des engorgements considérables.
[Quand la première saignée est assez forte, c'est-à-dire quand elle donne au moins de 4 à 5 kilog. de sang par un jet continu, elle est presque sans retard suivie d'une rémission assez apparente. L'animal récupère en partie l'exercice de ses sens; sa vue devient plus sûre; il sent l'aiguillon; sa marche est moins chancelante. Les mouvements convulsifs auxquels il était en proie sont moins fréquents et d'une moindre intensité. Mais cette rémission obtenue, tout n'est pas fini : la saignée doit être pratiquée de nouveau et répétée jusqu'à ce que la sensibilité soit normale
et que la marche soit sûre, que la pandiculation se fasse. Pendant toute la durée du traitement, on administre des breuvages rafraîchissants, et des boissons de même nature pendant la durée de la convalescence.
[Quand la rémission s'est produite, on laisse à l'animal la liberté de prendre quelques aliments. Il ne faut pas que les ruminants soient pendant trop de temps privés de nourriture.
[Après les fortes saignées, surtout dans les cas de Congestion cérébrale, il arrive assez souvent que les animaux ont des syncopes et qu'ils tombent subitement. Il ne faut nullement s'inquiéter de cet accident; au contraire, il est toujours de bon augure.
[Il n'est pas nécessaire que les vésicatoires que l'on applique sur les faces de l'encolure soient activés au point de produire une eschare ; ce serait donner lieu à une complication inutile, qui ne serait pas sans inconvénients. On les applique sur une large surface ; mais il suffit qu'ils produisent une congestion bien caractérisée de la peau. Cependant il importe, parce qu'ils sont en général à base de cantharides, d'y mélanger une petite quantité de camphre, afin d'éviter une inflammation très intense des voies urinaires ou l'avortement. L'addition de camphre aux vésicatoires est presque toujours obligatoire quand on les applique sur de larges surfaces.
[Toutes les fois qu'on veut éviter que le vésicatoire ait une eschare pour résultat, on fait des frictions successives avec un liniment vésicant, afin d'ètre à même d'en surveiller l'action, ce qui ne peut se faire si l'on emploie un onguent; car il est rare qu'avec celui-ci on obtienne une vésication bien caractérisée, par une première application, sur les bêtes bovines, tandis que sur le cheval ou le mulet, une seconde application faite à un jour d'intervalle peut faire dépasser le but.
[Le purgatif à employer pour favoriser la résolution de la Congestion cérébrale est, de préférence, le sulfate de soude ou sel de Glauber. On le donne, dans cette circonstance, à la dose de 250 et même 300 grammes par jour, pendant quatre, cinq ou six jours.
[Dans un cas de Congestion cérébrale dont la résolution n'était pas complète, j'ai constaté que l'infusion d'arnica, administrée deux fois par jour en breuvage, avait produit un excellent résultat. Chaque breuvage était préparé de la manière suivante :
Poudre d'arnica 20 grammes. Eau ............................................. 1 litre.
[Les breuvages rafraîchissants administrés trois ou quatre fois par jour pendant la période aiguë, et les boissons de même nature
continuées pendant la convalescence, produisent toujours un effet défavorable quand ils sont acidulés ou nitrés.
[Il est bon d'ajouter, dans une faible proportion, de l'alcoolatured'arnica à l'eau destinée aux affusions froides. On peut aussi faire des applications de glace; mais il serait peut-être utile de ne point opérer subitement, sans avoir, au préalable, fait des affusions seulement froides.]
ARTICLE II
CÉRÉBRITE CHRONIQUE.
[En décrivant, sous le nom de Congestion cérébrale, l'affectionque les auteurs vétérinaires ont désignée sous le nom d'Encéphalite, je l'ai fait connaître telle que je l'ai observée ; je ferai d& même en ce qui concerne la Cérébrite chronique, que je considère comme une terminaison de la Congestion ou Cérébrite aiguë. Si je lui donne le nom de Cérébrite chronique au lieu de l'appeler Arachnoïdite ou Méningite, c'est qu'il m'a été impossible dans aucun cas d'assigner la part morbide qui appartient soit au cerveau, soit aux membranes dont il est recouvert et enveloppé.]
Définition. Fréquence. — [La Cérébrite chronique est caractérisée par l'obtusion des sens et par l'aberration des mouvements,. et elle résulte toujours de lésions organiques, telles que le ramollissement, l'induration ou la suppuration.
[Cette maladie est connue des Méridionaux sous le nom de la falourdo; le bœuf qui en est atteint est appelé Falourd, Bezi, Tourneur,']
Causes. — [Il n'en existe qu'une seule : la Congestion sanguine. J'admets que la Cérébrite chronique puisse se manifester après que des coups violents ont été portés sur la tète de l'animal ; mais la commotion a produit d'abord un état inflammatoire qui s'est terminé insensiblement par des lésions de la Cérébrite chronique.
[Les chocs violents sont des causes de cette affection, aussi bien que les congestions cérébrales provenant d'un état pléthorique du système circulatoire. Ce qui semble confirmer cette opinion, c'est que l'on voit des bœufs, momentanément étourdis par des coups ' portés sur la tête, chez lesquels se manifestent d'abord tous les symptômes de la Congestion, et qui, sans avoir été soumis à aucun autre traitement qu'à des affusions d'eau froide, se sont rétablis après avoir paru affectés de paralysie momentanée, et d'autres, qui paraissaient devoir en être quittes pour un étourdissement de quelques instants, ont présenté cependant un peu plus tard tous les signes de la maladie.
[Il y avait dans une métairie un maître valet, qui était très brutal de son naturel, et cet homme, qui maltraitait souvent les bœufs qu'il avait à conduire, avait l'habitude de les frapper sur la tête. Ce fut dans la métairie où il était que j'observai pour la première fois la Cérébrite chronique sur un bœuf qui fut sacrifié. Six mois après, un autre bœuf, le compagnon du premier, se trouva affecté de la même maladie. Je ne croyais pas à la contagion, et je me trouvais fort en peine pour assigner une cause à une affection qui, dans un court espace de temps, se reproduisait dans la même étable.
[Vaguement je pressentais que des coups violents avaient dû produire ce résultat, et en explorant avec soin la périphérie de la tête du bœuf, je découvris à la région occipitale, un peu en arrière des cornes, une exostose de forme longitudinale. La cause était trouvée ; et bientôt j'appris, par les confidences d'un domestique, d'où provenait celte exostose : quand les bœufs, effarouchés par les mauvais traitements auxquels ils étaient en butte tous les jours, s'échappaient trop vivement du joug au moment où ils se sentaient libres, le maître valet, tenant encore ce joug entre les mains, leur assénait un coup violent sur la tête, et il était arrivé quelquefois qu'ils étaient tombés sous ce coup.]
Symptômes. — [Les symptômes de la Cérébrite chronique se manifestent lentement et progressivement. L'animal tient la tête penchée d'un côté ou d'un autre de temps en temps, ou appuyée contre les corps qui sont à sa portée; il a les yeux saillants, les paupières à demi closes ou grandes ouvertes, la conjonctive injectée, les cornes très chaudes, et souvent il s'écoule par les naseaux des mucosités filantes.
[Le bœuf mange encore, mais il prend le fourrage avec une précaution caractéristique, si ce fourrage est dans le râtelier. On sait que lorsque le bœuf est de bon appétit, il le prend vivement, et que pour en faire suivre une grande bouchée, il donne une secousse aussitôt qu'il l'a saisi. S'il souffre de la tête, on le voit passer sa langue avec précaution entre les barreaux du râtelier et ne pas opérer la traction par secousses. Quand il mange, c'est avec lenteur, et quelquefois il s'arrête, tenant la tête fixe, penchée ou non, comme s'il écoutait pour distinguer un bruit insolite; il rumine aussi lentement, et sa mastication est fréquemment interrompue. S'il est au pacage, il abaisse difficilement la tête et il prend peu d'herbe; l'action de pacager paraît lui être particulièrement pénible. Ce qu'il prend avec le plus de facilité, ce sont les feuilles d'arbres qu'il trouve à sa portée, à hauteur de tête.
[Quand il est en liberté et placé sur ses membres, il reste immobile, le corps légèrement ployé du côté où il penche la tête. Sa
marche est lente, chancelante ou saccadée; il tient toujours l'encolure fixe, il supporte la piqûre des mouches sans trop s'en tourmenter, et s'il les chasse, c'est par un mouvement de queue qui ne se propage pas au reste du corps. En l'observant bien dans toutes ses attitudes, on remarque facilement qu'il se prive de tous les mouvements qui peuvent imprimer une secousse à la tête.
[Cet état peut durer des mois entiers, mais la maigreur fait des progrès, le poil se pique, la peau devient sèche comme du parchemin, l'animal urine fréquemment et peu à la fois.
[L'aggravation des symptômes se manifeste souvent par le tournis, d'abord de courte durée, et puis d'une durée plus longue si l'animal est en liberté; mais s'il est attaché et dans l'impossibilité, de tourner, il tire sur son lien en se penchant de côté.
[Ce deuxième état est bientôt suivi d'un troisième, pendant lequel le bœuf pousse au mur, à la mangeoire ou au râtelier, avec une violence inouïe, en se cramponnant au sol de ses quatre membres avec une ténacité convulsive incroyable. On remarque, dans la manifestation des symptômes, des temps de rémission bien marqués, d'une durée variable, rémission toujours suivie d'accès violents pendant lesquels l'animal marche à l'aventure, s'il est libre, en se heurtant contre tous les corps qu'il rencontre, contre des murs, des arbres, se précipitant dans les mares, et finit par tomber en éprouvant des convulsions pendant lesquelles ses membres sont dans une agitation continuelle. Après les accès, survient un temps d'immobilité complète, bientôt suivi d'un autre accès.
[Arrivé à cette période extrême de la maladie, le bœuf ne prend plus que rarement quelques brins de fourrage qu'il mâchonne par boutades et qu'il avale avec une très grande peine; il boit très difficilement; il maigrit à vue d'œil, il est atteint d'hémiplégie ordinairement; il se couche ou il tombe, pour expirer, après avoir éprouvé des convulsions qui ont duré pendant plusieurs heures sans aucune rémission.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [Marche lente; on voit des bœufs vivre pendant six mois après l'apparition des premiers symptômes : presque tous ceux que j'ai vus atteints de la Cérébrile chronique, auraient peut-être résisté aussi longtemps, si on ne les avait abattus. La terminaison inévitable est la mort.
Diagnostic. Pronostic. —[Les symptômes de la Cérébrite chronique sont très saillants : vertige, convulsions, perte des sens,, accès, assoupissement, fureur, perte de la vue, sans autre lésion apparente des yeux que l'amaurose. Dans le coryza gangreneux, la cécité résulte du trouble de l'humeur aqueuse, de l'épaississement de la cornée lucide, lui donnant une couleur blanchâtre, de l'ulcération de la cornée; il n'y a pas à se méprendre, et c'est
un point bien essentiel : tous les symptômes ont de la durée, et cette durée même est un élément précieux pour le diagnostic. Dans la Congestion cérébrale aiguë, les mêmes symptômes peuvent se produire; la compression de l'appareil encéphalique a les mêmes conséquences temporairement, avec cette différence cependant, que ces symptômes perdent de l'intensité sous l'influence du traitement quand ils sont la manifestation d'une encéphalite aiguë, tandis qu'ils sont stationnaires ou qu'ils vont toujours en s'aggravant si la Cérébrite est chronique, parce que dans ce cas les lésions sont profondes, permanentes, et qu'elles ne peuvent qu'aller en augmentant; voilà pour le diagnostic. Quant au pronostic, il est invariablement funeste.]
Traitement. — [J'ai inutilement essayé de la cautérisation. li n'y a que les médecins de l'homme qui puissent, avec quelque apparence de raison, entreprendre la guérison des maladies de cette nature, ne serait-ce que pour entretenir l'illusion des malades. Chez les animaux, la question économique devant prédominer, le mieux est de se défaire promptement des sujets atteints.]
ARTICLE III
TOURNIS.
Synonymie : Avertin, Tournoiement, Lourd, Lourderie, Vertige, etc.
Définition. — Le Tournis est une maladie déterminée par le développement d'un ver vésiculaire dans le cerveau. Le ver dont il s'agit est le Cœnure cérébral (Cœnurus cerebralis) ; c'est un ver cystique polycéphale, renfermant un certain nombre de scolex ou larves du Tsenia cœnUTUS, qui vit dans l'intestin du chien. Le nom de Tournis a été donné à cette maladie en raison de l'un de ses symptômes les plus remarquables. C'est la maladie du Cœnure, de même que ladistomatose est la maladie du Distome.
Cette affection, qui n'est pas rare chez le mouton, s'observe parfois chez le bœuf.
Symptômes. — Ils varient suivant le siège ou le volume de la vésicule, suivant qu'il y en a une seule ou plusieurs, et suivant la période à laquelle la maladie est parvenue.
[Dans les premiers temps de la maladie, c'est-à-dire avant que le Cœnure soit assez développé pour comprimer le cerveau et gêner ses fonctions, l'animal ne tourne pas; il est triste, marche avec nonchalance, a peu d'appétit; il rumine rarement et avec lenteur; il a les yeux ternes et tient quelquefois la tête penchée. Mais si
l'on constate que l'animal n'est pas dans un état de santé parfaite, on ne peut pas encore diagnostiquer la présence d'un Cœnure dans le cerveau.
[Quand le Cœnure est développé, le bœuf décrit d'abord un grand cercle et il ne fait qu'un petit nombre de tours. A mesure que la maladie progresse, on peut dire que la compression du cerveau devient plus forte, le cercle décrit par l'animal se fait plus petit et le nombre de tours de plus en plus considérable. Quand le Tournis est arrivé à sa dernière période, on ne compte plus que cinq ou six tours pendant la durée de chaque attaque, après, laquelle l'animal s'arrête, écarte les membres, se balance avant de tomber, et, aussitôt après sa chute, agite et roidit ses membres convulsivement.
[Mais il y a aussi quelques circonstances où l'animal tourne constamment et penche autant la tête en avant que de côté; dans ces conditions, le Cœnure se trouve toujours très près du plan médian du crâne. On voit encore, mais rarement, des bêtes bovines qui, après avoir tourné d'un côté pendant plusieurs jours ou même plusieurs semaines, restent quelques jours sans décrire des cercles et tournent ensuite du côté opposé. Il y en a aussi qui tournent à droite ou à gauche indistinctement; enfin, il est certains sujets qui ne tournent pas du tout.
[Abandonné en toute liberté dans un pâturage, l'animal malade suit à peine le troupeau, penche toujours la tête, paît avec nonchalance et ne choisit pas l'herbe. Lorsqu'il se trouve près d'une haie placée du côté où il tourne, il va lentement jusqu'au bout de cette haie, et s'il rencontre là un angle rentrant, comme il ne peut ni aller en avant, ni tourner, il s'arrête et reste quelquefois plusieurs minutes sans bouger; si un fossé se trouve sous ses pas, il y tombe et il a souvent beaucoup de peine à en sortir. Quand il rentre à l'étable, il prend rarement sa place, surtout lorsque pour s'y rendre il a besoin de tourner dans un sens différent de celui qui lui est accoutumé. Cette même aberration, qu'on remarque dans le mouvement, dans le sens du goût et dans celui de l'odorat, existe également dans la faculté visuelle, qui, diminuée dans l'œil du côté non malade, est souvent abolie du côté affecté, surtout lorsque la maladie est fort avancée.
[A cette époque du Tournis, c'est-à-dire quand il date de cinq à six semaines, l'animal devient très faible, peut à peine se tenir -sur ses membres, pousse sur la crèche avec la tête ou le poitrail, et mange beaucoup moins qu'à son ordinaire ; si on le fait sortir, il chancelle et tout le corps est penché du côté affecté.
[La percussion du crâne et la compression exercée sur les parois de cette cavité ne fournissent ordinairement que peu d'in-
dices sur le siège précis du Cœnure pendant les deux premiers degrés du Tournis ; mais plus tard on remarque une sensibilité souvent très grande des parois crâniennes du côté malade, un son plus mat que du côté opposé, et enfin quelquefois de la flexibilité sur un point. Cependant ces deux derniers signes sont fort obscurs chez les taureaux et les génisses de deux ans et au-dessus, à cause de l'épaisseur de la peau du crâne et de la quantité de poils touffus qui la recouvrent. La percussion des cornes ne fournit également que des signes fort incertains.
[A une période plus avancée, l'animal, s'il est abandonné à luimême, devient tout à fait paralysé du côté affecté. Il reste constamment couché sur ce côté ; il est comme fixé au soi par la contraction des muscles du côté opposé, ce qui fait qu'il lui faut un certain effort pour relever la tête; la vue s'éteint, ainsi que les autres sens, et l'animal meurt.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [La marche du Tournis est très lente chez les bêtes bovines ; sa durée est longue. J'ai vu une génisse qui a vécu six mois depuis l'apparition des premiers symptômes; mais cette durée doit varier suivant le nombre des hydatides, la partie de l'encéphale qu'ils occupent et l'état des animaux au moment où ils ont été atteints.]
Lésions. — A l'ouverture du crâne des taureaux ou génisses morts par suite du Tournis, on trouve un ou plusieurs Cœnures logés, tantôt à la surface antérieure des hémisphères, tantôt dans l'un des grands ventricules, tantôt enfin entre les deux lobes cérébraux.
Considéré isolément, le Cœnure représen te une vésicule de forme variable, ordinairement globuleuse, atteignant jusqu'à la grosseur d'un œuf de poule et même d'une orange, contenant un liquide limpide. Cette vésicule, dont les parois sont très minces et constituées par un seul feuillet, offre à sa surface de petites taches blanches, comparables à des grains de semoule, faisant saillie à la face interne de la vésicule. Ces corps blanchâtres, qui peuvent acquérir de 4 à 5 millimètres de longueur, ne sont autre chose que les larves ou scolex du Tœnia cœnul'US qui vit dans l'intestin du chien, comme le prouvent diverses expériences dont nous parlerons plus loin.
Au fur et à mesure que la vésicule du Cœnure se développe, elle refoule peu à peu la substance du cerveau tout en comprimant les parois du crâne, qui, sous l'influence de cette pression incessante, se bombent peu à peu et s'amincissent graduellement. Le Cœnure fait donc en quelque sorte sa place dans le cerveau, par suite de l'accumulation progressive de liquide dans la vésicule, de telle sorte qu'il peut arriver que la substance nerveuse soit réduite
à l'épaisseur d'nne feuille de papier. Lorsqu'il existe plusieurs Cœnures, leur grosseur varie depuis le volume d'une petite noix jusqu'à celui d'un œuf de poule.
La dure-mère est amincie ou détruite au niveau de ces hydatides, et les parois du crâne sont également. plus ou moins amincies, suivant la période du mal et la position des vésicules. Lorsque celles-ci sont placées très près du frontal, l'amincissement s'accomplit d'une manière très rapide, surtout chez les veaux et génisses de six mois à un an, âge auquel il n'y a pas encore de sinus frontaux ; on trouve alors l'os bombé très flexible, transparent et réduit à l'épaisseur d'une feuille de papier. Chez les bêtes âgées de deux ans et au-dessus, la table interne de l'os, devenue très flexible, se bombe en avant, se rapproche de la table externe, -en envahissant l'espace formé par les sinus, et finit par adhérer à la table externe, qui, elle-mème, s'amincit, au point de fléchir sous le doigt.
Diagnostic. — [Pour distinguer le Tournis résultant de la cérébrite chronique du Tournis occasionné par la présence du Cœnure cérébral dans le cerveau, il faut apporter une grande attention. On doit rechercher avec le plus grand soin si, avant le tournoiement, il n'y a pas eu de symptôme de congestion cérébrale, si les animaux n'ont point l'habitude de lutter étant en liberté, s'ils n'ont pas reçu de coup sur la région occipitale, et s'assurer qu'il n'existe sur le crâne aucune cicatrice, aucune trace de contusion. Toutefois, il est un signe pathognomonique dans le cas de Tournis, signe que l'on n'observe jamais quand le tournoiement est occasionné par une autre lésion organique du cerveau : c'est la flexibilité sur un point de l'os frontal.]
Nature et Étiologie. — Les opinions les plus variées ont été émises sur la nature du Tournis : les uns l'ont considéré comme une apoplexie séreuse, comme une hydropisie des ventricules, un engorgement séreux du cerveau, et le Cœnure comme un kyste; les autres ont invoqué le régime, le chaud, le froid, etc. Mais le Tournis apparaît dans des conditions très diverses, dans les éLables comme aux champs, sur les montagnes comme dans les vallées, dans toutes les saisons, dans toutes les contrées. Toutes ces causes sont donc hypothétiques. Mais il en est une dont le rôle a été nettement démontré par des recherches expérimentales et qui, à elle seule, détermine l'apparition de la maladie : c'est l'ingestion d'aliments, liquides ou solides, dans lesquels se trouvent des œufs du Tsenia cœnurus.
Or, ce ver habite l'intestin du chien, dans lequel il peut atteindre plus d'un mètre de longueur. Il se compose d'un grand nombre d'anneaux dont les plus anciens, c'est-à-dire ceux qui sont le plus
-éloignés de la tête, renferment une très grande quantité d'œufs mûrs ou fécondés. Ces anneaux, connus sous le nom de progloliis, sont rejetés avec les excréments du chien qui héberge l'helminthe •dont il s'agit, et les œufs qu'ils renferment sont dispersés ainsi sur l'herbe des pâturages, sur les fourrages ou bien encore ils sont entraînés par les pluies jusque dans les eaux où doivent s'abreuver les bêtes bovines. Une fois introduits dans l'économie, ces œufs éclosent et il en sort un embryon hexacanthe, qui donne naissance à une vésicule d'abord microscopique qui progresse à travers les tissus, arrive ainsi dans le cerveau, et augmente peu à peu de volume, au point d'acquérir, au bout de vingt-quatre jours environ, d'après les expériences de M. C. Baillet, la grosseur d'un pois; plus tard, vers le quarantième jour, elle approche du volume d'une cerise, et à ce moment il existe déjà sur les parois de la vésicule des points blanchâtres, qui annoncent la formation des -scolex du Tsenia cœnu?'us. Tous ces faits ont été mis en pleine 'lumière par les recherches de Kuchenmeister, de Van Beneden, de M. C. Baillet, etc.
Une expérience faite sur un veau mérite d'être mentionnée ici. M. Baillet a administré à cet animal des proglottis de Tænia cœnurus, et, moins d'un mois après le début de cette expérience, le sujet ayant succombé, on trouva dans l'encéphale des vésicules hydatiques en voie de développement et d'un volume variable depuis .la grosseur d'un pois jusqu'à celle d'une cerise. A la surface du -cerveau, on remarquait des sillons d'un jaune pâle qui paraissaient indiquer le passage des embryons. Quoi qu'il en soit, de ses nombreuses expériences le savant directeur honoraire de l'Ecole vété,rinaire de Toulouse conclut « que les œufs du Tænia cœnw'us, qui produisent le Cœnure du mouton, peuvent aussi faire naître les 'Cœnures de la chèvre et du bœuf, et que, par conséquent, ces trois vers hydatiques, malgré qu'ils résident chez trois mammifères d'espèces différentes, doivent être considérés comme appartenant à une seule espèce zoologique (1). »
11 est donc démontré que l'ingestion des œufs du Txnia cœnw'us détermine le Tournis chez les bêtes bovines; de même que l'ingestion des scolex du CœnuJ'us cerebralis détermine chez le chien la formation du Tænia cœnurus.
Ces données, qui sont aujourd'hui incontestables, servent de bases à la prophylaxie du Tournis. Il est prouvé, en effet, que les chiens s'infectent en mangeant le cerveau d'un mouton ou d'un bœuf atteint de Tournis. Une fois infectés, ces animaux sèment avec leurs excréments les germes de cette dangereuse maladie, et
(1) Journal des vétérznaires du Midi, 1859, p. 349.
cela jusqu'à ce qu'ils aient été entièrement débarrassés de l'helminthe qu'ils hébergent. C'est ainsi que M. Baillet rapporte qu'une chienne qui avait pris une portion de Cœnure rendit presque chaque semaine, et cela pendant deux ans et demi, desproglottis contenant des œufs mûrs, qui ont été utilisés avec succès pour provoquer expérimentalement l'apparition du Tournis chez des ruminants.
Pronostic. — Le Tournis est une maladie très grave, que l'on peut prévenir à coup sûr en s'inspirant des données qui résultent des recherches des naturalistes, mais qu'il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de combattre avec succès quand l'on peut en établir le diagnostic avec certitude. Il est généralement plus avantageux de vendre l'animal pour la boucherie que de pratiquer l'opération du Tournis, décrite ci-après.
Remarquons ici que le Tournis n'est point, comme on l'a avancé autrefois, une maladie héréditaire. Nos connaissances en helminthologie démontrent que cette opinion est erronée.
Traitement. — Il est préservatif ou curatif.
1° Traitement préservatif. — Le Cœnure, c'est-à-dire la cause déterminante du Tournis, n'étant autre chose que la larve d'un ténia de l'espèce canine, il faut prévenir le développement de ce ténia chez le chien, en évitant soigneusement de donner à cet animal, comme on a encore trop de tendance à le faire dans les campagnes, la tête ou le cerveau d'un bœuf ou d'un mouton, mort du Tournis ou sacrifié pendant le cours de cette maladie. Si cette précaution était bien observée, si l'on avait toujours le soin d'enfouir profondément la tête des bêtes atteintes de Tournis, ou bien de la détruire par le feu, il est certain que la maladie dont il s'agit disparaitrait complètement.
Si l'on constate que les chiens de la ferme dans laquelle se trouvent les bêtes malades, ou même ceux du voisinage, expulsent des proglottis, il faudra leur administrer un vermifuge, de manière à les débarrasser le plus tôt possible du ténia. On doit encore agir de la même manière dès qu'on soupçonne que les chiens ont pu s'infecter.
On ne saurait trop faire remarquer que si l'on se conformait bien à ces prescriptions, le Tournis, qui détermine parfois une mortalité assez forte chez les jeunes animaux de l'espèce bovine, n'existerait bientôt plus qu'à l'état de souvenir.
2° Traitement curatif. — Il offre beaucoup moins d'importance que le précédent et il consiste dans l'opération dite du Tournis, c'est-à-dire la trépanation du crâne pour extraire le Cœnure. On conçoit qu'avant d'opérer il faut établir, avec autant de précision que possible, le siège du Cœnure.
Lorsque le frontal est soulevé et aminci par le liquide contenu
dans la vésicule, et qu'une sorte de fluctuation existe dans le point correspondant à l'hydatide, il est clair que l'on peut opérer avec une entière certitude, et extraire le Cœnure sans difficultés. Mais il en est autrement, quand il n'existe aucune déformation de la voûte crânienne. Alors, il faut se guider sur la manière dont l'animal tourne.
« Lorsqu'on voit l'animal tourner toujours court, et du même côté, pencher beaucoup la tête, la porter un peu allongée, perdre promptement la vue du côté où il tourne, il y a tout lieu de supposer que le Cœnure se trouve tout à fait sur le côté du lobe cérébral et au niveau à peu près de la scissure sourcilière du frontal. Plus le tournoiement sera long, plus l'hydatide se rapprochera de la ligne médiane, et quand ce mouvement aura lieu à droite et à gauche indistinctement, le ver sera presque, sinon tout à fait, dans la scissure interlobaire (1). »
Plusieurs procédés ont été proposés pour pratiquer l'opération du Tournis. Nous nous contenterons de décrire celui qui a été conseillé par Maillet, d'Alfort.
[Lorsque, par la diète, on a préparé l'animal à l'opération, on J'abat sur le côté malade, après avoir fait un épais lit de paille dans un endroit à l'abri du vent. Deux aides sont placés un de chaque côté de la tête, afin de saisir fortement les cornes et d'empêcher l'animal de se livrer à des mouvements violents; un autre aide tient le lacs; un quatrième est chargé de donner à l'opérateur les instruments et les objets de pansement dont il a besoin. Les instruments sont des bistouris, des ciseaux, des pinces, une rugine, une vrille de la grosseur du doigt, et quatre ou cinq plumes dentelées ayant le bout pointu et les dents très aiguës, tournées vers les barbes, de manière à représenter autant de crochets dirigés dans le même sens. L'appareil de pansement comprend un emplâtre de poix noire, plus large de moitié que la plaie que l'on veut faire à la peau, de larges plumasseaux, une enveloppe de la tête, des ficelles, etc. Il faut, en outre, un réchaud pour faire chauffer l'emplâtre au moment de l'appliquer.
[On coupe les poils très ras, puis l'on fait à la peau une incision cruciale ou parabolique, et, dans ce dernier cas, ayant sa base tournée vers les cornes, auxquelles on peut fixer aisément le lambeau à J'aide d'une aiguillée de fil. La surface de l'os mise à nu doit avoir, dans tous les cas, de 50 à 60 millimètres de diamètre. On saisit le lambeau avec une pince et on le détache du frontal, avec la précaution non seulement d'enlever, en même temps que la peau, toutes les parties molles qui la séparent de
(1) J. Gourdon, Éléments de chirurgie vétérinaire, t. II, p. 684.
l'os, mais encore de ne point couper l'artère soùrcilière, ou, si l'on venait à la léser, d'en faire la ligature, ou de la tordre, ce qui vaut mieux. Le lambeau étant détaché jusqu'à sa base, on le fixe aux cornes; on étanche le sang et on détache le périoste en ruginant l'os.
[C'est à ce moment surtout qu'il importe d'examiner l'état du frontal, afin de s'assurer qu'il n'y a point de fissure, de matilé, de flexibilité, de bombement. Dans le cas le plus embarrassant de tous, celui où rien n'indique l'endroit sur lequel doit être appliqué l'instrument perforateur, on se guide d'après les indices qui ont été fournis par le tournoiement, c'est-à-dire qu'on applique la vrille d'autant plus près de la scissure sourcilière et d'autant plus haut, que l'animal tourne plus court et allonge davantage la tête. Une fois qu'on est fixé sur le point réputé le plus au niveau de l'hydatide, on y applique la vrille et, par une succession de tours, on perce la première table de l'os, on pénètre dans le sinus, s'il existe; puis on perfore la seconde table. Ce travail terminé, on nettoie les bords du trou, et l'on introduit les plumes l'une après l'autre. L'incision de la dure-mère, dit Maillet, n'est indiquée qu'autant que cette membrane conserve encore son adhérence, sinon en totalité, du moins en grande partie, et surtout qu'elle est séparée de la poche par une lame assez épaisse de la substance cérébrale. Dans toute autre circonstance, la dure-mère, étant appliquée fixement contre la table interne du frontal, se trouve amincie et comme usée par la compression qu'elle éprouve de la part de la vésicule ; de telle sorte que si la vrille n'en éraille pas assez les fibres pour les désunir, la pointe aiguë du bout des plumes suffit presque toujours pour produire cet effet. Ainsi, après l'introduction de celle-ci, et en cherchant çà et là dans la cavité crânienne, mais avec beaucoup de précaution, on finit ordinairement par accrocher les parois de l'hydatide et par l'attirer vers l'ouverture.
[Aussitôt qu'on les tient, on exécute avec la plume des mouvements combinés de rotation et de légère traction, qui ont pour effet d'enrouler cette membrane autour de la plume et de la fixer par une grande quantité de dentelures. Cette précaution a beaucoup d'importance, dit Maillet, car si la poche venait à échapper à l'opérateur, comme elle n'est plus distendue par la sérosité qu'elle contenait, puisque celle-ci s'écoule dès qu'il y a lésion de la membrane, il deviendrait très difficile de l'accrocher une seconde fois, et surtout de l'enlever en entier, ce qui est une condition indispensable pour réussir complètement. Voilà pourquoi il est nécessaire d'enrouler plusieurs plumes l'une après l'autre, afin de prévenir le déchirement.
[La poche étant enlevée, on penche la tête de l'animal pour faire sortir la sérosité contenue dans le crâne; puis on introduit doucement une plume, afin de s'assurer qu'il n'existe pas d'autres vésicules; mais lorsqu'il y en a plusieurs, celles qui sont restées dans le crâne se rapprochent le plus ordinairement du trou de l'os aussitôt que le liquide de la première est évacué.
[Quand on opère à une époque avancée de la maladie, dans un temps où l'os est devenu flexible et bombé sur un point de son étendue, c'est en cet endroit qu'il faut appliquer la vrille, et si l'amincissement était trop considérable, on aurait recours à la feuille de sauge pour enlever la lame osseuse. En pareille occurrence, la vésicule se trouve, pour l'ordinaire, presque immédiatement au-dessous de l'os. On l'extrait au moyen des plumes, comme il a été dit plus haut; quelquefois même, on peut la pincer avec les doigts, et l'arracher sans l'aide d'instruments.
[Dès que l'opération est terminée, on essuie la plaie, on réapplique le lambeau cutané, on colle l'emplâtre ramolli, on place des plumasseaux par-dessus, et on recouvre le tout avec une toile fixée par des ficelles autour de la tête et des cornes, on fait relever l'animal, ou on le relève s'il est trop faible. On pourrait le laisser alors en liberté; mais, après avoir été opéré, il cherche souvent à se frotter la tête et arrache l'appareil, ce qui fait soulever le lambeau de peau et expose le cerveau à l'action de l'air. Le mieux est donc, toutes les fois qu'il n'est pas trop faible, de l'attacher pendant quinze ou vingt jours à deux poteaux, au moyen de deux longes, afin qu'il ne puisse se frotter ni en avant, ni de côté; mais on place les longes un peu bas, afin qu'il ait la possibilité de se coucher, et on lui présente les aliments sur de la paille, audessous de sa tête.
[La nonchalance et la difficulté de mâcher qu'on remarquait avant l'opération persistent et même augmentent après qu'elle est pratiquée, particulièrement pendant que dure la fièvre de réaction. Il y a même des animaux que la maladie et l'opération ont affaiblis à tel point, qu'on est pendant plusieurs jours obligé de leur introduire dans la bouche des aliments faciles à mâcher, ou même de les nourrir avec de la soupe ou des racines cuites; mais au bout de huit à dix jours, les forces se rétablissent peu à peu, et les animaux mangent ordinairement d'eux-mêmes.
[Dix-huit ou vingt jours après l'opération, on enlève l'enveloppe et les plumasseaux, et l'on commence à faire sortir l'animal. Assez souvent, la première fois qu'on l'expose au grand jour, il éprouve quelques mouvements de tournoiement, mais cet état cesse au bout de quelques minutes, pour ne plus reparaître, à moins que le crâne ne renferme encore des hydatides.]
Ce dernier cas se présente quelquefois, de telle sorte que l'opération n'est, en définitive, qu'un moyen palliatif, qui ne laisse pas que d'offrir des dangers. Peut-être, comme le dit Davaine, l'injection, dans la vésicule du Cœnure, d'alcool ou d'un liquide iodé, dont le contact tue instantanément les vers cystiques, serait-elle prèférable à l'extraction?
ARTICLE IV
HYDROCÉPHALE.
Synonymie : Hydropisie encéphalique, Hydrocéphalie.
Définition. Fréquence. — [L'Hydrocéphale est constituée par un épanchement de sérosité dans le crâne, c'est-à-dire dans la cavité de l'arachnoïde cérébrale, soit dans les ventricules, soit entre les deux lames de cette membrane, à la surface des hémisphères cérébraux. Elle s'observe assez rarement sur les animaux de l'espèce bovine.]
Causes. — [Les causes sont à peu près exclusivement occasionnelles et consistent dans les chocs plus ou moins violents qu& l'animal peut recevoir sur le crâne. On reconnaît seulement, toutes les fois qu'on est à même d'examiner des bœufs ou vaches atteints d'Hydrocéphalie, que ces animaux sont d'un caractère méchant, tant à l'égard de leurs pareils qu'à l'égard de l'homme. Ils ont pour habitude constante de frapper de la tête et de lutter front contre front avec une extrême violence, et souvent ceux qui s'attaquent à l'homme reçoivent des coups qui leur sont assénés sur la tête aussi avec beaucoup de force. J'eus un jour occasion d'observer un bœuf de travail très vigoureux, très irritable, lequel frappait de la tête les bœufs attachés auprès de lui à l'étable, et très souvent, dans l'élan qu'il prenait pour les atteindre en tirant sur la chaîne qui le tenait attaché à la crèche, il rencontrait une pièce en bois de chêne placée de manière à préserver de ses coups les animaux qu'il voulait frapper. Il frappait aussi les hommes, ou du moins il cherchait, dans l'occasion, à les atteindre. Le bouvier ne s'approchait jamais de cet animal qu'armé d'un fort bâton, el' il ne craignait pas de s'en servir pour se défendre. Cet animal se trouvait ainsi dans toutes les conditions favorisant le développement de la maladie].
Symptômes. Terminaisons. — [Depuis quelques jours le bœuf dont je viens de parler était resté dans l'étable, on le préparait à l'engraissement, lorsque je fus prévenu qu'il se relevait avec peine
quand il était couché, et qu'étant debout, il ne conservait cette position qu'en chancelant. 11 appuyait la tête contre la mangeoire, prenait quelques brins de fourrage, les mâchait quelque peu, puis suspendait ce mouvement comme font les chevaux atteints d'immobilité, ne cherchant plus à frapper de sa tête ni les hommes ni les autres bœufs. Je le forçai à sortir de l'étable pour savoir jusqu'à quel degré la paralysie existait, il s'acculait presque à chaque pas. Sa pupille était dilatée; le sens de la vue aboli.
[L'affection ainsi déclarée suit une marche quelquefois assez rapide pour déterminer en peu de jours une paralysie complète, la cécité, la cessation de l'appétit et de la rumination, puis des convulsions et la mort. D'autres fois, elle reste stationnaire. Les animaux mangent quelque peu, ils chancellent quand ils se lèvent et si on les force à faire quelques pas; mais ils se soutiennent assez longtemps dans cet état, même sans maigrir très sensiblement.
[On en voit que l'on garde pendant des mois entiers dans l'espoir de parvenir à les engraisser. Quoi qu'il en soit de la lenteur et des progrès que fait l'Hydrocéphalie ou des phénomènes morbides qui en sont la conséquence, on peut toujours être certain que la terminaison sera fâcheuse si l'animal n'est point sacrifié quand on s'est convaincu de son immobilité.
[Après la mort, on trouve toujours une quantité plus ou moins grande de sérosité dans les ventricules du cerveau, quelquefois une méningite bien caractérisée, et souvent des traces d'ecchymoses sur le crâne.]
Diagnostic. Pronostic. — [Il ne peut y avoir la moindre incertitude quant au diagnostic : lorsque le coma, la dilatation de la pupille, la faiblesse de la marche et l'interruption des temps de la mastication se manifestent sur un bœuf habitué à frapper de la tête, quand même on ne rencontrerait autour du crâne et sur cette boîte osseuse aucune trace de contusion — tous les coups portés sur la tête avec une barre de bois ou un gros bâton ne contusionnant pas d'une manière très apparente la peau et les organes sous-jacents, et pouvant produire le même effet quand ils sont portés avec violence sur la base des cornes, car l'ébranlement de ces organes retentit toujours d'une façon très douloureuse dans l'intérieur du crâne et peut y occasionner de graves désordres, — on doit diagnostiquer l'Hydrocéphalie.
[Le pronostic,est toujours fâcheux. Si l'animal est vieux et maigre, on le sacrifie pour en tirer un parti quelconque, et s'il est en bonne chair, on le livre au boucher].
Traitement. — [Si l'on se rappelle ce qui a été dit des causes de l'Hydrocéphalie, on comprendra facilement qu'il n'y a ici à faire emploi que d'un traitement préservatif, puisqu'on n'observe cette
maladie que sur des animaux naturellement méchants et très disposés à engager à chaque instant une lutte avec leurs pareils ou à se précipiter sur les personnes qui se trouvent à leur portée, pour les frapper soit avec le front, soit avec les cornes. C'est cette habitude de frapper qu'il faut leur faire perdre, si l'on n'est pas décidé à les vendre sans retard et n'importe à quel prix. A cet effet, on pratique l'amputation d'une portion des deux cornes, le tiers à peu près; d'autres fois on laisse seulement à ces organes une longueur suffisante pour donner attache aux liens qui fixent le joug.
[Quant au traitement curatif de l'Hydrocéphalie, il se présente avec des chances très faibles de réussite.
[Il s'est écoulé peu de temps depuis que l'animal a été frappé, et si le coma, la dilatation de la pupille existent avec seulement un peu d'incertitude de la marche, on saigne à l'artère coccygienne assez fortement pendant deux ou trois fois, jusqu'à ce que déjà l'agitation de la respiration commence à se faire remarquer. On sait que ce symptôme est constant toutes les fois que la saignée a été très forte. Il est bien entendu que ce traitement ne doit être appliqué que chez un animal d'ailleurs bien confor mé, ni Lrès jeune, ni très vieux, et tout à fait exempt d'autres lésions organiques.
[Après la saignée, on fait emploi d'ablutions d'eau froide salée, continuées pendant vingt-quatre heures au moins ; en même temps, privation presque absolue d'aliments solides et breuvages rafraîchissants non nitrés en abondance. Ce traitement a produit deux guérisons que j'ai notées, et deux ou trois fois il a suff] pour que les animaux reprissent de l'appétit, quelque assurance dans la marche, et qu'il fût possible de les engraisser.]
ARTICLE Y
MYÉLITE.
[La Myélite est l'inflammation de la moelle épinière. On ne l'observe pas très fréquemment; j'en ai pourtant recueilli plusieurs exemples sur des bœufs et des vaches de travail.]
Causes. — [Les causes qui la produisent sont surtout les commotions de la moelle épinière résultant de coups violents portés sur la colonne dorso-lombaire ; elle s'est déclarée à la suite de chutes que les animaux avaient faites dans des bas-fonds, des ravins, soit qu'ils fussent en liberté, soit qu'ils fussent attelés; les deux premières observations qui m'ont permis d'étudier cette affection avaient pour sujet deux bœufs qui, chacun dans une mé-
tairie différente, étaient en butte à de mauvais traitements de la part de leurs conducteurs, lesquels les frappaient souvent avec violence sur le dos ou sur les reins, en s'armant de tout ce qui leur tombait sous la main.]
Symptômes. — [Au premier abord, on reconnaît que l'animal éprouve à la partie qui a été frappée ou contusionnée d'une manière quelconque, une douleur toute locale et très vive qui ne ressemble aucunement à la sensibilité qui se manifeste par l'effet d'une compression modérée avec la main. La douleur siège à la peau autant qu'aux muscles ou aux apophyses : elle est partielle, et l'on constate facilement qu'elle résulte d'un choc plus ou moins violent. A ce premier symptôme s'ajoute bientôt une sorte d'engourdissement des membres postérieurs ou antérieurs, suivant que la commotion a eu son siège dans la portion dorsale on lombaire de la colonne vertébrale. Cet engourdissement se manifeste à différents degrés, qui sont : la gêne, la marche chancelante, ou la difficulté de marcher, qui semble résulter d'une paralysie complète ou incomplète. Dans cet état, l'animal est triste, il a perdu l'appétit, il ne rumine point, il rend avec peine ses excréments, qui souvent s'arrêtent au bord de l'anus par le défaut de contraction du rectum : d'autres fois, la constipation est complète et l'expulsion des matières alvines n'a point lieu si l'on ne vide artificiellement le rectum. Les lavements, dans ce cas, sont sans effet. a
[Tels sont les symptômes de la Myélite aiguë ou récente. Mais ils sont le plus souvent moins saillants : la marche de l'animal est seulement gênée, la douleur moins vive sur les points où les coups ont été portés; dans cette circonstance, la Myélite a été produite non par une seule commotion, mais par des commotions souvent reproduites. Sous l'action de cette cause et à ce degré, la Myélite, si elle n'a pas tout à fait le caractère de la chronicité, n'a pas, du moins, la même intensité, tout en offrant une égale gravité par les accidents morbides qui en résultent. Les animaux prennent encore quelques aliments; ils ruminent rarement et ils ne s'étirent jamais; ils restent longtemps couchés; ils reposent parfois le mufle sur la litière, et quand ils sont debout, leur tête s'appuie sur les corps qui sont à leur portée. Peu à peu, ces symptômes prennent plus de gravité, on remarque que l'appui se fait convulsivement, par saccades, et qu'enfin l'animal pousse au mur bien souvent jusqu'à ce qu'il s'affaisse sur le train antérieur ou postérieur.
[On voit des bœufs résister plusieurs jours aux atteintes de cette maladie et ne succomber qu'après être arrivés à un état de marasme complet.]
Lésions. — [Le ramollissement de la moelle et son induration plus ou moins marquée sont ordinairement les caractères de cette affection. J'ai rencontré, sur une vache, ces lésions sous plusieurs états. Dans les portions ramollies, il y a aussi quelquefois de petits abcès qui contiennent une matière ayant avec le pus beaucoup de ressemblance, et, dans les points indurés, des portions offrant parfois une consistance égale à celle de l'os. Ces lésions se font remarquer d'une manière plus apparente sur la partie qui, selon toutes probabilités, a éprouvé la commotion déterminante ou les commotions; mais chez les animaux, au nombre de trois, dont j'ai fait l'autopsie à l'occasion de cette affection, le cerveau et le cervelet portaient aussi des traces évidentes de semblables lésions.]
Diagnostic. Pronostic. — [L'engourdissement des membres et la suppression de la pandiculation, qui coïncident avec la douleur que l'animal éprouve sur un point de la région dorso-lombaire, sont des symptômes bien suffisants pour établir le diagnostic. Quant au pronostic, il n'est pas toujours fâcheux : si l'on peut traiter l'animal au début de la maladie, lorsque les symptômes viennent de se manifester pour la première fois, on peut conserver quelque espoir de le guérir, pourvu que les phénomènes vertigineux, qui consistent dans l'action de pousser au mur convulsivement, ne soient pas bien caractérisés. H est au contraire toujours fâcheux quand la maladie date de plusieurs jours, car alors on peut, sans craindre de se tromper, pronostiquer la mort plus ou moins prochaine de l'animal.]
Traitement. — [J'ai guéri quelques bœufs ou vaches, lorsqu'ils se sont trouvés dans les conditions favorables que j'ai mentionnées, c'est-à-dire au début de la maladie et lorsque les symptômes étaient relativement peu intenses, par des affusions d'eau froide continuelles sur la partie de la colonne dorso-lombaire qui paraissait avoir éprouvé la commotion, et si ces affusions ne produisaient pas dans les vingt-quatre heures une amélioration très marquée, j'avais recours à la saignée coccygienne copieuse et répétée plusieurs fois. Enfin, lorsque après ce traitement énergique la guérison n'était pas complète, j'appliquais sur la partie correspondant au siège présumé de la Myélite, des vésicatoires énergiques, occupant une surface de 20 à 25 centimètres et plus, sous la forme d'un carré long; en même temps, j'administrais la poudre de noix vomique en opiat, tous les trois jours.]
ARTICLE VI
PARAPLÉGIE.
Définition. Fréquence. — [On appelle Paraplégie, la paralysie du train postérieur. Dans cette forme de paralysie, les animaux sentent la piqûre de l'aiguillon (on le voit au trémoussement de la peau, qui se manifeste par l'effet de la piqûre), à la contraction sympathique des muscles de la partie du corps qui n'est point frappée de paralysie, et aux mugissements plaintifs que pousse le bœuf sous l'action de cette piqûre. La sensibilité existe, mais non la faculté de contraction des muscles.
[Cette maladie est fréquente chez les animaux de travail, et chez les vaches livrées à la reproduction.]
Causes. — [La vieillesse, la fatigue, des arrêts de transpiration souvent renouvelés et qui donnent lieu à des courbatures presque journalières, en sont les causes ordinaires. Les bœufs que l'on fait travailler jusqu'à leur vieillesse, comme on en voit dans les races gasconne et garonnaise, qui portent encore le joug à l'âge de quinze à dix-huiL ans; ces bœufs, quoique assez bien nourris, éprouvent une fatigue extrême, et les muscles du train postérieur perdent peu à peu la faculté de contracter ; puis un jour, ces animaux gisent sur la litière sans pouvoir se relever. Chez les vaches, une cause assez fréquente de cette paralysie est un part laborieux ou contre nature, celui qui, par la durée de la compression que le fœtus exerce sur les nerfs du bassin, abolit momentanément la sensibilité et la motilité.
[Lorsque les vieilles vaches de travail sont mal nourrie's, ou qu'elles sont nourries avec des fourrages grossiers qui donnent au rumen un très grand volume, et qui d'ailleurs les excitent à boire beaucoup, la gestation devient d'autant plus fatigante. En effet, l'utérus se trouvant refoulé par le volume anormal du rumen, finit par exercer une compression fâcheuse sur les nerfs et sur les vaisseaux du train postérieur. De là provient, à mesure que la gestation approche de son terme, la marche d'abord traînante ou vacillante de la vache, et enfin l'impossibilité pour cet animal de se relever quand il est couché.
[Quelquefois, cette paralysie apparaît vers le cinquième ou sixième mois de la gestation, et d'autres fois ce n'est qu'au moment où va s'effectuer la parturition ; la gestation ordinaire peut aussi, comme cela a déjà été dit, occasionner la paralysie, quand l'état de santé de la vache ou une alimentation vicieuse rend cette
gestation pénible, tout aussi bien que le part laborieux ou le part contre nature.]
Symptômes. — [Les animaux font de vains efforts, souvent répétés, pour mouvoir le train postérieur, et cependant il y a défécation et urination faciles. Les bœufs restent couchés, mais la vessie se contracte, et ils ne souffrent point de rétention d'urine. Ils mangent, ruminent, ont le mufle frais, se tournent, se couchent sur le côté, étendent les membres, soit de devant, soit de derrière, les replient; mais ils ne peuvent se relever.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [Quoique l'invasion de cette Paraplégie se fasse en apparence subitement, il n'en est pas moins vrai que si l'on était prévenu ou mis sur ses gardes à cet égard, on remarquerait dans le ralentissement de la marche de l'animal, dans la manière avec laquelle il se relève quand il est couché, que la faculté de contracter ses muscles lombaires tend à diminuer; mais cette diminution ne se fait que lentement.
[Cette affection a une durée quelquefois fort longue. Des bœufs ou vaches n'ont pu se relever qu'après quarante ou cinquante jours de traitement, et d'autres ont été abattus après un temps encore plus long. Dans ce cas, la paralysie fait des progrès très lents également ; mais elle gagne peu à peu le train antérieur et puis toutes les extrémités. C'est la terminaison la plus ordinaire de ce genre de Paraplégie.
[La paralysie des vaches en état de gestation, ou qui ont beaucoup souffert d'un part laborieux ou contre nature, n'a pas une durée très longue ordinairement. Si elle- a commencé avant le terme de la gestation et que le part ait été facile, la Paraplégie disparaît dans la huitaine. Si elle résulte d'un part qui a été très pénible, la Paraplégie peut durer plus longtemps, mais, en définitive, elle guérit; quelques vaches conservent néanmoins pendant toute leur vie un peu de faiblesse du train postérieur.]
Lésions. —[On n'en trouve pas d'autres, à l'autopsie des animaux sacrifiés, qu'un amaigrissement complet et la décoloration des muscles, excepté de ceux sur lesquels l'animal reposait ordinairement, qui sont roussâtres et réduits à l'état de parchemin ; le plus souvent, on ne rencontre rien d'anormal dans le crâne ni dans le rachis.]
Diagnostic. Pronostic. — [La formation du diagnostic et du pronostic est assez difficile. Cependant, on peut diagnostiquer une paralysie dont la terminaison pourrait ne pas être fatalement mortelle, lorsque les animaux sont encore sensibles à la piqûre de l'aiguillon, au frottement de la queue entre deux bâtons et au fouet. Tant que la sensibilité n'est pas entièrement abolie, on est autorisé à croire que la paralysie n'est pas au-dessus des efforts de l'art,
surtout quand toutes les fonctions, hors la contraction des muscles lombaires, s'exécutent très régulièrement.
[Donc, si les animaux sont encore sensibles aux piqûres et aux frottements, s'ils mangent et ruminent de bon appétit, s'ils ne sont pas d'ailleurs affectés de phtisie tuberculeuse, maladie ordinaire des vieux animaux de l'espèce bovine, et s'ils sont dans un état de maigreur tel qu'on ne puisse les livrer au boucher avec profit, on doit laisser entrevoir au propriétaire, sous certaines réserves, la possibilité d'une guérison.]
Traitement.— [Le traitement de cette Paraplégie consiste — j'ai dit qu'elle ne se déclare ordinairement que sur des animaux exténués — d'abord dans l'administration d'une bonne nourriture, et c'est là sa partie la plus importante; puis, dans des frictions sèches, pendant les premiers jours, sur toutes les parties du train postérieur accessibles à la brosse en chiendent ou au bouchon de paille, frictions renouvelées souvent dans la journée, et •chacune d'une durée minimum de quinze à vingt minutes; ensuite, en frictions à l'essence de térébenthine, faites deux fois par jour, jusqu'à ce que la peau commence à être crevassée, et renouvelées aussitôt que cet organe a repris son état ordinaire, c'est-àdire quand l'épiderme soulevé est tombé et que le poil recommence à pousser.
[J'ai employé deux fois la cautérisation sous-cutanée sur la ré.gion lombaire (procédé Nanzio). J'ai cru remarquer que cette cautérisation produisait de bons effets, et si je ne l'ai pas employée .souvent, c'est qu'elle répugne excessivement aux cultivateurs.
[Le traitement par les frictions d'essence de térébenthine n'offre pas cet inconvénient, et il est presque aussi efficace.
[Lorsqu'il y a un peu d'amélioration dans l'état des animaux affectés de Paraplégie, c'est-à-dire lorsqu'ils commencent, tout en se traînant et au prix de violentes secousses, à se tourner sur le "cÔté ou qu'ils soulèvent légèrement le train postérieur en essayant de se lever, on favorise ce mouvement au moyen de barres de bois ,lisses et enveloppées dans des sacs, barres qu'on leur fait passer sous le ventre et que des aides saisissent ensuite par les extrémités ; ou bien par des cordes également entourées de sacs garnis de foin, dont les extrémités libres passent autour d'une pièce du plancher ou de la toiture, et qui, tirées par des aides, soulèvent l'animal. Aussitôt qu'il est à la hauteur de ses quatre membres, on voit qu'il s'appuie, et les cordes sont fixées de manière à le ■soutenir sans le gêner.
[Mais comme l'appui que l'animal trouve sur les sacs garnis de foin, qui entourent les cordes, finirait par le fatiguer, on détend -ces cordes dans la soirée, afin qu'il puisse se reposer plus à l'aise
sur la litière. La même manœuvre est répétée tous les jours, pourque la circulation du sang, et par suite la nutrition du train postérieur, se fasse plus facilement. Dès que l'amélioration est assezprononcée, on excite l'animal à faire quelques pas, en le soutenant toujours assez pour qu'il ne soit pas exposé à tomber, et c'est ainsi' que progressivement la Paraplégie finit souvent par guérir, sinon. complètement, du moins assez pour que l'animal qui en a été affecté marche, se couche et se relève assez librement jusqu'à cequ'il soit prêt pour la boucherie.
[De temps en temps, on fait prendre, aux animaux atteints, la poudre de noix vomique à la dose de 10 grammes, dont 5 grammes le matin et 5 le soir.
[Cette dose est pour les vaches et les bœufs de taille moyenne. On la porte de 5 à 7 grammes pour les animaux plus forts, les garonnais, par exemple. La poudre est donnée en mélange avec -du son frisé, parce que de cette manière on est dispensé de préparer des bols ou des pilules.]
CHAPITRE II
MALADIES DES NERFS
ARTICLE UNIQUE
NÉVRITE.
Synonymie : Névrileucite, Névritis, Névrilite.
[Je ne connais de maladies des nerfs chez les animaux del'espèce bovine, en dehors des affections générales qui nous occuperont plus loin, qu'une seule forme qui semble caractériser exac-tement ce que l'on peut appeler la Névrite.
[Ce nom désigne l'inflammation des nerfs et du névrilème. On l'observe assez fréquemment chez les bœufs de travail, aux prin-cipaux troncs nerveux qui rampent sous la peau de l'épaule.
[Une seule cause m'a paru donner lieu à cette affection, c'est lapiqûre faite par l'aiguillon dont le bouvier est armé.]
Symptômes. — [On voit tout à coup un bœuf ou une vache de travail dans l'impossibilité de faire mouvoir l'épaule. Tant qu'il est en repos, le membre conserve sa position naturelle, et l'on n'y remarque d'abord rien de particulier. Si l'on veut faire marcher-
l'animal, l'épaule ne fait aucun mouvement, elle semble attachée au corps ; mais aucune contraction musculaire ne se remarque en elle, et quand l'animal se porte en avant ou en arrière, l'épaule est entraînée par ce mouvement sans y participer en aucune manière : on dirait qu'elle tient seulement par une attache inanimée.
[Lorsque j'ai observé ces symptômes pour la première fois, j'ai été dans le plus grand embarras pour établir le diagnostic d'une pareille affection : il y avait perle du mouvement, mais non de la sensibilité. En piquant la peau ou les muscles avec la pointe d'une lancette ou d'un bistouri, l'animal agitait les autres parties du corps ; il mugissait et se défendait des membres ou des cornes, sans que l'épaule et tout le reste du membre fit aucun mouvement: il semblait seulement frissonner.
[Certes, je croyais à une paralysie; mais quelle en était la cause, quel était son caractère, son origine ? En apparence, il n'y avait point de lésion locale, et les fonctions de tous les autres organes paraissaient normales.
[Je restai plusieurs jours dans cette incertitude, prescrivant un traitement qui, selon moi, n'avait pas d'indication précise, mais que l'impossibilité de rester inactif me força d'appliquer.
[Je voyais tous les jours le bœuf malade, et je le quittais avec regret, après avoir inutilement exploré l'épaule dans tous les sens. Entîn, en passant la main sur la peau avec le plus grand soin, et en la soulevant, je rencontrai, un peu en arrière de l'acromion et à sa partie inférieure, une tumeur sous-cutanée de la grosseur d'un pois chiche. Ce fut un trait de lumière : je demandai au bouvier qui faisait habituellement travailler ce bœuf, si cet animal n'était pas lent et paresseux, et cela tout en ayant l'air de n'attacher aucune importance. A cette question ; le bouvier y fut pris : « Oh! monsieur, me dit-il, je ne puis pas le faire marcher, il faut que je le stimule constamment. avec l'aiguillon. »
[La cause était trouvée et le véritable caractère de la maladie en même temps. Depuis lors, j'ai observé plusieurs fois cette Névrite, et je suis presque toujours parvenu à la guérir. Mais je l'ai vue, dans deux circonstances, se reproduire à quelques mois d'intervalle sur les mêmes sujets. La reproduction était-elle due à une nouvelle piqûre ou bien provenait-elle de la première, ou se montraitelle de nouveau sous l'influence de toute autre cause? C'est ce qu'il m'a été impossible de vérifier.
[Je n'ai pas eu occasion de m'assurer dans quel état pouvait se trouver ce nerf piqué après la mort des animaux puisque la plupart de ceux que j'ai vus atteints de cette maladie ont guéri, et que je n'ai pu examiner les autres, livrés à la boucherie, après leur engraissement.
Marche. Durée. Terminaisons. — [Invasion subite; la claudication apparaît peu d'instants après la piqûre faite par l'aiguillon. Marche lente; la paralysie du membre a une durée quelquefois très longue; ce n'est qu'après quinze ou vingt jours de traitement qu'on voit un peu d'amélioration se manifester, et un mois s'écoule avant que le membre ait pu recouvrer ses facultés motrices normales.
[La terminaison ordinaire est la guérison complète ; la terminaison exceptionnelle est une guérison incomplète, le membre restant dans un tel état de faiblesse que l'animal est impropre au travail, Alors il engraisse, à la vérité, mais les effets de l'engraissement sont moins sensibles sur le membre qui a été le siège de la Névrite que sur les autres.]
Diagnostic. Pronostic. — [Pour établir le diagnostic, il n'y a qu'à se rappeler ces deux circonstances : paralysie subite de l'épaule, se manifestant en dehors de tout autre signe morbide ; tumeur pisiforme sous-cutanée, apparaissant sur une partie de l'épaule, chez un bœuf qui, par la lenteur de ses mouvements, est exposé à de fréquentes piqûres faites avec l'aiguillon.
[Quant au pronostic, il est fâcheux seulement dans ce sens que la maladie devient une cause de perte de temps dans tous les cas, et qu'elle peut mettre quelquefois le propriétaire dans l'obligation de se priver pour toujours des services de cet animal et de le préparer pour la boucherie.]
Traitement. — [Le traitement doit être d'abord antiphlogistique et calmant : il est toujours local. On fait sur tout le trajet du nerf que l'on suppose avoir été piqué des onctions adoucissantes avec l'onguent d'althéa ou avec l'onguent populéum, l'un ou l'autre de ces onguents, camphré ou laudanisé. Cependant si l'on arrivait au moment où la piqûre vient d'être faite, ce qui est fort rare assurément, mais ce qui peut arriver néanmoins, on devrait faire immédiatement des affusions d'eau froide longtemps continuées, et l'on parviendrait à faire avorter l'in gaii-irnalion ; cela. m'est arrivé une fois seulement. En dehors de cette circonstance, on commence, comme je viens de le dire, par faire des onctions adoucissantes, avec cette précaution, de rigueur toutes les fois qu'on emploie une semblable médication, de faire deux frictions par jour, et chaque fois, d'enlever avec une lame de couteau tout ce qui reste, sur la peau, d'onguent provenant de. la friction précédemment faite.
[Ce traitement antiphlogistique et calmant doit durer plusieurs jours, puis on passe aux frictions excitantes, à celles d'essence de térébenthine principalement, faites sur toute l'épaule, jusqu'à ce que la peau s'écaille, que le poil tombe et que l'épiderme soit
soulevé. Quand les frictions d'essence de térébenthine ont produit cet effet, on attend pour en faire de nouvelles que la peau ait repris son apparence ordinaire et que le poil commence à repousser.
[Des frictions d'essence de térébenthine ne laissent aucune trace, à moins qu'elles ne soient répétées jusqu'à ce qu'elles aient produit une eschare, et c'est par ces frictions que j'ai obtenu leplus grand nombre de guérisons.
[Deux fois seulement, elles ont été impuissantes, et je les ai remplacées par les frictions de feu français, faites d'après les indications dont j'ai déjà parlé, c'est-à-dire une friction par jour, pendan t trois jours ; on n'a recours à de nouvelles frictions que lorsque. la peau a repris son apparence normale.
[Ce n'est pas sans avoir des motifs sérieux que je conseille d'employer d'abord les onctions adoucissantes laudanisées ou camphrées, quand il a été impossible de faire avorter la Névrite au moyen des affusions d'eau froide. C'est qu'en effet, j'ai remarqué que les fric tions irritantes aggravaient l'état de l'animal quand ellesn'avaient pas été précédées d'une médication antiphlogistique.
[Aussitôt qu'une amélioration se manifeste, on doit faire marcher l'animal. Dans les premiers jours, il fait quelques pas seulement, ensuite, progressivement, sa promenade devient un peu plus longue ; il y a pour cela une règle fixe : on le remet au repos, aussitôt que sa respiration s'accélére et que sa transpiration cutanée devient plus sensible. Cet exercice n'est salutaire qu'à la condition de ne pas amener la fatigue.]
CHAPITRE III
MALADIES NERVEUSES GÉNÉRALES
ARTICLE 1
TÉTANOS.
Définition. Fréquence. [Le Tétanos est une maladie nerveuse générale, caractérisée par la tension, la convulsion tonique de la totalité ou d'une portion seulement des muscles volontaires. Quand tous les muscles sont contractés, le Tétanos est dit général : dans le cas contraire, il prend des noms différents, suivant la partie du corps qui se trouve affectée : trismus, si la convulsion est
bornée aux muscles élévateurs de la màchoire; opisthotonos, si la tête et le tronc sont renversés en arrière ; emprosthotonos, si c'est en avant; pleurothotonos ou Tétanos latéral, si l'inflexion a lieu vers l'un ou l'autre des côtés.
[Ces différentes formes se remarquent rarement, du moins parfaitement localisées, sur les animaux de l'espèce bovine ; assez souvent toutefois, quoique le Tétanos soit général, on remarque que la tension est plus saillante sur certaines parties que sur d'autres; mais comme elle est due à une même cause, et ne diffère de la tension générale que par un peu plus de gravité, je crois que nous pouvons laisser ces divisions à la médecine humaine, à laquelle elles ont été empruntées. Je ne parlerai donc que du Tétanos général, que j'ai eu occasion d'observer plusieurs, fois, mais exclusivement. sur des bœufs ou des vaches de travail livrés en même temps à la reproduction.] Un praticien des environs de Toulouse, Brette, l'a également observé chez les veaux, consécutivement à l'inflammation du cordon ombilical.
Causes. — [A vrai dire, je n'ai reconnu à cette maladie que des causes occasionnelles : une fatigue excessive résultant d& travaux de longue durée, des accès de transpiration et des blessures, telles que la fracture d'une corne, des entailles faites accidentellement sur des tendons ou des aponévroses, des piqûres faites par la pointe de la charrue, et une fois par un clou de rue.
[Si les piqûres et les blessures quelles qu'elles soient donnent lieu quelquefois au Tétanos, il ne faut pas croire pour cela que cette maladie se déclare toujours aussitôt après l'opération ou l'accident qui a fait ou occasionné la plaie : il m'est arrivé dans plusieurs circonstances de voir le Tétanos traumatique se déclarer, alors que les plaies paraissaient complètement cicatrisées. C'est ce qui est arrivé sur un bœuf piqué profondément par la pointe d'une charrue, au-dessous des onglons sur les tendons fléchisseurs. Il en a été de même d'un autre bœuf, qui n'a été affecté du Tétanos qu'après la guérison d'une plaie contuse résultant de l'écrasement de la base d'une corne.J
On sait aujourd'hui que le Tétanos est déterminé par un bacille en forme d'épingle, découvert par Nicolaïer, puis étudié par Kitasato. Ce bacille ne se trouve qu'au niveau de la blessure provocatrice; il ne pullule pas dans les organes. Mais il sécrète au foyer de sa végétation un poison extrêmement actif qui se répand dans l'organisme. Ce poison, qui a été bien étudié par MM. Vaillard et Vincent, est une toxine comparable à celle du bacille diphthéritique ; ses effets immédiats se font sentir sur le système nerveux et sur le système musculaire; ils peuvent se limiter à un groupe de muscles lorsque la toxine ne se trouve qu'en très petite.
quantité dans ces organes. La toxine tétanique constitue une sorte de venin déterminant les symptômes du tétanos.
Symptômes. — [Raideur d'abord peu prononcée des muscles de l'encolure, augmentant graduellement d'intensité et d'étendue en même temps, à ce point que la tête portée en avant est dans un état d'immobilité complète; tension des muscles des mâchoires, qui ne permet pas le moindre écartement de ces organes : marche rendue impossible ou du moins très difficile, puisqu'elle se fait sans aucune flexion quelque peu étendue des membres. Les oreilles sont droites et d'une raideur caractéristique; l'œsophage et le pharynx participent ordinairement à cette tension, de manière à rendre la déglutition impossible; la colonne dorsolombaire est également inflexible, et l'animal porte la queue invariablement soulevée comme lorsqu'il urine, ou comme lorsque la défécation se fait avec peine.
[La rumination n'a point lieu, la contraction des mâchoires s'opposant entièrement à ce que cette fonction puisse s'effectuer.] Marche. i>nrée. Terminaisons. — [Invasion presque subite ; car du moment où commence à se manifester la tension tétanique, il n'y a plus ni temps d'arrêt ni rémission, et cette tension est arrivée à son degré extrême dans l'espace de quelques heures.
[La maladie peut avoir une très longue durée, que j'ai pu constater, parce que les animaux ne pouvant être utilisés pour la boucherie, ceux qui n'ont pu guérir sont restés dans les étables jusqu'à leur mort, qui s'est fait attendre, dans deux cas, vingt jours sur un sujet et sur un autre vingt-quatre.
[La terminaison est : ou la guérison, ou la mort qui est déterminée à la fois par l'inanition et par l'asphyxie résultant du non fonctionnement des muscles respiratoires.]
Lésions. — [J'ai fait l'autopsie de deux bœufs morts du Tétanos : le système musculaire avait conservé la raideur tétanique; il était décoloré, excepté sur les points qui touchaient à la litière ou au sol au moment de la mort de l'animal ; les muqueuses et les séreuses abdominales étaient quelque peu injectées; le poumon du côté reposant sur le sol était engoué de sang noir : quant aux lésions existant dans le crâne ou dans les rachis, je n'ai rencontré que des injections isolées sur certains points de la membrane séreuse, mais rien qui pût me fournir des indications sur le siège principal, ou, pour mieux dire, sur le point de départ de la maladie.]
Uiagllostic. Pronostic. — [La raideur tétanique est assez caractéristique pour qu'on ne puisse hésiter un instant à formuler le diagnostic. Celui qui a vu une fois le Tétanos sur un animal domestique quelconque ne peut s'y tromper.
[Quant au pronostic, il est dans tous les cas moins fâcheux que lorsqu'il s'agit du tétanos des solipèdes. J'ai guéri complètement cinq bœufs affectés de cette maladie ; trois autres ont conservé beaucoup de raideur dans la marche, mais par l'effet du traitement ils ont pu être utilisés pour la basse boucherie ; enfin deux autres sont morts.]
Traitement. — [J'ai saigné tous les sujets atteints du Tétanos, et voici très exactement ce que j'ai observé des résultats de cette médication : les cinq bœufs qui ont guéri complètement étaient dans un état d'embonpoint médiocre; ils étaient fatigués par un pénible travail de tous les jours. La saignée pratiquée sur ces animaux n'a point dépassé 4 kilos, et chacun n'a été saigné qu'une fois. Les trois qui sont restés clans un état de convalescence languissant avaient été saignés deux fois abondamment. Enfin, les deux qui sont morts avaient été saignés coup sur coup trois fois au moins. Je laisse aux praticiens le soin de tirer des inductions de ce résultat de la saignée. Tout ce que je puis dire, c'est que s'il se présentait pour moi une nouvelle occasion de donner des soins à un bœuf affecté du Tétanos, je ne le saignerais pas du tout.
'[J'ai obtenu de bons résultats par les frictions de pommade camphrée faites à la face interne des membres antérieurs et des cuisses, par des frictions camphrées et laudanisées sur les mâchoires et les faces de l'encolure, et par des opiats dans lesquels entraient alternativement le camphre, l'opium et lapoudre de noix vomique par des lavements camphrés, laudanisés, et dans lesquels entrait aussi l'assa fœtida.
[Je n'ai rien obtenu des fumigations émollientes, ni des charges de fumier très chaud, appliquées sur toute la colonne dorso-lombaire.
[Je donnais les opiats à petite dose en les faisant pénétrer sur la langue au moyen d'une spatule mince que j'introduisais dans l'espace qui sépare les arcades incisives des dents molaires.
[Quand j'administre soit en opiat, soit en lavements, l'opium brut ou le laudanum de Rousseau, c'est d'abord à la dose de 6 11 3 grammes, divisée en plusieurs parties; ainsi pour opiat :
Opium brut 8 grammes. Réglisse en poudre .............................. 30 —
Miel ............................................. Suffisante quantité.
[Cet opiat est administré dans l'espace d'une heure par petites portions. Dans les vingt-quatre heures, je donne trois opiats de cette composition.
[A douze heures d'intervalle, et aussi dans les vingt-quatreheures, trois opiats, chacun comme suit *.-
Camphre en émulsion dans un jaune d'œuf 8 grammes. Valériane en poudre ............................. 32 —
Miel ............................................. Suffisante quantité.
[Aussitôt qu'une légère amélioration se manifeste, on suspend' l'emploi de ces opiats; ils ont, comme l'opium, pour effet immédiat d'arrêter les digestions, et l'on ne recommence à les administrer que lorsqu'on peut supposer que la digestion intestinale est faite.
[Les opiats avec la noix vomique en poudre ne sont administrés que lorsqu'on remarque une légère amélioration et quand on ne fait plus usage des opiats camphrés ou laudanisés.
[On doit prendre les mêmes précautions dans l'administration des lavements, qui se composent d'abord d'assa fœtida en suspension dans des jaunes d'œuf. On donne cinq ou six lavements par jour, et dans chaque lavement l'assa fœtida se trouve à la dose de 8 grammes au moins.
[Quant au camphre et au laudanum, ils entrent dans chaque lavement pour 5 ou 6 grammes.
[La dose de camphre n'est pas rigoureuse; on imbibe la peau de pommade camphrée en frictionnant vigoureusement avec la main.
[Quant le Tétanos paraît s'être déclaré par suite d'une plaierécente ou même en voie de cicatrisation, on recouvre cette plaie d'une couche d'onguent vésicatoire, tout en ayant la précaution de mélanger à cet onguent une quantité proportionnelle de camphre, afin d'éviter l'action fâcheuse des cantharides sur les organes génito-urinaires. Ainsi, à 100 grammes d'onguent fortement cantharidé, on ajoute 8 grammes de pommade camphrée.
[Comme dernière prescription relative au traitement du Tétanos, je recommande de cesser l'emploi des préparations de camphre, d'opium et même d'assa fœtida, aussitôt que la raideur tétanique a diminué sensiblement; je les remplace alors par la noix vomique en poudre, administrée en opiat dont la formule est :
Noix vomique 10 grammes. Valériane .., .. , , .., ..............,.,..... 32 —
Miel ............................................. Suffisante quantité.
[Cet opiat est administré en deux fois dans la journée, et l'on ne doitl'employer de nouveau qu'après deux jours d'intervalle : donnée
pendant deux jours de suite à la même dose, cette substance occasionnerait un trouble insolite dans les mouvements de la respiration.]
ARTICLE Il
ÉPILEPSIE.
Synonymie : Mal caduc, Mal sacré, Haut mal, etc.
Définition. Fréquence. — [L'Épilepsie est une maladie du système nerveux; elle est intermittente, chronique et apyrétique, caractérisée par la perte subite et momentanée de la sensibilité, par la suspension ou l'abolition des sens, par des mouvements convulsifs et partiels, ou par de simples tremblements généraux ou locaux. La chute de l'animal peut se produire subitement; mais il arrive souvent qu'elle n'a point lieu quand les accès sont éphémères et que l'animal trouve un point d'appui à sa portée.
[L'Épilepsie est idiopathique ou symptomatique. On l'observe très fréquemment sur les animaux de l'espèce bovine.]
Causes. — [Je considère l'hérédité comme une de ses causes, et je possède à cet égard deux observations qui sont concluantes. Dans un nombreux troupeau, composé de jeunes bœufs de deux à trois ans, de vaches portières et de veaux, se trouvait une vache née sur les lieux, qui, dès l'âge de quatre ans, paraissait avoir des accès d'Épilepsie de courte durée, mais assez fréquents— deux ou trois par mois — ; elle se portait bien d'ailleurs, était bonne nourrice, et travaillait au besoin avec beaucoup d'énergie. Quand les accès la prenaient sous le joug, elle frissonnait d'abord, puis se tenait immobile, les membres écartés et raides, après deux ou trois minutes, elle fientait, urinait, restait encore vacillante pendant une ou deux minutes, puis elle continuait à travailler sans paraître •aucunement dérangée. On me parla de ces accès, que j'observai d'ailleurs très distinctement pendant trois fois, à différents intervalles. Elle fut conservée dans la vacherie, et, tous les ans, elle mettait bas un veau bien conformé. Quelques-uns de ces veaux étaient vendus pendant qu'ils étaient encore à la mamelle, d'autres restaient dans la vacherie comme élèves, pour être employés plus tard aux travaux de l'exploitation.
[Je ne me préoccupais en aucune manière de cette vache, que je voyais de temps en temps; mais un jour le régisseur me fit savoir qu'un bœuf de travail âgé de quatre ans avait des accès d'Épilepsie. J'appris qu'il était issu de la vache épileptique. L'an-
née suivante, la même maladie s'étant manifestée sur deux autres bœufs provenant de la même vache, je ne conservai plus aucun doute, et je dus considérer ces cas d'Épilepsie comme héréditaires.
[La seconde observation d'Épilepsie héréditaire que je possède s'est présentée dans des circonstances presque semblables.
[Les causes occasionnelles ne sont pas toujours faciles à distinguer, mais il en est qui sont parfaitement appréciables. Un bœuf de travail, âgé de sept ans, qui passait dans une prairie, est attaqué subitement par un gros chien bouledogue; d'abord, il se défend de son mieux; mais bientôt, il s'enfuit épouvanté, en franchissant des haies, des fossés et beaucoup d'autres obstacles, toujours poursuivi par le chien. On parvient à le délivrer de son agresseur, et on le ramène à l'étable harassé de fatigue, haletant et couvert de sueur. Pendant deux jours il ne prit aucun aliment; il se couchait et se relevait, regardant à droite et à gauche, et prêt à frapper de la tête toutes les personnes qui s'approchaient de lui. On parvint à le calmer; il reprit de l'appétit, fut remis au travail : mais il eut, dès ce moment, des accès d'Épilepsie. On le garda pendant six mois dans cet état, mais les accès devenant plus fréquents, on finit par l'engraisser. Ici, la cause occasionnelle était bien évidemment une grande frayeur.
[D'autres fois, j'ai cru remarquer que l'Épilepsie s'était manifestée après des coups violents portés sur la tête de l'animal. On voit des accès d'Épilepsie, ou du moins épileptiformes, se déclarer sur des veaux de lait, dont l'haleine a l'odeur particulière qui caractérise la présence de vers dans les organes digestifs.
[Une vache avait fait une chute violente en roulant du sommet d'un monticule jusqu'au bas. Dans sa chute, elle eut une corne brisée, et quelques jours plus tard, elle fut affectée d'accès d'Épilepsie qui devinrent très fréquents.]
Symptômes. — [Les animaux éprouvent des tremblements simples ou convulsifs qui se manifestent subitement et qui ont .d'abord leur siège à la tête, puis qui s'étendent surtout le corps. Les paupières sont vacillantes, le globe de l'œil est fixe ou bien il semble pirouetter dans l'orbite, la pupille est dilatée; les animaux tombent subitement et tout d'une pièce, ou. bien ils tirent sur leur chaîne et restent dans cette position campés sur leurs membres, ou ils s'appuient contre les corps environnants. On voit des bœufs qui, étant attelés soit à la charrette, soit à la charrue, restent immobiles appuyés contre le timon. Il y en a dont les commissures des lèvres sont salies par une bave écumeuse; sur d'autres on n'observe rien de semblable. Quelquefois, ils grincent des dents ; si les débris d'aliments se trouvent quelquefois mêlés à
la bave, c'est que l'accès s'est déclaré pendant que l'animal mangeait ou qu'il ruminait. On n'observe, pendant les accès, ni vomissement ni régurgitation.
[Les contractions tumultueuses des muscles abdominaux du rectum et de la tunique charnue de la vessie, provoquent dans quelques circonstances l'expulsion violente de matières fécales ou la sortie de quelques jets d'urine. J'ai vu beaucoup de bœufs au moment où ils étaient pris d'un accès, et je n'en ai entendu qu'un très petit nombre mugir, tant qu'ils étaient attelés ou en liberté; ceux. qui mugissent sont ordinairement attachés à l'étable. Pendant les accès, la respiration est convulsive avec des intermittences de suspension et d'accélération. Ces symptômes varient d'intensité, et ne sont pas constamment réunis sur chaque animal affecté; mais ils sont tellement caractéristiques, qu'il suffit d'un petit nombre d'entre eux pour reconnaître l'existence de l'Épilepsie.
[Plus les attaques sont légères, plus les accès sont fréquents. J'ai vu des vaches et même des bœufs avoir de ces accès plusieurs fois dans une semaine. Deux fois les accès se sont déclarés pendant que je pratiquais la saignée à la jugulaire, sur des bœufs épileptiques depuis longtemps. Il est probable que la ligature faite autour de l'encolure pour rendre la jugulaire apparente et pour la maintenir fixe, avait avancé leur apparition.
[Il y a des bœufs qui n'ont d'accès qu'après avoir travaillé péniblement pendant quelques heures. On en voit qui, en tombant brusquement, se fracturent les cornes ou des côtes.
[Sur le plus grand nombre des animaux attaqués, les accès ne laissent aucune trace; sur d'autres, on remarque, après ces accès, un peu d'abattement et une marche chancelante. Les uns urinent longuement, d'autres n'urinent pas du tout. Si l'appétit semble avoir diminué chez quelques-uns, il reprend bientôt.
[Généralement, les accès d'Épilepsie chez le bœuf ne durent pas longtemps; ils sont quelquefois très courts.]
Marche. Durée. Terminaisons. — [La marche de l'Épilepsie est quelquefois très lente, et alors les accès sont rares ; il y a des bœufs chez lesquels les accès ne se reproduisent qu'à de longs intervalles, trois et même six mois; mais dans ces cas, ils ont une durée de plusieurs minutes et quelquefois d'un quart d'heure. Quand même les accès seraient très rapprochés, la constitution de l'animal ne paraît pas en souffrir davantage. J'en ai observé qui, malgré la violence et la fréquence des accès, s'engraissaient presque aussi vite et aussi complètement que d'autres bœufs de travail du même âge dont l'état de santé ne paraissait rien laisser à désirer.
[La terminaison de l'Épilepsie n'est point fatalement mortelle.
On rencontre des bœufs et surtout des vaches épileptiques d'un .âge très avancé qui travaillent journellement et se conservent en bon état.]
Diagnostic, Pronostic. — [Le diagnostic de cette maladie est toujours facile à établir; il suffit de constater, non pas l'ensemble des symptômes qui la caractérisent, mais seulement les convulsions, les mouvements désordonnés qui surviennent subitement et qui s'accompagnent de la perte de la sensibilité et de l abolition •des sens.
[Quant au pronostic, il n'est pas essentiellement fâcheux. Cette maladie est incurable ; mais elle ne met pas immédiatement en •danger la vie de l'animal et sauf les cas où l'Épilepsie est symptomatique d'une lésion chronique de l'encéphale ou du rachis, elle ne s'oppose en aucune manière à ce que cet animal soit utilisé pour la boucherie.]
Traitement. — [J 'ai appliqué de larges vésicatoir e sur les faces ■de l'encolure et s'étendant jusqu'à l'extrémité supérieure de ces faces. J'ai cautérisé sur la nuque, par le procédé de la cautérisation transcurrente, un bœuf qui avait un accès d Épilepsie à peu près tous les mois, et l'accès n'a pas été remarqué après le premier mois écoulé depuis la cautérisation. Le bœuf fut vendu, et je ne :puis pas donner d'autres détails à ce sujet.
[J'ai employé trois fois, sur des bœufs et sur une vache, ces trois animaux étant maigres et vieux, le feu sous-cutané (procédé Nanzio).
[Deux fois, j'ai cru remarquer que cette cautérisation, faite à la partie supérieure de l'encolure, avait produit une amélioration sensible, les accès étant devenus très rares, d'une courte durée et à peine perceptibles; une autre fois, elle n'a produit aucun effet curatif.
[Enfin, j'ai administré la valériane en poudre, pendant trente jours, à six bœufs épileptiques, laissant, après une période de dix jours, cinq jours d'intervalle, et sur quatre de ces animaux j'ai obtenu le même résultat que par la cautérisation d'après le procédé Nanzio. L'Épilepsie était idiopathique. Voici comment je fis prendre la valériane aux animaux, dans les cas dont il s'agit :
[Le premier jour, 50 grammes le matin et 50 grammes le soir, la poudre mélangée à un litre de son frisé.
[Le second jour, mêmes doses.
[Le troisième jour, 70 grammes le matin et 70 grammes le soir, mélangés au son frisé.
[Le quatrième et le cinquième jour, mêmes doses.
[Les sixième, septième, huitième, neuvième et dixième jours, 100 grammes le matin et 100 grammes le soir, dans du son frisé.]
ARTICLE III
TIC.
Sous le nom de Tic, on désigne, d'une manière générale, toutehabitude vicieuse qui porte l'animal à effectuer certains mouvements insolites. Or, les bêtes bovines peuvent être atteintes dediverses espèces de Tics, notamment du Tic en l'air, du Tic àl'appui et du Tic de l'ours, comme le prouvent diverses observations publiées dans nos annales périodiques.
Tic en l'air. — Cette variété de Tic s'effectue de la manière suivante : « Le bœuf prend une attitude toute particulière ; s'il est couché, il se lève. La tête est portée tantôt haut, tantôt abaissée sous la mangeoire, mais toujours étendue sur le cou. Il ouvre ensuite la bouche, souvent à peine, souvent autant qu'il peut. Quand1 la bouche est entr'ouverte, il porte la langue contre le bord libre des incisives, puis la passe d'un côté à l'autre en faisant de légersmouvements de mastication. Si la bouche est à demi ouverte, le bœuf tire la langue autant que possible, la tourne d'un côté et d'autre avec rapidité, se lèche le mufle, les narines. Dans l'un quelconque des trois cas, ces manœuvres terminées, l'animal ouvrecomplètement la bouche, fléchit la tête sur l'encolure et fait un. mouvement de déglutition auquel succède, au fond du pharynx,. un bruit particulier, sorte d'éructation sonore. Le long de l'œsophage, on voit alors cheminer une dilatation élastique en forme de bol, qui se rend au rumen. C'est l'air que l'animal vient d'avaler. Les mouvements de la langue, des mâchoires, du pharynx, préparent ce dernier acte.
« Les déglutitions d'air sont plus ou moins fréquentes. Surune vache, M. Furlanetto a pu en compter jusqu'à quarante-cinq dans la première minute. Le météorisme est une conséquence fatale du Tic, mais il n'a jamais de suites graves. Les bœufs tiqueursse débarrassent de l'air de différentes façons. Tantôt c'est par deséructations répétées ; tantôt c'est par grandes masses à la fois, en, étendant fortement la tête sur le cou, la bouche largement ouverte. Par exception, un bœuf rejetait de l'air en continuant de tiquer.Dans tous les cas, avant la régurgitation de l'air, les animaux font entendre une ou deux quintes de toux.
« Le plus souvent, les bêtes bovines tiquent après le repas, avant la rumination ou pendant celle-ci, surtout les jours de repos (1). »
(1) Revue vétérinaire, 1879, p. 88. Mémoire du Dr Furlanetto, traduit parM. A. Labat.
Parfois cette habitude vicieuse se remarque sur des bêtes en bon état de chair, d'autres fois elle détermine peu à peu l'amaigrissement des sujets qui en sont affectés, comme en témoignent les observations publiées par M. Fontan dans la Revue vétérinaire de l'École de Toulouse. Ce défaut peut se montrer sur des bêtes jeunes, mais il parait plus fréquent sur celles quisontâgées. On peut l'atténuer, mais non le faire disparaître entièrement. Ainsi en appliquant une muselière à l'animal qui est affecté de Tic en l'air, on limite de la sorte l'écartement des mâchoires dans la mesure nécessaire pour la rumination, tout en empêchant l'action de tiquer. Mais aussitôt que la muselière est enlevée, l'animal cherche d'abord à manger, puis il ne tarde pas à se livrer à son habitude favorite, comme l'a constaté M. Verdier (1). Toutefois ce moyen très simple n'en mérite pas moins d'être recommandé, car il prévient le dépérissement de l'animal.
2° Tic à l'appui. — Le vétérinaire italien Furlanetto a observé ce genre de Tic sur une bête bovine âgée de deux âns. « L'animal élevait la tête, l'étendait sur l'encolure et l'appuyait fortement sur le rebord de la mangeoire ou tout autre objet, voire même sur l'échiné d'un bœuf, son voisin de stalle. A ceci près, les choses se passaient comme précédemment. IL a suffi de supprimer tout moyen d'appui pour faire cesser le Tic (2). »
3° Tic de l'ours. — Cette variété de Tic aurait été observée, par le vétérinaire italien précité, sur une vache âgée de onze ans, qui en était affectée depuis deux ans. — De même que chez le cheval, ce vice consistait en une sorte de balancement du train antérieur avec appui alternatif sur l'un des membres de devant.
Si ces divers Tics ne se transmettent pas par imitation, comme on l'a observée chez le cheval, il est certain qu'ils déprécient les bêtes bovines qui en sont affectées, soit en diminuant la sécrétion lactée, soit en retardant l'engraissement. Peut-être ces habitudes vicieuses sont-elles héréditaires, comme chez les animaux de l'espèce chevaline. S'il en était ainsi, on conçoit qu'il ne faudrait point livrer à la reproduction les bêtes bovines qui en seraient affectées. On devrait les utiliser telles quelles pour le travail, ou bien les livrer à la boucherie sans attendre que le Tic ait amené l'amaigrissement.
(1) Recueil de méd. vétérinaire, 1876, p. 1201.
(2) Revue vétérinaire, 1879, p. 89.
LIVRE NEUVIÈME
MALADIES DE LA PEAU
CHAPITRE 1
VERRUES
Définition. Fréquence. — [Les Verrues sont de petites tumeurs cutanées, papilliformes, indolentes, mollasses, ordinairement sessiles, quelquefois pédiculées, à surface lisse ou rugueuse. On les observe fréquemment chez les animaux de l'espèce bovine.]
Les recherches récentes du Dr Majocchi, professeur à l'Université de Parme, démontrent que les Verrues des bêtes bovines sont susceptibles de se transmettre par contagion.
Symptômes. — Les Verrues apparaissent dans diverses régions du corps, notamment autour des naseaux, sur les paupières, le chanfrein, l'encolure, les côtes, les mamelles, particulièrement sur les trayons et à l'extrémité inférieure de la queue. — Ces productions cutanées sont parfois accompagnées de prurit. L'animal se frotte contre les corps qui sont à sa portée ou bien il se lèche fortement avec sa langue. Alors les Verrues deviennent douloureuses, elles augmentent de volume, et leur couleur, qui était d'abord brune, devient rougeâtre. En même temps elles deviennent le siège d'un suintement fétide. On les désigne alors sous le nom de poireaux.
marche, Durée. Terminaisons. — Les Verrues apparaissent souvent en très peu de temps; d'autres fois leur marche est assez régulière, mais leur développement est lent; elles ne sont d'abord pas plus grosses qu'une tête d'épingle, puis elles se multiplient et finissent par former des plaques de la largeur de la paume de la main et même davantage. — Parfois ces productions disparaissent d'elles-mêmes, mais le plus ordinairement elles restent
stationnaires pendant un certain temps, puis elles s'accroissent, deviennent prurigineuses et prennent ainsi le caractère ulcéreux. Lorsque les Verrues siègent sur les trayons, elles rendent la mulsion difficile, douloureuse, surtout lorsqu'elles sont nombreuses.
Causes. — [On a indiqué le jeune âge, le tempérament lymphatique comme causes prédisposantes ; mais j'ai eu occasion d'observer des Verrues chez des animaux de tout âge, en bon ou en mauvais état, d'un tempérament plutôt sanguin que lymphatique. On a parlé aussi du frottement comme d'une cause occasionnelle; il n'en est rien. Le frottement peut amener des durillons, des écorchures, un épaississement du derme, mais non des Verrues.] Les Verrues ont été considérées comme héréditaires par quelques observateurs.
Contagion. — Le Dr Majocchi précité a publié, en 1881, un travail basé sur un certain nombre d'observations cliniques et sur des recherches expérimentales, qui se termine par les conclusions suivantes que nous empruntons à la Revue italienne de M. le professeur Railliet d'Alfort, insérée dans les Archives vétérinaires (n° du 10 février 1882).
« 1° Le Verruca porrum de l'homme et des bêtes bovines est contagieux, comme l'avaient soupçonné les anciens médecins et vétérinaires, et la transmission peut se faire des animaux à l'homme et de l'homme aux animaux.
» 2° Les faits cliniques recueillis par la pathologie humaine et par la pathologie comparée, de même que l'inoculation accidentelle ou expérimentale, démontrent nettement la contagiosité de la maladie.
» 3° La nature du contage se rapporte à des schizomycètes ou bactéries (Bacterium porri), ainsi qu'on l'a démontré par des. observations microscopiques sur des Verrues fraîches, et par diverses méthodes de culture.
» 4° L'action de ces microorganismes nous explique parfaitement les altérations histopathologiques et les phénomènes cliniques du poireau.
» 5° Les lésions histopathologiques du poireau ont une certaine relation avec la nécrose progressive de Koch, et mieux encore avec les phases évolutives du Molluscum contagiusum (acné varioliforme ou molluscoïde). »
Traitement. — [L'excision au moyen de ciseaux courbes ou du bistouri 00; la cautérisation par le fer chauffé à blanc, constituent le traitement le plus efficace des Verrues, des poireaux et même des plaques de Verrues ulcérées. Cependant il est des cas où ces moyens ne peuvent pas être employés sans quelques inconvénients : par exemple, lorsque des Verrues d'un très petit volume
sont très rapprochées et qu'elles occupent une très large surface, ce qui se voit assez souvent; il serait imprudent d'en tenter l'excision, puisqu'elle ne pourrait se faire complètement qu'en lésant profondément le derme, à moins de laisser la plus grande partie de toutes ces petites Verrues. Aussi, dans ce cas, on les détruit au moyen de quelques frictions d'huile de cade chauffée à une température de 40° à peu près. Ces frictions produisent une vésication assez énergique, suivie d'une eschare qui entraîne les Verrues avec l'épiderme. Toutes les fois que j'ai eu recours à ce moyen, il a parfaitement réussi; j'ai même réussi assez souvent par ces frictions sur de plus grosses Verrues isolées. L'acide azotique produit aussi d'excellents résultats; il suffit de passer à deux ou trois reprises sur les Verrues un pinceau d'étoupes imbibé de ce caustique.
[Lorsque les Verrues sont pédiculées, on peut les serrer fortement avec un fil ciré, et elles tombent au bout de quatre ou cinq jours, pour ne plus reparaître; mais on a plus tôt fait de les enlever d'un seul coup avec des ciseaux courbes.]
CHAPITRE II
TEIGNE TONSURANTE
Les animaux de l'espèce bovine, particulièrement les veaux, peuvent être affectés de Teigne tonsurante. Cette maladie parasitaire est déterminée par un champignon microscopique que Gerlach a considéré comme identique au Trichophyton tonsurans (1). Et cette opinion semble prévaloir aujourd'hui.
Caractères du Trichophyton. — Le Trichophyton tonsurans est un végétal formé de spores rondes ou ovales, transparentes, incolores, d'un diamètre variant entre Omm ,003 et omm ,006, chez l'homme. Suivant M. Mégnin, les spores ou sporules du champignon du veau atteindraient omm,005 à omm,006, tandis que chez le cheval, les sporules dont il s'agit ne dépasseraient pas 2 à 3 millièmes de millimètre. Ces spores sont isolées ou groupées. Il en est de cylindriques et qui se trouvent placées bout à bout. Enfin on peut rencontrer dans ce champignon un mycélium ramifié. Un coup d'œil jeté sur la figure 12 peut donner une idée de l'agencement des parties que nous venons de mentionner.
(1) Recueil de méd. vêlér., 1859, p. 88.
Tel est le parasite dont la végétation détermine sur la peau du bœuf les symptômes que nous allons maintenant examiner.
Symptômes. — La Teigne tons.urante se manifeste, chez les bêtes bovines, par de petites plaques circulaires à contours nets, sorte de tonsure de la dimension d'une pièce de cinq francs en argent. Ces plaques, qui sont toujours proéminentes, se montrent principalement sur le front, les joues, l'encolure. J'ai vu une génisse de Salers, âgée de quinze mois, dont la peau du tronc, particulièrement de la région costale, était en quelque sorte tigrée par la dispersion de ces plaques. Toutefois, même dans ce cas, l'extrémité inférieure des membres avait été respectée.
La lésion dont il s'agit s'accroît peu à peu, mais fort lentement ; suivant Gerlach, elle pourrait même atteindre les dimensions d'une
Fig. 12. — Trichophyton tonsurans (1). a, sporules isolées ; — b, sporules réunies ; c, tubes vides — d, tubes sporulaires.
assiette. Parfois, plusieurs plaques se réunissent et leur présence est accompagnée d'un prurit assez prononcé, surtout au début de la maladie.
Les plaques teigneuses sont recouvertes de croûtes jaunâtres ou bien de squames grisâtres; elles sont glabres et, sous ce rapport, il existe des différences très tranchées entre la Teigne du veau et celle du cheval. Chez ce dernier animal, les parties malades ne sont point
complètement épilées, les poils sont seulement brisés, tandis qu'ils sont déracinés dans la Teigne du veau. Ces différences s 'expliquent par le mode de végétation du parasite (Trichophyton) qui varie suivant les espèces. Ainsi chez le veau, le champignon producteur de la Teigne se développerait surtout dans les follicules pileux. C'est, dit M. Mégnin, « sous les couches profondes de l'épiderme et au fond du follicule pileux qu'il se multiplie, ce qui amène la chute du poil entier et une ulcération superficielle de la tonsure, qui est alors glabre, humide et rosée ». Toutefois le parasite de la Teigne bovine peut cependant végéter dans le poil lui-même comme Gerlach, puis M. Railliet l'ont constaté (2). La même observation a été faite par M. Neumann.
Marche. Durée. Terminaisons. — Le début de la Teigne tonsurante passe généralement inaperçu, ou tout au moins le bouvier
(1) Guide pour les travaux de micrographie, par Beauregard et Galippe, p. 291.
(2) Recueil de méd. vétér., 1882, p. 1251.
n'accorde aucune attention à de petits boutons du volume d'un pois, et que le poil cache, mais qui donnent cependant naissance, au bout de dix à douze jours, suivant Gerlach, à une plaque circulaire du diamètre d'une pièce de 50 centimes. De nouveaux boutons apparaissent, s'élargissent et se transforment à leur tour. Ces symptômes s'observent dans les régions exposées au frottement : la tête, les paupières, la base de la queue, notamment.
Une fois formée, « la plaque se couvre peu à peu d'une croûte squameuse d'une à trois lignes d'épaisseur; elle en acquiert ordinairement davantage sur une peau noire; son aspect sur un tégument de cette nuance est gris blanchâtre, fibreux; il lui donne de la ressemblance avec l'amiante ou asbeste (porrigo asbestinea). La peau blanche, moins épaisse et plus délicate que celle qui est pigmentée de noir, offre une croûte légèrement jaunâtre, plus mince; elle ressemble moins à l'asbeste et davantage à une croûte proprement dite.
» Au niveau de la croûte, les poils foncés se brisent par suite de la pénétration dans leur intérieur des spores du Trichophyton tonsurans; les plaques gris blanchâtre en deviennent plus saillantes. Il est rare que les poils blancs subissent le même sort. Au début, la croûte adhère très solidement à la peau; si on l 'arrache, le derme se montre tuméfié et saignant. » Si l'on n'y touche point et que l'animal ne cherche pas non plus à se frotter avec persistance ou à se lécher, elle se détache peu à peu sous forme d'écaillés ou de squames [dartre furfuracée), et laisse après elle une plaque dénudée, mais qui finit cependant par se garnir de poils fins et courts et d'une teinte moins franche que celle de la robe. Il ne faut pas moins de deux ou trois mois pour que ces phénomènes se produisent. En outre, il n'est pas rare que de nouvelles plaques teigneuses se forment pendant que les anciennes guérissent, de telle sorte que la maladie peut durer six mois, un an, et même davantage. C'est principalement chez les jeunes animaux de l'espèce bovine que la Teigne se montre tenace. Si la Teigne s'accompagne d'une vive démangeaison, comme cela se voit dans certains cas, l'aspect des plaques circulaires se modifie, par suite des frottements qu'elles éprouvent, soit que l'animal se gratte, soit qu'il se lèche sans cesse. Alors, elles se transforment en excoriations saignantes, à bords épaissis, grisâtres, rugueux, plus ou moins festonnés. La surface de ces plaies devient le siège d une exsudation manifeste (dartre humide), elle présente parfois un aspect ulcéreux et tend sans cesse à s'agrandir (dartre rongeante, lupus vorax).
Diagnostic. — Sous ces différentes formes, la Teigne tonsurante reste cependant toujours une, c'est-à-dire qu'elle procède toujours
•de la végétation de ce champignon microscopique (Trichophyton tonsurans) que nous avons décrit ci-dessus. Dès lors, le diagnostic ■de cette maladie ne peut être établi, avec une entière certitude,
•que par l'examen microscopique des croûtes dartreuses.
A cet effet, on racle les croûtes teigneuses et la poussière ainsi •obtenue est placée sur une lame de verre, où on la traite par une solution de potasse à 40 p. 100, ou par l'ammoniaque, afin -de dissoudre les matières grasses. Puis, on recouvre d'une lamelle .et l'on examine la préparation à un fort grossissement.
Si l'on a affaire à la Teigne tonsurante, on constate alors la présence de spores très réfringentes, à double contour et de omm,005 -à 0mm,006 de diamètre (Mégnin). Ces spores sont libres ou bien .enfilées les unes à la suite des autres comme les grains d'un chapelet (fig. 12). Le mycélium est très rare.
Pour découvrir ce parasite, un seul examen microscopique n'est pas toujours suffisant : il n'est pas rare que l'on soit obligé de faire plusieurs préparations avec des croûtes prises dans diverses régions soumises à des raclages successifs de manière à les examiner dans toutes leurs couches.
Mais quand on trouve le Trichophyton, on peut affirmer qu'il s'agit de la Teigne tonsurante, car cette maladie est uniquement produite par la végétation de ce champignon microscopique, ,comme les expériences de Gerlach, dont il sera parlé ci-après, !l'ont démontré. M. le docteur 0. Larcher a appelé l'attention sur ■un moyen de diagnostic recommandé, chez l'homme, par le docteur Dyce Duchworth et qui mérite d'être signalé ici en raison •de sa simplicité. « Il suffit de verser quelques gouttes de chloroforme sur la partie malade, et, s'il s'agit réellement d'un cas de trichophytie tonsurante, à mesure que le chloroforme s'évapore, •on voit bientôt les poils malades devenir opaques, prendre une
couleur jaune blanchâtre et revêtir l'aspect de fins filaments de -végétaux, tandis que les poils sains ne sont nullement influencés par le chloroforme (1). »
Contagion. — Elle a été démontrée expérimentalement par 'Gerlach et par M. Mégnin.
-10 Transmission de la Teigne tonsurante aux animaux. — L'agent essentiel de la contagion est le Trichophyton tonsurans. Ce fait capital a été mis en lumière par les expériences comparatives de 'Gerlach sur des bêtes bovines. Ainsi, ce savant a inoculé le sang •obtenu en scarifiant la surface d'une plaque teigneuse parfaitement développée; ce liquide fut appliqué sur une partie saine de ,la peau que le ratissage avait rendue saignante. « Le résultat fut
.(1) Recueil de méd. vétér., novembre 1882, p. 1252.
nul. La sérosité sanguinolente, puisée sous une croûte bien formée, n'eut pas plus de succès. Les squames qui continuaient à se former après la chute de la croûte, mais dans lesquelles un examen microscopique réitéré ne démontra pas la présence du champignon, ne provoquèrent point de dartres », c'est-à-dire de plaques teigneuses; tandis que l'inoculation de croûtes contenant le Trichophyton détermine l'apparition de la maladie.
Cette inoculation a été faite avec des croûtes teigneuses, réduites en poussière, et déposées, par frictions légères, sous le poil de plusieurs bêtes bovines d'âge différent. Quatorze jours après cette opération, les veaux présentèrent, à peu d'exceptions près, une 'éruption dartreuse. La contagion était un fait isolé et la germination des sporules se trouvait un peu retardée chez les bêtes plus avancées en âge que les précédentes. Les effets se manifestaient avec plus de certitude lorsqu'on humectait la peau, qu'on ratissait les lamelles épidermiques superficielles et mieux encore quand, par des scarifications très légères, on faisait suinter le ■sang du derme. Dans ces cas, les jeunes bêtes et les veaux étaient régulièrement infectés, les sporules germaient assez vite pour que, vers le quatorzième jour, une dartre du diamètre d'un écu se fût développée et qu'une croûte d'une ligne d'épaisseur la couvrît.
« Pour mieux observer l'évolution de la dartre et les modifications de la peau dans une région dégarnie de poils, des inoculations furent pratiquées sur des vaches blanches, près des lèvres vulvaires. Une plaque d'un rouge pâle se montra chez une vache dans le cours de la deuxième semaine; vers la troisième semaine, il existait une dartre parfaitement circulaire, du diamètre d'une pièce de deux francs. La peau, légèrement tuméfiée et rouge, présentait une desquamation gris jaunâtre. Dès la quatrième semaine, «lie marcha vers la guérison, en commençant par Je centre; il resta un anneau herpétique qui se rompit sur un point et disparut dans la sixième semaine. Dans les squames très minces, on ne découvrit point de champignon. Chez un veau dont la dartre avait pris tout son développement dans le courant de la deuxième semaine après l'inoculation, la rougeur était plus intense, des papules distinctes et même quelques petites pustules surgirent; une couche épaisse d'écaillés fournit une desquamation plus abondante que dans le précédent (1). » Gerlach a également constaté que « des inoculations, faites dans des parties dénudées de poils et où avaient siégé des dartres, restèrent stériles aussi longtemps
(1) Recueil de méd. vêt., 1859, p. 91. — Mémoire de Gerlach, traduit et analysé par Verheyen.
que les plaques étaient complètement dégarnies, alors même qu'on rendait la superficie saignante. »
Dans les parties où le poil avait repoussé, les plaques se reproduisirent, mais « elles ne se couvrirent point d'une croûte aussi épaisse qu'aux régions qui n'avaient pas encore été atteintes. » Ce fait, qu'il nous a paru bon de mentionner, n'est pas sans analogie avec la non-récidive des maladies virulentes. Comme on le voit, les expériences de Gerlach ont été des plus variées. Ce n'est pas tout encore. Ainsi dans une dernière série d'expériences, il chercha à déterminer la durée de la faculté germinative des sporules.
« Des croûtes recueillies en automne, déposées dans des capsules de papier et conservées dans un cabinet de travail jusqu'au printemps suivant, furent soumises de temps à autre à un essai. Celles qui étaient âgées de plus de trois mois demeurèrent inefficaces sur une peau non préparée; les sporules datant de six mois dont l'inoculation eut lieu par le procédé de la scarification germèrent encore et produisirent des dartres parfaitement développées. On nota comme différence une plus longue incubation, des croûtes moins épaisses et une guérison plus hâtive (1). »
Telles sont les remarquables expériences de Gerlach, qui démontrent péremptoirement que la Teigne tonsurante du bœuf est susceptible de se transmettre à d'autres animaux de l'espèce bo-. vine, par un véritable ensemencement des spores ou germes du champignon microscopique que nous avons décrit ci-dessus. Ajoutons que ce n'est point seulement sur le veau que ce champignon est susceptible d'être cultivé, mais encore chez le cheval, comme le prouvent les expériences de Gerlach et celles de M. Mégnin (2). Il peut encore germer sur la peau du chien, du moins quand l'animal est jeune et que l'inoculation a été précédée « de légères scarifications et de la destruction de l'épiderme ; chez le mouton et le porc toutes les tentatives d'inoculations furent vaines, malgré les scarifications préalables de la peau ».
La germination du champignon producteur de la Teigne tonsurante serait sans doute plus constante, si on le semait après avoir préalablement coupé les poils aussi ras que possible et appliqué sur la peau un emplâtre épispastique, comme l'a conseillé M. Saint-Cyr (3) pour la culture du champignon producteur de la teigne faveuse (Achorion Schœnleinii).
Enfin, plusieurs faits ainiques démontrent que la Teigne bovine se transmet par le contact des bêtes malades avec les bêtes saines.
(1) Recueil de méd. vêt., 1859, p. 92.
(2) Ibid., 1878, p. 831.
(3) Ibid., 1869, p. 647.
Les objets de pansage, les harnais et même la litière peuvent servir de véhicules à la contagion, c'est-à-dire au transport des sporules ou germes de la maladie. L'humidité paraît favorable à la germination des spores, et, par conséquent, à la contagion; la vitalité de ces germes peut également contribuer à leur dispersion. — Thin a constaté « qu'au bout de deux ans et demi les spores semblent avoir perdu toute aptitude à germer, mais il a pu en cultiver sur gélatine, qui remontaient à onze mois (1) ».
2° Transmission de la Teigne lonsurante à l'homme. — De nombreux faits établissent que la Teigne tonsurante des bovidés ou des équidés est susceptible de se transmettre aux personnes qui soignent ces animaux, à celles qui sont chargées de traire les vaches, aux bouchers qui touchent les veaux, etc.
D'ailleurs, la contagion de la Teigne tonsurante à l'espèce humaine a été démontrée de la manière la plus nette par Gerlach, qui s'est inoculé à lui-même la Teigne tonsurante sur le bras. Cette expérience a été répétée par Gerlach sur deux élèves, qui contractèrent la maladie, et même sur l'un de ces jeunes gens, à peau fine et velue, la germination du Trichophyton produisit une rougeur intense avec tuméfaction de la peau et violentes démangeaisons. Au bout de trois semaines la plaque teigneuse avait atteint « le diamètre d'un écu de six livres. Rouge foncé, couverte de papules et de vésicules sur le bord, elle offrait au centre un aspect blanc, rugueux, squameux, de plus en plus prononcé. Guérissant au centre, elle prit une forme annulaire, tandis qu'une végétation confluente continuait au pourtour. L'exanthème progressant, la jambe, qui avait été choisie, se couvrit de segments d'anneaux et présentait des plaques à toutes leurs périodes d'évolution, depuis la simple efflorescence jusqu'à la dessiccation squameuse blanc grisâtre. La longue durée de l'éruption dut être combattue par un traitement médical. »
Bœrensprung, cité par Gerlach, s'est aussi inoculé la Teigne bovine; il se manifesta un exanthème semblable à l'herpès circiné de l'homme, comme dans les expériences précédentes.
Remarquons que « dans ces éruptions herpétiques transmises à l'espèce humaine, on trouva des champignons entre les couches de l'épiderme; lorsque la peau était très velue, les follicules pileux en contenaient en plus grande abondance » (Verheyen) (2).
Donc, le végétal qui produit chez l'homme la Teigne tonsurante est le même que celui qui détermine cette maladie chez les animaux de l'espèce bovine ; seulement les manifestations sympto-
(1) G. Neumann, Traité des maladies parasitaires, 2e édition, p. 291.
(2) Recueil de méd. vét., 1859, p. 345.
matiques, qui procèdent de la végétation de ce champignon, varient suivant le plus ou moins d'épaisseur de la peau et certaines dispositions individuelles, c'est-à-dire suivant la nature du terrain dans lequel il est semé.
Pronostic. — Très grave chez l'homme quand elle se développe dans le cuir chevelu, la Teigne tonsurante est d'une guéri-son relativement facile quand elle apparaît ailleurs, dans des parties dénudées ou peu garnies de poils. Chez les bêtes bovines la Teigne tonsurante peut guérir spontanément, au moins sur les bêtes adultes et quand elle siège dans des régions qui ne sont pas •exposées aux frottements. Sur les veaux, elle est assez rebelle et ne guérit point d'elle-même. Il en est de même chez les bêtes adultes, lorsque les plaques teigneuses se sont transformées en plaies ulcéreuses par suite des démangeaisons qu'elles causent. C'est principalement pendant l'été que se remarquent ces complications, qui ne peuvent point disparaître entièrement par les seuls efforts de la nature. D'ailleurs, la transmissibilité de la Teigne bovine à l'homme et la marche de cette maladie dans notre espèce donnent au pronostic de cette affection une gravité réelle.
Traitement. — Il est préservatif ou curatif :
1° Traitement préservatif. — Il consiste à séparer — quand cela est possible — les bêtes malades des bêtes saines. Dans tous les cas, on doit signaler aux personnes chargées de soigner les animaux ou de traire les vaches, le caractère contagieux de cette maladie et leur faire remarquer qu'avec de l'attention et des soins de propreté, on est à l'abri de tout danger. Il faut particulièrement éviter que des enfants touchent des bêtes bovines atteintes de Teigne.
On aura le soin de ne pas se servir pour les bêtes saines des objets de pansage employés pour les animaux malades, du moins sans les avoir préalablement bien lavés avec de l'eau bouillante. — On devra également désinfecter la place occupée, dans l'étable, par une bête atteinte de Teigne, en lavant à l'eau bouillante les mangeoires ou les murs contre lesquels les animaux se sont frottés. — Un badigeonnage, avec une solution laiteuse de chlorure de chaux, complète ensuite la désinfection, qui se réduit, pour ainsi dire, à des soins de propreté.
20 Traitement curatif. — On a conseillé tour à tour la pommade de précipité blanc (calomel), contenant une partie de calomel pour quatre parties d'axonge (Gerlach), lasolution alcoolique de sublimé corrosif, au quart (Reynal), la solution aqueuse de bichlorure de mercure, au centième (Mégnin). Mais il ne faut pas oublier que les préparations mercurielles, surtout les pommades, peuvent
occasionner chez le bœuf de graves accidents, lorsqu'il parvient à se lécher. Il est donc préférable d'employer la teinture d'iode. On badigeonne avec ce liquide les croûtes teigneuses, et en faisant ainsi cinq ou six applications à un jour d'intervalle, on parvient à arrêter les progrès du mal et l'on obtient peu à peu la guérison. — On peut également calmer les démangeaisons dont les plaques teigneuses sont le siège, par des lotions avec une solution de chloral, dans la proportion de 30 grammes de chloral pour 1. litr& d'eau.
CHAPITRE III
ECZÉMA CHRONIQUE
M. Mégnin a décrit, dans le Recueil de médecine vétérinaire ,. en 1875, une maladie cutanée non parasitaire qu'il a observée sur un bœuf charolais-normand, âgé de cinq ans, bien en chair, mais qui avait été cependant vendu pour la basse boucherie en raison sans doute de l'affection de peau dont il était atteint.
Suivant les renseignements qui ont été communiqués à M. Mégnin, cette affection avait débuté trois ans auparavant par « une éruption vésiculaire, miliaire, rapidement confluente, occupant exclusivement la région des reins sur une longueur de 2 ou 3 décimètres ; une démangeaison modérée accompagnait l'éruption qui fut bientôt suivie de la formation de croûtes granuleuses remplissant le fond des poils. Aux croûtes granuleuses succéda bientôt une exfoliation épidermique très abondante suivie d'alopécie, et, à l'entrée de l'hiver, l'animal présentait, au milieu des reins, une surface dénudée, rose, lisse, brillante, couverte de larges écailles épidermiques, lamelleuses, se brisant et se détachant par le frottement et ne s'accompagnant nullement de sensibilité exagérée ni de démangeaison. — De l'eau de lessive, des préparations à base de soufre ou de goudron furent opposées seulement à l'affection et parurent aider à l'éteindre, mais le poil n'avait aucune tendance à repousser.
» Au printemps de l'année suivante, 1873, récidive, rechute ou recrudescence de la maladie, qui étend son périmètre de 5 ou 6 centimètres en tous sens, en faisant passer les nouvelles portions de peau envahies par les mêmes phases que celles qui avaient été affectées l'année précédente, c'est-à-dire qu'après l'éruption vésiculeuse et la formation des croûtes granuleuses, on constata la chute des poils et les larges exfoliations épidermiques. Nouveau
traitement local comme l'année précédente et tout aussi infructueux.
» Au printemps de 1874, troisième recrudescence et nouvel envahissement en surface de l'affection de peau, qui, cette fois, arrive jusqu'au garrot en avant et à la base de la queue en arrière, et qui, latéralement, descend jusqu'au milieu des côtes. Mème marche de l'affection que précédemment ; mais, fait curieux, on remarque qu'elle respecte toutes les parties colorées par le pigment et couvertes de poils rouges. Au mois de juillet, l'exfoliation et la chute des poils s'opérant, près de la moitié supérieure du tronc de l'animal est à nu ; c'est alors que le propriétaire, craignant avec raison de voir la maladie gagner chaque année et augmenter ainsi la dépréciation de sa bête, se décida à s'en défaire.
» A ce moment, toute la partie supérieure du corps présente une surface irrégulière dépourvue de poils, rosée, couverte de grandes squames lamelleuses, adhérentes par un ou deux de leurs bords; c'est, en un mot, une surface eczémateuse à sa troisième période. Au garrot, l'affection en est encore presque à sa période initiale, car on voit que les poils sont encore en place, mais hérissés et remplis de croûtes granuleuses. A la base de ces poils, on voit la peau rougeâtre exulcérée superficiellement et présentant tous les caractères d'un eczéma à sa deuxième période. Au milieu de la surface eczémateuse sèche et lamelleuse, on voit des îlots de peau saine couverts de poils rouges. Dans toutes les parties envahies par l'affection cutanée, aussi bien dans celles où elle est la plus récente que dans celles où elle est la plus ancienne, la peau a conservé son épaisseur normale et presque toute sa souplesse ; c'est pourquoi cette affection doit rationnellement être classée dans le genre Eczéma, et nous la spécifierons en ajoutant les épithètes chronique et lamelleux. L'examen microscopique est venu confirmer l'examen macroscopique en nous montrant que son siège était dans les parties les plus superficielles du derme, et qu'il y avait absence totale de parasites d'aucune sorte. »
A l'ouverture du bœuf dont il s'agit et pendant son depeçage en quartiers, M. Mégnin a constaté que tous les organes et tissus étaient sains à l'exception des os, qui présentaient tous, sur leur coupe, une coloration foncée ; « de plus, des anneaux bruns concentriques, en nombre égal aux périodes d'exacerbation de la maladie, se remarquaient surtout sur les os longs des membres, et rappelaient tout à fait l'effet produit par la garance sur les os de poulet dans les célèbres expériences de Flourens. L'examen microscopique nous a montré que la coloration de ces zones était due exclusivement à un dépôt de granulations pigmentaires ».
Cette observation porte à penser, comme le fait judicieusement
remarquer M. Mégnin, qu'il s'agissait d'une maladie constitutionnelle procédant d'un état diathésique particulier.
L'Eczéma chronique, qui vient d'être décrit, se distingue de la teigne tonsurante par l'absence de parasite et par l'aspect des parties dénudées, qui ne présente pas cette disposition en plaques circulaires, caractéristique de la teigne tonsurante.
Il est également facile de le distinguer de la gale, car cette maladie a une marche beaucoup plus rapide, elle s'accompagne de démangeaisons très vives et enfin elle est causée par des parasites animés très visibles au microscope.
Cet Eczéma procédant d'une diathèse, il est clair qu'on ne peut en arrêter la marche ou mieux le guérir par un traitement externe, comme le prouve d'ailleurs l'observation précédente. C'est évidemment aux modificateurs généraux qu'il faut avoir recours pour combattre, avec quelque avantage, une lésion de cette nature. M. Mégnin, àl'exemplede M. Hardy, conseille en pareil cas l'acide arsénieux ; toutefois notre savant confrère a reconnu que dans certains cas rebelles « de psoriasis ou même d'eczémas chez des chevaux », l'iodure de potassium était préférable. « Il nous est même arrivé, ajoute M. Mégnin, de l'employer concurremment avec le premier, en alternant de quinzaine en quinzaine ; et cette méthode nous a mieux réussi que l'emploi unique d'un des deux agents. »
L'acide arsénieux pourrait être donné à la dose quotidienne de 1 à 3 grammes suivant la taille des animaux, et l'iodure de potassium à celle de 6 à 10 grammes par jour.
CHAPITRE IV
GALE
La Gale est une maladie cutanée produite par un parasite de l'ordre des Acariens et de la famille des Sarcoptidés.
Deux genres d'acariens peuvent croître et se multiplier sur la peau du bœuf et constituer ainsi deux sortes de Gales, l'une que l'on a qualifiée de psoroptique pour indiquer qu'elle est déterminée par un acarien du genre Psoropte et l'autre qu'on a appelée symbiotique, qui est causée par un acarien appartenant au genre Symbiote. En outre, il paraît probable, d'après certaines observations publiées par Gohier, Daprey, etc., que les bêtes bovines peuvent être affectées de la Gale sarcoptique, c'est-à-dire produite
par le sarcopte, car on aurait quelquefois constaté la transmission de la Gale du cheval à la vache (1). Mais les observatiQns que nous possédons sur cette prétendue variété de Gale ne sont pas assez précises pour qu'il soit possible d'en faire une étude utile sous le rapport de la pratique. Nous décrirons donc seulement la Gale bovine sous les formes psoroptique et symbiotique, qui sont bien connues.
ARTICLE 1
GALE PSOROPTIQUE.
Étiologie. Contagion. — Cette variété de Gale est produite par le PS01'optes communis. Ce parasite peut habiter sur le cheval, le bœuf, le buffle, le mouton et le lapin; toutefois, une seule variété vit et se multiplie sur la peau du bœuf. C'est celle que l'on appelle Bovis pour la distinguer des autres.
De nombreuses expériences, faites par Delafond et Gerlach notamment, démontrent que le psoropte du bœuf ne vit pas sur la peau du cheval ni sur celle du mouton, et cependant le psoropte de ces animaux ressemble tellement à celui du bœuf qu'il est impossible de l'en distinguer. Ils ne diffèrent que par l'habitat.
Les figures 13, 14 et 15 représentent deux psoroptes du cheval,. le mâle et la femelle et une larve hexapode. En les examinant, on pourra se faire une idée du psoropte du bœuf, qui lui est identique, à part des dimensions un peu moindres. Cet acarien, comme la plupart des sarcoptidés psoriques, est ovipare, et les femelles déposent leurs œufs partout où elles se trouvent, sous les croûtes épidermiques notamment, et sans creuser de galerie entre deux lames d'épiderme comme le font les sarcoptes.
On évalue approximativement à 15 ou 20 le nombre d'oeufs qu'une femelle peut pondre, et comme chaque individu est apte à se reproduire au bout de quinze jours environ, il s'ensuit qu'en un temps relativement court, un mois ou six semaines, des milliers de parasites pullulent sur le corps des animaux. La multiplication de ces acariens se fait avec d'autant plus d'intensité que les animaux, aux dépens desquels ils vivent, sont placés dans de plus mauvaises conditions hygiéniques, de telle sorte que la malpropreté, la mauvaise nourriture, le jeune âge, l'anémie sont des causes prédisposantes de la Gale bovine, comme d'ailleurs de toute autre.
(1) Mémoires de la Société d'agriculture de Lyon, 18*21, p. 80.
La vitalité de ces acariens a été déterminée par Gerlach, qui a constaté qu'ils peuvent vivre pendant vingt à trente jours dans une écurie, après avoir été séparés de la peau de l'animal ou bien
Psoroptes equi (Gervais) (1).
Fig. 13. — Mâle, face inférieure (d'après les dessins de M. Mégnin).
Fig. 14. — Femelle, face inférieure (Id.). Fig. 15. — Larve hexapode (Id.).
après la mort de celui-ci. On conçoit dès lors combien il est utile de procéder à la désinfection. De plus, il est encore facile de comprendre que la contagion peut s'effectuer par tous les objets de
(1) Recueil de méd. vét., 1872, p. 505.
pansage, qui servent, en quelque sorte, de véhicule au parasite.
Les rassemblements d'animaux sur les champs de foire, dans les cours d'auberge, etc., leur séjour dans des étables infectées, le transport dans des wagons où ils sont placés côte à côte et serrés les uns contre les autres, sont autant de circonstances qui favorisent la contagion.
Symptômes. a>iag-nostic. — La Gale psoroptique se montre sous forme de plaques croûteuses, grisâtres, irrégulières, qui siègent sur la nuque, le bord supérieur de l'encolure, le garrot. Dans ces régions, la peau est épaissie, plissée, dénudée, et en la grattant avec un objet mousse, on en détache facilement des croûtes pulvérulentes, sous lesquelles grouillent des psoroptes, comme on peut s'en assurer par l'examen microscopique, en employant un faible grossissement, 40 à 50 diamètres tout au plus.
Ces parasites déterminent par leurs morsures incessantes un prurit très violent, qui porte l'animal à se lécher fréquemment et à se gratter ou se frotter contre tous les corps qui sont à sa portée. On conçoit aisément qu'une douleur aussi persistante est très préjudiciable à la santé de l'animal. De fait, il maigrit de plus en plus et s'affaiblit au point de tomber dans le marasme et l'étisie, si l'on ne remédie point à ce fâcheux état de choses.
En raison des mœurs des psoroptes et de leur tendance à vivre en troupes nombreuses, sans trop s'éloigner les uns des autres comme le font les sarcoptes, la Gale psoroptique a une marche lente, mais néanmoins envahissante. Les plaques croûteuses se multiplient, et la maladie progresse de haut en bas, tout en n'atteignant pas cependant le centre et les extrémités.
La marche de l'affection, la douleur prurigineuse qui l'accompagne, le siège des croûtes, leur forme irrégulière peuvent faire soupçonner l'existence de la Gale psoroptique. Mais pour établir le diagnostic avec sûreté, il faut constater la présence du parasite. A cet effet, on gratte la peau dans les parties malades de manière à recueillir, les croûtes qui les tapissent et en prenant de préférence celles qui se trouvent à la périphérie de la région attaquée par le parasite, parce que c'est surtout dans cette zone limitrophe, qui n'est point encore épaissie et indurée, que les psoroptes trouvent une abondante nourriture, et qu'ils pullulent.
En examinant à l'aide d'une loupe, ou mieux au microscope à un grossissement de 40 à 50 diamètres, ces croûtes, préalablement exposées au soleil ou bien soumises à une douce chaleur afin d'exciter les parasites qui peuvent être engourdis par le froid, on constate la présence des acariens représentés dans les figures 13 et 14. A l'aide de la pointe d'une aiguille, on les enlève et on les dépose dans une gouttelette de glycérine préalablement étalée
sur une lame de verre; on les recouvre alors d'une lamelle, sans appuyer, et on les examine à un grossissement de 150 diamètres afin d'en déterminer, avec pleine et entière certitude, le genre et l'espèce.
Le psoropte du bœuf, quoique plus petit que celui du cheval (omm,65 de longueur), peut cependant être aperçu à l'œil nu, quand on examine les croûtes sur un papier noir. On distingue alors de petits points blancs, qui exécutent des mouvements en différents sens. — Mais on ne peut établir le diagnostic avec précision que par l'examen microscopique.
Diagnostic différentiel. — La Gale psoroptique du bœuf peut être confondue avec la teigne tonsurante, l'eczéma chronique ou dartreux, le prurigo phthiriasique et la gale symbiotique.
Nous rappellerons que la teigne tonsurante s'accuse par des plaques nettement circulaires, couvertes de croûtes grises ou jaunes, dans lesquelles l'examen microscopique démontre la présence du trichophyton; tandis que les plaques de Gale psoroptique sont irrégulièrement elliptiques, et, dans les croûtes qui les recouvrent, on trouve des psoroptes en plus ou moins grand nombre.
L'eczéma chronique ou dartreux présente, comme la Gale psoroptique, des plaques irrégulières, couvertes d'écaillés ou de squames lamelleuses, comme l'a observé M. Mégnin. Ces plaques sont dénudées dans les parties envahies depuis longtemps, tandis qu'elles présentent encore quelques poils dans la zone récemment attaquée. Ici encore on établira la différenciation par l'examen miscrocopique de la poussière obtenue par le raclage des croûtes. Nous avons vu précédemment (p. 446) que l'eczéma chronique est une véritable dartre, c'est-à-dire qu'il n'est point parasitaire, tandis que la Gale psorotique est déterminée par un parasite facilement reconnaissable.
« Le prurigo, causé par le grand pou du bœuf (Hsematopinus eurysternus), qui habite de préférence les longs poils du chignon et du bord supérieur de l'encolure, s'accompagne de démangeaisons assez vives, de dépilations et d'une éruption prurigineuse qui pourrait être prise, par des examinateurs superficiels, pour une Gale au début; mais les papules du prurigo restent toujours isolées, ne se réunissent jamais en plaques, et il n'est pas possible de confondre ces deux éruptions, surtout lorsque la présence des poux a été constatée (1). » Mais ces deux affections peuvent exister simultanément. Dès lors, la règle à suivre consiste toujours à examiner les croûtes soit à la loupe, soit au microscope. C'est encore à ce puissant moyen de diagnostic qu'il faut avoir recours
(1) P. Mégnin, les Parasites et les Maladies parasitaires, Paris, 1880, p. 357.
pour distinguer sûrement la Gale psoroptique de la Gale symbiotique, dont il est parlé dans l'article suivant.
Pronostic. — Il n'acquiert de la gravité que lorsque les animaux appartiennent à des propriétaires négligents, qui ne les font point soigner, de telle sorte que la maladie progresse de plus en plus jusqu'à l'épuisement complet du sujet affecté.
Traitement. —Il est préservatif ou curatif.
10 Traitement préservatif. — Il consiste dans l'observation des règles de l'hygiène. On conçoit que les animaux proprement temus, convenablement pansés et nourris, résisteront mieux à la ;gale. Il est clair encore que les bouviers soigneux doivent éviter de se servir des objets de pansage qui auraient été employés pour des bêtes galeuses, sans les avoir préalablement désinfectés. Il suffit de tremper ces objets dans l'eau bouillante pour détruire les parasites, agents de la contagion. — De même, il faut nettoyer 'la place occupée dans l'étable par un animal galeux. A cet effet, -on enlève la litière, le fumier, on balaye le sol et on l'arrose avec de l'eau bouillante. On lave de même la mangeoire, les murs -contre lesquels l'animal s'est frotté.
2° Traitement curatif. — On commence d'abord par débarrasser la peau des squames et des croûtes, le plus possible, au moyen d'un vigoureux lavage avec la brosse rude et l'eau savonneuse. Cela fait, ou applique sur les parties malades les préparations acaricides, en ayant le soin d'empiéter sur les parties saines environnantes, dans une étendue de 3 à 4 centimètres. —A l'exemple de M. Mégnin, nous conseillons tout particulièrement la décoction de tabac (30 grammes pour 1 litre d'eau) et mieux encore la ,décoction huileuse. Les déchets sirupeux des manufactures de itabac — quand il est possible de s'en procurer — conviennent bien également. — On prépare une sorte de liniment très actif -et très économique en mélangeant 100 grammes de ces résidus .avec l litre d'huile très commune.
Une pommade soufrée préparée en incorporant simplement 1 partie de soufre sublimé dans 4 ou 5 parties d'axonge constitue •encore un topique très efficace et d'un prix peu élevé.
Il faut proscrire l'emploi des pommades mercurielles, cantha-ridées ou arsénicales, car les animaux de l'espèce bovine ont une grande tendance à se lécher et même à lécher leur voisins, et ils enlèvent souvent, d'un coup de langue, l'onguent que l'on vient d'appliquer sur une région quelconque.
Deux ou trois frictions avec la pommade soufrée précitée, 'faites à un ou deux jours d'intervalle, ou bien quelques lotions avec la décoction de tabac, répétées pendant trois ou quatre jours, suffisent pour guérir la Gale psoroptique du bœuf. — On
complète le traitement curatif par le lavage à l'eau bouillante des. couvertures et objets de pansage ayant servi aux bêtes galeuses..
ARTICLE Il
GALE SYMBIOTIQUE.
Symptômes. — La Gale symbiotique, qui paraît fort rare chezles bêtes bovines, débute ordinairement vers la base de la queue, dans la région péri-anale. La peau se couvre d'une poussière grisâtre ou jaunâtre qui forme des croûtes sèches, des squames peu adhérentes. Un prurit assez prononcé, mais moins violent quedans la gale psoroptique, se déclare.
Si les soins de propreté ne sont pas négligés, la maladie peut rester circonscrite et en quelque sorte cantonnée dans la région précitée. Quand il en est autrement, elle progresse lentement, il est vrai, mais cependant d'une manière incessante. Ainsi, ellegagne, d'un côté, la région du dos et même du cou, paraît-il, et, de l'autre, elle descend dans l'entre-deux des cuisses, sur l'écusson, et arrive finalement sur les mamelles où sa présence s'accuse par des croûtes minces.
La marche de cette Gale est intermittente; c'est surtout pendant l'hiver, lorsque les animaux sont renfermés dans l'étable, que le prurit est le plus manifeste. Pendant la belle saison et lorsqu'ils. vivent au grand air, dans les pâturages, et qu'ils ont le poil court, les démangeaisons deviennent de moins en moins prononcées, de. telle sorte que l'on pourrait croire à une guérison. Mais il n'en est rien : dès que les animaux sont au régime de la stabulation' permanente et qu'ils ont pris leur poil d'hiver, ils se grattent de. nouveau. Ces intermittences s'expliquent par ce fait que, pendant l'été, les symbiotes ne disparaissent pas; « ils restent tapis au, font des poils du chignon et du bord supérieur du cou, vivant exclusivement des exsudations naturelles de la peau, et ce n'est qu'au moment où ces exsudations viennent à manquer, par suite du ralentissement des fonctions de la peau pendant l'hiver, que. les symbiotes redeviennent psoriques et déchirent de nouveaul'épiderme pour vivre des humeurs qui suintent de ces lésions (1) »..
Des phénomènes analogues se remarquent également pour la Gale psoroptique. D'ailleurs, les conséquences de ces deux variétés. de Gale sont les mêmes, c'est-à-dire qu'elles peuvent, à la longue,. finir par épuiser complètement les animaux.
(1) P. Mégnin, loc. cil., p. 360. 1 ...
Diagnostic. — On l'établit en procédant de la même manière que pour la Gale psoroptique, c'est-à-dire en examinant au microscope
Symbiotes (Gerlach), Symbiotes spathifel'llS (Mégnin) (1).
Fig. 16. — Femelle ovigère.
Fig. 17. — Mâle.
Fig. 18. — Larve hexapode.
ou à la loupe la poussière obtenue par le raclage des croûtes.
En examinant les figures 16, 17, 18, qui représentent des sym-
(1) Recueil de méd vél., 1872, p. 605.
biotes, suivant les dessins de M. Mégnin, le praticien se fera une idée de ces parasites et il pourra ainsi établir le diagnostic avec certitude. Et à ce sujet, nous ferons remarquer avec M. Mégnin, qu'il peut être parfois assez difficile de reconnaître la Gale symbiotique du bœuf, au début « parce qu'elle a alors une grande analogie avec le prurigo causé par le J'richodectes scalaris, petit pou qui habite surtout les régions postérieures du corps, particulièrement le voisinage de la queue, et qui cause une éruption furfuracée et finement croûteuse, s'accompagnant de dépilation et d'une démangeaison assez faible, ayant la. plus grande ressemblance avec les premières manifestations de la Gale en question » (Mégnin). C'est donc seulement en s'aidant de la loupe ou du microscope que l'on pourra formuler nettement le diagnostic.
Contagion. — Elle s'effectue dans les mêmes circonstances que pour la Gale psoroptique (Voy. p. 449). Remarquons toutefois que les symbiotes, détachés de la peau des animaux qui les héberg eaient, peuvent vivre dans une écurie ou une étable, c'est-à-dire dans une atmosphère chaude et humide, pendant quarante à cinquante jours, ce qui impose l'obligation de détruire la litière des bêtes galeuses, ou tout au moins d'éviter que les bêtes bovines viennent s'y reposer. Notons encore que cette forme degale « n'est contagieuse ni pour l'homme ni pour d'autres animaux domestiques (1) ».
Pronostic. Traitement. — Cette partie de l'étude de la Gale symbiotique est identique à celle de la Gale psoroptique (Voy. p. 452). Nous nous contenterons de rappeler que la désinfection constitue toujours le complément indispensable de toute méthode de traitement applicable à la Gale. Il n'est pas nécessaire d'avoir recours ici à des moyens compliqués et dispendieux. L'eau bouillante détruit les acariens et leurs œufs plus sûrement que les badigeonnages phéniqués et autres, qui ont été plus ou moins préconisés.
CHAPITRE V
PRURIGO PHTMRIÀSIQUE
On appelle ainsi une affection cutanée produite par des insectes aptères, qui vivent en parasites sur l'homme et les ani-
(1) Nouveau Dictionnaire pratique de méd. et de chirurg. vétér. Voy. art. Gale, t. VII, p. 594.
maux. Ce sont ces insectes que tout le monde connaît sous le nom de Poux. Or, le Prurigo phthiriasique que l'on remarque assez fréquemment chez les bovidés, est produit par trois espèces de poux, savoir :
10 Deux poux suceurs (Hasmatopinus eurysternus et tenuirostris), que l'on appelle encore les grands poux du bœuf et qui présentent une longueur de 3 millimètres environ ;
2° Un pou à mâchoires (Trichodectes scalaris), ou petit pou, qui ne mesure guère qu'un millimètre à un millimètre et demi.
Symptômes. — Le grand pou du bœuf se montre de préférence dans les parties où le poil est épais, enchevêtré, au chignon notamment, puis au bord supérieur de l'encolure, au garrot, aux épaules, au dos et même à la base de la queue. Mais, comme le dit M . Mégnin, il se loge de préférence dans la crinière courte et frisée du sommet du crâne et du bord supérieur de l'encolure, et c'est dans cette région que se montrent les petites papules rouges et la vive démangeaison produites par les piqûres du parasite. On voit en outre, çà et là, des œufs ou des lentes, collés aux poils et dont la présence, d'ailleurs très facile à constater, permet de soupçonner immédiatement la cause du Prurigo signalé. Et, par un examen plus attentif, on voit les poux grouillant entre les poils.
« Le petit pou habite le long de l'épine du dos, sur la, croupe, sur les cuisses, sur les flancs, sur les côtes, sur les faces de l'encolure et même sur les joues et le front. Il ne provoque pas l'apparition de papules, mais une démangeaison modérée qui excite des frottements et l'action de la langue rugueuse de l'animal, ce qui amène la chute des poils sur de larges surfaces, une abondante sécrétion épidermique et même à la longue un épaississement et des rugosités de l'épiderme qui font croire à une affection psorique : le microscope seul permet de rectifier l'erreur. » (P. Mégnin.)
[Rien à dire, d'ailleurs, sur le pronostic de la Phthiriase des bêtes bovines, cette maladie n'étant absolument d'aucune gravité.] Traitement. — [Le traitement de cette maladie dans les étables est facile et simple : soustraire à la contagion tous les animaux qui paraissent n'avoir pas été attaqués par les poux ; enlever les Litières et les porter sur un tas de fumier; passer les murs à la chaux; oindre avec de l'huile de lin tous les bœufs sur lesquels on a remarqué la présence des parasites et tous ceux qui peuvent être soupçonnés d'avoir été, parle contact, exposés à la contagion. L'huile de lin ne coûte pas cher; on en trouve dans toutes les exploitations rurales; et il suffit d'une onction pour que les animaux soient débarrassés des parasites. Seulement, comme l'huile de lin ne tue pas les lentes, il faut faire une seconde onction, au moyen de la même substance, sept ou huit jours après la pre-
mière, lorsqu'on peut croire que l'éclosion des lentes a eu lieu.
[Si la friction ou onction a été faite avec soin, les poux meurent, malgré la longueur du poil; il vaut mieux cependant commencer le traitement par la tonte. Alors même, il n'y a pas lieu de fair& une seconde onction, puisque les lentes ont disparu avec le poil.
[J'ai employé la décoction de tabac tenant du sel en dissolution, la cévadille, le staphysaigre, l'ellébore en poudre, formant avecde la graisse fine ou de l'huile une pommade; j'ai employé la. décoction de ces poudres diverses, chacune en particulier, et elles ne m'ont jamais donné des résultats aussi satisfaisants que l'huile de lin. Je dois recommander pour -le même usage la graisse fine d'oie, de chapon ou de poule. « [Ce n'est pas assurément par des propriétés insecticides spéciales que la graisse tue les poux, mais, comme l'huile de lin, elle les couvre d'un enduit qui les asphyxie.
[Lorsque les animaux ont été oints de l'un de ces corps gras, et que toute apparence de démangeaison a cessé, on les lave, soit avec une savonnade, soit avec une décoction de cendres; on les essuie ou on les laisse sécher au soleil, et tout est fini : il ne reste plus qu'à les remettre en état s'ils ont dépéri.]
CHAPITRE VI
LÉSION PRODUITE PAR LA LARVE DE L'HYPODERMA BOYIS
On remarque fréquemment, sur le dos des bêtes bovines, de petites tumeurs de la grosseur d'une noix, sans chaleur, ni douleur bien manifeste. Ces nodosités intéressent toute l'épaisseur de la peau, et, en écartant les poils qui les recouvrent, on voit un orifice central, d'où suinte parfois une petite quantité de matière visqueuse, comparable à de la chassie, et qui agglutine quelque peu les poils environnants.
Si l'on comprime cette tumeur en appuyant fortement les deux pouces de chaque côté, on en fait sortir une sorte de ver court et gros à corps annelé, blanchâtre ou noirâtre suivant le degré de développement: c'est la larve de VHypoderma bovis, c'est-à-dire d'un insecte diptère de la famille des OEstridés. Cet insecte, à l'état parfait, présente les caractères suivants :
Corps long de 12 millimètres environ, couvert de poils nombreux ; antennes noires, thorax jaune à sa partie antérieure, noir au milieu et marqué de lignes
noires longitudinales divisées en deux par une interruption médiane; pattes noireset velues ; abdomen d'un blanc grisâtre; ailes brunes ou de coulellr bistre.
Lorsque la femelle est prêtç à pondre, elle plane au-dessus du dos d'une bête bovine pendant une ou deux minutes, puis elle s'abat avec rapidité sur la peau, dépose un œuf, s'élève dans l'air et se met de nouveau à planer pour s'abattre avec la même rapidité et déposer encore un œuf.
La question de savoir si l'insecte dépose ses œufs sur la peau ou bien dans le tissu cellulaire sous-cutané en piquant profondément le tégument, a été longtemps controversée. Ainsi, il est des naturalistes, même parmi les plus autorisés, qui ont admis, avec Réaumur, que la femelle de YHypoderma bovis perçait la peau avec son oviscapte, qu'elle ferait agir comme une tarière pour déposer son œuf dans le trou ainsi pratiqué, où il ne tarderait pas à éclore. Mais cette opinion est erronée, et dans un mémoire publié en 1838, à Berlin, et traduit par Verheyen, Hertwig est porté à penser « que les œufs de l'OEstre du bœuf ont le même mode d'incubation que ceux de l'OEstre du cheval, c'est-à-dire qu'ils sont couvés sur la peau, et que la jeune larve sortant de l'œuf, guidée par l'instinct, perce cet organe, cherche un refuge dans le tissu cellulaire pour y atteindre sa maturité (1). » Telle était aussi l'opinion de Bracy-Clark, telle est également l'opinion de M. Mégnin, qui ajoute toutefois que la larve se sert « probablement d'un pore pour chemin, pour arriver dans le tissu cellulaire sous-cutané (2) ».
A l'appui de sa. manière de voir, Hertwig fait remarquer que l'examen le plus rigoureux ne lui a pas permis de découvrir, même à l'aide de la loupe, « la moindre solution de continuité à la peau des bêtes bovines sur le dos desquelles il avait vu des OEstres s'abattre plusieurs fois ». Et il ne paraît pas qu'aucun observateur ait vu les piqûres qui devraient exister, s'il était vrai que la femelle déposât ses œufs sous la peau. D'ailleurs, au moment où cet insecte s'abat sur le tégument, l'animal ne s'agite point, contrairement à ce qui arriverait s'il le piquait, surtout de manière à perforer la peau. Au surplus, il est à remarquer que les segments ou anneaux dont la larve est composée sont armés d'épines triangulaires, visibles à la loupe au moyen desquelles elle perfore insensiblement la peau pour arriver finalement dans le tissu conjonctif sous-cutané qui lui donne asile.
Cette larve séjourne environ dix mois dans l'espèce de cellule qu'elle s'est creusée, et qui s'agrandit au fur et à mesure que le
(1) Bibliothèque vétérinaire, 1849, p. 409.
(2) Les Parasites et les maladies parasitaires, p. 22.
parasite se développe, en se nourrissant du pus dont sa présence provoque la formation comme le ferait un exutoire. Le nombre des larves qui peuvent ainsi se loger sous la peau est fort variable. Il est exceptionnel d'en trouver moins de quatre ou cinq; ordinairement on en compte de dix à vingt, quelquefois cinquante et même cent; chaque larve forme une sorte de bosse dont le volume croît proportionnellement à celui de l'insecte. « Quand celui-ci est près de se changer en nymphe, les plus grosses bosses ont de 30 à 34 millimètres de diamètre à leur base et elles forment une saillie de 2 cèntimètres à 2 centimètres et demi de hauteur. Chacune d'elles est percée d'un trou qui tantôt en occupe le sommet tantôt est plus ou moins rapproché de sa base. Ce trou grandit comme la tumeur elle-même. Presque imperceptible quand celleci est à peine saillante, il n'a pas moins de 4 à 7 millimètres de diamètre dans les bosses d'où le ver est prêt à sortir. Les bords de l'orifice sont presque toujours revêtus d'une matière qui ressemble à de la chassie durcie, et qui n'est autre chose que du pus concrété. C'est au niveau de ce trou que l'Hypoderme tient habituellement ses plaques stigmatiques ; c'est par là que lui arrive l'air nécessaire à sa respiration (1). »
Ce parasite sort généralement de sa cellule sous-cutanée à la fin du printemps ou pendant l'été, et il glisse à terre. « Quoique dépourvu de pattes, il rampe lentement sur le sol, au moyen de ses épines et des contractions de ses anneaux, et va se cacher sous quelque abri (úne pierre, du fumier, de la terre), où il opère sa nymphose. » ( N. Joly.)
Dès que la larve abandonne son asile, le suintement purulent se tarit, et la blessure tégumentaire se cicatrise peu à peu. Néanmoins la peau perd de sa résistance dans tous les points où elle a été perforée. Bracy-Clark a signalé le préjudice que cette lésion détermine pour la préparation et la vente des cuirs. C'est là d'ailleurs le principal et, pour ainsi dire, l'unique inconvénient de la lésion produite par la larve dont il s'agit. — Il est très rare en effet que les bœufs ou les vaches paraissent éprouver la moindre douleur par suite de la présence de ces tumeurs. Et même suivant Bracy-Clark, « elles peuvent excercer un effet salutaire sur l'économie en agissant comme révulsif et en prévenant de cette manière des maladies ». D'autre part, Lafore rapporte que les habitants des campagnes considèrent la présence des larves comme « une preuve que leurs animaux sont de bonne qualité et qu'ils s'engraisseront bien (2) ».
(1) N. Joly, Recherches sur les Œstricles, Lyon, 1846.
(2) Traité des maladies des grands ruminants, p.
Cet écrivain pense même qu'il y a quelque chose de vrai dans ce raisonnement, car, dit-il, « les mouches-œstres ont l'instinct de choisir pour déposer leurs œufs les animaux qui ont la peau fine et souple ». Suivant Hertwig, les tumeurs dont il s'agit se rfjncontrent chez les bêtes bovines « quels que soient leur âge et leur constitution ; elles sont néanmoins rares sur les veaux et les animaux avancés en âge ; les bêtes adultes et d'une forte constitution en présentent le plus grand nombre ». Cependant nous avons vu plusieurs fois, à l'abattoir de Toulouse, des veaux quiprésentaient des larves d'OEstre en assez grande quantité.
Dans tous les cas, et pour éviter au moins les altérations du cuir, on fera toujours bien de débarrasser les bêtes bovines de ces. vers, soit par la compression de la tumeur qui en indique l'existence, soit en introduisant dans chaque trou une petite broche de fer rougie au feu, comme le conseille Bracy-Clark.
Remarquons enfin que, suivant la plupart des auteurs, le bourdonnement ou sifflement que l'insecte fait entendre quand il vole suffirait pour inspirer aux bêtes bovines la plus grande frayeur; elles s'enfuiraient précipitamment dans tous les sens et iraient même se réfugier dans la rivière ou l'étang le plus voisin. Suivant la plupart des entomologistes, l'OEstre du cheval produirait deseffets non moins terribles chez les équidés. Mais les observations de M. Mégnin démontrent qu'il n'en est rien. Nous avons assisté. maintes fois, dit notre confrère, « au spectacle de véritables essaims d'OEstres bourdonnant aux oreilles des chevaux sans que. ceux-ci s'en soient émus en rien ». Or, les analogies qui existent entre l'OEstre du cheval et celui du bœuf portent à penser que le récit mentionné ci-dessus est purement fantaisiste ; d'autant plus qu'il est bien prouvé aujourd'hui que l'insecte dont il s'agit ne pique point les bœufs. — Tout indique d'ailleurs que, sous ce rapport, YHypoderma bovis a été confondu avec le Taon des bœufs (Tabanus bovinus), très commun dans les prairies, qui pique les bœufs jusqu'au sang, en les poursuivant avec acharnement, ce qui peut déterminer les animaux à se livrer à des mouvementsdésordonnés. — Or, l'OEstre est vulgairement appelée Taon, et lesbouchers, les bouviers désignent également sous ce nom la larve d'OEstre. On peut, jusqu'à un certain point, garantir les bœufs des attaques du Taon véritable, en les bouchonnant avec une poignée de feuilles de noyer et en appuyant fortement de manière à en exprimer le suc sur la peau; quelques embrocations avec l'huile de cade remplissent également le même but.
CHAPITRE VII
RAFLE OU FEU D'HERBES
Définition. Fréquence. — [La Râfle est une maladie éruptive, à laquelle les premiers vétérinaires qui l'ont observée ont conservé la dénomination que les cultivateurs avaient imaginée, dans la persuasion que cette maladie était occasionnée par une nourriture composée en grande partie de râfle de raisin.]
Causes. — [Cette affection a été observée principalement chez les vaches et l'on peut concevoir que la râfle, comme la feuille de vigne, contenant un principe astringent soit susceptible de produire un dérangement dans l'économie. Mais pourquoi la râfle agirait-elle chez les vaches seulement et serait-elle sans effet chez les bœufs qui vivent et travaillent dans les contrées viticoles où le raisin est égrappé avant d'être mis dans la cuve, et où, par conséquent, la grappe abonde? D'un autre côté, il me parait bien difficile que les bêtes bovines fassent un long usage de la râfle, qui se dessèche bientôt, et n'est plus alors qu'une substance presque ligneuse.
[Il paraîtrait beaucoup plus raisonnable et plus conforme à l'observation de donner pour cause à la maladie dont il est question, l'usage de fourrages composés de plantes excitantes, qui, dans certains moments et par l'effet d'influences atmosphériques qu'il est assez difficile de spécifier, produisent d'abord une irritation directe sur les organes digestifs, et qui finissent par être pour l'économie une cause de trouble général dont l'éruption pustuleuse est un effet. Aussi peut-on croire que les causes de la maladie appelée Râfle sont là plutôt qu'ailleurs. Du reste, les cultivateurs pensaient aussi que les fourrages verts, la luzerne, la feuille de de vigne, les raclures des jardins étaient une de ses causes.]
On est porté à admettre aujourd'hui, d'après une observation de M. Moreau complétée par des recherches de M. Railliet, que la râfle n'est autre chose qu'une acariase trombidienne produite par un parasite connu vulgairement sous les noms de Rouget, Acare des regains, Aoûti, Aoûtat, Vendangeur, etc., qui n'est autre chose que la larve du Trombidion soyeux.
Symptômes. — [La Râfle consiste dans une éruption de pustules qui s'abcèdent, s'ouvrent et se dessèchent sans être accompagnées de prurit ; elle est inflammatoire, et se déclare avec tous les symptômes de la fièvre. Ainsi, il y a dégoût, tristesse, nonchalence
dans les mouvements de locomotion, lourdeur de la tête ; couleur plus vive des membranes; chaleur de la bouche, de l'air expiré, des cornes, des oreilles et de toute la surface du corps, plus prononcée; les veines sous-cutanées sont engorgées; la respiration est fréquente; le pouls est dur et accéléré; la rumination ne se fait point ou se fait rarement; la sécrétion du lait diminue, les mamelles s'engorgent, deviennent dures et douloureuses, ainsi que les trayons ; enfin, les bêtes malades font entendre des mugissements plaintifs, témoignant d'une anxiété bien prononcée.
[L'éruption se manifeste vers le quatrième ou le cinquième jour ; elle occupe ordinairement la face interne des membres postérieurs, quelquefois aussi des antérieurs, en commençant par la couronne et en s'étendant peu à peu jusqu'en haut de l'avantbras. Elle s'étend aussi quelquefois sous le ventre jusqu'aux mamelles; d'autres fois, elle se borne à la face interne des quatre membres et affecte les lèvres.
[Les pustules consistent d'abord en de petits engorgements de la peau, peu étendus et peu saillants; seulement la peau y parait épaissie et dure. Ces engorgements débutent par de petits points en premier lieu peu apercevables, dont la place est marquée par des duretés que l'on sent avec le doigt ; ils s'élèvent et grossissent peu à peu, et finissent par constituer de petites tumeurs rougeâtres dont le sommet blanchit. L'épiderme se soulève d'abord, puis la peau se crevasse, et la petite plaie fournit alors une matière purulente, séreuse ou sanieuse. Cette matière se dessèche, forme des croûtes qui se réduisent en poussière et tombent. C'est ainsi que la maladie se termine.
[Les symptômes diminuent graduellement à mesure que l'éruption se complète, en sorte que celle-ci étant achevée, l'animal se trouve avoir entièrement recouvré la santé, sauf l'engorgement des extrémités qui ne se dissipe que quelque temps après, lorsque l'appétit, la rumination et la sécrétion du lait reparaissent. Lorsque la peau est redevenue souple et onctueuse, ce qui annonce que la respiration cutanée est rétablie, on peut considérer la guérison comme complète.]
[J'ai observé plusieurs fois cette maladie, mais toujours à l'état sporadique.] Dans le cas observé par M. Moreau, « l'une des deux vaches avait au fanon un engorgement gros comme les deux poings, sans chaleur ni douleur. Du reste, ni l'une ni l'autre ne paraissaient malades ; elles ruminaient et mangeaient parfaitement (1) ».
Traitement. — [Les nourrisseurs des environs de Paris se contentent d'oindre avec un corps gras, celui qu'ils ont sous la main,
(1) Bulletin de la Société centr. de méd., novembre 1886, p. 702.
le beurre ordinairement, les petites tumeurs et les places occupées par les pustules. Mais, à mon sens, il y aurait mieux à faire; ce serait de prévenir la maladie en accoutumant peu à peu les animaux à l'action des fourrages que l'on croit susceptibles de la produire; et ici nous rentrons dans les prescriptions de l'hygiène proprement dite. Il faudrait, quand on veut donner des fourrages verts, commencer par les mélanger à des fourrages secs, en diminuant tous les jours la quantité de ceux-ci, et enfin ne donner la ration complète des nouveaux fourrages que lorsqu'on pourrait raisonnablement supposer que leur action n'occasionnera aucun trouble dans les fonctions digestives, pas plus que dans l'économie en général.
[Les fourrages verts donnent lieu d'abord à des digestions incomplètes, que l'on reconnaît à l'état mi-liquide des matières fécales, et que l'on n'observe jamais, si l'on est arrivé graduellement à la ration entière. Il est donc à peu près sûr que, soit la râfle du raisin, soit la feuille de vigne, soit le panais, soit tout autre fourrage vert, ne produira pas l'éruption dont s'agit, s'il est bien digéré. Ce premier point bien établi, je crois que, lorsque les premiers symptômes se manifestent, il y a peu à hésiter sur l'emploi de la saignée.
[Quelques praticiens, d'accord en cela avec les propriétaires de vaches laitières affectées de la Râfle, s'abstiennent de cette opération, dans la crainte de voir la sécrétion laiteuse supprimée; mais je crois pouvoir assurer qu'on n'a rien de pareil à craindre. Ce n'est pas une saignée à la jugulaire qui doit produire cet effet quand elle est indiquée par l'existence d'un état congestionnel bien caractérisé ; c'est au contraire la congestion de quelque nature qu'elle soit qui fait diminuer la sécrétion laiteuse, qui ne manque pas de se rétablir aussitôt que les symptômes commencent à perdre de leur intensité.
[Ce qu'il faut éviter avec soin, c'est que les vaches malades de la Râfle soient logées dans des étables très chaudes, ou qu'elles soient exposées à des courants d'air. Une température au-dessus de 25° leur est nuisible, comme celle qui est au-dessous de 15° à 18°.
[Ces animaux doivent être abreuvés d'eau blanche et nourris d'une très faible ration de bon foin de prairies naturelles qui leur est peut-être nécessaire pour que la rumination suspendue puisse se faire de nouveau. J'insiste beaucoup, dans le début des maladies inflammatoires des ruminants, sur la suppression absolue de toutes sortes d'aliments solides; mais aussitôt que les symptômes paraissent moins intenses, je permets quelques poignées de bon foin, afin que la rumination puisse avoir lieu : ce n'est pas seulement à cause des éléments de nutrition qu'elle peut
fournir et qui se trouvent, dans ce cas, en très minime quantité, puisque la ration se borne à quelques poignées, mais encore en raison de l'influence que l'acte de la rumination exerce sur toutes les autres fonctions.
[Je suis plus sévère en ce qui concerne l'administration des aliments qui arrivent directement dans la caillette. On voit souvent, dans le cas de gastro-entérite, 1 ou 2 litres de son raviver les symptômes, tandis qu'on n'a jamais à se reprocher d'avoir accordé un peu de foin dans le même état de maladie.
[L'eau blanche et les tisanes mucilagineuses, prises en boisson ou données en breuvages, suffisent à calmer l'irritation intestinale sans qu'on y ajoute du sel marin, dont l'indication ne se fait pas comprendre. Les lotions émollientes sur les mamelles ne •sont pas indiquées non plus et seront remplacées avec avantage par des onctions adoucissantes; il suffit, au reste, afin d'activer la résolution de l'engorgement des membres ou de celui qui s'est manifesté sous le ventre, de frictions sèches avec la carde, et de soumettre l'animal à un léger exercice. Ce ne serait que dans le cas où un engorgement paraîtrait se prolonger au delà d'une vingtaine de jours, qu'il faudrait accélérer la résorption des liquides épanchés ou de l'épaississement du derme par quelques frictions irritantes, faites soit avec le vinaigre chaud, soit avec la teinture affaiblie de cantharides. Ce dernier médicament est d'une efficacité incontestable ; mais en l'utilisant pour le traitement d'une affection cutanée des vaches laitières, il faut toujours avoir la précaution d'y placer en dissolution une petite quantité de camphre; la résorption des cantharides, qui se fait chez ces animaux aussi promptement que sur les autres femelles domestiques, y produit les mêmes effets.
[La teinture de cantharides mitigée et camphrée se prépare de .la manière suivante :
Cantharides en poudre 16 grammes. Camphre 3 — Alcool à 36° centésimaux ........................ 250 —
Faites digérer sur des cendres chaudes pendant quatre à cinq jours.]
Dans son beau Traité des maladies 'parasitaires, M. Neumann fait remarquer que la Râfle, qui est considérée comme une acariase trombidienne est une affection sans gravité. « Pour en débarrasser les animaux, il suffit de quelques frictions avec un chiffon imbibé de benzine, de glycérine benzinée, d'une pommade sulfureuse. Une solution phéniquée légère (1 à 2 p. 100) constitue un bon moyen préventif et curatif. » (G. Neumann.)
LIVRE DIXIÈME
COWPOX
CHAPITRE 1
PRÉLIMINAIRES — ORIGINE DE LA VACCINE
Définition. — Sons le nom de Cowpox, on désigne une maladie •éruptive de la vache laitière, caractérisée par l'apparition de pustules analogues à celles de la variole de l'homme, sur le pis et les trayons. Ces pustules sécrètent un liquide spécial, appelé Vaccin, dont l'inoculation confère l'immunité contre la variole, c'est-à-dire contre une maladie hideuse et redoutable entre toutes. — Aussi appelle-t-on encore cette maladie : Vaccine, Variole de la vache.
C'est à un médecin anglais, Jenner, qui vivait à la fin du XVIIIC siècle, que revient la gloire d'avoir démontré que l'inoculation du vaccin préserve l'homme de la petite vérole. Cette inoculation particulière est connue de tous sous le nom de Vaccine, que l'on applique également à la maladie éruptive appelée, en anglais, Cowpox, c'est-à-dire Variole de la vache. Ce terme de Cowpox rappelle donc l'origine de l'une des plus grandes découvertes qui aient été faites en médecine, et comme, d'autre part, ce mot a été francisé par l'usage, nous l'adoptons.
Historique. Origine. — [La découverte de l'inoculation de la Vaccine, comme moyen préservatif de la petite vérole de l'homme, appartient, sans contestation possible, à Jenner, médecin du comté de Glocester, en Angleterre. On avait observé de longue date, dans ce comté, que les vaches étaient sujettes à une maladie, caractérisée par des sortes de boutons dont le siège principal était le pis. On avait remarqué aussi que l'humeur qui
sortait de ces boutons communiquait souvent une maladie semblable aux personnes chargées de traire les vaches, lorsque leurs mains étaient excoriées. C'était une tradition populaire que ces personnes n'étaient plus susceptibles de contracter la petite vérole, et l'on rapporte même que, trente ans avant Jenner, un fermier du Glocestershire avait inoculé à sa femme et à ses fils l'humeur des boutons du pis des vaches, en vue de les mettre à l'abri de la petite vérole qui régnait épidémiquement dans le comté. Jenner n'a donc pas conçu de prime-saut l'idée de substituer par l'inoculation la maladie bénigne des vaches à la variole humaine, dont on avait essayé depuis longtemps déjà d'atténuer l'action désastreuse en la communiquant, pour ainsi dire, à petites doses, par une inoculation méthodique. Mais ce qui fait le mérite de Jenner et lui assure à jamais la gloire de l'inventeur, c'est d'avoir su discerner la vérité sous les on-dit populaires, et d'avoir donné leur signification véritable à des faits d'observation empirique, que beaucoup, sans doute, avaient connus avant lui, mais dont personne n'avait compris ni le sens ni la portée. Pour tout dire, en un mot, Jenner est l'inventeur de la Vaccine : c'est par lui que l'humanité a été dotée de cet immense bienfait, que l'on peut appeler le plus grand triomphe de la médecine : la substitution de la plus bénigne des maladies à la plus désastreuse, et l'immunité acquise contre celle-ci par le bénéfice de cèlle-Ià.
[C'est dans la mémorable année 1796 que Jenner, éclairé par l'observation et l'intelligence des faits, osa inoculer à un garçon de huit ans l'humeur puisée dans une pustule développée sur la main d'une jeune vachère, qui avait contracté sa maladie en trayant une vache sur le pis de laquelle existaient des traces de l'éruption désignée dans le pays sous le nom de Cowpox. Cette opération fut suivie d'un plein succès, en ce sens qu'à chaque piqûre de l'inoculation se développèrent des boutons, qui avaient les mêmes caractères que ceux du pis de la vache. L'humeur de ces boutons, inoculée à d'autres personnes, donna lieu sur elles aux mêmes manifestations.
[Mais la contre-épreuve n'était pas faite; la grande question était de démontrer que les individus sur lesquels on avait fait développer le Cowpox par inoculation n'étaient plus susceptibles de contracter la variole. Cette démonstration, Jenner n'hésita pas à la donner, en inoculant la variole à l'enfant sur lequel il avait tenté déjà l'inoculation du Cowpox. Cette inoculation variolique n'ayant pas été suivie d'effets, la doctrine jennérienne se trouva assise sur une base inébranlable. La preuve expérimentale fut donnée que la vaccine pouvait préserver de la variole aussi bien que la variole elle-mème.
[Cette propriété préservatrice si précieuse du Cowpox donne un immense intérêt à tout ce qui se rattache à cette maladie de la vache, et l'on comprend combien il est important de ne laisser échapper aucune occasion d'en constater et d'en faire connaître l'existence dans toutes les circonstances où elle se manifeste, afin de fournir aux médecins de l'homme le moyen d'aller puiser du vaccin à ses sources primitives, de le régénérer pour ainsi dire. l'L'expérience semble, en effet, démontrer, d'une part, que les vertus préservatrices du vaccin s'atténuent graduellement à mesure que l'on s'éloigne du temps où ont été faites les premières vaccinations; et, d'autre part, que de graves dangers peuvent se rattacher à l'inoculation de bras à bras, par suite de l'infection syphilitique possible de l'organisme sur lequel le virus vaccinal est puisé. C'est en raison de cette double éventualité que la découverte des sources de la Vaccine primitive a été l'objet des préoccupations d'un grand nombre de chercheurs depuis soixante ans.
[Jenner avait laissé ce problème à résoudre tout entier pour ses successeurs; par le fait d'une certaine obscurité de ses mémoires, il a involontairement contribué à jeter ceux qui l'ont suivi sur une fausse piste, dans laquelle ils se sont obstinés, par respect pour ce qu'ils croyaient être sa parole.
[Jenner a, en effet, soutenu l'opinion que la Vaccine n'est pas une maladie primitive de la vache, et qu'elle procède d'une maladie du cheval qu'il ne semble pas avoir observée par lui-même, et qu'il a désignée dans ses écrits sous le nom vague de sore heels (mal des talons), ou encore de grease. Cette opinion que Jenner a faite sienne, et qu'il a couverte de l'autorité de son nom, ne lui appartenait pas. Elle était populaire dans le comté de Glocester, où l'on prétendait que la Vaccine ne se manifestait dans les étables que lorsque les vachers, chargés du soin des vaches, pansaient les chevaux. Jenner épousa cette manière de voir, mais il ne parvint pas à l'éclaircir par des expériences directes, et l'obscurité de son texte eut cette conséquence que, pendant plus de soixante ans, les opinions restèrent divergentes dans tous les pays, sur la question de savoir ce qu'était la maladie du cheval à laquelle Jenner avait donné les noms de sore heels et de grease.
[En France, on pensa que ces désignations s'appliquaient à la maladie du cheval que l'on appelle eaux-aux-jambes, en raison du flux humoral dont la peau des membres devient le siège sous l'influence de cette maladie, qui n'a en aucune façon le caractère des affections éruptives; en Italie, le sore heels de Jenner devint le giavardino ou javart; en Allemagne, l'opinion française fut adoptée, et, sur la foi de ce que l'on croyait être la parole de
Jenner, on se mit à inoculer, pendant une longue série d'années, ces maladies différentes, afin d'essayer de reproduire les faits dont le grand médecin anglais avait été témoin et sur lesquels il avait fondé sa croyance de l'origine équine de la Vaccine. Ces tentatives d'inoculation restèrent le plus souvent stériles. Mais, dans quelques circonstances exceptionnelles, les expérimentateurs eurent la main assez heureuse pour faire développer la Vaccine en inoculant le liquide de ce qu'ils croyaient les eauxaux-jambes ou le jctvart.
[Les différences des résultats obtenus par les inoculations s'expliquent par ce fait, que tantôt on a distribué les noms de presse, d'eaux-aux-jambes et de javaj^t aux maladies auxquelles ces noms conviennent réellement, et que tantôt ces noms ont servi à désigner improprement une maladie de nature éruptive qui peut avoir des caractères de similitude avec les premières, à une certaine période de son développement, mais qui est d'une essence toute différente. Tant que les premières seules ont été inoculées, ce qui a été le cas le plus ordinaire, l'inoculation est restée stérile; mais le résultat a été positif lorsque l'expérimentateur a opéré sur la maladie véritablement inoculable.
[Telle elle est la clef des divergences des opinions qui ont régné depuis Jenner sur l'origine équine de la Vaccine et des différences des conclusions auxquelles ont été conduits les expérimentateurs qui, depuis cette époque, ont cherché à éclairer cette question.
[C'est en 1860 que la lumière commença à se faire sur ce point, et c'est au professeur Lafosse, de l'École vétérinaire de Toulouse, que revient le mérite d'avoir découvert les premiers faits qui devaient servir à faire connaître la maladie vaccinogène du cheval, et à la distinguer enfin, et d'une manière définitive, de celle que l'on appelle les eaux-aux-jambes. — Une épizootie, caractérisée par une éruption sur les membres et un flux humoral abondant, s'étant déclarée sur l'espèce chevaline à Rieumes (Haute-Garonne), où Sarrans, vétérinaire de cette localité, l'observa et la décrivit, Lafosse eut l'idée d'inoculer à deux vaches le liquide qui suintait à la surface de la peau du jarret d'une jument, et il vit, à la suite de cette inoculation, apparaître des pustules qui avaient tous les caractères et toutes les propriétés du Cowpox.
[Deux ans après, en 1862, H. Bouley eut l'occasion d'observer, dans les hôpitaux de l'école d'Alfort la même maladie vaccinogène et de l'étudier sous les formes diverses qu'elle est susceptible de revêtir. Cette étude, faite sur une très grande échelle, permit à H. Bouley de donner, devant l'Académie, l'interprétation définitive de tous les faits restés obscurs pendant la longue période
écoulée depuis Jenner jusqu'à notre époque. Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ici le passage du discours où H. Bouley a fait l'exposé et le résumé de ses recherches.
Ce n'est pas sous une forme unique, toujours la même, que la maladie s'est montrée : au contraire, elle en a affecté plusieurs, très diversifiées, sur une série de sujets.
Nous avons vu coïncider son éruption caractéristique avec le javart cutané ou cartilagineux.
Nous avons vu cette éruption si confluente qu'elle simulait, à s'y méprendre, les eaux-aux-jambes;
Nous l'avons vue se compliquer d'angéioleucites et d'abcès sur le trajet des lymphatiques, qui auraient pu la faire confondre avec le farcin;
Dans certains cas, l'éruption caractéristique était circonscrite très étroitement à la région du pli du paturon;
Dans un autre, elle avait son siège exclusif dans la bouche ;
Dans d'autres, elle occupait l'extrémité de la tête et se prolongeait jusque dans les cavités nasales, de manière à avoir quelques analogies avec une éruption morvo-farcineuse.
De telle sorte qu'il nous a été possible de voir défiler sous nos yeux :
1° La variété d'éruption localisée dans la partie déclive d'un ou de plusieurs membres que Jenner a vue sans doute, qu'il a désignée sous le nom de sore heels, et que ceux auprès desquels il se renseignait confondaient avec le grease.
2° Le javart inoculable de Sacco, ou, autrement dit, la coïncidence avec l'une des variétés de javart d'une éruption de pustules vaccinogènes concentrées autour de la lésion constitutive du javart lui-même.
3° Les eaux-aux-jambes inoculables des expérimentateurs, c'est-à-dire une maladie inflammatoire des jambes du cheval, ayant toutes les apparences des eaux-aux-jambes par la forme de l'engorgement, l'abondance du fluide séreux que laissait suinter la peau enflammée, la multitude de petites tumeurs confluentes représentées par les pustules de l'éruption, mais n'ayant avec les eaux que cette analogie tout extérieure et toute superficielle, et en différant essentiellement, et par sa nature et par sa'forme même, lorsque, sans se laisser décevoir par les apparences, on allait au delà pour se rendre compte de l'état réel des choses.
4° Cette maladie d'un poulain, dont parle Jenner dans son livre, laquelle était caractérisée par un engorgement chaud et douloureux d'un membre postérieur, sans suintement humoral en surface, comme dans le grease, et qui, par un bouton, fournit une matière dont l'inoculation produisit le Cowpox.
5" La maladie de Toulouse, avec tous les caractères qui lui sont assignés dans le mémoire de M. Lafosse.
Et il semble, Messieurs, qu'aucun des faits passés ne devait manquer a cette sorte de revue qu'il nous a été donné de pouvoir faire; on eût dit que tous obéissaient à une sorte d'évocation magique, et devaient venir dans un même temps et dans le même lieu se réunir en un faisceau compact, pour nous faire voir, dans le même moment, tout ce que les observateurs disséminés dans l'espace et dans le temps, depuis quatre-vingts ans, ont vu et inscrit dans les annales de la science.
Ainsi, Jenner a signalé dans son livre tous les accidents qui peuvent résulter pour l'homme de ses rapports de contact avec les chevaux affectés de la maladie qui est susceptible de faire naître le Cowpox. Il parle d'ulcères survenus sur les mains, de lymphangites consécutives, d'un état fébrile général assez grave.
Eh bien, Messieurs, ces accidents, nous les avons vus se produire avec
tous leurs caractères les plus accusés, sur un élève qui, blessé à un doigt, soignait un cheval affecté de la maladie éruptive dont l'inoculation donne lieu au développement du Cowpox.
L'éruption caractéristique de cette maladie était très confluente sur ce cheval; elle occupait un membre sur lequel on avait pratiqué l'opération que nécessite le javart cartilagineux ; et tel était l'engorgement de ce membre, tel le suintement liquide qui s'effectuait à sa surface, qu'à coup sûr il y avait possibilité de se méprendre sur la nature du mal, et de considérer ses caractères comme des attributs des eaux-aux-jambes.
Je n'oserais pas affirmer que si ce fait s'était produit dans un autre moment, et d'une manière tout à fait isolée, on lui eût donné sa signification réelle, comme nous avons pu le faire dans les conditions d'esprit où nous nous trouvions à l'instant qu'il s'est manifesté sous nos yeux.
Telle est, Messieurs, l'esquisse rapide des faits qui se sont produits à Alfort, cet été passé, pendant la période des grandes chaleurs.
On voit que rien n'a manqué pour que la lumière se fît; elle est faite. Et cette lumière, en se réflétant sur le passé, en pénètre tous les recoins et en dissipe toutes les obscurités.
Nous savons maintenant ce que c'était que ce grease, ce sore heels dont parle Jenner, car nous l'avons vu, nous avons pu l'étudier et reconnaître, par l'expérimentation, les propriétés vaccinogènes que Jenner lui avait attribuées par une merveilleuse intuition;
Nous savons ce qu'a vu Sacco ;
Nous savons ce qu'ont vu les expérimentateurs qui, à différentes époques, ont pu déterminer le Cowpox par l'inoculation de ce qu'ils appelaient des eaux-aux-jambes.
Dans tous ces cas, c'est une même et unique maladie à quoi les observateurs ont eu affaire : c'est la maladie que l'on peut appeler h01'sepox; laquelle a des caractères très nets, très déterminés, comme je le ferai voir dans une communication complémentaire de celle-ci. Mais il a été très possible de le méconnaître dans le passé, à cause de sa ressemblance, sous quelques-unes de ses formes, avec l'affection spéciale que l'on désigne sous le nom d 'eaîixaux-iambes, à cause de sa coïncidence avec les différentes formes de javart, à cause, enfin, des complications de lymphangite et d'abcès consécutifs qui peuvent modifier ses apparences et la faire confondre avec des accidents farcineux.
Cette maladie est celle que M. Lafosse a vue et décrite à Toulouse, d après un seul spécimen.
C'est celle qui s'est montrée à Alfort, sous les formes les plus variées, et dont il nous a été possible défaire une étude complète, gràce à la multiplicité des cas qu'il nous a été donné d'observer.
[Il ressort de cet exposé historique que Jenner s était fait une idée juste des choses en attribuant à la vaccine une origine équine. S'il ne lui a pas été donné de distinguer la maladie véritable d 'en la Vaccine procède, il ne s'est pas mépris sur la condition, semble-t-il, nécessaire de la manifestation du Cowpox dans les étables, à savoir, la contamination des vaches par des animaux de l'espèce équine affectés d'une maladie cutanée particulière, restée indéterminée pour Jenner.]
Mais cette-origine équine est-elle la seule que l 'on puisse attribuer au Cowpox ou, autrement dit, à la Vaccine?
Cette question présente une grande importance au point de vue de la pratique des vaccinations, car, « s'il existe une espèce animale plus apte que les autres à l'évolution de la vaccine, on aura chance de vacciner avec un agent plus actif, si on l'emprunte à cette espèce animale ». (A. Chauveau.)
Or, on est porté à. penser aujourd'hui que le Cowpox provient principalement du h01'sepox et que les cas, d'ailleurs très rares, de Cowpox dit spontané résultent d'une inoculation directe par les mains du vacher, qui en prend le germe en pansant les chevaux. A l'appui de cette manière de voir, on fait remarquer que le Cowpox ne se montre que sur les vaches laitières et seulement sur les mamelles et les trayons, tandis que, chez les équidés, la Vaccine naturelle se montre indistinctement sur les femelles et sur les mâles, et qu'elle s'accuse par une éruption pustuleuse dans diverses régions : le bout du nez, le pourtour des organes génitaux, les extrémités. En outre, les belles expériences de M. Chauveau sur la Vaccine démontrent que l'on peut faire naître, chez le cheval, un exanthème vaccinal absolument identique à celui qui se développe sous l'influence de la contagion naturelle, en faisant absorber soit par les voies digestives, soit par les voies respiratoires, soit par le tissu conjonctif sous-cutané, du virus vaccin. Le même résultat peut encore être obtenu, en injectant ce virus dans les vaisseaux lymphatiques ou dans les vaisseaux sanguins. Ainsi, 27 expériences d'injection intra-veineuse de lymphe vaccinale ont donné 11 résultats positifs. Ces expériences, dit M. Chauveau, ont été faites sur des animaux mâles et femelles de différents âges. « L'influence du sexe a été nulle. Ce sont les jeunes sujets qui ont fourni le plus de succès. Quelques éruptions ont été extrêmement discrètes; d'autres, au contraire, remarquables par le nombre et le volume des pustules, qui ont couvert les lèvres et les ailes du nez (1). »
Chez les bêtes bovines, M. Chauveau n'a jamais pu obtenir un exanthème vaccinal généralisé. « J'ai eu beau multiplier, dit-il, les expériences (elles atteignent le chiffre de 34), en varier les conditions, j'en suis encore à attendre cette reproduction expérimentale du Cowpox naturel. Dans aucune de mes expériences, je n'ai vu survenir la moindre éruption vaccinale, après les injections sous-cutanées ou intra-vasculaires de virus vaccin (2). »
Néanmoins, ajoute M. Chauveau, je me garderai de forcer la signification de ces faits. « En dépit de leur netteté, ils ne prouvent pas que le vrai Cowpox naturel ou spontané n'existe pas. Je reste,
(1) Journal de l'École de Lyon, 1877, p. 355.
(2) Ibid., p. 359.
pour mon compte, après avoir relu le plus grand nombre des relations qui existent dans la science, convaincu de cette existence ; et j'estime que, si je n'ai pu reproduire expérimentalement la maladie à l'instar de ce qui se fait si facilement chez le cheval, cela tient à ce que je n'ai pas su réaliser toutes les conditions qui sont nécessaires au succès. »
Dans ces derniers temps, on est revenu sur une question relative à l'origine de la vaccine : nous voulons parler de la transformation de la variole en vaccine. Cette question nous paraissait définitivement résolue par la négative d'après les mémorables expériences de la commission lyonnaise, faites principalement par M. Chauveau et c'est pour ce motif que nous l'avions passée sous silence dans la seconde édition de cet ouvrage. — Aujourd'hui elle est soulevée de nouveau par diverses expériences faites en Allemagne, par Fischer ; et en Suisse, par Haccius et Esternod. — Ces expériences ont été pratiquées sur des veaux auxquels on a inoculé le virus variolique tantôt par scarification, tantôt par dénudation. Puis on a transmis ce virus « de veau à veau jusqu'à la quatorzième génération » et l'on conclut que la variole, inoculée au veau « se transforme en vaccine » ; on ajoute que l'on a ainsi « une source précieuse de souches nouvelles pour le vaccin animal » (Esternod et Haccius). Ces expérimentateurs déclarent aussi que « la célèbre commission lyonnaise (Chauveau)... et bien d'autres, se basant sur les résultats négatifs de leurs expériences, voudraient que la variole ne fût pas transmissible aux animaux domestiques » (1).
En ce qui concerne la commission lyonnaise, cette assertion est erronée, car M. Chauveau fait remarquer à plusieurs reprises dans le rapport où ses expériences sont relatées que les bêtes bovines variolées acquièrent ainsi l'immunité contre la vaccine; que l'éruption « qui est engendrée par l'inoculation de la petite vérole aux bœufs est de nature spécifique et que cette éruption présente, avec le Cowpox, sur les animaux de l'espèce bovine, les mêmes. relations que la variole et la vaccine dans l'espèce humaine » (2). M. Chauveau insiste aussi sur ce fait extrêmement important que le virus variolique « en passant par l'organisme des animaux ne perd aucunement ses propriétés infectieuses; l'expérience nous l'a trop bien prouvé. C'est pourquoi la variolation médiate, comme l'inoculation variolique directe, créerait, si elle se généralisait, un foyer permanent d'infection qui couvrirait presque toute la surface du globe (3). »
(1) Semaine médicale, n° du 30 décembre 1890.
(2) Journal de méd. vét., publié à l'Ecole de Lyon, 1865, p. 322.
(3) Ibid., p. 353.
Toutefois en présence des expériences récentes citées ci-dessus et aussi de la tendance que l'on a de considérer la vaccine comme une variole atténuée, comme un virus faible, — de même que le produit qualifié de vaccin charbonneux est un virus à effets modérés, issu d'un virus charbonneux très actif, — M. Chauveau a fait de nouvelles expériences qui démontrent que « le virus variolique, dans l'organisme des animaux de l'espèce bovine, reste virus variolique. Il ne se transforme point en virus vaccinal et ne manifeste même aucune tendance à subir cette transformation (1). » Actuellement la question est donc jugée : lorsqu'on voudra obtenir du vrai vaccin, c'est-à-dire un virus conférant l'immunité variolique sans créer de foyer contagieux, il faudra le recueillir dans des pustules développées par l'inoculation de la vaccine elle-même et non de la variole.
CHAPITRE II
SYMPTÔMES — CONTAGION
Symptômes. — Les pustules de Cowpox spontané ne sont point semblables, dit-on, à celles qui se développent à la suite d'une inoculation par piqûre. Dans ce dernier cas, elles sont aplaties, discoïdes, entourées d'un bourrelet, ombiliquées au centre, tandis qu'il n'en serait pas de même, suivant M. Layet, lorsque le Cowpox apparaît sous l'influence de la contagion naturelle. C'est ainsi que, d'après le savant professeur de la Faculté de médecine de Bordeaux, « on rencontre deux sortes de Cowpox sur le pis et les trayons des vaches. »
' Le premier est le cowpox primitif spontané, caractérisé par une pustulation vésiculeuse ou huileuse donnant lieu à des ulcères plus ou moins irréguliers. L'éruption peut se montrer à la fois sur les trayons et le pis. Généralement elle est plus fréquente et plus développée sur les trayons. Chaque vésico-pustule de forme oblongue ou sphérique suivant son siège, est entourée au début d'une auréole inflammatoire d'un rouge plus ou moins clair. Le plus souvent aussi, l'éruption se fait par poussées successives, de telle sorte qu'à côté des vésicules à L'état naissant se voient des bulles remplies d'un pus blanc jaunâtre, d'autres recouvertes de croules rougeâtres et d'autres remplacées par des ulcères à contours irréguliers, parfois indurés, plus ou moins superficiels. La maladie est transmissible à l'homme (communément les vachers et les vachères la contractent aux doigts en trayant les vaches et se l'inoculent par suite à la
(1) Bulletin de l'Académie de médecine, séances des 20 et 27 octobre 1891.
face en y portant leurs doigts ainsi souillés). Elle se transmet aussi le plus souvent à d'autres vaches par la traite.
Dans la localité où se trouvent les vaches atteintes de ce Cowpox primitif, on ne rencontre pas de chevaux malades atteints de horsepox.
Le second Cowpox que l'on peut trouver sur les vaches est le Cowpox secondaire ou Cowpox transmis provenant du horsepox.
Celui-ci, beaucoup plus rare que le premier, très rare selon nous, et ne se rencontrant que dans des conditions spéciales de rapprochement et de soins communs donnés aux bêtes (chevaux et vaches), est caractérisé par une éruption de pustules irrégulières localisées sur le pis à la base des trayons et sur les trayons. Il n'y a ni vésicules ni bulles, les pustules offrent toutes à leur surface une dépression irrégulière, sinueuse, allongée, variant, en un mot, suivant la nature de la lésion : érosion, gerçures ou crevasses, qui a servi de voie d'inoculation.
Dans tous les cas, quand on se trouve en présence de l'un de ces deux Cowpox, malgré toutes les présomptions tirées de leur aspect en faveur de leur nature vaccinogène, il n'y a qu'un moyen d'en acquérir la certitude, c'est de l'inoculer immédiatement à une génisse d'essai et, comme expérience ultérieure de contrôle, de vacciner les vaches sur lesquelles on l'a puisé et les vachers que ces vaches ont pu contaminer.
En résumé, et comme conclusion de cette étude :
11 y a deux sources naturelles du vaccin qui sont : le horsepox et le Cowpox primitifs.
L'ombilication est le caractère spécial de tout vaccin transmis (1).
Le passage que nous venons de reproduire indique bien manifestement que M. le professeur Layet a observé chez les vaches des éruptions mammaires de nature vaccinale, mais nous doutons que ces éruptions se soient produites sans contamination par un animal de l'espèce chevaline ou asine, atteint delà vaccine véritablement primitive. Voici pourquoi :
Il est constant que dans tous les cas de Cowpox dit spontané, l'éruption vaccinale ne s'est montrée que sur des vaches laitières et exclusivement sur les mamelles. Jamais, quoi qu'on en ait dit, en Belgique notamment, on n'a vu de véritables pustules vaccinales dans aucune autre partie du corps, aussi bien pour le cas signalé à Passy, en 1836, que pour celui de Beaugency en 1868, et ceux d'Eysines et de Cérons en -1883. Jamais, sur les bêtes bovines, la vaccine ne s'est montrée spontanément sur d'autres sujets que les vaches laitières ; jamais on ne l'a vue apparaître d'elle-même sur un veau, une génisse, un taureau, un bœuf. Toujours on l'a constatée sur les trayons ou tétines, c'est-à-dire sur une partie que la personne chargée de traire les vaches saisit et serre chaque jour, matin et soir, et quelquefois même à midi, pendant toute la durée de la traite.
D'autre part, il est bien établi aujourd'hui que le horsepox est une maladie qui n'est point rare, surtout pendant le jeune âge,
(1) Layet. Traité pratique de la vaccination animale, p. 35.
au moment de la gourme. Tantôt l'éruption qui la caractérise, est fort discrète et peut facilement passer inaperçue, car elle ne produit aucun trouble de la santé et les poils rendent sa constatation très difficile pour toute personne non prévenue de sa fréquence. Tantôt elle est confluente et se manifeste autour des lèvres, des narines, sur la pituitaire de manière à simuler la morve aiguë, sur la muqueuse buccale où elle a été prise pour de la stomatite aphteuse; au pourtour des organes génitaux où elle a été con'fondue avec la maladie du coït ; dans le pli du pâturon où elle a été considérée comme la forme aiguë de la maladie appelée eauxaux-jambes.
Elle s'accompagne alors de fièvre, d'inappétence, parfois d'engorgements, de raideur ou de boiterie et ne peut, dès lors, passer inaperçue. Cette éruption s'observe sur des animaux des espèces chevaline et asine, sans distinction de sexe : on la voit sur des chevaux entiers ou hongres, sur des juments. Je l'ai constatée sur des ânesses entretenues pour le lait et sur les ânons qu'elles nourrissaient.
Si l'on compare cette éruption, qui résulte de la contagion naturelle, à celle que l'on observe seulement sur les vaches laitières et exclusivement sur les mamelles, plus spécialement sur les trayons, on sera porté à penser que les cas, d'ailleurs très rares, de Cowpox dit spontané résultent d'une inoculation, directe, notamment par les mains du vacher qui peut en prendre le germe en pansant un cheval ou un âne atteint de la vaccine sous l'une ou l'autre des formes variées qu'elle est susceptible de revêtir.
Par conséquent, c'est dans l'organisme des Équidés que se développe la vaccine naturelle; c'est là, dirons-nous avec M. Chauveau, qu'il faut aller chercher cette précieuse maladie, si l'on veut trouver, au plus haut degré d'activité son virus si heureusement transformé en agent prophylactique.
Nous ferons encore remarquer qu'il existe diverses lésions du pis de la vache qu'il ne faut pas confondre avec le Cowpox.
Telles sont les excoriations des trayons, les verrues ulcérées, les éruptions huileuses, vésiculeuses et autres, qualifiées de faux Cowpox. C'est surtout l'éruption mammaire de la fièvre aphteuse qui a été confondue avec le Cowpox, faute d'avoir pratiqué l'inoculation révélatrice à la vache. Car c'est par ce moyen seulement que l'on peut distinguer sûrement la vaccine de la fièvre aphteuse. On verra, en effet, en étudiant cette dernière maladie, que l'éruption mammaire par laquelle elle peut se traduire, offre la plus grande ressemblance avec celle du Cowpox dit spontané.
Toutefois, pour que l'inoculation donne des résultats d'une véritable valeur, il est essentiel qu'elle soit pratiquée avec la sérosité
d'une éruption récente, car la dessiccation atténue et finit par détruire ses propriétés virulentes.
Contagion. — Les belles expériences de M. Chauveau sur la cause intime de la virulence ont démontré, dès 1867, que les propriétés contagieuses de divers virus, du vaccin notamment, sont dévolues aux éléments corpusculaires qui se trouvent dans le sérum des humeurs virulentes. Depuis cette époque et surtout dans ces vingt dernières années, des recherches innombrables ont été faites pour isoler et cultiver, à l'état de pureté, le microbe générateur de la vaccine : toutes ces tentatives ont échoué. On a bien, il est vrai, trouvé divers microbes que l'on a qualifiés pompeusement de vaccinocoques, mais on n'est pas plus avancé pour cela. On sait seulement que le vaccin filtré sur le plâtre est inactif (Baillet, Jolyet, Strauss, Chambon et Ménard), ce qui confirme les expériences de M. Chauveau.
Il y a quelques années la « Grocers Company » de Londres a offert un prix de 25 000 francs pour qui trouverait une méthode de culture du vaccin en dehors d'un organisme animal. C'est là un sérieux stimulant, mais nous doutons fort, dirons-nous avec M. Layet, que quel que soit le microbe reconnu spécifique et les procédés de culture employés, on puisse jamais reproduire la substance vaccinale chimique qui seule s'élabore au sein des tissus vivants dans la zone lymphogène de la pustule.
Le virus vaccin siège essentiellement dans les pustules vaccinales ; c'est là que les vaccinateurs viennent le puiser. Existe-t-il dans le sang? Deux transfusions de sang du cheval au cheval ont été tentées par M. Chauveau, « dans de bonnes conditions de réussite, c'est-à-dire que les sujets qui ont fourni le sang présentaient une fort belle éruption dans sa période d'état et que les sujets récepteurs étaient jeunes et bien portants. La quantité de sang que ceux-ci ont reçue a été de 1000 grammes dans un cas, environ 500 dans l'autre. Les résultats ont été absolument négatifs. Aucune action n'a été exercée par cette transfusion sur les sujets sains: et ces sujets étaient bien propres à subir l'influence de la contagion, car, vaccinés un mois plus tard, par les procédés habituels de l'inoculation sous-épidermique, ils ont pris une belle éruption locale (1). »
M. L. Baillet a inoculé à une génisse, par quatre piqûres, du sang recueilli « sur une génisse préalablement vaccinée dont les pustules avaient atteint leur développement complet. Ces quatre piqûres n'ont été suivies d'aucun résultat. » Il en a été de même pour l'inoculation du liquide recueilli « sur la coupe de ganglions
(1) Journal de l'École de Lyon, 1877, p. 305.
bronchiques » et du sérum sanguin d'une génisse atteinte de Cowpox.
Toutefois MM. Strauss, Chambon et Ménard sont parvenus â vacciner des veaux en leur transfusant 4, 5 et 6 kilogrammes de sang d'un sujet vacciné. Les veaux ont acquis l'immunité sans présenter d'éruption.
Ajoutons que le vaccin est susceptible de s'inoculer à la chèvre ; d'après M. Mathieu, de Sèvres. On peut également le transmette au porc, suivant les observations de M. Trasbot, et au cobaye, d'après M. Baillet. Le mouton serait susceptible d'être vacciné (Hurtrel d'Arboval), mais dans les tentatives passablement nombreuses que j'ai faites dans ce but, je n'ai jamais pu réussir. Il en a été de même chez le chien et le chat.
La transmission de la vaccine aux animaux de l'espèce bovine s'opère soit volontairement (culture du vaccin animal) soit accidentellement par la personne chargée de traire les vaches. Elle n'a jamais lieu par l'atmosphère, comme Depaul l'admettait sans preuve. Elle ne paraît pas non plus s'opérer par les voies digestives, au moins chez les animaux de l'espèce bovine, car, chez le poulain il n'en est pas de même, comme le démontrent les expériences de M. Chauveau (1).
»
CHAPITRE III
CULTURE DU VACCIN
Grâce aux travaux de MM. Lafosse 1-1. Bouley, Chauveau, SaintCyr, Trasbot et à nos observations, la Vaccine du cheval ou horsepax est bien connue, et l'on sait aujourd'hui que, loin d'être rare, comme on le croyait, autrefois quand on la méconnaissait, cette maladie est au contraire assez fréquente ; on peut même dire qu'elle est à peu près constante dans la gourme du cheval, de telle sorte que chaque praticien est à même d'en observer des exemples. Dès lors, il devient possible de régénérer le vaccin aussi souvent qu'on le juge nécessaire, et, par ses connaissances spéciales, le vétérinaire peut procurer au médecin un vaccin pur, aussi actif que celui dont Jenner lui-même s'est servi.
Pour cela, il suffit d'inoculer le horsepox à un animal de l'espèce bovine, et, de préférence, à un sujet jeune, qui fournira
(1) Voir Journal de méd. vét. publié à l'École de Lyon, 1868, p. 551.
ainsi du Cowpox ou vaccin animal doué d'une grande activité. Ce vaccin sera inoculé ensuite à un deuxième, puis à un troisième sujet vaccinifère et ainsi de suite, autant de fois que les besoins du service l'exigeront.
Choix des sujets vaccinifères. — Dans les établissements où l'on cultive le vaccin d'une manière permanente, on opère sur des génisses de trois à quatre mois, même de cinq à six mois, choisies avec le plus grand soin. On conçoit qu'il est essentiel que les sujets vaccinifères soient en bon état de santé. Mais il faut, de plus, que leur organisme se prête bien à l'évolution de la vaccine, ou en d'autres termes, que l'on reconnaisse en eux la prédisposition impliquant un terrain favorable à la germination du virus et au développement des pustules. Car il est possible, suivant la judicieuse remarque de M. L. Baillet, de rendre à un vaccin affaibli « toute son activité en le portant sur une génisse bien choisie » (1). Plusieurs fois, à l'Ecole vétérinaire de Toulouse, pendant une période de dix années où nous avons cultivé du vaccin, nous avons constaté ce fait et appelé sur lui l attention de nos élèves. Il faut donc, quand on le peut, accorder la pré- férence aux sujets à peau fine, souple, dont le toucher est moelleux, à ceux dont le poil est court, soyeux, brillant, de couleur froment clair ou froment ordinaire, car ils fournissent plus de vaccin que ceux à peau épaisse, à robe noire ou foncée. — On opère généralement sur des génisses, bien que l'on puisse vacciner avec le même succès, des veaux mâles.
Soins à donner aux sujets vaccinifères. — Nous ne saurions mieux faire que de reproduire ici ce qui a été exposé de main de maître par M. L. Baillot, dans le beau Traité pratique de la vaccination animale du professeur LayeL (de Bordeaux).
Les soins que réclament les génisses sur lesquelles on cultive le vaccin ont trait au logement qui leur est donné, à leur nourriture et au pansage journalier que réclame leur maintien en bonne santé.
A. Logement. — L'étable ou parc aux génisses doit être vaste, d'une aération facile et pourvue d'un appareil de chauffage permettant d'y entretenir pendant l'hiver une température moyenne de 16 à 18° au-dessus de zéro. Appelé à recevoir plusieurs génisses, il doit comprendre plusieurs stalles de 1 mètre de large sur lm,80 de long, à parois pleines, assez hautes pour. que les génisses ne puissent s'entre-lécher et mobiles verticalement pour permettre, au moment voulu, l'écoulement des eaux de lavage. Un enduit en ciment de 1 mètre de hauteur protégera le mur de face contre l'action destructive de la langue des animaux, en même temps qu'il facilite l'entretien et la désinfection de chaque stalle. Le sol, fait en ciment quadrillé ou en dallates piquetées pour éviter les glissades, présentera une pente suffisante pour faciliter l'écoulement au dehors des urines non absorbées par la litière. Celle-ci, faite de paille ou de jonc,
(1) Layet, Traitépl'atique de la vaccination animale, p. 117.
sera fréquemment renouvelée, et il y aura toujours avantage à éviter les accumulations de fumier sous les animaux. L'âge des génisses ne leur permettant pas de manger de grains, l'auge placée devant chacune d'elles peut être utilisée pour recevoir des boissons blanches que ces jeunes animaux absorbent généralement avec plaisir, auquel cas il est urgent d'entretenir ces auges avec la plus grande propreté, tout en évitant de laisser aigrir ces boissons. Le râtelier à barreaux écartés nous paraît également utile pour éviter le gaspillage et la détérioration du peu de foin choisi que certaines génisses mangent avec plaisir et dont l'introduction dans le régime journalier combat la prédisposition à la diarrhée, si préjudiciable à l'évolution du vaccin.
Enfin, le meilleur mode d'attache nous a toujours paru être le licol de cuir susceptible de s'agrandir ou de se diminuer suivant le volume de la tête, et garni d'une chaîne en fer étamé, à petites mailles, terminée à chaque extrémité par un mousqueton. Quelquefois il est utile d'entraver les membres postérieurs avec une longe attachée aux canons.
Il est presque superflu d'ajouter que le parc vaccinicole doit toujours être entretenu dans le plus grand état de propreté possible par des lavages à grande eau pure ou additionnée d'un désinfectant (chlorure de chaux, chlorure de zinc ou cristaux de soude).
B. Nourriture. —Nous avons pensé pendant longtemps que, pour éviter aux génisses inoculées les conséquences de la transition brusque de la nourriture lactée qu'elles prennent à leur mère à une nourriture plus substantielle sinon aussi riche, il y avait lieu de composer leurs rations journalières avec du lait chaud, adjoignant même à ce liquide des farineux ou des œufs frais avec leur coquille.
Instruits par l'expérience, nous.avons reconnu depuis plusieurs années que le lait n'était pas absolument indispensable aux génisses vaccinifères, que même la difficulté de conserver ce liquide intact pendant la période des grandes chaleurs et de le préserver de toute souillure augmentait encore les chances de diarrhée à laquelle ces jeunes animaux sont exposés.
Nous avons donc composé notre régime alimentaire de la manière suivante :
Boisson farineuse (farine de maïs) ................. 2 litres.
(Tiède l'hiver, froide l'été).
OEufs frais avec leur coquille ..................... 4
Foin choisi ....................................... A discrétion.
Le tout donné chaque jour en deux repas.
Cette alimentation, qui est essentiellement économique, ne nuit en rien à l'évolution du vaccin et ne provoque pas l'amaigrissement des sujets, ainsi que nous nous en sommes assurés. Nous avons pesé un grand nombre de génisses dès leur arrivée au parc, puis au bout des cinq jours nécessaires à l'évolution vaccinale complète, et nous avons acquis la certitude que leur poids n'a pas varié sensiblement de l'une à l'autre pesée. Nous avons constaté même que, après leur séjour au parc vaccinicole certaines génisses, ainsi nourries, avaient augmenté de 1 à 2 kilogrammes.
Quant à la finesse de l'animal, à la qualité de la viande après l'abatage, elles ne subissent aucune altération à la suite de ce régime.
Nous croyons qu'il y a lieu d'insister d'autant plus sur les avantages que présente le mode de nourriture que nous préconisons, que bien des villes ont reculé devant l'institution d'un service permanent de vaccination animale,
retenues qu'elles ont été par la perspective d'une grande dépense pour l'entretien des génisses. Or, le régime dont nous parlons ne revient pas à plus de 1 franc à 1 fr. 30 par jour et par tête, alors que l'alimentation au lait coûterait environ 2 fr. 50 à 3 francs. Un accident auquel sont sujettes les génisses vaccinifères et qui peut se rattacher jusqu'à un certain point à l'alimentation est la diarrhée, apparaissant soit avant, soit pendant la période d'évolution du vaccin. Cette diarrhée s'accuse par un rejet fréquent de matières liquides, jaunâtres, d'une odeur fétide, salissant l'anus, la face inférieure de la queue et la face interne des cuisses. En se desséchant, ces matières s'attachent à ces différents endroits du corps, et on ne peut les enlever que par un lavage réitéré aidé du frottement d'une brosse dure.
L'animal ainsi malade dépérit très vite, perd de sa gaieté, reste longtemps couché; son poil devient terne et dénote un véritable état de souffrance. ,-Il n'y a pas sensiblement de fièvre.
Si la génisse ainsi atteinte de diarrhée est inoculée, l'évolution des pustules se fait lentement; celles-ci même avortent, s'aplatissent, se dessèchent promptement, et le liquide vaccinal a perdu la plus grande partie de ses propriétés actives. Cette diarrhée est occasionnée par les causes suivantes :
La première est assurément la privation brusque du lait de la mère à laquelle succède la fàcheuse habitude qu'ont les marchands de mettre de l'eau à discrétion à la disposition de ces jeunes animaux, sous le prétexte de les empêcher de souffrir de la soif et de perdre conséquemment en qualité et en blancheur. C'est ainsi que, pendant l'été surtout, nous voyons les veaux arrivant tout haletants après une course, plus ou moins surmenés sur nos marchés d'approvisionnement, se précipiter sur l'eau mise à leur disposition et la boire avec avidité. Chez quelques-uns, cette pratique occasionne des coliques hémorragiques suivies de mort; chez d'autres, elle détermine simplement la diarrhée dont nous parlons et qu'il est même quelquefois difficile d'enrayer.
L'évolution du vaccin ne saurait être accusée de provoquer ou de favoriser le dérangement intestinal, car c'est à peine si l'on peut admettre que l'organisme de l'animal y soit sensible, la température normale prise au rectum, qui est de 38°,5 à 39°,7-8 restant sans élévation appréciable du commencement à la fin de la période d'évolution du vaccin.
Le traitement à opposer à cette diarrhée consiste d'abord à diminuer le plus possible la quantité de liquide entrant journellement dans la ration et à la remplacer par un aliment solide. Nous donnons dans ce but des pàtons de farine de maïs et nous augmentons le nombre d'œufs frais pris avec la coquille.
Simultanément, nous administrons à l'animal du sous-nitrate de bismuth à une dose variant de 10 à 20 grammes en deux ou trois fois, suivant le plus ou moins de résistance de la diarrhée. On pourrait également faire usage de la magnésie calcinée, de décoctions d'orge, de riz, additionnées de gomme, de potions laudanisées, etc., mais le bismuth nous ayant toujours donné des résultats prompts et certains, nous croyons devoir lui accorder la préférence sur tous les autres modes de traitement préconisés. Si le flux diarrhéique apparaît après l'inoculation, il faut l'enrayer le plus promptement possible, dans l'intérêt de l'évolution vaccinale, car on ne doit pas hésiter à abandonner un vaccin qui aurait souffert de cet état de maladie prolongé.
C. Pansage ,jou?,?zaliei,. — Nous entendons sous ce titre les quelques soins de propreté et de surveillance qu'entraîne l'entretien des génisses vaccinifères. La propreté s'obtient surtout par le renouvellement fréquent de la litière et par le passage réitéré de la brosse dure sur le corps de l'animal.
Pendant les grands froids, on active quelquefois l'évolution des boutons en recouvrant les animaux inoculés au moyen de couvertures de laine, attachées à l'aide d'un surfaix et maintenues à une distance telle que le sujet ne puisse y porter la langue ou la dent. La surveillance à exercer a aussi quelquefois
pour but d'empêcher les sujets de lécher les parties inoculées, résultat auquel on arrive en leur mettant soit une muselière en cuir ou en osier que l'on n'ôtequ 'au moment des repas, soit un collier à chapelet. C'est dans le même but que l 'on a préconisé l'emploi d'un tablier protecteur mettant la surface inoculée à l'abri de la langue des jeunes animaux, mais dont, pour notre part nous n avons jamais trouvé l'occasion de faire usage.
Manuel opératoire. — Il comprend des temps préliminaires et des temps essentiels.
a. — Temps préliminaires. — Ils portent sur le mode d'assujettissement de l 'aiiimal, en position debout ou couchée, sur le choix et la préparation de la région où la culture vaccinale doit être faite.
A l école vétérinaire de Toulouse, nous opérions généralement sur l'animal maintenu debout : trois aides étaient nécessaires, un à la tête et deux par côté pour empêcher les déplacements. du sujet. Parfois 'l aide placé à la tête comprimait la cloison nasale avec les doigts ou avec des mouchettes.
Dans la plupart des établissements où l'on produit du vaccin animal, on couche la génisse sur une table à bascule où on la fixe à l'aide de courroies.
L animal étant convenablement assujetti, on coupe avec les ciseaux ou la tondeuse le poil qui recouvre la région à inoculer. On rase avec soin cette partie du tégument au moyen d'un rasoir très coupant, préalablement aseptisé dans l'eau bouillante. On nettoie ensuite la surface rasée d'abord à l'eau bouillie, puis on l aseptise par des lotions avec la solution d'acide borique à 40 p. 1000 ou bien avec la solution de sublimé au millième. On l'essuie avec une éponge aseptique (1). Cela fait, on procède à l'inoculation ou ensemencement du vaccin.
La région sur laquelle on opère est désignée sous le nom de champ vaccinal. Elle varie suivant les circonstances et l'habitude acquise. Ainsi on inocule au pourtour de la vulve si l'on ne veut recueillir qu une petite quantité de vaccin ; dans le cas contraire, on prolonge les inoculations sur les fesses, dans la région inguinale et mème jusque sur les mamelles. Il est des opérateurs qui inoculent sur les côtés de la poitrine.
b. 7 'emps essentiels. Le vaccin peut être puisé directement sur une génisse dont les pustules sont parvenues au cinquième ou au sixième jour, ou bien on se sert d'une conserve vaccinale (lymphe glycérinée, pulpe vaccinale ou électuaire vaccinal, poudre de vaccin). Lorsqu 'on emploie le vaccin sous forme liquide, on le fait couler sur la pointe de la lancette de façon à ce qu'elle soit
(1) On vend, dans le commerce, des éponges aseptiques.
bien recouverte; puis on la fait pénétrer obliquement sous l'épiderme de manière à déposer une gouttelette de liquide dans la petite incision que l'on vient de pratiquer. Il convient de ne pas faire saigner, quoique une légère hémorragie ne nuise en rien à l'opération. On échelonne les piqûres à 2 ou 3 centimètres les unes des autres et l'on fait de quatre-vingts à cent piqûres et même plus, en les disposant en quinconce. Alors même que le nombre des piqûres est très élevé, l'animal ne paraît pas en souffrir, et le vaccin que l'on obtient est tout aussi actif que lorsque les piqûres sont peu nombreuses.
Quand on se sert de vaccin sous forme pâteuse (pulpe vaccinale, électuaire vaccinal), on le dépose « par points et en lignes parallèles écartés d'un centimètre les uns des autres ; il s'ensuit un dessin semblable au tracé d'un feu en pointes. Au centre de chaque point, on pratique, avec une lancette à grain d 'orge, une scarification d'un centimètre de longueur, en intéressant avec la pointe de l'instrument toute l'épaisseur de l épiderme jusqu 'à la couche papillaire. De la sorte on évite les hémorragies ; c'est à peine si le fond du sillon laisse sourdre quelques gouttes de sang. Le nombre des scarifications ainsi faites peut varier, suivant la taille des sujets, entre 150 et 180, et jamais nous n'avons observé une seule scarification qui n ait pas donné lieu à l évolution ultérieure de la pustule de cowpox » (A. Leclerc) (1). D'autres opérateurs pratiquent l' ensemencement en nappes, c'est-à-dire qu'ils font avec la lancette, le bistouri ou un scarificateur « des scarifications enchevêtrées perpendiculairement et obliquement les unes par dessus les autres » (2). Dès qu'une ligne de scarifications est achevée, on dépose la préparation vaccinale sur chacune des plaies. On inocule de la même manière la poudre vaccinale.
Quel que soit le procédé employé, il faut que le sujet vacciné soit attaché court afin qu'il ne puisse se lécher. — Il est recommandé aussi de lui appliquer une muselière en osier ou en corde.
Effets de l'inoculation. — Vingt-quatre heures après l'inoculation, les piqûres sont à peine apparentes, et même celles qui n'ont pas saigné sont complètement effacées. Mais au bout de deux jours, on reconnaît, en passant le doigt sur la région inoculée, que la plupart des piqûres, sinon toutes, ont donné naissance a une toute petite élevure, à la surface de laquelle la peau n 'a pas encore changé de couleur. Vers le quatrième jour, cette élevure est bien plus apparente ; elle forme un petit bouton rougeâtre, qui s'agrandit de plus en plus en changeant de couleur et de forme,
(1) Écho des Sociétés et Associations vétérinaires de France, 1884, p. 251.
(2) Traité pratique de la vaccination animale, par A. Layet, p. 129.
de telle sorte que, vers le sixième jour, il s'est transformé en une pustule discoïde, ombiliquée, ayant 8 à 10 millimètres de diamètre. La pustule est alors parvenue à sa maturité; elle a un aspect nacré, légèrement jaunâtre au centre, et en enlevant la pellicule épidermique qui la recouvre, on voit suinter, au bout de quelques instants, un liquide transparent, légèrement ambré, mais toujours visqueux : c'est la lymphe vaccinale ou vaccin. Cette sécrétion est plus abondante chez les sujets âgés de trois ou quatre mois et en bon état d'embonpoint, comme l'a observé M. L. Baillet, que chez ceux qui sont maigres ; elle diminue d'ailleurs, à partir du huitième ou du neuvième jour, en même temps que le liquide s'épaissit de plus en plus et devient opalescent. Au fur et à mesure qu'elles vieillissent, les pustules changent d'aspect; elles s'élargissent en devenant moins saillantes, l'ombilication est moins manifeste, leur teinte argentine fait place à une nuance jaunâtre, qui se fonce et devient brunâtre. C'est vers le douzième jour que ces phénomènes se manifestent; alors les pustules sont recouvertes par des croûtes noires, très adhérentes et qui se détachent peu à peu par desquamation, de sorte que vers le vingt-cinquième ou le trentième jour, on ne trouve plus, à la place qu'elles occupaient, qu'une petite cicatrice blanchâtre, arrondie, légèrement déprimée, de moindre dimension que la pustule et d'une teinte plus claire que la peau environnante.
Il est à remarquer que la formation des pustules et leur cicatrisation donnent lieu à un prurit parfois assez violent.
Circonstances qui influent sur les effets de l'inoculation. — Parmi ces circonstances, le choix des sujets vaccinifères, leur entretien, tiennent le premier rang. Il faut signaler ensuite la provenance du vaccin. Ainsi la période d'incubation est toujours un peu plus longue — sept à huit jours au lieu de deux ou trois — quand on inocule du vaccin recueilli depuis quelque temps, au lieu de se servir de vaccin frais. De plus, bien que le vaccin humain, le Cowpox et le Horsepox soient au fond un seul et même virus, j'ai démontré cependant, par des inoculations en séries pratiquées sur des génisses et des vaches, que le vaccin humain ne prend plus à la troisième ou quatrième génération, tandis que le Cowpox issu de Horsepox peut être cultivé avec un succès constant. Ce fait, sur lequel j'ai appelé l'attention dès 1871, est aujourd'hui admis sans conteste par les praticiens qui cultivent le vaccin.
Dans ces dernières années (1888), M. Pourquier a observé une dégénérescence des pustules vaccinales chez la génisse, tarissant leur sécrétion de lymphe vaccinale, qui est remplacée par une matière blanchâtre, épaisse, recouvrant une ulcération de mauvaise nature. Il a attribué cette dégénérescence à un parasite. Mais
M. Layet, qui dirige à Bordeaux le service de la vaccine, n'a jamais observé cette altération qui résulterait, d'après lui, du procédé d'ensemencement employé par M. Pourquier, c'est-à-dire des scarifications. « La scarification, dit-il, outre qu'elle pousse à la purulence, ouvre une large porte à la pénétration de tout agent infectieux ambiant. » A l'appui de son opinion, M. Layet invoque non seulement ses observations, mais encore celles de M. Chambon (de Paris) (1). Ce praticien, dont le nom fait autorité en matière de culture vaccinale, déclare nettement que le procédé d'ensemencement par scarification en se servant de pulpe vaccinale produit rapidement la purulence des pustules et il affirme que le vaccin liquide défibriné et frais, inoculé par piqûres, entretient « dans toute leur pureté les éruptions vaccinales successives ».
Dans les cultures de vaccin sur la génisse que nous avons faites à l'Ecole vétérinaire de Toulouse, de 1880 à 1890, nous avons ensemencé le vaccin principalement par piqûres et quelquefois par scarifications et nos observations sont en concordance avec celles de MM. Layet et Chambon.
Récolte et conservation du vaccin. — Avant d'étudier cette question si importante, il importe de faire remarquer que la virulence vaccinale du Cowpox disparait beaucoup plus rapidement dans cette humeur que dans le vaccin humain. Aussi s'est-on ingénié à conserver cette virulence le plus longtemps possible dans le vaccin animal.
On a préconisé des procédés très variés, parfois très complexes, permettant d'obtenir, suivant leurs inventeurs, des résultats très satisfaisants. Malheureusement bien des conserves vaccinales n'ont pas produit les effets qu'on en attendait et la propagation de la vaccination par le Cowpox conservé ne constitue actuellement qu'un moyen qui donne généralement moins de succès que la vaccination de génisse à bras. Cependant, comme l'étude de la conservation du vaccin présente une importance capitale au point de vue de la généralisation de la vaccination, il nous a paru utile ct'exposer succinctement les divers moyens recommandés pour recueillir et conserver le vaccin.
a. Récolte du vaccin. — C'est du cinquième au septième jour que la pustule vaccinale de la génisse fournit une humeur active qu'il faut recueillir à ce moment. Pour l'obtenir aussi pure que possible, on commence par laver le champ vaccinal avec de l'eau bouillie ou une solution boriquée à 3 p. 100 (Layet). Puis on applique sur chaque pustule, dont la croûte a été préalablement
(1) C'est à l'initiative de M. Chambon que l'on doit le premier établissement privé de vaccine animale. Cet établissement a été créé à Paris, en 18ü3, et il fonctionne depuis cette époque.
enlevée, une pince de Péan appropriée à cet usage et la lymphe vaccinale s'écoule. Elle est d'abord limpide et visqueuse, puis, par la pression prolongée de la pince, elle devient séreuse et sanguinolente. C'est la lymphe de premier jet qu'il faut s'empresser de recueillir en se servant d'un tube de verre effilé, stérilisé et pourvu d'un tampon de coton étuvé (pipette Pasteur); la lymphe qui apparaît ensuite est considérée comme moins active. On souffle le contenu de la pipette dans un petit verre à réactif asepsié, et la lymphe ne tarde pas à former un dépôt constitué par un coagulum fibrineux. On plonge dans la partie fluide un tube capillaire qui se remplit rapidement de lymphe vaccinale défibrinée. Le dépôt fibrineux peut être utilisé pour la préparation de la pulpe vaccinale. Quant à la lymphe défibrinée, elle est employée sur-le-champ ou tout au moins à l'état frais ou bien elle constitue la base des conserves.
b. Conservation du vaccin. — Les conserves vaccinales sont, les unes, sous forme liquide; d'autres à l'état de pulpe ou de pâte; il en est de pulvérulentes. On a aussi essayé de conserver le vaccin en excisant la pustule même que l'on place ensuite dans un flacon hermétiquement bouché ou entre deux plaques de verre, excavées au centre. Mais la pustule ne tarde pas à se putréfier et l'inoculation de la sérosité qu'elle renferme détermine des accidents septiques, qui peuvent être mortels. Pour prévenir cette putréfaction, on a conseillé d'immerger les pustules dans la glycérine. C'est aussi ce liquide que l'on emploie aujourd'hui concurremment avec la vaseline pour conserver le vaccin.
Ainsi en mélangeant à parties égales la lymphe vaccinale pure et la glycérine, on obtient une préparation que l'on peut facilement introduire dans des tubes capillaires, ou tout au moins effilés. Ces tubes sont scellés à la lampe ou bien on les bouche « d'abord avec un mélange de paraffine et de suif, puis avec un enduit de caoutchouc dissous par l'éther ou avec le bitume de Judée » (Chambon, cité par Layet). La lymphe glycérinée, préparée de cette manière, conserve pendant quinze à vingt jours .environ ses propriétés vaccinales.
Les conserves vaccinales à l'état pâteux sont très variées. Chaque établissement vaccinicole a pour ainsi dire la sienne. Ainsi on connaît la pâte milanaise moderne, la conserve hollandaise, la pommade vaccinale (Warlomont), la pulpe glycérolée belge, le vaccin intégral de Lyon, la conserve vaselinée de Bordeaux, et bien d'autres que nous passons sous silence.
« La célèbre pâle milanaise moderne résulte du raclage entier des pustules et de la peau environnante, puis du mélange de tous ces détritus avec la glycérine, à raison d'un demi-gramme
par pustule. L'institut expéditeur de Milan recommande de l'employer pitt presto possibile. C'est tout dire au sujet de sa valeur et de son innocuité. La pulpe glycêrolée, employée en Belgique, se prépare en épaississant le glycéré liquide (1) avec de l'empois d'amidon pour en faire une pâte destinée spécialement aux expéditions lointaines. Ces produits (d'après Warlomont) se seraient encore montrés actifs au bout de deux mois » (Layet). Le vaccin intégral de Lyon ou l'électiiai?,e vaccinal, comme on l'appelle encore, est un mélange intime de toutes les parties ' actives de la pustule vaccinale (croûtes, lymphe, caillot, produit de curage des pustules) avec une mixture aqueuse de glycérine ; puis ultérieurement avec un peu de sucre. Suivant M. Chambard, cette préparation vaccinale ne parait pas se conserver au delà d'une quinzaine de jours. Employée dans ce délai et inoculée par scarifications, elle donne les meilleurs résultats, comme en témoigne une statistique, publiée en 1888, par M. le docteur Boyer (2).
A Bordeaux, on prépare une émulsion de lymphe vaccinale pure vaselinée en mélangeant, à poids égaux, de la vaseline et de la lymphe vaccinale dont le volume a été réduit de moitié par évaporation dans le vide. On obtient ainsi « une masse molle, blanchâtre, très fusible » à la température de la peau. « Cette préparation vaselinée reste active assez longtemps; en l'expérimentant, nous nous en sommes servi pour les inoculations sur bras, mais nous avons toujours eu le soin de ne l'employer que très fraîche, et, dans ce cas, elle nous a donné des résultats plus sûrs que les conserves glycérinées » (Layet).
On prépare encore des poudres de vaccin (Reissner, Furst, etc.) en desséchant la lymphe vaccinale dans le vide ou bien en exposant le produit de raclage des pustules à l'action de l'air chaud, sec et pur. Pour se servir de cette poudre, on la mélange à partie égale d'eau glycérinée. Ces préparations sèches conserveraient leur activité pendant plusieurs mois, cinq à six, dit-on.
Ces diverses préparations vaccinales peuvent parfaitement convenir pour inoculer la génisse, en employant le procédé des scarifications. Mais elles ne donnent pas toujours des résultats aussi satisfaisants chez l'homme. Aussi préfère-t-on, toutes les fois que cela est possible, la vaccination de génisse à bras plutôt que l'emploi du vaccin de conserve.
(1) Le glycéré liquide est un mélange du produit de raclage des pustules avec la tcéritie.
(2) Écho des Sociétés et Associations vétérinaires de France, n° d août ISot» p.363.
LIVRE ONZIÈME
MALADIES CONTAGIEUSES VISÉES PAR LA LEGISLATION SANITAIRE FRANÇAISE
CHAPITRE 1
CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES — MESURES SANITAIRES COMMUNES A TOUTES LES MALADIES CONTAGIEUSES
Actuellement les maladies contagieuses de l'espèce bovine qui donnent lieu à l'application de notre législation sanitaire sont : la peste bovine, la péripneumonie contagieuse, la fièvre aphteuse, la rage, la fièvre charbonneuse, le charbon symptomatique et la tuberculose. En raison de leur caractère contagieux, ces maladies peuvent causer les plus grands dommages à l'agriculture et mème nuire à la santé de l'homme. Aussi, pour prévenir leur extension, le législateur a-t-il édicté des mesures de police sanitaire. Ces mesures sont prescrites : par la loi du 21 juillet 1881 sur la. police sanitaire des animaux; par les décrets et arrêtés ministériels suivants :
1° Décret du 22 juin 1882 portant règlement d'administration publique pour l'exécution de la loi du 21 juillet 1881 en France ;
2° Décret du 12 novembre 1887 portant règlement pour l'application de cette loi en Algérie ;
3° Décret du 28 juillet 1888 ajoutant des maladies — notamment la tuberculose — à la nomenclature de ladite loi;
4° Arrêté ministériel du 28 juillet 1888 pour l'exécution du décret précédent (n° 3).
5° Arrêté ministériel du 12 mai 1883, relatif à la désinfection dans le cas de maladie contagieuse.
Ces divers documents reposent sur les principes du droit mo-
derne et les données les plus précises de la science en matière de contagion. Ils édictent des mesures sanitaires dont l'application uniforme et ferme serait très utile à l'agriculture, en arrêtant la marche des maladies contagieuses et diminuant ainsi les pertes -qu'elles causent.
MESURES COMMUNES A TOUTES LES MALADIES CONTAGIEUSES VISÉES ,PARLA LÉGISLATION SANITAIRE. — La déclaration, l'isolement, lavisite, la désinfection, telles sont les mesures sanitaires qu'il convient -d'étudier ici.
Déclaration. — Elle est prescrite par l'article 3 de la loi du 21 juillet 1881, qui dispose que : Tout propriétaire, toute personne .ayant, à quelque titre que ce soit, la charge des soins ou la garde
.d'un animal atteint ou soupçonné d'être atteint d'une maladie contu:gieuse, dans les cas prévus par les articles 1 et 2, est tenu d'en faire sur-le-champ la déclaration au maire de la commune où se trouve cet .animal.
Les motifs de cette obligation se passent de commentaires, car il est clair que l'autorité administrative ne peut agir et mettre en œuvre le système sanitaire de la loi, qu'autant qu'elle est préalablement informée. Cette obligation est donc fondamentale; aussi le législateur l'a-t-il imposée non seulement au propriétaire, mais -encore à toute personne ayant, à quelque titre que ce soit, la charge •des soins ou la garde de l'animal malade ou suspect. L'étendue
•de cette obligation indique que le législateur a voulu prendre des garanties contre la négligence du propriétaire, de ses subordonnés -ou de tierces personnes préposées aux soins à donner à l'animal.
La déclaration, dit une circulaire ministérielle du 20 août 1882, ■doit être faite aussitôt que l'existence d'une maladie contagieuse -est connue, ou dès que le soupçon de l'existence d'une maladie de cette nature a pris naissance. Ceux-là seraient répréhensibles et s'exposeraient à des poursuites correctionnelles, qui ne se conformeraient pas, non seulement à l'obligation de déclarer, mais encore de déclarer sur-le-champ.
Il est à remarquer que, dans le cas où la déclaration n'aurait pas été faite, le propriétaire de l'animal malade ou suspect et, plus généralement, toute personne qui remplirait les fonctions indiquées dans l'article 3, pourrait être poursuivi pour infraction à la loi. Les pénalités encourues par les délinquants sont stipulées •dans l'article 30 de notre loi sanilaire; elles consistent en un emprisonnement de six jours à deux mois et une amende de 16 à 400 francs.
La déclaration peut être verbale ou écrite ; elle doit être faite au maire de la commune où se trouve l'animal malade ou suspect.
A cet égard, la circulaire ministérielle précitée renferme les dispositions suivantes : Le maire qui aura reçu la déclaration devra la transcrire sur un registre spécial et remettre immédiatement un récépissé au déclarant. Ce récépissé indiquera les nom, prénoms et domicile de la personne qui a fait la déclaration, le titre auquel elle agit, le nombre et l'espèce des animaux, le n01n de la maladie et, si le déclarant n'est pas le propriétaire, le nom de celui-ci; cette pièce sera datée et signée.
Ajoutons que la déclaration est obligatoire, même après la mort de l'animal, s'il existe des motifs de croire qu'il a succombé à une maladie contagieuse. Cette obligation est conforme à l'esprit de la loi et elle résulte implicitement des dispositions du quatrième alinéa de l'article 3, d'après lesquelles il est interdit, en principe, de procéder à l'enfouissement du cadavre avant la visite du vétérinaire délégué.
Déclaration à faire par les vétérinaires. — Le second paragraphe de l'article 3 de notre loi sanitaire impose au vétérinaire qui serait appelé à soigner un animal malade ou suspect, l'obligation d'en faire la déclaration au maire de la commune où se trouve l'animal. A ce sujet, la circulaire ministérielle interprétative de la loi de 1881 fait remarquer que les vétérinaires sont également tenus de faire connaître au maire les cas de maladies contagieuses qu'ils constatent dans l'exercice de leur profession, et • elle ajoute même que, dans le cas où le propriétaire n'aurait pas fait la déclaration, il serait du devoir du vétérinaire « de suppléer à son inaction. » (Circul. minÍs. du 20 août 1882). Ces dispositions indiquent évidemment que l'obligation de déclarer existe pour le vétérinaire, alors même qu'il se contente de visiter l'animal malade ou suspect, sans prescrire aucun traitement.
En ce qui concerne le traitement des animaux atteints ou suspects de maladies contagieuses, et plus généralement l'exercice de la médecine vétérinaire dans les maladies contagieuses, l'article 12 de notre loi sanitaire établit formellement que cet exercice est interdit à quiconque n'est pas pourvu du diplôme de vétérinaire. Toute infraction aux dispositions de cet article sera punie d'un emprisonnement de six jours à deux mois et d'une amende de 16 à 400 francs » (art. 30 de la loi du 21 juillet 1881).
Ces dispositions sont en vigueur en France et en Algérie (art. 3 et 14 du décret du 12 novembre 1887). Toutefois, dans notre colonie, la déclaration doit être faite au maire ou à l'administrateur de la commune où se trouve l'animal (1), afin de prévenir
(1) Le décret du 12 novembre 1887, rendu pour l'exécution de la loi sanitaire en Algérie, confère à l'administrateur les mêmes pouvoirs qu'au maire et lui impose les mêmes obligations pour l'application des mesures sanitaires.
l'extension des maladies contagieuses, soit par des animaux traités par des empiriques et réputés guéris par les personnes étrangères à la médecine, soit par le défaut de connaissances sur la contagion de chaque maladie et sur les mesures préventives qui permettent de limiter immédiatement le foyer contagieux.
Isolement et séquestration. — A cet égard, l'article 3 de la loi du 21 juillet 1881 dispose ce qui suit : « L'animal atteint ou soupçonné d'être atteint de l'une des maladies spécifiées dans l'article premier devra être immédiatement, et avant que l'autorité administrative ait répondu à l'avertissement, séquestré, séparé et maintenu isolé autant que possible des autres animaux susceptibles de contracter cette maladie. » Cette expression : autant que possible, dit la circulaire ministérielle interprétative de la loi, doit être entendue dans un sens étroit, c'est-à-dire que l'isolement devra être complet toutes les fois qu'il n'y aura pas empêchement par suite d'absence de locaux. Il y aurait faute de la part du propriétaire et du détenteur de l'animal, si, pouvant réaliser complètement le vœu de la loi, on ne le faisait pas par négligence ou incurie.
Remarquons, en outre, que l'obligation d'isoler et celle de déclarer sont connexes, et que même, dans la pratique, l'isolement doit précéder la déclaration.
Dans l'article 3 de notre loi sanitaire, le législateur a eu le soin de bien déterminer l'étendue de l'obligation d'isoler, en stipulant qu'il est interdit de transporter ou de déplacer, sous un prétexte quelconque, l'animal malade ou suspect, avant que le vétérinaire délégué par l'administration l'ait examiné. La même interdiction s'applique à l'enfouissement du cadavre, et elle donne lieu, par conséquent, à l'obligation de déclarer, si l'on présume que la mort résulte d'une maladie contagieuse. Telle est la règle à observer; toutefois, elle peut subir une exception « en cas d'urgence », c'està-dire quand il est à craindre que le cadavre soit une cause d'insalubrité, notamment pendant les chaleurs de l'été. Dans ce cas, le maire peut autoriser l'enfouissement avant l'arrivée du vétérinaire délégué.
L'article 4 fait connaître les devoirs du maire qui a reçu la déclaration dont il est parlé ci-dessus ou bien qui a été informé de toute autre manière, soit par la rumeur publique, soit par un avis bénévole; en un mot, « dès qu'il a connaissance de la maladie, » ce fonctionnaire doit s'assurer, soit par lui-même, soit par son délégué (le garde champètre dans les communes rurales, le commissaire de police dans les villes), que la séquestration a été effectuée, « et y pourvoir d'office s'il y a lieu ».
Simultanément, dit la circulaire ministérielle interprétative de
la loi, le maire informe, « par voie de réquisition, le vétérinaire sanitaire ; celui-ci doit se rendre à l'appel du maire, dans le plus court délai possible ».
Devoirs du vétérinaire. — La mission du vétérinaire sanitaire comprend trois points principaux : 1° visiter l'animal malade ou suspect; 2° s'assurer de l'exécution de l'isolement et prescrire la désinfection; 3° rédiger un rapport.
1° Visite. — Le propriétaire ou le détenteur de l'animal malade ou suspect ne peut point s'y opposer, car cette visite est faite dans un but d'intérêt général, et, en fait, elle est toujours utile au propriétaire de l'animal lui-même.
Le vétérinaire procède à cette visite en observant scrupuleusement les préceptes de la science et en employant tous les moyens d'investigation qu'il juge convenable, afin d'établir le diagnostic de la manière la plus nette et la plus précise. Il est de règle absolue de s'enquérir de la provenance de l'animal malade ou suspect, de l'époque à laquelle remonte la maladie, de son origine, des dommages qu'elle a causés. Ces renseignements offrent parfois la plus grande importance pour déterminer la maladie à laquelle on a affaire. En pareille matière, une erreur de diagnostic serait des plus préjudiciables à la réputation du praticien. Il devra donc agir avec beaucoup d'attention et de prudence et ne pas se prononcer à la légère. Il n'est pas tenu de le faire à la première visite si les symptômes qu'il constate et les renseignements qu'il recueille lui paraissent insuffisants. Mais il doit agir avec la plus grande célérité, ce qui ne veut pas dire avec précipitation, mais bien avec le calme, la réflexion et l'assurance qui caractérisent le véritable praticien.
D'ailleurs, s'il conserve des doutes, il n'en doit pas moins maintenir isolés les animaux suspects, et adresser son rapport à l'autorité administrative.
Il peut se faire que l'animal malade ait succombé; le vétérinaire procédera alors à l'autopsie, et il pourra ainsi établir le diagnostic avec toute la certitude désirable.
Il va sans dire que, dans ces diverses opérations, le vétérinaire évitera avec soin tout ce qui serait de nature à propager la contagion, notamment l'emploi d'un thermomètre malpropre, le lavage des instruments d'autopsie dans des seaux ou baquets servant à abreuver les animaux, etc. ; mais il serait certainement superflu d'insister sur ces précautions, qu'un praticien, soucieux de sa réputation, n'omettra jamais.
2° S'assurer de l'exécution de l'isolement et prescrire la désinfection. — Le troisième alinéa de l'article 4 dispose que le vétérinaire constate et, au besoin, prescrit la complète exécution de l'isolement et les mesures de désinfection immédiatement nécessaires.
Par ce moyen, le foyer contagieux est aussitôt limité, car l'homme de l'art possède les connaissances nécessaires pour prescrire une séquestration et une désinfection rationnelles, c'est-à-dire appropriées au caractère contagieux de la maladie qu'il s'agit de combattre. On ne saurait donc trop applaudir à cette heureuse disposition de notre loi sanitaire.
En raison de l'importance des prescriptions du vétérinaire en pareil cas. la circulaire ministérielle du 20 août 1882 stipule qu'elles s'exécutent « sous la surveillance de l'autorité municipale ».
3° Rédaction du l'apport. — Dès que le vétérinaire a terminé sa visite, il doit, sans perdre de temps, rédiger son rapport pour rendre compte des constatations qu'il a faites.
Celte partie de la mission confiée au vétérinaire n'offre pas moins d'importance que les précédentes. Il est clair, en effet, que le praticien sera jugé plus ou moins avantageusement suivant la manière dont il rédigera son rapport, et l'on conçoit aisément que le vétérinaire qui s'acquittera convenablement de sa tâche donnera de lui-même la meilleure opinion à l'autorité administrative, en même temps qu'il contribuera à appeler l'attention sur notre profession et sur l'importance des services qu'elle rend à la fortune publique, en permettant de faire une juste application de notre loi sanitaire.
Le rapport administratif que le vétérinaire rédige en pareille circonstance doit être un exposé clair, simple et concis des constatations qu'il a faites et des mesures sanitaires qu'il convient de prescrire.
Ainsi, après avoir rappelé le mandat qui lui a été confié, il fera connaître les résultats de sa visite, la maladie qu'il a observée, son origine, les dommages qu'elle a causés, le nombre des animaux morts, malades ou suspects suivant les cas, les mesures sanitaires qui ont été employées. Bref, il fera un compte rendu fidèle de tout ce qu'il aura fait et constaté, en évitant toutefois d'entrer dans de longs détails sur les symptômes qu'il a observés, attendu que l'autorité administrative ne demande pas qu'on lui fasse une dissertation de pathologie, mais bien qu'on établisse que la maladie contagieuse, qui a fait l'objet de la déclaration, ou toute autre réputée contagieuse par la loi sanitaire, existe ou n'existe pas. Donc, en quelques lignes, le praticien motivera son diagnostic, sans encombrer son rapport de détails minutieux, qui en rendent la lecture aride et monotone, surtout aux fonctionnaires administratifs, qui recherchent dans un document de cette nature, non pas l'énumération de tous les symptômes de la maladie que l'on a observée, mais bien une constatation nette et concise de ladite maladie, avec l'indication précise des mesures
sanitaires qu'il convient d'employer eu égard aux circonstances particulières de l'espèce pour laquelle on est consulté.
Pour observer cette règle fondamentale dans la rédaction de tout rapport administratif, il est clair que le vétérinaire délégué doit unir à une instruction médicale solide, des connaissances approfondies sur la loi de police sanitaire du 21 juillet 1881, le règlement d'administration publique du 22 juin 1882, la circulaire ministérielle du 20 août suivant et plus généralement tous les actes qui composent notre législation sanitaire. L'étude attentive de ces divers documents, rapprochée du caractère contagieux de la maladie qu'il constate et de la disposition topographique des lieux relativement à un isolement plus ou moins. complet, lui permettra de faire une sélection judicieuse parmi les mesures sanitaires et de proposer ainsi à l'autorité administrative celles qui sont le mieux appropriées au cas particulier en présence duquel il se trouve. Tel doit être le fond du rapport.
En ce qui concerne la forme, nous nous contenterons de dir& que le rapport doit être rédigé avec clarté, simplicité et méthode, que les faits et les observations qu'il renferme doivent s'enchaîner logiquement, afin que les conclusions en découlent pour ainsi dire d'elles-mêmes, et qu'elles portent ainsi la conviction dans l'esprit du lecteur.
Il va sans dire que le rapport doit être exempt de fautes grammaticales et de fautes de style. Ajoutons qu'il suffit de l'écrire sur papier ordinaire. La loi prescrit que ce rapport soit adressé au préfet (art. 4). Cette désignation, dit la circulaire ministérielle interprétative de la loi, est évidemment limitative. « Dans notre nouvelle législation sanitaire, c'est le représentant direct du pouvoir central dans le département qui est le pivot de tout le système; on comprend, du reste, que le législateur ait voulu confier à cette autorité élevée l'exécution des mesures qui intéressent à un si haut degré la prospérité publique, et qui s'accompagnent de restrictions plus ou moins sensibles au droit de propriété. » Le vétérinaire adressera donc son rapport au préfet, après en avoir donné communication au maire, attendu que ce dernier est tenu d'informer le préfet de l'existence de la maladie contagieuse (art. 1er du règlement d'administration publique).
Si le rapport du vétérinaire conclut à l'existence de l'une des maladies contagieuses dénommées dans la loi, le préfet, dit l'article 5 de notre loi de police sanitaire, statue sur les mesures à mettre à exécution dans le cas particulier. « Il prend, s'il est nécessaire, un arrêté portant déclaration d'infection.
» Cette déclaration peut entraîner dans les localités qu'elle détermine l'application des mesures suivantes :
» 1° L'isolement, la séquestration, la visite, le recensement et la marque des animaux et troupeaux dans les localités infectées ;
» 2° L'interdiction de ces localités;
» 3° L'interdiction momentanée ou la réglementation des foires et marchés, du transport et de la circulation du bétail;
» 4° La désinfection des écuries, étables, voitures et autres moyens de transport; la désinfection, ou même la destruction des objets à l'usage des animaux malades ou qui ont été souillés par eux, et généralement des objets quelconques pouvant servir de véhicules à la contagion.
» Un règlement d'administration publique déterminera celles de ces mesures qui seront applicables, suivant la nature des maladies. » (Art. 5 de la loi.)
En étudiant les maladies que la loi considère comme contagieuses chez les animaux de l'espèce bovine, nous ferons connaître les dispositions du règlement d'administration publique applicables à chacune d'elles. Pour le moment, nous allons examiner la désinfection, qui est une mesure sanitaire générale.
Désinfection. — Pris dans son sens grammatical, le mot désinfection signifie suppression de l'infection, c'est-à-dire de la contagion par l'intermédiaire des milieux : air, eau, sol, etc. Or, les animaux affectés de maladies contagieuses peuvent laisser, dans les lieux qu'ils ont habités ou seulement parcourus, des germes qui pénètrent ensuite dans l'organisme d'autres animaux, lesquels deviennent, à leur tour, de nouveaux foyers contagieux, et ainsi de suite. De plus, les cadavres de ces animaux laissent également échapper des germes qui peuvent propager les maladies contagieuses. Remarquons que ces germes sont, pour ainsi dire, incorporés dans les produits de sécrétion ou les déjections qui leur servent de véhicules, de telle sorte qu'ils infectent les litières, les fourrages, l'herbe des pâturages, les mangeoires, les râteliers, etc., et plus généralement tous les objets sur lesquels ils se déposent naturellement. Ces germes peuvent encore flotter dans l'atmosphère à la manière des poussières très ténues que l'on y trouve.
Quel que soit le mode suivant lequel s'opère la dissémination des germes virulents ou l'infection des milieux, on conçoit qu'elle remplit un rôle capital dans la transmission des maladies contagieuses, et que l'application d'un système sanitaire quelconque comprend nécessairement la désinfection, c'est-à-dire la destruction des germes que les animaux malades ont pu laisser après eux. — Les règles d'après lesquelles la désinfection doit être pratiquée sont contenues dans l'arrêté suivant :
Arrêté du 12 mai 1883, relatif à la désinfection dans le cas de maladies contagieuses des animaux.
ARTICLE PREMIER. — Les opérations de désinfection prescrites par la loi du 21 juillet 1881 et le règlement d'administration publique rendu pour son exécution auront lieu conformément aux règles ci-après :
I. — OBJETS A DÉSINFECTER.
ART. 2. — La désinfection doit s'appliquer à tout ce qui peut recéler les germes de la contagion et notamment :
1° Aux locaux qui ont été habités par les animaux malades et à tout ce qui peut en provenir : fumiers, purins, litières, pailles, fourrages, ustensiles et objets divers qui ont pu être souillés par ces animaux ;
2° Aux ruisseaux, rigoles et conduits servant à l'écoulement des déjections liquides; aux fosses à purin et au lieu de dépôt des fumiers;
30 Aux cours, enclos, herbages et pâtures où ont stationné les animaux malades ;
4° Aux rues, routes et chemins qui ont été parcourus par les animaux malades ou par lès véhicules chargés de leurs cadavres ou de leurs fumiers ;
5° Aux véhicules qui ont servi au transport des animaux atteints de maladies contagieuses ou de leurs cadavres, et des fumiers provenant des locaux, cours, enclos ou herbages déclarés infectés ;
6° Aux cadavres et à leurs débris;
7° Aux fosses d'enfouissement ;
8° Aux personnes qui, par suite de leurs rapports avec les animaux malades, avec leurs cadavres ou débris de cadavres, leurs fumiers, peuvent devenir les agents de la transmission des maladies contagieuses.
II. — AGENTS DÉSINFECTANTS.
ART. 3. — Les agents désinfectants sont les suivants :
1" Le feu. — Destruction des éponges, couvertures et vêtements en mauvais état, licols, cordes d'attache, mauvaises boiseries, mangeoires et râteliers de peu de valeur, etc., etc. :
Les objets en fer, tels que : pelles, fourches, chaînes d'attache, mors et anneaux de contention des taureaux, etc., sont passés au feu.
Le procédé dit « du flambage l' est employé lorsque les circonstances le permettent, pour les murs, boiseries, mangeoires, séparations, planchers, etc.
2° Eau bouillante. — Les couvertures, vêtements et autres objets auxquels ce moyen de désinfection peut être appliqué sont placés dans un récipient et arrosés d'eau bouillante jusqu'à ce qu'ils en soient recouverts , après essorage, l'opération est renouvelée encore une fois.
3° Vapeur d'eau surchauffée. — La vapeur d eau surchauffée à 120° peut être employée pour la désinfection des surfaces et objets sur lesquels il est possible de la faire arriver en jet continu.
4° Chlorure de chaux. — Le chlorure de chaux se répand en poudre sur le sol et dans les rigoles d'écoulement des déjections; on le mélange avec les fumiers et avec les liquides. Délayé dans dix fois son poids d'eau, le chlorure de chaux est employé pour les lavages et les arrosements.
On emploie pour les mêmes usages :
5° Le chlorure de zinc, en solution à raison de 20 grammes par litre d'eau (5 p. 100) ;
6 Le sulfate et le nitrosulfate de zinc, en solution dans la même proportion ;
7° L'acide phénique dans la même proportion ;
8° Le bichlorure de mercure (sublimé corrosif), à raison de 1 gramme par litre d'eau (1 p. 1000), est employé dans le cas de morve, particulièrement pour le lavage du fond des mangeoires et de la partie des murs faisant face à la tête des animaux. Ce désinfectant, en raison de sa nature toxique, ne doit être employé que sous la direction d'un vétérinaire.
9° L'acide sulfurique, étendu d'eau dans la proportion de 20 grammes d'acide par litre d'eau (2 p. 100), doit être employé pour la désinfection des fumiers et litières et des matières de balayage et pour le lavage des rigoles et des sols eu terre, etc., etc.
10° L'essence de térébenthine, diluée dans la proportion de 250 grammes d'essence par litre d'eau, doit être employée pour le lavage dans le cas de fièvre charbonneuse.
11° L'huile lourde de gaz mélangée avec le goudron dans la proportion d'une partie d'huile lourde contre dix parties de goudron est employée comme enduit.
12° Le chlorure gazeux est employé en fumigations dans les espaces hermétiquement clos (1).
13° L'acide sulfureux s'emploie pour le même usage (2).
111. — RÈGLES A SUIVRE DANS LA DÉSINFECTION DES LOCAUX, COURS, ENCLOS, HERBAGES ET PATURES, DES FUMIERS ET PURINS, DES ROUTES ET CHEMINS, DES VÉHICULES ET DES PERSONNES.
ART. 4. — Les opérations de désinfection, en ce qui concerne les locaux, doivent être adaptées à la nature des maladies contagieuses (Voy. chapitres II à VII inclusivement).
ART. 5. — La désinfection des cours, enclos, herbages et pâtures consiste : 1° Dans l'enlèvement des déjections qui sont mises en tas, arrosées avec un liquide désinfectant, puis enfouies ;
2° Dans le lavage à grande eau des cours et l'arrosage avec un liquide désinfectant des places où se trouvaient les déjections ;
3° Pour les pâtures, herbages et enclos, dans l'arrosage avec un liquide des places où se trouvaient les déjections.
ART. 6. — Le fumier extrait des locaux infectés et celui qui a pu être souillé de matières contagieuses sont arrosés abondamment avec un des liquides désignés à l'article 3 et recouverts ensuite d'une couche de terre.
ART. 7. — Les ruisseaux, rigoles et conduits d'écoulement des purins sont lavés à grande eau et arrosés avec un liquide désinfectant.
AIn. 8. — La désinfection des fosses à purin se fait en y versant une dissolution de sulfate de zinc ou de nitrosulfate de zinc représentant en quantité un deux-centième de la contenance des fosses.
AHT. 9. — Les fumiers et purins désinfectés comme il vient d'être dit sont employés de préférence pour la fumure des jardins et des terres arables.
. AHT. 10. — Pour la désinfection des routes et chemins parcourus par des
(1) Le chlore gazeux s'obtient en chauffant dans une terrine 100 parties de bioxyde de manganèse en poudre avec 450 parties d'acide chlorhydrique; avec 1 kilogramme de bioxyde de manganèse et 4K,500 d'acide chlorhydrique, on produit 300 litres de gaz.
(2) L'acide sulfureux s'obtient en faisant brûler sur un plat de terre un mélange de fleur de soufre et de nitrate de potasse.
animaux atteints de maladies contagieuses, les déjections sont ramassées avec soin, mises en tas dans un endroit écarté et traitées comme les fumiers (art. 6). L'emplacement des déjections est saupoudré de chlorure de chaux ou arrosé avec un liquide désinfectant. Les objets qui ont servi au ramassage et au transport des déjections sont ensuite lavés avec un liquide désinfectant.
ART. Il. — Les voitures devant servir au transport des animaux atteints de maladies contagieuses ou de leurs cadavres, ainsi que les fumiers provenant d'étables infectées, doivent être disposées de façon à ne laisser tomber ou écouler sur le chemin parcouru aucune matière solide ou liquide.
Elles sont suivies par un homme muni de pelle, balai et brouette pour le ramassage des matières qui pourraient s'en échapper durant le trajet. Ces matières sont traitées comme il est dit à l'article précédent.
Les voitures après déchargement sont grattées, balayées, puis lavées à grande eau et, après qu'elles se sont ressuyées, arrosées avec un liquide désinfectant.
Les pelle, balai et brouette sont traités de la même manière.
ART. 12. — Toute personne qui a été en contact soit avec des animaux atteints de maladies contagieuses, soit avec leurs cadavres, leurs débris, leurs fumiers, et dont les vêtements, les chaussures, les mains peuvent être souillés de matières contagieuses, est tenue de se soumettre aux mesures de désinfection suivantes :
1° Lavage et savonnage des mains et des bras, immédiatement après chaque contact avec les animaux malades, leurs cadavres ou leurs débris, leurs fumiers, etc.;
2° Lavage des chaussures;
Les eaux de lavage sont versées dans la fosse à purin ou désinfectées directement par l'addition de la proportion convenable de sulfate de zinc;
3° Lavage et lessivage des vêtements de toile. Fumigation au chlorure dans un endroit clos des vêtements de laine et autres objets qui ne pourraient être lavés sans être altérés.
ART. 13. — Avant le chargement pour le transport à la fosse d'enfouissement ou à l'atelier d'équarrissage, les cadavres sont désinfectés par le lavage, avec un liquide désinfectant, des orifices : bouche, cavités nasales, yeux, anus, organes génitaux, ainsi que des parties du corps souillées par les matières excrémentitielles, puis par le saupoudrage des mêmes parties avec du chlorure de chaux.
AUT. 14. — Dans tous les cas où la vente des peaux provenant d'animaux atteints de maladies contagieuses est permise après désinfection, la désinfection a lieu par l'immersion complète dans la solution de sulfate de zinc à 2 p. 100.
Telles sont les dispositions générales de l'arrêté ministériel du * 12 mai 1883. En outre, ce document renferme des règles spéciales que nous étudierons à propos de chaque maladie contagieuse.
Nous devons maintenant dire quelques mots de deux mesures sanitaires générales, l'enfouissement et l'équarrissage qui se rattachent à la désinfection. — Ces mesures tendent l'une et l'autre au même but : la destruction des cadavres et des germes qu'ils renferment; et nous devons faire remarquer ici que, toutes les fois qu'il sera possible de livrer les débris cadavériques à l'équarrisseur, on devra s'empresser de le faire, car les procédés employés dans les ateliers d'équarrissage, pour transformer les
matières animales en engrais ou autres produits industriels, détruisent plus sûrement la virulence que l'enfouissement.
Autant que possible, l'enfouissement doit se faire dans un terrain appartenant au propriétaire des animaux atteints de maladies contagieuses. On aura le soin de ne pas creuser les fosses dans les étables ou les bergeries, comme cela se fait quelquefois dans certaines localités arriérées où la superstition règne encore ; on choisira des lieux écartés, où ne séjourneront pas les animaux domestiques, loin de toute voie de communication. On recherchera les terrains secs, calcaires, de préférence aux terrains argileux. Les fosses auront une profondeur de 1. m,50 à 2 mètres et on indiquera leur présence soit au moyen d'un poteau ou de branches d'arbres, soit en les entourant d'une palissade, afin de prévenir tout danger de contagion.
Ajoutons enfin que l'article 31 de la loi du 21 juillet 1881 punit « d'un emprisonnement de deux à six mois et d'une amende de 100 à 1000 francs, ceux qui, sans permission de l'autorité, auront déterré ou sciemment acheté des cadavres ou débris d'animauxmorts de maladies contagieuses quelles qu elles soient, ou abattus comme atteints de la peste bovine et du charbon ». Ces dispositions témoignent bien de la très grande importance que le législateur a attribuée, avec juste raison, à l'enfouissement des cadavres, constituant des foyers d'infection, qu'il faut neutraliser le mieux possible, en observant les précautions générales qui viennent d'être indiquées et d'autres encore, spéciales à la désinfection des débris cadavériques, dans certaines maladies contagieuses, comme le charbon et la peste bovine, qui sont étudiées ci-après.
CHAPITRE II
PESTE BOVINE
On désigne sous le nom de peste bovine une maladie épizootique, étrangère à notre pays, se manifestant par de la fièvre, de la diarrhée, un extrême amaigrissement, une marche rapide et se terminant ordinairement par la mort.
Syuonymie. — Idée générale. — Cette affection est encore appelée typhus contagieux des bêtes à cornes, typhus contagieux du gros bétail, ce qui semblerait indiquer qu'elle se déclare seulement sur les bovidés. Mais il est. reconnu, depuis longtemps déjà, qu'elle peut attaquer le mouton, la chèvre et même le porc. Il est établi
également que la peste bovine est susceptible de se développer sur les bovidés, ovidés et suidés exotiques. Mais elle est plus fréquente et surtout beaucoup plus grave chez les animaux de l'espèce bovine que dans toutes les autres espèces ; aussi la dénomination de peste bovine est-elle adoptée par notre législation sanitaire, qui stipule, d'ailleurs, que cette maladie donne lieu à l'application de mesures de police sanitaire dans toutes les espèces de ruminants.
La peste bovine sévit d'une manière en quelque sorte permanente dans les steppes de la Russie méridionale, et lorsqu'elle apparaît dans les diverses contrées de l'Europe occidentale, notamment en France, elle résulte toujours de l'introduction du bétail étranger. Cette donnée fondamentale, qui est acceptée aujourd'hui par tout le monde comme l'expression absolue de la vérité, sert de base au système sanitaire applicable à cette maladie.
En raison de son origine, la peste bovine est qualifiée de maladie des steppes, peste des steppes. Suivant M. Reynal, les Russes la désigneraient sous le nom de tchouma, c'est-à-dire par « un mot « qui, chez les Mongols et les Tartares nomades, servait à dési« gner une divinité malfaisante, quelque chose somme un vam« pire » (1). Ce terme indiquerait donc l'origine asiatique de la peste.
Les Allemands lui donnent le nom de Rinderperst, les Anglais celui de Cattle-plague.
Symptômes. — Il y a lieu de les étudier chez les bovidés et chez les ovidés.
I. CHEZ LES BOVIDÉS. — Le signe précurseur de l'apparition de la peste consiste dans l'élévation de la température du corps des animaux contaminés.
C'est ainsi que, chez les bovidés, la température, qui oscille normalement entre 38°,5 et 39°,5 centigr., s'élève à 40°,5, 41° et même 42°, dans les sujets qui sont sous le coup de la peste. Cette hyperthermie, qui avait été signalée par divers observateurs, Guyot, Gamgée, Sanderson, a été très nettement constatée par MM. H. Bouley et Chauveau, dans leurs expériences d'inoculation au Collège vétérinaire d'Édimbourg, en 1865. Ces recherches établissent que l'élévation de la température apparaît deux jours avant la manifestation des autres troubles morbides, alors que les animaux présentent encore tous les caractères extérieurs de la santé. Dès lors, par l'emploi du thermomètre, il est possible de reconnaître les effets de l'infection virulente, deux jours plus tôt qu'on ne le faisait avant l'application de cet instrument au diagnostic de la peste.
(1) Traité de la police sanitaire des animaux domestiques, p. 294.
Cette donnée présente une très grande importance, puisqu'elle nous permet de reconnaître, dans un groupe d'animaux contaminés, encore sains en apparence, ceux chez lesquels la maladie va se déclarer et qui doivent être aussitôt isolés.
Cette élévation de la température ne tarde pas à être accompagnée d'une prostration très grande : l'animal est triste, abattu, indifférent à tout ce qui l'entoure, sa tête est portée bas, avec les oreilles immobiles, tombant en arrière; le dos est voussé et très sensible à la pression ; le poil est terne, hérissé. Bientôt des tremblements généraux apparaissent, surtout en arrière des épaules, aux grassets et aux fesses, avec des alternatives de chaleur et de froid, notamment vers la base des cornes, aux oreilles et aux extrémités des membres.
La rumination n'est pas immédiatement suspendue, mais elle ne s'effectue plus avec sa régularité habituelle; l'animal grince des dents et bâille fréquemment.
La sécrétion du lait, qui commence à diminuer dès le moment où l'on constate de l'hyperthermie, ne tarde pas à se tarir presque complètement. Les mamelles deviennent flasques et froides. Quand elles donnent encore un peu de lait, ce liquide est séreux et d'une teinte jaune très accusée.
Les yeux sont rouges et larmoyants. Un jetage d'abord aqueux, puis jaunâtre, a lieu par les narines.
Dès les premiers jours de la maladie, la faiblesse est grande; elle s'accuse par un décubitus prolongé, par la difficulté avec laquelle le lever s'effectue et une marche chancelante. De plus, les battements du cœur deviennent si peu énergiques, qu'il est difficile de les bien percevoir autrement que par l'auscultation. Le pouls est petit, mou, difficilement perceptible. Le nombre des pulsations varie de 60, 70 à 110 et 120 même, dans le cours de la maladie. Ainsi, au début, vers le deuxième ou le troisième jour, le pouls bat 80 à 90 fois par minute. A la fin de la maladie, vers le sixième jour, il est extrêmement accéléré, et donne jusqu'à 120 pulsations.
La respiration est accélérée, mais, au début de la maladie, elle ne présente pas d'autres modifications.
La conjonctive reflète une teinte rouge brique. La muqueuse buccale est également congestionnée, et cet état se traduit par une teinte rouge ou violacée des gencives, par la rougeur du sommet des papilles, à la face interne des joues et par de petites vésicules d'une teinte jaunâtre, qui ont quelque analogie avec l'éruption caractéristique de la fièvre aphteuse. Ces phénomènes s'accompagnent d'une salivation abondante, qui forme une mousse blanche ou jaunâtre, aux commissures deslèvres et sur leurs bords.
Chez les femelles, la muqueuse du vagin présente une teinte rouge acajou avec des marbrures plus foncées. Ce signe, dont la constatation est facile, présente une grande valeur diagnostique.
La maladie fait de rapides progrès, et, vers le quatrième jour, le jetage devient purulent, l'air expiré exhale une mauvaise odeur, le mufle est sec et fendillé. La respiration se précipite davantage et s'accompagne d'un bruit de cornage bien prononcé.
La salive est écumeuse, fétide. Sur le bourrelet de la mâchoire supérieure, sur les gencives et sur les papilles de la face interne des joues, l'épiderme, soulevé par de la sérosité, se détache par les mouvements de la langue et laisse à nu des ulcérations ou plaies vives d'un rouge foncé.
Après un ou deux jours de constipation, la diarrhée apparaît; elle est constituée d'abord par des matières excrémentitielles, demi-liquides, très fétides, expulsées avec impétuosité. Puis les déjections deviennent séreuses et finalement sanguinolentes.
Cette diarrhée épuise rapidement les animaux, c'est à peine s'ils peuvent se tenir debout. La plupart du temps ils restent couchés, la tête tendue et appuyée sur le menton. La prostration est extrême, les yeux sont chassieux et profondément enfoncés dans les orbites. Le jetage devient sanguinolent, fétide; il obstrue tellement les narines que les animaux sont obligés de respirer par la bouche. Les matières diarrhéiques, qui étaient d'abord expulsées avec force,s'écoulent de l'anus demi-ouvert comme d'un vase inerte.
Parfois, on constate un emphysème sous-cutané dans la région du dos et des lombes et même sur la croupe. Mais l'un des symp • tômes les plus frappants de la peste, c'est l'amaigrissement rapide et profond des malades. Ainsi, en trois ou quatre jours, ils deviennent étiques ; leurs muscles, émaciés, laissent apparaître tous les reliefs du squelette, notamment à la région du bassin dont les excavations se creusent profondément.
La durée ordinaire de la peste bovine est de quatre à huit ou dix jours et, dans notre pays, elle se termine habituellement par la mort.
Dans la plupart des cas, cette maladie s'accuse par les symptômes que nous venons de décrire, mais on ne les trouve pas toujours tous réunis sur le même sujet. Ils peuvent aussi varier dans leur modalité.
Ainsi, dans certaines épizooties de peste bovine, on a constaté une éruption vésico-pustuleuse sur le pis, le périnée, le pourtour de la vulve, la face interne des cuisses, les faces latérales de l'encolure, le mufle. Ces vésicules se dessèchent et forment ainsi des croûtes ordinairement peu adhérentes. On a cru voir parfois une certaine ressemblance entre cette éruption et celle du cowpox,
d'où les noms de peste varioleuse, de variole des bœufs, attribués par certains auteurs du siècle dernier à la peste bovine. Mais il est bien démontré aujourd'hui que la lymphe sécrétée par les vésico-pustules dont il s'agit n'est nullement vaccinogène. En l'inoculant, on obtient la peste et non la vaccine.
Parfois, on constate au début de la peste bovine des symptômes analogues à ceux du vertige. Ainsi les animaux poussent au mur et, si on les détache, ils se portent en avant avec une sorte de frénésie. A cette exacerbation nerveuse, succède un profond coma, une extrême prostration caractérisée par un décubitus latéral presque permanent et la mort à bref délai : 36 à 48 heures.
Enfin, il est des cas où cette maladie présente tout d'abord d'assez grandes ressemblances avec la péripneumonie : la respiration est accélérée, plaintive, les bêtes toussent fréquemment. Mais la percussion et l'auscultation démontrent bien vite que la dyspnée procède de l'emphysème pulmonaire et non de la péripneumonie.
Telles sont les principales particularités que la peste bovine est susceptible de présenter sur le bétail de notre pays. Mais, quand elle apparaît dans les steppes de la Russie méridionale, sur le bétail qui peuple ces régions, elle est susceptible de revêtir parfois une forme atténuée et si bénigne que l'animal qui en est atteint peut ne pas être reconnu malade au milieu du troupeau dont il fait partie.
Néanmoins, sous toutes ses formes, à tous ses degrés, la peste reste toujours identique à elle-même, c'est-à-dire qu'elle est toujours éminemment contagieuse.
Il. CHEZ LES.OVIDÉS. — Les symptômes du typhus contagieux présentent la plus grande analogie avec ceux que l'on observe chez les bêtes bovines : prostration, larmoiement, jetage, salivation, teinte rouge foncé des muqueuses. Toutefois, sur cent malades, dit M. Viseur (d'Arras), il en est de soixante-dix à quatre-vingts qui n'ont pas la diarrhée. Le même observateur a également constaté « des éruptions papuleuses et érythémateuses sur la peau, au pourtour des naseaux, de l'anus et du vagin, sur le périnée et les mamelles. » Ces éruptions, ajoute M. Viseur, semblent avoir une influence favorable sur le cours de l'affection, car tous les sujets qui les ont présentées se sont promptement rétablis.
La marche du typhus est ordinairement moins meurtrière sur les ovidés que sur les bovidés. Sa durée est de un à quatre jours et, quand la maladie se termine par la guérison, « le malade boit beaucoup et ses excréments reprennent bientôt leur teinte noire. »
Lésions. — Les lésions les plus prononcées de la peste bovine se remarquent sur l'appareil digestif. La muqueuse de cet appa-
reil présente ordinairement une teinte]rouge brique, tantôt disposée en couche uniforme, tantôt par places résultant d'une congestion intense de son réseau capillaire. Dans la bouche, sur les gencives, sur la langue, sur la voûte palatine, on voit des ulcérations à bords irréguliers, déchiquetés, tapissées ça et là par une sorte d'exsudat jaunâtre, caséeux. De plus, dans cette région de même que dans le pharynx, l'œsophage, le rumen, le réseau, le feuillet, l'épithélium se détache facilement sous forme de plaques plus ou moins étendues. — Toutefois, il ne faut pas considérer cette particularité comme spéciale à la peste bovine, car on l'observe sur des animaux sains, fraîchement tués. Ce qui est particulier à cette maladie, c'est que, après avoir enlevé l'épithélium, on voit des taches d'un rouge foncé presque noir, dans le derme muqueux, au-dessous desquelles le tissu conjonctif est infiltré par un liquide jaunâtre ou gélatiniforme.
Des lésions semblables se voient dans la caillette, d'une manière encore plus évidente. Cet organe est souvent criblé d'une multitude d'ulcérations, arrondies oufà bords festonnés, siégeant principalement sur le sommet des plis que forme la muqueuse. Parfois ces ulcérations sont disposées sous la forme de traînées serpigineuses, à fond grisâtre ou jaunâtre. Le tissu sous-muqueux est œdématié.
L'intestin grêle est vivement enflammé, surtout dans l e jéjunum et l'iléurn, et sa muqueuse présente une sorte de réseau rouge vif, irrégulier, à grandes mailles, formé par les teintes plus foncées du sommet des plis longitudinaux et transverses. Ce viscère renferme un exsudat glutineux, grisâtre oul,'rougeâtre ; parfois on y a rencontré des fausses membranes. Mais les altérations les plus remarquables se voient sur les glandes de Peyer. Ces organes sont ordinairement tapissés par un exsudat caséeux, adhérent, simulant une sorte de fausse membrane. Après, avoir enlevé cette matière, on constate que les plaques gaufrées sont congestionnées et infiltrées par une substance jaunâtre, comme purulente; leurs follicules constitutifs sont hypertrophiés, gris ou jaunes au centre, rouges à la périphérie, ce qui les fait ressembler à une agglomération de petites pustules. Parfois les glandes de Peyer sont comme frappées de gangrène, si bien qu'elles se réduisent par la pression en une masse molle et noirâtre.
La muqueuse du caecum, du gros côlon, du côlon flottant et du rectum est vergelée comme celle de l'intestin grêle et parsemée d'ulcérations recouvertes d'exsudats caséeux, purulents ou diphthéritiques. Les follicules solitaires sont hypertrophiés, congestionnés, ulcérés parfois et couverts de fausses membranes grisâtres, pultacées.
Lorsque la maladie s'est prolongée au delà de quatre à cinq jours, le tissu de la muqueuse intestinale se charge d'une multitude de très petits grains noirâtres, comparables par la couleur à de la matière mélanique, ce qui lui donne, par places, un aspect tigré. Cette matière noire ne serait autre chose, d'après Gerlach, que du sulfure de fer dont le soufre proviendrait des substances contenues dans le tube digestif, et le fer de l'hématine du sang extravasé.
Les ganglions mésentériques sont rouges, hypertrophiés et infiltrés.
Le foie et la rate ne présentent généralement pas d'altérations. Dans quelques cas, le foie est jaunâtre. Les reins sont congestionnés et « l'examen microscopique y décèle les lésions de la néphrite infectieuse, se traduisant par cet état particulier du protoplasma auquel on a donné le nom de tuméfaction trouble. » (Nocard.)
La muqueuse qui tapisse l'appareil respiratoire est vivement injectée, surtout dans les cavités nasales et le larynx. Elle est parsemée de petites taches rougeâtres, comparables à des pétéchies. — Sur la muqueuse laryngienne, on trouve çà et là des exsudats diphthéritiques. On peut également y constater des ulcérations,, mais moins étendues et moins profondes que celles de la muqueuse intestinale.
Le poumon présente des lésions très accentuées d'emphysème interlobulaire. Au premier abord, son aspect offre quelque analogie avec celui qu'il présente dans la péripneumonie; mais il suffit de le toucher pour reconnaître que l'on n'a pas affaire à cette hépatisation marbrée si caractéristique de la péripneumonie contagieuse. Cet emphysème existe principalement sur les bords du poumon et dans les lobes antérieurs; parfois il s'étend entre les feuillets du médiastin, suit le trajet des gros vaisseaux, gagne la région sous-lombaire et même le bassin.
Les lésions de l'appareil circulatoire consistent surtout dans des infiltrations et des colorations anormales des organes qu'il comprend. Ainsi le cœur est parfois de couleur jaunâtre, comparable à certaines argiles ; son tissu est moins ferme que dans l'état normal. Sous l'endocarde on trouve fréquemment de larges ecchymoses. La membrane interne des veines est rouge foncé.
Lorsque les animaux ont succombé à la peste, le sang est noir et les analyses chimiques faites par Marcet, Peretti, Oudermans, démontre-nt une diminution de l'eau et des matières salines, une augmentation de la fibrine et de l'albumine. L'examen histologique du sang n'a pas fourni jusqu'à présent des données bien significatives. Ainsi on a constaté la prédominance des globules
blancs et une certaine tendance des globules rouges à se réunir, à s'agglutiner entre eux. Certains observateurs, Beale notamment, ont vu, dans le sang, des corps filiformes, de petits bâtonnets droits ou coudés assez semblables, à première vue, aux bactéridies. charbonneuses, mais un examen plus approfondi, et l'emploi de réactifs appropriés, —la potasse caustique notamment — ont démontré que ces corps sont des cristaux d'hématine. Gerlach, d'une part, et Davaine, d'autre part, ont péremptoirement démontré cette particularité histologique.
Dans ces dernières années, Semmer (de Dorpat) a repris cette étude et il résulte de ses recherches que le sang des animaux atteints de peste bovine renferme un microbe particulier constitué par des cocci ordinairement réunis en chaînettes.
« Dès 1874, Semmer avait trouvé dans les organes glandulaires des animaux atteints de la peste, des micrococci. En 1883, il a inoculé, avec Archangelki, un mouton qui gagna la peste. En cultivant les microbes trouvés dans les ganglions lymphatiques de ce dernier, il obtint une culture formée d'une masse de micrococci, quelques-uns en chaînettes. Ce liquide de culture a été inoculé au mouton, qui est resté bien portant, et au veau. Ce dernier animal a présenté les symptômes de la peste et il est mort au bout de sept jours (1). »
Divers observateurs, Beale et Damaschino notamment, ont signalé, dans les muscles des animaux atteints de la peste, l'existence de corps fusiformes, qui paraissent être — surtout d'après la description qui en a été faite par Damaschino, des psorospermies utriculiformes ou sarcosporidies. — Beale a rencontré ces parasites dans le système musculaire de la vie animale et le cœur de presque tous les animaux atteints de la peste dont il a fait l'autopsie. Damaschino les a trouvés en abondance surtout dans le cœur droit. Toutefois ces lésions ne sont point spéciales à la peste bovine, car on les rencontre parfois chez des animaux ayant toutes les apparences de la santé: elles paraissent très fréquentes dans la peste bovine. Il nous a paru intéressant de signaler cette particularité, mais sans vouloir établir entre le développement de ces parasites et celui des lésions proprement dites du typhus aucun rapprochement.
D'ailleurs, le caractère éminemment contagieux de la peste bovine et les recherches de Semmer portent à penser que cette maladie est de nature microbienne. — Cornil et Babès estiment que les lésions de la peste bovine paraissent ressembler à celles de la fièvre typhoïde de l'homme.— Suivant Semmer, toutes les lésions
(1) Cornil et Babès, les Bactéries, 2e édition, p. 266.
de cette maladie procéderaient de la présence des micrococci dans les divers tissus de l'économie : l'état congestif du système capillaire, les hémorrhagies interstitielles qui se traduisent par les taches ecchymotiques disséminées sur les muqueuses, les exsudats caséeux ou diphthéritiques, finalement les altérations du système glandulaire intestinal résulteraient de la multiplication des micrococci et peut-être aussi des produits diastasiques qu'ils peuvent sécréter.
Quoi qu'il en soit, les altérations dominantes de la peste bovine se remarquent principalement sur l'appareil digestif, et quand on les constate en temps d'épidémie, elles permettent d'établir sûrement le diagnostic post mortem.
Étiologie. — Une donnée fondamentale domine toute l'étiologie de la peste bovine : c'est que lorsque cette maladie est constatée en France, elle résulte toujours de l'importation du bétail provenant des steppes de la Russie méridionale ou d'animaux étrangers ayant eu des rapports de contact avec ce bétail. Mais il ne suffit pas d'énoncer une semblable proposition, il faut la démontrer, attendu qu'elle entraîne l'application de mesures sanitaires très rigoureuses, comme la prohibition d'importation de bétail étranger, prohibition qui peut être très préjudiciable au commerce et qu'il faut nécessairement justifier. Toutefois, nous avons pensé qu'il suffirait, pour cette démonstration, d'examiner sommairement les principales épizooties de peste bovine qui ont sévi en France.
Épizootie de 1,:43. — Elle a été la conséquence de la guerre provoquée par la succession d'Autriche, entre la France et l'Autriche-Hongrie. La partie de cette guerre qui nous intéresse commence à l'époque où nos troupes, cantonnées en Bavière, furent assaillies par les Austro-Hongrois et finalement obligées de battre en retraite vers le Rhin, où l'armée anglo-allemande du roi d'Angleterre George II, allié de Marie-Thérèse, se proposait de l'écraser, et de nous enlever ensuite l'Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté. Mais une nouvelle armée française commandée par le duc de Noailles, qui avait suivi l'armée anglo-allemande, lui barra le passage aux bords du Mein, près cl'Aschaffenbourg, et lui infligea une sanglante défaite. Cependant Noailles dut repasser le Rhin pour n'être pas pris entre les armées coalisées. Durant ces marches et contre-marches, le bétail des parcs d'approvisionnement des armées belligérantes se mélangea. Or, celui qui composait les troupeaux de l'armée austro-hongroise provenait des steppes de la Hongrie et de la Russie et il communiqua la peste au bétail de notre armée, obligée de battre en retraite.
C'est ainsi que la maladie pénétra d'abord en Alsace et en Lorraine, puis en Franche-Comté et même jusque dans le Dau-
phiné. Elle dura plusieurs années et détermina une mortalité considérable. C'est pour arrêter cette épizootie que furent rendus les arrêts du parlement du 24 mars 1745 et du Conseil d'État du 19 juillet 1746.
Épizootie de iV74L. — Cette épizootie a décimé le bétail du SudOuest de la France. Elle a commencé aux environs de Bayonne, puis, en quelques mois, elle s'est étendue à tout le territoire limité au midi par les Pyrénées, au sud-ouest par l'Océan et au nord-est par la Garonne.
Plusieurs versions ont été produites sur l'origine de cette épizootie. Ainsi, d'après un mémoire historique que nous avons trouvé dans les Archives de la Haute-Garonne : « Ce cruel fléau fut introduit en France par des cuirs non tannés transportés de la Guadeloupe au port de Bayonne (1). » Mais la version la plus accréditée et la plus rationnelle est celle qui a été exposée par M. Reynal, dans son Traité de police sanitaire. Suivant cet auteur, l'épizootie de 1774 doit être attribuée à l'importation du bétail hollandais, notamment de vaches laitières expédiées par les huguenots, émigrés en Hollande après l'édit de Nantes, à leurs coreligionnaires du Midi de la France. Or, en 1774, la peste bovine sévissait en Hollande depuis plusieurs années, et, quand on connaît le caractère éminemment contagieux de cette maladie, on peut légitimement admettre que le bétail hollandais, expédié à cette époque, était contaminé.
Épizootie de 1796. — Cette épizootie a été déterminée par les guerres que la République a soutenues contre l'Europe coalisée et spécialement contre l'Autriche. Ainsi, après les combats qui eurent lieu entre l'armée autrichienne et nos armées de Sambre-et-Meuse et du Rhin, le bétail des parcs d'approvisionnement se mélangea. Or le typhus sévissait dans celui de l'armée autrichienne, composé de bêtes des steppes et il se propagea à notre bétail. Alors les circonstances étaient telles que l'on ne pouvait lui opposer aucune mesure de police sanitaire ; aussi se propagea-t-il avec une effrayante rapidité en Alsace, en Lorraine, en Franche-Comté, en Bourgogne, en Champagne et en Picardie jusqu'à la porte de Paris. Cette épizootie dura cinq ans; 27 départements furent envahis, et elle fit périr environ 130 000 bêtes à cornes.
Épizootie de 1814-1815. — De même que la précédente, cette épizootie fut introduite en France par le bétail des steppes formant la majeure partie des troupeaux d'approvisionnement des armées alliées. En envahissant notre territoire, ces armées y ont introduit
(1) Archives de la Haute-Garonne. C. Papiers de l'intendance du Languedoc.
la peste bovine, qui s'est répandue de proche en proche, par la contagion, sur une très grande étendue et en produisant une grande mortalité. Aussi cette épizootie doit-elle figurer au nombre des désastres résultant des guerres du premier empire.
Épizootie de 1865. — Cette épizootie a régné en Angleterre, en Hollande, en Belgique et en France. On a, sur son origine, des. données très précises qu'il nous paraît intéressant de résumer, car elles nous montrent comment la peste bovine peut pénétrer dans l'Europe occidentale par le commerce du bétail. Et nous ne saurions mieux faire que d'emprunter à un éminent et regretté maître, H. Bouley, le récit de cette épizootie.
Il y avait cent vingt ans que l'Angleterre n'avait plus eu à souffrir des ravages de la peste bovine, dont la dernière invasion remontait à 1745, lorsque, au mois de juin 1865, fut expédiée de Revel, ville de l'Esthonie, dans le golfe de Finlande, une cargaison de bestiaux à destination de l'Angleterre.
Il résulte de l'enquête qu'a fait faire le gouvernement anglais sur toutes les circonstances qui ont précédé et accompagné cette importation, et des renseignements recueillis par M. le professeur Gamgée, dans son beau travail sur tlte Cattle-plague publié en 1866, que le troupeau rassemblé à Revel pour être expédié en Angleterre était formé en grande partie d'animaux du pays, où la peste ne régnait pas alors, et en outre d'un certain nombre de sujets expédiés en wagons, conduits par des chevaux de Saint-Pétersbourg ou de ses environs. M. Gamgée rapporte que trois animaux du troupeau qui devait être expédié en Angleterre furent vendus malades à un boucher de Revel, du nom de Sichbert; qu'un autre mourut, et qu'un cinquième tomba malade après que le steamer eut levé l'ancre et quitté le port de Revel. L'expéditeur de cette cargaison, composée de 331 bœufs et de 330 moutons, a témoigné que 13 des animaux formant le troupeau de boeufs faisaient partie de ceux qui auraient été expédiés des environs de Saint-Pétersbourg : circonstance importante, car il est notoire que si la peste bovine n'existait pas enEsthonie, elle sévissait sur la province de Saint-Pétersbourg depuis 1864.
La cargaison achetée à Revel devait être débarquée à Londres ; mais, pour éviter l'inspection des vétérinaires, on la dirigea sur Hull, ville maritime du comté d'York, située à l'embouchure de l'Humber, dans la mer du Nord. Là elle ne fut soumise à aucune inspection. Une partie des animaux furent vendus pour les villes de Derby et de Leeds; une autre pour Manchester; et le restant du troupeau, composé de 175 bestiaux, fut expédié à Londres, où il arriva le premier lundi de juin 1865. Tous, à l'exception de 20, qu'on envoya à Gosport, furent vendus aux bouchers métropolitains.
Ce fut le 12 juin que l'on constata sur le marché métropolitain l'existence d'animaux affectés de la Cattle-plague, lesquels ne faisaient pas partie de ]a cargaison russe, mais avaient dû se trouver en rapport de contact ou de voisinage avec les bestiaux qui la composaient, attendu que ces bestiaux, après leur débarquement, avaient été logés dans des bâtiments situés à très grande proximité du marché. Après cette première manifestation, la maladie, d'abord méconnue dans sa nature, ne tarda pas à être constatée chez des nourrisseurs de Londres (Dairy-men), qui avaient introduit dans leurs étables des vaches nouvellement achetées sur le marché métropolitain. Dès que ces nourrisseurs eurent fait l'expérience de la gravité du mal dont leurs bestiaux étaient frappés, ils se hâtèrent de se débarrasser des survivants, déjà contaminés, en les
envoyant au marché, où ils furent achetés soit par les bouchers, soit par d'autres nourrisseurs qui, ignorant la gravité des faits ou ne s'en rendant pas compte, se trouvaient déterminés à faire des acquisitions par la bonne .condition apparente des animaux mis en vente et leur prix relativement inférieur.
C'est ainsi qu'à chaque jour de marché, les bestiaux sains, exposés en vente, se trouvaient mis en rapport de contact direct, ou de voisinage plus ou moins étroit, avec des animaux contaminés, dont le nombre allait tons les jours en grossissant; et ainsi se trouva réalisée, d'une manière peut-on dire intensive, la condition la plus favorable pour l'agrandissement du foyer primitif de la contagion et son irradiation sur toutes les parties du Royaume-Uni.
Tout concourut, avec une sorte de fatalité, à ce que la peste bovine prît en Angleterre les plus grandes proportions. D'abord la nature en fut méconnue par les vétérinaires appelés les premiers à observer les animaux malades ; et puis, lorsque MM. les professeurs Simonds et Gamgée eurent établi et annoncé, chacun de son côté, que la maladie qui commençait à faire tant de victimes dans les étables de Londres n'était autre que la Rinderpest, la terrible peste des steppes, ce fut comme un parti pris de fermer les yeux à l'évidence et de nier la nature exotique de cette affection. On mit de l'amour-propre à ne pas .avoir commis l'imprudence de laisser pénétrer cette épizootie en Angleterre,
■et l'on soutint avec une vraie passion qu'elle s'était développée spontanément dans les étables de Londres, sous l'influence des mauvaises conditions hygiéniques et de la chaleur exceptionnelle de la saison. Sans doute aussi qu'il se trouvait un grand nombre de personnes intéressées à ce qu'on n'eût pas recours à des mesures sanitaires dont une des conséquences immédiates devait être de mettre tout au moins des entraves, si ce n'est des empêchements absolus, à l'importation en Angleterre des bestiaux du continent.
Dans cet état des choses et des esprits, l'épidémie trouva devant elle si libre carrière, qu'il suffit de quelques semaines pour que l'Angleterre et l'Ecosse fussent envahies. L'Irlande seule sut se défendre en fermant ses ports à l'importation des bestiaux qui lui étaient expédiés des autres parties du RoyaumeUni et des pays suspects du continent. A la fin de décembre 1866, la peste bovine s'étendait sur 54 comtés en Angleterre et 31 en Écosse. On estime que les pertes éprouvées par ces deux pays, pendant les seize mois que l'épizootie .a duré, ne s'élèvent pas à moins de 500 000 têtes estimées 100 millions de francs.
De l'Angleterre, l'épizootie fut importée en Hollande par un troupeau de douze bœufs gras de provenance hollandaise, qui, ayant été exposés en vente sur le marché métropolitain de Londres, pendant trois jours successifs, les 22, 26 et 29 juin, sans trouver acheteurs aux prix réclamés par leur expéditeur, lui furent renvoyés le 2 juillet. M. Simonds, qui les vit au moment de leur embarquement à Blackwell, constata leur état maladif. Arrivés en Hollande, leur propriétaire les expédia à Kethel, près de Schiedam. Six d'entre eux furent reconnus malades pendant le trajet vers cette destination, mais on supposa que leur maladie n'était autre que la cocotte. Quelques-uns de ces derniers furent livrés à un boucher-tanneur de Schiedam ; d'autres envoyés au marché de Rotterdam ; d'autres, enfin, à la Haye, de telle sorte que, par une étrange fatalité, ce petit groupe d'animaux infectés fut dispersé dans différentes directions immédiatement après son arrivée.
Les conditions de la propagation et de l'expansion de la peste bovine furent tout au moins aussi favorables en Hollande qu'en Angleterre. Dans le premier de ces pays comme dans le second, les propriétaires dont les bestiaux furent les premiers atteints s'empressèrent, pour se garer des pertes dont ils pouvaient prévoir la réalisation très prochaine, d'expédier au marché de Rotterdam leurs animaux survivants qui, déjà malades ou portant en eux le germe
de la maladie, la transmirent immédiatement sur le marché ou la dispersèrent au loin. A la fin de septembre, il y avait déjà soixante-six localités de la Hollande méridionale qui étaient envahies, et comme on n'eut recours immédiatement'à aucune mesure sanitaire pour circonscrire le mal et empêcher son expansion, toutes les autres provinces des Pays-Bas eurent à en subir les atteintes. Du 24 septembre 1866 jusqu'au 15 juin 1867, 166 594 bêtes à cornes furent frappées de la peste dans ce malheureux pays. Sur ce nombre, 78 110 succombèrent à la maladie ; 36 919 durent être abattues ; 51 565 se rétablirent : dernier chiffre très considérable, et qui explique la résistance opposée par les paysans hollandais aux mesures d'abatage trop tardivement prescrites.
La Belgique, en raison de ses rapports de voisinage et de ses étroites relations commerciales avec la Hollande, ne pouvait guère échapper aux dangers de l'infection de ses provinces par la peste bovine, surtout avec des frontières aussi faciles à franchir et aussi difficiles à défendre que celles qui sont établies entre les deux pays. Aussi, dès le mois d'août 1865, la maladie était-elle dénoncée dans la Flandre orientale. Jusqu'au 22 avril 1867, quarantesix communes, dans six provinces, se sont trouvées envahies à des intervalles de temps irréguliers, par le fait d'importation hollandaise, sans que cependant il ait toujours été possible de se mettre sur la trace du mode d'introduction de la maladie. Mais le gouvernement belge était sur ses gardes, et partout où la peste s'est montrée, les mesures les plus énergiques ont été prises pour l'étouffer, coûte que coûte, avant qu'elle ait eu le temps d'irradier au loin. C'est ainsi qu à Hasselt, capitale du Limbourg, où la peste avait été importée par des animaux venant de Cologne, le gouvernement belge n'a pas reculé devant l'abatage de 1 395 animaux, dont 330 étaient déjà infectés de la maladie et les autres seulement contaminés. Grâce à ce sacrifice fait à propos et avec décision, la Belgique a été préservée des désastres infligés à l'Angleterre et à la Hollande.
Pour la France, le typhus a été plutôt une menace qu'une réalité, pendant la longue durée du temps où il n'a pas cessé de sévir sur l'Angleterre et sur la Hollande; et ainsi s'est trouvé résolu le problème difficile de la préservation d'un grand pays, malgré l'imperfection de ses frontières, l'intensité de l'épizootie dans les pays limitrophes, et la densité de la population animale qui pouvait donner prise à ses atteintes.
Cette préservation n'a pas été absolue cependant. Une vache achetée à Malines, le 3 septembre, alors que la frontière française était encore ouverte du côté de la Belgique, communiqua le typhus, dont elle recélait le germe, aux animaux de l'étable où elle fut introduite. De proche en proche, la maladie ne tarda pas à se répandre dans le département du Nord et même dans celui du Pas-de-Calais. L'administration française prit immédiatement des mesures pour prévenir une nouvelle invasion de la peste et empêcher sa propagation. Dès le 5 septembre 1865, un décret fut rendu par l'empereur, qui autorisait le ministre de l'agriculture « à défendre l'importation en France des animaux domestiques dont l'entrée présenterait des dangers au point de vue du typhus contagieux ; » et le lendemain, 6 septembre : « L'introduction en France et le transit des animaux de l'espèce bovine, ainsi que. des cuirs frais et des autres débris frais de ces animaux, » étaient absolument interdits par les ports du littoral, depuis et y compris Nantes jusqu'à Dunkerque, et par les frontières du Nord et de l'Est, de la mer au Rhin.
L'introduction en France et le transit des animaux de l'espèce bovine, ainsi que des cuirs frais et autres débris frais de ces animaux, provenant d'Angleterre, de Hollande et de Belgique, étaient aussi absolument interdits par tous les ports et bureaux de douane de l'empire.
Quant aux animaux de l'espèce bovine importés d'autres provenances que l'Angleterre, la Hollande et la Belgique, leur entrée en France par les ports et
Bureaux de douane autres que ceux spécifiés plus haut était subordonnée à une visite préalable. Telle est la substance de l'arrêté pris par M. Béhic, à la date du 6 septembre 1865.
Les mesures sanitaires prises dans les départements du Nord et du Pas-deCalais consistèrent dans l'abatage immédiat des animaux. malades ou contaminés, en tout 43 seulement; et le mal fut immédiatement étouffé. Depuis lors et malgré notre frontière tout ouverte sur la Belgique, malgré l'intensité de l'épizootie en Hollande, aucun cas nouveau d'infection n'a été déclaré dans nos départements frontières.
L'arrêté ministériel qui défendait l'importation en France des animaux domestiques provenant des pays infectés semblait satisfaire à toutes les exigences de la préservation, tout au moins autant que l'enseignaient les notions acquises alors sur le mode de propagation du typhus par l'intermédiaire des animaux. Les faits devaient déjouer cette prévision, en donnant la démonstration que des ruminants, autres que nos ruminants domestiques, étaient susceptibles, eux aussi, de contracter le typhus par contagion et de lui servir de véhicule d'un pays dans un autre.
Le 15 novembre 1865, deux gazelles, expédiées de Londres où elles avaient été achetées, furent introduites, en bon état de santé apparente, au Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne, où elles furent mises en communication avec une série d'animaux exotiques, tels que : cerf muntjac et cerf du Brésil, yaks, zébus, chameaux, antilope, gazelles et aurochs ; il y avait, en outre, dans le même compartiment, une vache normande, des moutons et des chèvres; en tout, une cinquantaine d'animaux environ, avec lesquels les gazelles purent avoir des rapports plus ou moins directs.
Le 19 novembre, cinq jours après son arrivée au Jardin, l'une des gazelles tomba malade, et mourut le 24, sans qu'on attachât une grande importance à ce fait, très ordinaire sur des animaux nouvellement importés. Le 25 novembre, la deuxième gazelle devint malade à son tour, et l'on constata que, le même jour, un certain nombre des animaux de l'étable où elles habitaient avaient refusé leur nourriture. On reconnut chez eux les. symptômes suivants : grand abattement, jetage verdàtre par les naseaux, injection de la conjonctive, écoulement des larmes, respiration précipitée, coloration rouge foncé des gencives autour des dents incisives, diarrhée jaunâtre, branlement de la tête, tremblements généraux, etc., etc.
U. Leblanc, vétérinaire de l'établissement, fut frappé de ce qu'il y avait d'insolite dans une maladie ainsi caractérisée, qui s'attaquait soudainement à un aussi grand nombre d'animaux à la fois, et il conçut la pensée que cette maladie pouvait bien être la Rinderpest. L'événement prouva qu'il avait vu juste. Le 30 novembre, 11 des animaux, avec lesquels les gazelles importées de Londres avaient cohabité, étaient reconnus atteints du typhus contagieux, à savoir : 7 yaks, 1 zèbre, la vache normande, l'antilope, 4 gazelles, J'auroch màle, le cerf muntjac et le cerf du Brésil. Dans les jours suivants, d'autres sujets du même groupe furent atteints à leur tour, et les lésions constatées a l'autopsie de ceux qui succombèrent ou qu'on fit abattre donnèrent la démonstration irrécusable de la justesse du diagnostic basé sur les symptômes constatés pendant la vie.
Cette irruption du typhus contagieux dans le Jardin d'acclimatation causa la mort de 34 animaux exotiques ou indigènes qui succombèrent à la maladie ou durent être abattus sans délai pour empêcher sa propagation dans d'autres parties du Jardin. Parmi ces victime?, il faut compter 4 pécaris (espèce du genre Sus, originaire de l'Amérique méridionale), qui contractèrent aussi la peste, en se nourrissant des déjections et des débris cadavériques entraînés dans leur padoxe par les eaux de lavage provenant de la salle où l'on pratiquait les autopsies des pestiférés ; ainsi s'est trouvée donnée la démonstration
4e la possibilité de la transmission du typhus contagieux, non seulement à différentes espèces de ruminants indigènes et exotiques, mais encore à des -animaux d'un autre ordre, tels que les cochons de l'Amérique du Sud.
Épizootie de ÎSTO-Ti. — Elle a été déterminée par la désastreuse guerre de 1870. Ainsi, d'après les renseignements qui ont été recueillis par Zundel, alors vétérinaire à Mulhouse, huit jours après la bataille de Frœschwiller-Wœrth, c'est-à-dire vers le 15 août, la peste bovine se déclarait en Alsace et en Lorraine, notamment à Haguenau, Wissembourg et Sarreguemines. Elle fut introduite par du bétail des steppes et plus particulièrement par un troupeau composé de 193 bœufs partis de Magdebourg et achetés par l'administration militaire prussienne en Russie même. Aucune mesure sanitaire ne pouvant être prise dans les circonstances à jamais néfastes dans lesquelles se trouvait notre pays, la maladie s'étendit avec une grande rapidité. De plus, suivant Zundel, l'autorité militaire prussienne cherchait même à faciliter la propagation de la peste. « Ce n'est qu'ainsi que peut s'expliquer ,ce qui se passa à Haguenau, où, vers le l5 août, on avait fait dans le canton une réquisition de 360 bêtes bovines ; le bétail fut parqué avec le troupeau qui avait suivi l'armée prussienne et où il y avait du bétail gris des steppes; la maladie ne tarda pas à se montrer, et le 26 août ce troupeau était réduit à 160 têtes. Au lieu d'abattre ce bétail, on auto1oisa les cultivateurs à reprendre les animaux qui leur appartenaient, et ainsi on répandit la maladie -dans tout le canton (1). »
En Normandie, en Bretagne, et plus généralement dans toutes les contrées envahies, on était sous le régime de la loi martiale ; les autorités françaises étaient remplacées par les autorités prussiennes « qui dédaignèrent, de gaieté de cœur, de prendre aucune mesure de police sanitaire... Une autre cause de la propagation du mal provenait des fournisseurs de l'armée française qui, se plaçant au-dessus de la loi et échappant à tout contrôle, au milieu de la désorganisation absolue des services administratifs, ne faisaient qu'à leur volonté ou à leur caprice, tuaient les animaux partout, sur les routes, dans les champs, sur la voie publique, abandonnant çà et là les cadavres des animaux morts qui devenaient des foyers d'infection (2). »
Après la capitulation de Paris, la peste bovine a sévi avec la plus grande intensité parmi les troupeaux d'approvisionnement. Ainsi, « à la Villette, des troupeaux de bœufs avaient été rassemblés un peu tumultueusement et sans que des précautions conve-
(1) Journal de l'École de Lyon, année 1870, p. 431.
(2) Reynal, Rapport à lAcadémie de médecine, 11 mars 1871.
nables eussent été prises par ceux à qui ce soin incombait; il y avait là un stock d'animaux de différentes provenances, même de provenance prussienne, car les Prussiens, ces Dandi dont nous aurions dû avec tant de raison suspecter les avances, nous avaient offert, moyennant finances, une partie de leur approvisionnement et nous avions eu le tort d'accepter ces tristes présents. De cette promiscuité de nos bestiaux avec ceux qui étaient de provenance prussienne est née la contagion qui s'est communiquée à l'approvisionnement de Paris, comprenant environ 10000 têtes de bétail. Malgré le rapide fonctionnement de la massue, qui abattait de nombreuses têtes pour nourrir une population de deux millions d'habitants affamés, la consommation n'a pu marcher de pair avec la contagion, et il a fallu, pour ne pas perdre la viande abattue, recourir aux divers procédés de conservation par les salaisons : 5 à 600 bêtes ont été conservées. Ainsi, la rapidité de la contagion a été telle que tout le troupeau de la Villette a été envahi dans le parcours de l'abattoir au marché de la rue d'Allemagne. A côté de l'approvisionnement civil, l'approvisionnement militaire, comprenant environ 7000 bêtes à cornes destinées à l'alimentation de l'armée et de la garde mobile, et disséminées en plusieurs lots sur divers points de la capitale, a été envahi à son tour et avec une telle intensité que 5000 bêtes sont mortes et ont été complètement perdues 1. »
Dans les départements du Doubs, de l'Ain, de Saône-et-Loire, du Rhône, c'est notre armée de l'Est, formée de celle de la Loire, qui a apporté le fléau. Or, il est à remarquer que la peste bovine s'était montrée dans les troupeaux d'approvisionnement de l'armée de la Loire qui, en battant en retraite sur le Mans, était suivie de près par l'armée ennemie ; en outre, le commerce des bestiaux, fait par des juifs des deux nations, amena le contact et le mélange des troupeaux français avec les troupeaux allemands.
Bref, l'épizootie de 1870-71 s'est étendue à 43 départements. Elle a duré deux ans et a coûté à l'agriculture française près de 57 000 animaux abattus, d'une valeur approximative de plus de 15 millions de francs, sans compter le nombre des animaux morts pour lesquels les demandes d'indemnité n'ont pas été faites ou n'ont pas dû être accordées, ainsi que celui des animaux morts dans les parcs d'approvisionnement des armées pendant la guerre ou destinés au ravitaillement de Paris et qui ont succombé en quantité considérable.
Cet exposé hislorique démontre donc que, toutes les fois que la peste bovine s'est montrée en France, et nous pouvons même
s (1) H. Bouley, Communication à l'Académie de médecine, mars 1871.
dire dans l'Europe occidentale, elle y a toujours été importée par du bétail provenant des steppes de la Russie méridionale ou ayant été en contact avec celui-ci.
Cette conclusion en implique forcément une autre, à savoir que la peste bovine n'est pas susceptible de se développer spontanément dans notre pays. D'ailleurs, aujourd'hui, personne ne met en doute l'origine étrangère de la peste bovine; mais on n'est pas d'accord sur le lieu précis d'où cette maladie serait originaire. On l'a placé d'abord dans les steppes de la Hongrie et de la Russie méridionale, puis dans le Caucase. Les Caucasiens prétendent qu'elle vient de la Perse; les Persans la font sortir de la Chine, et comme le dit H. Bouley, si les Chinois étaient interrogés, il est probable qu'eux aussi accuseraient quelque source éloignée d'où la maladie se répandrait dans leurs provinces. — Tout ce que l'on peut dire sur ce sujet, et, ajouterons-nous, tout ce qu'il importe de savoir pour l'application des mesures sanitaires, c'est :
1° Que la peste bovine est originaire de l'extrême Orient; c'est dans cette région que les conditions climatologiques permettent aux germes de cette maladie de se conserver dans le sol, les eaux, les aliments et de l'entretenir ainsi en permanence ;
2° Que la contagion par des animaux malades ou suspects est la seule cause de son développement dans l'Europe occidentale, en France notamment.
Contagion. — La peste bovine est une maladie extrêmement contagieuse, et tous les produits de l'économie sont virulents. Inoculez, dit H. Bouley, le sang ou la lymphe, les larmes, les mucosités nasales ou la salive, la sueur ou.l'urine, les mucosités intestinales, les matières excrémentitielles, les liquides incorporés à la trame des organes ou une partie même de ceux-ci, et par l'intermédiaire de toutes ces substances vous transmettrez le typhus avec une sûreté presque absolue.
D'autre part, la vitalité des germes de la peste bovine semble se prolonger pendant longtemps. Ainsi, Hering, cité par M. Reynal dans son Traité de police sanitaire, rapporte, d'après divers auteurs, des exemples de contagion après six années et même dix-neuf années. Mais ce sont là des faits exceptionnels et même fortement conteslés. On comprend que cette question de la vitalité des germes de la peste bovine, si importante au point de vue de la police sanitaire, ne peut être résolue avec précision que par la méthode expérimentale de M. Pasteur ou ses dérivées. — En d'autres termes, il faudrait préalablement isoLr le microbe de la peste, l'obtenir à l'état de pureté et faire agir sur lui les divers agents physiques ou chimiques, réputés désinfectants, comme l'a fait Perroncito, par exemple, pour le Bacillus anthracis. — D'ici
là, il faut se contenter des données approximatives, souvent contradictoires, en apparence du. moins, qui résultent de diverses expériences.
Ainsi, d'après Weiss, cité par Gerlach, un fil de laine trempé dans la matière virulente provenant d'un animal pestiféré, et conservé pendant six ans dans un vase en verre, aurait gardé son activité virulente au bout de ce laps de temps. Deux bêtes à cornes, sous la peau desquelles des fragments de ce fil ont été introduits, après ramollissement préalable dans de la vapeur d'eau bouillante, ont contracté la peste bovine, qui s'est manifestée au bout de neuf jours d'incubation.
Vicq d'Azyr (Exposés des moyens curatifs, etc.) rapporte avoir fait périr de la peste deux vaches, dans les plaies desquelles il avait introduit des morceaux de peau et de chair pris dans des fosses où, depuis plus de trois mois, on avait enseveli des animaux morts de la contagion.
OErtzen (Communication officielle sur l'inoculation de la peste bovine) prétend que les matières sèches ne peuvent pas transmettre la maladie et que, quand elles sont humides, elles ne peuvent pas conserver, même par le temps froid, leur activité au delà de quatorze jours.
Suivant Abilgaard, les peaux peuvent communiquer la maladie huit jours après avoir été détachées du corps. M. Reynal a inoculé « sans résultat à un veau des raclures d'un muscle prises sur un bœuf mort de la peste bovine et enfoui à lm,50 de profondeur depuis cinquante-huit jours ». (Traité de police sanitaire, p. 298.) Jessen (De la Peste bovine, 1834) dit que c'est une opinion commune en Russie, que les étables qui ont été infectées par des animaux atteints de la Rinderpest, restent infectées pendant plusieurs années, ce qu'il explique par la perméabilité du sol qui s'oppose à son assainissement.
Miiller, dans les Annales de Gurlt et Hertwig, rapporte que la peste s'étant déclarée dans une étable composée de 120 bœufs, du foin conservé dans cette étable en fut extrait, au bout de cinq mois, pour être transporté dans une autre ferme et utilisé comme fourrage. Dix jours après son introduction dans cette ferme, la peste bovine se déclara, sans autre cause appréciable, sur les bestiaux auxquels ce foin avait été distribué.
Des expériences d'inoculation faites en Russie, avec des matières dont on voulait éprouver l'activité virulente, ont démontré que, lorsqu'elles étaient bien conservées, elles pouvaient encore transmettre la maladie après une année. Mais cette longévité du virus constitue l'exception, et c'est dans les deux premiers mois que son activité est la plus grande.
On s'est demandé pendant combien de temps les fumiers conservaient leur activité virulente. Cette question a préoccupé vivement l'administration centrale, lors de l'épizootie de 1870-71, et H. Bouley a été chargé de l'étudier, car de très graves intérêts se rattachaient à sa solution. « Il s'agissait de savoir, en effet, au bout de combien de temps on pouvait permettre l'enlèvement des fumiers des abattoirs de Paris, sans courir la chance que les germes de peste qu'ils pouvaient, et qu'à un certain moment ils devaient recéler, fussent disséminés par leur transport dans les fermes des départements qui entourent Paris. » Obligé de répondre le plus promptement possible, H. Bouley ne put donner à cette question une solution expérimentale, comme il l'aurait voulu. C'est en se basant sur le degré de température à laquelle les fumiers s'élèvent par la fermentation, température qui est de 50 à 55°, qu'il a cru pouvoir conclure : qu'au bout de trois semaines à un mois, les matières organiques provenant des animaux malades, devaient avoir perdu leurs propriétés contagieuses sous l'influence de la chaleur à laquelle elles étaient soumises.
En fait, les fumiers provenant des bêtes atteintes de la peste bovine ont été enlevés des abattoirs de la Villette « au bout d'un mois de séjour dans les cours où on les amasse, et aucune conséquence fâcheuse n'est résultée de leur transport ». D'ailleurs des expériences faites par Abilgaard démontrent que « des bêtes inoculées avec du contage chauffé à 50° Réaumur ne contractent pas la maladie » (1).
On admet assez généralement que' la putréfaction des débris. cadavériques détruit la virulence dont ils sont doués. La dessiccation dans un courant d'air sec produirait rapidement les mêmes effets, tandis qu'en présence de l'air humide les propriétés contagieuses des diverses matières de l'économie persisteraient pendant longtemps. C'est probablement à ces particularités qu'il faut attribuer les différences que l'on a constatées en inoculant des produits morbides recueillis à divers moments. Tantôt, dit Wehenkel, « un virus âgé de quelques jours à peine s'est montré absolument inefficace, tandis que, dans d'autres cas, l'inoculation a prouvé que, même après une conservation de six, neuf mois et plus, ce principe avait encore conservé son activité » (2). modes de contagion. — La peste bovine peut se transmettre, soit par contagion immédiate, soit par contagion médiate : c'est par ce dernier mode qu'elle se propage ordinairement. L'air, les aliments, les fumiers, les débris cadavériques, les véhicules de
(1) De Wehenkel, Mémoire sur le typhus, p. 135.
(2) Loc. cit., p. 130.
transport, les objets de pansage, et plus généralement toutes les matières qui ont été en contact avec les animaux malades peuvent communiquer le typhus contagieux dont les germes pénètrent alors dans l'économie, soit par les voies respiratoires, soit par les voies digestives.
A une époque qui n'est pas encore bien éloignée, on admettait que la contagion naturelle s'effectuait principalement par les voies respiratoires. On pensait que le virus de la peste était rejeté sous forme d'émanations gazeuses ou vaporeuses susceptibles d'être entraînées par le vent et de communiquer ainsi la maladie à une grande distance. C'est ce que l'on exprimait en disant que la peste bovine était transmissible par virus volatil, par contagion volatile. S'il est possible que la contamination s'opère par l'intermédiaire de l'air lorsque des animaux se trouvent dans la même étable, lorsqu'ils sont étroitement rapprochés, que l'air est confiné, l'étable mal aérée, mal ventilée, il n'en est plus de même quand il s'agit de la contagion à distance. Les recherches expérimentales de M. Chauveau et les observations qu'il a faites en 1871, dans le département de l'Ain, où le typhus avait été introduit par la retraite de l'armée de l'Est, établissent, en effet, que, dans la contagion à distance, l'infection par les voies digestives joue le rôle principal. Entre autres faits démontrant cette donnée si importante au point de vue de la police sanitaire, nous citerons le suivant, qui a été exposé par M. Chauveau, dans une conférence faite à la Société d'agriculture du Pas-de-Calais, en 1871.
La Peyrouze, petit hameau de la commune de Polliat (Ain), est composé de six habitations. L'une d'elles, complètement isolée des autres, en est distante de 300 à 400 mètres. Celles-ci, très étroitement agglomérées, sont disposées de la manière suivante : trois fermes principales forment les angles d'un triangle dans lequel se trouvent cernées deux petites fermes contenant seulement neuf animaux. Les trois grandes fermes furent mises en réquisition pour loger le troupeau de l'armée atteint de typhus. C'est là qu'il fit sa quatrième et dernière station après son arrivée à Polliat. Il était déjà passé chez trois autres cultivateurs. A ce moment, on commençait à s'alarmer des pertes qu'il subissait. On était en défiance. Aussi les propriétaires des deux petites exploitations tinrent-ils leur bétail renfermé. Je n'ai pas besoin de dire que tous les bestiaux des grandes fermes furent infectés et qu'ils moururent ou furent abattus. Quant aux animaux des deux petites fermes, ils purent séjourner impunément au milieu de cet effroyable foyer de contagion qui les enveloppait de tous côtés, à quelques mètres de distance.
Mais ce n'est pas tout. Cet immunité dura plus de quatre semaines après l'enfouissement des dernières victimes. Tout à coup, pendant la cinquième semaine, la maladie apparut dans l'une des deux étables. Comment les animaux de cette étable s'étaient-ils infectés ? Voici ce qui était arrivé. Soixante bêtes bovines environ avaient été enfouies dans ce lieu autour des habitations. Plusieurs d'entre elles étaient mortes dans les cours et sur les chemins. Enfin &in certain nombre d'autopsies avaient été pratiquées au bord des fosses par
les vétérinaires chargés de l'enquête. De tout cela, il était résulté que la désinfection générale du foyer, quoique dirigée et exécutée avec beaucoup de soin, n'avait pu être accomplie de manière à inspirer pleine et entière confiance. Aussi avait-on enjoint aux deux petits métayers, qui avaient échappé au désastre, de prolonger la séquestration de leur bétail après l'extinction du foyer. Malheureusement l'un d'eux, à bout de fourrage pour son bétail, n'eut pas la patience d'attendre la levée de la séquestration. Une fois la nuit venue, il lâchait ses animaux dans le pré, et il fut prouvé qu'ils allèrent paître autour des fosses au bord desquelles on avait fait plusieurs autopsies. Ajoutons que, chez le voisin, quoique les deux étables fussent rapprochées, avec des portes ouvrant dans une cour commune, la santé du bétail continua à être parfaite.
Ainsi, même à distance rapprochée, les animaux sains qui habitent un local fermé peuvent échapper à l'infection par l'intermédiaire de l'air, tandis que ces mêmes animaux s'infectent nécessairement, s'ils se nourrissent avec de l'herbe qui a été exposée à la contamination par son contact immédiat avec des matières virulentes.
Ce même hameau de la Peyrouze a été le théàtre d'une autre observation fort intéressante à ce point de vue. Plus de quinze jours après l'extinction du grand foyer, on fut prévenu que la peste bovine avait fait son apparition dans la ferme isolée du hameau. C'était vrai et l'on fut au premier moment fort embarrassé pour expliquer le cas. L'enquête ne fournissait aucune donnée sur laquelle on pût établir que la contagion avait été apportée directement du foyer d'infection par des denrées ou des objets souillés de matières virulentes. On se résignait déjà à admettre que l'air atmosphérique, sous l'influence d'une direction favorable du vent, avait apporté, dans l'étable de cette ferme, à 300 ou 400 mètres, les éléments virulents auxquels les animaux placés au centre du foyer avaient pu échapper. Malgré la longue incubation qu'une pareille interprétation supposait, celle-ci allait être admise quand la cause vraie fut révélée. Un mois auparavant, un des animaux du troupeau militaire infecté étant mort à son arrivée à la Peyrouze, le fermier chez qui arriva l'accident voulut se débarrasser promptement de cet hôte, qu'instinctivement il jugeait dangereux. Il le chargea sur une voiture, et s'en alla l'enterrer à 80 mètres de la maison isolée, dans un fossé dont il augmenta à peine la profondeur, et qu'il combla avec de la terre enlevée du bord du chemin côtoyé par le fossé. A cette époque, ce fossé était à sec. Trois semaines plus tard, le dégel et la pluie étant survenus, le fossé se remplit d'eau, et le cadavre y baigna, sous la faible couche de terre qui le recouvrait. Comme le trop-plein s'écoulait dans le réservoir où les animaux de cette exploitation allaient s'abreuver, ils s'infectèrent en buvant de cette eau... (1).
D'autre part, M. Chauveau a inoculé impunément, c'est-à-dire avec résultat négatif, et à deux reprises différentes, l'eau résultant de la condensation de la vapeur de liquides réputés éminemment virulents dans la peste bovine, savoir : les larmes, le jetage nasal, les matières diarrhéiques.
Enfin, dans le rapport adressé par M. Viseur à M. le préfet du Pas-de-Calais, sur l'épizootie de peste bovine qui a régné en 1871 dans ce département, on trouve plusieurs faits établissant que la contagion à distance ne s'opère pas par l'intermédiaire de l'air et que l'on peut sûrement la prévenir, même au voisinage d'un
(1) Revue scientifique, n° du 18 octobre 1873, p. 80.
foyer d'infection, en isolant rigoureusement les animaux sains.
L'infection par les voies respiratoires n'intervient guère que lorsque les animaux malades et les animaux sains se trouvent dans la même étable. Et encore, dans ce cas, les animaux étant en contact et pouvant se flairer, se lécher, ingérer des fourrages souillés par la bave ou le jetage nasal de leurs voisins, la contagion peut-elle plutôt avoir lieu par les voies digestives que par l'appareil respiratoire.
Quoi qu'il en soit, lorsque des cas de peste bovine se manifestent à une certaine distance du foyer primitif, on peut être assuré qu'ils résultent du transport des matières virulentes par divers intermédiaires. « Les plus à craindre, dit M. Chauveau, sont les animaux non aptes à l'évolution de la peste bovine ou plutôt encore les hommes qui ont piétiné les litières et les fumiers dans les étables infectées. Il ne faut pas beaucoup d'une matière virulente, jetée ainsi par le pied d'un visiteur sur la paille ou le fourrage destiné à l'alimentation des animaux d'une étable saine, pour faire naître le typhus par infection digestive (1). »
Parmi les circonstances qui favorisent la dissémination des germes de la peste bovine, il faut citer principalement le transport de la viande des animaux abattus pour cause de cette maladie. La chair et plus généralement les débris cadavériques d'un animal atteint de la peste sont doués, à l'état frais, d'une grande virulence. Il peut en ètre de même pour un animal considéré, de son vivant, comme simplement suspect et à l'autopsie duquel on trouve des lésions de peste bovine, car celles-ci peuvent commencer à se développer chez un sujet présentant toutes les apparences de la santé. De nombreux faits observés en France, pendant l'épizootie de 1871, témoignent de ce mode de transmission. Nous citerons, entre autres, le fait suivant, qui a été exposé par M. Saint-Cyr au Congrès médical de Lyon, en 1873 :
Cinq bêtes atteint Je typhus ayant été abattues, on accorda au propriétaire d'en vendre la viande. Un paysan en achète quelques kilogrammes et les emporte dans un sac sur son dos; s'étant arrêté pour se reposer, il dépose son sac, pendant quelques instants, sur le bord d'une route, vis-à-vis d'une petite ferme renfermant six animaux parfaitement portants. Huit jours après, ces animaux, qui étaient venus brouter le long de la route, meurent du typhus (2).
Dans le rapport de M. Viseur, cité ci-dessus, on trouve plusieurs faits établissant que le transport des viandes constitue un mode de propagation des plus actifs de la peste bovine. M. Viseur s'est
(1) Loc., cit., p. i8,
(2) Congrès médical de France, 4c session, tenu a Lyon, en l8ict,p. ib'l.
même livré à des expériences qui tendent à établir que cette maladie est susceptible de se propager par les excréments des chiens qui mangent de la viande typhique. C'est ainsi qu'il a transmis le typhus à deux veaux, âgés de six semaines, en mélangeant à leurs aliments des excréments desséchés provenant d'un chien nourri pendant quatre jours avec de la viande typhique. Un troisième veau, âgé de huit jours, qui fut alimenté d'une manière analogue, résista. Toutefois, dans ce cas, le chien qui avait fourni les excréments, avait été nourri « avec de la viande provenant d'une vache atteinte d'un typhus des plus bénins ».
On conçoit encore que les chiens peuvent servir de véhicules à la contagion en traînant les débris cadavériques sur les fourrages, les litières, les fumiers, les pâtures, etc. Les chats, les rats, les volailles, peuvent aussi contribuer à la dispersion des cas de peste bovine.
Parmi les débris cadavériques, ce n'est pas seulement la chair qui est douée de virulence, mais encore les viscères, le suif, les peaux, les poils, les cornes, les onglons. Toutefois, il faut bien remarquer que, d'après diverses expériences faites en Russie notamment, la virulence de ces produits n'existe qu'autant qu'ils sont à l' état frais. Elle est détruite par les différentes manipulations ou transformations auxquelles ils sont soumis avant d'être livrés au commerce ou à l'industrie.
Ainsi les peaux perdent leur virulence par la salaison et surtout par le tannage qui les transforme en cuirs. La dessiccation au contact de l'air produirait également le même effet, au bout de quelques jours, neuf à treize environ, suivant diverses expériences rapportées dans le Traité de police sanitaire de M. Reynal.
Le suif frais ou brut, encore appelé suif cru, par opposition au suif fondu, est très virulent, mais par la fusion, à laquelle on le soumet nécessairement afin de pouvoir le conserver et l'expédier au loin, il perd toute virulence, comme E. Renault l'a péremptoirement établi (1).
Les cornes, les onglons, les os, les poils, possèdent sans doute une certaine virulence à l'état frais, mais en se desséchant, ces produits ne présentent plus aucun danger.
Les mêmes considérations s'appliquent à la laine.
Les fumiers sont des agents très actifs de contagion de la peste bovine. C'est par cette voie, dit M. Reynal, « que la maladie s'est transmise, soit dans les campagnes au moment de la fumure des terres, soit sur les routes que suit le bétail malade, soit dans les - lieux de stationnement, soit dans les wagons, soit dans les parcs
1
(1) Typhus contagieux des bêtes bovines. Paris, 1860, p. 119.
qui avoisinent certaines gares de débarquement ». Suivant le même auteur, la virulence du fumier persisterail, même après de fortes gelées. Roll déclare également que l'on a constaté la transmission de la peste bovine, « au printemps, lors du dégel, par du fumier qui avait été congelé à l'entrée de l'hiver » (1).
On a vu précédemment que, sous l'influence de la chaleur résultant de la transformation du fumier, cette matière perd sa virulence. Il est admis également que la putréfaction détruit la virulence typhique.
Enfin la peste bovine est susceptible de se transmettre par les wagons ou autres véhicules de transport et plus généralement par tous les objets ou ustensiles ayant servi aux animaux malades ou suspects.
Durée «le la période d'incubation. — Les observations et les expériences faites en Russie établissent que, en règle générale, la durée moyenne de la période d'incubation est de sept jours, la durée minimum, de cinq jours, et la durée maximum, de neuf oui-s. Toutefois, cette règle générale est susceptible de subir quelques exceptions pour le virus de la peste bovine, comme d'ailleurs pour les autres virus.
Ainsi, on a remarqué que la période d'incubation est un peu plus longue en inoculant du virus de provenance déjà ancienne que lorsque le virus est récemment récolté; qu'il en est de même lorsque la maladie se transmet par contagion naturelle au lieu de l'inoculer directement. Pour ces divers motifs, les congrès vétérinaires internationaux de Hambourg (1863), Vienne (-1865), et Zurich (1867), ont émis l'opinion que la durée de la période d'incubation est de dix jours au plus. Ajoutons que la législation sanitaire de l'Autriche (Loi du 29 juin 1868) fixe à dix jours au moins la durée de la quarantaine, à la frontière, tout en conférant à l'autorité le droit de prolonger pendant vingt et un jours, si elle le juge nécessaire.
Animaux susceptibles de contracter le typhus contagieux. — Les bovidés, les ovidés et même les suidés peuvent contracter la peste. C'est surtout l'organisme des grands ruminants qui constitue le milieu de culture le plus favorable pour le développement des germes de cette maladie. C'est chez ces animaux que les symptômes sont le plus prononcés et que la virulence paraît la plus forte.
Toutefois, il résulte des observations faites en Russie que les bêtes bovines de la race grise des steppes sont moins sensibles à l'action du virus typhique que celles de races étrangères. Peutêtre cette résistance procèdert-elle de ce que ces animaux vivant
1) Rôll, Manuel de pathologie et théi-apeuliqztes, t. I, p. 369.
constamment dans un milieu où la peste règne en permanence, se vaccinent en quelque sorte contre cette maladie en absorbant de petites quantités de matière virulente, comme on l'observe, par exemple, pour le charbon symptomatique.
Les petits ruminants résistent souvent à la contagion naturelle de la peste et il n'est pas toujours possible de la leur transmettre par inoculation. Néanmoins, il est hors de doute que, dans certaines épizooties, les moutons ont été atteints par la peste, notamment pendant l'épizootie qui a régné en France en 1871, comme l'établit péremptoirement le rapport de M. Viseur, dont il est parlé ci-dessus.
Ce même document contient également des observations qui portent à penser que la peste est susceptible de se transmettre à divers animaux : porcs, chats, poules et pigeons.
On sait, par l'épizootie de 1865, qui a pénétré dans le Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne (Voy. p. 508) que les ruminants exotiques, grands et petits, et même des pécaris peuvent contracter la peste.
Le cheval, le chien et l'homme sont réfractaires au développement de la peste bovine.
Immunité. — Tous les auteurs s'accordent à dire que, quand un animal a été une première fois atteint de peste bovine, il ne la contracte pas une seconde fois; en d'autres termes, cette maladie ne récidive pas. C'est sur cette propriété que repose l'inoculation préventive dont il est parlé ci-après.
On s'est demandé si l'immunité se transmet de la mère au fœtus. Jusqu'à ce jour, il n'est pas à notre connaissance qu'il ait été produit des données précises permettant de résoudre cette question.
Relativement à la durée de l'immunité, elle serait de trois ans au moins et Jessen, cité par M. Reynal, a établi par des expériences, que des animaux sont restés réfractaires à la contagion cinq années après avoir été inoculés.
Diagnostic. — Deux éléments sont à considérer dans le diagnostic de la peste bovine : d'une part, les renseignements sur la provenance du malade, les circonstances dans lesquelles la maladie s'est déclarée; d'autre part, les symptômes que l'on constate. Ces derniers, pris isolément, n'ont rien, par eux-mêmes, d'absolument significatif; mais, considérés dans leur ensemble, surtout lorsque la peste bovine est parvenue à sa période d'état, ils permettent d'établir le diagnostic. Alors, en effet, les animaux sont d'une maigreur squelettique et complètement indifférents à tout ce qui les entoure. La tête est basse, les yeux ternes, chassieux. Par les narines, dont le pourtour est souvent excorié, saignant, s'échappe un jetage épais, sanguinolent. La bouche est remplie
d'une bave fétide. La respiration est accélérée, plaintive. La diarrhée est très abondante, torrentielle; des matières excrémentitielles, séreuses, jaunâtres, sanguinolentes, s'écoulent de l'anus béant comme d'un vase trop plein et salissent la queue et les fesses. Le dos est voûté et les membres rassemblés sous le corps.
Enfin la teinte rouge acajou de la muqueuse vaginale, les ulcérations de la cavité buccale, l'emphysème sous-cutané, les indications données par le pouls, par l'odeur de l'air expiré, par la température, etc., permettront d'établir le diagnostic.
D'ailleurs, on conçoit aisément, d'après ce que nous avons exposé en traitant de l'étiologie de la peste bovine, que cette maladie étant toujours d'origine étrangère, on pourra sûrement affirmer son existence lorsqu'on constatera les symptômes ci-dessus, chez un animal provenant d'une localité infectée ou ayant été en contact avec des animaux malades ou seulement suspects.
Pronostic. — Lorsque la peste bovine se déclare dans notre pays, la mortalité qu'elle détermine est de 90 à 95 p. 100 et parfois mème de 100 p. 100. En outre, on a vu que ses propriétés contagieuses sont extrêmement prononcées. Dès lors, s'il n'est pas possible de lui opposer des mesures sanitaires, elle se propage très rapidement à un grand nombre d'animaux et peut détruire ainsi toute la population bovine d'ii-ne ou de plusieurs localités. On sait, par exemple, que l'épizootie de 1870-71, qui a sévi en France, a fait périr près de 57 000 têtes de gros bétail.
En Russie, ou estime que la peste fait. périr annuellement, environ 2 à 300 000 bêtes bovines, soit, approximativement, une perte de 10 millions de roubles. Et ces chiffres seraient encore plus élevés si le bétail russe, particulièrement la race grise des steppes, n'opposait à la contagion de la peste bovine, plus de résistance que celui de l'Europe occidentale. De nombreuses observations établissent que, sur le bétail russe, la mortalité n'est parfois que de 25 à 30 ou 35 p. 100; tandis que, dans d'autres cas, elle peut s'élever à 60 p. 100 et au-dessus. En Russie, certaines épizooties de peste sont plus meurtrières que d'autres, sans que la raison de ces différences ait été nettement établie. Ainsi, en 1878, la mortalité a été de 321885 tètes; en 1876, elle n'a pas dépassé le chiffre de 160000 (1).
Parmi les circonstances qui paraissent susceptibles d'exercer de l'influence sur la marche et la gravité d'une épizootie de peste bovine, on cite les saisons. Ainsi on a remarqué que la mortalité était plus considérable en hiver qu'en été, ce qui résulte de ce que, pendant la mauvaise saison, le bétail, étant enfermé dans des
(1) Extrait de H. Putz (Die Seuchen und Herde Krankheiten, 1882).
étables, la contagion s'exerce alors avec plus d'intensité et de facilité que dans les prairies.
On a constaté également, en Russie tout au moins, que la mortalité était moindre à la fin d'une épizootie qu'au début de celle-ci et on a admis dès lors que le virus de la peste était susceptible d'éprouver une atténuation naturelle. Mais, en pratique, dans l'application des mesures de police sanitaire, il ne faut pas tenir compte de cette atténuation, qui est possible sans doute, mais dont les conditions précises ne sont pas déterminées. D'ailleurs, il n'y a pas d'exemple d'épizootie de peste bovine ayant disparu par le fait de l'atténuation du virus typhique. Au contraire, tous les faits témoignent que, tant que la contagion de la peste bovine trouve à s'alimenter, elle persiste et s'il est admissible que quelques animaux en ressentent moins vivement les atteintes que d'autres, cela ne saurait suffire pour établir des distinctions dans l'application des mesures de police sanitaire suivant la période de l'épizootie.
Inoculation préventive. — On a cherché depuis longtemps à conférer l'immunité contre la peste bovine en inoculant soit le virus typhique lui-même, soit le cowpox.
Les inoculations de virus typhique ont été faites principalement en Russie. C'est par milliers que se chiffrent les expériences que le gouvernement russe, si intéressé à la solution de cette question, a fait exécuter. On a inoculé diverses matières virulentes, les larmes et le jetage nasal notamment. Tantôt ces matières étaient à l'état frais, tantôt elles étaient conservées depuis un certain temps. On a également dilué dans l'eau, dans la glycérine, les matières contagiteres ; on a cultivé le virus de la peste par la méthode indiquée. par Pessina pour le claveau; on a cherché également à le mitiger, à l'atténuer, en le faisant passer par l'organisme du mouton ou de la chèvre. Mais toules ces tentatives .n'ont pas abouti, et, en définitive, après avoir expérimenté pendant plusieurs années, la Commission officielle nommée à cet effet terminait ses opérations, en 1864, en disant « qu'il y avait lieu de fermer les établissement d'Orenbourg et de Kerson et de cesser, comme inutile, tout nouvel essai d'inoculation », attendu que la mortalité produite par l'inoculation a été, à peu de chose près, aussi forte que sous l'influence de la contagion naturelle. Néanmoins, en 1870-71, alors que la peste décimait notre bétail, des médecins, des écrivains, Jacques Valserres entre autres, cherchaient à ressusciter cette pratique en rééditant les idées émises plus d'un siècle auparavant (1746), par Dodson, lors de la grande épizootie qui s'est montrée en Angleterre, et en 1815 par Dupuy. Heureusement qu'ils n'ont pas fait beaucoup de prosélytes, car
l'inoculation du virus de la peste, tel qu'il est fourni par les bêtes malades, est tout aussi meurtrière que la peste elle-même. Ainsi un propriétaire a rapporte au Cercle des agriculteurs d'Arras, en 1871, que « sur sept animaux inoculés par lui à ses risques et périls, sous les inspirations de M. Jacques Valserres, sept sont morts » (1).
Depuis le moment où ces tentatives ont été faites, de grands progrès ont été réalisés dans l'étude des maladies contagieuses, notamment en ce qui concerne l'atténuation des virus. Dès lors on a cherché à appliquer les nouvelles méthodes d'atténuation du virus de la peste bovine.
C'est ainsi que, « dans l'été de 1881, Semmer fut envoyé avec le professeur C. Raupach dans le sud de la Russie pour appliquer le procédé d'atténuation de M. Toussaint. Des quelques expériences que nous avons instituées, dit Semmer, il ressort que, par dix minutes de chauffage à 55° le contage de la peste est complètement détruit. Environ 30 grammes de sang chauffé à 55° et de jetage nasal traité de même, provenant de bêtes atteintes de la peste bovine, sont injectés sous la peau de veaux sains. 11 n'en résulte pas d'immunité contre la contagion naturelle; quatre veaux de Devonshire, qui avaient été inoculés, furent placés avec des malades, dans un espace fermé, relativement étroit, contractèrent la peste et en moururent. La température de 55° est donc trop élevée pour l'atténuation du contage de la peste bovine et enlève toute activité à ses bactéries. » (Traduction de M. le pro/MseM/' G. Neumann.)
Des essais d'inoculation par la méthode de Toussaint ont eu lieu en Égypte, sous la direction de M. Piot, ancien répétiteur à l'école d'Alfort, vétérinaire en chef de l'administration des domaines de l'État égyptien, « Sur 12 animaux non atteints par la maladie, auxquels M. Piot a inoculé le typhus, dans différents teftiches des domaines, aucun n'a succombé, alors que les animaux des mêmes teftiches qui n'avaient pas été vaccinés sont morts pour la plupart (2). ». Ces résultats si encourageants permettaient de penser que l'antidote du typhus bovin, comme on l'a appelé, était trouvé, et le Moniteur égyptien, qui les a publiés, annonçait en 1883 que de nouvelles expériences allaient être faites et « qu'avant un mois, on serait fixé d'une façon définitive, sur les heureux effets de l'inoculation du typhus bovin ». Il n'est pas à notre connaissance que cette promesse ait été tenue ; aussi, jusqu'à plus ample informé, ne peut-on compter sur l'inoculation de la
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1872, p. 28.
(2) Écho des Sociétés et Associations vétérinaires de France, 1883, p. 442. (Extrait du Moniteur égyptien).
peste bovine pour prévenir les dommages que cause cette maladie.
Pendant l'épizootie qui a régné en Angleterre, en 1865-66, le docteur Murchison, assimilant la peste bovine à la variole, comme l'avaient fait Lancisi et Ramazzini au commencement du siècle dernier, recommanda la vaccination au moyen du cowpox comme moyen préventif de la peste bovine. Mais l'observation n'a pas tardé à démontrer que ces deux maladies — cowpox et peste — n'exercent aucune influence l'une sur l'autre et que les bêtes les mieux vaccinées ne sont pas, pour cela, réfractaires à la peste. Entre autres faits à l'appui, nous citerons le suivant rapporté par "M. Reynal dans son Traité de police sanitaire :
En 1865, huit vaches ayant fourni pendant plusieurs jours du virus pour les vaccinations pratiquées par le docteur Lanoix, et provenant d'un service qu'il avait institué à cet effet, furent envoyées par les soins de M. Henri Bouley en Angleterre, où régnait alors la peste bovine dans toute son intensité. Mises en contact avec des bêtes malades, elles contractèrent toutes le typhus contagieux, soit par simple cohabitation, soit par inoculation.
On a également avancé qu'il y avait antagonisme entre le développement de la fièvre aphteuse et celui de la peste bovine, mais plusieurs faits observés en France, notamment pendant l'épizootie de 1870-71, démontrent péremptoirement que la fièvre aphteuse ne préserve point de la peste bovine.
Traitement réputé curatif. — Pendant la dernière épizootie de peste bovine qui a régné en France, en 1870-71, on s'est livré à divers essais de traitement, soit sur des animaux suspects de peste bovine, soit sur des animaux malades. Un agriculteur du département du Nord, M. G. Hamoir, a recommandé comme moyen préservatif « l'acide phénique brut ou épuré », à la dose quotidienne de 10 à 15 grammes par jour, et comme moyen curatif, l'arséniate de soude à la dose de 2 à 3 grammes et même 3 grammes 1/2 par jour, pour un bœuf du poids de 700 kilogrammes. Mais les faits à l'appui de ce traitement ne sont pas suffisants pour démontrer son efficacité d'une manière certaine, ce qui revient à dire que, s'il existe un remède spécifique pour combattre le typhus, nous ne le connaissons pas encore. D'autre part, il peut se faire que des animaux, toujours en très petit nombre, il est vrai, guérissent d'eux-mêmes, par les seuls efforts de la nature. Ainsi, M. Saint-Cyr a rapporté au Congrès médical de Lyon, en 1873, que sur 356 cas de peste bovine, il a observé 6 cas de guérison spontanée contre 350 cas de mort.
Et si l'on considère que les malades qu'on laisse vivre sont, comme le dit H. Bouley, autant de sources actives d'où la contagion peut se répandre par les mille voies qu'elle sait s'ouvrir, on sera
conduit à cette conclusion, empreinte d'un véritable esprit pratique, à savoir que : « quand le typhus s'attaque à la population bovine d'un pays, une seule chose est à faire : préserver le plus grand nombre en sacrifiant le plus. petit ». Aussi la loi du 21 juillet 1881 sur la police sanitaire des animaux défend-elle (art. 6) de traiter les animaux malades, (f sauf les cas et sous les conditions qui seraient spécialement déterminés par le ministre de l'agriculture, sur l'avis du Comité consultatif des épizooties ». Et dans une circulaire interprétative de la loi, adressée aux préfets le 20 août 1882, le ministre fait remarquer que l'exception précitée « n'a été prévue qu'afin de réserver l'avenir, pour le cas, par exemple, où il y aurait un réel intérêt scientifique à faire quelques expériences au sujet de la peste bovine. Mais cela n'est guère à prévoir et la mesure suprême de l'abatage doit être appliquée avec vigueur et sans aucun retard. »
Nous conclurons donc : 1° que, jusqu'à ce jour, toute tentative de traitement doit être considérée comme infructueuse et dangereuse; 2° que la peste bovine ne peut être utilement prévenue ou combattue que par l'application de mesures sanitaires.
Police sanitaire. — Les considérations précédentes démontrent que la police sanitaire de la peste bovine constitue l'une des parties les plus importantes de l'étude de cette maladie. Aussi, à toutes les époques et dans tous les pays, le législateur s'est-il préoccupé des mesures sanitaires à lui opposer pour en arrèter la marche.
L'Allemagne, l'Autriche, la Prusse, la Roumanie, la Russie, et plus généralement toutes les nations étrangères qui font le commerce du bétail des steppes de la Russie méridionale, ont une législation sanitaire très rigoureuse surtout en ce qui concerne la peste bovine. Ce bétail ne peut franchir la frontière russe ou seulement circuler dans les steppes, qu'en passant par certaines localités où sont établies des stations de quarantaine dans lesquelles il reste pendant dix jours au moins.
En France, la loi du 21 juillet 1881 sur la police sanitaire des animaux édicte un système sanitaire bien approprié au caractère contagieux de la peste bovine. Parmi les mesures prescrites par notre législation sanitaire, c'est-à-dire la loi précitée et le décret du 22 juin 1882 portant règlement d'administration publique pour l'exécution de ladite loi, il en est qui sont applicables à l'intérieur du pays et d'autres à la frontière. Nous allons les passer successivement en revue.
ARTICLE 1
POLICE SANITAIRE A L'INTÉRIEUR DE LA FRANCE ET EN ALGÉRIE.
§ 1er. — Constatation de la peste bovine. — Devoirs de l'autorité préfectorale.
La constatation de la peste bovine doit être faite par le vétérinaire délégué, chef du service sanitaire du département, qui doit toujours se rendre sur les lieux dans lesquels la maladie a été signalée, conformément à la règle contenue dans l'article 96 du règlement d'administration publique.
Si des dissidences s'élèvent entre le chef du service sanitaire départemental et le vélérinaire sanitaire de la circonscription, au sujet de l'existence de la peste bovine, « avis en est donné immédiatement au ministre qui désigne, pour visiter les animaux, un troisième vétérinaire ». (Art. 98, R.)
Si la peste bovine venait à être introduite dans une commune, le préfet devrait aussitôt en informer par télégramme le ministre de l'agriculture, conformément à la circulaire ministérielle du 20 août 1882. Le ministre prendrait alors avec le préfet, et avec le concours du Comité consultatif des épizooties, la direction du service sanitaire. Toutes les mesures procéderaient évidemment des constatations faites par le vétérinaire délégué, chef du service sanitaire du département.
Au nombre de ces mesures, les unes sont applicables aux animaux malades et suspects; les autres aux animaux sains des localités infectées. Par animaux suspects, on entend ceux qui ont cohabité avec les animaux malades ou qui ont été exposés à la contagion d'une manière quelconque.
§ 2. — Mesures applicables aux animaux malades et suspects.
1° Abatage. Indemnités. — L'article 6 de la loi du 21 juillet 1881 prescrit l'abatage. Il est ainsi conçu :
Lorsqu'un arrêté du préfet a constaté la peste bovine dans une commune, les animaux qui en sont atteints et ceux de l'espèce bovine qui auraient été contaminés, alors même qu'ils ne présenteraient aucun signe apparent de maladie, sont abattus par ordre du maire, conformément à la proposition du vétérinaire délégué et après évaluation.
Il est interdit de suspendre l'exécution desdites mesures pour traiter les
animaux malades, sauf les cas et sous les conditions qui seraient spécialement déterminés par le ministre de l'agriculture et du commerce, sur l'avis du Comité consultatif des épizooties.
On voit quel'abatage est obligatoire. Il est à remarquerque « cette mesure, d'où peut dépendre le salut de toute une contrée, ne peut être différée sous aucun prétexte ». (Cire. minist., 20 août 1882.) Toutefois, « avant l'exécution de l'ordre d'abatage, il est procédé à une évaluation des animaux par le vétérinaire délégué et un expert désigné par la partie.
« A défaut par la partie de désigner un expert, le vétérinaire délégué opère seul.
« Il est dressé un procès-verbal de l'expertise, le maire et,le juge de paix le contre-signent et donnent leur avis. » (Art. 20 L.) Etendue et motifs de L'obligation d'abattre. — Cette obligation s'applique à tous les animaux qui sont atteints du typhus contagieux, c'est-à-dire aux animaux de l'espèce bovine et à ceux des espèces ovine et caprine. Elle s'applique également à « ceux de l'espèce bovine qui auraient été contaminés, alors même qu'ils ne présenteraient aucun signe apparent de maladie ». Par conséquent, tous les ruminants atteints de peste bovine, sans distinction d'espèces, doivent être abattus, et tous ceux de l'espèce bovine, qui sont suspects, doivent également être sacrifiés.
Cette mesure rigoureuse est justifiée par les motifs suivants : La peste bovine est une maladie exotique, qui ne trouve dans les régions occidentales de l'Europe, notamment dans notre pays, la condition de son développement que dans la contagion; qui ne s'y entretient que par elle et qui toujours disparaît lorsque cette condition lui fait défaut.
Dans nos contrées, c'est une maladie qui fait périr tous ou presque tous les animaux qu'elle atteint. Sa puissance de contagion est pour ainsi dire extrême, comme on l'a vu ci-dessus.
Or, l'expérience de tous les temps et de tous les lieux démontre qu'il n'y a de salut possible contre cette terrible maladie qu'en sacrifiant les animaux malades et suspects, de même que dans un incendie on fait la part du feu. Etouffer tous les foyers aussitôt que naissants, dirons-nous avec M. H. Bouley, voilà la grande nécessité qui s'impose. Et c'est à cette nécessité que répond la prescription du premier alinéa de l'article 6.
Remarquons toutefois que l'abatage ne doit pas être appliqué aux animaux suspects appartenant aux espèces ovine et caprine, attendu que ces espèces sont bien moins susceptibles de contracter la peste bovine que les grands ruminants; ce n'est que par exception qu'elles en subissent les effets et toujours d'une manière bien
moins grave. Dans ce cas, l'isolement suffit et il eût été excessif et inutilement onéreux pour le Trésor public de faire abattre les moutons ou les chèvres qui ont pu ètre exposés à la contagion.
Lieu d'abatage. — L'article 7 de la loi stipule que les animaux malades sont abattus sur place, sauf le cas où le transport du cadavre au lieu de L'enfouissement sera déclaré par le vétérinaire plus dangel'eux que celui de l'animal vivant ; le transport en vue de l'abatage peut être autorisé par le maire conformément à l'avis du vétérinaire délégué, pour ceux qui ont été seulement contaminés.
L'abatage sur place a pour but d'éviter les dangers de la contagion par le déplacement des animaux malades. Mais il n'était pas nécessaire d'imposer une obligation aussi rigoureuse pour l'abatage des animaux « qui ont été seulement contaminés », c'est-àdire exposés à la contagion, attendu que leur chair peut être consommée sans danger et qu'ils peuvent être ainsi utilisés pour la boucherie, comme le permet l'article 15 de la loi.
Toutefois, il faut bien remarquer que s'il est possible d'autoriser le transport d'un animal suspect de peste bovine dans un abattoir public ou mieux dans une tuerie particulière, ce n'est qu'autant que cet établissement se trouvera dans le rayon de la zone territoriale déclarée infectée par l'arrêté préfectoral dont il sera parlé ci-après. Et ce qui prouve que tel est bien l'esprit de la législation, c'est que l'article 12 du règlement d'administration publique, qui fait connaître les conditions de vente pour la boucherie dans le cas de peste bovine, ne permet la sortie du territoire infecté que « des animaux qui n'ont pas été exposés à la contagion »... et « des viandes provenant de l'abatage des animaux qui ont été seulement exposés à la contagion », c'est-à-dire appartenant à la catégorie de suspects dont il est parlé ici. Par conséquent si ces animaux suspects peuvent n'être pas abattus surplace comme les malades, ils ne doivent pas non plus être sacrifiés hors du territoire infecté.
Procédure relative à la demande d'indemnité. — Afin de faciliter l'application de l'abatage, en raison de la très grande imporlance de cette mesure, la loi de 1881 alloue une indemnité aux propriétaires d'animaux abattus pour cause de peste bovine. Cette indemnité est fixée aux trois quarts de la valeur des animaux avant la maladie, sansdépassertoutefoislasommede 600 francs (Art. 17, L.).
La demande d'indemnité doit être écrite sur papier timbré, ainsi que le prescrit la loi du 13 brumaire an VII. « Elle doit être adressée au ministre de l'agriculture et du commerce, dans le délai de trois mois, à dater du jour de l'abatage, sous peine de déchéance. » (Art. 21, L.) Il était nécessaire d'assigner une limite de temps à la demande dont il s'agit, afin que l'administration pût faire
vérifier, et au besoin contrôler par une enquête, les évaluations des experts. D'ailleurs, le règlement d'administration publique stipule, dans l'article 66, que la demande d'indemnité doit être transmise au préfet par l'intermédiaire du maire, en même temps que le procès-verbal d'estimation. Or, cette pièce comptable doit être immédiatement dressée, c'est-à-dire dès que l'estimation est faite et transmise au préfet « dans les cinq jours de sa date ». (Art. 65, R.)
A l'appui de sa demande d'indemnité, le propriétaire doit produire les pièces suivantes énumérées dans l'article 66 du règlement :
« 1° Le procès-verbal d'estimation, contre-signé par le maire et le juge de paix ;
« 2° Une copie certifiée conforme par le maire, de l'ordre d'abatage;
« 3° Un certificat du maire attestant que l'ordre d'abatage a reçu son exécution ;
« 4° Une copie certifiée de la déclaration faite à la mairie par le propriétaire, de l'apparition de la maladie dans son étable; « 5° Un certificat du maire constatant que le propriétaire s'est conformé à toutes les autres prescriptions de la loi », attendu que toute infraction peut entraîner la perte du droit à l'indemnité (Art. 22, L.);
« 6° Une déclaration du propriétaire faisant connaître, lorsqu'il y aura lieu, pour chaque tête de bétail, le produit de la vente des animaux ou de leurs chairs et débris », conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi.
Fixation par le ministre de l'indemnité proposée par les experts. — L'article 21 de la loi dispose que « l'indemnité est fixée par le ministre de l'agriculture, sauf recours au Conseil d'Etat ». L'indemnité constituant une dépense publique et le ministre ayant seul qualité pour engager les finances de l'Etat, cette disposition de la loi s'explique tout naturellement. Ces motifs s'appliquent également au deuxième alinéa de l'article 21 de la loi qui stipule que « le ministre peut ordonner la révision des évaluations faites en vertu de l'article 20, par une commission dont il désigne les membres ». A cet égard, l'article 66 du règlement contient les dispositions suivantes :
Lorsque le ministre juge nécessaire de faire réviser l'estimation, conformément à l'article 21 de la loi, il renvoie les pièces au préfet.
La commission de révision prévue par ledit article est composée de six membres, y compris le préfet ou son délégué, président, dont la voix est prépondérante en cas de partage. Les pièces lui sont transmises ; elle donne son avis, après avoir mis les parties intéressées en demeure de produire leurs observations.
2° Enfouissement. Equarrissage. — L'article 14 de la loi du 21 juillet 1881 dispose que les cadavres ou débris des animaux morts de la peste bovine ou ayant été abattus comme atteints de cette maladie devront être enfouis avec la peau tailladée à moins qu'ils ne soient envoyés à un clos d'équarrissage régulièrement autorisé.
Lorsque les animaux malades sont abattus sur place, comme c'est le vœu de la loi (art. 7), leurs cadavres, de même que ceux des animaux abattus comme suspects, dont les chairs et les débris n'ont pas été utilisés, sont transportés soit aux ateliers d'équarrissage, soit aux fosses d'enfouissement, dans les conditions suivantes, prescrites par l'art. 15 du règlement d'administration publique, savoir :
10 Les cadavres sont désinfectés avant leur chargement sur les voitures destinées à les transporter;
2° Ces voitures sont disposées de manière qu'aucune matière solide ou liquide ne puisse s'en échapper dans le trajet, et il est interdit de les faire traîner par des bêtes bovines : elles sont accompagnées par un gardien désigné par le maire et porteur d'un laisser-passer ;
3° Les voitures ayant servi au transport et les objets ayant été en contact avec les animaux sont nettoyés et désinfectés;
4° Les conducteurs et autres personnes employées au chargement, déchargement et à l'enfouissement des cadavres sont soumis aux mesures de désinfection jugées nécessaires.
Les règles à suivre pour procéder à la désinfection des véhicules, des personnes et des cadavres sont exposées dans les articles 11, 12 et 13, de l'arrêté ministériel du 12 mai 1883, que nous reproduisons ci-dessous :
ART. 11. — Les voitures devant servir au transport des animaux atteints de maladies contagieuses ou de leurs cadavres, ainsi que des fumiers provenant d'étables infectées, doivent être disposées de façon à ne laisser tomber ou écouler sur le chemin parcouru aucune matière solide ou liquide. —Elles sont suivies par un homme muni de pelle, balai etbrouette pour le ramassage des matières qui pourraient s'en échapper durant le trajet. Ces matières sont traitées comme il est dit à l article précédent.
Les voitures, après déchargement, sont grattées, balayées, puis lavées à grande eau et, après qu'elles se sont ressuyées, arrosées avec un liquide désinfectant.
Les pelle, balai et brouette sont traités de la même manière.
ART. 12. — Toute personne qui a été en contact soit avec des animaux atteints de maladies contagieuses, soit avec leurs cadavres, leurs débris, leurs fumiers, et dont les vêtements, les chaussures, les mains peuvent être souillés de matières contagieuses, est tenue de se soumettre aux mesures de désinfection suivantes : . .
1° Lavage et savonnage des mains et des bras, immédiatement après chaque contact avec les animaux malades, leurs cadavres ou débris, leurs fumiers, etc.
2° Lavage des chaussures.
Les eaux de lavage sont versées dans lafosse à purin ou désinfectées directement par addition de la proportion convenable de sulfate de zinc;
3° Lavage et lessivage des vêtements de toile. Fumigation au chlore dans un endroit clos des vétements de laine et autres objets qui ne pourraient être lavés sans être altérés.
ART. 13. — Avant le chargement pour le transport à la fosse d'enfouissement ou à l'atelier d'équarrissage, les cadavres sont désinfectés par le lavage, avec un liquide désinfectant, des orifices : bouche, cavités nasales, yeux, anus, organes génitaux, ainsi que des parties du corps souillées par les matières excrémentitielles, puis par le saupoudrage des mêmes parties avec du chlorure de chaux.
Si le vétérinaire délégué déclare que le transport du cadavre au lieu de l'enfouissement est plus dangereux que celui de l'animal vivant, comme c'est le cas quand les voitures convenablement disposées pour le transport des cadavres font défaut, de telle sorte que l'on serait obligé de traîner les cadavres, alors il est nécessaire de conduire les animaux vivants à l'endroit où ils doivent être enfouis.
A cet effet, «. ils sont menés à la corde, sous la surveillance d'un agent désigné par le maire ; les déjections qu'ils peuvent abandonner en route sont immédiatement ramassées pour être jetées dans la fosse avec la corde avant servi à les conduire ».
(Art. 16, R.)
Ces précautions, qui paraîtront peut-être bien minutieuses, n'ont rien d'excessif, si l'on se rappelle la très grande facilité avec laquelle la peste se propage, la subtilité de sa contagion. Avec une maladie aussi redoutable que la peste bovine, il ne saurait y avoir excès dans les précautions.
Il est à remarquer que, « pendant toute la durée de l'épizootie, les ateliers d'équarrissage où les cadavres sont conduits sont placés sous la surveillance d'un gardien sanitaire. Ce gardien inscrit l'arrivée des cadavres sur un registre avec l'indication de leur provenance et en donne un récépissé, que les propriétaires doivent remettre immédiatement au maire de leur commune. » (Art. 18, R.)
La chair des animaux morts ou abattus comme atteints de la peste bovine ne peut être livrée à la consommation. (Art. 14, L.) Et l'article 32 punit d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 100 à 2,000 francs, ceux qui auront vendu ou mis en vente de la viande provenant d'animaux qu'ils savaient morts de maladies contagieuses quelles qu'elles soient, ou abattus comme atteints de la peste bovine.
3° Désinfection. — « Immédiatement après l'abatage des animaux atteints de la peste bovine ou ayant été exposés à la contagion, les locaux, cours, enclos, herbages et pâtures où se trou-
vaient ces animaux sont soumis à une désinfection générale.
« Les pailles, fourrages, litières, fumiers et autres objets pouvant servir de véhicules à la contagion sont détruits sur place ou désinfectés. » (Art. 17, R.)
Les règles à suivre pour pratiquer la désinfection dans le cas de peste bovine ont été tracées dans l'article 15 de l'arrêté ministériel du 12 mai 1883, dont voici la teneur :
ART. 15. — Les opérations de nettoyage et de désinfection sont effectuées dans l'ordre et d'après les procédés suivants :
1° Enlèvement de l'étable et destruction par le feu des pailles et fourrages provenant des râteliers et mangeoires, des litières et fumiers;
Les litières et fumiers trop humides pour être brûlés sont arrosés surplace avec un liquide désinfectant, puis enlevés, mis en tas et traités comme il est dit à l'article 6.
5° Lavage énergique avec un liquide désinfectant du sol, des murs, plafonds, mangeoires, râteliers, séparations, portes, fenêtres, etc., par projection avec la pompe foulante; lavage avec le même liquide des seaux, barbotoirs, etc.
Grattage des mangeoires et râteliers, des séparations, du sol et des murs, etc. Balayage avec un balai dur de toutes les surfaces et nouveau lavage ;
3° Réfection du sol des étables lorsqu'il est déformé;
Les sols en terre sont défoncés à on,20 de profondeur; la terre enlevée est mise en tas et traitée comme du fumier. Le nouveau sol est formé de terre nouvelle à laquelle on incorpore 10 p. 100 d'huile lourde de gaz ou de goudron.
Lorsque le sol est en pavé mal jointoyé, le pavé est défait et la forme défoncée, désinfectée et remplacée par de la terre ou du sable neuf auquel on incorpore du goudron ou de l'huile lourde de gaz.
L'aire des étables constituée par des pièces de bois est refaçonnée avec des matériaux nouveaux, après enlèvement et désinfection de la couche superficielle sous-jacente. Les anciennes pièces de bois sont brûlées ou flambées jusqu'à carbonisation.
4° Fumigation au chlore ou à l'acide sulfureux prolongée pendant quarante-huit heures, puis ventilation pendant huit jours;
5° Désinfection des ruisseaux, rigoles, conduits d'écoulement des purins, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur des bâtiments de ferme ;
6° Destruction par le feu de la couche de fourrage reposant directement sur le plancher des greniers à claire-voie et aération du reste. Ces fourrages sont réservés, autant que possible, pour l'alimentation des chevaux;
7° Destruction par le feu des éponges, licols, cordes d'attache de peu de valeur, flambage des chaînes d'attache, étrilles et autres objets en fer.
§ 3 - Mesures applicables aux animaux sains des localités infectées.
10 Arrêté })1'é(ecto1oal portant déclaration d'infection. — Cet arrêté procède des dispositions de l'article 8 du règlement d'administration publique.
AIIT. 8. — Lorsque la peste bovine est constatée dans une commune, le préfet prend un arrêté portant déclaration d'infection, soit d une partie seulement.
de la commune dont l'arrêté détermine exactement le périmètre, soit de la commune tout entière, soit même, s'il y a lieu, des communes voisines.
La détermination du périmètre de la zone déclarée infectée est évidemment subordonnée au nombre d'animaux malades, à leur localisation dans une étable ou bien à leur dispersion dans plusieurs, aux rapports que le bétail des étables infectées peut avoir avec celui des étables saines. Mais en raison du caractère extrêmement contagieux de la peste bovine, de l'origine étrangère de cette maladie et de l'efficacité certaine des mesures de police sanitaire, il faut que la déclaration d'infection produise ses effets sur toute l'agglomération rurale dans laquelle le cas de maladie se sera produit. L'étendue du territoire infecté sera calculée d'après les données contenues dans le rapport du vétérinaire délégué. Au surplus, on a vu ci-dessus que, si la peste bovine venait à être introduite dans un département, le préfet serait tenu d'en informer le ministre, par télégramme, afin que les mesures les plus énergiques fussent immédiatement appliquées et le foyer contagieux détruit.
La plus grande publicité doit être donnée à l'arrêté préfectoral portant déclaration d'infection et à la marche de l'épizootie, conformément aux prescriptions des articles 9 et 10 du règlement d'administration publique.
ART. 9. — L'arrêté est affiché et publié dans les communes où la déclaration d'infection a été prononcée et dans les communes comprises dans un rayon de 20 kilomètres autour d'elles.
En outre, des écriteaux portant les mots Peste bovine sont apposés sur des poteaux placés à l'entrée des chemins conduisant aux c.ommunes infectées et des locaux où la maladie a été constatée.
Aivr. 10. — Le préfet qui a pris l'arrêté portant déclaration d'infection doit, dans ies vingt-quatre heures, l'envoyer aux préfets des départements limitrophes. Il tient journellement le ministre au courant de la marche de la maladie et des mesures prises pour la combattre.
Des bulletins sont publiés au Journal officiel.
Effets de Varrêté préfectoral. — Ils sont énumérés dans l 'article 11 du règlement d'administration publique.
ART. 11. — La déclaration d'infection entraîne l'application des dispositions suivantes :
10 Mise en quarantaine des locaux, cours, enclos, herbages et pàtures où ont séjourné des animaux malades ou ayant été exposés à la contagion de la peste bovine, impliquant défense d'y introduire des animaux sains de l'ordre des ruminants;
2° Dénombrement et marque des animaux des espèces bovine, ovine et caprine, compris dans tout le territoire infecté;
3° Visite et surveillance par le vétérinaire délégué de tous locaux, cours,
enclos, herbages et pâtures où se trouvent des animaux desdites espèces ;
4° Défense absolue de faire sortir lesdits animaux hors du territoire déclaré infecté, si ce n'est pour la boucherie, et dans les conditions précisées à l'article 12 ci-après ;
5° Interdiction de la circulation des animaux des espèces bovine, ovine, caprine et porcine;
Toutefois, le transit des animaux desdites espèces à travers le territoire déclaré infecté demeurera libre par les voies ferrées, sous la condition que ces animaux resteront enfermés dans les wagons;
6° Obligation de tenir les chiens à l'attache ou en laisse ; les chats et les volailles enfermés ;
7° Détermination des routes, chemins et sentiers où les personnes ne pourront circuler qu'en se soumettant aux mesures de désinfection jugées nécessaires par l'administration;
8° Dans l'étendue du territoire déclaré infecté, obligation d'informer le maire de tous cas de maladie quelconque et de tous changements qui viendraient à se produire dans l'effectif des animaux des espèces bovine, ovine et caprine;
9° Défense à toute personne étrangère aux fermes d'entrer dans un local, cour, enclos, herbage ou pâture infectés, sans autorisation du maire de la commune, accordée sur l'avis du vétérinaire délégué ;
10° Interdiction aux hommes chargés de la garde des animaux et des soins à leur donner de tout contact avec d'autres animaux, et défense par eux d'entrer dans des lieux renfermant des animaux autres que ceux confiés à leurs soins;
11° Obligation pour toute personne sortant d'un local infecté de se soumettre, notamment en ce qui concerne les chaussures, aux mesures de désinfection jugées nécessaires;
12° Défense de faire sortir du territoire déclaré infecté des objets ou matières pouvant servir de véhicules à la contagion, tels que : fourrages, pailles, litières, fumiers, harnais, couvertures, laines, peaux, poils, cornes, onglons, os, etc. ;
13° Défense de déposer les fumiers sur la voie publique et d'y laisser écouler les parties liquides des déjections; obligation de traiter ces matières conformément aux prescriptions des arrêtés administratifs;
14° Obligation de se se.munir d'un laisser-passer délivré par le maire sur l'avis du vétérinaire délégué, pour le transport dans l'intérieur du territoire infecté des fourrages et fumiers provenant des fermes où il n'y a pas eu d'animaux malades.
Le laisser-passer indique la provenance et la destination de ces objets.
Les règles à suivre pour la désinfection des fumiers sont indiquées dans l'article 6 ci-dessous et 15 de l'arrêté ministériel du 12 mai 1883.
ART. 6. — Le fumier extrait des locaux infectés et celui qui a pu être souillé de matières contagieuses sont arrosés abondamment avec un des liquides désignés à l'article 3 et recouverts ensuite d'une couche de terre.
Parmi les liquides désinfectants à employer pour les fumiers, l'arrêté ministériel précité recommande particulièrement l'acide sulfurique étendu d'eau dans la proportion de 20 grammes d'acide par litre d'eau.
Interdiction des foires et marchés. — Cette mesure est prescrite par l'article 19 du règlement d'administration publique.
ART. 19. — Les foires et marchés, les concours agricoles, les réunions et rassemblements sur la voie publique ou dans les cours d'auberge ayant pour but l'exposition ou la mise en vente des animaux des espèces bovine, ovine et caprine, sont interdits dans le territoire déclaré infecté et autour dudil territoire, dans un rayon qui est déterminé par arrêté préfectoral.
Toutefois, les marchés intérieurs des villes ayant des abattoirs se tiennent comme à l'ordinaire, mais les animaux qui y sont conduits ne peuvent en sortir que pour être abattus dans la ville même, et le certificat de leur abatage est renvoyé, dans le délai de trois jours, à l'agent chargé de la police du marché où ces animaux ont été vendus. Les peaux, poils, laines, cornes, onglons, os, fumiers, etc., ne peuvent être enlevés de l'abattoir avant d'avoir été désinfectés.
L'interdiction des foires et marchés est évidemment une mesure grave, de nature à porter atteinte au commerce d'une région et à nuire aux intérêts des particuliers. Mais en l'espèce, cette mesure est amplement justifiée par la très grande gravité de la peste bovine et l'extrême facilité avec laquelle elle se communique. Lorsque celte maladie règne dans une contrée, l'intérêt général exige que les foires et marchés soient momentanément interdits. — D'ailleurs, les effets de cette mesure sont tempérés par l'autorisation qui peut être accordée au propriétaire de conduire ses animaux sur le marché d'une ville ayant un abattoir, en observant strictement les formalités indiquées par l'article 19 du règlement et en ayant le soin de marquer les animaux comme il est dit dans l'article 12 dudit règlement dont il est parlé ciaprès.
Ajoutons que la désinfection dont il est parlé en l'article 19 doit se pratiquer conformément aux règles générales prescrites par l'article 14 de l'arrèté ministériel du 12 mai 1883, qui dispose que, « dans tous les cas où la vente des peaux provenant d'animaux atteints de maladies contagieuses est permise, après désinfection, la désinfection a lieu par l'immersion complète dans la solution de sulfate de zinc à 2 p. 100. »
Levée de la déclaration d'infection. — Elle doit ètre faite d'après les conditions de l'article 20 du règlement.
ART. 20. — La déclaration d'infection ne peut être levée par le préfet que lorsqu'il s'est écoulé trente jours au moins sans qu'il se soit produit un nouveau cas de peste bovine, et après constatation de l'accomplissement de toutes les prescriptions relatives à la désinfection.
Ce délai de trente jours, à partir du dernier cas de peste bovine, a été calculé d'après la plus longue durée de la période
d'incubation de la maladie des steppes qui est, en général, de vingt et un jours.
2° Vente pour la boucherie. — Lorsque la peste bovine règne dans une localité, « la chair des animaux abattus comme ayant été en contact avec des animaux atteints de la peste bovine peut être livrée à la consommation. » (Art. 15, L.)
Ces dispositions, qui permettent de concilier l'intérêt général avec l'intérêt privé, sont parfaitement conformes aux données fournies par l'observation. On sait, en effet, depuis longtemps, que la consommation de la chair des bêtes bovines suspectes de peste ne présente aucun danger pour l'homme, et les faits observés pendant la guerre de 1870-1871 l'ont surabondamment démontré. Donc, il eût été excessif de prohiber la vente de cette viande, mais il convenait d'en réglementer le transport pour éviter tout danger de contagion, et c'est ce que l'administration centrale a fait.
Si la consommation de la viande d'animaux suspects de peste bovine peut être autorisée, à plus forte raison en est-il de même pour celle des animaux qui n'ont pas été exposés à la contagion, mais qui se trouvent dans le territoire infecté.
Conditions et formalités. — Les conditions dans lesquelles cette vente doit être opérée et les formalités que les propriétaires doivent observer sont prescrites par l'article 12 du règlement d'administration publique.
ART 12. — Par exception et sous réserve de l'autorisation du ministre de l'agriculture ou de son délégué, le maire peut permettre :
1° La sortie hors du territoire déclaré infecté des animaux qui n'ont pas été exposés à la contagion, sous la condition qu'ils seront conduits directement a. l'abattoir. Avant leur départ, les animaux sont marqués.
La marque doit être faite au fer rouge et consister dans les lettres S. P. que l'on applique sur la joue gauche. Cette marque indélébile est justifiée par ce fait qu'il est extrêmement important que les animaux dont la sortie hors du territoire infecté -est tolérée ne puissent être vendus pour une autre destination que pour la boucherie. C'est pour atteindre ce but que l'article 12 du règlement d'administration publique stipule ce qui suit :
Il est délivré un laisser-passer indiquant la provenance et la destination des animaux. Ce laisser-passer est rapporté au maire dans le délai de cinq jours, avec certificat attestant que les animaux ont été abattus. Le certificat d'übatage est délivré par l'agent préposé à la police de l'abattoir, ou par l'autorité locale dans les communes où il n'existe pas d'abattoir.
2° La sortie, dans des conditions qui seront déterminées par le ministre, des viandes provenant de l'abatage des animaux qui ont été seulement exposés à la contagion.
Les véhicules doivent être disposés de façon à ne laisser tomber aucune
partie ni liquide, ni solide; ils sont désinfectés après le transport; les personnes employées aux transport, chargement et déchargement, doivent se soumettre aux mesures de désinfection jugées nécessaires pour éviter de propager la contagion. En outre, les maires doivent prescrire toute mesure qu'ils croient utile pour éviter le danger de la contagion.
3° La sortie des peaux, laines, poils, cornes, onglons, os, etc., après constatation de la désinfection par le vétérinaire délégué.
La désinfection dont il est parlé ici doit être effectuée d'après les règles contenues dans les articles 11, 12 et 14 de l'arrêté ministériel du 12 mai 1883.
Conséquences de l'inobservation des formalités précédentes. — Ces conséquences sont prévues par l'article 13 du règlement.
ART. 13. — La personne préposée à la conduite des animaux dont la sortie hors d'un territoire déclaré infecté a été autorisée, est tenue de présenter à toute réquisition le laisser-passer qui a autorisé la circulation; faute par elle de présenter à toute réquisition ledit laisser-passer, ou si le délai dans lequel l'abatage devait être exécuté est expiré, il est dressé procès-verbal, et les animaux sont abattus sur-le-champ, par ordre du maire de la localité sur le territoire de laquelle ils sont saisis.
§ 4. — Mesures à prendre pour un troupeau de bêtes ovines ou caprines.
Elles sont prescrites par l'article 14 du règlement.
ART. 14. — Si la peste bovine vient à se déclarer dans un troupeau de bêtes ovines ou caprines, les animaux malades sont abattus.
Les animaux des mêmes espèces qui ont été exposés à la contagion sont divisés par lots et isolés pendant quinze jours dans des locaux, cours, enclos, herbages ou pâtures éloignés de ceux qui sont habités par des bêtes bovines. A l'expiration de ce délai, la mesure peut être levée par le maire sur l'avis du vétérinaire délégué, si aucun cas de peste ne s'est déclaré parmi eux. *
L'abatage des bêtes ovines ou caprines atteintes de peste bovine donne lieu à une indemnité des trois quarts de leur valeur avant la maladie, conformément aux dispositions de l'article 17 de la loi. La procédure à suivre dans ce cas, pour exciper de son droit, est la même que quand il s'agit d'une demande d'indemnité pour abatage d'animaux de l'espèce bovine.
Les bêtes ovines ou caprines doivent être séquestrées dans des bergeries isolées, ou bien cantonnées dans des pâturages éloignés, de manière à n'avoir aucun contact avec les animaux de l'espèce bovine atteints ou suspects de peste. La durée de cet isolement est fixée à 15 jours. Une fois ce temps écoulé et si aucun cas de maladie ne s'est déclaré dans le troupeau, on lèvera l'interdiction dont il était l'objet. Dans le cas contraire, on prolongera l'isole-
ment jusqu'à ce qu'il se soit écoulé 15 jours depuis le dernier cas de maladie. C'est pour éviter une séquestration trop longue, qui serait à craindre avec un troupeau nombreux, que le règlement d'administration publique prescrit de diviser le troupeau en lots que l'on isole respectivement.
S 5. — Mesures â prendre lorsque la peste bovine est constatée sur un champ de foire.
Ces mesures sont indiquées dans l'article 83 du règlement.
ART. 83. — Lorsque la maladie constatée est la peste bovine, tous les animaux des espèces bovine, ovine et caprine présents sur le marché sont immédiatement séquestrés.
L'autorité locale doit aussitôt informer le préfet par la voie la plus rapide ; ce fonctionnaire prend immédiatement un arrêté de déclaration d'infection, entraînant l'application des diverses mesures (abatage, isolement, désinfection) qui viennent d'être étudiées ci-dessus.
§ 6. — Dispersion des cas de peste bovine. — Pouvoirs qui peuvent être conférés aux vétérinaires sanitaires.
Ce cas est prévu par l'article 97 du règlement.
ART. 97. — En cas d'invasion de la peste bovine ou de la péripneumonie sur plusieurs points à la fois, le préfet peut, avec l'autorisation du ministre de l'agriculture, déléguer à plusieurs vétérinaires les attributions et les pouvoirs conférés au vétérinaire délégué, chef du service départemental.
*
ARTICLE II
POLICE SANITAIRE A LA FRONTIÈRE.
Les mesures à prendre à la frontière sont prescrites par les articles 68 et 69 du règlement.
ART. 68. — Lorsque la peste bovine est signalée dans une contrée d'où sa propagation en France serait à redouter, un arrêté ministériel prohibe l'entrée des ruminants de toutes les espèces provenant des pays infectés, ainsi que l'importation de tous les objets et matières pouvant servir de véhicule à la maladie.
Ces dispositions prohibitives sont motivées par l'origine étrangère de la peste bovine. L'historique des épizooties de cette maladie
démontre en effet, d'une manière irréfutable, qu'elle résulte toujours de l'introduction en France d'animaux étrangers provenant des steppes de la Russie méridionale ou ayant été exposés à la contagion, et l'expérience du passé a prouvé qu'en fermant nos frontières à l'importation de tout bétail étranger lorsque la peste bovine sévit dans les contrées limitrophes, nous préviendrons à coup sûr le développement de cette désastreuse maladie, dans notrepays.
Par application de cet article et vu l'avis du Comité consultatif des épizooties, sur le rapport du Conseiller d'Etat, directeur de l'agriculture, le Ministre de l'agriculture a pris l'arrêté suivant :
ART. 1er. — L'importation en France et le transit des animaux de l'espèce bovine de la race grise, dite « des steppes x continuent d'être interdits par les frontières de terre et de mer.
Les mêmes interdictions restent étendues :
1° A tous les ruminants ainsi qu'à leurs viandes fraîches, peaux fraîches et autres débris frais provenant de la Serbie, de la Bulgarie, de l'empire ottoman, de la Grèce et de l'Egypte ;
2° Aux animaux vivants de l'espèce bovine provenant de l'empire austrohongrois, de la Russie, du Monténégro et de la Roumanie, ainsi qu'à leurs peaux fraîches et à leurs débris frais autres que les viandes abattues.
ART. 2. — Les animaux vivants de l'espèce ovine provenant de la Russie, du Monténégro et de la Roumanie ne pourront être introduits en France qu'à la condition d'être immédiatement sacrifiés à l'abattoir du port de débarquement ou, pour les arrivages par voie ferrée, à celui de la localité la plus voisine de la frontière, localité sur laquelle ils devront être dirigés par chemin de fer après la visite faite à l'entrée en France ; ce transport sera effectué directement et sans transbordement.
Ils devront être accompagnés :
1° D'un certificat délivré par l'autorité de la localité de provenance, attestant qu'il n'existe et n'a existé, pendant les trois mois précédents, dans cette localité, aucune maladie contagieuse sur les animaux des espèces bovine et ovine;
2° D'un certificat délivré par un vétérinaire commis à cet effet par le gouvernement russe, monténégrin ou roumain, constatant qu'au port d'embarquement ou à la station du chemin de fer de laquelle le convoi a été expédié, les animaux ont tous été soumis à une visite sanitaire et ont tous été reconnus sains.
Ces pièces indiqueront le nombre et le signalement des animaux auxquels elles s'appliquent et devront avoir été visées et annotées par le consul de France en résidence au port d'embarquement ou dans la ville la plus voisine de la gare d'expédition du convoi.
Elles ne seront valables que pour une période de trois semaines, à dater du jour de la délivrance, et seront remises entre les mains des agents des douanes.
Les peaux et débris, autres que les viandes des animaux de l'espèce ovine ainsi introduits en France, devront être détruits ou désinfectés immédiatement après l'abatage.
ART. 3. — Les préfets des départements sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté qui aura son effet à partir du 1er janvier 1889.
Paris, le 17 décembre 1888. VIETTE.
Mesures à prendre lorsque les animaux frappés de prohibition pour cause de peste bovine sont présentés à Vimportation par terre ou par mer. — Le cas dont il s'agit a été prévu par l'article 69 du règlement.
ART. 69. — Lorsque les animaux frappés de prohibition pour cause de peste bovine sont présentés à l'importation par terre ou par mer, ces animaux sont saisis et abattus sur place sans indemnité, malades ou non.
Sont également abattus sans indemnité les ruminants faisant partie d'un troupeau présenté à la frontière avant la prohibition, et dans lequel l'existence de la peste bovine est constatée.
Dans tous les cas, les cadavres sont enfouis avec la peau tailladée.
Ces dispositions ont pour but de prévenir l'introduction de la peste bovine en France ; de plus, en établissant que les ruminants de toutes les espèces, qui proviendraient de pays infectés, seront abattus, qu'ils soient malades ou non, elles sauvegardent les intérêts des éleveurs de bétail et la fortune publique en prévenant le développement de l'un des plus redoutables fléaux de notre agriculture.
CHAPITRE III
PÉRIPNEUMONIE CONTAGIEUSE
On appelle ainsi une maladie générale, épizootique, caractérisée anatomiquement par une inflammation pleurale et pulmonaire à tendance exsudative, qui paraît déterminée par un microbe que M. Arloing est parvenu à isoler et qu'il appelle Pneumobacillus liquefaciens bovis. Toutefois l'inoculation d'une culture pure de ce microbe ne reproduit pas la maladie telle qu'elle se développe par contagion naturelle; mais elle détermine des lésions conjonctives analogues à celles de l'inoculation de la sérosité pulmonaire.
Synonymie. — Cette maladie est encore désignée sous les noms de Pieuta-pneumonie épizootique exsudative. de Maladie de poitrine du gros bétail. Les anciens auteurs lui attribuaient une synonymie très variée: Mûrie. Foie ou Mou pourri. Ulcération des poumons. Pulmonie. Pneumo-sarcie. P le uro -pneumonie maligne, épizootique, gangreneuse, chronique, contagieuse. Pommelière. Phthisie péripneumonite (Delafond). Pleuro-pneumonie typhoïde exsudatiue (Willens). Ces diverses dénominations indiquent que la péripneumonie a été confondue avec d'autres maladies, notamment la tuberculose :
elles font pressentir déjà et les controverses qui se sont élevées sur la nature de cette maladie et les difficultés du diagnostic.
Aperçu historique. — La péripneumonie contagieuse du gros bétail parait avoir été connue dans l'antiquité. Toutefois ce n'est qu'à partir du xvinc siècle, c'est-à-dire de la fondation des Écoles vétérinaires, qu'elle a été décrite avec quelque précision. C'est Bourgelat qui, le premier, nous a laissé une description méthodique de cette maladie qu'il avait observée en Franche-Comté, en 1769- De nombreux travaux ont paru ensuite tant en France qu'à l'étranger; ils sont énumérés dans le Traité de la maladie de poitrine du gros bétail, publié en 1844, par Delafond, qui s'en est inspiré, en y ajoutant ses observations recueillies en Normandie, pour rédiger l'ouvrage précité, que l'on peut consulter avec fruit, même de nos jours.
A partir de 1844, il ne s'est pour ainsi dire écoulé aucune année, sans que des travaux aient été publiés sur la Péripneumonie, principalement sur son caractère contagieux, qui était vivement controversé. Nous citerons particulièrement une note de M. Lafosse sur la péripneumonie épizootique, le rapport d'Yvart au Ministre de l'agriculture et du commerce, de France, publiés en 1851 ; le mémoire du Dr Willems, adressé à M. le Ministre de l'intérieur de Belgique, inséré dans le Recueil de médecine vétérinaire en 1852; le rapport d'Ulrich au gouvernement prussien (1853); le rapport de feu H. Bouley, au nom de la Commission scientifique instituée par le Ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics de France et celui de la Commission médicale de la Lomelline (1854). Citons encore les travaux des Commissions instituées dans le Nord de la France, la Belgique, la Hollande; le rapport de M. Sanson, à la Société centrale de médecine vétérinaire (1861) ; les observations d'un grand nombre de praticiens français et étrangers, Mazure, Huart, Mathieu, Dèle, Jennes, Molina, etc., remontant à plus de vingt ans. Et dans ces dernières années, les ouvrages de pathologie et de police sanitaire des animaux, publiés tant à l'étranger qu'en France, les travaux du quatrième Congrès international de médecine vétérinaire tenu à Bruxelles en 1883, ceux du deuxième Congrès des vétérinaires de France (1885), l'extrait du rapport de M. Delamotte sur la péripneumonie bovine dans les Basses-Pyrénées, les observations de M. C. Leblanc, les expériences faites à Pouilly-le-Fort par M. Rossignol, celles de M. Dèle à Borgerhout (Belgique), et les recherches expérimentales de M. Arloing. C'est en nous inspirant de ces diverses données et de nos propres observations que nous avons rédigé le présent article, sous une forme aussi concise que possible.
Notion générale sur la gravité de cette maladie. — La péripneumonie contagieuse est une des affections qui causent le plus de pertes à l'agriculture, à raison de la durée de sa période d'incubation, qui peut atteindre trois mois, des difficultés de son diagnostic, sous les formes variées qu'elle présente, de sa marche insidieuse, qui peut faire croire qu'elle a disparu quand elle a subi simplement un temps d'arrêt ; finalement, de sa permanence et de la mortalité qu'elle détermine : c'est par millions de francs que se chiffrent les pertes procédant de cette contagion. Aussi, pour les diminuer, lui a-t-on opposé l'inoculation préventive et le législateur l'a-t-il comprise dans la nomenclature des maladies contagieuses donnant lieu à l'application des mesures sanitaires édictées par la loi du 21 juillet 1881.
Symptômes. — La bête bovine, qui ressent les premières atteintes de la péripneumonie, est moins attentive à ce qui se passe autour d'elle et quand on l'aborde, elle se livre à des mouvements moins brusques que dans l'état de parfaite santé. Son appétit est diminué; mais ce premier indice, caractérisé seulement par des mouvements moins énergiques et moins précipités des mâchoires, n'est, la plupart du temps, appréciable que pour la personne habituée à soigner les animaux. Souvent, à ce premier début de la maladie, on voit se produire, par intermittences, des météorisations causées par le dégagement de gaz dans la poche du rumen, symptôme que l'on attribue le plus ordinairement à une simple indigestion et dont par cela même on méconnaît la grande importance diagnostique. La rumination est rarement tout à fait suspendue, mais elle est moins fréquente que dans l'état normal et elle s'exécute avec plus de lenteur. Les matières excrémentitielles sont sèches et peu abondantes (H. Bouley). Les animaux ne s'étirent plus après le décubitus; leur poil est moins luisant; la peau est plus adhérente. La sécrétion lactée diminue notablement. La soif est vive. La température rectale s'élève à 40°, 41°, 42° (Degive) et même 42°,5 sur lesjeunes bêtes, d'après M. Delamotte. Le pouls est plein, accéléré (de 60 à 70 battements par minute) ; la conjonctive est fortement injectée. La respiration est plus fréquente que normalement : on compte 25 à 30 mouvements respiratoires par minute; elle s'accompagne souvent d'une sorte de plainte comparable au hein, c'est-à dire au bruit qui accompagne l'effort de l'ouvrier dans certaines professions (1). On provoque facilement cette plainte en pressant avec les doigts sur la colonne vertébrale en arrière du garrot ou bien en percutant les
(1) Le mot téguement ou teigement, dont on s'est servi comme synonyme de plainte, n'est pas admis dans notre langue.
parois pectorales. La percussion méthodiquement opérée au moyen du plessimètre, donne encore partout une égale sonorité, mais elle dénote un peu plus de sensibilité de la poitrine, d'un côté que de l'autre, quand la maladie tend à se localiser d'un seul côté. De même, la pression des espaces intercostaux avec le pouce, détermine une certaine douleur et le gémissement plaintif signalé ci-dessus. Parfois même, ces manœuvres exploratrices provoquent la toux. Celle-ci est petite, sèche, avortée et semble douloureuse. Dans quelques cas, elle est si faible parfois qu'il faut pour l'entendre une certaine attention (Butel).
Par l'auscultation, on perçoit un murmure respiratoire plus prononcé que dans l'état physiologique, mais ordinairement aucun bruit anormal. Toutefois M. Delamotte signale « du côté des plèvres un bruit de râpe », et même du râle crépitant humide du côté du poumon, râle crépitant humide ou râle muqueux dans le point où commence le fluxusphlegmasique, ajoute le même observateur. Ces signes stéthoscopiques, notamment le bruit de râpe ne sont pas constants; M. Delamotte le reconnaît lui-même.
Tel est le début de la Péripneumonie et cette première période qui correspond à la phase congestive peut durer deux, trois, quatre ou cinq jours, rarement plus (H. Bouley).
Lorsque la maladie est confirmée, c'est-à-dire quand le poumon est hépatisé, elle s'accuse par les symptômes suivants :
Tristesse prononcée, « immobilité des animaux, soit à l'étable, soit au pâturage, tête inclinée vers le sol et un peu portée ait- vent» (H. Bouley). Les bêles malades se couchent moins souvent que Jansl'état normal et le décubitus s'effectue ordinairement sur le côté malade. Les mouvements respiratoires deviennent de plus en plus nombreux (30, 35, 40, 50, 55 par minute); l'expiration est courte, tremblotante, entrecoupée. Les côtes se déplacent peu et la respiration est surtout abdominale. En approchant l'oreille des naseaux, on entend non seulement la plainte, mais encore parfois, comme l'a fait observer M. Delamotte, un bruit de gouttelette. Ce bruit, qui coïncide avec la fin de l'inspiration, se constate soit sur ranimai au repos, notamment à la fin d'une grande inspiration provoquée par l'occlusion momentanée des naseaux, soit après que le sujet a fait quelques pas, et qu'il est ainsi très essoufflé. Sans être particulier à la Péripneumonie, ce bruit de gouttelette, sur lequel M. Delamotte a appelé l'attention, présente une réelle valeur diagnostique.
Chez quelques sujets on remarque un jetage blanchâtre, spumeux, par les deux narines. Alors la toux devient grasse, mais elle reste faible, avortée, douloureuse.
En percutant la poitrine, on constate ordinairement une ma-
tité très nette dans les parties inférieures de cette région, d'un seul côté ou des deux, et une résonance exagérée, tympanique même dans les parties supérieures, ou mieux, comme l'a signalé M. Saint-Cyr, « sur la limite de l'hépatisation, au niveau des parties déjà infiltrées, mais encore perméables ». Comme au début, cette manœuvre exploratrice détermine de la douleur, mais parfois — sur certains sujets — d'une manière encore plus prononcée.
Par l'auscultation, on perçoit le souffle tubaire. Ce bruits'entend habituellement dans l'expiration, et parfois il est « tellement net qu'il semble se produire directement sous l'oreille de l'observateur. » (Butel.) Dans certains cas, il est « tellement fort qu'il retentit non seulement dans toutes les parties saines ou altérées du poumon malade, mais quelquefois même dans le poumon resté intact. Il est toujours très accusé au poitrail près de la bifurcation de l'arbre respiratoire. » (Delamotte.) Ordinairement c'est au niveau du coude, un peu au-dessous de la ligne de démarcation de la matité que l'on entend le souffle tubaire et parfois, au niveau même de cette ligne, le râle crépitant, notamment dans les profondes inspirations que l'on provoque par l'occlusion des naseaux. Et, dans les parties inférieures de la poitrine, au-dessous du souffle, l'oreille ne perçoit plus aucun bruit.
Mais Jes signes plessimétriques et stéthoscopiques, qui révèlent l'hépatisation pulmonaire, varient suivant le siège de cette lésion et son étendue. On conçoit que, si elle est située profondément du côté des faces médiastine ou diaphragmatique du poumon ou dans les lobe» antérieurs, si elle est disséminée sous forme de noyaux pneumoniques n'atteignant pas le volume du poing, le bruit de souffle peut ne pas être perçu. Alors, en effet, l'auscultation ne permet de reconnaître qu'une exagération de murmure de la poitrine, sans aucun râle ni souffle. Il en est autrement lorsque l'hépatisation est superficielle et localisée en arrière des épaules car « l'absence de bruit vésiculaire au point qu'elle occupe, le râle crépitant sur ses limites, le bruit tubaire dans son centre, si elle est traversée par un gros tuyau bronchique, enfin le bruit supplémentaire au delà de sa circonférence, peuvent permettre d'en préciser le siège et l'étendue ». (H. Bouley.)
Il faut encore remarquer que lorsque l'épanchement pleural est abondant, le souffle tubaire est moins fort et comme voilé en raison de l'interposition du liquide entre le poumon et l'oreille de l'auscultateur.
Ajoutons que, dans la péripneumonie, le bruit de souffle s'entend « rarement avant le cinquième et parfois seulement après le huitième jour de la maladie ». (Saint-Cyr.)
Si la maladie est constituée par des noyaux pneumoniques res-
treints, du volume du poing ou un peu plus, la percussion ne donne pas de signes bien nets et le diagnostic devient d'autant plus difficile que souvent la santé de l'animal ne semble pas très sensiblement affectée. On parvient cependant quelquefois, dit M. Saint-Cyr, en procédant à l'exploration avec beaucoup de soins et d'attention, à reconnaître une matité circonscrite au niveau des foyers d'hépatisation.
Si la Péripneumonie se présente sous forme lobaire et qu'elle intéresse ainsi une grande étendue du poumon, surtout dans les couches superficielles de cet organe, la percussion donne un son très mat, comparable à celui qui se produit en frappant sur la cuisse (son fémoral). Que les lésions pneumoniques soient disséminées ou étendues, lorsqu'elles s'accompagnent — ce qui est commun — d'un épanchement pleurétique, la percussion accuse une matité complète dans les parties inférieures de la poitrine et la ligne de démarcation entre la résonance et la matité est horizontale. Cétte matité se constate soit d'un seul côté de la poitrine, soit des deux, mais le plus souvent d'un seul. A ces signes, s'ajoute « un œdème sous-thoracique presque constant au moins dans la première période de l'épanchement » (H. Bouley), eL des symptômes généraux qu'il nous reste à faire connaître.
La fièvre est prononcée; le pouls, plein et fort, bat 70 à 80 fois par minute ; puis il faiblit et s'accélère avec les progrès du mal. Les muqueuses sont très injectées et reflètent parfois une teinte jaunâtre ; elles se décolorent ensuite à mesure que les forces s'épuisent. La base des cornes, les oreilles sont d'abord chaudes, puis, vers la fin de la maladie, ces régions, de même que toute la surface du corps, se refroidissent. La sécrétion mammaire diminue de jour en jour; toutefois, chez certaines vaches, elle persiste, bien que la presque totalité d'un lobe pulmonaire soit envahi par le processus péripneumonique.
L'appétit diminue de plus en plus, la rumination devient rare, puis nulle. Chez certains sujets, la bouche est remplie de bave. On constate souvent des météorisations. Les matières excrémentitielles, d'abord sèches et couvertes de mucosités pseudo-membraneuses, se ramollissent et une diarrhée abondante et fétide se déclare sur le déclin de la maladie. Les animaux maigrissent rapidement. Ce phénomène marche avec une telle promptitude qu'en moins de huit jours, ils peuvent avoir perdu un tiers, la moitié, les deux tiers même de leur valeur vénale comme bêtes de boucherie. (H. Bouley.) Lorsque la Péripneumonie passe à l'état chronique, une partie ou même la presque totalité d'un lobe pulmonaire subissent une sorte de carnification particulière que nous décrirons plus loin ; les bronches s'oblitèrent dans une grande partie de leur étendue,
l'air ne circule plus ou circule à peine dans leur intérieur et le bruit de souffle cesse de se faire entendre. Mais, dit M. Saint-Cyr, la maladie est encore nettement caractérisée par le silence absolu, la matité considérable, tout à fait fémorale, la grande résistance au doigt, et l'immobilité presque complète des parois costales, du côté où siège la lésion : caractères d'autant plus facilement appréciables qu'ils contrastent d'une manière frappante avec le murmure respiratoire supplémentaire, la grande résonance et l'élasticité conservés du côté sain.
Marche. Durée. Terminaisons. — La Péripneumonie peut être subaiguë, aiguë ou chronique.
Sous la première forme, que l'on a encore qualifié d'ébauchée, de larvée, les lésions sont généralement peu étendues et par suite les troubles fonctionnels qu'elles déterminent peuvent passer inaperçus. C'est ainsi que l'on peut trouver à l'ouverture de bêtes provenant d'un milieu où règne la péripneumonie et qui avaient cependant toutes les apparences de la santé, on peut trouver, disons-nous, des lésions péripneumoniques à la période congestive, soit des foyers d'hépatisation disséminés dans le parenchyme pulmonaire. Là est un redoutable danger de contagion, car ces animaux contaminés, paraissant en bonne santé, sont placés parmi des animaux sains.
Sous la deuxième forme — forme aiguë — la Péripneumonie évolue en dix à quinze jours et se termine par la guérison, la mort ou l'état chronique.
La guérison peut être complète, notamment quand la maladie ne dépasse pas la période congestive. Dans ce cas, la convalescence s'opère en huit à dix jours. Elle peut encore survenir — quoique beaucoup plus rarement — quand l'hépatisation est peu étendue. Alors elle n'exige pas moins de trente à quarante jours (Delafond). Remarquons toutefois que, dans ce cas (hépatisation pulmonaire bien constatée), la guérison n'est le plus souvent qu'apparente; on la confond avec le passage lent et graduel de la maladie à l'état chronique. Ainsi nous avons vu, à l'autopsie de bêtes sacrifiées pour la boucherie et réputées guéries, des lésions de Péripneumonie chronique.
La mort survient ordinairement vers le sixième jour, quelquefois le quinzième jour. Exceptionnellement, la Péripneumonie revêt une marche plus rapide : les animaux succombent vers le quatrième jour et même le deuxième jour, comme nous l'avons observé sur deux génisses, âgées de quatre à cinq mois. On estime que cette maladie détermine une mortalité de 30 à 35 p. 100 en moyenne.
Sous la forme chronique, la Péripneumonie persiste jusqu'à
l'abatage ou la mort naturelle des animaux. Cette forme succède à l'état aigu ou subaigu et ses symptômes sont fréquemment atté-, nués à tel point que les animaux paraissent en bonne santé. Ils constituent alors des foyers contagieux d'autant plus dangereux qu'on se méfie moins d'eux en raison de leur belle apparence. Dans d'autres cas, les animaux restent maigres, faibles, le moindre exercice les essouffle; ils se ballonnent et sont fréquemment atteints d'une diarrhée abondante, fétide. En outre, par la percussion et l'auscultation de la poitrine, on constate les signes exposés précédemment (p. 545). Ajoutons que l'on peut entendre parfois du râle caverneux. Ce bruit résulte de la formation de cavernes pulmonaires par suite de ramollissement des séquestres en lesquels se transforme la masse hépatisée et de la communication de cette cavité avec une bronche. Mais le plus souvent l'existence de ces séquestres pulmonaires, sur lesquels nous reviendrons en traitant de l'anatomie pathologique, n'est révélée que par l'autopsie, soit qu'ils constituent des cavernes silencieuses par défaut de communication avec les bronches, soit qu'ils se trouvent situés dans les couches profondes du poumon ou dans les parties antérieures de cet organe.
Lorsque la Péripneumonie se déclare dans une étable populeuse ou dans un troupeau de bêtes bovines, elle peut durer fort longtemps, se perpétuer en quelque sorte, car elle ne se montre pas sur toutes les bêtes en même temps, elle les attaque successivement. C'est pour prévenir la persistance de cette maladie qu'on applique les mesures de police sanitaire que nous étudierons à la fin de cet article.
Diverses complications peuvent intervenir dans le cours de la Péripneumonie; elles ne sont point semblables dans toutes les épizooties; tantôt ce sont des arthrites, des synovites à caractère ambulatoire ; tantôtla fièvre aphteuse, l'avortement, la tuberculose.
Enfin il n'est pas rare que, sous la forme chronique, la Péripneumonie évolue avec une telle lenteur qu'elle semble éprouver dans sa marche un temps d'arrêt qui peut se prolonger pendant plusieurs mois, un an même et faire croire à la guérison. On a vu ci-dessus ce qu'il faut penser de cette terminaison lorsque la maladie a passé à l'état chronique. D'autres fois, les lésions s'étendent de plus en plus, les animaux maigrissent, ils toussent, la respiration devient de plus en plus difficile et si on ne les fait abattre, ils meurent asphyxiés.
Anatomie pathologique. - Les lésions les plus constantes de la Péripneumonie contagieuse se remarquent sur l'appareil respiratoire, les plèvres et le poumon notamment. La structure du poumon du bœuf, la marche de la maladie, l'exsudation qu'elle
détermine, impriment aux lésions une physionomie très caractéristique, permettant d'établir le diagnostic post mortem, avec une
entière certitude.
Ainsi, en ouvrant la poitrine d'un animal sacrifié au début de la Péripneumonie, on trouve, dans la plupart des cas, une certaine quantité (3 à 4 litres environ) de liquide roussâtre, séreux, épanché dans le sac des plèvres. Ce liquide tient en suspension des flocons blanchâtres ou jaunâtres de consistance molle. Des fausses membranes molles, jaunâtres, tapissent çà et là la plèvre pulmonaire dont l'épaisseur est ainsiaugmentée. Lessacs lymphatiques périlobulaires, semi-cloisonnés et communicants, que l'on a longtemps considérés comme des cloisons formées par du tissu conjonctif, sont infiltrés, distendus par un exsudat séreux, qui constituelalésion dominante de la Péripneumonie contagieuse. Ainsi pénétrés par cette sérosité, les sacs lymphatiques augmentent de volume , compriment les lobules pulmonaires et gênent la circulation capillaire. Dès lors, les lobules dont le système lymphatique périphérique est ainsi envahi pren-
nent une teinte rouge vif témoignant des premières altérations du poumon.et correspondant à cette phase symptomatique que l 'on
appelle période de début ou congestive. C'est ordinairement par les parties inférieures ou médianes du poumon que le processus péripneumonique commence.
Lorsque la maladie est à la période d'état, le poumon est tapissé de fausses membranes jaunâtres, épaisses, molles; il est compact et lourd. Son poids peut atteindre 15 à 20 kilogrammes, au lieu de 2 à 3, poids normal moyen. Cette augmentation de poids est la conséquence des altérations que cet organe a éprouvées. Ainsi, en le coupant dans toute sa hauteur, onest frappé de l'aspect multicolore que présente son tissu. Il est, en effet, des lobules pulmonaires qui sont d'un.rose vif, d'autres rouge orange, rouge brun, d'autres reflètent une teinte rougeâtre lavée. Ces lobules sont encadrés par des sacs lymphatiques périlobulaires, gorgés de sérosité à tel point qu'ils peuvent former des travées de près d'un centimètre d'épaisseur creusées de petites vacuoles. Ces bandes ou travées dessinent sur la surface de section, une sorte de réseau à larges mailles polygonales entourant des lobules diversement colorés comme il est dit ci-dessus, ce qui donne au tissu pulmonaire une apparence marbrée très caractéristique (fig. 19). On a encore comparé l'aspect particulier que le poumon revêt dans ce cas à celui d'un damier, d'une mosaïque, d'un marbre rouge ou encore de cette préparation de charcuterie connue sous le nom de' fromage d'Italie, fromage de cochon.
Ces nuances variées des lobules pulmonaires correspondent à divers degrés du processus péripneumonique. Ainsi la couleur rose vif avec une légère infiltration périphérique indique une lésion récente, c'est-à-dire corrélative de la période congestive ; la teinte rouge foncé, la consistance ferme du tissu enflammé, l'aspect granuleux de la coupe, l'épaisissement des enveloppes lymphatiques des lobules, leur infiltration prononcée témoignent de la période d'état. Il y a alors hépatisation manifeste du parenchyme pulmonaire et distension des sacs lymphatiques périlobulaires par un abondant exsudât. Approximativement, on peut dire que ces lésions remontent à une vingtaine de jours environ.
C'est ordinairement dans les parties inférieures du poumon qu'on observe les altérations les plus anciennes, caractérisées par les teintes plus lavées du tissu pulmonaire et par l'épaississement plus considérables des travées interlobulaires.
« Au-dessus se trouve la couche de formation plus récente où le tissu pulmonaire reflète une couleur rouge brun. Enfin les régions supérieures sont occupées par les couches morbides les plus nouvellement formées, où le tissu cellulaire (c'est-à-dire le système lymphatique périlobulaire) n'est encore qu'infiltré de matière
albumine use et le tissu pulmonaire que condensé sous la pression qu'il subit.
» Toutefois ce n'est pas toujours par étages que se superposent ces différentes altérations, indices des progrès incessants del'inflammation qui les a produites. Quelquefois on les rencontreirrégulièrement juxtaposées l'une à l'autre et comme mélangées dans la masse de l'organe. Il semble que dans ces cas le fluxus inflammatoire se soit produit à des époques différentes dans des lobules isolés les uns des autres, et qu'ensuite l'inflammation ait progressé périphériquement. » (H. Bouley.)
Les bronches participent également à cet état inflammatoire, le tissu conjonctif périphérique est infiltré de sérosité et la muqueuse qui les tapisse est doublée d'une couche exsudative, revêtant parfois l'aspect de fausses membranes canaliculées. Les vaisseaux pulmonaires sont oblitérés par des caillots fermes « décolorés et adhérents par leur périphérie ». (H. Bouley.)
Les plèvres offrent des altérations non moins intéressantes. Ainsi le tissu conjonctif sous-pleural est le siège d'une exsudation telle que la plèvre présente par places l'épaisseur d'une pièce de -cinq francs en argent, même d'un demi-centimètre et plus. Des fausses membranes tapissent la surface de la plèvre ; elles sont d'abord jaunâtres, molles, épaisses, infiltrées de sérosité; puis elles-se vascularisent, diminuent de volume, se densifient, prennent une teinte blanchâtre et établissent alors de solides adhérences entre le poumon et les parois de la poitrine. La maladie daterait alors de vingt à trente jours suivant les obse rvations de Delafond. A ce moment, on peut trouver jusqu'à 15 à 20 litres de liquide épanché dans l'un ou l'autre des sacs pleuraux et parfois dans les deux ; il est ordinairement jaunâtre et se trouve contenu dans des espèces de poches formées par de fausses membranes développées entre les lames du médiastin. L'œsophage est englobé par ces fausses membranes et la compression qu'il éprouve explique les météorisations signalées en étudiant les symptômes. Les cordons des pneumogastriques qui l'accompagnent sont baignés el comprimés de partout par l'abondant exsudat qui s'est déposé entre les feuillets du médiastin.
Lorsque le tissu pulmonaire a éprouvé l'hépatisation et que les sacs lymphatiques périlobulaires se sont épaissis et pour ainsi dire indurés, le processus péripneumonique s'est établi d'une manière définitive, l'altération qu'il a engendrée a acquis une telle fixité qu'elle ne disparaît jamais. Tantôt elle subit la sclérose, c'est-à-dire qu'elle se transforme en un tissu blanchâtre induré, fibreux, criant sous le tranchant du scalpel. Tantôt elle éprouve une véritable mortification par suite de l'oblitération .complète de
tous les vaisseaux qui irriguaient la partie du poumon où l'hépatisation s'était formée. « Alors, autour de ce fragment pulmonaire mortifié, s'établit un travail d'inflammation disjonctive qui a pour résultat de rompre sa continuité entre lui et les parties vives et de le séquestrer dans une sorte de kyste à parois pseudomuqueuses, où, bien que désormais il ne participe plus à la vie, cependant il se conserve un certain temps avec sa consistance et sa forme extérieure à la manière d'un tissu momifié, l'influence décomposante de l'air ne pouvant avoir aucune action sur lui par le fait de l'oblitération complète des canaux aériens qui se continuaient dans sa substance. » (H. Bouley.)
Ces séquestres pulmonaires, qui sont généralement situés dans la partie antérieure du poumon, peuvent avoir le volume d'un œuf de poule ou bien du poing d'un homme, et peser 5 à 6 hectogrammes. Ils peuvent rester longtemps stationnaires, c'est-à-dire se conserver avec les caractères de solidité qu'ils présentaient au début de leur formation. Mais, à la longue, ils finissent par se désagréger et subissent une sorte de liquéfaction purulente, qui les transforme en une matière pâteuse, jaune grisâtre; complètement inodore tant que les parois de la cavité qui les contient ne communiquent point avec une bronche.
En cet état, la lésion ne peul être reconnue du vivant de l'animal qui en est porteur : c'est une caverne silencieuse n'exerçant « aucune influence nuisible appréciable sur la santé générale, ainsi qu'en témoignent l'état d'embonpoint, les facultés lactifères conservées et même les aptitudes au travail musculaire des animaux dans les poumons desquels ces cavités purulentes se rencontrent presque constamment après une attaque un peu grave de Péripneumonie.
» La présence de ces vomiques ne devient généralement nuisible que lorsque, par exception, elles se mettent en communication avec les bronches et versent au dehors la matière accumulée dans leur intérieur. Alors surviennent des complications graves, le plus ordinairement mortelles, conséquences de la décomposition putride des liquides qu'elles renferment et de l'infection septique qui en résulte. » (H. Bouley.)
Telles sont les deux altérations principales, — sclérose et séquestre pulmonaires, — que la Péripneumonie contagieuse confirmée laisse après elle. A la deuxième se rattache une lésion décrite par Rokitanski et reproduite par Cornil et Babès dans les termes suivants ; « Lorsque le tissu pulmonaire infiltré au plus haut degré subit une liquéfaction purulente, la plèvre est détruite de telle sorte que tous les lobules malades de la pneumonie s'isolent et se nécrosent parfois. Ils pendent alors comme des grappes
soutenues par les bronches. » Il ne nous a pas été donné de voir cette lésion que les auteurs précités considèrent cependant comme fréquente.
Les lésions que nous venons de décrire se montrent tantôt dans un poumon, tantôt dans l'autre et quelquefois dans les deux. Suivant Delafond, le poumon gauche serait plus souvent atteint que le droit; ce serait l'inverse d'après M. Delamotte. Ainsi, dans 332 cas de Péripneumonie, 144 fois, le poumon droit était le seul intéressé, 107 fois le poumon gauche et 81 fois les deux poumons simultanément. (Delamotte.)
Les ganglions bronchiques et ceux du médiastin sont hypertrophiés et pénétrés d'une grande quantité de sérosité ; le tissu conjonctif périganglionnaire est également infiltré de sérosité. Des altérations analogues ont été aussi signalées dans les ganglions mésentériques, iliaques, inguinaux, etc. ; parfois le tissu conjonctif sous-cutané est infiltré de sérosité, notamment dans la région du fanon ou même dans toute son étendue. De même, on trouve une hydropisie du péricarde. On a constaté des exsudats sur le péritoine et un épanchement abondant dans la cavité abdominale. (Delamotte.) On a signalé une lésion analogue sur les animaux inoculés. (Rossignol.) Les gaines synoviales, tendineuses et articulaires, peuvent être le siège d'hydropisie, avec infiltration du tissu conjonctif périphérique, notamment chez les veaux à la mamelle. Cette infiltration se prolongerait même dans le tissu conjonctif intra-musculaire. On l'aurait aussi constatée dans le foie (Zundel), la rate, les reins. M. Delamotte déclare n'avoir jamais rencontré l'altération de ces organes dans le cours de la péripneumonie.
Sur la muqueuse nasale et sur la muqueuse de l'intestin on a vu parfois — mais bien rarement — une éruption pustuleuse (H. Bouley) ou bien des tubercules réputés spécifiques. (Willems.) Quoi qu'il en soit, de vraies lésions tuberculeuses, dues au Bacillus tuberculosis (voy. TUBERCULOSE) peuvent exister, en même temps que les lésions de la péripneumonie proprement dite. Il en est de même de l'emphysème pulmonaire. Enfin nous avons rencontré également des échinocoques dans des poumons qui présentaient simultanément de l'hépatisation marbrée et de l'infiltration des plèvres.
L'examen histologique des lésions pulmonaires, qui sont en définitive les plus remarquables, permet de reconnaître « que les alvéoles sont remplis par un exsudat fibrineux à forme fibrillaire, renfermant dans ses mailles des globules rouges et des globules blancs ; les cellules endothéliales sont tuméfiées et, dans certaines alvéoles, on en rencontre un assez grand nombre qui, détachées
des parois alvéolaires se trouvent englobées dans des mailles de fibrine. D'un autre côté, le tissu conjonctif propre des alvéoles prolifères et ses mailles sont remplis d'un liquide opalescent, au milieu duquel flottent des cellules et des noyaux. On a donc deux formes de pneumonie : la pneumonie interstitielle que l'on rencontre surtout au niveau des travées fibrineuses et une pneumonie intra-alvéolaire. » (Pourcelot.) Les observations de MM. Cornil et Babès confirment ces données en les complétant. Ainsi elles établissent que les vaisseaux lymphatiques du lobule enflammé sont « plus ou moins remplis de cellules lymphatiques et de fibrine ».
D'autre part, « si l'on étudie les coupes colorées au picrocarminate d'ammoniaque avec un grossissement de 300 diamètres, les bronches enflammées possèdent encore, en grande partie, leur revêtement épithélial, et elles sont plus ou moins remplies par un exsudat contenant des cellules rondes et de la fibrine ; les vaisseaux lymphatiques, péribronchiques et périvasculaires du centre du lobule sont extrêmement distendus et remplis de cellules lymphatiques, de fibrine et de granulations arrondies de 2 à 3 ou 4 p. colorées en rouge et résultant de la destruction des noyaux. Ces grains arrondis, souvent plus clairs à leur centre qu'à leur bord, lequel est plus coloré, sont habituellement disposés par petits groupes, soit allongés dans le sens d'un noyau ovoïde, soit en forme d'amas sphéroïdes ou irréguliers. Il existe, en outre, dans ces vaisseaux lymphatiques, des granulations qui restent incolores sous l'influence du picrocarminate, granulations que nous avons considérées comme des microorganismes. Ces grains, d'égal diamètre, sont isolés ou groupés en 8 qui sont des microcoques, et il existe aussi des bâtonnets courts. Nous n'avons pas réussi à les isoler. » (Cornil et Babès.)
Les lésions de la Péripneumonie contagieuse débutent par les espaces pleuro-lymphatiques. C'est ainsi que le tissu conjonctif sous-pleural, sensiblement injecté, donne naissance à une exsudation et à des fausses membranes qui se moulent en quelque sorte sur les pseudo-valvules des espaces pleuro-lymphatiques et forment ainsi de véritables logettes contenant un liquide citrin.
On tend à admettre que cette lésion initiale résulte de la multiplication, dans les espaces pleuro-lymphatiques, du microbe de la péripneumonie, que l'on considère comme anaérobie, et pour lequel la lymphe constituerait un milieu de culture favorahle. Mais il est clair que cette théorie ne doit être acceptée qu'avec réserve, puisque les bactériologistes les plus compétents n'ont pas encore isolé le microbe générateur de la Péripneumonie. Nous n'en connaissons donc pas sûrement les propriétés.
Une fois que les lésions pleurales ont pris naissance, la maladie fait des progrès, l'exsudation fibrineuse pénètre dans les sacs, lymphatiques périlobulaires et se répand ainsi de proche en proche dans les lymphatiques péribronchiques, dans les alvéoles, produisant successivement dans chaque lobule ces lésions de pneumonie interstitielle et de pneumonie fibrineuse que nous avons signalées ci-dessus. La Péripneumonie procède donc par lobules, comme on pouvait d'ailleurs le penser, d'après la coloration variée que chacun d'eux présente. Ajoutons que les voies lymphatiques ont un rôle prépondérant dans le développement de ces lésions ; c'est par ces voies que la maladie, primitivement généralisée et virulente, se localise au poumon.
Diagnostic général. — Il présente une très grande importance attendu que la constatation de cette maladie entraîne l'abatage de l'animal et comme mesure compensatrice, l'indemnisation du propriétaire en admettant toutefois que l'autopsie confirme le diagnostic. Dans le cas contraire, l'indemnité n'est pas due : le praticien ne saurait donc procéder avec trop de soin quand il se trouve en présence d'un animal présumé atteint de Péripneumonie.
La première chose à faire est de se renseigner sur la provenance de l'animal, sur l'existence de la Péripneumonie contagieuse dans l'étable ou la localité dans laquelle se trouvent le ou les sujets malades, sur le régime auquel les animaux sont soumis, leur mode d'entretien, en stabulation permanente, ou bien au pâturage, et plus généralement sur toutes les circonstances où la contagion péripneumonique peut s'exercer, — circonstance que nous passerons en revue dans une autre partie de notre étude.
Il faut également chercher à savoir si l'animal ne se météorise pas de temps à autre, s'il n'a pas eu d'indigestion. Tout en interrogeant, on jette un coup d'œil sur l'attitude du malade, sur le port de la tète, l'expression de la physionomie.
On procède ensuite à l'examen du sujet en constatant d'abord sa température au moyen du thermomètre introduit soit dans le rectum, soit dans le vagin. Puis, on explore le pouls en se rendant bien compte de sa fréquence et de sa force. Ensuite on examine attentivement les mouvements du flanc au point de vue de leur fréquence, de leur rythme ou modalités, des bruits qui peuvent accompagner la respiration et que, parfois, l'on perçoit, à distance, comme la plainte et le ronflement ou bien que l'on constate seulement en approchant l'oreille des naseaux, comme le bruit de gouttelette. Cela fait, on percute méthodiquement les parois thoraciques, au moyen du plessimètre de Leblanc, qui est — selon nous — le plus commode, et l'on constate ainsi le degré de réso-
nance ou de matité de chaque côté de la poitrine en même temps que la sensibilité — normale ou exagérée — des parois de cette cavité. De plus, cette manœuvre exploratrice peut faire tousser l'animal.
On procède ensuite à l'auscultation en appliquant l'oreille sur les parois pectorales préalablement recouvertes d'un linge peu épais pour éviter le bruit de crépitation résultant du froissement <les poils contre l'oreille de l'auscultateur, par suite des mouvements du thorax.
Il faut écouter avec attention, au moins pendant cinq à six respirations complètes, afin de reconnaître si les bruits perçus sont passagers ou constants et quels sont leurs caractères. La précipitation, en pareil cas, dit M. Saint-Cyr, outre qu'elle témoigne d'une étude insuffisante de ce moyen d'exploration, peut conduire à des erreurs non moins fatales au malade qu'à la réputation du médecin. C'est ici surtout qu'il faut savoir « se hâter lentement ». Remarquons encore qu'après avoir examiné l'animal au repos, il est souvent fort utile de l'exercer pendant quelques instants en main ou attelée, — si l'état général ne s'y oppose point, — et de l'ausculter de nouveau.
A-t-on affaire à la Péripneumonie parvenue a la période d'état? La matité très nette de la partie inférieure de la poitrine, d'un côté et quelquefois des deux, la résonance exagérée de la région moyenne de cette cavité; le souffle tubaire que l'on entend, pendant l'expiration, au niveau du coude et généralement un peu audessous de la ligne de matité, une respiratiou plaintive, une sensibilité prononcée des parois thoraciques, une toux faible, avortée, un état fébrile manifeste : tels sont les principaux signes qui révèlent l'existence de la Péripneumonie contagieuse, surtout quand l'animal que l'on examine a été exposé à la contagion de -cette maladie.
Ajoutons que, suivant M. Delamotte, « c'est à peu près une Tègle générale que l'hépatisation masque entièrement les battements du cœur du côté où elle recouvre cet organe, de sorte que si l'on perçoit, d'un côté (le membre étant porté en avant), des battements très distincts, très forts, et si, de l'autre côté, on constate un silence complet du cœur, on est presque certain d'avoir affaire à la Péripneumonie ».
Mais les symptômes de la Péripneumonie ne sont pas toujours nettement tranchés. Il n'est pas rare que le siège des lésions, l'étendue qu'elles occupent, la résistance individuelle des sujets à la marche du processus péripneumonique, rendent le diagnostic fort incertain. On conçoit que, lorsque la maladie est constituée par des noyaux pneumoniques relativement peu volumineux et
situés dans les couches profondes du poumon, du côté de la face médiastine de cet organe, les signes plessimétriques et stéthoscopiques font défaut. On ne peut alors se prononcer à une première visite et il faut nécessairement revoir le malade, tout en ayant soin de le faire isoler immédiatement. Si les lésions progressent, les symptômes s'accentuent et alors il est possible de constater de la matité dans les parties inférieures de la poitrine et d'entendre le souffle tubaire. Si l'épanchement pleurétique dépasse le niveau des parties hépatisées, si la plèvre pulmonaire est fortement infiltrée, le bruit tubaire est moins soufflant, il semble voilé et, par cela même, il faut une plus grande attention pour le percevoir et le distinguer du souffle respiratoire normal. Dans ce cas, il est vrai, la matité est si nette et si bien limitée par une ligne horizontale, le murmure respiratoire si complètement aboli dans les parties inférieures de la poitrine, qu'en rapprochant ces signes de ceux que nous avons décrits précédemment (état fébrile, sensibilité costale, respiration irrégulière, plaintive, toux faible et rare, et des commémoratifs), on peut établir le diagnostic avec certitude.
Lorsque les lésions progressent avec lenteur et qu'elles passent insensiblement, pour ainsi dire à l'état chronique, sans nuire à l'état général des animaux, au moins pendant un certain temps — qui peut varier de quelques semaines à un an même suivant les conditions hygiéniques — le diagnostic présente les plus grandes difficultés et il ne peut être établi qu'autant que les lésions sont étendues et dans une région accessible à la percussion et à l'auscultation, cela va de soi. Parfois, lorsque les lésions sont étendues et superficielles, on peut constater une matité très prononcée dans la partie inférieure du thorax, de l'un ou de l'autre côté, l'absence de murmure respiratoire dans cette région. Dans quelques cas, on entend du râle sibilant dans la région moyenne de la poitrine après que l'animal a été exercé. Très exceptionnellement, il se produit du râle caverneux, car il est rare que les vomiques communiquent avec les bronches et le plus souvent ce n'est que l'autopsie qui les révèle.
En résumé, il n'existe pas de symptôme pathognonomique de la Péripneumonie contagieuse, mais bien un ensemble de caractères, qui, rapproché de la contagiosité de cette maladie, permet d'établir le diagnostic. Mais lorsque la maladie n'existe que sur un seul sujet, on ne peut, du vivant de l'animal, qu'en présumer l'existence et si les circonstances le permettent, c'est-à-dire si le propriétaire consent à abattre l'animal à ses risques et périls, l'autopsie lève tous les doutes. Il nous est arrivé parfois, dit M. Delamotte, « de recourir à ce moyen que nous avons même proposé dans quelques cas; l'indemnité étant considérée comme
régulièrement acquise si la Péripneumonie se révélait sur le cadavre ». Cette procédure est évidemment très prudente; elle permet d'appliquer immédiatement des mesures sanitaires, de circonscrire ainsi le foyer contagieux ou même de l'étouffer à son origine, tout en sauvegardant la réputation du praticien.
C'est qu'en effet les lésions que nous avons décrites, notamment l'hépatisation marbrée et les exsudats infiltrant les sacs lymphatiques périlobulaires, sont tout à fait caractéristiques de la Péripneumonie et le diagnostic post mortem peut être établi ainsi avec toute la certitude désirable, quoi qu'on en ait dit.
Diagnostic différentiel. — Il doit être étudié : 1° sur l'animal vivant; 2° sur le cadavre.
1° Sur l'animal vivant, la Péripneumonie peut être confondue avec diverses maladies, notamment la bronchite vermineuse, les échinocoques pulmonaires, la pneumonie et la pleurésie a frigore, ou bien résultant d'un traumatisme, l'hydrothorax, les maladies du cœur, la tuberculose.
La bronchite vermineuse est fréquente chez les jeunes animaux de l'espèce bovine, c'est-à-dire âgés de 4 à 5 mois jusqu'à 2 et même 3 ans. Elle revêt parfois le caractère épizootique, et, par une coïncidence susceptible d'induire le praticien en erreur, elle peut apparaître sur des animaux récemment importés dans la localité et faire penser ainsi à la péripneumonie contagieuse.
Cette maladie est déterminée par le Strongylus micrurus qui habite les bronches, où sa présence produit d'abord les symptômes de la bronchite; de plus, en examinant les spumosités que l'animal expulse par la bouche et les narines pendant les quintes de toux, on peut reconnaître l'existence de petits filaments blanchâtres, pelotonnés, semblables à des brins de charpie ou à des cheveux blancs : ce sont des strongles adultes. Si ce premier examen, fait à l'œil nu, reste sans résultat, on emploie le microscope et l'on peut alors constater parfois —mais non toujours — la présence d'embryons de strongles. En admettant que l 'on trouve des nématoïdes dans le jetage et les signes plessimétriques et stéthoscopiques propres à l'inflammation des bronches, on peut affirmer l'existence d'une bronchite vermineuse. Mais les choses ne se présentent pas toujours avec cette simplicité ; il n'est pas rare, en effet, que la bronchite vermineuse se complique de pneumonie et que l'on constate de la matité dans les parties inférieures de la poitrine et du bruit de souffle. Et alors la différenciation entre la broncho-pneumonie et la Péripneumonie contagieuse ne peut être sûrement établie que par l'autopsie.
Des échinocoques (Echinococcus veterinorum) peuvent exister en grand nombre dans le poumon des bovidés ; ils peuvent atteindre
le volume du poing et même davantage. Parfois ils remplissent tout un poumon et en suppriment totalement la fonction. « Chez les bêtes atteintes d'échinocoques dans les poumons, dit M. Delamotte, on peut constater comme chez les péripneumoniques, en outre de la fièvre et de l'hyperthermie, de l'inappétence, de l'oppression, de la toux, de la plainte, de la matité et l'absence du murmure respiratoire. Cependant, si l'on examine plus attentivement et plus complètement, on verra que le ton de la percussion n'est pas le même : il est loin d'être aussi mat que lorsqu'on a affaire à l'hépatisation péripneumonique. Mais le principal symptôme différentiel réside dans la sensibilité costale qui n'a rien d'anormal, lorsqu'il s'agit d'échinocoques. Nous ajouterons aussi que, dans ces cas, on ne sera jamais embarrassé si, comme nous l'avons toujours remarqué, la respiration tubaire fait absolument défaut ainsi que tous les autres bruits pathologiques du poumon et des plèvres. » Ainsi formulée, cette conclusion de notre distingué confrère nous paraît trop absolue car, d'une part, la Péripneumonie contagieuse peut exister sans qu'il soit possible de constater le bruit de souffle et une sensibilité exagérée du thorax; d'autre part, lorsque le poumon est envahi par d'énormes échinocoques, la matité peut être aussi complète que dans le cas de péripneumonie. Sur ce sujet, M. Rossignol (de Melun) a communiqué au Congrès international vétérinaire de Bruxelles (1883) un fait des plus intéressants et qui témoigne, une fois de plus, que l'on peut confondre les symptômes produits par des échinocoques avec ceux de la Péripneumonie contagieuse, même quand on a l'habitude d'observer cette maladie. — Donc, tout en tenant compte des judicieuses observations de M. Delamotte, et en s'appliquant de son mieux à bien interpréter les symptômes que l'on constate, il ne faut pas en conclure que, dans tous les cas, on arrivera sûrement à distinguer les deux maladies dont il s'agit : la confusion est possible, d'autant que la présence des échinocoques peut coïncider avec la Péripneumonie contagieuse, comme nous en avons constaté un remarquable exemple. Dès lors, l'isolement de l'animal malade s'impose et même l'abatage, si le propriétaire accepte cette mesure à ses risques et périls sous la réserve d'une indemnité en admettant que l'autopsie dévoile l'existence de la Péripneumonie contagieuse.
Les difficultés sont encore plus prononcées quand il s'agit de distinguer la Péripneumonie contagieuse d'une pneumonie ou d'une pleurésie a frigore. On a bien dit « que les troubles généraux, notamment l'augmentation de température, sont plus marqués, l'évolution plus rapide et la gravité plus prononcée dans la Péripneumonie contagieuse que dans la pneumonie sporadique ».
Cette distinction, présentée au Congrès international de Bruxelles par M. Degive, n'a pas été admise par cette assemblée qui, après discussion, a conclu que « la Péripneumonie contagieuse, épi.zootique, se caractérise spécialement du vivant de l'animal, par ila contagiosité et les symptômes de la pneumonie lobaire ».
Une conclusion analogue a été adoptée par le Congrès sanitaire 'de 1885, après le rapport de M. Butel (de Meaux). Dans ce document, M. Butel, après avoir analysé sommairement les travaux publiés sur cette question par divers auteurs ou praticiens (Degive, Coulom et Olivier, Fabry), constate que les symptômes attribués à la pneumonie sporadique, — toux, plainte, matité et bruit de souffle, — existent également dans la Péripneumonie et il conclut qu'il est impossible de différencier la pneumonie sporadique de la pneumonie épizootique. Telle est aussi notre opinion.
Nous en dirons autant du diagnostic différentiel de la Péripneumonie contagieuse et de la pleurésie simple (a frigore) ou traumatique; la dyspnée, notamment dans l'inspiration, la toux, la sensibilité des parois costales, la matité complète que l'on constate dans cette dernière affection doivent faire considérer l'animal comme suspect; d'autant plus que la maladie que nous désignons improprement sous le nom de Péripneumonie contagieuse — faute de mieux— débute dans l'appareil respiratoire, par une pleurésie. S'il s'agit d'une pleurésie procédant de coups de tête •ou de coups de corne sur les parois de la poitrine, les contusions ou les plaies que l'on peut remarquer ne suffisent pas pour établir :sûrement le diagnostic différentiel.
Les maladies du cœur peuvent encore compliquer le diagnostic de la Péripneumonie contagieuse. Elles déterminent une certaine difficulté respiratoire, qui se traduit par un soubresaut dans l'expiration ; le pouls est faible, les jugulaires saillantes et le pouls veineux manifeste ; de plus l'expiration est parfois plaintive. Si les lésions cardiaques existent sans lésions pulmonaires, la localisation des signes plessimé triques et stéthoscopiques dans la région du cœur, la coïncidence du souffle ou des autres bruits anormaux avec les battements cardiaques, peuvent guider le praticien. Ainsi, « dans l'endocardite et la cardite, les battements: du cœur sont forts et tumultueux et s'accompagnent généralement d'un^tintement métallique. Dans la Péripneumonie, les battements du cœur deviennent de plus en plus imperceptibles, à travers le parenchyme pulmonaire hépatisé. » (Delamotte.)
L'hydrothorax ou hydropisie de la poitrine est une lésion que l'on peut constater au début de la pleuropneumonie contagieuse, lorsque cette maladie se présente sous la forme subaiguë, et sa marche peut être alors lente, obscure, insidieuse. Chez les bêtes
bovines, l'hydrothorax qui n'est pas la conséquence de la Péripneumonie est assez rare et les seuls caractères différentiels que l'on puisse signaler consistent dans le défaut de sensibilité costale et l'absence de bruit de souffle.
La phthisie pulmonaire ou tuberculose peut être confondue avec la Péripneumonie contagieuse. On s'accorde à dire cependant que la première de ces maladies a une marche plus lente que la seconde, que la fièvre est moins prononcée. A ces signes s'ajoutent ceux. qui sont fournis par la percussion, l'auscultation, les caractères de la toux et du jetage. Ainsi, dans la phthisie, la matité peut faire défaut et, quand elle existe, elle est moins prononcée que dans la Péripneumonie et se constate tantôt dans la partie inférieure de. la poitrine, tantôt au milieu.
Dans la phthisie pulmonaire, on entend du râle sibilant parfoisassocié à du râle ronflant. Il est tout à fait exceptionnel que l'on perçoive le bruit de souffle dans cette maladie. Mais si elle secomplique de Péripneumonie, le bruit tubaire se produit. La toux des bêtes phthisiques est moins faible que celle des bêtes péripneumoniques ; elle est aussi plus fréquente. Lorsque la phthisie est avancée, notamment lorsqu'il existe des ulcérations dans la trachée ou les bronches, l'air expiré exhale une certaine fétidité ; deplus la respiration n'est pas plaintive comme dans la Péripneumonie, mais plutôt ronflante. Le jetage des phthisiques est mélangé de grumeaux caséeux et l'on peut, par la coloration, mettre eI1 évidence le bacille de la tuberculose.
L'emphysème pulmonaire peut être confondu avec la Péripneumonie contagieuse, comme en témoignent notamment un fait publié par M. Laurent (1) et un autre que nous avons observé. Car, dans cette maladie, il est possible d'entendre du côté gauchede la poitrine, au niveau du coude, un bruit de souffle très net. C'est particulièrement lorsque l'emphysème est généralisé que ce signe stéthoscopique existe. Il peut être accompagné des symptômes suivants : respiration accélérée — 36 mouvements respiratoires par minute — inspiration courte, tremblotante; expirationsaccadée, plaintive. Toux faible, quinteuse. Pouls à 60 ; conjonctives injectées. Par la percussion de la poitrine, résonance exagérée dans les parties moyenne et supérieure, et submatité dans, les parties inférieures. — L'auscultation dénote un affaiblissement du murmure respiratoire dans les parties inférieures de la poitrine et une exagération de ce même bruit dans les parties supérieures. A gauche, et en arrière du coude, on entend le bruit de souffle signalé ci-dessus; à droite, et dans la même région,-
(1) Répertoire de police sanitaire vélo et d'hygiène publique, 1891, p. 496.
un râle muqueux, sonore, ronflant. Ces symptômes ont été observés chez une vache à l'autopsie de laquelle on a trouvé les deux poumons fortement emphysémateux et des lésions de bronchite chronique. Cette vache avait été considérée comme suspecte de Péripneumonie contagieuse, bien que la matité fit défaut à la partie inférieure de la poitrine — à droite ou à gauche — attendu que des foyers péripneumoniques peuvent exister du côté des faces médiastine ou diaphragmatique du poumon ou bien dans les lobes antérieurs, sans que la percussion les révèle.
En résumé, comme le diagnostic différentiel de la Péripneumonie contagieuse ne peut pas être toujours sûrement établi, on doit, au point de vue de la police sanitaire, « considérer comme suspect de cette maladie, tout animal de l'espèce bovine atteint d'une inflammation pulmonaire caractérisée par les symptômes suivants : fièvre, respiration accélérée, toux, plainte, matité et bruit de souffle ». (Congrès sanitaire des vétérinaires de France, 1885.) 2° Sur le cadavre, on peut rencontrer des lésions aiguës ou des lésions chroniques et le diagnostic différentiel, post mortem, de la Péripneumonie doit ètre étudié dans ces deux cas.
S'il s'agit de lésions aiguës, on peut l'établir avec une complète certitude, attendu que l'hépatisation marbrée, l'infiltration du tissu conjonctif sous-pleural et des sacs lymphatiques périlobulaires caractérisent sûrement la Péripneumonie contagieuse. S'il s'agit de lésions chroniques, le cas présente quelque difficulté. En effet, on peut les confondre avec celles de la pneumonie chronique, car le tissu pulmonaire subit la sclérose dans les deux maladies — Péripneumonie et pneumonie ; — il se transforme en un tissu d'aspect uniformément nacré, criant sous le tranchant du scalpel. Mais les fausses membranes, résistantes, fibreuses, qui unissent la plèvre au poumon font défaut dans la pneumonie — et les séquestres pulmonaires que l'on rencontre parfois dans la Péripneumonie constituent également des données différentielles. Quand on se trouve en présence de l'un de ces cas embarrassants, il faut considérer comme Péripneumonie « toute réunion de lésions pleurétiques et de lésions pulmonaires, et admettre comme pneumonie ou pleurésie simple tout cas dans lequel les lésions pulmonaires ou celles de la plèvre se présentent isolément. » (Delamotte.) C'est à une conclusion analogue que s'est arrêté le Congrès international de Bruxelles, en 1883, sur la proposition de M. Wirtz : « Au point de vue anatomique, — du moins en ce qui concerne la police sanitaire, — on doit considérer comme Pleuropneumonie contagieuse, épizootique, toute pneumonie lobaire et en même temps interlobulaire dont le développement ne dépend pas de causes locales. »
Mais si, à l'autopsie d'une bête placée dans une étable infectée, on ne trouve « qu'un épanchement de sérosité citrine et floconneuse dans les plèvres, dans le péritoine, sous la peau du fanon » (Willems), ou même s'il n'existe « aucune lésion ni dans le parenchyme pulmonaire ni dans les plèvres », mais seulement une infiltration du tissu conjonctif sous-cutané, « depuis la région de l'auge jusqu'au fanon » (5c rapport de la Commission officielle belge), faut-il conclure à la Péripneumonie contagieuse? Nous ne le pensons pas, car rien ne prouve qu'un animal chez lequel la maladie ne s'accuse pas par des lésions pulmonaires puisse réellement transmettre la maladie. Et nous le disons ici par anticipation de ce qu'un animal inoculé préventivement de la Pleuropneumonie acquiert l'immunité sans présenter de lésions pulmonaires, il n'en faut pas conclure qu'on lui a transmis cette maladie telle qu'elle se développe sous l'influence de la contagion naturelle, attendu qu'il est démontré aujourd'hui que les animaux inoculés ne transmettent point la Péripneumonie.
Nature. — Le caractère contagieux de la Péripneumonie, son mode d'évolution, la fièvre qui l'accompagne dans la plupart des cas, ses lésions, indiquent qu'il s'agit d'une maladie générale se localisant dans le système lymphatique des plèvres et du poumon. Le Dr Willems la considère comme une sorte de « fièvre typhoïde à forme thoracique particulière ».
D'après les connaissances que nous possédons aujourd'hui sur les maladies contagieuses, grâce aux recherches de M. Pasteur et à celles des expérimentateurs qui ont employé sa méthode et celle qui en dérive (Méthode Koch), il est permis de penser que la Péripneumonie procède d'un germe ou microbe, qui trouve dans les lymphatiques des plèvres et du poumon, tout particulièrement, les conditions favorables à son développement, à sa multiplication. Il est vrai que, jusqu'à ce jour, on n'est point parvenu à isoler le microbe générateur de cette maladie. Ainsi, les recherches de Bruylants et Verriest tendant à établir que le microbe de la Péripneumonie se cultive dans divers bouillons sont erronées. Suivant Cornil et Babès, il en serait de même de celles de Poels et Nolen, qui déclaraient avoir cultivé ce microbe « sur le sérum du sang, soit à 20°, soit à 37° », et avoir obtenu ainsi des cultures « qu'ils ont regardées comme analogues à celles de la Pneumonie » et dont l'injection a donné « des résultats positifs ».
« Lustig a trouvé, dans les parties enflammées du poumon et dans le tissu cellulaire interlobulaire œdémateux, quatre espèces de microorganismes : 1° des bacilles courts et épais, dont les cultures liquéfient lentement la gélatine et dont les colonies ressemblent à une poudre blanche; 2° des microcoques qui se cul-
tivent sur la gélatine sans la liquéfier et dont les colonies ressemblent au blanc d'œuf cuit ; 3° des microcoques analogues dont la culture est de couleur jaune d'or; 4° des microbes consistant en très petites cellules rondes formant des cultures orangées, épaisses, ne liquéfiant pas la gélatine. — Plus tard, Lustig a vu, dans ces cultures, de gros bacilles courts. Les cultures 1, 2 et 3 ne sont pas pathogènes. Seule la dernière, injectée à la base de la queue d'une vache, a donné des abcès qui ont guéri rapidement. » Les conclusions de ce travail, disent Cornil et Babès, auxquels nous avons emprunté ce passage, ne sont pas nettes. Et ils ajoutent : « Nous croyons que toutes les recherches faites jusqu'ici (1886) sur les microorganismes de la Péripneumonie, sans en excepter les nôtres, sont insuffisantes et à refaire. »
M. S. Arloing a trouvé quatre microbes dans les cultures ensemencées avec la sérosité pulmonaire obtenue par le raclage d'une coupe de tissu hépatisé, savoir : « 1° un bacille qui fluidifie promptement et complètement la gélatine; 2° un microcoque non fluidifiant, dont les colonies blanches ressemblent à des gouttes de bougie ; 3° un microcoque dont les colonies blanchâtres s'étalent en une couche mince qui se ride et se plisse en vieillissant; 40 un autre microcoque dont les colonies allongées ou circulaires prennent une belle teinte jaune orangé. Il nous parait certain, ajoute M. Arloing, que Lustig a isolé les deux premiers, mais il a dû observer, sous les nos 3 et 4, un mélange des noS 2, 3 et 4. Nous proposerons d'appeler le premier Pneumobacillus liquefaciens bovis, le second Pneumococcus gatta cerei,, le troisième Pneumococcus lichenoides, le quatrième Pneumococcus flavescens (1). »
En outre, M. Arloing a constaté « que le Pneumobacillus liquefaciens est celui dont les cultures produisent les phénomènes les plus analogues à ceux de la sérosité virulente fraîche », et que ce bacille se rencontre « dans tous les poumons malades, tandis que l'un des trois autres microbes manque quelquefois ; qu'il existe aussi dans les synovites métastatiques qui se développent loin de la tumeur sous-cutanée ; enfin, que les effets généraux de ses produits de sécrétion et de la sérosité pulmonaire filtrée sont semblables ».
Après ces premiers résultats, M. Arloing a renforcé la virulence du pneumobacille de la Péripneumonie bovine en inoculant la sérosité pulmonaire sous la peau du bœuf et puisant dans la tumeur sous-cutanée le liquide destiné à l'ensemencement des cultures; on a ensuite isolé de celles-ci, le pneumobacille, qui a été injecté de la sorte, à l'état de pureté, dans le poumon et la plèvre, ainsi
(1) Journal de méd. vét. et de zool. École de Lyon, 1889, p. 507.
que clans les veines du bœuf. Ces inoculations ont déterminé tantôt une vive congestion des poumons avec infiltration séreuse des espaces interlobulaires « comme dans les lésions récentes de Péripneumonie »; tantôt « un gonflement des ganglions bronchiques et médiastinaux » et « des altérations rosées ou blanchâtres répandues dans les deux poumons, avec de petits noyaux purulents qui répondent aux lésions assignées par les auteurs aux formes chroniques de la Péripneumonie épizootique », (Arloing.) Enfin, M. Arloing ayant injecté, « en trente-six heures, dans la jugulaire d'un bouvillon, 12 centimètres cubes de sérosité naturelle contenant le virus renforcé, l'animal présenta quelques jours plus tard, une localisation insolite, mais très importante : l'autopsie faite vingt-six jours après l'inoculation établit que les lésions des espaces interlobulaires et sous-pleuraux du poumon péripneumonique s'étaient développées dans le tissu conjonctif de la région crurale externe. De plus, un grand nombre d'ensemencements sur la gélatine, faits avec la sérosité de ces lésions, ne donnèrent que des colonies de Pneumobacillus liquefaciens.
Ainsi, dit en terminant M. Arloing, « il nous semble démontré, autant qu'on peut le faire en attendant que nous connaissions les conditions qui détermineraient une localisation pulmonaire, que le Pneumobacillus liquefaciens est bien l'élément vivant essentiel du virus de la péripneumonie contagieuse du bœuf ».
Étiologie. — Deux points sont à considérer dans l'étude étiologique de la Péripneumonie : ce qu'on appelle spontanéité de cette maladie et la contagion.
1° Spontanéité. —Lorsque la Péripneumonie se déclare dans une étable ou dans un herbage, elle se montre ordinairement sur un animal récemment acheté ou bien après l'introduction de cet animal dans l'étable; parfois cependant, elle apparaît sans qu'il soit possible d'attribuer son développement à la présence d'un animal malade ou suspect ; on dit alors que la maladie s'est développée spontanément. — Bien des causes ont été invoquées pour expliquer le développement, en apparence spontané, de la Péripneumonie contagieuse. On a avancéque cette maladie est originaire des pays de montagnes, où elle prendrait naissance par l'influence combinée de l'air pur et vivifiant de ces localités, d'une nourriture excitante et des variations atmosphériques devenues plus fréquentes depuis les déboisements ; toutes causes qui détermineraient des refroidissements, des arrêts de transpiration répétés et, finalement, la Péripneumonie contagieuse. Mais les travaux accomplis sur les maladies contagieuses dans ces dernières années ne permettent point d'admettre que ces causes puissent à elles seules déterminer la maladie dont il s'agit. On
conçoit très bien que la Péripneumonie contagieuse soit descendue des montagnes vers les plaines, mais en cela elle n'a fait que suivre les migrations du bétail. En outre, il est à remarquer que les bêtes bovines qui paissent dans les montagnes vivent en troupeaux, parfois très nombreux et de provenance très variée, de telle sorte qu'il est admissible que, parmi elles, quelques-unes soient affectées de la Péripneumonie contagieuse, sous cette forme larvée ou latente qui fait croire à la guérison. Dès lors, sous l'influence de brusques changements de température, la maladie reprend sa marche; de nouveaux cas se déclarent, et une épizootie apparaît.
Dans les pays de plaines, on a accusé tour à tour l'alimentation par les betteraves, les pommes de terre, les résidus de féculeries, d'amidonneries, de distilleries, etc.; la stabulation permanente, une lactation abondante et prolongée, un travail excessif, des arrêts de transpiration, etc. Mais aucune de ces causes banales ne peut à elle seule faire développer la Péripneumonie. Elles agissent seulement comme adjuvantes, en débilitant l'organisme et en augmentant ainsi sa réceptivité pour le germe morbide. Elles peuvent donc favoriser le développement et la propagation de cette maladie, mais non point la déterminer.
La justesse de cette conclusion est démontrée par l'historique ■des épizooties de Péripneumonie contagieuse, et sans entrer ici dans tous les développements que comporterait un pareil sujet, nous nons bornerons à faire remarquer que cette maladie, qui était cantonnée autrefois dans quelques régions isolées des montagnes du Piémont, de la Suisse, des Vosges, de la Franche-Comté, du Jura, du Dauphiné, de l'Auvergne, des Pyrénées, s'est dispersée lorsque, après 1789, les relations commerciales devinrent libres entre les différentes provinces de notre territoire, et qu'il fallut, pour l'approvisionnement des armées et les besoins du commerce, recourir au bétail des montagnes. Alors l'épizootie descendit des montagnes et se répandit dans les plaines où elle se propagea d'une manière d'autant plus prononcée que ses propriétés contagieuses furent plus longtemps méconnues. Ainsi, en 1822, elle s'est déclarée pour la première fois dans le département -du Nord à la suite de l'introduction de bêtes bovines venant de la Franche-Comté et destinées à l'engraissement. En 1840, elle a sévi avec intensité sur les vaches, en Normandie, dans les vallées de Bray et de Dieppe; et Delafond, qui l'a étudiée avec le plus grand soin sur les lieux mêmes, a constaté que c'est aux transactions commerciales qu'il faut attribuer l'apparition de la Péripneumonie dans des étables bien tenues et bien aérées « où jamais elle n'avait existé avant l'arrivée d'une ou de plusieurs vaches étran-
gères suspectes ou déjà malades, et où elle ne s'est pas manifestée. depuis ces fatales introductions ». Il serait facile de multiplier ces exemples, mais nous estimons qu'ils suffisent pour démontrer que les causes énumérées précédemment, qui sont de tous les temps et de tous les lieux, ne donnent point naissance à la Péripneumonie contagieuse, et qu'il n'est pour cette maladie qu'une seulecause déterminante connue : la contagion.
Contagion. — La contagion de la Péripneumonie du gros bétail, qui fut vivement contestée il y a quelque trente ans, est admise aujourd'hui par tous les praticiens. Ce sont les expériences de la Commission instituée en 1850 par Dumas, de l'Institut, alorsministre de l'agriculture, qui ont résolu cette question par l'affirmative. Ces expériences sont relatées avec détails dans le rapport général de feu H. Bouley, publié en 1854, dans le Recueil de médecine vétérinaire. Elles ont porté non seulement sur la contagion, mais encore sur les effets de l'inoculation préventive. Présentement, il suffit de reproduire les conclusions générales des expériences sur la cohabitation, faites sur 46 animaux de l'espècebovine :
1" La Péripneumonie épizootique des bêtes à cornes est susceptible de se. transmettre par 'voie de cohabitation des animaux malades aux animaux sains de la même espèce.
2° Tous les animaux exposés à la contagion par cohabitation ne contractent pas la Péripneumonie ; il en est, parmi eux, qui demeurent complètement réfractaires à l'action contagieuse (32,61 p. 100) et d'autres (21,83 p. 100 qui Réprouvent, sous son influence, qu'une indisposition légère et de peu de durée.
3° Parmi les animaux qui contractent la maladie, les uns guérissent (36,97 p. 100) et récupèrent après leur guérison toutes les apparences de la santé et les autres (8,69 p. 100) succombent.
4° Les animaux qui ne présentent que des symptômes d'une indisposition légère à la suite d'une première cohabitation, paraissent préservés par ce fait, à l'avenir, contre les atteintes de la Péripneumonie.
5° Les animaux qui ont été atteints une première fois de la Péripneumonie paraissent plus susceptibles de la contracter de nouveau.
Ajoutons que, d'après les observations recueillies par Delafond,. par M. Laquerrière et par divers praticiens, tant en France qu'à l'étranger, on peut dire que, sous toutes ses formes, dans tous ses. degrés, à toutes ses périodes, la Péripneumonie est contagieuse. Seulement, lorsque cette maladie se déclare dans une étable, il est parfois très difficile de déterminer par quelle voie la contagion s'est opérée, en raison de la marche insidieuse de la Péripneumonie et de la longue durée de sa période d'incubation. Et alors on invoque soit la spontanéité, soit l'inoculation. Nous avons vu précédemment ce qu'il faut penser de la première cause et nous
examinerons plus loin le rôle de la seconde en étudiant l'inoculation préventive.
Matières -virulentes. — L'élément contagieux de la Péripneumonie se trouve principalement dans la sérosité qui est contenuedans les sacs lymphatiques périlobulaires du poumon et plus généralement dans celle qui infiltre le tissu conjonctif périganglionnaire et parfois le tissu conjonctif sous-cutané. Le jetage nasal est également virulent. Les matières excrémentitielles, le sang, ne le seraient pas, du moins d'après plusieurs expériences de la commission Dumas. C'est ainsi que sur six vaches inoculées avec du sang, des matières excrémentitielles et du mucus nasal et qui ont été placées ensuite dans la même étable que des bêtes malades, trois seulement ont contracté la maladie, savoir : « Les deux qui ont été inoculées avec des matières excrémentitielles et une de celles qui furent inoculées avec du sang, tandis que les deux vaches inoculées avec le mucus nasal et une de celles qui furent inoculées avec du sang ne l'ont pas contractée. »
Il est à remarquer qu'en inoculant les diverses matières dont il vient d'être parlé, on n'a pas obtenu la Péripneumonie telle qu'on l'observe sous l'influence de la contagion naturelle, c'est-àdire caractérisée anatomiquement par l'hépatisation marbrée du tissu pulmonaire, mais bien un état morbide particulier conférant l'immunité aux sujets qui le présentent et impliquant par cela même une certaine spécificité de la matière inoculée. On a bien dit, il est vrai, que par l'inoculation de la matière pulmonaire on produisait la Péripneumonie telle qu'elle résulte de la contagion naturelle. Et, pour appuyer cette opinion, on a cité des expériences de Vix sur un taureau et une vache qui, inoculés avec un morceau de poumon péripneumonique déposé « sous la peau du fanon », moururent, l'un quinze jours et l'autre dix-huit jours après l'inoculation, et à l'autopsie desquels « l'état marbré des poumons existait à l'évidence ». Toutefois les résultats de ces expériences se sont produits dans un délai si bref, ils ont présenté une marche si rapide comparée à celle de la Péripneumonie et à la durée de sa période d'incubation que l'on peut très légitimement penser que les animaux sur lesquels Vix a opéré avaient été contaminés avant l'expérience dont ils ont été l'objet. Au coursd'une discussion qui eut lieu, en 1861, à la Société centrale de médecine vétérinaire, Delafond a fait observer qu'il est des cas « où la fluxion qui fait suite à l'inoculation fait son élection comme dans l'inoculation naturelle, dans les organes pulmonaires », et, à l'appui de son opinion il citait des inoculations faites par Chevrier (de Melun), à la suite desquelles « beaucoup
d'animaux succombèrent et, sur trois ou quatre, on a constaté des lésions pulmonaires et des exsudations à la surface des plèvres ». Ces faits sont exceptionnels, dit M. C. Leblanc, et nous pouvons ajouter qu'ils sont rapportés d'une manière trop sommaire pour démontrer que l'inoculation produit bien la Péripneumonie proprement dite; d'ailleurs, le défaut de renseignements sur la provenance des animaux inoculés, sur leur état sanitaire au moment de l'opération, leur enlève toute force probante.
Au Congrès sanitaire vétérinaire qui eut lieu à Paris en 1885, M. Heu, après avoir fait remarquer que la Péri pneumonie se transmet exclusivement par le mucus nasal projeté par l'ébrouement d'une bête malade, a communiqué le fait suivant :
Il y a longtemps, qu'à titre d'expérience et sur une vieille vache que j'avais achetée, j'apposai sur la pituitaire, du côté droit, à l'aide d'un fétu de paille, du mucus provenant du jetage d'une bête infectée ; six semaines après s'ensuivait la Péripneumonie qui enleva ma bête au bout de quinze jours. L'autopsie me fit voir une hépatisation double des poumons.
Si l'on compare cette unique expérience à celles de la Commission Dumas, mentionnées ci-dessus et surtout si l 'on réfléchit à la longue durée d'incubation de la Péripneumonie, aux formes variées et parfois si peu accusées de cette maladie, on sera amené à penser que cette expérience n'est point concluante : l'auteur n'ayant indiqué ni la provenance, ni l'état de santé de l'animal qui en a été l'objet.
Il n'est point démontré non plus que la viande d'un animal péripneumonique puisse communiquer cette maladie, quoi qu 'en ait dit Zundel. La même réflexion s'applique à la transmission de la Péripneumonie par le lait. M. Heu a cependant annoncé qu 'il avait observé des cas de ce genre sur deux veaux âgés de trois mois qui ont succombé. Et les docteurs Dupré et Lécuyer ont publié deux observations tendan t à démontrer la virulence du lait des vaches péripneumoniques ; deux enfants, qui avaient bu du lait d'une vache présumée atteinte de Péripneumonie, sont morts de pneumonie à forme méningée et foudroyante.
La vache qui avait fourni ce lait, s'étant parfaitement rétablie, — du moins en apparence, — des expériences furent faites par une commission nommée par la Société de médecine vétérinaire pratique, qui avait été saisie de la question par M. Randou. Elles ont porté sur le veau, issu de cette vache et sur des porcelets, des cobayes, des lapins qui ont bu le lait de la vache dont il s 'agit; l'autopsie de ces animaux a montré que tous leurs organes étaient sains. Mais on n'indique pas la quantité de lait ingérée par ces animaux, ce qui diminue l'intérêt de ces expériences. D 'autre
part, l'autopsie de la vache dont il s'agit a montré dans le poumon des lésions qui ont été attribuées à la Péripneumonie. Toutefois, elles ont été décrites de telle manière par le rapporteur (1) que, suivant nous, elles se rattachent plutôt à la tuberculose qu'à la Péripneumonie. Et sans vouloir nous livrer ici à un examen critique que ne comporte pas la nature de cet ouvrage, nous pensons qu'il n'est point prouvé que le lait des vaches péripneumoniques puisse communiquer la Péripneumonie à l'homme, attendu que, s'il en était ainsi, les cas observés par MM. Dupré et Lécuyer ne resteraient pas isolés, vu la fréquence de la Péripneumonie chez les vaches laitières.
Mais on a encore avancé que les bêtes inoculées de la Péripneumonie pouvaient transmettre cette maladie. (Reynal, Cagny.) Cette opinion a été infirmée par des expériences récentes et bien conduites, dont il sera parlé en étudiant l'inoculation préventive. Et, pour conclure sur ce sujet, nous dirons que, dans l'état actuel de la science, on ne peut pas affirmer qu'en inoculant les matières réputées virulentes, on transmette une maladie semblable à celle qui se développe par contagion naturelle.
Durée de l'activité virulente. — A cet égard, les expériences de M. Pasteur sur l'inoculation de la Péripneumonie contiennent quelques données précises que nous exposerons en étudiant ce moyen préventif. Pour le moment nous nous bornerons à dire que, suivant Zundel, « le foin, la paille, le fumier imprégnés du produit des exhalaisons, des sécrétions des malades » conserveraient les virus « pendant trois ou quatre mois » et Furstenberg, cité par l'auteur précité, rapporte « des cas péremptoires où du foin pris dans une étable infectée a encore communiqué la maladie après neufmois. Une étable qui a été habitée par une ou plusieurs bètes péripneumoniques, un wagon de chemin de fer qui a servi au transport des malades, conserve le virus pendant très longtemps — trois à quatre mois — si l'on n'a pas eu le soin de bien désinfecter. » (Zundel.) On voit que nous ne possédons sur cette question que des données approximatives et peut-être même erronées.
Circonstances dans lesquelles la contagion s'effectue. La contagion de la Péripneumonie s'exerce dans diverses circonstances que nous allons passer en revue.
1° Contagion par cohabitation. — Elle a lieu quand des animaux malades et des animaux sains sont placés dans la même étable, dans le même wagon ou plus généralement dans le même
(1) Bulletin de la Société de méd. vét. pratique, séance du 14 octobre 1885, p. G27.
véhicule de transport. La cohabitation est un mode complexe de contagion dans lequel la pénétration des germes dans l'économie peut se faire par les voies respiratoires et par les voies digestives. On a admis pendant longtemps que l'air expiré par les animaux malades formait autour d'eux une sorte d'atmosphère contagieuse qui infecterait les autres animaux de l'étable et H. Bouley rapporte que M. Chauveau a réussi à transmettre la Péripneumonie en se servant « de l'appareil instrumental imaginé par Renault pour reconnaître si la morve était susceptible de se transmettre à distance », c'est-à-dire « un tuyau de toile serrée, long de 3 à 4 mètres » (1). Mais les expériences de Tyndall (1876) ont démontré que l'air expiré ne renferme point de germes, qu'il est optiquernent pur. Tout récemment (5 décembre 1887),. MM. Straus et Dubreuilh ont vérifié par les méthodes bactériolologiques le fait physique signalé par Tyndall; ils ont constaté que l'air, à sa sortie du poumon, renferme moins de microbes qu'à son entrée. Cet organe fait donc office de iiltre pour les microorganismes, comme le pense Lister. D'autre part, les recherches 'expérimentales relatives à la transmission de diverses maladies contagieuses par l'air expiré : morve, charbon, clavelée, tuberculose, ont donné des résultats négatifs. (Cadéac et Malet.) Parconséquent, dans un espace clos, la respiration, tout en apportant son contingent de gaz toxiques ou irrespirables tend à purifier l'air des microbes qu'il contient. « Cette donnée n'infirme en rien le fait constaté depuis longtemps par MM. Pasteur, Lemaire, Miquel, etc., à savoir que les microbes sont très abondants dans l'air des salles encombrées (salles d'hôpital, casernes). L'acte de la respiration n'est pour rien dans ce phénomène ; ce n'est pas par l'air qu'ils expirent, par leur haleine, que les hommes agglomérés chargent l'air ambiant de microbes, c'est par leurs vêtements, par les poussières que leurs mouvements occasionnent, par leur expectoration desséchée sur le plancher et soulevée plus tard sous forme pulvérulente, que s'effectue la dissémination des microbes dans l'air. » (Straus et Dubreuilh.) Et ces conclusions nous paraissent susceptibles d'être appliquées à la contagion péripneumonique. Il est certain, en effet, que l'atmosphère dans laquelle vivent les animaux péripneumoniques n'est pas contaminée par leur respiration, mais il est présumable qu'elle l'est par les germes contenus dans les poussières des étables infectées. Ces germes proviennent des produits de sécrétion — bave, jetage — et peut-être même des produits d'excrétion des animaux malades.
(1) Discours de l'Académie de médecine, 4 octobre 1881 et Recueil de médecine vétérinaire, 1882, p. 223.
On est également porté à penser — en raison de la localisation des lésions dans les poumons et les plèvres — que la transmission s'opère surtout par l'air chargé de germes péripneumoniques. On s'est même demandé si la force avec laquelle l'air inspiré entre dans les poumons, la compression qu'il subit lors de l'expiration, le renouvellement continu des cellules épithéliales formant le vêtement interne des vésicules pulmonaires, ne favoriseraient pas la pénétration des corpuscules germes dans le tissu connectif sous-épithélial. (Delamotte.) Quoi qu'il en soit, le rôle des voies respiratoires dans la contagion péripneumonique reste à démontrer; tout ce que l'on sait d'une manière certaine sur ce sujet, se résume en ceci : lorsque la Péripneumonie règne dans une étable, elle ne se déclare pas tout d'abord sur la bête placée immédiatement à côté de celle qui est malade, mais bien sur une autre, à. l'extrémité de l'étable. Il semble donc que le principe contagieux de la Péripneumonie puisse se disséminer dans l'atmosphère qui servirait de véhicule à la contagion.
Mais lorsque des animaux malades et des animaux sains habitent la même élable, l'infection peut aussi avoir lieu par les voies digestives, parles litières ou les fourrages salis par le jetage ou la bave des bêtes malades, par les seaux, les baquets communs et encore par les contacts fréquents que les animaux ont entre eux, soit qu'ils se lèchent, soit qu'ils se flairent, bien que sur ce point, les données précises fassent défaut. Des expériences ont bien été commencées à. Alfort « pour apprécier les effets de l'ingestion du liquide pulmonaire dans les voies digestives » et étudier « l'action préservatrice qui pouvait s'ensuivre ». Malheureusement la guerre de 1870 a tout interrompu. (H. Bouley.) La ' contagion peut également s'opérer dans un wagon, lorsque des animaux de provenance parfois très variée, sont placés côte à côte, comme cela se présente encore sur un champ de foire, sur un marché, et plus généralement dans toutes les circonstances où le bétail est rassemblé. On a avancé que la Péripneumonie se transmet par l'accouplement sous le même joug d'un animal sain avec un animal malade. (Yvart.)
2° Contagion dans les herbages. — Lorsque dans une pâture se trouvent une ou plusieurs bêtes atteintes de Péripneumonie, on a observé que cette maladie est susceptible de se transmettre aux autres animaux. (Lecoq, Delafond, Yvart, etc.)
Quelle que soit la voie par laquelle s'opère l'infection, qu'elle ait lieu par l'appareil digestif, par l'appareil respiratoire ou bien par le contact des animaux entre eux, toujours est-il qu'elle est incontestable. Delafond a même remarqué que la contagion s'effectue lorsque des bêtes malades se trouvent dans des pâturages
séparés seulement par un simple barrage de ceux sur lesquels sont placés des animaux sains.
3° Contagion par les débris cadavériques. — Delafond a rapporté, dans son Traité sur la maladie de poitrine du gros bétail, plusieurs faits tendant à prouver « que les débris cadavériques provenant de bêtes bovines atteintes de la Péripneumonie ont transmis cette maladie à d'autres bêtes — au nombre de 64 — qui en avaient respiré les émanations, soit dans des cours ou enclos, soit dans des herbages ». On admet que ce sont principalement les poumons et la trachée qui renferment les germes morbides, bien qu'il n'existe, comme on l'a vu précédemment, aucune expérience établissant clairement que l'inoculation de la sérosité qui infiltre le tissu pulmonaire, ou de ce tissu lui-même ait donné la Péripneumonie telle qu'on l'observe sous l'influence de la contagion naturelle.
Cependant, on s'est demandé si des morceaux de poumon introduits dans les étables, pour l'inoculation préventive de la Péripneumonie, ne seraient pas capables d'engendrer cette maladie. Plusieurs observations et expériences faites par divers praticiens — M. Verrier, M. Delaforge notamment — portent à penser que cette question doit être résolue par la négative.
Ce dernier praticien fut consulté par un cultivateur qui avait dans la même étable 14 vaches non inoculées, afin de déterminer la nature d'une quinzaine de corps étrangers trouvés dans la mangeoire de son étable : c'étaient des « cuboïdes depuis le volume d'un dé à jouer jusqu'à celui d'une petite pomme » constitués par « des morceaux hépatisés de poumon péripneumonique jetés là par malveillance ». Bien que ces débris cadavériques eussent été flairés par les vaches précitées, aucune d'elles ne contracta la Péripneumonie.
Singulièrement intrigué par cet événement, dit M. Delaforge, je pris immédiatement la résolution de renouveler l'expérience. A cet effet, je jetai dans la mangeoire de mes étables, renfermant 9 vaches à demi grasses, une quarantaine de petits morceaux de poumon péripneumonique, d'origine contagieuse absolument certaine : ces fragments séjournèrent vingt-quatre heures pendant lesquelles mes bêtes eurent tout le loisir de les flairer, de les rouler et de les mélanger avec leurs aliments.
Quatre vaches partirent le vingt-huitième jour; trois le quarante et unième jour et deux le soixante-troisième jour après l'introduction de morceaux de poumon. Pas une seule ne m'a inquiété.
Plus tard, sur onze remplaçantes arrivées à un certain degré d'engraissement, dans le but bien entendu de rendre la perte moindre en cas d'accident, je procédai ainsi :
Avec un poumon péripneumonique de provenance connue, je badigeonnai fortement et à différentes reprises l'intérieur et l'extérieur des mangeoires ainsi que les murs de face à la hauteur d'environ un mètre; puis je semai des fragments de l'organe malade, non seulement dans les mangeoires, mais encore le long de la maçonnerie de soutènement. Le nettoyage eut lieu trois jours après.
Une bête partit le dix-neuvième jour ; deux le vingt-sixième jour ; quatre
le trente-septième jour; une le cinquante-septième jour; les autres après quatre-vingts jours. Péripneumonie, néant.
Enfin, l'année suivante, je recommençai sur treize vaches, comme il vient d'être indiqué en dernier lieu, avec cette différence aggravante en apparence, que je semai mes fragments partout dans les étables, et que sur cinq ou six bêtes, j'allai jusqu'à badigeonner le mufle et le pourtour des naseaux. Le nettoyage ne fut fait que le sixième jour.
De ces treize bêtes, aucune ne sortit avant le quarante-huitième jour, et la dernière partit le quatre-vingt-douzième jour. De Péripneumonie, toujours point.
De ses expériences, M. Delaforge ne conclut pas que la Péripneumonie ne peut se transmettre par les débris cadavériques; il estime seulement, avec juste raison, qu'elles sont de nature à faire réfléchir sur les voies de propagation de cette maladie et à provoquer ainsi de nouvelles expériences. Telle est aussi notre opinion.
4° Contagion par les animaux convalescents. — Divers observateurs : Ernst, Delafond, Gerlach, ont constaté des cas de transmission de la Péripneumonie par des animaux qui, en apparence, paraissaient en voie de guérison. Ces faits concordent avec la marche insidieuse de cette maladie et la persistance des lésions, qui sont compatibles avec les signes extérieurs de la santé.
5° Contagion par les personnes, par les objets de pansage. — Elle est des plus douteuses. Verheyen a cependant rapporté deux faits de contagion par des personnes qui avaient touché des bêtes malades, soit pour leur donner des soins, soit pour les visiter attentivement. Delafond, qui rapporte ces faits, ajoute qu'il n'a jamais eu occasion de faire une semblable remarque. J'ai vu, dit-il, et touché beaucoup de bêtes à cornes malades, j'ai examiné et exploré ensuite des bêtes saines dans d'autres étables et je n'ai jamais vu ces dernières devenir malades. Tout fait présumer, disent les auteurs du Dictionnaire général de médecine et de chirurgie vétérinaires, publié en 1850 à l'école de Lyon, que les hommes, les ustensiles, etc., ne peuvent transporter la maladie d'un animal à un autre. Et cette présomption est confirmée par des expériences de M. Rossignol, démontrant que l'on peut, sans danger, se servir de la même étrille et de la même hrosse pour des animaux inoculés et des sujets sains.
6° Contagion par le commerce du bétail. — Tous les praticiens qui ont écrit sur la Péripneumonie, reconnaissent que le commerce constitue une cause puissante de dispersion de cette maladie. En effet, lorsqu'elle se déclare dans une étable, le propriétaire s'empresse de vendre les animaux qui ont cohabité avec les bêtes malades, afin de prévenir les pertes que la Péripneumonie détermine. Et ce ne sont pas seulement les animaux suspects
qui sont conduits en foire, mais encore ceux que l'on croit guéris, ■chez lesquels la maladie a simplement subi un temps d'arrêt. Il est facile de comprendre que ces animaux transmettront la maladie à ceux qui se trouveront dans l'étable où on les introduira ,et qu'elle se propagera ainsi de plus en plus, surtout si le second acquéreur imite le premier. Alors l'unité peut devenir légion si on n'applique pas des mesures de police sanitaire.
Circonstances qui influent sur la contagion. — 1° Influence de l'espèce animale. — La Péripneumonie contagieuse est une maladie qui est particulière aux animaux de l'espèce bovine, •comme le donne à entendre la dénomination de Pél'ipnewnonie contagieuse du gros bétail sous laquelle on la désigne. On a observé parfois sur le porc une maladie épizootique ayant quelque analogie avec la Péripneumonie, par les lésions pulmonaires (Saussol, Trasbot, Dr Ki'ein). On l'a assimilée et confondue, jusque dans ces ■derniers temps, avec le rougetdu porc. Mais les récentes recherches de MM. Cornil et Chantemesse démontrent qu'il s'agit d'une maladie infectieuse, générale, microbienne, se terminant par une Péripneumonie fibrineuse presque toujours mortelle (1). Néanmoins l'espèce porcine est considérée comme réfractaire à la Péripneumonie du gros bétail et il n'est pas à ma connaissance que cette .maladie ait été transmise par un animal de cette espèce. Au surplus, les tentatives que le Dr Willems a faites pour inoculer la Péripneumonie à divers animaux : lapins, poules, dindons, chiens, chèvres, moutons, porcs, ont toujours été infructueuses. Les expériences qui ont été faites ensuite, notamment par M. Rossignol, à Pouilly-le-Fort, démontrent que la Péripneumonie ne se transmet ni au bouc, ni à la chèvre, et celles que nous avons faites à Toulouse, sur des moutons et des lapins — inédites jusqu'à ce jour et que nous citions seulement dans notre cours — nous ont également donné des résultats négatifs.
Il est à remarquer que, dès 1832, le docteur Willems avait constaté « que le liquide virulent, introduit sous l'épiderme des hommes, n'y produit aucun accident », et qu'il n'a « évidemment d'action que sur les grands ruminants ».
Dans ces derniers temps, les docteurs Dupré et Lécuyer ont avancé que le lait des vaches atteintes de Péripneumonie contagieuse avait communiqué à deux enfants une pneumonie mortelle. ■Ce fait — comme nous l'avons dit précédemment — ne doit être accepté qu'avec la plus grande réserve, quant à la cause à laquelle il a été attribué. Il est de nature à provoquer des expériences et il serait prématuré d'en conclure d'ores et déjà que le lait des
(1) Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 19 décembre 188i.
vaches péripneumoniques est virulent surtout pour notre espèce.
2° Influence de la race et de l'âge. — On considère la race Durham comme plus sensible au virus péripneumonique que les autres ; on admet qu'il en est de même, mais à un moindre degré, de la race hollandaise ; toutefois sur ce point — comme sur d'autres de la contagion péripneumonique — les données que nous possédons ne permettent pas de conclure sans réserve.
L'âge paraît exercer une certaine influence sur la contagion de la Péripneumonie. Ainsi, d'après les observations recueillies en Auvergne par Yvart, cette maladie sévirait « avec beaucoup plus d'intensité sur les vaches laitières et sur les veaux de lait, que sur les jeunes bêtes, qui sont dans leur deuxième ou leur troisième année ». Sous ce rapport, la Péripneumonie développée par contagion naturelle différerait encore de la maladie communiquée par l'inoculation préventive. Ainsi, M. Willems déclare que l'inoculation n'a « aucune influence funeste sur les vaches laitières » et que « le virus inoculé à plusieurs veaux, depuis l'âge de quelques jours jusqu'à celui de six mois, n'a pas produit des phénomènes morbides apparents ». Et M. Delamotte a constaté « que les jeunes veaux ne dépassant pas l'âge de six mois ne présentent jamais de complications graves par l'inoculation préventive ».
3° Influence du régime et des habitations. — On a avancé que l'alimentation avec des résidus de distilleries, de sucreries, de brasseries, pouvait déterminer la Péripneumonie. Étant donnés le caractère contagieux de cette maladie, sa marche insidieuse, ses formes variées, la longue durée de sa période d'incubation, et surtout les fréquentes mutations de bétail qui s'opèrent dans les étables des distillateurs ou engraisseurs — qui nourrissent leurs animaux avec les résidus précités — nous pensons que l'influence de l'alimentation a été exagérée. « II est possible que cette cause favorise le développement de la Péripneumonie; cela semble même résulter de nombreuses observations faites dans le nord de la France; on cite, dit Loiset, des étables où la maladie aurait cessé de sévir à la suite de changements apportés au régime alimentaire pour reparaître aussitôt que la nourriture première était de nouveau donnée(l). » Et M. Degive a mentionné, dans son rapport sur la Péripneumonie contagieuse, au Congrès de Bruxelles, un fait analogue. Le régime des pulpes, comme le dit M. Viseur, paraît donc favoriser le développement de la Péripneumonie. Mais il est clair que la part d'influence qui lui revient dans la pathogénie de la maladie dont il s'agit, ne peut être déterminée avec quelque précision que par des expériences ou observations
(1) Traité de la police sanitaire des animaux domestiques, par J. Reynal.
comparatives. La même réflexion s'applique à l'influence des habitations qui était considérée comme dominante dans l'ancienne étiologie de laPéripneumonie. En Auvergne, Yvart a même remarqué que, dans des étables dont les dimensions étaient telles que « chaque tête de bétail habitait dans 13 à 14 mètres cubes » et dans lesquelles « l'air était renouvelé par des portes et des ventilateurs percés au travers des murs », les malades étaient aussi nombreux et la mortalité aussi grande que dans les étables présentant des conditions opposées. Il n'en conclut pas cependant que l'insalubrité des habitations n'exerce aucune action sur le développement de la Péripneumonie, car il rappelle, à ce sujet, les études de Loiset (de Lille), tendant à démontrer que « cett-e maladie reconnaît pour cause l'insuffisance de la quantité d'air contenue dans les habitations ». Mais la véritable influence des habitations dans la propagation de la Péripneumonie procède surtout du nombre d'animaux qu'elles renferment. Quand on songe, dit M. Sanson, qu'il suffit de l'introduction d'un seul animal pour infecter tous les autres, non seulement on ne saurait se montrer trop prudent pour les nouvelles introductions, mais encore devrait-on bien sentir la nécessité de diminuer ces risques, en réduisant autant que possible la population d'une étable (i).
4° La Péripneumonie peut-elle se transmettre au foetus ? Delafond a rapporté plusieurs observations recueillies par divers praticiens — Hilfelhelseim, Clément, Dieterichs — tendant à démontrer que la Péripneumonie peut se transmettre au fœtus. A ces observations, Delafond ajoute celles qu'il a faites lui-même et décrites dans les termes suivants :
11) Sur dix poumons de fœtus provenant d'avortements de vaches atteintes de phthisie péripneumonite, huit présentaient dans plusieurs parties, soit d'un seul, soit des deux poumons, des lobules pulmonaires rougeâtres, durs, se déchirant facilement et constituant déjà de véritables pneumonies lobulaires à l'état sous-aigu.
2° Sur dix-sept poumons de foetus provenant de bêtes sacrifiées, atteintes de la phthisie péripneumonite incurable, et dont les poumons étaient hépatisés, gris, blancs et tuberculeux, douze avaient des pneumonies lobulaires présentant tous les caractères d'une phlegmasie sous-aiguë ; deux seulement offraient quelques points blanchâtres, lenticulaires, durs, non enkystés, que j'ai pris pour des tubercules naissants.
3° Sur vingt-cinq veaux âgés de quinze jours à deux mois provenant de vaches atteintes de pleuropneumonite sous-aiguë ou chronique constatée, soit pendant la vie, soit après la mort, dix ont été atteints de Péripneumonie sous-aiguë et chronique et en sont morts après avoir été de vingt à quarante jours malades, parmi lesquels huit qui ont été ouverts ont présenté tons les désordres de la Péripneumonie : les quinze autres ont été vendus et perdus
(1) hygiène des a:?:!'MMM.K domestiqzies, p. 14 1.
de vue. Je m'empresse de dire que ces vingt-cinq veaux n'avaient point cessé depuis le moment de leur naissance de cohabiter avec leur mère et d'en sucer le lait pendant plus ou moins longtemps.
On voit que ces faits comprennent deux séries : dans la première, il s'agirait exclusivement de la transmission congénitale de la Péripneumonie ; dans la seconde, il y aurait en outre possibilité de contamination après la naissance, par la cohabitation et par le lait.
Sur les faits de la première série, il faut remarquer qu'il ne s'agit pas de la Péripneumonie simple, mais bien compliquée de tuberculose ; dès lors, leur signification devient très contestable, car on a pu prendre des lésions de pneumonie tuberculeuse pour celles de la Péripneumonie vraie. En outre, ces faits ne laissent pas que d'être surprenants si l'on réfléchit à la très grande rareté de la tuberculose chez le veau.
Yvart ne mettait pas en doute la transmission de la Péripneumonie au fœtus; il considérait ce fait comme incontestable et, à l'appui de son opinion, il écrivait les lignes suivantes :
M. Anglade, vétérinaire à Rodez, m'a déclaré que les fœtus des vaches avortant pendant qu'elles étaient malades présentaient, pour la plupart, les lésions caractéristiques de la Péripneumonie, notamment l'épanchement pleural et la formation de fausses membranes.
Tous les vétérinaires que j'ai consultés sont d'ailleurs d'accord sur ce point. M. Colrat, grand propriétaire, m'a assuré avoir fait la même observation.
M. Reynal déclare, dans son Traité de police sanitaire, qu'il a lui-même recueilli « un assez grand nombre de faits semblables ».
D'autre part, on lit le passage suivant dans le rapport des vétérinaires militaires sur la Péripneumonie bovine dans les BassesPyrénées :
Nous avons toujours eu le soin d'ouvrir les fœtus des vaches pleines que la Péripneumonie nous obligeait à faire abattre, et nous n'avons point découvert de lésions spécifiques dans les poumons de ces êtres embryonnaires, quel que fût leur degré de développement.
La transmission de la Péripneumonie de la mère au fœtus n'est donc pas constante et il serait à désirer que de nouvelles observations fussent publiées.
Quant aux faits de la deuxième série rapportés par Delafond, ils tendraient plutôt à établir la transmission de la Péripneumonie par la cohabitation et par l'usage du lait que par la voie intra-utérine. Au surplus, sur ce point, comme sur le précédent, il y a lieu de se livrer à de nouvelles recherches.
Immunité. — Yvart a établi péremptoirement, dès 1851, par denombreuses observations recueillies dans le Cantal, l'Aveyron et la Lozère, que la Péripneumonie contagieuse, de même que la clavelée et d'autres maladies virulentes, n'attaque pas deux fois le même animal. Il en résulte, ajoute-t-il, que les propriétaires. qui ont des animaux malades, ou qui en ont eu récemment; que. tous ceux, en un mot, qui craignent le développement de la maladie, préfèrent les animaux bien guéris à ceux qui n'ont jamais. été malades. « Ainsi, des vaches guéries peuvent se louer pour la. saison ou se vendre plus cher que des vaches n'ayant pas eu la Péripneumonie » (Yvart). Et le même observateur a constaté que. l'immunité, qui est ainsi acquise par contagion naturelle, peut durer trois et même quatre ans.
On a vu ci-dessus que la Commission Dumas a établi expérimentalement, d'une part, qu'il est des animaux réfractaires à la Péripneumonie et, d'autre part, que l'évolution de cette maladie confère l'immunité aux animaux qui en guérissent et même à ceux qui n'ont présenté « que des symptômes d'une indisposition légère à la suite d'une première cohabitation ». M. Reynal déclare. qu'il a constaté ce fait « un grand nombre de fois », notamment. sur des vaches qui avaient été atteintes de la Péripneumonie trois a.ns avant d'être exposées de nouveau à la contagion de cette maladie.
Par l'inoculation de la sérosité pulmonaire, on confère généralementl'immunitépéripneumonique ; nous reviendrons d'ailleurs sur ce sujet en étudiant l'inoculation préventive.
Période d'incubation. — Delafond a recueilli deux séries d'observations sur cette question si importante au point de vue de la police sanitaire. Dans une première série, qui comprend: cinquante faits « dans lesquels le moment de l'exposition à la contagion était connu et l'époque du développement dela maladie, bien constatée », le temps d'incubation a varié de six à soixante jours. Dans une deuxième série d'observations comprenant vingt et un faits, Delafond a fait connaître le temps qui s'était écoulé « entre le moment de l'exposition à la contagion et l'instant de l'acquisition » de la bête qui a introduit la Péripneumonie dans une étable, tout en ayant les. apparences de la santé. Or, ce temps a varié de trois à quatre-vingt-dix jours.
Yvart a signalé des faits dans lesquels la durée de la période d'incubation a été de deux mois, deux mois et demi et même trois mois.
Dans le cours des expériences faites par la Commission française, en 1851, à Alfort et à Rambouillet, nous avons vu, dit M. Reynal, des vaches contracter la Péripneumonie au bout de
soixante-sept jours de cohabitation. Et cet auteur ajoute: ce terme peut aller jusqu'au quatre-vingt-dixième jour, ainsi que nous l'avons constaté sur des vaches qui avaient été isolées par nos soins pendant ce laps de temps ; elles importèrent la contagion dans une étable qui contenait une soixantaine d'animaux. « Le professeur Gamgée assigne à la période d'incubation une durée aussi longue que celle que nous avons reconnue nous-même. D'après cet auteur, la pleuropneumonie aurait apparu au bout de trois mois, en Australie, communiquée par des animaux importés de la Hollande. On sait que la traversée de ce pays au cap de Bonne-Espérance et à Melbourne est d'environ trois mois(l). »
Pronostic. — La longue durée de la période d'incubation de la Péripneumonie, ses formes variées, ses propriétés contagieuses, sont autant de circonstances qui aggravent le pronostic. Ajoutons que la mortalité qu'elle produit est, en général, de 25 à 30 p. 100. Cette mortalité est susceptible de varier suivant la période à laquelle l'épizootie est arrivée, les années pendant lesquelles elle sévit. C'est ainsi qu'elle est beaucoup plus forte quand la maladie commence à se déclarer que lorsqu'elle existe depuis un certain temps; toutefois, elle ne descend guère au-dessous de 10 p. 100, et parfois elle s'élève à 40, 50, 68 et même 77 p. 100, comme Yvart l'a constaté en Auvergne. On considère la Péripneumonie contagieuse comme l'un des fléaux les plus redoutables de l'agriculture. La marche insidieuse de cette maladie, son apparition, au moment où l'on croyait en être débarrassé, ses effets sur l'organisme, l'amaigrissement qui en est la conséquence, les pertes de lait, l'impossibilité dans laquelle on se trouve d'employer les animaux pour le travail et la mortalité qu'elle détermine, justifient amplement la gravité du pronostic.
Traitement. — Il est préventif ou curatif. Nous parlerons d'abord ce ce dernier.
1. TRAITEMENT CURATIF. — Il n'a qu'une importance très secondaire, car, d'une part, il est bien préférable d'inoculer préventivement les animaux, comme on le verra ci-après, et, d'autre part, il est généralement plus économique de livrer d'emblée l'animal malade à la boucherie que de courir les chances d'un traitement -des plus incertains; attendu que lorsque les symptômes de la maladie sont assez prononcés pour qu'on puisse la reconnaître, les lésions sont déjà fort étendues. D'ailleurs, notre législation prescrit l'abatage des animaux malades. (Art. 9 de la loi du 21 juillet 1881.) Pour ces motifs, nous nous bornerons à exposer quelques données générales qui ne sont applicables que dans le cas de suspi-
(1) J. Reynal, Trailé de police sanitaire, p. 434.
cion de Péripneumonie, et après avoir préalablement isolé le sujet que l'on se propose de traiter et avoir fait la déclaration à l'autorité administrative. (Art. 3 de la loi précitée.)
Divers moyens ont été recommandés : la saignée, les révulsifs externes comme les sinapismes, l'application de pommade stibiée, l'emploi du séton au fanon ou de trochisques. Mais Delafond a fait remarquer depuis longtemps que, dans le cas où le propriétaire se déciderait à vendre son animal pour la boucherie, l'emploi du séton ou des trochisques est des plus nuisibles, car l'engorgement que cet exutoire détermine et qui persiste souvent pendant longtemps déprécie les animaux.
On a prétendu que cet engorgement préserve les animaux de la maladie, de mème que celui qui résulte de l'inoculation de la sérosité péripneumonique. C'est une erreur dont l'observation a fait justice.
A l'intérieur, un grand nombre de médicaments ont été conseillés : le vinaigre sternutatoire, le sulfate de soude, l'émétique, le sulfure noir de mercure, l'eau de goudron, le sulfate de fer, l'essence de térébenthine, l'alcool, l'acide arsénieux, des remèdes homœopathiques, l'hyposulfite de soude, etc. Mais une pratique éclairée a démontré qu'aucun de ces agents ne possède, comme on s'était trop hâté de l'annoncer, de vertus spécifiques, et qu'en définitive, le traitement réputé curatif est plus nuisible qu'utile, en ce sens qu'il est toujours long et onéreux ; que les animaux que l'on y soumet sont plus dangereux que ceux qui sont malades, car la guérison n'est souvent qu'apparente et l'on est porté alors à les placer, sans défiance, à côté d'animaux sains auxquels ils communiquent ainsi la Péripneumonie.
II. TRAITEMENT PRÉVENTIF. — Il comprend des précautions hygiéniques, divers moyens réputés préservatifs, l'inoculation préventive proprement dite et les mesures de police sanitaire.
1° Précautions hygiéniques. — On conçoit, par analogie avec ce que l'on observe dans d'autres maladies contagieuses, que la contagion péripneumonique puisse avoir moins de prise sur des animaux placés dans de bonnes conditions hygiéniques que si leur tempérament est an'aiblipar une nourriture insuffisante, un travail excessif, des gestations multipliées et une lactation prolongée. Signaler ces causes, c'est indiquer comment on peut y remédier, en théorie. Mais, en pratique, la chose n'est pas aussi simple et sans perdre de vue les avantages d'une bonne hygiène sur la santé et la rusticité des animaux, le praticien doit surtout chercher à prévenir la contagion, en s'inspirant des circonstances dans lesquelles elle a lieu et qui la favorisent. Parmi ces circonstances, l'agglomération des animaux dans les étables,les conditions dans
lesquelles s'effectue la dépaissance dans les pâturages des montagnes, sont celles que l'on peut espérer modifier par des conseils judicieux, abstraction faite des mesures de police sanitaire que nous étudierons plus loin et qui s'appliquent d'ailleurs à un autre ordre de causes. Ainsi limitée, la question de la préservation de la Péripneumonie n'en présente pas moins une réelle importance, comme en témoignent les observations d'Yvart (1), et desquelles il concluait que toutes les fois que les herbagers des montagnes de l'Auvergne peuvent clore leurs pâturages sans nuire à leurs dispositions essentielles : l'air, l'abri et l'eau, « il est extrêmement utile qu'ils se livrent à cette opération ». Non seulement, ajoutait cet observateur, elle peut avoir pour effet de les débarrasser de la désastreuse épizootie qui leur fait le plus grand mal ; mais elle leur permettrait quelquefois de faire des irrigations et dans tous les cas de diriger leurs troupeaux comme bon leur semblerait.
En ce qui concerne l'agglomération des bestiaux dans les étables ou l'habitude qui existe de mettre, dans une seule étable, les bœufs, les vaches et les veaux, il y a évidemment des frais plus considérables à faire pour loger la population bovine d'une étable par groupes séparés et la question se complique d'un motif d'économie qu'il faut bien peser. « Mais en considérant l'influence incontestable de l'agglomération sur la mortalité par contagion ou autrement, on arrive à se convaincre que ces frais une fois faits sont en définitive un 'excellent placement de capitaux. » (A. Sanson.)
On a aussi conseillé de placer dans une étable isolée le bétail récemment acheté et de le soumettre ainsi à une quarantaine dont la durée serait de « deux mois ». (Rapport de M. Reynal à la Société centrale de médecine vétérinaire, 1862.) A l'expiration de ce délai, ce bétail prendrait « place au milieu du bétail de la ferme ». Évidemment, cette quarantaine, quand elle est possible, constitue une bonne précaution, mais on conçoit bien qu'elle peut imposer de lourdes charges et qu'en définitive, dans les pays où les étables contiennent beaucoup d'animaux, 60, 80 et plus, on lui préfère l'inoculation préventive comme on le verra ci-après.
2° Moyens réputés préservatifs. — Parmi les moyens réputés préservatifs de la Péripneumonie, il en est deux qui ont eu une certaine vogue : le sulfate de fer et le séton au thorax ou le trochisque d'hellébore au fanon. Nous ne nous attarderons pas à examiner longuement ces préservatifs, qui ont eu des partisans
(1) Voir Recueil de médecine vétérinaire, 1851, p. 352 et suivantes.
enthousiastes et des détracteurs non moins ardents, à une époque où l'on croyait résoudre les questions les plus délicates de thérapeutique ou de prophylaxie par des affirmations absolues reposant sur des observations faites parfois de parti pris, sans se préoccuper des données que l'expérimentation sainement entendue pouvait fournir. C'est ainsi que le sulfate de fer à la dose quotidienne de 32 à 72 grammes (Kœnig) pour chaque tête de bétail; 16 grammes (Busse); 40 à 50 grammes (Amédée Turck) ; 10 à 12 grammes (A. Drouant); 7 grammes, 5 centigrammes (Demesmay), a été considéré comme un remède souverain, attendu que « le fer est le seul métal vraiment normal, qu'il est plutôt un aliment qu'un médicament... », etc.
Et en 1851, le gouvernement belge en a même prescrit officiellement l'emploi aux vétérinaires de l'administration. Pourtant, dans quelques essais faits à l'École de Lyon, l'action du sulfate de fer « sur le cours de la maladie n'a pas été très évidente ». (Tabourin.) Néanmoins notre ancien maître pensait que cette action «était suffisamment démontrée pour engager les praticiens à avoir recours à ce moyen ». Sous ce rapport, son opinion était diamétralement opposée à celle de Fischer, qui .estimait « que le sulfate de fer n'a aucune action ni pour préserver les bêtes bovines de la pleuropneumonie exsudative, ni pour les en guérir » (1). Et l'on peut dire que le temps a sanctionné la conclusion formulée par Fischer, si l'on en juge par l'oubli dans lequel la médication par le sulfate de fer est tombée. Il en a bien été fait mention au Congrès international de Bruxelles (1883); mais il ne paraît pas qu'elle se soit propagée. En l'indiquant ici, nous avons simplement voulu attirer l'attention des expérimentateurs sur un sujet qui mériterait d'être étudié par les méthodes bactériologiques pour atténuer l'agent virulent, au moyen d'antiseptiques.
Nous serons très bref sur l'emploi du séton ou du trochisque d'hellébore, attendu que, malgré les faits favorables rapportés par divers praticiens, Pétry (de Liège), Dubois notamment, et l'opinion également favorable de divers écrivains, Magne, Prangé, ce moyen n'est plus recommandé aujourd'hui. Et si l'on a pu dire que des bêtes sétonnées ou inoculées ont été également préservées, c'est que l'on s'est trop hâté de conclure en s'inspirant seulement de quelques faits dont l'interprétation prématurée n'a pas été sanctionnée par des observations ultérieures.
Enfin, on a encore recommandé l'inoculation de la fièvre aphteuse comme moyen préservatif de la Péripneumonie(Lafosse), mais sans plus de succès que les moyens précédents.
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1860, p. 940.
3° Inoculation préventive. — L'inoculation préventive de la Péripneumonie contagieuse est une opération consistant à communiquer aux bêtes bovines une maladie bénigne afin de les préserver de celle qui se développe par contagion naturelle.
Cette opération, qui se pratique ordinairement avec de la sérosité pulmonaire que l'on insère à l'extrémité de la queue, ;a pour but de rendre les animaux réfractaires à la contagion péripneumonique et de prévenir ainsi, ou tout au moins de diminuer, les pertes que la Péripneumonie déterminerait sans l'emploi de ce moyen. Si l'on réfléchit à la gravité de cette maladie, gravité telle que si on pouvait traduire en argent les pertes qu'elle détermine en viande, lait, travail et engrais, « on arriverait non à des millions, mais à des milliards de francs (1) », on conçoit aisément la très grande importance de ce moyen prophylactique.
Aperçu historique. — D'après un mémoire publié à Berne, en 1773, sans nom d'auteur, et reproduit dans le Recueil de médecine vétérinaire, en 1886, l'inoculation de la Péripneumonie 'contagieuse était, parait-il, pratiquée dès le siècle dernier. L'auteur anonyme de ce mémoire en parle à deux reprises différentes, dans les termes suivants : « On a reconnu par une triste expérience, en Hollande et en Angleterre, l'impuissance des remèdes, on y a perdu toute espérance de guérir cette maladie et on s'est contenté de la mitiger par l'inoculation. » Dans une autre partie du mémoire, on.lit ce qui suit : « Elle règne encore actuellement en Hollande, malgré Y l'in oc u. latlt*on, et malgré les divers remèdes qu'on a employés. » Bien que l'auteur ne désigne pas expressément ici la maladie dont il parle, on peut penser par la description qu'il en donne ailleurs et par l'expression de pulmonie dont il se sert plus loin, qu'il s'agit de la Péripneumonie ,et non du typhus contagieux avec lequel on paraît avoir confondu parfois la pleuropneumonie. Il semble donc qu'à cette -époque, l'inoculation était déjà une pratique courante : « C'est sans doute pour cela que la brochure ne renferme aucun détail sur la manière dont elle était pratiquée. » (Gross et Nocard.)
Ce n'est pas seulement en Europe que l'inoculation de la Péripneumonie parait avoir été employée depuis longtemps, mais même en Sénégambie où son origine « se perd dans la nuit des temps ». (Dr de Rochebrune.) Elle serait pratiquée dans l'Afrique australe, suivant les récits de Thomas Baine (2) d'une
(1) Daumerie, Rapport de la Société centrale d'agriculture de Belgique sur J'enquête relative à l'efficacité des moyens pour combattre la Péripneumonie. La Culture, n° du ler février 1861.
(2) Recueil de médecine vétérinaire, 1886, p. 656.
part, et de E. Mohr (1), d'autre part. Ce dernier voyageur l'attribue aux Boërs.
Quoi qu'il en soit, c'est au Dr Willems (de Hasselt) que revient le mérite d'avoir fait connaître, le premier, avec précision, les effets de l'inoculation péripneumonique, et ce n'est point s'écarter de la vérité que de le considérer comme l'inventeur de cette pratique, tant elle était ignorée au moment où il l'a signalée : nous lui conserverons donc la qualification de willemsienne qui lui a été donnée.
Les premières expériences de M. Willems remontent à l'année 1850; elles ont porté d'abord sur divers animaux: lapins, dindons, poules, chiens, chèvres, moutons, porcs; il est même arrivé que l'opérateur s'est blessé avec un scalpel imprégné de la matière virulente, et dans toutes ces expériences, les résultats ont été constamment négatifs. Il en a été autrement de celles qui ont été faites sur les animaux de l'espèce bovine, car elles ont conduit le Dr Willems à préconiser l'inoculation comme un moyen préservatif de la Péripneumonie. C'est ainsi que dans un mémoire adressé au Ministre de l'intérieur de Belgique et publié dans le Recueil de médecine vétérinaire, en 1852, il rapporte que, par la méthode qu'il a employée, « 108 bêtes ont été préservées de la pleuropneumonie, tandis que sur 50 bêtes non inoculées, placées dans les mêmes étables que les précédentes, 17 ont contracté la maladie ». Il ajoutait que « l'animal inoculé brave impunément les influences épizootiques, s'engraisse mieux et plus rapidement que ceux qui se trouvent avec lui dans la même atmosphère et qui n'ont pas été inoculés ». Et il fait remarquer : 1° que l'inoculation doit être faite « avec prudence et circonspection, de préférence sur des animaux maigres » ; 2° qu'en inoculant la pleuropneumonie, <•< on crée une maladie nouvelle, on localise, en quelque sorte, à l'extérieur l'affection du poumon avec tous ses caractères particuliers ».
Lorsque le Dr Willems publia les résultats de ses premières observations sur l'inoculation préventive de la Péripneumonie contagieuse, la Commission ministérielle chargée de faire des expériences sur la Péripneumonie, dont il est parlé précédemment, s'empressa « de vérifier par l'expérimentation la doctrine de l'honorable docteur belge ». Déjà, du reste, elle avait constaté que deux vaches inoculées « avec du mucus nasal chaud, provenant de vaches affectées de la Péripneumonie » et qui avaient été soumises à l'épreuve de la contagion par cohabitation, n'avaient pas contracté la maladie. Cinquante-quatre sujets ont
(1) Journal de l'École de Lyon, ISiS, p. 56.
été inoculés par la Commission ; six d'entre eux en sont morts. « Des quarante-huit sujets sortis sains et saufs des épreuves de l'inoculation, deux sont morts d'accidents étrangers à cette opération et trente-quatre ont été exposés pendant une période de cinq à six mois à. l'influence directe de la contagion par cohabitation, avec vingt-quatre sujets de mème provenance non inoculés, devant servir de terme de comparaison. Aucun des sujets inoculés ne contracta la Péripneumonie, tandis que quinze sujets sur vingt-quatre non inoculés ont ressenti l'influence contagieuse.
Dès lors, la Commission conclut que l'inoculation est préservative, qu'elle doit être encouragée et qu'il est permis d'espérer « qu'elle deviendra profitable à l'agriculture lorsqu'elle aura été perfectionnée dans l'application par une étude plus complète ». Pour formuler cette opinion, la Commission Dumas s'est inspirée non seulement de ses expériences, mais aussi de celles « qui ont été entreprises parallèlement en Hollande, en Belgique, et dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, par des Commissions scientifiques instituées dans le but de rechercher la valeur de l'inoculation préventive de la Péripneumonie épizootique du gros bétail ». Ces diverses expériences portaient sur 6764 sujets de l'espèce bovine. Néanmoins, la Commission officielle, chargée en Belgique de l'étude de cette question, était partagée sur la valeur de l'inoculation. En présence de ces dissidences, la Société centrale d'agriculture de Belgique ouvrit une enquète sur les inoculations willemsiennes pratiquées en Europe. En voici l es points les plus saillants, tels qu'ils ont été formulés par le rapporteur de la commission d'enquête, Daumerie :
1 Un nombre considérable d'expérimentateurs ont fait usage du procédé d'inoculation du Dr Willems, comme le prouvent les chiffres de 86 149 inoculations faites avec succès et 11 944 sans succès.
2" La perte des animaux morts à la suite de l'inoculation s'élève à 1,10 p. 100 et les mutilations à 8 à 10 p. 100.
3° Le chiffre des animaux qui ont contracté la pleuropneumonie après l'inoculation est de 1,25 p. 100.
4° Les animaux non inoculés soumis à l'influence épizootique deviennent malades dans la proportion de 35 p. 100 (I).
Cet important document provoqua, en 1861, de la part du Comice agricole de Lille, une demande à M. le Ministre de l'agriculture, tendant à faire recommander, par l'autorité administrative, « la pratique de l'inoculation comme elle recommande la vaccine ». Le Ministre répondit que cette recommandation lui paraissait prématurée et qu'il était préférable de s'en rapporter
(1) La Culture, no du lor février 1861 et Rec. de mèd. véL, 1861, p. 137.
à l'initiative individuelle. Néanmoins, il soumit la question à la Société centrale de médecine vétérinaire, qui nomma une Commission dont M. Sanson fut le rapporteur. Après avoir nettement établi, dans un rapport très concis, la valeur pratique de l'inoculation et fait remarquer que si cette opération est « une pratique véritablement utile — comme la majorité de la Commission dont M. Sanson était l'organe, en était convaincue — elle fera d'ellemême son chemin et s'imposera sans peine aux propriétaires de bestiaux soucieux de sauvegarder leurs intérêts ; si les avantages ne sont pas suffisamment évidents pour qu'il en soit ainsi, les recommandations de l'administration demeureraient impuissantes .et leur autorité par conséquent compromise ». Après ces considérations, M. Sanson concluait :
Qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la proposition du Comice agricole de l'arrondissement de Lille tendant à ce que l'administration intervienne pour recommander aux cultivateurs la pratique de l'inoculation de la Péripneumonie exsudative, quels que puissent être d'ailleurs les avantages de la généralisation de cette pratique, an point de vue de la production agricole, dont le bétail est le principal élément.
Après une discussion assez vive, qui occupa plusieurs séances, la Société centrale, prenant en considération l'avis d'Urbain Leblanc, qui estimait que la formule adoptée par le rapporteur impliquait « une opinion laudative sur la valeur de l'inoculation », la Société centrale, disons-nous, élimina des conclusions le passage final qui réservait pourtant la valeur pratique de l'inoculation.
En 1865, la Commission nommée par le gouvernement belge et qui était, comme on l'a vu, partagée sur la valeur de l'inoculation, adressait un septième rapport au Ministre, dans lequel, après avoir exposé les faits relatifs à l'extension de la maladie, ceux qui concernaient l'inoculation en Belgique et à l'étranger et ses propres expériences, la Commission, disons-nous, formulait à Y tina?zi?iiité, cette fois, les conclusions suivantes :
1° A partir de l'année 186'2, la Péripneumonie est entrée dans une période de décroissance.
2° L'inoculation est une opération inoffensive et généralement couronnée de succès, lorsqu'elle est pratiquée avec les précautions convenables : les sinistres produits par elle dans ces conditions se présentent dans une proportion minime.
3° L'inoculation ne constitue pas un préservatif absolu de la pleuropneumonie épizootique, puisque les bêtes inoculées avec succès ont pu être atteintes par la maladie après des semaines et même après des mois ; cependant ce fait est exceptionnel et concorde avec cet autre, qu'une même bête peut, dans certains cas, contracter deux fois la pleuropneumonie.
4° L'inoculation possède une vertu prophylactique évidente, et dans les localités infectées, le nombre des bêtes inoculées avec succès, qui sont frappées par le fléau, est insignifiant vis-à-vis de celui des bêtes non inoculées, surtout si l'on tient compte de la longue durée possible de la période d'incubation de la maladie.
5° Nous devons donc recommander aux éleveurs et aux cultivateurs la, pratique de l'inoculation ; ils doivent l'appeler à leur aide dès que la maladie se déclare dans leurs étables et surtout y soumettre immédiatement le nouveau bétail qu'ils y introduisent.
6° Lorsque l'inoculation a été une première fois pratiquée sans succès, il faut y procéder une seconde fois, afin d'être bien sûr que des circonstances. accidentelles n'en ont pas enrayé la manifestation.
Des conclusions analogues ont été formulées par diverses commissions officielles instituées en Hollande, en Italie, en Prusse, etc., et dans diverses réunions d'agriculteurs et de vétérinaires étrangers.
Après toutes ces constatations, on pouvait penser que la question de l'efficacité de l'inoculation péripneumonique était résolue. En fait, cette pratique était déjà adoptée par les distillateurs de. la Belgique et plus généralement des divers pays 011 l'on engraisse. le bétail avec les résidus des distilleries. Cette opération était exécutée en tout temps sur les bêtes bovines nouvellement introduites dans les étables et destinées à être engraissées : c'était une opération volontaire et facultative laissée à l'initiative des intéressés. Mais on alla plus loin : on rendit l'inoculation obligatoire. C'est ainsi que la loi hollandaise du 26 août 1873 arme le pouvoir royal du droit d'ordonner l'inoculation préventive de la Péripneumonie et la marque; en cas de refus du propriétaire, de marquer et d'inoculer d'office en payant une indemnité égale à la valeur totale de l'animal qui succomberait « à la suite de la vaccination ». Toutefois cette mesure n'est applicable « que dans certaines régions du royaume désignées par le Ministre de l'intérieur. » Par suite, un décret royal du 17 août 1878 ordonne la marque et l'inoculation des bestiaux dans les localités indiquées par le Ministre de l'intérieur. Ce décret se trouve mentionné dans une lettre de M. H. Van Cappelle, adressée, le 30 mars 1881, au ministère de l'agriculture de France, en réponse à une demande de renseignements. Il nous paraît utile d'en reproduire le passage suivant, car, selon nous, il limite bien la véritable portée pratique de l'inoculation, dans l'état actuel de nos connaissances sur ce sujet si controversé.
Les renseignements que M. le Dr Willems vous a donnés ne sont pas exacts. Nous n'avons pas du tout renoncé à l'abatage des animaux atteints ou suspects de pleuropneumonie [contagieuse. Seulement on a exclu de cette mesure la ville de Schiedam et quelques communes environnantes où on
engraisse les bestiaux avec les résidus des distilleries, qui se trouvent là en grande quantité. En 1878, la mesure suivante a été prise pour cette contrée seulement tandis qu'on a continué l'abatage ailleurs. Dans la contrée indiquée on a inoculé; tous les bestiaux qui s'y trouvaient et qui y entraient, et on les a marquées au fer rouge. Les bestiaux engraissés ne pouvaient sortir sans l'autorisation d'un vétérinaire de l'État et devaient être conduits directement aux boucheries ou aux marchés étrangers. La même autorisation a été très rarement accordée pour les vaches laitières. Ces mesures, accompagnées d'une stricte surveillance, ont eu un résultat excellent.
C'est en s'inspirant de ces renseignements que la Commission de la Chambre des députés de notre pays, chargée d'examiner le projet de loi sur la police sanitaire des animaux, a pensé que l'inoculation devait être obligatoire. Toutefois, la Commission et le Gouvernement estimaient que l'inoculation des animaux suspects et l'abatage de ceux qui étaient atteints de Péripneumonie ne devaient être appliqués que dans « les cas particuliers où la Péripneumonie viendrait à envahir des localités indemnes ». Cette restriction était motivée par ce fait que la Péripneumonie existant sur bien des points du territoire, il était à craindre que le chiffre des indemnités fût très élevé. Mais à la suite d'observations présentées à la Chambre des députés, par M. des Rotours notamment, on a étendu les mesures précitées à l'ensemble du territoire français, en ajoutant au projet de loi, qui avait été adopté en première délibération par le Sénat : l'inoculation ou l'abatage des animaux suspects de Péripneumonie. (Art. 9 de la loi du 21 juillet 1881.)
Les craintes relatives à l'application de ces mesures n'étaient que trop fondées. Il résulte, en effet, d'un travail publié en 1886, par M. C. Leblanc, que, dans le seul département de la Seine, le chiffre des indemnités est allé en augmentant depuis 1882. A cette époque, l'État a payé : 21654 fr. 47, et en 1885, 121 214 fr. 65.
Ces chiffres portent en eux leur enseignement, et c'est sans doute pour cela que le décret du 12 novembre 1887, contenant règlement d'administration publique pour l'exécution en Algérie de la loi sur la police sanitaire des animaux, ne fait pas mention de l'inoculation de la Péripneumonie. L'article 10 de ce décret, qui est corrélatif de l'article 9 de la loi du 21 juillet 1881, prescrit seulement l'abatage des animaux atteints ou suspects de Péripneumonie contagieuse. Il est vrai que l'on peut penser que le Gouvernement a considéré l'Algérie comme un pays indemne de Péripneumonie et qu'il lui a ainsi appliqué les dispositions employées exceptionnellement quand la Péripneumonie se déclare dans une étable située dans une région indemne de cette maladie.
Quoi qu'il en soit, les dispositions du règlement dont il s'agit, rapprochées de la progression ascendante du chiffre des indemnités, montrent que l'inoculation de la Péripneumonie n'a pas la valeur absolue qu'on lui a attribuée. Par conséquent, il eût été plus prudent de laisser aux intéressés le soin d'avoir recours à cette pratique s'ils la trouvaient avantageuse — comme le conseillait M. Sanson, il y a plus de vingt ans — que d'en faire une mesure obligatoire, faute d'avoir mûrement réfléchi aux diverses conditions économiques de l'entretien du bétail, dans lesquelles il est réellement avantageux d'inoculer. Et ceci nous conduit à examiner les indications de l'inoculation, en étudiant d'abord la question préjudicielle suivante :
Par l'inoculation transmet-on la féripneumonte? — On conçoit aisément l'importance de cette question. —En effet, si l'inoculation créait des foyers contagieux comme le fait, par exemple, la clavelisation, cela limiterait beaucoup ses indications.
Or, les données que nous possédons sur ce sujet ne sont pas concordantes. Ainsi, dès 1857, le douzième Congrès néerlandais d'économie rurale, tenu à Deventer, concluait que « l'inoculation ne peut produire la pleuropneumonie chez le bétail qui se trouve mis en contact avec des animaux inoculés. Jeunes (d'Utrecht) a inoculé la moitié des bêtes d'une étable sans qu'on ait remarqué parmi les autres bêtes non inoculées quelque préjudice ou même quelque effet. » Par contre, M. Reynal déclare « qu'une génisse bretonne inoculée par lui a communiqué la Péripneumonie à deux autres qui étaient placées à ses côtés (1) », et à l'autopsie desquelles on a trouvé les lésions caractéristiques de cette affection. Mais ce fait, tel qu'il est rapporté, n'a pas la force probante que l'auteur lui attribue, car rien ne prouve que les deux génisses n'avaient pas été contaminées avant l'expérience.
M. Mollereau, après avoir rapporté un fait qui démontre que des vaches non inoculées peuvent rester impunément dans une étable où se trouvent des bêtes inoculées, alors même que l'opération est suivie « d'engorgements gangreneux effrayants », M. Mollereau, disons-nous, en publie un autre tendant à établir que l'inoculation a transmis au bout de dix-huit jours la pneumonie à une vache achetée dans le canton de Schwitz où, dit-il, la Péripneumonie est inconnue, et il en conclut : « que l'inoculation, quoique très rarement (un cas entre mille), peut provoquer la Péripneumonie chez les animaux qui y ont été soumis (2) ».
Chieus (de Roubaix) a inoculé « dans maintes circonstances
(1) Traité de la police sanitaire des animaux, p.' 458.
(2) Recueil de médecine vétérinaire, 1879, p. 913.
une partie seulement des animaux composant une étable, sans avoir jamais observé le moindre symptôme morbide sur ceux à l'égard desquels le propriétaire n'avait pas jugé convenable de. prendre les mêmes mesures de précaution » (1).
M. Degive a noté, dans son rapport sur la pleuropneumonie au Congrès international de Bruxelles (1883), un cas dans lequel une bête inoculée par injection intraveineuse a présenté « les. lésions interstitielles, c'est-à-dire l'hépatisation marbrée de la pleuropneumonie ». Et M. Willems a déclaré que « l'inoculation transmet la maladie; mais l'animal inoculé ne peut la transmettre aux animaux qui sont en rapport avec lui ».
Cependant, M. Cagny a communiqué, à cette même assemblée, un fait tendant à établir que la Péripneumonie peut être transmise par une bête inoculée, notamment dans les herbages, lorsque les animaux non inoculés lèchent ceux qui sont inoculés ou mangent l'herbe « aux endroits où sont tombés des bouts de queues inoculées, etc. ». Mais M. Lydtin a fait remarquer que cette opinion n'était rien moins que démontrée, attendu que l'autopsie d& l'animal inoculé n'avait pas été faite.
Après cette observation, M. Cagny a déclaré ensuite que cette opération avait eu lieu, qu'il lui avait été affirmé « que les poumons étaient parfaitement sains », mais que n'ayant pu fairelui-même cette constatation, il reconnaissait que « ce fait ne peut avoir qu'une valeur relative ».
Ces divergences paraissent avoir provoqué les expériences qui ont été faites en 1884 et 1885 à Pouilly-le-Fort (Seine-et-Marne) sous les auspices des Sociétés d'agriculture de Melun et de médecine vétérinaire pratique de Paris, par les soins de M. Rossignol, vétérinaire à Melun. Elles ont porté sur 20 vaches placées dansla même étable : 10 ont été inoculées et intercalées entre des vaches non inoculées. Les effets de l'inoculation ont été trèsprononcés, et même dans les expériences faites en 1885, on a pratiqué une seconde inoculation, en région défendue, afin des'assurer que la première avait été réellement préservatrice. Après quatre mois environ, on a mis fin à l'expérience, en sacrifiant,, à l'abattoir de Melun, les vaches dont il s'agit. L'autopsie a été faite, avec la plus grande attention, par M. Rossignol et divers confrères, mais cette opération n'a pas montré les lésions de la Péripneumonie, soit sur les bêtes inoculées, soit sur les bêtes non inoculées. Le plus souvent, les poumons et les plèvres de ces animaux étaient « complètement sains ». On a rencontré deux fois des lésions tuberculeuses et une fois des échinocoques..
(1) Friez, Recueil précité, 1880, p. 435.
« Cette démonstration expérimentale, renouvelée deux fois avec le même succès, peut donc être à bon droit considérée comme un fait acquis et absolument indéniable, qui démontre l'inanité des craintes de ceux qui croient encore à la possibilité de la transmissibilité de la pleuropneumonie par des animaux inoculés. » (Rossignol.)
Dans ces expériences, plusieurs vaches inoculées ou bien servant de témoins, ayant mis bas, les veaux qui en provenaient ont été l'objet de diverses inoculations dont les résultats tendent à établir que l'immunité se transmet au fœtus, et « que l'inoculation critère pratiquée d'emblée en arrière de l'épaule, c'est-à-dire en région défendue, peut se traduire par des lésions pulmonaires ». Cette conclusion repose sur les lésions trouvées à l'autopsie d'un veau provenant d'une vache inoculée depuis quinze jours au moment du vêlage et qui fut l'objet d'une inoculation critère par injection sous-cutanée, en arrière de l'épaule droite. Sur cet animal, nous constatons, dit M. Rossignol, « l'existence d'une pleurésie purulente à droite avec fausses membranes épaisses et très adhérentes, la plèvre gauche est intacte, le poumon gauche est intact, le lobe antérieur du droit est le siège d'une congestion intense, mais il n'est pas friable et il n'existe pas dans sa trame d'infiltration du tissu cellulaire interlobulaire, ainsi qu'on le constate d'ordinaire dans la Péripneumonie ». On voit, par cet exposé, que la conclusion mentionnée ci-dessus n'est pas rigoureusement motivée. M. Rossignol a donc continué ses observations sur ce sujet, et, au cours d'expériences sur l'inoculation « du virus péripneumonique desséché à différents degrés », il a constaté à l'autopsie d'une vache inoculée avec du virus desséché à 85°, soumise ensuite à une inoculation critère dans chaque flanc (région de l'hypocondre) avec de la sérosité pulmonaire et qui fut sacrifiée au bout de deux mois environ, il .a constaté, disons-nous, « à la base du poumon droit et sur son bord externe » une lésion « d'apparence chronique » ayant « les dimensions d'un œuf de poule », qui ne lui « a pas paru devoir être rattachée à la Péripneumonie ». Toutefois, après l'examen histologique de ce morceau de poumon par M. Mégnin, M. Rossignol a cru pouvoir conclure que « la possibilité de la transmissibilité de la Péripneumonie par l'inoculation, qui semblait encore aujourd'hui douteuse à la grande majorité des vétérinaires, ne peut plus être niée ». Cette conclusion si formelle procède cependant d'une étude histologique qui n'est rien moins que démonstrative, surtout quand il s'agit d'une lésion pulmonaire qu'un praticien. M. Rossignol, habitué à voir la Péripneumonie, ne considère pas, au premier abord, comme résultant de cette maladie.
A la rigueur, on peut admettre que « les complications de péritonite, de pleurite, d'endocardite et parfois d'arthrite, qui sont survenues chez tous les sujets qui sont morts des. suites de l'inoculation pratiquée dans le flanc », indiquent le développement de la Péripneumonie, attendu que dans l'évolution naturelle de cette maladie, on constate parfois ces complications. Mais il faut bien remarquer que, dans ce cas, — développement de la maladie par contagion naturelle — les lésions pulmonaires ne font jamais défaut. On a bien voulu expliquer ces différences en disant que, dans la Péripneumonie inoculée, le mouvement fluxionnaire qui la caractérise anatomiquement se fait dans les tissus de la région inoculée — la queue ordinairement — tandis que dans la Péripneumonie développée par contagion naturelle, l'infection ayant eu lieu par les voies respiratoires, c'est d'abord le poumon qui est envahi (H. Bouley). Cette théorie est évidemment ingénieuse, mais il lui manque la sanction expérimentale, car, à part le cas mentionné par H. Bouley, dans son discours à l'Académie de médecine, en 1881, tendant à démontrer la transmission directe de la Péripneumonie par l'air expiré, nous n'en connaissons aucun autre prouvant ce mode de contagion. Il ne s'agit donc que d'une induction, qui, aujourd'hui, a contre elle les recherches expérimentales démontrant que l'air expiré ne renferme point de germes, et, par conséquent, l'on n'est point' autorisé à conclure comme on le fait.
Et puis, ne voit-on pas qu'en affirmant la transmission de la Péripneumonie par l'inoculation, on ne s'explique plus comment les animaux inoculés ne communiquent jamais cette maladie, comme cela résulte péremptoirement des expériences faites en Hollande par Jennes, et à Pouilly-le-Fort par M. Rossignol?
Mais que l'on ne se méprenne pas sur la portée de cette réflexion : nous ne voulons pas dire que l'inoculation de la sérosité péripneumonique ne détermine pas des effets spécifiques conférant l'immunité aux sujets qui en sont l'objet; nous ne voulons pas assimiler l'action de cette opération à celle d'un révulsif ou d'une matière septique quelconque, ou bien encore à une piqûre anatomique, comme on l'a fait. (Boëns.) Pour nous, l'inoculation péripneumonique rend généralement les animaux réfractaires à la contagion, cela est surabondamment démontré par les innombrables observations et expériences faites à ce sujet tant en France qu'à l'étranger. Et, tout en agissant ainsi, cette opération ne crée point de foyers contagieux : c'est une véritable vaccination. Voilà ce que l'expérience enseigne, et nous pouvons ajouter que cette donnée n'est nullement en désaccord avec nos connaissances en matière d'inoculation préventive, notamment
avec ce qu'une observation séculaire nous a appris sur la préservation de la variole humaine par la vaccination proprement dite. Il n'y a pas d'exemple de foyer variolique allumé par le vaccin jennérien ; cependant, on n'en conclut pas que ce virus ne préserve pas de la variole. Son action — de même que celle de la sérosité péripneumonique — est bien réellement spécifique et préservatrice, quelque opinion que l'on puisse avoir de la vaccine, soit qu'on la considère comme une variole atténuée, soit — ce qui paraît plus probable — qu'elle constitue une maladie distincte dont le génie observateur de Jenner nous a révélé les bienfaits. — De même « il n'existe pas un seul fait dans lequel l'inoculation péripneumonique ait été le point de départ d'une épizootie, si petite qu'on la suppose ». (Butel.)
Ces prémisses étant posées, l'étude des indications de l'inoculation préventive de laPéripneumonie se présente tout naturellement.
Indications. — L'inoculation préventive de la Péripneumonie est pratiquée tantôt sur des animaux sains « vierges de toute contamination antérieure » (Butel), tantôt sur des animaux suspects, c'est-à-dire qui se trouvent dans la même étable que der animaux malades' ou bien qui ont été en contact avec ceux-ci dans les herbages et, plus généralement, qui ont été exposés à la contagion par l'une ou par l'autre de ses voies multiples. — De là résulte la division de cette opération préservatrice— comme celle de toutes les opérations similaires — en inoculation de précaution et en inoculation de nécessité. Cette distinction, qui est fondamentale pour toutes les inoculations préventives, présente ici une très grande importance en raison des effets variés de l'inoculation péripneumonique suivant les cas dans lesquels on l'emploie, et qui ont donné lieu à de nombreuses controverses sur l'efficacité de cette pratique.
10 Inoculation de précaution. — Elle est ainsi appelée parce qu'on la pratique en vue de prévenir l'apparition de la Péripneumonie dans une étable ou un herbage. Elle est indiquée dans les régions où l'on importe beaucoup de bétail et dans lesquelles la Péripneumonie règne en permanence. Tel est le cas, par exemple, en Hollande, dans la région des distilleries « où l'on engraisse des animaux de toutes provenances et que l'on renouvelle fréquemment ». (Sanson.) Et à ce sujet M. Sanson fait remarquer que « les vétérinaires de la Hollande, comme ceux de tous les pays, discutent les avantages et les inconvénients de l'inoculation; les engraisseurs, eux, ne discutent pas, ils se contentent de constater que, sans l'inoculation, leur industrie ne serait plus possible » (1).
(1) Bulletin et Mémoires de la Société centrale de médecine vétérinaire, 1883, p. 249.
De même dans le nord de la France « où l'inoculation est considérée comme la sauvegarde de l'industrie de l'engraissement des bestiaux nourris parles résidus des distilleries » (1). (H. Bouley.) Lorsqu'il existe des foyers d'infection dans le voisinage desétables populeuses des laitiers des grandes villes, l'inoculation de précaution est indiquée ; le propriétaire peut avoir recours à cettemesure à ses périls et risques. C'est alors une opération volontaire dont les suites sont à la charge de l'intéressé et non de l'État. Mais elle peut être obligatoire pour toutes les bêtes bovines d'une contrée, comme par exemple, dans une partie de la province de la Hollande méridionale dite « spoeling districts » (districts des. distilleries) où la loi du 26 août 1873, stipulant une indemnité égale à la valeur de l'animal sain s'il meurt « de la vaccination est appliquée depuis 1878. A ce sujet, M. Wirtz, directeur de l'École vétérinaire d'Utrecht, a communiqué au Congrès de Bruxelles les renseignements suivants : « Pendant la périodequinquennale de 1878 à 1882, on a inoculé dans les spoeling districts 128 308 animaux, c'est-à-dire de 22 000 à 35 000 par an. Les pertes résultant de l'inoculation ont été de 0,32 à 1,29 p. 100 par an; la perte totale de 0,90 p. 100. Ces chiffres sout exacts; ils, sont basés sur les déclarations des propriétaires qui ont tout intérêt à réclamer l'indemnité. » Si l'on compare ces chiffres à celui de la mortalité sur les animaux non inoculés — 26,10 p. 100 (Degive) — on voit que l'inoculation de précaution est très avantageuse.
En outre, une expérience a été faite récemment dans la commune de Borgerhout (Belgique) afin d'apprécier la valeur de l'inoculation de précaution. La Péripneumonie règne depuis longtemps dans cette commune, et un arrêté royal en date du 23 août 1885 autorisa cette expérience en stipulant qu'une indemnité des 3/4 de la valeur serait allouée aux propriétaires des animaux qui périraient des suites de l'inoculation. Cet arrêté fixait le maximum de l'indemnité à 450 francs. Et « du 12 septembre 1885 au 4 mars 1886 » (2) 414 bêtes bovines reconnues saines furent inoculées par les soins de M. Dèle, d'Anvers : « quatre ont succombé aux suites de l'inoculation et deux d'entre elles, inoculées le 18 septembre et le 17 octobre 1885, ont, en janvier 1886, dû être sacrifiées pour cause de Pleuropneumonie contagieuse (3). » Le résultat final de cet essai, dit M. Rossignol, a été la disparition de la Péripneumonie dans les étables où il avait été tenté (4).
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1884, p. 20-3.
(2) Bulletin du Comité consultatif des épizooties de Belgique, par M. Wehenkel.
(3) 1 birl.
(4) Bulletin de la Société de médecine vétérinaire pratique, séance du 11 mal 1887, p. 82, et n° de mai 1887 de la Presse vétérinaire.
En France, l'inoculation de précaution est purement facultative, et son opportunité de même que ses risques sont laissés à l'appréciation et à la charge des intéressés. On a cependant quelque tendance à admettre qu'il conviendrait de la rendre obligatoire dans les régions où la maladie règne en permanence, comme certains départements frontières, les Basses-Pyrénées, par exemple.
2° Inoculation de nécessité. — C'est celle que l'on pratique quand la Péripneumonie sévit dans une étable ou dans un pâturage, afin d'en arrêter les progrès.
Elle est prescrite par l'article 9 de la loi du 31 juillet 1881 et elle s'applique aux animaux de l'espèce bovine qui étaient dans la même étable, dans le même pâturage que les animaux atteints de la Péripneumonie.
Cette opération est donc, comme on le voit, limitée aux animaux suspects qui, ayant été exposés à la contagion, ont pu être contaminés. Et si elle détermine la mort de l'animal, il est alloué au propriétaire une indemnité égale à la valeur totale de l'animal inoculé. (Article 17 de la loi de 1881.) Or, suivant la statistique communiquée par M. le professeur Degive au Congrès de Bruxelles, la mortalité produite par l'inoculation pratiquée sur des animaux placés dans un milieu infecté est de 2,71 p. 100. Mais elle peut être moindre, comme en témoigne la statistique de M. Delamotte, qui n'a eu que dix cas de mort par suite de l'inoculation sur 1354 animaux, ce qui fait moins de 1 p. 100.
Il faut remarquer que l'inoculation est susceptible de déterminer •divers accidents et qu'elle n'est pas toujours préservatrice : le processus péripneumonique ayant déjà commencé à évoluer d'une manière latente sur les animaux au moment où ils subissent l'inoculation de nécessité. Alors cette opération paraît accélérer l'évolution de la maladie, « si bien que les trois, quatre, cinq bêtes .atteintes d'une manière latente, lors de l'inoculation, tombent ipresque toujours malades, dans les trente ou quarante jours ,environ qui suivent celle-ci ». (Butel.) Dès lors, pour que l'inoculation de nécessité soit suivie « d'un succès complet » il faut que le vétérinaire soit appelé « dès le début ; qu'il connaisse admirablement la Péripneumonie et la diagnostique pour ainsi dire au premier coup d'œil ». Alors l'animal malade étant abattu sur-lechamp et l'inoculation immédiatement pratiquée,, la maladie s'arrête « comme par un coup de baguette magique ». (Butel.)
Toutefois, M. Butel n'en déduit pas que ce magnifique succès doit être mis à l'actif de l'inoculation, car, en y réfléchissant, ditil, il est facile de voir que « tous les animaux de l'étable étaient parfaitement sains au moment de l'opération, puisque ensuite aucun d'eux n'est tombé malade ».- Donc, ajoute notre confrère,
« après avoir abattu la première vache, si, au lieu d'inoculer, on s'était abstenu, le résultat n'en eût pas moins été le même, puisque précisément cet abatage faisait disparaître le principe contagieux qui seul eût pu propager la maladie parmi les animaux de l'étable ; la préservation provient donc exclusivement de la prompte disparition du sujet péripneumonique ). Seulement, comme il est impossible de savoir si les animaux suspects, qui peuvent avoir toutes les apparences de la santé, ne recèlent point « la maladie à l'état de germe sous forme latente, il faut toujours se hâter de les placer sous l'égide de Willems (c'est-à-dire de l'inoculation de nécessité) qui, au milieu du foyer contagieux, les couvrira contre tous les dangers ». (Butel.)
Cette procédure a pour elle les dispositions de l'article 9 de la loi du 21 juillet 1881 stipulant que le préfet doit ordonner l'abatage des animaux malades et « l'inoculation des animaux d'espèce bovine, dans les localités reconnues infectées de cette maladie ». Et par cette expression de localités reconnues infectées, il faut entendre, dit la circulaire ministérielle du 20 août 1882, celles dont l'arrêté préfectoral portant déclaration d'infection aura déterminé le périmètre : c'est dans l'intérieur seulement de ce périmètre qu'il conviendra de prescrire l'inoculation des bêtes bovines. « Ainsi, par exemple, si des étables appartenant à diverses personnes, ont une cour commune et que la Péripneumonie vienne à se manifester sur les animaux de l'une de ces étables, toutes devront être comprises dans la déclaration d'infection. De même, si la Péripneumonie vient à être constatée sur quelque animal d'une pâture commune, la déclaration d'infection s'appliquera à la pâture tout entière avec les animaux qu'elle renferme.
» L'inoculation prescrite par l'article 9 de la loi ne sera pratiquée que dans les localités déclarées infectées, comme il vient d'être dit. » (Circulaire p?'écitée.)
Quant au délai d'exécution de cette mesure, il doit être aussi bref que possible, comme cela résulte implicitement des circulaires ministérielles des 20 août 1882 et 18 juin 1883.
Telles sont les dispositions de la législation sanitaire relativement aux indications et à l'exécution de l'inoculation de nécessité en France. Or, il est à remarquer qu'au quatrième Congrès international de médecine vétérinaire, tenu à Bruxelles en septembre 1883, où se trouvaient des vétérinaires des diverses contrées de l'Europe dans lesquelles la Péripneumonie sévit, on a décidé simplement que « l'inoculation dite de nécessité peut être admise ». Et à ce sujet, M. Bouley a même fait remarquer que l'on devait « laisser une certitude d'appréciation de l'opportunité de l'inoculation à ceux qui sont sur les lieux ». C'est aussi à cette conclusion
que nous nous sommes arrêté dans notre Précis de Police sanitaire, car elle nous paraît conforme à l'esprit de la loi du 21 juillet 1881, attendu que, par elle, le législateur a voulu, d'une manière générale, s'opposer à la contagion en confiant « à un personnel éclairé et dévoué le soin d'éclairer les autorités administratives sur les prescriptions applicables aux maladies contagieuses » (1), et que, d'autre part, les controverses dont l'inoculation est encore l'objet impliquent, selon nous, une certaine prudence et une certaine réserve dans l'application, afin qu'elle ne présente pas le caractère d'une mesure vexatoire et surtout qu'elle n'expose pas le Trésor public à être grevé de lourdes charges.
Toutefois, le Congrès sanitaire vétérinaire tenu à Paris en 1885 a conclu que le vétérinaire délégué doit, sans délai, faire abattre tous les animaux atteints de Péripneumonie et inoculer les animaux contaminés. Cette conclusion paraît résulter d'un passage du rapport de M. Butel tendant à établir que l'inoculation pratiquée dans un milieu infecté « n'a plus qu'une efficacité restreinte, inversement proportionnelle au plus ou moins grand nombre d'animaux atteints d'une manière latente au moment où on l'utilise ».
Ce passage, recommandant l'inoculation hâtive, a été critiqué par M. C. Leblanc, qui lui oppose des faits tirés de sa pratique dans le département de la Seine. C'est ainsi qu'en 1882, « dans 14 étables, » en 1883, « dans 23 », où M. Leblanc s'est cru autorisé, en raison des circonstances, à attendre, pour inoculer, un second cas de Péripneumonie, « ce second cas n'est pas venu ». C'est donc, ajoute notre confrère, en deux années, 37 étables où l'inoculation aurait eu un résultat favorable et foudroyant. Evidemment, on ne peut pas considérer ces résultats comme des quantités négligeables et ils méritent une sérieuse attention. Nous déclarerons même que nous nous en sommes inspiré dans une mission qui nous avait été confiée par M. le Ministre de l'agriculture dans un département du Midi où cette maladie avait été signalée en 1887.
Il faut donc distinguer suivant les cas, relativement à l'inoculation de nécessité ; lorsque le nombre des bêtes suspectes est peu considérable, trois ou quatre par exemple, il est plus avantageux de conseiller la vente pour la boucherie que d'inoculer, surtout chez les laitiers, quand le public connaît l'existence de la maladie, comme cela arrivé dans les petites villes. Mais il en serait autrement si la Péripneumonie se déclarait dans une étable composée d'un grand nombre de vaches laitières que l'on ne voudrait pas vendre pour la boucherie. Dans ce cas, conformément
(1) Rapport du député Mougeot. -
à l'article 9 de la loi du 21 juillet 1881, l'inoculation doit être prescrite, en admettant d'ailleurs que la Péripneumonie contagieuse ait été sûrement constatée.
Toutefois, il est à remarquer que l'inoculation n'est pas obligatoire en Algérie. Le décret du 12 novembre 1887 portant règlement d'administration publique pour l'exécution, dans notre colonie, de la loi du 31 juillet 1881, ne prescrit point cette mesure. Bien que les étables de l'Algérie renferment moins de bétail que celles de la métropole, on conviendra cependant que si l'administration centrale eût considéré l'inoculation comme ayant l'efficacité presque absolue qu'on lui attribue, elle n'aurait pas manqué de la rendre obligatoire en Algérie comme en France. On peut donc penser qu'éclairée par une expérience de cinq années (1882-1887) sur l'application obligatoire de l'inoculation dans une étable contaminée, elle a préféré prescrire l'abatage des animaux suspects et agir dans notre colonie comme en pays indemne de Péripneumonie.
Choix, récolte et conservation du liquide à inoculer. — Le Dr Willems a employé, dès 1851, « le liquide exprimé du poumon d'un animal malade ou récemment abattu, ou d'un animal mort de la maladie ». Il a fait également des inoculations avec la bave, avec le sang de la jugulaire, avec « un tubercule de l'intestin délayé dans de l'eau sucrée », mais les animaux inoculés avec ces matières « n'ont présenté que peu d'inflammation à la partie inoculée ». Et, suivant M. Willems, « le sang et le liquide séreux et spumeux exprimés du poumon d'un animal malade et à la première période de la Pleuropneumonie est la matière la plus convenable pour inoculer ».
On a vu précédemment que la commission officielle chargée de faire, en France, des expériences sur la contagion de la Péripneumonie et de contrôler les résultats annoncés par le Dr Willems, avait conféré l'immunité à deux vaches en leur inoculant du mucus nasal. Mais ces effets n'ont pas été confirmés par d'autres expériences.
C'est la sérosité qui distend les sacs lymphatiques périlobulaires du poumon que l'on emploie pour pratiquer l'inoculation de la Péripneumonie. Tantôt, cette sérosité est puisée directement dans le poumon encore chaud d'une bête atteinte de Péripneumonie confirmée, c'est-à-dire caractérisée anatomiquement par l'hépatisation marbrée que nous avons décrite (p. 550), en y pratiquant des incisions, ou bien en y enfonçant un drain métallique (Colli-Lanzi) et recueillant le liquide; tantôt, on attend vingtquatre ou quarante-huit heures avant de l'employer (Mollereau, Cagny) et l'on agite le flacon qui la renferme, au moment de
l'inoculer; tantôt, on la filtre sur papier (Lydtin), sur un linge fin, et on la conserve dans un flacon bien bouché, maintenu à la température du corps (Delafond).
On a encore recommandé de laisser reposer la sérosité pendant « trente à soixante minutes », de la décanter et de filtrer le liquide ainsi obtenu en le faisant passer « deux ou trois fois à travers un linge à trame modérément serrée » préalablement imbibé d'eau bouillante, en ayant le soin d'attendre que la température du tissu soit revenue à « la température ambiante ». (Instruction sur l'inoculation, annexée à la circulaire ministérielle belge du 7 septembre 1885.)
Mais de ces divers modes d'obtention de la matière à inoculer, on peut dire que le plus simple est le meilleur, attendu qu'en transvasant le liquide et en le filtrant, on multiplie les contacts avec l'air, et l'on augmente ainsi les chances d'altération que les germes de l'air peuvent lui faire éprouver. Mieux vaut donc, comme M. Pasteur l'a conseillé, se servir du liquide puisé directement dans le poumon plutôt que de celui qui a été transvasé ou filtré.
Par conséquent, il suffit, comme Renault l'a recommandé en 1861, de pratiquer une profonde incision dans la partie hépatisée du poumon d'une bête péripneumonique récemment abattue, ou bien depuis vingt-quatre et même quarante-huit heures suivant d'autres praticiens, et de puiser avec la pointe de la lancette une goutte de la sérosité qui ruisselle sur la coupe. Il est clair qu'il n'est pas nécessaire d'avoir à sa disposition un lobe pulmonaire tout entier, il suffit d'en avoir un morceau que l'on découpe dans une partie franchement hépatisée. Au moment d'inoculer, on pratique dans ce fragment une incision simple ou bien avec perte de substance, de manière à creuser une petite cavité infundibuliforme dans laquelle la sérosité virulente ne tarde pas à s'accumuler. On rejette tout d'abord la sérosité qui est sanguinolente, et, au bout de quelques instants, on voit sourdre une sérosité incolore ou jaunâtre, mais limpide. C'est celle qu'il convient d'employer. Tous les inoculateurs s'accordent à reconnaître qu'il ne faut point puiser la sérosité virulente dans un poumon provenant d'une bête abattue à la dernière période de la Péripneumonie, surtout lorsque des accidents gangreneux ont compliqué la maladie; de mème encore, il convient de rejeter tout liquide offrant un caractère putride ou septicémique, c'est-à-dire puisé dans un cadavre en état de décomposition. En un mot, il importe de se procurer du virus aussi pur que possible et surtout du virus atténué, afin d'éviter les accidents que l'inoculation est susceptible de déterminer.
On peut obtenir un liquide pur en le recueillant d'après la méthode de M. Pasteur, c'est-à-dire à l'abri de l'air, dans un tube de verre effilé, flambé au moment de s'en servir et que l'on scelle ensuite à la lampe. En cet état, il se conserve pendant des semaines et des mois. « Un poumon peut en fournir d'assez grandes quantités, faciles à éprouver pour sa pureté dans les étuves ou même aux températures ordinaires. Avec un seul poumon, on peut s'en procurer assez pour servir à des séries assez nombreuses d'animaux. Il y a plus : sans recourir à de nouveaux poumons, on pourrait entretenir cette provision de virus de la façon suivante : il suffirait, avant l'épuisement d'une première provision du virus, d'inoculer un jeune veau au fanon ou derrière l'épaule. La mort arrive assez promptement, et tous les tissus, près ou assez loin du voisinage de la piqûre, sont infiltrés de sérosité, laquelle est virulente à son tour. On peut également la recueillir et la conserver à l'état de pureté. » (Pasteur.)
De plus, les expériences de M. Pasteur l'ont porté à penser que ce virus s'atténue avec le temps, de telle sorte qu'au bout de six semaines à deux mois la virulence d'origine serait amoindrie.
Mauuel opératoire. — Cinq méthodes opératoires ont été indiquées pour l'inoculation de la Péri pneumonie : les piqûres ou incisions, le séton, l'injection sous-épidermique, l'injection souscutanée et l'injection intraveineuse.
A l'exception de cette dernière méthode, toutes les autres comportent une disposition commune et préalable : celle du choix de la région dans laquelle il faut inoculer, c'est-à-dire le lieu d'élection.
Le choix du lieu d'inoculation présente une grande importance, car l'expérimentation a démontré qu'il faut opérer dans une région où le tissu conjonctif, en raison de sa densité, se prête peu au gonflement inflammatoire et à l'infiltration séreuse qui surviennent après l'inoculation. Après diverses tentatives, on a choisi l'extrémité inférieure de la queue, que l'on peut d'ailleurs amputer facilement lorsque la tuméfaction consécutive à l'opération prend des proportions inquiétantes. Pratiquée dans toute autre région, notamment le pourtour des naseaux, la base de l'oreille, le fanon, l'épaule, l'inoculation est généralement suivie d'accidents mortels. Dans toutes ces régions, l'inoculation est, suivant l'expression de H. Bouley, défendue sous peine de mort.
Ce fait remarquable nous fournit le moyen de nous assurer si les animaux inoculés acquièrent bien l'immunité, car s'ils supportent impunément l'inoculation en région défendue, c'est que la première inoculation a été préservatrice. Ceci étant établi, nous allons décrire les diverses méthodes opératoires
énumérées ci-dessus, en remarquant, au préalable, que l'opération étant peu douloureuse, l'animal est maintenu debout; un aide tient la tête, un autre tient la queue et la nettoie s'il y a lieu.
1° I-iqûres ou incisions. — Cette méthode consiste à inoculer la sérosité péripneumonique, soit par piqûres sous-épidermiques, soit par incisions intéressant toute l'épaisseur de la peau. De là deux procédés :
a. Procédé par incisions sous-épidermiques. — Il consiste à faire une ou plusieurs piqûres sous-épidermiques dans lesquelles on dépose une goutte de sérosité péripneumonique.
Cette opération, recommandée pour la première fois par M.Willems, peut se faire avec divers instruments : lancette ordinaire, lancette cannelée, aiguille ordinaire à inoculer, aiguille à deux lames entre lesquelles la sérosité est retenue, feuille de sauge à lame très courte comme un grattoir, bistouri droit. Une lancette cannelée un peu forte convient parfaitement; il en est de même de l'aiguille à inoculer, que des praticiens, notamment MM. Mollereau, Delamotte, préfèrent à la lancette. Huart recommande « une aiguille plate cannelée et légèrement recourbée ».
Le choix de l'instrument étant fait, l'animal maintenu comme il est dit ci-dessus, l'opérateur — assisté d'un aide tenant une assiette sur laquelle on a placé le morceau de poumon qui va fournir la sérosité — tond sur une longueur de 10 à 15 centimètres environ le dessous de l'extrémité inférieure de la queue; puis il plonge la pointe de la lancette dans le liquide à inoculer, et pratique à 3 ou 4 centimètres de l'extrémité inférieure de la queue une petite incision sous-épidermique, de haut en bas, de manière à former un godet dont le fond est inférieur. Une deuxième incision est pratiquée à 6 ou 8 centimètres de la première et d'après les mêmes règles. Il est des praticiens qui en font même trois. On attend que ces petites incisions ne saignent plus, et l'on y dépose de nouveau, soit avec la pointe de la lancette, soit avec la spatule cannelée préconisée par Delafond, une gouttelette de sérosité péripneumonique.
Si l'on a un certain nombre d'animaux à inoculer, dix, quinze, Vingt, comme c'est le cas le plus habituel, on commence par pratiquer sur tous les entailles sous-épidermiques qui doivent servir de réceplacle au liquide virulent, et quand le sang ne coule plus, on charge de nouveau la lancette et on introduit une petite quantité de sérosité virulente dans chaque incision, en commençant par les premières bêtes qui ont été piquées. L'opération est ainsi terminée.
b. Procédé par incisions intéressant toute l'épaisseur de la peau.
— Il diffère du précédent par l'étendue et la profondeur des inci-
sions. Celles-ci, au nombre de deux ou trois, intéressent toute l'épaisseur du tégument et présentent un demi-centimètre de longueur. On les pratique avec le bistouri convexe, et quand elles ne saignent plus on y verse la sérosité au moyen « d'un tuyau -de plume coupé en forme de cuiller ». (Lydtin.)
2° Séton. — Cette méthode consiste à introduire sous la peau de l'extrémité inférieure de la queue, un fil de laine imprégné de sérosité péripneumonique. Elle paraît avoir été employée depuis fort longtemps en Sénégambie et dans l'Afrique australe. Mais en Europe, elle n'est mentionnée que depuis la publication du mémoire de M. Willems sur l'inoculation préventive. Ainsi, lors d'une discussion qui eut lieu en 1861, à la Société centrale de médecine vétérinaire, sur l'inoculation de la Péripneumonie, Prangé a fait remarquer que cette opération se fait « au moyen d'un brin de laine trempé dans le liquide d'un poumon malade arrivé à la seconde période, ce fil étant placé à l'extrémité de la queue avec une aiguille faite exprès ». Et plus loin, en examinant les •effets de l'inoculation, il ajoute :
Les expériences faites par Molina, vétérinaire à Pavie, sont assez importantes pour être résumées. Cet estimable vétérinaire s'est assuré qu'un fil de laine, trempé dans un liquide produit par une inflammation pulmonaire simple, accidentelle, passé à l'extrémité de la queue et laissé en place quatre à six jours, ne donne lieu qu'à une plaie très légère qui guérit rapidement ; tandis qu'un fil semblable trempé dans le liquide extrait d'un poumon affecté de Péripneumonie, donne toujours lieu et constamment à des phénomènes d'inoculation, qui sont plus ou moins réguliers, il est vrai, mais qui ont tous entre eux une même ressemblance (1).
En outre, cette méthode d'inoculation a été employée en Belgique, par Dèle; en Écosse, par Rutherford, et tout récemment recommandée en France par M. Martin (de Brienne), qui l'a décrite de la manière suivante :
Je divise en fragments de 8 centimètres de longueur un cordonnet de coton blanc qui n'a pas plus de 3 millimètres de largeur. J'imbibe tous ces fragments avec la sérosité exsudée d'un poumon péripneumonique, puis avec une forte aiguille à suture, j'introduis transversalement ce cordonnet sous la peau de la partie inférieure de la queue, immédiatement au-dessous du dernier os coccygien. Les deux bouts de ce minuscule séton sont réunis par un nœud; son trajet n'a guère plus d'un centimètre de longueur, et il est assez bien rempli par le cordonnet pour qu'il ne s'en échappe pas la moindre goutte de sang (2).
Ce procédé a pour but d'assurer l'absorption du virus péripneumonique, mais il est susceptible de déterminer des accidents gangreneux.
(1) Bulletin de la Société centrale de médecine vétérinaire, 1861, p. 93.
(2) Ibid., 1886, p. 318.
Ainsi, suivant la statistique de Molina, publiée dans le Recueil de médecine vétérinaire en 1865, sur 780 bêtes inoculées au moyen d'un brin de laine, imbibé de sérosité péripneumonique, « 572 présentèrent les phénomènes du succès, 188 ne les offrirent pas. Chez 46, il y eut des accidents inflammatoires assez intenses, et chez 67 on dut amputer l'extrémité de la queue. » Parmi ces 780 bêtes, il s'en trouvait 32 qui étaient atteintes de la Péripneumonie au début, parmi lesquelles « 28 ont guéri ».
Ce praticien considérait l'inoculation « non seulement comme un moyen prophylactique, mais aussi comme un moyen curatif puissant lorsqu'on le met en usage tout au début du mal ». On a vu ci-dessus que la plupart des praticiens pensent au contraire que, pratiquée dans ces conditions, l'inoculation accélère l'évolution de la Péripneumonie.
Mais revenons à la mortalité produite par l'inoculation au moyen du fil de laine :
D'après Rutherford, cité par M. Cagny, elle s'élèverait à. 2 p. 100.
D'autre part, M. Dèle (d'Anvers) a inoculé 224 vaches par ceprocédé, et 40 vaches en enlevant le fil de laine au bout de six heures. Sur ces 264 bêtes, 2 ont succombé, 3 ont présenté des « complications graves » et 9 ont eu des « engorgements dangereux » (1).
3° Injection sous-épidermique. — Cette méthode, préconisée par M. Delamotte, consiste à injecter une petite quantité de sérosité péripneumonique sous l'épiderme, au moyen de la seringue de Pravaz. En voici le manuel opératoire :
Après avoir coupé les crins de l'extrémité inférieure (face antérieure) de la queue, on enfonce, parallèlement à l'axe de cet appendice, la canule de la seringue, de 5 millimètres environ sous J'épiderme; cette canule est retirée ensuite de manière à laisser au-dessous d'elle un petit infundibulum dont l'ouverture est supérieure. Cet infundibulum est destiné à recevoir le liquide virulent qu'on y introduit par une légère poussée du piston de la seringue (celle-ci ayant été préalablement remplie).
Dès qu'une goutte de liquide sort par le point d'implantation, l'opération est terminée. On pratique aussi deux piqûres aux petits animaux, et trois aux autres. Ces piqûres se font à 3 centimètres de distance l'une de l'autre.
Suivant M. Delamotte, ce procédé présente entre autres avantages plus de rapidité dans l'exécution et plus de sûreté dans l'absorption : l'essentiel, dit-il, est d'avoir une canule très fine et en même temps très solide.
4° Injection soua-cuta.néc. — Cette méthode consiste à injecter
(1) Bulletin du Comité consultatif des épizooties de Belgique, t. III, 5° fascicule, 1887, p. 492.
sous la peau de l'extrémité inférieure de la queue, une certaine quantité de sérosité péripneumonique. On se sert à cet effet, soit d'une seringue Pravaz, soit de l'injecteur Trasbot (1), soit d'une seringue Pravaz spécialement appropriée à l'inoculation péripneumonique (modèles Cagny et Laquerrière). De là, plusieurs procédés :
1° Procédé Cagny. — M. Cagny se sert d'une seringue « un peu plus grande » que la seringue Pravaz ordinaire. Cet instrument est « en verre et en caoutchouc durci; l'aiguille est remplacée par un petit trocart d'une longueur d'au moins 5 centimètres et d'un diamètre d'un peu plus d'un millimètre ».
Après avoir coupé les poils « sur une petite étendue à environ dix centimètres du bout de la queue », on fait « avec les ciseaux une incision horizontale intéressant toute l'épaisseur de la peau ». Par cette ouverture, on introduit le trocart que l'on enfonce complètement sous la peau; on en retire la tige et l'on injecte, par la canule laissée en place, la sérosité péripneumonique. Par ce moyen, et en raison de l'étendue du trajet sous-cutané creusé par le trocart, l'injection se fait facilement, l'absorption est plus sûre et l'on n'a pas à craindre que la sérosité soit refoulée par le sang.
Essayé comparativement avec le procédé par incisions sousépidermiques, il a paru plus avantageux. Notons cependant que ce mode d'inoculation donne lieu à de petits abcès sur le trajet de la queue.
2° Procédé Rossignol. — Il a été décrit de la manière suivante par son auteur.:
Je commence tout d'abord par tondre, sur une longueur de 15 à 20 centimètres, la partie antérieure de l'extrémité inférieure de la queue de toutes les vaches qui doivent subir l'inoculation; après quoi, avec la pointe du bistouri à serpette, dont la longueur est limitée, par suite même de son incurvation, je fais une ponction intéressant toute l'épaisseur du derme, au centre même de la partie tondue ; cette ponction préalable, qui a pour but de faciliter l'introduction de l'aiguille de la seringue, je la pratique également de suite sur toutes les vaches, afin que l'hémorragie consécutive à cette opération préliminaire soit arrêtée au moment de l'inoculation ; de cette façon, le virus inséré n'est pas exposé à être entraîné au dehors par l'hémorragie.
Je reviens alors à la première vache qui a subi la ponction, et, après avoir
(1) « Cet instrument est semblable à un compte-gouttes en métal : une poire en caoutchouc à une extrémité sert à aspirer ou à chasser le liquide ; le tube est enfermé dans un étui en bois qui sert de manche pour tenir l'instrument, l'extrémité libre est terminée par une forte aiguille creuse, légèrement recourbée. Cette aiguille est introduite sous la peau de la queue; on la retire légèrement, ce qui fait une petite cavité sous-cutanée dans laquelle on fait pénétrer le virus péripneumonique en comprimant la poire en caoutchouc. » (Bull. de la Société centrale de médecine vétérinaire, 1884, p. 328.)
chargé ma seringue de sérosité virulente, je saisis de la main gauche l'extrémité inférieure de la queue, tandis qu'un aide maintient cet appendice dans sa partie supérieure ; je donne alors à l'extrémité caudale, que je retourne sens dessus dessous, une direction quasi horizontale, et, avec la main droite armée de la seringue Pravaz, j'introduis l'aiguille canule de la seringue dans la ponction qui me fait face, en ayant le soin de maintenir l'instrument parallèlement aux vertèbres coccygiennes ; puis, j'imprime un mouvement giratoire au corps de la seringue à l'aide du pouce et de l'index, et l'aiguille pénètre très facilement sous la peau, mais il importe avant tout et surtout de donner à l'aiguille, c'est-à-dire à la seringue elle-même, une direction parallèle à l'axe de la queue, sans quoi on court risque de briser la pointe de l'aiguille soit contre les vertèbres coccygiennes, soit contre la peau.
Lorsque l'aiguille a pénétré de toute sa longueur sous la peau, je pousse sur le piston et j'injecte pour chaque animal le quart du contenu de Ja seringue.
Par ce procédé on a « la certitude presque absolue que le virus inséré sera absorbé » (Rossignol). M. Dèle (d'Anvers) a inoculé ainsi, à Borgerhout, 150 vaches suisses, parmi lesquelles 2 sont mortes, 4 ont eu des complications graves et 3 des engorgements non dangereux.
3° Procédé Laquerrière. — M. Laquerrière recommande l'emploi d'une seringue spéciale « qui tient le milieu par son volume et sa capacité entre la seringue Pravaz et celle de MM. Arloing et Cornevin pour la vaccination contre le charbon emphysémateux. Le piston de cet instrument se meut à volonté, à vis ou par pression. La vis de la tige du piston est graduée de telle manière que chaque demi-tour qui lui est imprimé corresponde à l'entrée ou à la sortie d'une goutte de liquide. » De même que dans tous les instruments de ce genre, l'écoulement est réglé par un curseur. Toutes les pièces de cette seringue se démontent facilement et peuvent être ainsi désinfectées à l'étuve. Les aiguilles à injection sont droites ou courbes. M. Laquerrière préfère ces dernières et recommande de charger la seringue avant d'y ajuster l'aiguille, afin d'éviter l'obstruction de celle-ci par des caillots fibrineux. Cela fait, et les poils ayant été préalablement coupés sur « l'une des faces de la queue — la face externe de préférence comme étant la plus facile à surveiller — sur une étendue de 6 à 10 centimètres, à partir de son extrémité inférieure », M. Laquerrière procède de la manière suivante :
L'opérateur saisit l'extrémité inférieure de la queue dans sa main gauche; de la main droite et l'indicateur appuyé sur la courbure de l'aiguille, il enfonce l'instrument tenu horizontalement à travers la peau de l'appendice caudal et pénètre dans le tissu conjonctif sous-cutané.
L'aiguille étant ainsi complètement enfoncée, l'opérateur lui imprime deux ou trois mouvements alternatifs de va-et-vient, de manière à dissocier le tissu conjonctif. Pour plus de précaution encore, il retire même un peu l'aiguille, de manière à laisser un petit espace vide qui sera plus facilement
rempli par le liquide. Sans quitter l'extrémité de queue tenue dans la main gauche, il saisit l'extrémité inférieure de la seringue entre le pouce et l'index de la même main, puis, de la main droite, restée libre, il imprime deux, trois ou plusieurs demi-tours au piston, suivant le nombre de gouttes qu'il veut injecter. Cette injection terminée, il retire la seringue et peut même placer le pouce gauche sur l'orifice de la piqûre. Si l'aiguille est retirée trop vivement, il est à craindre que le virus ne soit, tout ou moins en partie, chassé au dehors par la rétractilité de la peau. Une seule piqûre suffit en général à l'opération (1)..
Par ce procédé, M. Laquerrière a inoculé, en 1885, 607 bovidés parmi lesquels il y a eu 3 cas de mort, soit 0,43 p. 100.
5° Injection intraveineuse. — Cette méthode consiste à injecter de la sérosité péripneumonique dans la veine jugulaire externe. Elle a été pratiquée, « en 1854, à titre purement expérimental », par Thiernesse, Defays et J.-B. Husson. « Sur six bêtes bovines inoculées ainsi, une a présenté les lésions interstitielles, c'est-à-dire l'hépatisation marbrée de la Pleuropneumonie. » (Degive.) En 1869, H. Bouley a fait inoculer six vaches par injection intraveineuse, parmi lesquelles « trois ont succombé à la suite d'engorgements excessifs qui se développèrent au lieu de l'inoculation et envahirent toute la région du cou. Mais il faut dire, à la décharge du procédé, que la canule dont on a fait usage pour pratiquer l'injection intraveineuse était un peu fissurée, sans qu'on s'en aperçût, et a permis l'échappement de quelques gouttes de liquide virulent dans le tissu cellulaire (2). »
En 1871, M. Chauveau a inoculé sept vaches en leur injectant dans la jugulaire « une très petite quantité de sérosité (1/10 du contenu de la seringue Pravaz, 1/5 au plus) ; toutes ont été investies de l'immunité » (3).
Consulté au sujet de ses expériences par M. Sanderson (d'Oxford), M. Chauveau lui conseilla « dans une lettre, non éditée en France, de recourir à l'inoculation dans les régions défendues. Ces inoculations, étant restées stériles, témoignèrent de l'efficacité préventive de l'injection intraveineuse » (4).
Toutefois, il est essentiel qu'en pratiquant cette opération, le tissu conjonctif périveineux ne soit pas contaminé, car il suffit d'une très minime quantité de sérosité déposée dans ce tissu pour déterminer des engorgements formidables et même mortels, comme on l'a vu par l'expérience de H. Bouley, rapportée cidessus. L'injection intraveineuse exige donc de grandes précau-
(1) Répertoire d'hygiène et de police sanitaire, n° du 5 mai 1886, p. 200.
(2) Recueil de médecine vétérinaire, 1874, p. 895.
(3) Bulletin de la Société de médecine vétérinaire pratique, séance du 9 février 1887, P. 10.
(4) H. Bouley, Recueil de médecine vétérinaire, 1882, p. 65.
tions quand on emploie de la sérosité péripneumonique telle ■qu'on l'extrait du poumon.
Mais si on dessèche cette sérosité à 551 ou seulement à 40°, en appliquant au virus !péripneumonique la méthode d'atténuation ■employée par MM. Arloing et Cornevin pour le charbon emphysé,mateux — et qui dérive de celle découverte par Toussaint pour la 'nèvre charbonneuse, — l'injection peut être faite sans danger tout en paraissant conférer l'immunité, du moins autant qu'il est permis de le penser d'après deux expériences faites à Pouilly-leFort, chez M. Rossignol. C'est ainsi que deux animaux inoculés •de cette manière ont résisté à une inoculation critère, qui s'est montrée très virulente pour le sujet témoin, puisque seize jours après l'avoir subie, il était mourant.
Ce résultat est encourageant, mais, comme le pense M. Rossignol, il faut répéter les expériences avant de se prononcer.
L'injection intraveineuse de sérosité péripneumonique se pratique au moyen d'une seringue à double canule, préconisée ipar M. Nocard : l'une de ces canules est pointue afin de perforer la veine; l'autre, qui est mousse et un peu plus longue que celle'ci, s'y emboîte exactement.
On opère sur l'animal maintenu debout et, après avoir appliqué ,un lien autour de l'encolure pour faire gonfler la jugulaire et 'coupé les poils, on procède à l'inoculation par injection intraveineuse. Cette opération a été faite avec succès par M. Degive, de la manière suivante, sur un jeune taureau :
J'ai pratiqué une courte incision cutanée parallèle à la direction du vaisseau. A la faveur de cette incision, j'ai plongé la canule aiguillée à travers la paroi externe de la veine en ayant soin de maintenir l'instrument assez obliquement pour ne pas blesser la paroi opposée. Cela étant fait, j'ai passé .aussitôt la canule mousse dans la canule aiguillée, puis j'ai adapté la seringue à cette dernière pour pousser ensuite l'injection avec une certaine lenteur. Avant de retirer l'appareil instrumental, j'ai eu soin de laver la canule souillée par le liquide virulent, en aspirant et expulsant successivement le sang de la jugulaire, par le moyen de la seringue, à quatre reprises différentes. Afin de prévenir tout contact du virus avec la plaie extérieure, j'avais au préalable passé la canule aiguillée à travers une feuille très mince de caoutchouc d'une certaine largeur. Si une goutte de liquide était venue à s'échapper de l'embouchure de la canule interne ou de l'ouverture correspondante de la seringue, elle n'aurait pu atteindre la solution de continuité parfaitement protégée par la pièce en question (1). »
Choix de la méthode opératoire. — En principe, ce choix est subordonné aux conditions les plus favorables pour le développement des effets de l'inoculation. A ce sujet, nous reproduisons
(1) Rapport au Congrès de Bruxelles, 1883, p. 166.
le passage suivant d'un travail de M. Colin sur la Péripneumonie, présenté à l'Académie des sciences, le 19 mars 1883 :
Les éléments virulents de l'exsudat, pour déterminer pleinement leurs effets de réaction locale, doivent être introduits dans le tissu cellulaire qui est leur terrain de culture par excellence. Ils ne paraissent pas agir quand ils sont simplement déposés dans les couches superficielles de la peau, à moins que les prolongements cellulaires ne les portent dans les couches conjonctives sousjacentes.
D'après cette donnée, l'inoculation de la Péripneumonie devrait être faite par une méthode opératoire permettant de déposer la sérosité dans le tissu conjonctif-sous-cutané, comme, par exemple, les incisions intéressant toute l'épaisseur de la peau, le séton, les injections hypodermiques : la méthode des piqûres sous-épidermiques n'atteindrait pas le but que l'on a en vue en inoculant.. Cependant cette méthode a été recommandée par des praticiens, Huart (de Valenciennes), notamment, qui avaient inoculé des milliers de bêtes, et il faut bien convenir que les résultats donnés par le séton et, dans certains cas, par les injections sous-cutanées, accusent une plus grande mortalité que par la méthode des piqûres ou incisions sous-épidermiques. Il est vrai que les chiffres exprimant les pertes produites par ces dernières méthodes n'ont qu'une valeur très approximative, attendu que les suites de l'inoculation sont plus graves quand on la pratique sur des animaux placés dans une étable infectée que sur des animaux, sains. Or, les statistiques produites sur telle ou telle méthode opératoire ne distinguent généralement pas ces différents cas. Nous manquons donc de données précises sur ce sujet et, finalement, chaque praticien emploie la méthode opératoire dont il a pu apprécier les effets, en attendant que des expériences bien dirigées nous fournissent des données concordantes sur ce point si important de pratique vétérinaire.
Effets. — Nous les divisons en primitifs et en consécutifs :
1° Effets primitifs. — On remarque d abord que les incisions dans lesquelles le virus a été déposé se recouvrent de croûtes brunâtres et adhérentes; puis un engorgement inflammatoire chaud, douloureux, se montre dans la région inoculée. Tantôt cette enflure apparaît dès le second jour qui suit l'inoculation, tantôt elle ne se montre qu'au bout de trente à quarante jours.
Ordinairement, cette tuméfaction se déclare vers le douzième ou le quinzième jour; la peau est rouge, tendue et douloureuse; parfois, les plaies d'inoculation prennent un caractère comme ulcéreux, puis elles se recouvrent d'une nouvelle croûte qui se détache par desquamation, et la cicatrisation est achevée. Les,
phénomènes d'inflammation locale disparaissent peu à peu, au bout d'un temps qui varie de onze à soixante-quatorze jours. En même temps que ces phénomènes se produisent, il se déclare un mouvement fébrile parfois bien manifeste. Les animaux deviennent tristes et refusent de manger. D'autres fois, cette réaction fébrile paraît nulle; peut-être, en pareil cas, l'emploi du thermomètre permettrait-il dé reconnaître qu'il n'y a là qu'une apparence et qu'en définitive les animaux, dont l'état général ne paraît pas modifié, éprouvent une certaine réaction fébrile dont le thermomètre donnerait la mesure. Il est à remarquer « que l'intensité des processus inflammatoires déterminés par l'inoculation caudale est généralement plus grande sur les vaches de race hollandaise et flamande que sur les vaches suisses (1)).
Les effets de l'inoculation sont peu prononcés sur les veaux âgés de moins de six mois (Willems, Delamotte). Toutes choses égales, d'ailleurs, ils sont plus prononcés par un temps chaud, dans une étable dont l'atmosphère est étouffante plutôt que tempérée.
2° Effets consécutifs. — L'inoculation dite de la Péripneumonie confère l'immunité contre cette affection, bien que cette opération ne produise point une maladie idenlique, au moins sous le rapport de la contagion, à celle qui se développe naturellement, puisqu'il est démontré que les bêtes inoculées ne transmettent pas la Péripneumonie. De même il est prouvé, par les inoculations en régions défendues, que l'opération dont il s'agit investit bien l'organisme d'une immunité spéciale. D'autre part, les recherches de M. Colin établissent que le processus développé par l'inoculation de la Péripneumonie « a pour caractère spécial des exsudats fibrino-albumineux, jaunâtres, chargés de leucocytes, d'épithéliums nucléaires, de granules divers, exsudats semblables à ceux qui sont produits dans les cloisons conjonctives interlobulaires du poumon ». Et l'on a vu ci-dessus que l'exsudat du point inoculé est virulent.
Quant à la durée de l'immunité, elle pourrait être de quatre ou cinq ans, suivant Ziegenbein, cité par la commission officielle belge (7c rapport). Elle peut ètre de deux ans (Trasbot). Elle se transmet même de la mère au fœtus (Nocard, Rossignol). On a vu cependant la Péripneumonie se développer « six mois après l'inoculation faite avec succès et une noùvelle inoculation pratiquée dans ces circonstances présenta également les phénomènes qui annoncent sa réussite (76 rapport de la commission belge) ». Ce fait est exceptionnel.
(1) Rapport de MM. Mollereau et Nocard, 1883.
Accidents. — L'inoculation de la Péripneumonie peut être suivie d'engorgements gangreneux, qui tantôt se localisent et déterminent la chute de la queue, tantôt se généralisent et se terminent par la mort. Il y a lieu d'en étudier les symptômes, les lésions et le traitement.
Symptômes. —Lorsque l'opération ne suit pas une marche normale, on constate que les plaies d'inoculation se tuméfient et forment des espèces de nodosités papuleuses rougeâtres, qui grossissent rapidement et ne tardent pas à former autour de la queue un bourrelet chaud, douloureux, à la surface duquel la peau reflète une teinte violacée et se couvre de nombreuses phlyctènes. La partie de la queue située au-dessous du bourrelet inflammatoire devient froide et insensible, elle se ratatine et se momifie, tandis qu'un sillon disjoncteur se creuse sur la limite des parties vives et des parties mortes, qui sont ainsi éliminées. La chute de la queue se produit du vingt-cinquième au quarante-cinquième jour. Une fois qu'elle a eu lieu, l'extrémité tronquée de la queue se cicatrise assez rapidement et tous les phénomènes inflammatoires s'éteignent.
Dans ce cas, les symptômes locaux et généraux ne sont point encore inquiétants; il est même des sujets qui ne cessent pas de manger et de ruminer comme dans l'état de santé.
Mais il en est autrement lorsque la réaction locale devient plus prononcée et que l'engorgement, au lieu de rester circonscrit et sous forme de bourrelet, suit une marche ascendante. Alors il gagne non seulement l'extrémité supérieure de la queue, mais encore la région de la croupe et des fesses, en même temps que la peau qui les recouvre est tendue, luisante, rouge violacée, que des phlyctènes y apparaissent et que les plaies d'inoculation s'élargissent, deviennent ulcéreuses et se recouvrent d'une croûte noirâtre, sorte d'eschare.
Dans ce cas, les symptômes généraux sont très prononcés, les animaux sont tristes, abattus, refusent de manger, la fièvre de réaction est intense. Toutefois l'engorgement local finit par se limiter, un sillon disjoncteur se creuse entre le mort et le vif, et la plus grande partie de la queue finit par être éliminée. Dans les expériences de la Commission Dumas, le temps nécessaire à cette élimination complète a varié de vingt-cinq à soixante-neuf jours, et la cicatrisation des plaies n'a été achevée que dans un délai de quarante-neuf à quatre-vingt-un jours. Sur quelques sujets, il se forme parfois « sur les parties latérales de la queue, à l'origine des muscles fessiers et dans la région croupienne, de vastes abcès et de larges ulcérations résultant de la chute d'eschares épaisses intéressant la peau et même les muscles ». (H. Bouley.) La fièvre
de réaction, qui accompagne ce travail inflammatoire si intense, peut déterminer l'avortement. Parfois il se forme, au niveau de la tubérosité ischiatique, un séquestre qui peut atteindre le volume des deux poings. (Cagny.) La formation de cette lésion a lieu par un mécanisme analogue à celui qui produit les séquestres pulmonaires.
Ces divers accidents ne sont pas les seuls qui se puissent observer. Ainsi, l'inoculation peut être suivie de mort. On constate alors des symptômes locaux semblables à ceux dont il est parlé ci-dessus, mais encore plus prononcés. En outre, les symptômes généraux sont très accusés. Dans les expériences de la Commission Dumas, « ces symptômes étaient : la tristesse, l'isolement des sujets malades dans les pâturages, la diminution de l'appétit, le ralentissement de la rumination, la cessation de la sécrétion laiteuse, la faiblesse caractérisée par la lenteur et l'hésitation de la marche, par le décubitus constant, l'accélération de la respiration, la vitesse et la petitesse du pouls, le froid et le chaud alternatifs de la base des cornes et des oreilles, le poil piqué, l'adhérence de la peau, la voussure de la colonne vertébrale. Mais, malgré cet ensemble de symptômes généraux, l'auscultation ne fit jamais reconnaître de lésions concomitantes des poumons, et l'autopsie démontra en effet que ces organes étaient demeurés parfaitement sains. La mort est survenue du dix-neuvième au vingt-sixième jour après l'inoculation. »
D'autres fois, les malades ne succombent que quarante, cinquante, et même soixante jours après cette opération. Nous avons vu, dit M. Delamotte, des accidents ne commencer à apparaître qu'au bout de cinq à six semaines. Il est à noter que lorsque l'inoculation se complique d'accidents mortels, les symptômes généraux sont très fortement accusés : la défécation, la miction, ne peuvent avoir lieu en raison de l'infiltration des tissus du bassin et de la croupe par l'exsudat, et les animaux éprouvent les plus vives souffrances. Sur un de nos animaux inoculés, dit M. Delamotte, où nous avons trouvé une dilatation énorme du cœur, nous nous sommes même d.emandé si cet accident n'était pas le résultat des souffrances et surtout des épreintes violentes et incessantes qui épuisent les malades.
Il peut même arriver que l'engorgement caudal n'envahisse pas la croupe et qu'une tuméfaction apparaisse dans l'auge, d'où elle s'étend vers la gorge et dans l'intérieur de la bouche, tout en prenant de telles proportions que l'animal ne peut plus ni manger ni boire et meurt d'inanition. (Abadie.)
Lésions. — Au point inoculé, sur toute l'étendue de la queue,
dans les muscles de la croupe, au pourtour de l'anus, on constate une infiltration de sérosité gélatiniforme, roussâtre ou jaunâtre. Cette infiltration s'étend dans le tissu conjonctif intra-musculaire, qui est ainsi distendu, gonflé, formant des travées entre lesquelles la substance musculaire, comprimée, infiltrée, prend une teinte gris jaunâtre. On voit ainsi des espèces de marbrures comparables à celles de l'hépatisation pulmonaire. Les ganglions correspondant au point inoculé sont hypertrophiés ; ils peuvent atteindre le volume d'un œuf de dinde. En les incisant, on remarque que leur tissu est jaunâtre ou grisâtre, infiltré d'un liquide épais, puriforme. Les ganglions sous-lombaires, pelviens, peuvent être aussi hypertrophiés, infiltrés. (Rossignol.)
Lorsque l'inoculation est faite dans le flanc, les tissus voisins sont infiltrés de sérosité et l'on constate des lésions de péritonite. Quand l'inoculation est pratiquée en arrière de l'épaule, il y a une énorme infiltration de sérosité dans le tissu conjonctif souscutané et intramusculaire ; il peut même arriver que l'on trouve un épanchement dans les plèvres, dans le péricarde. Chez les jeunes animaux, les lésions intéressent le tissu conjonctif périarticulaire, les synoviales articulaires et tendineuses.
Mais généralement, on ne constate pas de lésions pulmonaires, c'est-à-dire que l'on ne trouve ni hépatisation, ni infiltration péri-lobulaire chez les animaux inoculés ; parfois seulement un peu d'emphysème.
Les cas, assez rares d'ailleurs, dans lesquels'des lésions pulmonaires semblables à celles de la Péripneumonie ont été signalées, sont très contestables, puisqu'il est admis aujourd'hui que le processus péripneumonique peut évoluer d'une manière latente et que rien ne prouve que les lésions pulmonaires n'étaient pas antérieures à l'inoculation.
Traitement. — Il est préventif ou curatif. Le traitement préventif porte sur le choix du liquide à inoculer, l'atténuation de la virulence de ce liquide, la double inoculation et l'amputation de la queue.
On sait que l'on doit recueillir le liquide à inoculer dans le poumon d'une bête abattue à la deuxième période de la Péripneumonie. On a cependant conseillé de se servir de la sérosité qui infiltre l'extrémité de la queue chez les bêtes inoculées avec succès. C'est ainsi que Maris de Hasselt a employé ce liquide qu'il appelle un virus secondaire. Et M. Willems a même recommandé d'inoculer de queue à queue, de même qu'on vaccine de bras à bras. Mais il n'est pas à notre connaissance que ce procédé se soit généralisé, bien que le nombre de sujets sur lesquels M. Lenglen l'a essayé s'élevât « à plus de mille » en 1863 et que le liquide
-« inoculé n'eût rien perdu de sa vertu préservatrice » quoiqu'il fût arrivé à la vingt-cinquième génération (1).
Il paraît en être de même de l'emploi du liquide pleural vanté -en 1875 par M. Ogilvie (de Sydney). On pouvait penser à priori que la sérosité pulmonaire étant recueillie au contact de l'air et .mélangée ainsi à des germes étrangers, devait posséder une viru-
.lence plus grande que la sérosité obtenue à l'état de pureté par la méthode de M. Pasteur. Mais l'expérience n'a pas justifié cette manière de voir. Si, en effet, après avoir obtenu la sérosité pure, ..on la délaie dans du bouillon de veau stérilisé et que l'on injecte deux gouttes de ce mélange sous l'épiderme, avec une seringue -Pravaz et au lieu d'élection, en ayant le soin « de brûler un point de la surface de la queue avant d'inoculer le virus à cette place », .on constate que les accidents sont plus nombreux que par-les procédés ordinaires. C'est ainsi que M. Pasteur ayant inoculé de la sorte quatorze vaches, deux d'entre elles sont mortes, deux autres ont perdu la queue, et en définitive, « les inflammations, les œdèmes, les accidents graves ont été considérables ». Tandis que sur quatorze vaches inoculées en même temps par M. Mollereau, par le procédé ordinaire, aucune n'a succombé. C'est ce qui a porté M. Pasteur à penser que « les accidents de mort ou de dépréciation ne seraient pas le fait des souillures du virus, et si ,ces souillures produisent une influence, ce ne serait point pour aggraver et compliquer le mal; elles tendraient plutôt à le restreindre et à amener des insuccès d'inoculation. Les accidents procéderaient de la virulence même du virus, et, par conséquent, ils seraient inhérents à la méthode actuelle. En d'autres termes, -si l'inoculation en un point du corps autre que l'extrémité de la ..queue amène beaucoup de mortalité, l'inoculation à la queue, tout en provoquant une mortalité moindre, en amènerait toujours une forcément, quelque procédé d'inoculation qu'on adopte. Bref, il faudrait profondément modifier la méthode, non par la recherche -d'un modus faciendi spécial, mais par la recherche d'une atténuation dans la virulence du virus. Il faudrait, de toute nécessité, ,employer le virus plus pur qu'on ne l'emploie, mais en mème temps qu'il fût atténué, diminué dans sa force. »
On s'est appliqué à atteindre ce but, par la dilution, l'air comprimé, le chauffage.
La dilution a été essayée sur une génisse normande, âgée ,de huit à neuf mois, qui fut inoculée d'emblée à l'encolure. Cette bête reçut en injection sous-cutanée un centimètre cube d'une dilution composée d'un demi-centimètre cube de sérosité pulmo-
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1881, p. 300.
naire et de 25 centimètres cubes d'eau distillée et stérélisée. Au bout de huit jours, l'animal présenta une légère élévation de la température et le lendemain, c'est-à-dire le neuvième jour, « un léger œdème un peu chaud et sensible » s'était développé au point inoculé. Les jours suivants, l'engorgement envahit la gouttière' jugulaire, le bord antérieur de l'épaule, le poitrail, et il atteignit de telles proportions que les mouvements du membre antérieur correspondant au côté inoculé, et de l'encolure étaient impossibles. Cependant, vers le dix-huitième jour après l'inoculation,. la résolution commença à s'opérer et elle fiL de tels progrès que quatre jours plus tard, il ne restait plus « que deux noyaux ganglionnaires du volume d'un petit œuf de poule au niveau du bord antérieur de l'épaule et un œdème assez fort de la région du fanon : température, 39°. Les mouvements ont repris toute leur aisance. » Et trois jours plus tard, soit vingt-cinq jours après l'inoculation, « tout est rentré dans l'ordre ». (Rapport de MM. Mollereau et Nocard.) Soumise à une inoculation critère, un mois et demi après, cette bête a parfaitement résisté, comme il était facile. de le prévoir. Vingt mois après, elle subit une deuxième inoculation critère sans en être incommodée. Et même, elle donna naissance à un veau qui, à l'âge de sept à huit mois, supporta, sans trouble de la santé, une inoculation en région défendue.
MM. Mollereau et Nocard estiment que de ce ;fait « on ne saurait conclure que la dilution dans cinquante volumes d'eau ait produit une atténuation quelconque du virus péripneumonique », vu la gravité des symptômes présentés par l'animal inoculé et cette raison « que l'insertion du virus pur dans les régions défendues n'est pas toujours fatalement mortelle ». Cela est très vrai, mais ce virus pur semble cependant plus actif que celui qui est recueilli au contact de l'air, témoin l'expérience comparative faite. par MM. Pasteur et Mollereau. Et ne voit-on pas qu'en inoculant d'emblée ce virus en région défendue, et à forte dose, au lieu de l'inoculer à la pointe de la queue et à dose modérée, on ne se place point dans les conditions de la pratique ? Dès lors, n'est-il pas permis de penser que le jugement porté sur la dilution est à la fois hâtif et trop absolu? C'est au moins noire avis et nous estimons qu'il y a encore des recherches à faire pour savoir si la dilution ne permettrait pas d'atténuer les dangers de l'inoculation caudale sous-cutanée, tout en permettant de profiter de cette méthode opératoire, qui assure mieux que toute autre — l'injection intraveineuse exceptée — l'absorption de la sérosité vaccinale.
D'ailleurs, MM. Mollereau et Nocard ont annoncé à la Société centrale'de médecine vétérinaire (Séance du 25 janvier 1883) des
expériences sur les effets de l'inoculation péripneumonique pratiquée avec une dilution de virus péripneumonique dans « une petite quantité d'eau oxygénée ». Il n'est pas à notre connaissance que ces expériences dont « les résultats, déjà acquis » en 1883, étaient « des plus encourageants », aientété livrées àla publicité : la question reste donc entière et il n'est pas prouvé que l'emploi judicieux de la dilution doive être rejeté.
Au Congrès international de Bruxelles (1883), M. Law, des États-Unis, a annoncé qu'il avait inoculé, « il y a deux ans, dix bêtes avec les produits chimiques de la lymphe pleuropneumonique stérilisée par la chaleur, 140° à 150° Fahrenheit (78° à 83° centigrades) sans produire ni maladie locale, ni lésion générale (constitutionnelle) autre qu'une fièvre légère d'un ou de deux jours. Tous ces animaux furent plus tard fréquemment inoculés avec de la lymphe fraîche et ne contractèrent pas la moindre lésion locale consécutive. »
En 1885, M. Rossignol annonçait à la Société de, médecine vétérinaire pratique que des expériences devaient être faites sur cinq sujets que l'on se proposait d'inoculer « avec du virus traité par l'oxygène comprimé », suivant la méthode d'atténuation découverte par M. Chauveau et appliquée avec succès au bacillus anthracis. Mais il ne paraît pas que ce projet ait été réalisé, car il n'en a plus été parlé.
Il en est autrement de l'atténuation de la virulence péripneumonique par le chauffage. A ce sujet, des expériences ont eu lieu à Pouilly-le-Fort, chez M. Rossignol, en 1885 et en 1886.
Elles ont porté sur « douze animaux de la race fémeline, une vache brelonne et un bœuf », qui ont été inoculés tantôt à l'oreille, tantôt à l'hypocondre avec du virus chauffé à 100°, à 95°, à 85% à 75°, à 65° et à 55°. Excepté deux sujets qui furent conservés comme témoins, les douze autres ont reçu chacun un centigramme de cette poudre présumée vaccinale, délayée dans un centimètre cube d'eau distillée. Ils ont été l'objet de deux inoculations : l'une faite avec un virus faible, et l'autre avec un virus moins atténué afin de renforcer la première. Puis, qùinze jours après, ils ont été soumis à l'inoculation critère, dans le flanc; trois d'entre eux et les deux témoins succombèrent. Et M. Rossignol conclut : 1° qu'une température de 75° semble détruire la virulence de la sérosité péripneumonique, contrairement aux résultats annoncés par Law; 2° qu'a partir de 65°, elle conserve une certaine activité qui est susceptible, « dans un certain nombre de cas, de donner l'immunité aux animaux auxquels on l'inocule ».
Ces expériences ont été reprises, en se servant de virus chauffé à 55° ou seulement à 40° et injecté dans les veines. Elles ont porté
sur deux sujets qui ont acquis ainsi l'immunité. 11 est clair qu'il faut attendre de nouvelles expériences pour se prononcer sur la valeur du chauffage comme méthode d'atténuation appliquée à la sérosité péripneumonique.
Pour assurer le succès de l'inoculation, on a recommandé, depuis plus de vingt ans, de la pratiquer une seconde fois, « afin d'être bien sûr que des circonstances accidentelles n'en ont pas enrayé le succès » (7e rapport de la Commission belge, 1864). — La commission scientifique instituée près du ministère de l'intérieur, en Belgique, a conclu également que « dans les contrées où la Péripneumonie est devenue plus ou moins enzootique, il est bon d'inoculer convenablement dans le courant de l'automne, les veaux d'élève, et de les soumettre plus tard à une réinoculation ».
M. Delamotte a formulé une conclusion analogue dans son rapport sur la Péripneumonie, publié en 1885. Il estime que le moyen prophylactique le plus inoffensif et le plus efficace, le seul qu'on ne saurait trop recommander, non seulement dans les Basses-Pyrénées, mais partout où sévit la Péripneumonie, « consisterait à inoculer les bêtes avant qu'elles aient atteint l'âge de six mois et de les réinoculer plus tard ».
La double inoculation a été fortement préconisée par H. Bouley afin de renforcer l'immunité conférée par une première inoculation et d'en apprécier sûrement les effets. On conçoit que si une deuxième inoculation pratiquée un mois et demi ou deux mois après la première, prenait sur une série de sujets qui en auraient subi une première avec un liquide réputé virulent, cette manifestation donnerait la preuve, comme le dit H. Bouley, que ce liquide était de qualité inférieure ou nulle.
L'amputation de la queue comme moyen préventif des complications de l'inoculation a été recommandée dès 1861 par Delafond, au cours d'une discussion dont la Péripneumonie fut l'objet à la Société centrale vétérinaire.
Je crois, disait Delafond, qu'il est bon, pour prévenir l'excès de la réaction locale et l'engorgement de la totalité de la queue, de pratiquer d'emblée l'amputation de l'extrémité de cet organe. Lesrésultats que j'ai obtenus par ce moyen, ajoutait-il, m'ont toujours paru satisfaisants; l'action préservatrice de l'inoculation n'a pas été atténuée et les accidents consécutifs se sont trouvés évités (1). Dans le département du Nord, il est des fermes où les animaux sont inoculés préventivement dès leur arrivée et l'amputation de la queue est faite vingt-quatre heures après. Cette pratique est sanctionnée par une expérience de plusieurs années.
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1861, p. 1058.
Sanson.) Toutefois M. Bernard (du Nord) estime « qu'amputer la queue, même après l'apparition des phénomènes inflammatoires, c'est empêcher l'inoculation de produire son effet préservatif ».
M. Royer de Roubaix conseille le procédé opératoire suivant pour prévenir les accidents consécutifs à l'inoculation de la Péripneumonie :
On coupe les poils du toupillon au ras de la peau, sur une longueur de deux travers de doigt et à 2 ou 3 centimètres de l'extrémité ; puis avec un bistouri neuf ou flambé, on pratique dans toute l'épaisseur du tégument une incision franche de 2 centimètres, mais très obliquement, afin que le biseau supérieur serve de couvercle à la plaie sur laquelle le liquide virulent est versé à plusieurs reprises. La plaie est ensuite recouverte de quelques tours de bande qu'on enlève vingt-quatre heures après.
Deux ou trois jours après l'inoculation, on ampute la queue, juste au-dessus •du point inoculé et l'ou cautérise le tronçon.
Enfin, deux ou trois jours encore après, ou plus, suivant la facilité que l'on a de se procurer du liquide virulent, on fait, toujours de la même manière, une nouvelle inoculation à quelques centimètres au-dessus de la ■section (1).
Suivant M. Royer, l'amputation de la queue faite trois jours après l'inoculation, préviendrait les engorgements dont cette région devient le siège, tout en permettant l'absorption d'une certaine quantité de mafière virulente, suffisante pour conférer un certain degré d'immunité que l'on renforce par une deuxième inoculation. Quelle que soit l'interprétation de ce procédé, on ne peut s'empêcher de remarquer qu'il est bien compliqué et difficilement applièable lorsque les animaux inoculés se trouvent •dans une localité éloignée du domicile du vétérinaire. D'ailleurs, il ne paraît pas que son efficacité ait été sanctionnée par la pratique.
Traitement curatif. — Si malgré toutes les précautions, l'engorgement de la région inoculée augmente de plus en plus, on a recommandé de débrider les plaies d'inoculation et de passer dans les incisions résultant de ce débridement, un cautère chauffé à blanc. (HuarL.) On applique ensuite sur ces plaies de l'onguent vésicatoire, mélangé d'essence de térébenthine.
M. Trasbot a particulièrement recommandé « les scarifications de l'engorgement avec application de teinture d'iode ». M. MollePeau emploie de préférence, « soit les irrigations continues, avec l'eau froide, lorsque la chose est possible, soit les applications de glace ». Il ajoute que l'amputation de la queue, faite dès l'apparition des phénomènes inflammatoires exagérés, est souvent un moyen très suffisant.
M. Delamotte a employé avec avantage des scarifications suivies
(0 Bulletin de la Société centrale de médecine vétérinaire, séance du 24 février 1885, p. 103.
de frictions, soit avec la pommade stibiée, suivant la formule recommandée par Cruzel : parties égales d'émétique et d'axonge, remplacée aujourd'hui par la vaseline, soit avec un « liniment ammoniacal phéniqué et camphré : huile camphrée, 12 3 parties; ammoniaque, 1 partie; acide phénique, 1/10».
M. Rossignol combat l'engorgement caudal par l'ignipuncture associée aux injections hypodermiques de teinture d'iode. A cet effet, il applique « tout à fait à la limite de l'engorgement, une couronne de pointes de feu pénétrantes », puis il enfonce l'aiguille d'une seringue Pravaz dans chaque piqûre de cautère, dans laquelle il injecte « la moitié du contenu de la seringue chargée de teinture d'iode ». Par ce moyen, cet habile praticien a réussi à limiter l'engorgement inflammatoire.
En résumé, malgré les innombrables recherches faites surl'inoculation préventive de la Péripneumonie contagieuse et les perfectionnements apportés à cette opération, les suites n'en sont pas toujours bénignes et des accidents fort graves peuvent se déclarer, alors même que l'on a procédé suivant toutes les règles de l'art.
De nouvelles recherches sont donc nécessaires pour réduire ces accidents à leur plus petit nombre, tout en conférant sûrement l'immunité.
4° Police sanitaire. — Il y a lieu d'étudier successivement la police sanitaire de la Péripneumonie, à l'intérieur de la France,, à la frontière et en Algérie.
ARTICLE 1
POLICE SANITAIRE A L'INTÉRIEUR.
§ ter. — Constatation de la Péripneumonie contagieuse. — Délivrance de l'ordre d'abatage et d'inoculation.
Lorsque le maire d'une commune est informé de l'existence de la Péripneumonie contagieuse ou seulement dans le cas de simple suspicion, il doit en aviser le jour même le préfet et prévenir en même temps le vétérinaire ; « celui-ci se rendra sur les lieux sans aucun délai et il rédigera, séance tenante, son rapport qu'il adressera au vétérinaire délégué, chef du service sanitaire du département» (Circul. minist., 18juin 1883), au lieu de le transmettre à la préfecture comme cela se pratiquait avant la circulaire précitée.
« Au reçu du rapport de son collègue, concluant à l'existence de la Péripneumonie, le vétérinaire délégué se rendra dans la
commune, comme l'exige l'article 96 du règlement d'administration publique du 22 juin 1882, et, si son diagnostic confirme celui du vétérinaire sanitaire, il en informe de suite le préfet.
« Pour les communes éloignées, le vétérinaire délégué demandera au préfet, par le télégraphe, l'ordre d'abatage des animaux malades et l'inoculation des suspects. Cet ordre sera notifié également par voie télégraphique, au maire de la commune qui est chargé de l'exécution. Au retour du vétérinaire délégué, le préfet prendra un arrêté dans la forme ordinaire, en ayant le soin de lui donner la date même du télégramme adressé au maire. »
Telle est la procédure prescrite par la circulaire ministérielle du 18 juin 1883.
Cette circulaire a eu pour but de rémédier aux lenteurs de la procédure employée primitivement et qui avaient pour conséquence de faire perdre aux propriétaires leur droit à l'indemnité. Il est arrivé en effet que des demandes d'indemnité ont dû être écartées parce qu'elles s'appliquaient « à des animaux dont la maladie avait été signalée à l'autorité préfectorale, mais dont la mort était survenue avant que l'arrêté d'abatage eût été rendu, ou avant que cet arrêté eût pu recevoir son exécution ». Pour prévenir de nouvelles plaintes à ce sujet, « en même temps que pour se conformer aux intentions du législateur, qui a voulu l'extinction aussi prompte que possible des foyers de contagion, il est indispensable que les formalités -qui doivent précéder l'émission de l'ordre d'abatage soient accomplies avec la plus grande célérité. «Je tiens, dit le Ministre de l'agriculture, à ce qu'il ne s'écoule que le temps strictement nécessaire entre le moment de la déclaration et l'application des mesures sanitaires réclamées par les circonstances, de façon à remplir le but de la loi et à ne pas compromettre, par des retards souvent injustifiables, les intérêts des agriculteurs. » Tels sont les motifs de l'importante circulaire du 18 juin 1883, qui simplifie et abrège considérablement la procédure relative à la constatation de la Péripneumonie et à la délivrance des ordres d'abatage et d'inoculation.
Si le vétérinaire délégué chef du service sanitaire du département n'est pas d'accord avec le vétérinaire sanitaire sur l'existence de la Péripneumonie contagieuse, le préfet désigne un troisième vétérinaire. Suivant l'article 98 du règlement d'administration publique, la désignation de ce troisième vétérinaire devrait être faite par le Ministre de l'agriculture; mais, pour simplifier cette procédure, gagner du temps et prévenir ainsi la contagion, la circulaire ministérielle du 20 août 1882 déroge à cette règle et confère au préfet le droit dont il s'agit, sauf à informer le Ministre de cet incident.
§ 2. — Mesures à prendre à l'égard des animaux malades.
1° A batage. — Les animaux atteints de Péripneumonie doivent être abattus, conformément aux dispositions de l'article 9 de la loi du 21 juillet 1881. Cette mesure, qui a pour but de faire disparaître tous les foyers contagieux, est motivée par la marche insidieuse et lente de la maladie et l'insuffisance des moyens ordinaires de police sanitaire.
L'article 9 de la loi investit le préfet du droit d'ordonner l'abatage des animaux malades. Or, nous avons fait remarquer ci-dessus que la circulaire ministérielle du 18 juin 1883, enjoint aux préfets de délivrer sans retard l'ordre d'abatage, afin de ne pas compromettre les intérêts des agriculteurs. A cet effet, ils doivent l'adresser par voie télégraphique au maire de la commune où la maladie a été constatée, surtout lorsque cette commune est éloignée. Dès que le maire a reçu cet ordre, il doit mettre toute la diligence nécessaire pour que l'abatage soit exécuté dans le plus bref délai possible et que le vœu de la loi soit rempli.
L'exécution de cette mesure donne droit à l'indemnité accordée par l'article 17 de la loi. Par conséquent, il est nécessaire que les animaux soient estimés avant d'être abattus.
Estimation. — Les règles de l'estimation sont contenues dans l'article 20 de la loi :
ART. 20. — Avant l'exécution de l'ordre d'abatage, il est procédé à une évaluation des animaux par le vétérinaire délégué et un expert désigné par la partie.
A défaut, par la partie, de désigner un expert, le vétérinaire délégué opère seul.
Il est dressé un procès-verbal de l'expertise; le maire et le juge de paix le contresignent et donnent leur avis.
Le procès-verbal d'estimation est une pièce comptable indispensable pour la demande d'indemnité, et le législateur, en prescrivant que cette pièce doit être contresignée par le juge de paix et le maire qui donnent.leur avis sur le chiffre fixé, a voulu s'entourer de toutes les garanties dans l'intérêt du Trésor public.
Il a également décidé que l'estimation pouvait être révisée par une commission dont les membres sont nommés par le Ministre de l'agriculture. (Art. 21 de la loi.) Après avoir été contresigné comme il vient d'être dit, ce procès-verbal est transmis par le maire au préfet « dans les cinq jours de sa date ». (Art. 65 du Règlement.)
Lieu d'abatage. — L'animal étant estimé est ensuite abattu
sur place, c'est-à-dire dans la localité même où il se trouve. Le but de la loi serait en effet manqué et l'Etat s'imposerait des sacrifices en pure perte, s'il était' permis de laisser circuler ou de transporter les animaux malades hors du territoire déclaré infecté.
Autopsie. — Une fois que l'animal est abattu, l'autopsie doit en être faite, de même que la constatation de la maladie, sur le sujet vivant, par deux vétérinaires (Circ. minist., 3 décembre 1881), c'est-à-dire le vétérinaire sanitaire de la circonscription et le vétérinaire délégué, chef du service sanitaire du département. Cette opération fait l'objet d'un procès-verbal dé taillé contenant la description fidèle et précise des lésions constatées, et les conclusions doivent en être bien motivées. Ce procès-verbal sera signé par les deux vétérinaires. Il constitue une pièce indispensable à l'appui de la demande d'indemnité.
2° Vente de la chair et des débi-is cadavériques. — Enfouissement. — Équarrissage. — Les règles à observer pour l'utilisation des débris cadavériques sont contenues dans l'article 26 du règlement :
ART. 26. — La chair des animaux abattus pour cause de Péripneumonie ne peut être livrée à la consommation publique qu'en vertu d'une autorisation du maire, sur l'avis conforme du vétérinaire délégué.
Les poumons sont détruits ou enfouis; l'utilisation des peaux demeure permise après désinfection.
Dans l'état actuel de nos connaissances, la chair des animaux péripneumoniques n'est point réputée insalubre ; elle pourra donc être livrée à la consommation, en admettant que l'animal ne soit pas trop maigre et qu'il ait été convenablement saigné. De plus, pour être réputée bonne pour la consommation, cette viande doit prendre de la consistance par le refroidissement; elle ne doit point rester molle et comme gélatineuse.
Lorsque la chair d'un animal abattu comme atteint de la Péripneumonie est jugée bonne par le vétérinaire commis à cet effet, le maire en autorise la consommation. Toutefois, dans les communes où il existe un abattoir avec service d'inspection des viandes, l'intervention du maire ne sera pas nécessaire, attendu que ce service « qui a une délégation de l'autorité municipale, est apte à donner l'autorisation prévue par l'article 26 du règlement, et cela d'autant mieux que, dans l'espèce, il sera assisté du vétérinaire délégué chargé de l'autopsie ». (Circ. minist., 20 août 1882.)
Ce qui revient à dire que le vétérinaire inspecteur d'un abattoir étant un délégué de l'autorité municipale, a parfaitement qualité pour statuer dans un cas de ce genre.
Si l'on peut tolérer l'abatage des bêtes péripneumoniques en vue de la boucherie, et permettre la consommation de leur chair, il n'en est pas de même de l'utilisation de certaines issues, les poumons notamment, attendu que ces viscères, qui ont d'ailleurs peu de valeur, contiennent le germe virulent et constituent ainsi des matières contagieuses très actives. En conséquence, notre législation en prescrit la destruction ou l'enfouissement. (Art. 26 du Règlement).
En ce qui concerne l'utilisation des peaux provenant d'animaux abattus comme atteints de Péripneumonie contagieuse, l'article 26 du Règlement d'administration publique établit qu'elle demeure permise, après désinfection. Cette désinfection a lieu par l'immersion complète de la peau dans la solution de sulfate de zinc à 2 p. 100.
3° Indemnités. — Le taux en est fixé par l'article 17 de la loi.
ART. 17. — Il est alloué aux propriétaires d'animaux abattus pour cause de Péripneumonie contagieuse ou morts par suite de l'inoculation, en vertu de l'article 9, une indemnité ainsi réglée :
La moitié de leur valeur avant la maladie, s'ils en sont reconnus atteints; Les trois quarts s'ils ont seulement été contaminés;
La totalité, s'ils sont morts des suites de l'inoculation de la Péripneumonie contagieuse;
L'indemnité à accorder ne peut dépasser la somme de 400 francs pour la moitié de la valeur de l'animal; celle de 600 francs pour les trois quarts et celle de 800 francs pour la totalité de sa valeur.
Motifs. — En accordant une indemnité aux propriétaires d'animaux abattus pour cause de Péripneumonie, le législateur a voulu, d'une part, provoquer des déclarations hâtives, permettant à l'autorité de détruire les foyers contagieux aussitôt qu'ils sont signalés et, d'autre part, faciliter l'application de l'abatage prescrit par l'article 9 de la loi.
Avant la loi du 21 juillet 1881, notre législation sanitaire n'accordait aucune indemnité pour la Péripneumonie contagieuse, et cette maladie était considérée avec juste raison comme l'une des plus redoutables pour l'agriculture. On sait, en effet, qu'elle ne se propage que par contagion ; qu'elle est incurable, du moins dans le plus grand nombre des cas, et qu'un animal qui en a été affecté peut, tout en ayant les apparences de la santé, l'introduire dans une étable. Aussi, en raison de la continuité de son action, de sa marche insidieuse, de la longue durée de sa période d'incubation, la Péripneumonie contagieuse est-elle plus préjudiciable à notre bétail que la peste bovine, dont l'apparition n'a lieu qu'à des intervalles très éloignés.
Afin d'arrèter les progrès de la contagion de la Péripneumonie, considérant, d'unepart, que « les quatre cinquièmes des animaux atteints de cette maladie échappent à la mort, l'abatage obligatoire peut être assimilé à une expropriation pour cause d'utilité publique dont l'indemnité est la base fondamentale »; et, d'autre part, « que chez les peuples chez lesquels la Péripneumonie sévissait avec le plus d'intensité, cette maladie avait considérablement diminué ou était presque anéantie à la suite de l'abatage, avec indemnité des animaux atteints ou suspects, ainsi que de l'inoculation des animaux sains (1) » : le législateur a décidé que l'abatage serait obligatoire sous la condition d'une juste indemnité. Mais cette décision n'a pas été adoptée sans discussion. Ainsi, à la Chambre des députés, M. des Rotours a déposé un amendement tendant à élever l'indemnité à 750 francs pour l'abatage des animaux malades, et à 1,000 francs pour celui des animaux suspects ou qui meurent de l'inoculation. Cet amendement fut adopté à la Chambre des députés, mais le Sénat le rejeta. Au Sénat, l'abatage obligatoire et l'inoculation considérés comme mesures sanitaires applicables à la Péripneumonie et l'indemnité qui en est le corollaire indispensable furent vivement combattus par le docteur Testelin qui pensait que, si l'inoculation était appliquée aux 200,000 tètes de bétail que nous importons chaque année, nous aurions à payer de ce chef 2,525,010 francs, attendu que la perte s'élève à 1,14 p. 100 et en admettant que le prix d'une bête bovine ne dépasse pas 470 francs, chiffre fixé par la commission des valeurs. Mais M. Tirard, alors ministre de l'agriculture, a réduit cet argument à sa juste valeur, en faisant remarquer qu'il n'entre en France, « d'après la dernière statistique, que 55 à 60,000 têtes. de bétail qui sont livrées à l'élevage, à la laiterie et à l'engraissement. Tout le reste, c'est-à-dire l'immense majorité, va immédiatement à la boucherie, et, par conséquent, n'est pas mis en contact dans les fermes, dans les étables avec nos propres animaux (2). » En calculant le chiffre de la mortalité à la suite de l'inoculation, d'après une perte moyenne de 1,14 à 1,29 p. 100, on trouve 730 à 770 animaux, qui, estimés à 450 francs l'un, représenteraient une perte de 330,000 francs, et non pas de deux millions et demi. Après les explications du ministre de l'agriculture, l'article 17 de la loi concernant les indemnités a été maintenu sans modification.
« Procédure relative à la demande d,indemnité. — La demande
(1) Rapport de M. Jobart, au nom de la commission du Sénat, chargée d'examiner, en deuxième délibération, le projet de loi sur la police sanitaire des animaux, séance du 8 juillet 1881.
(2) Journal officiel, 8 juillet 1881.
d'indemnité doit être écrite sur papier timbré, ainsi que le prescrit la loi du 13 brumaire an VII. « Elle doit être adressée au ministre de l'agriculture et du commerce, dans le délai de trois mois, à dater du jour de l'abatage, sous peine de déchéance. » (Art. 21 de la loi.) Il était nécessaire d'assigner une limite de temps à la demande dont il s'agit afin que l'administration pût faire vérifier, et au besoin contrôler par une enquête, les évaluations des experts. D'ailleurs, le règlement d'administration publique stipule, dans l'article 66, que la demande d'indemnité doit être transmise au préfet, par l'intermédiaire du maire, en même temps que le procès-verbal d'estimation. Or, cette pièce comptable doit être immédiatement dressée, c'est-à-dire que l'estimation est faite et transmise au préfet « dans les cinq jours de la date. » (Art. 65 du règlement.) A l'appui de sa d'emande d'indemnité, le propriétaire doit produire les pièces suivantes énumérées dans l'article 66 du règlement :
« 1° Le procès-verbal d'estimation, contresigné par le maire et le juge de paix ;
« 2° Une copie certifiée conforme par le maire, de l'ordre d'abatage ; « 3° Un certificat du maire attestant que l'ordre d'abatage a reçu son exécution ;
« 4° Une copie certifiée de la déclaration, faite à la mairie par le propriétaire, de l'apparition de la maladie dans son étable;
« 5° Un certificat du maire constatant que le propriétaire s'est conformé à toutes les autres prescriptions de la loi », attendu que toute infraction peut entraîner la perte du droit à l'indemnité. (Art. 22 de la loi.)
« 6° Une déclaration du propriétaire faisant connaître, lorsqu'il y aura lieu, pour chaque tête de bétail, le produit de la vente des animaux ou de leurs chairs et débris », conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi. Il peut arriver, en effet, que les animaux atteints de Péripneumonie soient en bon état de chair au moment de l'abatage et que l'inspecteur des viandes de boucherie en tolère la consommation. Dans ce cas, le produit de vente de la viande, du suif, du cuir, et des débris cadavériques autres que le poumon et la trachée — qui devront toujours être enfouis ou livrés à l'équarrisseur — appartient au propriétaire ; toutefois « s'il est supérieur à la portion de la valeur laissée à sa charge, l'indemnité due par l'État est réduite de l'excédent. » (Art. 19 de la loi.) Par exemple, si un bœuf atteint de Péripneumonie est abattu, après avoir été estimé 400 francs, et que la vente de sa chair et de ses débris produise 300 francs, c'est-à-dire plus de la moitié de la valeur de l'animal, l'indemnité sera réduite de l'excédent, soit de 100 francs dans l'exemple choisi.
« 7° A ces pièces doivent être joints, dans le cas d'abatage pour cause de Péripneumonie ou de mort des suites de l'inoculation de cette maladie, le procès-verbal d'autopsie des animaux pour la perte desquels l'indemnité est réclamée, et 8° un certificat d'origine constatant que les animaux malades n'ont pas été introduits en France, dans les trois mois qui ont précédé l'abatage » ; car 'l'article 18 de la loi stipule qu'il n'est alloué aucune indemnité aux propriétaires d'animaux importés des pays étrangers, abattus pour cause de Péripneumonie contagieuse dans les trois mois qui ont suivi leur importation en France. La période d'incubation de la Péripneumonie pouvant être de trois mois, le législateur a pensé, avec juste raison, que des animaux introduits en France depuis moins de trois mois et chez lesquels la Péripneumonie se développe peuvent en avoir contracté le germe en territoire étranger.
Fixation par le Ministre de l'indemnité proposée par les experts. — L'article 21 de la loi dispose que « l'indemnité est fixée par le ministre de l'agriculture, sauf recours au Conseil d'Etat. » L'indemnité constituant une dépense publique et le ministre ayant seul qualité pour engager les finances de l'État, cette disposition de la loi s'explique tout naturellement. Ces motifs s'appliquent également au deuxième alinéa de l'article 21 de la loi qui stipule que « le ministre peut ordonner la révision des évaluations faites en vertu de l'article 20, par une commission dont il désigne les membres. » A cet égard, l'article 66 du règlement contient les dispositions suivantes : ,
Lorsque le Ministre juge nécessaire de faire réviser l'estimation, conformément à l'article 21 de la loi, il renvoie les pièces au préfet.
La commission de révision prévue par ledit article est composée de six membres, y compris le préfet ou son délégué, président, dont la voix est prépondérante en cas de partage. Les pièces lui sont transmises ; elle donne son avis, après avoir mis les parties intéressées en demeure de produire leurs observations.
§ 3. — Mesures à prendre à l'égard des animaux suspects.
1° Inoculation. — Elle est prescrite par l'article 9 de la loi du 21 juillet 1881, qui investit le préfet du droit d'ordonner « l'inoculation dans les localités reconnues infectées de cette maladie. » En étudiant l'inoculation dite de nécessité, qui est seule obligatoire, nous avons indiqué le sens administratif de ces mots: localités reconnues infectées. (Voy. p. 597.)
Délivrance d.e l'ordre d'inoculation. — La circulaire ministérielle du 18 juin 1887, adressée aux préfets, invite ces fonctionnaires à donner cet ordre le plus promptement possible et même
par télégramme quand il doit être appliqué dans des communes éloignées.
Estimation. — Avant de procéder à l'inoculation, les animaux sont estimés suivant le même mode qu'avant l'abatage. (Voy. p. 622.) Le procès-verbal d'estimation est immédiatement dressé et déposé à la mairie. « Le maire, après l'avoir contresigné et fait contresigner par le juge de paix, le transmet au préfet, dans les. cinq jours de sa date. » (Art. 65 du règlement.)
Quel est le vétérinaire qui pratique l'inoeulatioiii ? — L'inoculation est pratiquée, soit par le vétérinaire sanitaire de la circonscription dans laquelle la Péripneumonie s'est déclarée, soit par le vétérinaire délégué, chef du service sanitaire du département. L'article 18 de la loi du 11 juillet 1881 interdit l'exercice de la médecine vétérinaire dans les maladies contagieuses qu'elleénumère à « quiconque n'est pas pourvu du diplôme de vétérinaire. » Par conséquent, les vétérinaires ont seuls qualité pour pratiquer l'inoculation de la Péripneumonie, et par un jugement rendu le 1er septembre 1883, le tribunal correctionnel de Douai a condamné un empirique à 200 francs d'amende et aux frais pour avoir fait cette opération.
Nous avons exposé précédemment les considérations relatives au choix du liquide à inoculer, au manuel opératoire, aux effets et accidents de l'inoculation péripneumonique ; il nous reste à examiner les formalités à remplir lorsque l'animal meurt de l'inoculation et la procédure relative à la demande d'indemnité.
Formalités à remplir lorsque l'animal meurt après l'inoculation. — Dans ce cas, l'autopsie doit en être faite avec le plus grand soin par de vétérinaire, soit qu'il ait été appelé par le propriétaire de l'animal inoculé, lorsque des symptômes inquiétants se sont manifestés, soit qu'il ait été invité par l'autorité locale à rechercher la cause de la mort. Le vétérinaire rédige un procèsverbal d'autopsie contenant la description des lésions qu'il a constatées, leur origine, leurs causes et les conclusions qui en résultent. En un mot, le procès-verbal d'autopsie doit établir clairement les rapports quipeuvent exister entre les lésions constatées et l'inoculation ; les conclusions doivent en être bien motivées, car elles servent de base à la demande d'indemnité qui peut être formée par le propriétaire. Si le vétérinaire conclut que l'inoculation est la cause de la mort, le propriétaire peut alors invoquer les dispositions de l'article 17 de la loi, qui lui donnent droit à l'indemnité, représentée dans ce cas par « la totalité » de la valeur de l'animal, sans dépasser la somme de 800 francs, ce qui est certainement très rationnel.
Tou tefois, il faut bien remarquer que le procès-verbal d'autopsie,
constituant une pièce indispensable pour la validité de la demande d'indemnité, doit présenter un caractère officiel. A cet égard, un avis ministériel, en date du 30 avril 1882, renferme les dispositions suivantes: « Eu cas de mort d'un animal inoculé, il doit ètre procédé à l'autopsie par le vétérinaire des épizooties, c'est-à-dire le vétérinaire de la circonscription, qui constate dans un procès-verbal que ledit animal est mort des suites de l'inoculation ou qu'il a succombé à la Péripneumonie.» Dans le premier cas, les propriétaires peuvent exciper de leur droit à l'indemnité, tandis que dans le second cas ce droit n'existe pas.
Procédure relative à la demande d'indemnité. — Pour être déclaré recevable dans sa demande d'indemnité, le propriétaire ■doit l'adresser au Ministre de l'agriculture, dans un délai de trois mois, à partir du jour de la mort de l'animal inoculé.
Cette demande, qui doit être rédigée sur papier timbré, est transmise au préfet, par le maire, avec les pièces à l'appui, savoir :
1° Le procès-verbal d'estimation ;
2° Une copie certifiée conforme par le maire, de l'ordre d'inoculation ;
3° Un certificat du vétérinaire attestant que l'inoculation est réellement la cause de la mort ; ce certificat doit être visé par le maire ;
4° Une copie certifiée de la déclaration faite à la mairie par le propriétaire, de l'apparition de la maladie dans son étable;
5° Un certificat du maire constatant que le propriétaire s'est conformé à toutes les prescriptions de la loi ;
6° Le procès-verbal d'autopsie des animaux pour la perte desquels l'indemnité est réclamée.
Lorsque les animaux inoculés meurent des suites de l'inoculation et qu'il doit être alloué une indemnité, calculée d'après l'estimation préalable, le ministre a le droit, conformément aux dispositions de l'article 21 de la loi, combinées avec celles de l'article 65 du règlement d'administration publique, de faire réviser l'estimation, s'il le juge nécessaire, de même que lorsque les animaux ont été abattus comme atteints de la Péripneumonie.
2° Abatage. — Le paragraphe 2 de l'article 9 de la loi dispose que : « le ministre de l'agriculture aura le droit d'ordonner l'abatage des animaux d'espèce bovine ayant été dans la même étable, ou dans le même troupeau, ou en contact avec des animaux atteints de la Péripneumonie contagieuse. »
Mais, suivant la pensée du législateur, cette mesure, qui imposerait de lourdes charges au Trésor public — puisque l'aba-
tage obligatoire entraîne le droit à l'indemnité—ne doit être appliquée « que dans des situations exceptionnelles, par exemple , dans une région d'élevage jusqu'alors indemne de la Péripneumonie (1). » Aussi la loi confère-t-elle le droit d'ordonner l'abatage des animaux suspects de Péripneumonie au ministre de l'agriculture et non point au préfet, qui ne doit prescrire que l'abatage des animaux malades. A plusieurs reprises, le ministre de l'agriculture a insisté sur cette disposition très importante de la loi, qui avait donné lieu —par suite d'une interprétation erronée —à des demandes d'indemnité irrégulières. Ainsi, un avis ministériel, en date du 30 avril 1882, fait remarquer que « l'abatage d'animaux simplement contaminés ne donne droit à l'indemnité prévue par la loi » qu'autant que l'ordre d'abatage a été délivré par le ministre de l'agriculture, qui, aux termes de la loi, a seul qualité pour prescrire cette mesure.
D'autre part, la circulaire ministérielle du 20 août18H2, adressée aux préfets, renferme des instructions qui préviennent toute espèce de difficultés à ce sujet. Le paragraphe 2 de l'article 9, est-il dit dans cette circulaire, n'a été inséré dans la loi qu'en vue de circonstances tout à fait exceptionnelles : « Telle serait, par exemple, l'apparition de la Péripneumonie dans une contrée jusque-là indemne, éloignée de tout foyer de contagion et où son introduction serait due à un fait isolé et purement accidentel. On comprend que, dans ce cas, il pourrait être d'une sage prévoyance de détruire d'un coup les animaux malades et tous ceux qui auraient été exposés à la contagion. Si des circonstances semblables venaient à se produire dans votre département, vous auriez à m'en référer ; mais, je le répète, monsieur le préfet, vous ne comprendrez parmi les animaux à abattre que ceux chez lesquels la maladie a été reconnue. »
3° Arrêté préfectoral portant déclaration d'infection. — Cet arrêté procède des dispositions de l'article 21 du règlement.
ART. 21. —Lorsque la Péripneumonie contagieuse est constatée dans une commune, le préfet prend un arrêté portant déclaration d'infection du local, de la cour, de l'enclos, de l'herbage ou de la pàture dans lequel se trouve l'animal malade, et déterminant le périmètre dans lequel l'arrêté sera. applicable.
Cet arrêté est publié et affiché dans la commune ainsi que dans les communes contiguës. En outre, des écriteaux portant les mots : Péripneumonie contagieuse, sont apposés sur des poteaux placés à l'entrée des chemins conduisant à la ferme et sur les portes des locaux où la maladie a été constatée.
(1) Rapport de M. Jobart au Sénat, sur le projet de loi concernant la police sanitaire des animaux.
La détermination du périmètre de la zone déclarée infectée varie suivant les circonstances, c'est-à-dire les dispositions topographiques des lieux, et la situation respective des animaux malades et suspects, leur nombre et les rapports qu'ils ont pu avoir entre eux. C'est évidemment dans le rapport du vétérinaire délégué que l'autorité administrative puisera les éléments nécessaires pour déterminer, d'une manière convenable, le périmètre de la zone déclarée infectée et appliquer rationnellement la loi. Le rôle du vétérinaire délégué est donc extrêmement important ; on peut même dire qu'il est fondamental et que, suivant la manière dont il sera rempli, notre loi sanitaire, qui est, en définitive, une œuvre consciencieusement étudiée, restera lettre morte ou bien sera féconde en résultats utiles pour l'agriculture et plus généralement pour le bien-être de notre pays.
C'est en s'inspirant de ses connaissances médicales, et en se pénétrant bien de l'esprit de notre législation sanitaire, que l'homme de l'art sera à même de fournir à l'autorité qui le consulte, des données précises, sans lesquelles la loi serait frappée de stérilité.
Effets de la déclaration d'infection. — Ils sont énumérés dans l'article 22 du règlement.
ART. 22. — La déclaration d'infection entraîne l'application des dispositions suivantes :
1° Mise en quarantaine des locaux, cours, enclos, herbages et pâtures déclarés infectés, impliquant défense d'y introduire des bêtes bovines saines, sauf ce qui sera dit à l'article 27 suivant.
Ainsi cette règle subit exception lorsque le repeuplement est effectué avec des animaux qui auraient été inoculés avec succès de la Péripneumonie « depuis vingt et un jours au moins » (Art. 27 du règlement), attendu qu'ils possèdent alors l'immunité et qu'ils ne peuvent plus servir d'aliment à la contagion.
2° Immédiatement après l'abatage des animaux malades, évacuation complète et désinfection de l'étable où a existé la maladie; isolement et séquestration dans un autre local ou une autre pâture des animaux qui ont été exposés à la contagion ; marque de ces animaux.
La désinfection dont il est parlé ici doit se faire conformément aux règles prescrites par l'article 16 de l'arrêté ministériel du 12 mai 1883 dont voici la teneur :
Ain-. 16. — Dans le cas de Péripneumonie contagieuse, la désinfection a lieu de la manière suivante :
Arrosage sur place avec un liquide désinfectant (acide sulfurique à 2 0/0; chlorure de zinc à 2 p. 100; sulfate de zinc; acide phénique dans la même
proportion; chlorure de chaux délayé dans dix fois son poids d'eau) des litières et fumiers contenus dans l'étable et des restes de fourrages laissés dans les mangeoires et râteliers, puis enlèvement et enfouissement au tas de fumier commun;
Lavage énergique avec un liquide désinfectant du sol, des murs, plafonds, mangeoires, râteliers, seaux, barbottoirs, etc. ;
Grattage des mangeoires et râteliers; des séparations, du sol et des murs, etc. ;
Balayage avec un balai dur de toutes les surfaces et nouveau lavage ; Fumigation au chlore ou à l'acide sulfureux prolongée pendant quarantehuit heures, puis ventilation pendant huit jours;
Désinfection des ruisseaux, rigoles et conduits d'écoulement des purins, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur des bâtiments de ferme;
Destruction par le feu des éponges, licols, cordes d'attache de peu de valeur ; flambage des chaînes d'attache, étrilles et objets en fer.
Quant à la marque, elle doit être appliquée sur la joue gauche, comme le prescrit la circulaire ministérielle du 20 août 1882. Elle est faite avec des ciseaux, lorsque les animaux suspects doivent rester séquestrés; mais il en est autrement quand ils sont vendus pour la boucherie : alors ils sont marqués au fer rouge. Indépendamment de l'isolement, de la désinfection et de la marque, l'article 22 du règlement prescrit encore les mesures suivantes :
3° Dénombrement de tous les autres animaux de l'espèce bovine qui se trouvent dans les locaux, cours, enclos, herbages et pâturages compris dans la déclaration d'infection ;
4° Visite et surveillance par le vétérinaire délégué, des locaux, cours, enclos, herbages et pâtures de la ferme ou de l'établissement où la maladie a été constatée;
5° Interdiction de vendre les animaux qui ont été exposés à la contagion; Go Interdiction aux hommes chargés de la garde des animaux et des soins à leur donner, de tout contact avec d'autres animaux de l'espèce bovine et défense pour eux d'entrer dans des lieux renfermant des animaux de cette espèce ;
70 Obligation pour toute personne sortant d'un local infecté de se soumettre, notamment en ce qui concerne les chaussures, aux mesures de désinfection jugées nécessaires;
8° Défense de faire sortir des locaux, cours, enclos, herbages et pâtures infectés, des objets ou matières pouvant servir de véhicules à la contagion, tels que : fourrages, pailles, litières, fumiers, harnais, couvertures, laines, peaux, poils, cornes, onglons, os, etc.
9° Défense de déposer des fumiers sur la voie publique et d'y laisser écouler les parties liquides des déjections : obligation de traiter ces matières conformément aux prescriptions des arrêtés administratifs.
Telles sont les dispositions contenues dans l'article 22 du règlement d'administration publique, et qui dérivent de celles dont le législateur a posé le principe dans l'article 5 de la loi. Il est à noter que ces mesures sanitaires ne peuvent être appliquées
qu'autant que le préfet aura pris un arrêté de déclaration d'infection : la jurisprudence ayant décidé que cet acte est nécessaire pour obliger le propriétaire, alors: même que l'on ai ordonné l'abatage et l'inoculation. (Cour d'appel de Paw et Cire, minist. du 27 octobre 1884.) Toutes-ces dispositions ont pour but de circonscrire, de limiter et de détruire le plus complètement possible. le foyer contagieux. Mais le but aurait été dépassé et l'application de la loi serait devenue vexatoire, si l'administration centrale n'avait en quelque sorte tempéré ces règles en y apportant certaines exceptions, sagement prévoyantes, qui concilient à la fois l'intérêt général et l'intérêt privé, tout en offrant les garanties les plus sérieuses contre la contagion.
EXCEPTIONS AUX RÈGLES PRESCRITES PAR L'ARTICLE 22 DU RÈGLEMENT D'ADMINISTRATION PUBLIQUE. — TOLÉRANCE RELATIVE A LA CIRCU:LA TION DU BÉTAIL ET A LA VENTE POUR LA BOUCHERIE.
Formalités. — L'article 23 du règlement d'administration publique stipule que :
Par exception aux dispositions de l'article 22, Je préfet peut, sur l'avis du vétérinaire délégué, qui indiquera les précautions à prendre :
1° Autoriser la circulation, dans le territoire de la commune où se trouve le périmètre déclaré infecté, des animaux de travail qui ont été exposés à la. contagion, quand ceux-ci sont jugés indispensables pour là culture du sol et les transports.
2° La même autorisation peut être accordée pour la conduite, dans un pâturage désigné, des animaux qui auraient été exposés à la contagion.
3° Le préfet peut également autoriser la vente pour la boucherie et le transport, pour cette destination, des animaux qui ont été exposés à la contagion.
Dans le cas de vente pour la boucherie, il est délivré un laisser-passer qui ■est rapporté au maire dans le délai de cinq jours avec un certificat attestant que les animaux ont été abattus. Ce certificat est délivré par l'agent préposé à la police de l'abattoir, ou par l'autorité locale dans les communes où il n'existe pas d'abattoir.
Ces exceptions présentent toutes les garanties désirables, et 'l'administration s'est entourée des plus grandes précautions, puisque, d'une part, elle établit que lesdites exceptions ne peuvent être autorisées ou tolérées que « sur l'avis du vétérinaire délégué, qui indiquera les précautions à prendre » pour éviter la contagion, et que, d'autre part, elle impose aux propriétaires certaines formalités tendant au même but. Il est à remarquer que, dans le cas de vente des animaux suspects pour la boucherie, la, circulaire ministérielle du 20 août 1882 prescrit de les marquer au fer rouge. A cet effet, on imprimera sur la joue gauche ou
mieux à la base de l'une des cornes les lettres S. P. (suspect de Péripneumonie), soit à l'aide d'un outil semblable à celui dont on se sert pour marquer les instruments aratoires ou les vases vinaires, soit avec un cautère quelconque. Cette marque indélébile, qui ne diminue pas la valeur de la peau, a pour but d'empêcher le propriétaire de vendre son animal pour une autre destination que la boucherie. En outre, l'utilisation des débris cadavériques est soumise aux formalités prescrites par l'art. 26 du règlement.
ART. 26. — La chair des animaux abattus pour cause de Péripneumonie ne peut être livrée à la consommation publique qu'en vertu d'une autorisation du maire, sur l'avis conforme du vétérinaire délégué.
Les poumons sont détruits ou enfouis; l'utilisation des peaux demeure permise après désinfection.
Cet article s'applique à la fois aux animaux malades et aux animaux suspects, car les uns et les autres sont sacrifiés «pour cause de Péripneumonie. » Mais il est clair que quand on aura affaire à des animaux suspects en bon état de chair, la vente de la viande devra toujours être autorisée, puisque semblable autorisation peut être accordée pour les animaux malades. On conçoit encore que les prescriptions relatives à l'enfouissement des poumons et à la désinfection des peaux ne sont applicables qu'aux animaux malades; toutefois l'administration centrale a été sagement prévoyante en n'établissant aucune distinction, car il est arrivé que des animaux réputés simplement suspects de Péripneumonie ont présenté à l'autopsie des lésions bien manifestes de cette maladie. Il va de soi qu'en pareil cas, les poumons doivent être enfouis et les peaux désinfectées. Quant à l'intervention du maire, elle ne sera pas nécessaire dans les communes où il existe un service d 'inspection des viandes.
Il est à noter que le sacrifice pour la boucherie des animaux contaminés étant un fait purement volontaire, le propriétaire n'a droit à aucune indemnité. Ce n'est que dans les circonstances tout à fait exceptionnelles dont le Ministre est seul juge, comme par exemple «l'apparition de la Péripneumonie dans une contrée jusque-là indemne, éloignée de tout foyer de contagion et où son introduction serait due à un fait isolé et purement accidentel », que le Ministre pourrait ordonner l'abatage des animaux suspects. Mais cet ordre d'abatage, qui entraîne nécessairement le droit à l'indemnité, ne peut être donné que par le Ministre de l'agriculture et non point par le préfet, qui ne peut prescrire que l'abatage des animaux malades.
Conséquences de l'inobservation des formalités. — La vente
pour la boucherie, la seule que la loi tolère, est soumise, comme on l'a vu ci-dessus, à certaines formalités dont l'inobservation entraîne les conséquences stipulées par l'article 24 du règlement d'administration publique.
ART. 24. — La personne préposée à la conduite des animaux, dont la sortie ou la vente a été autorisée, conformément à l'article 23, doit présenter à toute réquisition le laisser-passer prévu audit article. Faute par elle de présenter ledit laisser-passer, ou si le délai dans lequel les animaux devaient être abattus est expiré, il est dressé procès-verbal et les animaux sont mis en fourrière par l'ordre du maire de la localité sur le territoire de laquelle ils sont saisis. Si ces animaux sont reconnus atteints de la Péripneumonie, ils sont abattus sur place par ordre du préfet. S'ils ont été dans la même étable ou dans le même troupeau en contact avec des animaux atteints de Péripneumonie contagieuse, le Ministre de l'agriculture en prescrit, s'il y a lieu, l'abatage, sans qu'il y ait droit à l'indemnité, conformément aux articles 9 et 22 de la loi sur la police sanitaire des animaux. Après examen, par un vétérinaire, de l'animal abattu, le propriétaire peut être autorisé à en disposer.
4° Interdiction des foires et marchés. — L'application de cette mesure doit être faite conformément aux dispositions de l'article 25 du règlement.
ART. 25. — Lorsque la Péripneumonie prend un caractère envahissant, un . arrêté du préfet enjoint à tous les propriétaires, détenteurs ou gardiens d'animaux de l'espèce bovine de déclarer à la mairie tout cas de maladie quelconque qui viendrait à se manifester sur ces animaux.
Le même arrêté interdit la tenue des foires et marchés, les concours agricoles, les réunions et rassemblements sur la voie publique ou dans les cours d'auberge, ayant pour but l'exposition ou la mise en vente des animaux de l'espèce bovine. Toutefois les marchés intérieurs des villes ayant des abattoirs se tiennent comme à l'ordinaire. Mais les animaux qui y sont conduits et qui, à leur sortie, ne sont pas menés à l'abattoir, ne peuvent circuler qu'avec un laisser-passer indiquant leur destination et qui sera remis au maire de la commune où ils doivent séjourner.
Le maire est prévenu directement par le service du marché, de façon à placer les animaux qui en proviennent sous l'application des mesures édictées par la loi et par le présent règlement pour les animaux suspects.
Le transport des animaux sera effectué conformément aux instructions données par le vétérinaire sanitaire du marché.
Les dispositions contenues dans cet article sont motivées par ce fait que, lorsque la Péripneumonie se manifeste avec fréquence et sur des points rapprochés, il est permis de penser, en raison du caractère contagieux de cette maladie, que toute la population bovine de la contrée a été soumise à son influence. Dès lors, il devient nécessaire d'exercer une surveillance active et étendue, tout en conciliant l'intérêt général avec l'intérêt privé.
5° Repeuplement des étables. — L'article 2.7 du règlement l'en,.. ferme à cet égard les dispositions suivantes :
ART. 27. — Après l'évacuation des animaux survivants et l'achèvement complet des travaux de désinfection, le repeuplement des locaux peut avoir lieu avec des animaux inoculés depuis vingt et un jours au moins.
6° Levée de la déclaration d'infection. Délai. Conditions. — Les conditions à observer pour la levée de la déclaration d'infection sont prescrites par l'article 28 du règlement.
ART. 28. — La déclaration d'infection ne peut être levée par le préfet que lorsqu'il s'est écoulé un:délai de trois'mois au moins sans qu'il.se soit produit un nouveau cas de Péripneumonie et après constatation de l'accomplissement de toutes les prescriptions relatives à l'inoculation et à la désinfection. Elle peut être levée après la désinfection, si tous les animaux qui se trouvaient dans les locaux, cours, enclos, herbages et pâtures déclarés infectés ont été abattus.
§ 4. —Mesures à prendre lorsque la Péripneumonie contagieuse est constatée dans une foire ou un marché.
Ce cas a été prévu par l'article 84 du règlement d'administration publique, qui contient les dispositions suivantes :
ART. 84. — Lorsque la maladie constatée est Ja Péripneumonie, tous les anir maux malades sont mis en fourrière pour être abattus; soit dans la localité même, soit à l'abattoir le plus voisin.
Toutes les bêtes bovines appartenant au propriétaire des,animaux malades et celles qui ont été en,contact avec elles sont considérées comme suspectes; elles ne peuvent être vendues que pour la boucherie. Toutefois, si les propriétaires préfèrent les conserver, elles sont reconduites dans leur étable et soumises aux prescriptions de la loi et du règlement d'administration publique.
Dans le cas de transport à l'abattoir les animaux sont préalablement marqués, et il est délivré par le maire un laisser-passer, comme il est dit à l'ar, ticle 23. (Voir page 633.)
§ 5. — Dispersion des cas de Péripneumonie contagieuse. —Pouvoirs qui peuvent être conférés aux vétérinaires sanitaires. — Règles à observer pour la contre-visite.
Si le nombre et la dispersion des cas de Péripneumonie contagieuse rendaient la mission dévolue au service sanitaire trop lourde pour une seule personne, le préfet a le droit, après autorisation préalable du ministre de l'agriculture, comme l'établit l'article 97 du règlement d'administration publique, « de déléguer à plusieurs vétérinaires sanitaires les attributions et les
pouvoirs conférés au vétérinaire délégué, chef du service départemental. »
« Toutefois, ce vétérinaire ne pourra pas réunir dans sa circonscription sanitaire les fonctions de vétérinaire sanitaire et celles de vétérinaire délégué, en ce qui concerne la Péripneumonie contagieuse. Il en sera de même, d'ailleurs, du vétérinaire délégué, chef du service sanitaire du département, s'il a en même temps une circonscription sanitaire. Le législateur ayant exigé pour la constatation de la Péripneumonie et les autopsies la présence de deux vétérinaires, lorsqu'un vétérinaire délégué constatera dans sa circonscription un cas de Péripneumonie, la contrevisite sera faite par le vétérinaire le,plus voisin, auquel le préfet pourra donner un mandat spécial. » (Cire. minist. du 20 août 1882.)
II. POLICE SANITAIRE A LA FRONTIÈRE. — Le paragraphe premier de l'article 70 du règlement d'administration publique fait connaître les mesures sanitaires qu'il convient d'appliquer.
ART. 70, § ler. — Lorsque la Péripneumonie contagieuse est constatée dans un troupeau à la frontière de terre ou dans un arrivage maritime, tout animal malade est abattu sur place; ceux qui ont été exposés à la contagion sont repoussés hors du territoire, après avoir été marqués, à moins que le propriétaire ne consente à ce qu'ils soient livrés immédiatement à la boucherie sous les conditions prescrites par l'agent sanitaire.
Ces conditions ne sont autres que celles qui sont stipulées dans l'article 23 du règlement d'administration publique, et que nous avons examinées à la page 633.
Ajoutohs que, par application de l'article 26 de la loi et 73 du règlement d'administration publique, le gouvernement peut interdire momentanément l'entrée en France des animaux de l'espèce bovine, lorsque la Péripneumonie règne dans le voisinage de la frontière.
C'est ainsi par exemple que, par arrêté ministériel en date du 16 mars 1883, rendu sur la proposition de 'M. le préfet de la HauteGaronne à la suite d'un rapport que nous lui avons adressé le 9 mars, le bureau de douane de Fos a été fermé à l'importation des animaux de l'espèce bovine, en raison d'une épizootie de Péripneumonie contagieuse, qui sévissait dans le val d'Aran. L'épizootie ayant cessé, cet arrêté a été rapporté le 22 octobre 1883, par un acte de même nature, qui a rouvert le bureau précité à l'introduction du gros bétail.
III. POLICE SANITAIRE EN ALGÉRIE. —Le décret du 12 novembre 1887 portant règlement d'administration publique pour l'exécution, en Algérie, de la loi du 21 juillet 1881 sur la police sanitaire
des animaux, stipule par ses articles 10 et 20 les dispositions suivantes :
ART. 10. — Dans le cas de Péripneumonie contagieuse, le préfet ordonne dans le délai de deux jours, après la constatation de la maladie par le vétérinaire délégué, l'abatage des animaux malades et de ceux d'espèce bovine ayant été dans la même étable ou dans le même troupeau ou en contact avec les animaux atteints de Péripneumonie contagieuse.
ART. 20. — 11 est alloué aux propriétaires d'animaux abattus pour cause de Péripneumonie contagieuse, dans les conditions prévues à l'article 10, une indemnité ainsi réglée :
La moitié de leur valeur avant la maladie s'ils en sont reconnus atteints ; Les trois quarts s'ils ont seulement été contaminés.
L'indemnité à accorder ne peut dépasser la somme de 200 francs pour la moitié de la valeur de l'animal et celle de 300 francs pour les trois quarts.
On voit donc qu'en Algérie l'abatage est la seule mesure applicable aux animaux malades et aux animaux suspects de Péripneumonie contagieuse. Il n'y est point question de l'inoculation préventive. A part cette différence, très importante à noter, les autres disposilions de la législation sanitaire, en vigueur dans la métropole, sont applicables dans notre colonie algérienne. — Ainsi les articles 5, 21 à 26, du décret du 12 nombre 1887 sont corrélatifs des articles 18 à 23 de la loi du 21 juillet 1881.
Signalons cependant une simplification de la procédure relative à l'estimation des animaux qui doivent être abattus : le procès-verbal d'estimation, au lieu d'être contresigné par le maire et le juge de paix, l'est seulement par « le maire ou l'administrateur de la commune » suivant que l'on opère dans une commune de plein exercice, c'est-à-dire administrée comme en France par un maire, ou bien dans une commune mixte, dirigée par un administrateur. — Cette simplification est la conséquence du régime administratif et judiciaire de l'Algérie.
Les mesures relatives à la vente de la chair et des débris cadavériques, à la désinfection des peaux, à la destruction de certaines issues, comme le poumon, sont les mêmes en Algérie qu'en France. — Nous en dirons autant de la désinfection qui doit être effectuée d'après les règles prescrites par l'article 16 de l'arrêté ministériel du 12 mai 1883. — Il suffit donc de renvoyer le lecteur à la partie de cet article qui traite de ces mesures (Voy. p. 631).
Diverses modifications ont été proposées pour remédier aux inconvénients attribués à notre législation sanitaire : nous les passons sous silence. Car, dans un ouvrage de la nature de celui-ci, et quand il s'agit de l'application d'une loi de droit public, nous estimons qu'il suffit de présenter au lecteur les règles qu'il faut observer, les formalités que l'on doit remplir, sans disserter sur leur utilité.
CHAPITRE IV
FIÈVRE APHTEUSE
Synonymie : Stomatite aphteuse, Fièvre aphtongulaire, Cocotte, Surlangue, Claudication, etc.
Définition. Fréquence. — La Fièvre aphteuse est une maladie générale éruptive, contagieuse, qui se déclare principalement sur les animaux des espèces bovine et porcine et qui peut même se transmettre à l'homme. Cette maladie sévit fréquemment, soit à l'état enzootique, soit à l'état épizootique, et, quoique dans le plus grand nombre des cas elle se termine par la guérison, elle n'en constitue pas moins une affection préjudiciable aux cultivàteurs en raison de la facilité avec laquelle elle se transmet, du repos forcé qu'elle entraîne et de la perte de lait qu'elle détermine.
Symptômes. — La Fièvre aphteuse est caractérisée par une éruption vésico-pustuleuse, localisée, soit dans la bouche, soit sur les mamelles, soit dans la région digitée, parfois même dans ces trois régions simultanément ou successivement.
Cette éruption est précédée d'un mouvement fébrile, plus ou moins prononcé suivant la période à laquelle l'épizootie aphteuse est parvenue et l'âge des animaux. Au début de l'épizootie et sur des animaux jeunes, la fièvre est manifeste ; elle s'accuse par de l'abattement, de l'inappétence, la suppression de la rumination, l'accélération du pouls et de la respiration et une hyperthermie très évidente. Mais à une période plus avancée de l'épizootie, sur des animaux adultes et pendant certaines années où la marche de la Fièvre aphteuse est bénigne, la fièvre est très peu prononcée et passe inaperçue.
Dans le plus grand nombre des cas, l'attention des propriétaires n'est appelée que par une salivation abondante, une bave qui s'échappe par les commissures des lèvres, et parfois une certaine raideur dans la marche, des piétinements fréquents ou une claudication véritable. C'est généralement à ce moment que le praticien est consulté. Alors, la maladie date de quelques jours, car les signes précités ne se produisent que lorsque l'éruption est parvenue à une période avancée. Il convient d'examiner successivement cette éruption dans ses lieux d'élection, c'est-à-dire la bouche, les mamelles et la région podale, et d'en faire connaître la marche, la durée et les terminaisons.
1° Éruption buccale. — Au début, elle est constituée par de. vésicules ou aphtes, qui se montrent sur la muqueuse buccale, à la face interne des lèvres, sur le bourrelet cartilagineux qui remplace les dents, à la mâchoire supérieure, à la face interne des joues, sur les faces latérales de la langue, sur la voûte palatine. Ces vésicules, dont il est d'ailleurs assez rare de bien constater l'existence, ne tardent pas à se transformer en ulcérations superficielles ou exulcérations, par suite de la déchirure de l'épithélium qui les recouvrait, soit que cette déchirure se produise pendant la mastication du fourrage, soit qu'elle résulte de l'amincissement progressif de la couche épithéliale et de la poussée incessante qu'exerce le liquide sécrété par la vésicule. Quoi qu'il en soit, ces exulcérations buccales sont faciles à constater. Elles se montrent, sous forme de petites plaies, arrondies ou elliptiques, abords quelquefois nets, mais le plus souvent festonnés et irréguliers, à fond granuleux, rougeâtre. Tantôt elles sont isolées, discrètes; tantôt confluentes et formant ainsi des ulcérations étendues, qui rendent la mastication et même la déglutition très douloureuses. Il peut encore arriver que l'éruption buccale soit tellement prononcée que l'épithélium qui tapisse la face supérieure et les faces latérales de la langue se détache par lambeaux quand on saisit cet organe, de sorte qu'il se trouve ainsi dépouillé de son revêtement protecteur sur de larges surfaces et que la préhension des aliments solides devient elle-même très douloureuse.
Ces exulcérations tendent à se cicatriser. On constate, en effet, au bout de cinq à six jours, qu'elles changent de couleur, car elles se recouvrent peu à peu d'une sorte de pellicule roussâtre, et leur périphérie devient blanchâtre ; elle est, pour ainsi dire, entourée d'une zone cicatricielle.
On conçoit aisément que la formation des aphtes irrite fortement la muqueuse buccale, et provoque ainsi la salivation. De fait, la bouche est remplie d'une bave épaisse, visqueuse, filante, qui s'écoule en longues mèches jusque sur la litière. Parfois cette bave est sanguinolente et fétide.
2° Eruption mammaire. — Elle se montre sur le pis, principalement sur les trayons. Elle consiste, au début, en élevures rouges, saillantes, de la grosseur d'un grain de chèvenis ou d'un petit pois, isolées ou confluentes. Bientôt ces élevures deviennent jaunâtres au centre; elles se transforment en pustules, arrondies ou ovalaires, en saillie sur le tégument, mais sans présenter de dépression centrale ou ombilication, comme les pustules de cowpox (v. p. 473), dont elles diffèrent d'ailleurs par l'aspect jaunâtre. Quand les pustules mammaires de la Fièvre aphteuse sont parvenues à maturité — ce qui a lieu en cinq ou six jours — elles.
■ont une forme hémisphérique, leur teinte est uniformément jaunâtre, avec une légère aréole inflammatoire. Puis elles brunissent peu à peu, la pellicule épidermique qui les recouvre se ride, se dessèche, forme une croûte plus ou moins épaisse. Tantôt cette croûte se détache peu à peu par desquamation, sans que la lésion laisse de trace de son passage; tantôt elle est violemment et brusquement arrachée par la personne chargée de traire la vache malade, et l'on voit une plaie cupuliforme, rougeâtre, saignante, dont la cicatrisation peut tarder, par suite des frottements auxquels elle est exposée.
L'éruption mammaire ne se fait pas d'emblée, en une seule fois, mais bien par poussées successives et, lorsqu'elle est prononcée, elle retentit sur le tissu propre de la mamelle, dont la sécrétion est diminuée. Remarquons, en outre, que le lait provenant des vaches infectées de Fièvre aphteuse, mème sous une forme discrète, tourne très facilement.
3° Éruption interdigitée. — Elle est annoncée par un engorgement inflammatoire, qui, partant de la couronne, s'étend quelquefois jusqu'à la région du canon; toutefois cet engorgement peut être faiblement prononcé et limité à la région coronaire. Généralement il est chaud, douloureux, eL, en passant la main autour de la couronne, on peut constater parfois que la peau est le siège d'un suintement de matière épaisse et jaunâtre. Mais pour pratiquer convenablement cette exploration, il faut assujettir l'animal dans un travail et fixer le membre boiteux. Cette précaution est même indispensable quand la claudication existe et que l'on veut juger avec précision de l'étendue des lésions de la région interdigitée.
L'animal ainsi fixé, on peut alors constater — sans courir le risque de recevoir un coup de pied — que l'onglon correspondant au membre boiteux est le siège d'un décollement plus ou moins étendu, au-dessous du bourrelet, notamment dans la région du talon. Et l'on peut aussi, séance tenante, y remédier en amincissant la corne au voisinage des parties décollées, ou en l'enlevant mème lorsque le décollement est étendu.
Période d'incubation. — Elle est généralement courte. Ainsi, elle varie entre deux et huit jours. On l'évalue à quatre jours en imoyenne, du moins quand il s'agit de la Fièvre aphteuse inoculée. Plusieurs observations qu'il m'a été donné de faire, en 1870-71, à l'école de Lyon, me portent à penser qu'elle peut ètre de douze à quinze et même vingt jours, quand elle se développe dans les conditions naturelles de la contagion, c'est-à-dire par cohabitation.
Marche. Durée. Terminaisons. — La marche de la Fièvre aphteuse peut être continue ou intermittente. Dans le premier
cas, l'éruption se fait assez promptement; néanmoins, elle a toujours lieu par poussées successives, et il faut environ douze à quinze jours pour qu'elle soit en voie de guérison. D'ailleurs, la durée decette maladie varie selon qu'on la considère sur un individu isolé ou dans un troupeau de bêtes bovines. Ainsi, lorsque la Fièvre aphteuse se déclare dans une étable populeuse, comme il s'en trouve dans la banlieue des grandes villes, où l'on entretient des. vaches laitières, elle n'attaque pas toutes les bêtes à la fois, de. sorte qu'elle peut durer deux, trois, quatre mois, et déterminer ainsi des d ommages très sérieux, par les pertes de lait qu'elle occasionne. On conçoit encore que si la maladie vient à se déclarer sur des bœufs à Y embouche, c'est-à-dire à l engraissement dans des. herbages appropriés où ils sont toujours placés en certain nombre, elle durera plus longtemps que si elle apparaissait sur quelques sujets isolés les uns des autres.
La durée de la Fièvre aphteuse est également subordonnée aux complications qui peuvent survenir, notamment les décollements étendus des onglons, les nécroses de la phalange unguéale, une mammite, des abcès sous-cutanés inlermusculaires. En pareil cas, la Fièvre aphteuse peut se prolonger pendant trois ou quatre mois et déterminer un amaigrissement très prononcé.
Ordinairement, cette maladie se termine par la. guérison, non sans avoir sensiblement déprécié — au moins pendant un certain temps — les animaux qui en sont affectés.
Complications. — Il m 'a été donné d observer des décollements étendus des onglons déterminant une forte claudication, et, en pareil cas, il a fallu pratiquer une assez large brèche dans la paroi de l'un et quelquefois même des deux onglons, afin d'appliquer sur les parties malades des caustiques appropriés. Si la maladie est abandonnée à elle-même, le décollement progresse eti'onglon peut même finir par se détacher. Et ces phénomènes déterminent une vive douleur, qui entretient la fièvre et fait maigrir les animaux tout en obligeant le propriétaire à les laisser en repos.
La mammite peut compliquer la Fièvre aphteuse. Il est rare cependant qu'elle soit bien prononcée; seulement l'évolution despustules mammaires diminue et altère le lait.
Mon collègue, M. Bidaud, a signalé dans le Recueil, en 1872, unecomplication de la Fièvre aphteuse, mentionnée par M. Zundel, en 1865 (1). Il s'agit de la formation d'abcès intermusculaires. C'est ainsi qu'il eut à donner des soins « à une vache qui portait, consécutivement à une attaque de cocotte, un abcès intermusculaire occupant Loute la cuisse droite, ainsi que la croupe et une
(1) Journal de l'École de Lyon, 1865, p. 27.
partie de la fesse ». Plusieurs ponctions, pratiquées avec le bistouri, en firent sortir « plus de 10 litres de pus de toutes les qualités (il y en avait de très liquide et infect), qui jaillissait à une grande distance lors des mouvements de l'animal... Un mois après, ce vaste foyer était complètement clos, la boiterie avait disparu et la bête put aller pâturer avec les autres. »
Une autre complication a été également mentionnée, dans le Recueil de médecine vétérinaire, en 1872, par H. Bouley. C'est une paralysie du pharynx, se manifestant à la période de convalescence et se traduisant par la difficulté et même l'impossibilité de la déglutition, à tel point que les aliments s'accumuleraient dans l'arrière-bouche et rendraient ainsi l'asphyxie imminente. Cette complication a été signalée par un propriétaire de la Nièvre, M. de Pazis, et elle tendrait à établir une certaine analogie entre la Fièvre apht use et la variole de l'homme.
M. Lemaître a signalé une complication pulmonaire, qui se traduit, dans les cas graves, par de la toux, du jetage nasal, de l'essoufflement et surtout un amaigrissement très prononcé. « Ces symptômes peuvent persister plusieurs mois et finir par disparaître insensiblement. Dans d'autres cas, la maladie persiste et nécessite l'a atage ; autrement des complications diairhéiques réduiraient les animaux à une valeur nulle. A l'autopsie, on constate les lésions suivantes : emphysème partiel du poumon; fausses membranes pleurales; abcès disséminés dans le parenchyme pulmonaire et ne dépassant pas le volume d'une petite noisette (1). »
Zundel a décrit une complication catarrhale, très grave, qu'il a observée principalement sur des veaux. Dans ce cas, la fièvre est très intense, les conjonctives sont violacées, la salivation est très abondante et l'éruption a lieu, non seulement dans la bouche, mais encore sur la muqueuse de l'appareil respiratoire, de telle sorte que les bêtes jettent et sont essoufflées. Puis une diarrhée abondante se déclare, les animaux maigrissent à vue d'oeil et ils meurent en cinq ou six jours.
Chez les veaux qui succombent à cette complication, Zundel a trouvé « une forte rougeur de la bouche, de l'arrière-bouche, de la caillette et même des intestins ». On peut rencontrer sur la caillette, « au milieu de plaques ecchymotiques, des érosions superficielles faites comme à l'emporte-pièce ».
Dans la plupart des cas, la maladie se termine par la guérison, et la mortalité est relativement faible, au moins sur les adultes, tandis qu'elle est élevée chez les veaux. Ainsi, en 1872, pour le seul département de la Nièvre, et dans l'espace de cinq semaines, une
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1876, p. 970.
statistique officielle, que nous empruntons aux conférences de H. Bouley à Nevers, renferme les renseignements suivants :
Bœufs atteints de la cocotte ............. 7,496 morts 9 Vaches — — 6,625 — 59 Veaux — — ............. 3,847 — 781
Il convient encore de faire remarquer que la Fièvre aphteuse détermine fréquemment des avortements.
Étiologie. Contagion. — Bien des causes ont été invoquées pour expliquer le développement de la Fièvre aphteuse. Ainsi, on l'a attribuée, tour à tour, aux intempéries atmosphériques, à l'humidité, aux brouillards, à l'usage d'aliments rouillés, etc. Une seule chose est certaine et parfaitement démontrée : c'est que la maladie dont il s'agit est contagieuse, contrairement à ce que l'on croyait autrefois. Ces dissidences sur les propriétés contagieuses de la Fièvre aphteuse s'expliquent si l'on remarque, d'une part, que l'éruption caractéristique de cette maladie est parfois très discrète et qu'elle peut ainsi facilement passer inaperçue, et, d'autre part, que la contagion de la cocotte est plus ou moins prononcée suivant les années. C'est ainsi que l'épizootie de 18~2 a été particulièrement remarquable sous ce rapport. Peut-être le virus aphteux éprouve-t-il quelque atténuation dans certaines conditions de température et d'humidité atmosphériques, qui restent à déterminer.
Quoi qu'il en soit, ce 'virus siège dans la sérosité contenue dans les vésicules buccales ou aphtes, dans l'humeur sécrétée par les pustules mammaires et par celles de la région interdigitée, de telle sorte que les animaux malades sèment, pour ainsi dire, la maladie par la bave qui s'échappe de leur bouche et l'humeur qui suinte de leurs pieds.
Le virus aphteux est également contenu dans le lait, comme le prouvent les observations d'Hertwig, de Viseur et de Lemaire. Il est démontré que les veaux qui tettent leurs mères malades contractent la maladie. Il en est de même de ceux auxquels on fait boire le lait infecté tel qu'il sort du pis; tandis que l'on peut très bien utiliser ce liquide, sans avoir à craindre la contagion, en le soumettant préalablement à l'ébullition.
Il n'a pas encore été établi que le sang et la chair fussent doués de virulence. A priori, on peut penser que le sang contient des germes virulents, puisque le lait en renferme, mais aucune expérience directe ne le prouve. Les lésions intestinales, qui ont été quelquefois signalées dans la Fièvre aphteuse, indiquent que l'éruption se fait sur la muqueuse intestinale comme sur la muqueuse buccale, de telle sorte qu'il est rationnel d'admettre que
les matières excrémentitielles et par conséquent les fumiers doivent être virulents.
Le virus aphteux n'a pas encore pu être isolé, ni cultivé, mais, d'après ce que nous savons sur d'autres maladies éruptives, contagieuses, telles que le cowpox,la clavelée,il est permis de penser que la virulence de la Fièvre aphteuse est dévolue aux granulations qui se trouvent en suspension dans l'humeur des vésicules ou pustules aphteuses.
La Fièvre aphteuse se transmet avec la plus grande facilité aux animaux de l'espèce bovine, ovine et porcine. Elle se communique également à l'homme par l'usage du lait non bouilli, comme le prouvent les expériences d'Hertwig, Thann et Villain. Il est douteux qu'elle puisse se propager au cheval, quoi qu'on en ait dit, et les prétendus cas de stomatite aphteuse observés chez le cheval ne sont autre chose, à notre avis, que des cas de horsepox.
Modes de contagion. — La Fièvre aphteuse peut se transmettre par contagion immédiate et par contagion médiate. Dans le premier mode, la transmission de la Fièvre aphteuse résulte du p:a-ssage direct du virus dans le torrent circulatoire, comme c'est le cas lorsque l'on inocule l'humeur des pustules. J'ai constaté plusieurs fois que la Fièvre aphteuse s'inocule, très facilement, à la lancette, d'un animal de l'espèce bovine à l'autre. La maladie dont il s'agit a même été transmise de la même manière, à l'enfant, par divers médecins, Émery, Bousquet notamment, qui ont constaté que les enfants inoculés de cette manière pouvaient être ensuite vaccinés avec succès.
La contagion naturelle de la Fièvre aphteuse s'effectue par l'intermédiaire de divers milieux, et dans diverses circonstances qu'il importe de passer en revue.
Ainsi, le séjour des bêtes malades et des bêtes saines dans la même étable détermine l'apparition de la Fièvre aphteuse chez ces dernières, et l'on a quelque tendance à admettre que, dans ce cas, la maladie se transmet par l'atmosphère contagieuse, qui se forme autour des animaux. S'il est possible que cette circonstan ce soit de n ature à propager la maladie, dans les étables étroi tes, mal aérées, dont l'atmosphère se chargerait ainsi de germes contagieux qui pénétreraient dans les voies respiratoires, il est bien plus probable, d'après ce que les recherches expérimentales de M. Chauveau nous ont appris sur d'autres maladies éruptives, contagieuses, que le rôle prépondérant revient aux voies digestives,de telle sorte que la contagion par cohabitation résulterait plutôt de ce que les bêtes saines ingèrent des fourrages souillés par la bave des bètes malades. On conçoit que les contacts directs entre les animaux qui se flairent et se lèchent souvent les uns les autres
favorisent également la contagion. Ce n'est pas seulement par cohabitation que la maladie se transmet, mais encore lorsque les animaux malades se trouvent dans les mêmes herbages que les animaux sains, lorsqu'ils se rencontrent dans les abreuvoirs communs, sur les champs de foire, dans les cours d'auberge, etc.
On conçoit encore que les wagons destinés au transport des animaux et qui n'ont pas été désinfectés peuvent aussi contribuer à la contagion. Il peut en être de même de tous les objets ayant servi aux animaux malades, notamment des seaux, des baquets dans lesquels on leur distribue des matières farineuses ou autres. Les crèches, les mangeoires, les râteliers des étables qui ont été habitées par des animaux atteints de Fièvre aphteuse, peuvent également transmettre cette maladie.
Il est enfin une cause puissante de dispersion de la cocotte, c'est le commerce dont le bétail est l'objet. Il est clair que nous devons désirer que ce commerce prenne la plus grande extension, puisqu'il est une des sources vives de notre richesse et de notre prospérité nationales ; par conséquent, en signalant ici cette cause, nous n'entendons pas dire que l'on doive limiter notre commerce, mais bien qu'il importe au plus haut point d'organiser un service sanitaire rationnel, permettant de faire une application judicieuse et uniforme de notre loi du 21 juillet 1881, et s'opposant ainsi à l'extension des maladies contagieuses du bétail, en général, et de la Fièvre aphteuse en particulier. En ce qui concerne cette dernière maladie, il est d'ailleurs à noter qu'elle peut se transmettre non seulement entre animaux de l'espèce bovine, mais encore par l'intermédiaire des moutons, et des porcs surtout, qui peuvent être affectés de la Fièvre aphteuse.
Immunité. Spécificité. — En général, la Fièvre aphteuse' n'attaque qu'une seule fois le même sujet. Mais cette règle présente de nombreuses exceptions : il n'est pas très rare de constater une deuxième attaque de Fièvre aphteuse, six mois ou un an après la première ; mais on admet que lorsque la maladie récidive, elle est des plus bénignes.
Il y a quelques années, on avait avancé que la Fièvre aphteuse préserve les bêtes bovines de la péripneumonie contagieuse, mais des faits mieux observés, notamment dans le département du Nord, ont démontré que cette opinion est erronée. Il en a été de même du prétendu antagonisme que l'on a dit exister entre la Fièvre aphteuse et la peste bovine. De nombreux faits observés dans les steppes de la Russie méridionale, où la peste bovine existe en permanence, ont établi que les épizooties de peste bovine sont assez souvent précédées d'épizooties de Fièvre aphteuse, de telle
-sorte que les mêmes animaux peuvent être affectés successivement ou simultanément de ces deux maladies.
La Fièvre aphteuse et le cowpox peuvent aussi exister en même temps sur le même animal : l'une de ces maladies n'exclut pas l'autre. D'où il suit que la Fièvre aphteuse est une maladie spécifique, une entité morbide particulière, dont le développement dans l'organisme n'empêche pas celui d'autres affections, la peste bovine, la péripneumonie contagieuse et le cowpox notamment.
Pronostic. — La Fièvre aphteuse est une maladie réputée bénigne. En fait, il est certain que, par une bonne hygiène et quelques moyens médicaux d'ailleurs fort simples, on abrège la durée ■de la maladie et l'on en obtient promptement la guérison. Mais il est non moins vrai que la douleur dont elle s'accompagne entretient la fièvre et détermine ainsi l'amaigrissement des animaux, la diminution du lait. En outre, lorsque la maladie se déclare sur des bêtes de travail, on est obligé de les laisser en repos, quelquefois pendant plusieurs mois, notamment lorsqu'il existe quelques complications dans la région digitée, d'où procède une boiserie plus ou moins forte. Rappelons ici que les avortements ne sont pas rares pendant le cours de la Fièvre aphteuse. On a vu également que les jeunes animaux (V. p. 643) sont fréquemment atteints d'une forme grave de la Fièvre aphteuse, qui les fait périr. En tenant compte de ces diverses données, on voit que, contrairement à l'opinion admise, la cocotte n'est point une maladie dont les conséquences soient insignifiantes, et si l'on considère, d'autre part, la facilité avec laquelle elle se communique et se disperse par les nombreuses voies ouvertes à la contagion, notamment les transactions commerciales, on sera conduit à lui appliquer des mesures sanitaires afin de limiter ou de prévenir sa facile propagation.
Police sanitaire. — Les mesures prescrites par notre législation sanitaire s'appliquent non seulement aux animaux de l'espèce bovine, mais encore à ceux des espèces ovine, caprine et porcine, atteints ou suspects de Fièvre aphteuse.
Il y a lieu d'examiner les me&ures sanitaires qu'il convient de prescrire à l'intérieur de notre territoire, quand la Fièvre aphteuse se déclare, et celles qui doivent être appliquées, en permanence, à la frontière, afin de prévenir l'introduction de la Fièvre aphteuse par l'importation d'animaux malades.
I. POLICE SANITAIRE A L'INTÉRIEUR. — Lorsque la Fièvre aphteuse est constatée dans une commune, c'est-à-dire lorsque les animaux malades et suspects ont été visités par le vétérinaire délégué et que le rapport de celui-ci a conclu à l'existence de la maladie, « le préfet prend un arrêté portant déclaration d'infection des
locaux, cours, enclos, herbages ou pâtures dans lesquels se trouvent les animaux malades et déterminant le périmètre dans lequel l'arrêté sera applicable. Cet arrêté est notifié aux maires de la commune et des communes limitrophes. Il est publié et affiché. » (Art. 29 du Règlement d'administration publique.)
La détermination du périmètre de la zone d'infection est faite d'après les données contenues dans le rapport du vétérinaire délégué. Il est clair que, si la Fièvre aphteuse n'existe que dans une seule étable et que celle-ci soit isolée, il suffira que l'arrêté prefectoral la déclare infectée, sans qu'il soit nécessaire d'étendre les effets ou les conséquences de cette déclaration aux étables les moins éloignées, en admettant, bien entendu, que lesdites étables. ne renferment point d'animaux malades ou seulement suspects. Il en serait autrement si des étables appartenant à diverses personnes avaient une cour commune et que la Fièvre aphteuse vint à se manifester sur les animaux de l'une de ces étables; dans cecas, toutes ces habitations devront être comprises dans la déclaration d'infection. De même encore, si la Fièvre aphteuse était constatée sur quelque animal d'un pâturage commun, celui-ci devrait être déclaré infecté tout entier avec les animaux qui s'y trouvent.
Effets de Varrêté préfectoral portant déclaration d'infection. — La déclaration d'infection entraine, dit l'article 30 du Règlement d'administration publique, l'application des dispositions suivantes :
1 0. Mise en quarantaine des locaux, cours, enclos, herbages et pâtures déclarés infectés, impliquant défense d'y introduire des animaux sains des espèces bovine, ovine, caprine et porcine; dénombrement et marque de ceux qui s'y trouvent. Dans le cas de Fièvre aphteuse, il suffit de marquer les animaux, par quelques coups de ciseaux sur la joue gauche, comme le prescrit d'une manière générale la circulaire ministérielle du 20 août 1882.
Une fois que les animaux malades ou suspects ont été marqués, ils peuvent être « par exception » conduits aux pàturages ou bien, s'ils sont seulement suspects, employés pour le travail. Toutefois, cette tolérance ne peut être accordée que « sous les conditions déterminées par le maire, après avis du vétérinaire sanitaire' de la circonscription », c'est-à-dire de manière à prévenir tout danger de contagion. A cet égard, le règlement d'administration publique dispose que la route à suivre par les animaux malades ou suspects. pour se rendre au pàturage doit être déterminée par un arrêté du maire ; cette route est marquée par des poteaux indicateurs, ainsi que les limites du pâturage dans lequel les animaux doivent être cantonnés. En ce qui concerne les animaux suspects que l'on désirerait utiliser pour le travail, « il est délivré par le maire un laisser-passer indiquant les limites dans lesquelles la circulation desdits animaux est autorisée ) ;
2° Avertissement de l'existence de la Fièvre aphteuse par un écriteau placé à l'entrée principale de la ferme et des locaux, cours, enclos, herbages et pâtures infectés ;
3° Visite et surveillance, par le vétérinaire sanitaire, des locaux, cours, enclos, herbages et pâtures de la ferme ou de l'établissement où la maladie a été constatée ;
4° Détermination des routes, chemins et sentiers fermés à la circulation des animaux susceptibles de contracter la Fièvre aphteuse :
5° Défense de faire sortir des locaux infectés des objets ou matières pouvant servir de véhicules à la contagion, tels que pailles, fourrages, litières, fumiers, couvertures, harnais, etc. ;
6° Interdiction de déposer les fumiers sur la voie publique et d'y laisser écouler les parties liquides des déjections; obligation de traiter ces matières. conformément aux prescriptions des arrêtés administratifs ;
7° Interdiction de laisser pénétrer dans les locaux infectés les bouchers, marchands de bestiaux, et toute personne non préposée aux soins à donner aux animaux;
8° Obligation pour toute personne sortant d'un local infecté de se soumettre, notamment en ce qui concerne les chaussures, aux mesures de désinfection jugées nécessaires;
9° Interdiction de vendre les animaux malades, si ce n'est pour la boucherie, auquel cas ils doivent être conduits directement à l'abattoir, par des voies. indiquées à l'avance.
La même interdiction s'applique, pendant un délai de quinze jours, à ceux qui ont été exposés à la contagion.
Dans le cas de vente pour la boucherie, il est délivré un laisser-passer qui est rapporté au maire dans le délai de cinq jours, avec un certificat attestant que les animaux ont été abattus. Ce certificat est délivré par l'agent préposé à la police de l'abattoir, ou par l'autorité locale dans les communes où il n'existe pas d'abattoir.
Les animaux transportés en vue de la boucherie doivent avoir les pieds tamponnés; ils ne peuvent être transportés qu'en voiture ou par chemin de fer. —.. .....
Telles sont les dispositions de l'article 30 du Règlement complémentaire de notre loi sanitaire. On voit qu'elles tendent tontes à limiter le foyer contagieux, tout en conciliant l'intérêt général et l'intérêt privé, et il appartient aux vétérinaires délégués d'éclairer l'autorité locale sur la marche à suivre pour atteindre ce double but. Ainsi conseillée, l'autorité sera à même de faire une application de la loi conforme de tous points aux données de la science, c'est-à-dire aux propriétés contagieuses de la Fièvre aphteuse et aux dommages qui peuvent en résulter, eu égard au cas particulier en présence duquel on se trouve.
Cas dans lequel la Fièvre aphteuse prend un caractère envahissant. — Ce cas a été prévu par l'article 31 du Règlement d'administration publique, qui dispose, à cet effet, qu'un arrêté du préfet interdit la tenue des foires et marchés, les réunions ou rassemblements sur la voie publique ou dans les cours d'auberge, ayant pour but l'exposition ou la mise en vente des animaux des espèces bovine, ovine, caprine et porcine. Toutefois, il est fait exception pour les marchés intérieurs des villes ayant des abattoirs.
Règles à observer pour la levée de la déclaration d'infection. — Ces
règles sont contenues dans l'article 32 du règlement précité, ainsi conçu : « La déclaration d'infection ne peut être levée par le préfet que lorsqu'il s'est écoulé quinze jours sans qu'il se soit produit un nouveau cas de Fièvre aphteuse, et après constatation, par le vétérinaire délégué, de l'accomplissement de toutes les prescriptions relatives à la désinfection. »
Désinfection. — Elle doit être pratiquée d'après les règles contenues dans l'article 20 de l'arrêté ministériel du 12 mai 1883.
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ART. 20. — Dans le cas de Fièvre aphteuse, la désinfection a lieu de la manière ■suivante :
. 1° Arrosage sur place, avec un liquide désinfectant, des litières et fumiers contenus dans l'étable et des restes de fourrage laissés dans les mangeoires et râteliers, puis enlèvement et enfouissement au tas de fumier commun;
2° Lavage énergique, avec un liquide désinfectant, du sol, des murs, jusqu'à une hauteur de 2m,50, des mangeoires, râteliers, séparations, seaux, barbotières et de tous les objets qui ont pu être souillés par la bave des animaux malades ou la sérosité qui s'écoule des vésicules de leurs pieds;
Grattage des mangeoires et des râteliers, des séparations et des murs; Balayage avec un balai dur de toutes les surfaces et nouveau lavage ;
3° Fumigation au chlore ou à l'acide sulfureux prolongée pendant quarantehuit heures, puis ventilation pendant huit jours;
Désinfection des ruisseaux, rigoles et conduits d'écoulement des purins, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur des bàtiments de ferme ;
4° Saupoudrage du sol avec du chlorure de chaux.
Cas dans lequel la Fièvre aphteuse est constatée dans une foire ou marché. — Lorsque ce cas se présente, « les animaux malades sont mis en fourrière et séquestrés jusqu'à complète guérison. Pendant la durée de la séquestration, le propriétaire peut faire abattre ses animaux, soit dans la localité même, soit à l'abattoir le plus voisin.
» Dans le cas de transfert à l'abattoir, les animaux sont préalablement marqués, et il est délivré un laisser-passer, comme il est dit à l'article 30 (voy. p. 648).
» Ceux qui ont été en contact avec les bêtes reconnues malades sont signalés aux maires des communes où ils sont envoyés. » (Art. 85, Règlement d'adm. publ.)
II. POLICE SANITAIRE A LA FRONTIÈRE. — Lorsque la Fièvre aphteuse est constatée à la frontière, « les animaux malades et ceux qui ont été exposés à la contagion sont repoussés après avoir été marqués. Si l'arrivage a lieu par mer, les animaux doivent être envoyés immédiatement à la boucherie. S'il s'agit d'animaux reproducteurs ou de vaches laitières, la mise en quarantaine peut être autorisée. » (Art. 70, n° 3, Règlement d'adm. publ.)
Traitement. —La Fièvre aphteuse est une maladie qui peut se guérir d'elle-même par les seuls efforts de la nature; mais il est
d'une économie bien entendue de la traiter, afin de prévenir les accidents redoutables qui surviennent parfois dans la région interdigitée, de diminuer les souffrances qu'endurent les animaux et l'amaigrissement qui en est la conséquence, d'abréger, en un mot, la durée de la maladie et d'atténuer ainsi les préjudices qu'elle cause au propriétaire, eu égard aux pertes de travail, de graisse et de lait qu'elle entraîne.
Deux indications sont à remplir dans le traitement de la Fièvre aphteuse : 1° ne pas contrarier le travail naturel de la formation des aphtes et des pustules de la région interdigitée, par une intervention intempestive ; 2° favoriser le travail de cicatrisation des exulcérations qui résulte de la rupture des aphtes.
En ce qui concerne la première indication, il suffit de tenir les animaux dans des étables à température douce, sans être trop élevée; de les laisser à une demi-diète en leur donnant pour nourriture des mélanges farineux ou des aliments de facile mastication, et de les laisser en repos. Une fois que le travail éruptif s'est opéré et que les ampoules buccales, en se rupturant, ont donné naissance à des exulcérations, il convient d'avoir recours à une médication ayant pour but d'activer leur cicatrisation. A cet effet, on prépare des gargarismes avec des décoctions de feuilles de chêne, de feuilles de noyer, voire même simplement de foin des prairies, et l'on ajoute à ces préparations de l'alun dé potasse, dans la proportion de 16 à 24 grammes pour 1 litre, ou bien 8 à 10 grammes de sulfate de fer, afin d'augmenter les propriétés astringentes de ces décoctions. Les préparations phéniquées, le goudron de bois peuvent servir de bases à des topiques avec lesquels on touche les parties dénudées de la bouche pour hâter leur cicatrisation. Parfois même, lorsque les ulcérations ont peu de tendance à la guérison, il est utile de les cautériser légèrement, soit avec l'eau de Rabel, soit surtout avec l'acide chlorhydrique, qui, en pareille circonstance, produit les meilleurs effets, comme divers praticiens l'ont constaté. La cautérisation provoque tout d'abord une douleur vive, mais de courte durée, suivie d'une diminution de la sensibilité, qui se traduit par l'avidité que les animaux témoignent pour leur nourriture et la facilité avec laquelle ils la saisissent et la mâchent. Une fois ce résultat obtenu, l'usage de simples gargarismes suffit pour terminer le traitement.
En même temps que l'on a recours à cette médication, il faut nourrir les animaux avec des boissons alimentaires, avec des bouillies, des drèches, des racines cuites, des herbes tendres, etc., c'est-à-dire des aliments d'une telle nature que la mastication ait très peu à intervenir.
Quant au traitement des lésions des pieds, il consiste également dans l'emploi de préparations astringentes ou légèrement caustiques, notament celles qui sont à base d'oxyde de cuivre. C'est ainsi que les lotions avec la solution de sulfate de cuivre, les applications d'onguent égyptiac produisent les meilleurs effets. Quelle que soit la préparation employée, il faut tenir les animaux sur une litière propre et souvent renouvelée.
Lorsque les onglons sont décollés, il est nécessaire d'avoir recours à un traitement identique à celui que nous avons décrit en étudiant les maladies du pied (voy. p. 48 et 53).
En résumé, dirons-nous avec H. Bouley, l'arsenal des moyens que l'on peut employer pour faciliter la guérison de la Cocotte est très riche. « Ces moyens conviennent les uns et les autres, car ils ont un mode d'action semblable, à savoir : l'astriction opérée sur les parties dénudées, astriction qui amortit la sensibilité des papilles et active la sécrétion épidermique. Toute la question est de savoir bien s'en servir et de les approprier aux circonstances qui se présentent. Dans tel cas, en effet, le gargarisme le plus simple, comme celui d'eau vinaigrée, pourra parfaitement suffire; dans tel autre, il y aura indication de recourir à la cautérisation. Question d'appréciation du caractère de la maladie, non seulement dans le sujet sur lequel on l'observe, mais encore dans le pays, dans la saison, dans l'année. C'est assez dire qu'il n'existe pas, qu'il ne saurait exister de remèdes spécifiques contre la Cocotte ; la Cocotte se guérit, mais on ne la guérit pas. Seulement, on peut, plus ou moins, aider le travail naturel, l'accélérer même ; et enfin prévenir les accidents qui peuvent survenir, qui surviennent trop souvent, lorsque la maladie est abandonnée à elle-même (1). »
Le traitement de la Fièvre aphteuse chez les veaux à la mamelle mérite une attention particulière, en ce sens que, d'une part, cette maladie est, comme on l'a vu, beaucoup plus grave chez les jeunes animaux que chez les bêtes adultes, et d'autre part, qu'il est très facile de la prévenir. Pour cela, il suffit, comme bon nombre de praticiens, notamment MM. Viseur et Lemaire, l'ont constaté, de ne pas laisser les veaux téter leur mère, de traire celle-ci, de faire bouillir le lait, qui peut être alors administré sans aucun danger. — La même précaution doit être également prise lorsque le lait est destiné à l'alimentation de l'homme, de telle sorte que la vente de ce produit peut être tolérée, à la condition toutefois d'en indiquer la provenance. Mais ce moyen est peu pratique et ne doit pas inspirer beaucoup de confiance, car il sera
(1) Conférences de M. H. Bouley, à Nevers, 1872, p. 89.
bien difficile de faire avouer aux marchands que le lait qu'ils vendent provient de vaches affectées de Fièvre aphteuse. Une «eule chose est à faire, lorsqu'une épizootie de Fièvre aphteuse règne sur des vaches laitières, c'est d'informer le public, par tel moyen que l'autorité administrative jugera convenable, de l'existence de cette maladie, de sa transmission parle lait et de la nécessité de soumettre ce liquide à l'ébullition pour éviter tout danger.
Enfin, on a recommandé l'inoculation préventive de la Fièvre aphteuse comme un moyen d'atténuer les dommages que cette maladie determine quand elle se déclare dans une étable populeuse. En pareil cas, la maladie peut durer longtemps, de telle sorte qu'il serait avantageux de donner la maladie à toutes les bêtes en même temps, afin d'en abréger le cours. De plus, l'inoculation préventive permettrait de choisir l'époque de l'année la plus favorable pour la guérison de la Fièvre aphteuse, c'est-à-dire le moment où il est possible de donner aux animaux des fourrages verts et tendres.
Pour pratiquer cette inoculation, il suffit de badigeonner l'intérieur de la bouche des bêtes saines avec un tampon de linge fixé à l'extrémité d'un bâton, et préalablement imprégné de la bave d'une bête malade.
Mais ce moyen ne s'est point généralisé, malgré les avantages apparents qu'il semble présenter, car l'observation a démontré que la Fièvre aphteuse peut se reproduire chez le même animal, et cette récidive diminue considérablement la valeur de l'inoculation, à tel point que ce moyen, qui n'a d'ailleurs jamais été bien répandu, paraît aujourd'hui complètement abandonné. Ce n'est pas à dire, cependant, que cette question si importante de l'inoculation préventive ne puisse recevoir, dans l'avenir, une solution susceptible d'utiles applications dans la pratique. En employant pour l'étude de la Fièvre aphteuse les méthodes nouvelles, qui permettent d'isoler les germes contagieux, il est permis d'espérer que la question dont il s'agit sera résolue dans le sens le plus favorable aux intérêts des propriétaires de bétail.
CHAPITRE V
RAGE
La Rage est une maladie virulente, incurable, transmissible aux animaux et à l'homme, caractérisée par des troubles cérébraux et médullaires résultant de l'action d'un germe qui se multiplie
et se cultive dans le système nerveux, comme le démontrent les recherches de M. Pasteur.
Symptômes. — Chez les animaux de l'espèce bovine, cette maladie a deux formes, l'une que l'on qualifie de tranquille et l'autre que l'on appelle Rage furieuse.
1° Rage tranquille. — Dans cette forme de Rage, les bêtes bovines ne cherchent pas à mordre, ni à attaquer l'homme avec leurs armes naturelles. Mais c'est à ce point de vue seulement que l'animal est tranquille, car, au début de la Rage, le bœuf manifeste une inquiétude étrange, d'autant plus frappante qu'elle contraste avec son état ordinaire de calme et de placidité. Souvent, il porte la tète haute; les yeux brillent d'un éclat inaccoutumé; les pupilles -sont largement dilatées et les yeux paraissent comme fulgurants par suite des lueurs que reflète le tapetum. Par moments, ces lueurs s'éteignent et le regard devient morne. Chez le bœuf, comme chez le chien et le cheval, on constate des espèces d'hallucinations. Ainsi, l'on voit parfois des bêtes bovines affectées de Rage se lancer tout à coup en avant, tête baissée; détacher des ruades, sans que rien, en apparence, explique ces attaques aussi soudaines qu'imprévues. Mais déjà l'on peut constater une certaine faiblesse du train postérieur, qui se traduit par une vacillation dans la marche ou une boiterie d'un membre postérieur. En général, la vue du chien provoque une violente excitation; parfois même, comme M. ReLit l'a observé, il suffit de la vue d'une poule pour que l'animal entre en fureur et se précipite en avant dans l'attitude de l'attaque.
Indépendamment de ces modifications, qui procèdent de l'impressionnabilité, on en constate d'autres du côté de l'appareil digestif. Ainsi, au début de la Rage, on remarque des symptômes d'angine pharyngée; la déglutition est difficile, gênée; une salive écumeuse remplit la cavité buccale; parfois les parotides sont très douloureuses. Contrairement à ce que l'on a avancé, les bètes bovines qui sont sous le coup de la Rage n'ont pas horreur de l'eau ; l'hydrophobie, que l'on a considérée comme un caractère distinctif de la Rage, n'existe pas plus chez le bœuf que chez les autres animaux; il n'y a de réel que la difficulté et souvent même l'impossibilité de la déglutition. Les bêtes bovines enragées cessent de manger, et dans quelques cas exceptionnels, on a signalé une véritable dépravation du goût. La rumination est abolie et les animaux maigrissent rapidement; toutefois, au début de la maladie, la sécrétion lactée peut persister pendant quelque temps.
Il est un symptôme tout particulier à l'espèce bovine et sur lequel divers praticiens ont particulièrement insisté, comme très caractéristique de l'état rabique : ce sont des efforts de défécation,
des ténesmes, qui se répètent très fréquemment, de telle sorte que l'on peut croire à l'existence d'une maladie intestinale de nature simplement inflammatoire.
Le sentiment de malaise qu'éprouvent les bêtes bovines enragées se traduit par des beuglements rauques, fréquemment répétés et dont le timbre a quelque chose d'inaccoutumé et d'effrayant. Ces beuglements se produisent quand on présente un chien ou même une chèvre, un mouton à l'animal enragé, comme nous l'avons constaté sur une vache.
Dans quelques cas, on a remarqué que la plaie résultant de la morsure rabique devient le siège d'un prurit très intense, qui détermine les animaux à se frotter jusqu'au sang.
En outre, la Rage donne lieu à des excitations génésiques assez fréquentes chez la vache et chez le taureau. Parfois les animaux sont pris de vertige; il en est qui poussent au mur, en même temps qu'avec leurs membres antérieurs ils creusent impatiemment la litière et la rejettent en arrière; d'autres se cabrent, montent dans la mangeoire et se renversent. Mais bientôt les forces s'épuisent, la marche devient chancelante, l'animal s'affaisse sur 'le traia postérieur et il est difficile de le faire relever. Puis les membres postérieurs sont entièrement paralysés, l'animal se livre à de vains efforts pour se remettre debout, et, ces derniers effortsépuisant ce qui reste de force, la mort survient très rapidement.
2° Rage furieuse. — Dans cette forme de la Rage, les symptômes précédemment décrits sont plus accentués et les bêtes bovines enragées deviennent manifestement agressives. Dès qu'on les approche, elles se mettent dans l'attitude du combat, baissent la tête, présentent les cornes, grattent le sol et rejettent au loin leur litière. « On a vu des bœufs qui, dans le paroxysme de leur fureur, se brisaient les cornes en s'élançant tête baissée contre les murs ou contre les obstacles résistants qui se trouvaient devant eux. Quelquefois aussi, ils mordent leurs liens d'attache ou les barreaux de leur râtelier (1). »
Dans les pâturages, ils s'attaquent à leurs compagnons, parfois même aux moutons, sur lesquels ils fondent tête baissée. C'est surtout la vue du chien qui les met en fureur, ils le poursuivent avec vigueur et le mettent en fuite, contrairement à ce que l'on observe quand les animaux ne sont pas enragés. — L'homme luimême n'est pas épargné par les bêtes bovines atteintes de Rage furieuse. — Cette maladie peut encore se transmettre à l'homme quand on la méconnaît et que l'on explore la bouche sans précaution, notamment au début de la maladie, lorsque l'animal n'a
(1) H. Bouley. Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. Rage.
point encore de signes de fureur et que la déglutition paraît gênée comme si un corps étranger s'était arrêté dans l'arrière-bouche ou l'œsophage. En pareil cas, on est tout naturellement porté à examiner la cavité buccale et à y introduire la main ; alors on court grand risque de s'inoculer la Rage par des blessures que l'on peut avoir aux mains, ou par des écorchures qu'on se fait facilement contre les aspérités des dents. — Donc, avant de procéder à cette exploration sur un animal qui refuse de manger, bave abondamment et présente une certaine faiblesse du train postérieur, il sera toujours bon d'avoir recours à ce que l'on peut appeler l' épreuve du chien, qui consiste à présenter un animal de cette espèce à la bête suspecte, et de voir comment elle se comporte.
Il est à remarquer que, parfois, la Rage peut débuter par une paralysie locale déterminantune claudication (Ladague) et que, dans quelques cas exceptionnels, la présence d'un chien ne provoque aucune excitation chez une bête bovine atteinte de la Rage (Mauri).
Diagnostic. — La Rage peut être confondue avec l'entérite et l'avortement, par suite des efforts expulsifs qui se produisent. Mais, l'accès frénétique provoqué généralement par la vue d'un chien, la physionomie de l'animal, ses beuglements rauques et terrifiants, la faiblesse du train postérieur, permettront de reconnaître la Rage.
On a dit que certains accidents nerveux consécutifs à la castration et qui se montrent aussi dans le cours de la fièvre vitulaire pouvaient simuler la Rage. Cela nous parait douteux. Quoi qu'il en soit, par l'épreuve du chien et par les symptômes signalés ci-dessus, on établira nettement le diagnoslic du vivant de l'animal. — En cas de mort, il faudra procéder à l'inoculation du bulbe rachidien de l'animal suspect. Cette inoculation sera faite en injectant, dans la chambre antérieure de l'œil de deux ou trois lapins, quelques gouttes d'une émulsion obtenue en broyant le bulbe suspect dans de l'eau bouillie et refroidie. — Si l'on a affaire à la Rage, et en admettant que l'on ait opéré sur une matière non putréfiée, les signes de cette maladie apparaîtront chez l'un des lapins inoculés et parfois chez tous, ordinairement vers le douzième ou le quinzième jour après l'inoculation, quelquefois seulement au bout de vingt-cinq, trente et même quarante jours. Ces signes consistent principalement en une faiblesse du train postérieur, puis une paralysie, de la salivation et parfois des envies de mordre. La durée de la maladie est de deux à cinq jours.
Marche. Durée. Terminaison. — SOUS l'une ou l'autre de ses formes, la Rage est une maladie à marche rapide. Ordinairement, elle détermine la mort en trois ou quatre jours. Sur une vache
enragée qu'il nous a été donné d'observer récemment, la mort n'est survenue que le neuvième jour. — Parfois on a constaté « des intermittences de vingt-sept et même de trente-six jours » (Ladague) dans l'évolution de la Rage. Au bout de ce temps, la maladie reprenait sa marche et tuait promptement l'animal.
Durée de la période d'incubation. — La durée de l'incubation de la Rage dans les grands ruminants peut varier de vingt à soixante ou soixante-dix jours, comme le prouve la statistique suivante due à H. Bouley. Dans 20 cas de Rage, la durée de la période d'incubation a été de :
20 à 25 jours .................... 4 fois. 25 à 30 — 2 — 30 à 40 — 7 — 40 à 50 — 5 — 60 à 70 — 2 —
« Haubner établit, d'après une statistique de 234 observations, ,que le nombre des cas de Rage qui se manifestent, après trois mois, dans l'espèce bovine, est de 10 p. 100, de 8 après quatre mois, et que, pour le surplus, l'incubation est de neuf mois. Cependant cette limite ne serait pas, d'après lui, la limite extrême. Il cite des cas où la durée de l'incubation a été une fois d'un an, une autre fois de quatorze mois et une troisième fois de deux ans et demi. A l'égard de ce dernier cas, il est permis de douter que l'observation ait été recueillie avec toutes les conditions désirables de certitude. »
Dans quatre cas de Rage observés chez des bêtes bovines par M. Reul, de l'École de Cureghem-lez-Bruxelles, la période d'incubation a varié entre vingt-sept et cinquante jours. — Les recherches de M. Pasteur démontrent que la durée de la période d'incubation de cette maladie est subordonnée à la matière inoculée et au mode d'inoculation. C'est ainsi qu'en inoculant, par trépanation ou bien par injection intraveineuse, la substance de l'encéphale ou de la moelle, c'est-à-dire d'organes dans lesquels le virus rabique se cultive à l'état de pureté, « la Rage se déclare souvent au bout de six, huit ou dix jours ». (Pasteur.)
Lésions. — Elles n'offrent rien de caractéristique, et ne permettent pas d'établir le diagnostic post mortem. On a constaté parfois des traces d'inflammation dans la bouche et l'arrièrebouche; la langue est recouverte d'un enduit brunâtre et épais; la muqueuse buccale et la muqueuse pharyngienne présentent une coloration violacée, qui se fait remarquer également dans la langue. Les poumons sont gorgés de sang comme dans l'asphyxie, et les bronches, remplies de mucosités spumeuses. On a quelque-
fois rencontré des lâches pétéchiales sous l'endocarde ainsi que sur la muqueuse de la caillette et du duodénum.
Sur une vache enragée dont l'encéphale avait été mis à nu, j'ai constaté une infiltration de sérosité opaline dans les espaces sous-arachnoïdiens, infiltration telle que les circonvolutions cérébrales étaient, en quelque sorte, encadrées par des bandes grisâtres d'un à deux millimètres d'épaisseur, dessinant à la surface du cerveau une sorte de réseau. — Il m'a paru également que la cavité de l'arachnoïde spinale était remplie d'une plus grande quantité de liquide céphalo-rachidien, surtout dans la portion cervicale de la moelle épinière. — Les ventricules latéraux ne contenaient qu'une petite quantité de sérosité trouble, roussâtre;. les plexus choroïdes étaient fortement injectés. Le ventricule des couches optiques et le ventricule cérébelleux renfermaient une notable quantité de sérosité roussàtre. MM. Roux et Nocard ont constaté de la glycosurie chez les herbivores enragés et cela dans 15 à 20 p. 100 des cas de Rage.
Étiologie. Contagion. — La Rage est toujours produite par lai morsure d'un animal enragé (chien, chat, loup). — Pendant longtemps, on s'est demandé si la Rage est contagieuse, attendu que. l'inoculation de la bave avait donné des résultats tantôt négatifs,. tantôt positifs. Toutefois les expériences de Berndt, celles deRey, celles de Renault établissent que la transmission de la Rage des grands et petits ruminants peut s'effectuer par l'inoculation de la bave. Mais ce mode de contagion est loin d'être constant dans ses effets. Aujourd'hui, les faits négatifs s'expliquent très bien par les belles recherches de M. Pasteur, qui démontrent « que le système nerveux central est le siège principal du virus, rabique, qu'on l'y trouve en grande quantité, qu'on peut l'y recueillir à l'état de parfaite pureté; en second lieu, que la matière rabique inoculée pure à la surface du cerveau, à l'aide de la trépanation donne la Rage rapidement et sûrement. » C'est ainsi que plusieurs séries d'animaux auxquels M. Pasteur a inoculé, par trépanation, « le bulbe,.du cerveau, le lobe moyen du cervelet, le lobe sphénoïdal droit et la matière du lobe frontal gauche » d'une vache morte de la Rage, ont succombé à cette maladie. Cependant, ajoute M. Pasteur, à l'exception d'une forte congestion du lobe frontal gauche et d'une congestion moindre dans la moelle allongée, toutes les parties du cerveau paraissaient très saines.
De plus, M. Pasteur a établi que, dans la salive rabique, le virus se trouve associé à des microbes divers, qui peuvent déterminer la mort, soit par une action spéciale, comme c'est le cas pour le microbe de la salive, découvert par M. Pasteur, soit « par des développements exagérés de pus », soit par la Rage.
Il convient de placer en première ligne, parmi les organes dont les éléments acquièrent la virulence rabique : l'encéphale et la moelle, attendu que c'est dans ces organes que le germe producteur de la Rage se cultive et se multiplie. Dès lors, quand on pratique des autopsies d'animaux enragés, il est bon de se rappeler qu'il y a surtout du danger en mettant à nu et en étudiant les centres nerveux.
La salive ou autrement dit la bave, qui remplit la cavité (ID;uccale, possède également des propriétés virulentes, mais à un degré beaucoup moins prononcé que la substance du système nerveux central. Néanmoins il y a lieu de faire remarquer, avec H. Bouley, que, chez les bêtes bovines, la salivation abondante et la difficulté de la déglutition, qui caractérisent la Rage à son début, ressemblant beaucoup aux symptômes que détermine l'arrêt d'un corps étranger, tel qu'une pomme ou un trop gros fragment de racine, dans la partie supérieure de l'œsophage, on peut être trompé par ces apparences et introduire la main dans la bouche pour en explorer la profondeur. Répétons que l'on court grand risque de s'inoculer la rage par des blessures qu'on peut avoir aux mains, ou par des écorchures qu'on se fait facilement contre les aspérités des dents.
Tels peuvent être les modes de transmission les plus à craindre relativement à la Rage des grands ruminants. Ce n'est pas à dire cependant que cette maladie ne puisse se communiquer par les morsures des bêtes bovines enragées. Mais cela est exceptionnel, car, d'une part, il est rare que ces animaux cherchent à mordre, alors même qu'ils sont excités par l'état rabique, et, d'autre part, quand ils mordent les personnes qui les approchent, la blessure qui en résulte se prête mal à l'absorption de la salive rabique, car, en raison des dispositions anatomiques des dents incisives, c'est une plaie contuse différant beaucoup, au point de vue de la facilité de l'absorption, de celle qui est produite par les canines aiguës des carnivores.
Jusqu'à ce jour, il n'a pas été démontré que le lait et la 'chair des bêtes bovines atteintes de la rage fussent virulents. Néanmoins, on doit défendre la consommation de ces aliments, afin d'éviter des inquiétudes chez les personnes qui en auraient fait usage (1).
On ne sait point non plus si le sperme est virulent pendant la
(1) Sur quatre tentatives, M. Nocard a obtenu un résultat positif par l'inoculation du lait recueilli avec pureté chez une chienne. Si la transmission de la rage par le lait est un fait possible, il n'en est pas moins rare, comme le démontrent les expériences constamment négatives de Renault, de Galtier, de Zagari.
période d'incubation de la rage ou bien lorsque la maladie commence à se manifester. Cependant il est prudent de considérer comme suspectes de rage, les vaches qui ont été saillies par un taureau chez lequel la maladie était à sa période d'incubation, à sa période initiale.
Lorsque la Rage se déclare dans un troupeau de bêtes bovines, elle se propage non seulement par les morsures, mais encore par les lèchements, car, dans les moments de calme, les bovidés atteints de rage ont une certaine tendance à lécher les blessures qu'ils ont faites à leurs voisins et les chances de contagion se trouvent ainsi augmentées.
Pronostic. — La Rage est une maladie constamment mortelle chez les animaux de l'espèce bovine. Ceci étant bien établi, si l'on remarque que la Rage chez les grands ruminants procède toujours d'une inoculation (morsure rabique et peut-être coït infectant), on sera conduit à vendre pour la boucherie toutes les bêtes suspectes, quand, du moins, elles n'ont pas été l'objet d'un traitement préventif.
Traitement. — Lorsqu'un chien enragé passe dans un troupeau et mord des bêtes bovines, il faut s'empresser — si les circonstances le permettent — de laver la morsure à grande eau, et de la cautériser profondément avec le fer rouge, de préférence à tout autre caustique. — Je ne proscris pas pour cela l'usage des caustiques liquides : acides sulfurique, azotique, chlorhydrique, beurre d'antimoine, perchlorure de fer, nitrate d'argent, ammoniaque. Mais, quoi qu'on en ait dit, ces agents ne méritent pas la même confiance que le fer rouge.
La cautérisation aura d'autant plus de chances d'être efficace qu'elle sera faite à une époque plus rapprochée de la morsure.
On conçoit qu'il n'est pas possible de dire à quel moment précis s'opère l'absorption du virus rabique déposé dans une plaie par morsure, car cette absorption est subordonnée à la profondeur et au siège de la morsure, ainsi qu'à la quantité de salive déposée. Il résulte en effet des recherches expérimentales faites sur la rage, notamment de celles d'Helman,que les morsures profondes intéressant la peau, le tissu conjonctif sous-cutané et les muscles sont plus graves que celles qui ne dépassent pas le tissu cellulaire sous-cutané, puisqu'il est démontré que le virus rabique introduit dans ce tissu perd souvent ses propriétés. Il est également établi, par des expériences, que dans les régions riches en filets nerveux et peu éloignées du cerveau, la transmission du virus rabique aux centres nerveux est plus à craindre et les chances de destruction de ce virus, par action phagocytique des leucocytes, sont moins nombreuses que lorsque la morsure siège
dans une région éloignée des centres nerveux et intéresse des tissus où les nerfs sont peu nombreux. — Dans tous les cas, les chances d'absorption du virus rabique après une morsure, sont subordonnées à la quantité de salive déposée dans la plaie, à son séjour plus ou moins prolongé, à sa viscosité; en outre, la salive peut être entraînée par l'hémorragie consécutive à la morsure ou bien elle peut rester adhérente aux poils qui recouvrent la région.
On estime approximativement et d'une manière générale que la cautérisation n'empêche pas le développement de la Rage lorsqu'elle est pratiquée une heure après la morsure : ce qui revient à dire qu'il faut la pratiquer le plus tôt possible. Il est un autre moyen préventif qui a été découvert par M. Gal tier ; c'est l'injection intraveineuse de virus rabique. Par ce moyen, on confère l'immunité.
« La technique de l'inoculation intraveineuse est très simple ; il faut injecter dans les veines du virus rabique pur, c'est-à-dire que l'on doit rejeter la salive rabique et prendre le virus dans le bulbe d'un animal mort de la rage. L'émulsion de la matière nerveuse sera préparée en broyant des fragments du bulbe dans un mortier ou dans un verre, avec de l'eau, de façon à obtenir un liquide laiteux facile à aspirer dans la seringue. Pour éviter l'introduction dans les veines des grumeaux de matière nerveuse qui produiraient des embolies et la mort, il faut passer l'émulsion dans une toile de batiste très fine. Toutes ces opérations doivent être faites avec pureté : c'est-à-dire que les ciseaux qui servent à prélever les fragments du bulbe, le verre ou le mortier, la batiste et la seringue doivent avoir été stérilisés dans l'eau bouillante. Pour faire l'émulsion, on doit employer de l'eau bouillie, puis refroidie.
» Il est facile de faire pénétrer la canule de la seringue, à travers la peau, dans la veine jugulaire, si on a soin de faire gonfler celle-ci en la comprimant à la base du cou. Pour plus de sécurité, on peut employer une canule double.
» L'injection doit être poussée lentement ; il n'arrive jamais d'accident quand l'émulsion est bien tamisée, alors même que l'on en fait pénétrer de grandes quantités. » (NocARD et LECLAINCHE.)
Police sanitaire. — Les mesures de police sanitaire varient suivant qu'il s'agit d'animaux herbivores suspects de rage ou bien atteints de cette maladie.
1° Mesures concernant les animaux herbivores suspects de rage. — Ces mesures sont prescrites par l'article 55 du règlement d'administration publique du 22 juin 1882.
ART. 55. — Lorsque des animaux herbivores ont été mordus par un animal enragé, le maire prend un arrêté pour mettre ces animaux sous la surveillance d'un vétérinaire délégué à cet effet. Cette surveillance sera de six semaines au moins.
Ces animaux sont marqués, et il est interdit au propriétaire de s'en dessaisir avant l'expiration de ce délai, si ce n'est pour les faire abattre. Dans ce cas, il est délivré un laissez-passer qui est rapporté au maire, dans le délai de cinq jours, avec un certificat attestant que les animaux ont été abattus. Ce certificat est délivré par le 'vétérinaire délégué à la surveillance de l'atelier d'équarissage.
L'utilisation des chevaux et des bœufs pour le travail peut être autorisée, à condition, pour les chevaux, d'être muselés.
Les animaux herbivores auxquels s'appliquent les dispositions de la loi sont : les solipèdes, les grands et les petits ruminants. Ils sont déclarés suspects de rage lorsqu'ils ont été mordus par un animal enragé. En pareil cas, le maire prend, aux termes de l'article 55 du règlement d'administration publique, un arrêté pour mettre ces animaux sous la surveillance d'un vétérinaire délégué à cet effet, c'est-à-dire pour les visiter de temps à autre. Cette surveillance sera de six semaines au moins; elle pourra être prolongée par l'autorité communale, après avis préalable du vétérinaire sanitaire.
L'article précité prescrit également de marquer les animaux suspects. En pareil cas, la marque aux ciseaux sur la joue gauche suffit, et si l'on a affaire à des moutons, on se sert d'une matière colorante que l'on applique sur le dos.
La vente des herbivores suspects de rage est interdite pendant toute la durée du délai de surveillance, à moins que le propriétaire ne veuille les faire abattre. Dans ce cas, dit l'article 55, « il est délivré un laissez-passer qui est rapporté au maire dans le délai de cinq jours, avec un certificat attestant que les animaux ont été abattus. Ce certificat est délivré par le vétérinaire délégué à la surveillance de l'atelier d'équarrissage. »
Ces dispositions indiquent que la vente des herbivores suspects de rage est interdite pour la boucherie, à moins que, à l'expiration du délai de six semaines, ils n'aient présenté aucun signe de rage. D'où il suit que le règlement tolère la vente lorsque les herbivores suspects peuvent être dangereux, puisqu'il s'est écoulé un délai de six semaines depuis qu'ils ont été mordus, et que les cas de rage sont encore fréquents après ce délai. Dès 1885, M. Nocard a appelé l'attention sur cet état de choses, si préjudiciable aux éleveurs et engraisseurs et sans utilité au point de vue de la contagion rabique, puisque les animaux sont remis en libre circulation lorsque la rage est encore susceptible de se déclarer, comme en témoignent les statistiques sur la durée d'incubation
de cette maladie chez les herbivores, notamment chez les grands ruminants. Notre savant collègue a fait remarquer en outre que la chair des herbivores suspects n'est nullement insalubre et il a demandé, en conséquence, que les propriétaires de bêtes bovines mordues par un chien enragé soient autorisés à les vendre pour la (boucherie dans les six jours qui suivent la morsure.
Nous ajouterons que l'on doit tolérer la consommation de la ■chair des porcs suspects de rage, lorsque ces animaux ne présentent aucun signe de maladie. A cet égard, le règlement d'administration publique ne formule aucune prescription, mais nous pensons que ce n'est point s'écarter de l'esprit de la loi que d'autoriser la vente de ces animaux pour la boucherie.
Le troisième paragraphe de cet article dispose que l'utilisation des chevaux et des bœufs pour le travail peut être autorisée, à condition, pour les chevaux, d'être muselés. Par conséquent le maire pourra, soit dans l'arrêté qui place les animaux herbivores suspects sous la surveillance du vétérinaire sanitaire, soit par un arrêté ultérieur, décider que les chevaux ou les bœufs suspects •seront utilisés pour le travail, tout en restant placés sous la surveillance sanitaire du vétérinaire.
Quant au lait des vaches suspectes de rage, il ne doit pas être consommé en raison de l'inquiétude à laquelle il pourrait donner lieu chez les personnes nerveuses ou très impressionnables, si elles venaient à en connaître la provenance.
2° Mesures concernant les animaux enragés. — L'article 10 de la loi dispose que « la Rage, lorsqu'elle est constatée, chez les animaux de quelque espèce qu'ils soient, entraîne l'abatage, qui ne peut être différé sous acun prétexte ». Par conséquent lorsque le vétérinaire sanitaire a constaté l'existence de la rage, l'abatage a lieu immédiatement et surplace, afin d'éviter les accidents qui se produiraient si l'animal venait à s'échapper et les dangers qu'il y aurait à le déplacer d'une manière quelconque.
Le cadavre de l'animal mort de la Rage ou abattu comme atteint de cette maladie doit être enfoui ou livré à l'équarrisseur suivant les circonstances locales, mais, dans aucun cas, la chair ne doit être employée pour la consommation, conformément aux -dispositions de l'article 14 de la loi. Toute infraction entraîne les pénalités édictées par l'article 32 : emprisonnement de six mois à trois ans; amende de 100 à 2000 francs.
La peau des animaux morts de la rage ou abattus comme :atteints de cette maladie peut être utilisée après désinfection ■dûment constatée (art. 56 R.). Cette désinfection aura lieu par l'immersion complète dans la solution de sulfate de zinc à :2 p. 100.
Quant à la désinfection des locaux et objets ayant servi aux animaux malades, elle aura lieu d'après les règles suivantes, prescrites par l'art. 23 de l'arrêté ministériel du 12 mai 1883.
Pour les carnivores :
1° Lavage à l'eau bouillante phéniquée des surfaces sur lesquelles les animaux enragés ont pu répandre leur bave et particulièrement de l'intérieur des niches, des colliers, chaînes d'attache, couvertures, etc.;
2° Destruction par le feu des restes d'aliments et des litières.
Pour les herbivores :
1° Destruction par le feu des litières, fumiers et restes d'aliments trouvés dans les mangeoires et râteliers;
2° Lavage à l'eau bouillante phéniquée du sol, des murs et des bat-flancs, des mangeoires, râteliers, seaux, barbottoires et de toutes les surfaces sur lesquelles la bave a pu être déposée;
3° Flambage, après lavage et grattage, des boiseries aux points où ellesont été entamées par la dent des animaux pendant leurs accès;
4° Destruction par le feu des éponges, des licols et cordages d'attache ;
So Immersion dans l'eau bouillante phéniquée et lessivage des couvertures ; 6° Vidange et nettoyage à l'eau bouillante phéniquée des auges servant. d'abreuvoir commun dans lesquelles les animaux ont pu boire au début d& leur maladie, alors qu'elle n'était pas encore reconnue.
CHAPITRE VI
FIÈVRE CHARBONNEUSE
Synonymie : Charbon bactéridien, Fièvre bactéridienne,
On appelle ainsi une maladie déterminée par un microbe découvert par Davaine, qui lui a donné le nom de bactéridie charbonneuse et qu'il conviendrait de désigner sous le nom de. bacille de Davaine pour rappeler le nom du savant français qui l'a signalé le premier. — Ce microbe est aussi appelé bacillus anthracis. — Lorsqu'il pénètre dans l'organisme des bêtes bovines, il produit une maladie à marche rapide, à terminaison généralement mortelle et à forme enzootique ou épizootique. Dans ce dernier cas, la fièvre charbonneuse constitue ce que l'on a appelé la pesle rouge, la peste charbonneuse, la peste de Sibérie. Elle peut déterminer alors de grands ravages, car elle se transmet à divers animaux, au mouton, à la chèvre et au cheval notamment, ainsi qu'à l'homme. Mais il est possible aujourd'hui, grâce aux belles découvertes de M. Pasteur de prévenir le développement de ce fléau par l'inoculation préventive ou vaccination charbonneuse.
Symptômes. — Delafond a décrit, dans son Traité de la maladie.
du sang des bêtes bovines de la Beauce, une maladie qu'il considérait comme étant de même nature que le sang de rate des bêtes à laine ; il ajoute même que ces deux maladies « se montraient dans les mêmes localités et qu'elles étaient dues à des causes prédisposantes et déterminantes à peu près semblables ». Or il est bien démontré aujourd'hui que le sang de rate des moutons est la Fièvre charbonneuse ou Charbon bactéridien, d'où l'on peut inférer que la maladie de sang décrite par Delafond était due également à la bactéridie charbonneuse. D'autre part, M. C. Baillet ayant eu l'occasion d'étudier le Charbon bactéridien sur lesbête& bovines placées dans certains pâturages de l'Auvergne, on peut donner de cette maladie une description se rattachant bien à la Fièvre charbonneuse.
Habituellement, cette affection s'annonce par des symptômes très alarmants : l'animal est triste, abattu, et refuse toute nourriture. Puis des tremblements généraux se produisent; de temps à autre, la bête agite la queue, se couche, se relève et semble tourmentée par des coliques. Le pouls est accéléré, petit et f,-tible, tandis que les battements du cœur sont forts et tumultueux. La conjonctive est injectée, violacée, il en est de même de la muqueuse gingivale. Si la jugulaire est ouverte, le sang qui s'en écoule est très noir et la saignée est baveuse. La respiration est saccadée, tumultueuse. La peau est alternativement chaude et froide à la base des cornes et des oreilles. Les envies d'uriner sont fréquentes et l'urine est souvent roussâtre. Bientôt la dyspnée devient de plus en plus prononcée et l'animal rejette par les naseaux un liquide roussâtre et spumeux; de temps à autre, il se livre à de violents efforts de défécation, expulse quelques matières de consistance molle et mélangées de sang. Puis il se couche. regarde son ventre, « retourne et appuie sa tête sur son épaule et meurt sans se débattre, dans cette position ». (Delafond.)
Marche. Durée. Terminaisons. — La marche de la Fièvre charbonneuse est des plus rapides et il n'est pas rare que les animaux succombent en deux ou trois heures; d'autres fois, la mort ne survient qu'après six, huit, douze, vingt-quatre heures. Il peut même arriver, comme M. C. Baillet l'a observé en Auvergne, avec M. Marret (d'Allanehe), « que quelques vaches reviennent à la santé après avoir été assez gravement atteintes pour donner de sérieuses inquiétudes », et il est encore à noter que des bêtes qui avaient paru tout d'abord très malades « finissent par se rétablir sans qu'on les soumette à aucun traitement ». Suivant M. Baillet, les vaches d'engrais que l'on place dans les montagnes qualifiées dangereuses en raison de leur action funeste sur la santé des animaux, ressentent à peu près toutes une sorte de malaise, qui
s'accuse par de la tristesse, de la nonchalance, une diminution de l'appétit; les pâtres ou batiers disent que les bêtes restent plates. Il est facile, ajoute M. Baillet, de reconnaître que toutes éprouvent un malaise particulier et qu'elles luttent contre les premières atteintes du mal.
« Dans les herbages de l'Auvergne où l'on engraisse des vaches, on est dans l'habitude de placer, comme on le fait, d'ailleurs, dans beaucoup d'autres contrées, un ou plusieurs taureaux dans le troupeau, afin que ces animaux satisfassent les bêtes qui deviennent en chaleur et les empêchent ainsi de se tourmenter et de maigrir. Dans un troupeau qui est menacé du mal de montagnes (Charbon badéridien), les taureaux ne sont pas exempts du malaise qu'éprouvent les femelles de leur espèce. Ils sont alors moins ardents et moins aptes à remplir le but pour lequel on les conserve. » Lorsque les vaches ne parviennent pas à se rétablir, « on les voit rester à l'écart, ou ne suivre qu'avec lenteur le troupeau qui se déplace. Elles demeurent tristes, sans vigueur, mangent à peine ou ne mangent pas du tout et continuent à maigrir. En général, les batiers isolent dans des parcs à part les bêtes qui présentent ces caractères. Le plus souvent, elles succombent dans les parcs où on les a confinées. Plus rarement, elles tombent au milieu du pâturage, soit que les premiers signes du mal aient échappé à l'attention des batiers, soit encore que la maladie ait •été trop rapide et la mort presque foudroyante. » (Baillet.)
Diagnostic. — Pour établir le diagnostic avec une complète certitude, il faut avoir recours à l'examen microscopique du sang. Au moyen d'un grossissement de 400 à500 diamètres, on constate dans le sang, soit pendant les derniers moments de la vie, soit immédiatement après la mort, de très nombreuses bactéridies charbonneuses, qui se présentent sous forme de petits filaments droits ou coudés, immobiles, cylindriques, à deux ou trois, rarement quatre segments, d'une longueur de 5 à 20 (u. Un coup d'œil jeté sur la figure 20 (1), donnera une bonne idée de'la disposition des bactéridies et des ilots que forment les globules sanguins agglutinés. On les distinguera des cristaux par leur résistance à l'action de la potasse, et des vibrions par-leur immobilité. — Il est à remarquer en outre que les globules ont de la tendance à s'agglutiner, de manière à former des espèces d'îlots entre lesquels •on aperçoit le microbe caractéristique de la Fièvre charbonneuse; parfois les globules présentent un aspect étoilé, mais ceci n'est point particulier à la maladie qui nous occupe et ne saurait en être considéré comme un caractère distinctif. Pour rendre les
(1) H. Bouley, La nouvelle vaccination, Paris, 1882.
bacilles charbonneux plus apparents, on colore le sang qui les contient. A cet effet, on en étale une gouttelette sur une lamelle que l'on sèche rapidement et que l'on dépose, la face enduite en dessous dans un [bain colorant (solution hydro-alcoolique de violet de gentiane, de fuchsine, de rubine, de bleu de méthyle); on l'y
Fig. 20. — Bactéridies charbonneuses et globules-sangLiiDs en îiots.
laisse pendant quelques minutes - 5, 10, 15 —suivant le degré de concentration de la liqueur colorante; puis on la lave, on la sèche et on la monte dans le baume du Canada (1).
L'inoculation du sang au lapin est également un moyen de diagnostic auquel le praticien doit avoir recours afin d'être éclairé •sur la nature de la maladie qu'il observe. A cet effet, on pratique une ou deux piqûres à la face interne de l'oreille ou de la cuisse, avec une lancette ou la pointe d'un bistouri droit, chargée de sang suspect. Si l'on a affaire au Charbon bactéridien et que le sang soit frais, l'-animal inoculé meurt en vingt-quatre ou trente-six
(1) Voyez Précis de microbie médicale et vétérinaire, par Thoinot et Masselin, 1889, p. 147 et 191.
heures, parfois seulement au bout de quarante-huit à soixante heures. On peut aussi pratiquer l'inoculation révélatrice sur le cobaye.
Si le sang a été recueilli depuis un ou deux jours et que la température atmosphérique soit élevée, il peut arriver que l'animal meure de septicémie, et l'affection charbonneuse peut alors être méconnue. Il faut donc, dans la pratique, inoculer le sang d'un animal suspect de charbon, le plus tôt possible après sa mort.
Lésions. — Peu de temps après la mort, le ventre se ballonne, des matières excrémentitielles, quelquefois teintées de sang, s'échappent par l'anus; un liquide spumeux, souvent roussâtre, salit le pourtour des naseaux. En dépouillant le cadavre, on constate, çà et là, principalement à la partie inférieure de l'encolure, autour de la gorge, des infiltrations de sérosité jaunâtre, dans laquelle le microscope montre de longues bactéridies articulées. Si, comme c'est l'usage dans certaines contrées, en Auvergne notammentT on a appliqué un trochisque au fanon, par exemple, on trouve dans cette région un épanchement de sang noir, qui se prolonge parfois entre la paroi thoracique et la face interne du membre. En ce point, les muscles sont noirâtres et de consistance molle; ailleurs, ils sont rouges et fermes.
Les ganglions lymphatiques de la région de l'auge, de la gorgeT de l'entrée de la poitrine (ganglions sous-glossiens, pharyngiens, pré-scapulaires, pré-pectoraux, brachiaux) sont tuméfiés et présentent à leur surface et dans leur intérieur des taches rougeâtres. — Ces lésions, qui sont identiques à celles que l'on constate sur des animaux inoculés pour des recherches expérimentales, démontrent que la contagion du Charbon s'effectue principalement par les voies digestives. Nous reviendrons plus loin sur ce point important.
L'appareil digestif, notamment le rumen, est distendu par des gaz exhalant une odeur fétide. La caillette contient une certaine quantité de liquide très manifeslement coloré par du sang. Des hémorragies se font remarquer dans l'intestin grêle et le gros intestin, qui présentent, çà et là, des espèces de vergetures noirâtres. A la surface de ces viscères, des arborisations se dessinent d'une manière très évidente.
La rate est généralement plus volumineuse que dans l'état normal; sa couleur est rouge brun, son tissu est mou, flasque, comme boursouflé, et l'examen microscopique montre une multitude innombrable de bactéridies. Les lésions de la rate ont été quelquefois constatées chez le fœtus. Ainsi Delafond rapporte qlle « dans trois fœtus sur dix » dont il a fait l'autopsie, « la rate était
grosse, mollasse, et pénétrée d'une bouillie noirâtre, semblable à celle de la mère ».
Le foie présente son volume normal ou à peu près; en l'incisant, il s'en écoule du sang noir, poisseux.
Les reins sont d'un rouge foncé et présentent parfois à leur surface des marbrures brunâtres. La vessie contient une urine roussâtre ou de couleur briquetée.
Les ganglions mésentériques sont gonflés, rougeâtres, et leur tissu est parsemé de taches brunâtres, qui ne sont autre chose que des foyers hémorragiques.
Les vaisseaux du mésentère et, plus généralement, tout le système veineux contiennent du sang noir, épais, à demi coagulé. Il en est de même des cavités droites du cœur. Parfois on rencontre, sur la face extérieure de cet organe des taches ecchymotiques, que l'on trouve également à la surface de la plèvre. Le poumon n'offre pas d'altérations manifestes, si ce n'est que le sarig' qui ruisselle sur la coupe de ce viscère quand on l'incise, présente une couleur plus foncée que dans l'état normal et contient des bactéridies.
Culture et isolement de la bactéridie charbonneuse. — Les premières tentatives de culture du microbe qui engendre la fièvre bactéridienne remontent à l'année 1860 ; elles sont dues à un ancien professeur et directeur de l'École d'Alfort, Delafond, qui les fit connaître à la Société centrale de médecine vétérinaire, à l'occasion d'une discussion sur une « maladie régnante », qui n'était autre que la fièvre charbonneuse. Delafond avait observé que les baguettes ou bâtonnets de sang charbonneux, comme on les appelait alors, augmentaient de longueur quand on les exposait à une température de 15°. Ainsi après « huit et dix jours, leur longueur avait quadruplé et quintuplé, et quelques filaments montraient une bifurcation évidente ». Déplus, ce savant observateur considérait les baguettes charbonneuses comme étant de nature végétale ; dès lors, il a cherché à leur faire donner « des spores ou graines » ; « mais, ajoute-t-il, malgré les expériences auxquelles je me suis livré, je n'ai pu encore atteindre ce résultat important » (1). A l'époque où Delafond écrivait ces lignes, on ne connaissait pas encore les belles recherches de M. Pasteur sur les fermentations, car c'est en 1861 que cet illustre savant a publié son mémoire sur le ferment butyrique, mémoire qui a été le point de départ des recherches de Davaine sur la bactéridie charbonneuse. — Deux ans après, en 1863, M. Pasteur démontra que, dans l'état de santé, le corps des animaux est fermé à toute introduction de
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1860, p. 736.
germes extérieurs ; qu'en conséquence, la putréfaction ne peut exister si des organismes microscopiques ne viennent pas du dehors dans le sang ou dans les humeurs. Par l'emploi de méthodes très délicates, cet habile et savant chimiste était parvenu « à extraire de l'intérieur du corps, à l'abri des poussières atmosphériques et de leurs germes, du sang et de l'urine, et ces liquides s'étaient conservés sans manifester la moindre putréfaction; au contact de l'air pur ». Plus tard, M. Pasteur, en étudiant la maladie des vers à soie dite flacherie, reconnut qu'elle est produite par la fermentation anormale de la feuille de mûrier dans le canal intestinal du précieux insecte, fermentation déterminée par des vibrions qui se reproduisent par scissiparité et aussi au moyen de corpuscules réfringents ou petits grains de 1 à " 2 millièmes de millimètre de diamètre. M. Pasteur a montré « que ces corpuscules peuvent subir une dessiccation prolongée sans périr, et que la poussière infectieuse qui en résulte, répandue artificiellement sur la feuille de mûrier, peut aller faire fermenter celle-ci dans le canal intestinal et provoquer la maladie et la mort de l'insecte » (1).
Ceci étant rappelé, nous arrivons aux recherches faites en Allemagne par le Dr Koch, et qui ont été publiées en 1876. — De même que M. Pasteur l'avait établi pour le ferment butyrique, Koch a constaté que la bactéridie charbonneuse, qu'il appelle, à l'exemple de ses compatriotes, Bacillus anthracis, peut se reproduire suivant deux modes : par scissiparité et par des spores. Pendant la vie de l'animal, le Bacillus anthracis se multiplie très rapidement dans le sang, les humeurs et les tissus par le premier mode de reproduction. Ainsi « le bacille s'allonge, atteint le double de sa longueur, s'étrangle en son milieu; ses deux moitiés ne. tardent pas à se séparer et à donner naissance à deux nouveaux bacilles », et ainsi de suite jusqu'à ce que les animaux succombent. Il n'en est plus de même chez l'animal mort, ou bien lorsqu'on mélange une goutte de sang charbonneux avec du sérum ou de l'humeur aqueuse en dehors de l'économie. Si l'on maintient ce. mélange à une température de 35 à 37 degrés, au contact de /'aM' humide, « on voit les bacilles s'allonger considérablement, atteindre une longueur dix, vingt, cent fois plus grande, se contourner et former en s'entremêlant un lacis inextricable. Ils perdent leur structure uniforme et leur transparence; leur contenu est finement granulé; bientôt apparaissent dans leur intérieur des granulations réfringentes, très rapprochées, mais régulièrement espacées. Les bacilles ainsi transformés ressemblent à des cha-
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1877, p. 455.
pelets de perles entrelacés. Ces longs filaments finissent par se dissocier ; à leur place on ne voit plus que des granulations alignées et maintenues en connexion par une substance unissante muqueuse ; les granulations se séparent enfin à leur tour et constituent de véritables spores, identiques à celle des autres bactéries et observées par F. Cohn. »
Koch a constaté, en outre, qu'une température de 35° détermine le développement rapide des bacilles ; au bout de vingt heures, ceux-ci présentent déjà des spores. A 18°, les spores n'apparaissent que le deuxième ou le troisième jour. Au-dessous de 12°, les bacilles ne se développent plus, il en est de même au-dessus. de 45". — Cet observateur a constaté légalement que les spores du Bacillus anthracis, mises dans du sérum ou de l'humeur aqueuse, germent et reproduisent des bacilles. — En outre l'inoculation d'un liquide ne contenant que des spores produit le Charbon bactéridien, et, à l'autopsie des animaux d'expérience, on trouve dans le sang, dans la rate, des quantités prodigieuses de bacilles.
Toussaint a cultivé très souvent du sang charbonneux dans de l'humeur aqueuse et, en se servant de la platine chauffante de Ranvier, il a pu observer commodément ses cultures ;au microscope et apprécier d'heure en heure les modifications qu'éprouvent les bactéridies charbonneuses. De la sorte, il a reconnu l'exactitude des observations de Koch et remarqué en outre « que les spores ne se développent que très difficilement dans des liquides ayant servi àles produire, c'est-à-dire que, lorsque des bactéridies ont donné des spores dans une préparation, ces dernières restent à l'état de spores dans ce liquide et ne se développent point, quoique les conditions de température et d'oxygénation soient encore suffisantes; elles peuvent être plusieurs jours sans passer à l'état de bactéridies, tandis que quelques heures suffisent pour provoquer leur développement, si on les place dans un nouveau liquide de culture » (1).
D'après ce qui précède, on voit donc qu'il existe deux modes pour la reproduction de la bactéridie charbonneuse, comme pour les vibrions agents actifs de la putréfaction, découverts par M. Pasteur.
Propriétés de la bactéridie charbonneuse. — Vitalité. La bactéridie charbonneuse est fonction du Charbon bactéridien ou Fièvre charbonneuse. Cette donnée fondamentale a été démontrée par les belles expériences de M. Pasteur. Si, dans la solution minérale et artificielle employée autrefois par cet habile chimiste pour
(1) Toussaint, Recherches expérimentales sur la maladie charbonneuse,. Thèse pour le doctorat en médecine. Paris, librairie Asselin et Cie.
la culture des ferments, solution composée de cendres de levure, de tartrate d'ammoniaque et de sucre, on sème « dans des conditions de pureté irréprochable, une infiniment petite quantité de sang charbonneux » et que l'on prenne dans ce premier milieu, « une goutte pour semence nouvelle dans l'urine » ; que de celle-ci on passe à une urine nouvelle et ainsi de suite pendant des mois entiers et qu'enfin on inoculeles bactéridies des dernières cultures, -on constate que ces bactéridies exercent leurs ravages « avec toute l'efficacité du sang charbonneux lui-même. On ne saurait donc douter, ajoute M. Pasteur, que la virulence du sang charbonneux n'appartienne en aucune manière ni aux globules rouges ni aux globules blancs, puisque nos cultures, par leurs répétitions successives, indéfinies, ont dû éteindre absolument dans les dernières cultures la présence des globules rouges et blancs déposés en quantités si faibles dans la première culture. »
Par la filtration sur le plâtre, combinée avec l'aspiration au moyen du vide, M. Pasteur a démontré également que la virulence de la fièvre charbonneuse est due au bacille de Davaine.
La bactéridie charbonneuse est un être aérobie, suivant l'expression employée par M. Pasteur, c'est-à-dire qu'elle ne se développe •et se multiplie qu'autant que le milieu dans lequel elle se trouve renferme de l'oxygène à l'état libre. Dans le vide ou en présence de gaz inertes, azote, hydrogène, acide carbonique, la bactéridie ne se développe pas. « Si la bactéridie réussit à pénétrer dans le sang et à s'y multiplier, très promptement elle provoque l'asphyxie en enlevant aux globules l'oxygène nécessaire à l'hématose. De là cette couleur noire du sang et des viscères au moment de la mort, qui est un des caractères de la maladie charbonneuse (1). »
Sous le rapport de la vitalité ou du degré de résistance à l'action des agents physico-chimiques ou chimiques, il y a de très grandes différences entre la bactéridie à l'état de filament et ses spores ou ses germes. Ainsi, l'acide phénique, l'iode, les acides dilués, l'alcool concentré empêchent le développement des bactéridies et peuvent même les détruire tandis que les spores résistent à l'action de ces agents. De même, l'oxygène comprimé à 10 ou 12 atmosphères tue les bactéridies, mais non leurs germes qui peuvent être maintenus pendant 21 jours dans l'oxygène comprimé à 10 atmosphères, sans périr, comme M. Pasteur l'a démontré.
Une température de 55° tue les bactéridies à l'état filamenteux ; par contre, les corpuscules-germes ou spores « résistent souvent à la température de 100° ». M. Pasteur a même reconnu « que les germes des bactéries des eaux communes supportent à l'état sec
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1877, p. 758.
des températures de 120 et 130° centigrades; aussi est-ce sous la forme de ces corpuscules que les diverses espèces de bactéries et ,de vibrions se trouvent disséminées dans les poussières à la surface de tous les objets de la nature, toujours prêtes pour la reproduction ».
On a vu ci-dessus que la bactéridie charbonneuse, pour vivre -et se reproduire, a besoin d'oxygène libre, de manière que lorsqu'elle pénètre dans le sang d'un animal vivant, une sorte de lutte s'établit entre elle et les globules sanguins, qui sont des êtres aérobies par excellence. Dès lors, le développement de la bactéridie se fait beaucoup moins facilement dans l'économie qu'en dehors, dans un liquide de culture, par exemple, où l'oxygène a un libre accès.
De même encore, « si au moment de déposer dans l'urine les bactéridies à titre de semence, on sème, en outre, un organisme :aérobie, par exemple une des bactéries communes, la bactéridie charbonneuse ne se développe pas ou très peu, et elle périt entièrement après un temps plus ou moins long » (Pasteur). Ce !même phénomène se produit encore dans le corps des animaux -qui sont le plus aptes à contracter le charbon.
Action de la chaleur sur la baetéridie charbonneuse. — H. Toussaint a démontré le premier, en 1880, qu'en chauffant du sang charbonneux, défibriné, à 55°, pendant 10 minutes, on transforme ce liquide en un vaccin dont l'inoculation confère l'immunité charbonneuse.
M. Pasteur a établi ensuite que, par la culture à la température de 42°-43°, la bactéridie la plus virulente peut être transformée, au bout de quelque temps, en passant d'ailleurs par aine foule d'états intermédiaires, en une bactéridie aussi inoffensive que les nombreux organismes microscopiques qui remplissent nos aliments, notre canal intestinal. La méthode de préparation de ces virus atténués est d'une merveilleuse simplicité, puisqu'il a suffi de cultiver la bactéridie très virulente dans du bouillon de poule à 42°-43° et d'abandonner la culture après son achèvement au contact de l'air à cette même température. » Or M. Pasteur a démontré, contrairement aux observations de Koch, 'que, dans ces conditions, la bactéridie ne formant pas de spores, « la virulence d'origine ne peut se fixer dans un germe (1). » Dès lors, ajoute cet éminent observateur, la bactéridie s'atténue de jour en jour, d'heure en heure, et finit par devenir si peu virulente qu'on est contraint, pour manifester en elle un reste d'action, de ,recourir à des cobayes d'un jour. Et c'est ainsi que M. Pasteur a
(1) Revue vétél'inail'e, 1881.
pu transformer le virus charbonneux en son propre vaccin! G'esJ ainsi encore qu'il a pu constater qu'entre la bactéridie la plus virulente et celle qui est inoffensive, il existe des bactéridies intermédiaires à virulence progressivement atténuée, et susceptibles de se reproduire chacune par des germes propres recélant en eux le degré de virulence correspondant à la bactéridie qui les a engendrés. — Grâce à la merveilleuse méthode de M. Pasteur, « nous avons à notre disposition, non seulement des bactéridies filamenteuses pouvant servir de virus-vaccin dans l'affection charbonneuse, mais des virus-vaccins fixés dans leurs germes avectoutes leurs qualités propres, transportables, sans altération possible, sous tous les climats, à toutes les latitudes, prèts enfin à porter jusqu'au bout du monde leurs vertus préservatrices ». Telle. est l'admirable découverte dont un savant français a doté la prophylaxie des maladies virulentes, — découverte destinée, dirons-nous avec H. Bouley, à être plus féconde encore que celle de Jenner, parce qu'elle procède d'une idée plus compréhensive, qui doit servir de base à une méthode générale dont l'application aura pour conséquence, lorsque l'œuvre qui commence sera achevée, de mettre les populations humaines et les populations animales à l'abri de la plupart des contagions, en les vaccinant contre ces contagions au moyen du virus propre à chacune, mais de ce virus destitué, par un artifice de génie, de son activité malfaisante (1).
Contagion. — La contagion est la cause déterminante du Charbon. Elle a été démontré d'une manière précise par la Commission médicale et vétérinaire d'Eure-et-Loir, dont les expériences\- communiquées à l'Académie de médecine dans la séance du 4 mai 1852, établissent que le sang de rate du mouton, la fièvre charbonneuse du cheval, la maladie du sang de la vache, la pustule maligne de l'homme, sont des affections de même nature qui se. communiquent par inoculation. Toutefoisl'identité decesdiverses maladies n'a été établie qu'après les recherches de M. Pasteurdémontrant que la bactéridie est la cause de la fièvre charbonneuse.
Matières virulentes. — Le sang, la sérosité de l'œdème charbonneux, la lymphe, la pulpe ganglionaire, la rate, le poumon, les muscles contiennent des bactéridies et, par conséquent, sont doués de la virulence charbonneuse. — Davaine a démontré quel'activité virulente du sang charbonneux est telle qu'une gouttede sang charbonneux ayant été diluée dans de l'eau, les inocu-
(1) H. Bouley, Discours prononcé à la réunion des cinq Académies de t'Ins-titut de France, le 24 octobre 1881.
lations faites à des cobayes avec un dixième, un vingtième, un centième, un millième, un dix-millième, un millionième de goutte ont déterminé la mort des sujets inoculés dans un délai qui a varié de 23 à 43 heures. Ces expériences donnent la démonstration de l'énergie de l'activité virulente des liquides charbonneux et doivent mettre en garde contre les dangers de leur inoculation.
Durée de la période de virulence. — Les recherches de Koch ont démontré que des fragments de rate desséchés au contact de l'air ont conservé leur virulence pendant quatre ans. M. Pasteur a également prouvé que la terre des fosses dans lesquelles des cadavres charbonneux avaient été enfouis était susceptible de communiquer le Charbon, et cela au bout de douze années. On a vu ci-dessus que le degré de résistance de la bactéridie charbonneuse varie suivant que ce microbe est à l'état de filaments ou de spores, et j'ajoute que la durée de la période de virulence sera plus ou moins longue selon que la dessiccation des liquides ou des tissus provenant de cadavres charbonneux sera lente ou rapide. —Ces liquides sont-ils en couche m-ince, ils se dessèchent rapidement, et les bactéridies ne se transforment point en spores; elles deviennent granuleuses et perdent leur virulence; au contraire, la dessiccation est-elle lente, comme cela arrive quand les débris cadavériques charbonneux sont découpés en morceaux un peu épais, et la température est-elle favorable, 25°, 30° et surtout 35°, les filaments bactéridiens donnent rapidement naissance à des spores, et la virulence des débris charbonneux est ainsi assurée pour de longues années.
La putréfaction détruit la virulence charbonneuse, du moins quand les bactéridies ne se sont point transformées en spores; car celles-ci résistent à la fermentation putride, et l'observation a appris que les dangers résultant des manipulations auxquelles se livrent les équarisseurs qui dépouillent les cadavres d'animaux charbonneux sont moins prononcés (et même nuls), quand ces cadavres sont dans un état de décomposition avancée que quand ils sont encore chauds. MM. Pasteur et Joubert ont donné la véritable explication de ce phénomène. « Dès que la bactéridie, sous son état filiforme, est privée du contact de l'air, qu'elle est plongée, par exemple, dans le vide ou dans le gaz acide carbonique, elle tend à se résorber en granulations très ténues, mortes et inoffensives. La putréfaction la place précisément dans ces conditions de désagrégation de ses tissus. »
Modes de contagion. — Le Charbon est transmissible par inoculation directe et par l'intermédiaire des aliments et de l'air. — Les voies digestives paraissent remplir le principal rôle dans la transmission du Charbon. Ainsi de nombreuses observations éta-
blissent que les animaux qui paissent sur certains pâturages contractent le Charbon. A cet égard, je citerai les observations faites en 1869, par M. Baillet, dans les pâturages des montagnes de l'Auvergne, et qui l'ont porté à penser « que pendant les derniers instants de la vie, les animaux malades répandent ces bactéries avec leurs déjections et les disséminent dans les pâturages. Et il est certain que le même effet est produit par les cadavres. Cela étant, il n'est pas impossible que ces êtres inférieurs, ainsi versés dans le monde extérieur, aient la propriété de se conserver d'une année à l'autre dans certains herbages, qu'ils puissent même s'y multiplier dans des conditions particulières, et pénétrer ensuite - dans l'économie des ruminants par les voies digestives ou de toute autre manière (1). » Les recherches expérimentales faites dans ces dernières années confirment de tous points la justesse de ces vues.
Ce n'est pas seulement la dépaissance dans les montagnes dangereuses qui détermine le Charbon, mais aussi la consommation àl'étable de l'herbe de ces montagnes transformée en foin, comme le prouvent notamment plusieurs faits consignés dans le rapport de M. Baillet au ministre de l'agriculture et du commerce.
L'infection des pâturages réputés dangereux procède surtout de la manière défectueuse et insuffisante suivant laquelle on pratique l'enfouissement des cadavres.— Ainsi M. Baillet fait remarquer, dans le rapport préci té, que, dans les montagnes de l'Auvergne, le cadavre est enfoui après enlèvement préalable de la peau, au point même où la bête est tombée, ou tout au moins dans le voisinage. Les fosses ne sont pas assez profondes, et c'est tout au plus si, après l'enfouissement, il existe au-dessus du cadavre de 50 à 80 centimètres de terre ; de plus, les fosses sont disséminées sur tous les points du pâturage. — Or, les recherches de M. Pasteur sur la vitalité des germes charbonneux et leur conservation dans les fosses d'enfouissement, nous montrent combien de semblables pratiques sont dangereuses et comment elles peuvent perpétuer la maladie. Elles prouvent également que les spores charbonneuses sont amenées à la surface du sol par les vers de terre, qui deviennent ainsi « les messagers des germes ». — De plus, on ne peut nier aujourd'hui que la contagion du Charbon puisse s'effectuer expérimentalement par des aliments arrosés avec du sang charbonneux ou des liquides de culture : les expériences de M. Pasteur et les recherches de Toussaint sur l'anatomie pathologique du Charbon, ont levé tous les doutes. On sait en outre que l'on peut faire développer, en quelque sorte à volonté, la maladie charbonneuse chez des animaux en expérience, en
(1) Rapport au ministre de l'agriculture el du commerce, 1869.
mêlant aux fourrages des plantes garnies d'épines qui déterminent des blessures, par lesquelles les germes pénètrent dans l'économie; le même effet peut être obtenu en pratiquant de petites scarifications sur la muqueuse buccale. D'ailleurs Renault a démontré, dès 1851, que les moutons et les chèvres peuvent contracter le Charbon par ingestion gastrique.
Nous avons observé, en 1890, la Fièvre charbonneuse sur des bêtes bovines d'un grand domaine de Mazamet (Tarn). Ces bêtes étaient placées, pendant une partie de l'année, dans des pâturages irrigués avec les eaux de lavage des laines; celles-ci provenaient de peaux de moutons de Buenos-Ayres, — peaux qui sont quelquefois charbonneuses, — suivant les renseignements qui nous ont été donnés par le propriétaire du domaine précité.
D'après ce que nous savons sur la vitalité des spores, on conçoit qu'elles peuvent résister à l'action de l'eau et être dispersées par les inondations, et qu'ainsi la Fièvre charbonneuse apparaisse tout à coup sur des animaux placés dans ces prairies.
La transmission du Charbon peut encore avoir lieu par contagion volatile, c'est-à-dire que les bactéridies ou leurs germes peuvent être entraînés par les émanations gazeuses qui se dégagent des fosses d'enfouissement et flotter ainsi dans l'atmosphère. Toutefois, ce mode de contagion, qui a été mis en évidence par M. Pasteur à la ferme de Rozières, dans les environs de Senlis, ne paraît pas contribuer d'une manière aussi prononcée que le précédent à la transmission du Charbon.; en d'autres termes, l'infection bactéridienne est possible parles voies respiratoires, mais dans les conditions ordinaires de la contagion naturelle, elle est peut-être plus fréquente par les voies digestives. Un temps chaud et orageux favorise la marche de la contagion en facilitant le développement du bacille générateur.
On a fait intervenir dans la contagion du Charbon, les piqûres de mouches, en s'appuyant sur les expériences de Raimbert et Davaine, mais ces expériences n'autorisent pas une semblable affirmation. Tout ce que l'on peut dire à ce sujet, c'est que si les mouches peuvent être quelquefois des agents de la contagion, c'est en se posant sur des plaies vives, alors que leur suçoir ou leurs pattes se trouvent imprégnés de sang charbonneux. Remarquons cependant qu'il est des mouches piquantes — dites mouches charbonneuses — comme les stomoxes, qui peuvent communiquer la Fièvre charbonneuse par leurs piqûres, attendu qu'elles se posent sur les cadavres et que leur rostre peut être chargé ainsi de sang charbonneux. Néanmoins il n'est pas « bien prouvé que les stomoxes puissent prendre leur nourriture sur les cadavres. Ce n'est donc guère qu'après avoir piqué un animal malade du
Charbon, que les mouches dont il s'agit seraient susceptibles de transmettre la maladie (1). » (A. Railliet.)
On conçoit enfin que les animaux qui se trouvent dans l'étable où la fièvre charbonneuse s'est déclarée, sont exposés à contracter cette maladie en mangeant la litière ou les fourrages souillés par les déjections ou par le sang des animaux qui ont succombé.
Contagion à l'homme. — On a cité de nombreux cas de transmission du Charbon à l'homme, particulièrement chez les bouchers et les équarisseurs qui dépouillent et dépècent les cadavres de bœufs ou de vaches affectés de Charbon.
Les piqûres de mouches peuvent ici jouer un certain rôle. Elles déterminent, comme on sait, une douleur vive et prurigineuse; dès lors, elles peuvent donner lieu à une petite plaie qui constitue une voie ouverte à la contagion, chez les personnes qui manipulent les débris cadavériques, charbonneux ou bien les peaux, comme les tanneurs, les mégissiers.
L'accident initial est constitué alors par la pustule maligne. La Fièvre charbonneuse peut se transmettre par l'ingestion de viandes charbonneuses (Charbon intestinal); elle peut se communiquer encore par la pénétration dans les voies respiratoires, de poussières chargées de spores charbonneuses (Charbon pulmonaire), notamment chez les chiffonniers, les trieurs de laine.
Immunité. — Les expériences de M. Pasteur démontrent que les animaux de l'espèce bovine qui ont ressenti une première fois les effets de la bactéridie charbonneuse résistent ensuite à une nouvelle atteinte de cette maladie. Ainsi, M. Pasteur a démontré qu'une première inoculation charbonneuse confère l'immunité aux animaux qui en ont été l'objet. L'expérience a été faite chez le mouton, chez la vache et chez le cheval, et elle démontre péremptoirement que l'affection charbonneuse'ne récidive pas. Sur six vaches qui avaient été inoculées du Charbon, quatre ayant résisté à la maladie furent réinoculées, soit avec « du sang charbonneux rempli de bactéridies, pris sur un cochon d'Inde qui venait de.mourir », soit « avec un liquide de culture de bactéridies provenant d'une vache charbonneuse ». Ces inoculations ne produisirent d'autre effet qu'une très légère infiltration œdémateuse, sans élévation de température, ni trouble général quelconque. Dès lors, on conçut l'espoir de conférer aux animaux de l'espèce bovine l'immunité charbonneuse en les soumettant à la vaccination préventive, c'est-à-dire en leur inoculant un virus charbonneux atténué. Cette prévision a été justifiée par la pratique : un
(1) Nouveau Dictionnaire de méd. chir. et hyg. vàt., t. XIII. Paris, 1885, p. 393.
grand nombre de bêtes bovines ont été vaccinées dès 1882, et la mortalité par le Charbon, qui était assez forte avant cette opération, a été réduite à des proportions insignifiantes, comme on le verra ci-après.
Pronostic. — La Fièvre charbonneuse constitue l'une des maladies les plus graves de l'espèce bovine, en raison de son incurabilité, de la mortalité qu'elle entraîne et de la ténacité des germes qui la déterminent. Ces germes peuvent, en effet, se conserver pendant de longues années dans des pâturages, dans des champs qualifiés de maudits, attendu que les animaux y contractent fréquemment le Charbon. — Ajoutons enfin que le Charbon bactéridien est susceptible de se transmettre à l'homme.
Il est à remarquer toutefois que l'on peut aujourd'hui, par la vaccination pastorienne, conjurer ce fléau, qui sévissait chaque année dans certaines parties de la France, notamment dans les départements du Cantal et du Loiret. Ainsi la mortalité, qui n'était pas « de beaucoup inférieure à 5 p. 100 » dans les montagnes de l'Auvergne (Duclaux), et à 8. p. 100 dans le Loiret (Daviau), a été réduite à 0 dans le Cantal et à 1 p. 100 dans le Loiret, après la vaccination. — Dans le premier de ces départements, la vaccination a porté sur près de 3 000 animaux de l'espèce bovine et dans le second sur 800. — Nous avons également constaté les bons effets de cette opération dans le département du Tarn, ,en 1890.
Vaccination pastorienne. — Cette vaccination comporte deux inoculations : la première est faite avec un liquide contenant une bactéridie très atténuée par le chauffage à 42°-43°, comme il est dit ci-dessus. Ce liquide constitue le premier vaccin et il ne donne aux animaux qu'une fièvre très légère, qui passe généralement inaperçue. — La seconde inoculation est faite douze à quinze jours plus tard avec un liquide contenant une bactéridie plus virulente (deuxième vaccin) qui tuerait un certain nombre d'animaux s'ils n'étaient pas déjà en partie préservés par l'inoculation précédente. Mais, par suite de cette préservation partielle, les .animaux n'éprouvent encore qu'une légère fièvre. Alors ils sont ,tout à fait vaccinés, c'est-à-dire qu'ils sont devenus réfractaires au charbon bactéridien.
Pour se procurer du liquide vaccinal, il faut s'adresser à l'Institut Pasteur, service des vaccins, 25, rue Dutot, à Paris, en ayant le soin d'indiquer le nombre d'animaux (bœufs, vaches, chevaux, moutons ou chèvres) que l'on se propose de vacciner. Ce liquide •est envoyé à destination ou à la gare la plus rapprochée, dans des tubes fermés par un bouchon.
Manuel opératoire. — On effectue la vaccination charbonneuse
au moyen d'une seringue de Pravaz, d'une capacité d'environ 1 centimètre cube et demi. La tige du piston présente huit divisions équidistantes correspondant chacune à une capacité d'environ 18 centièmes de centimètre cube. — Sur cette tige se trouve un petit curseur que l'on peut très facilement faire mouvoir, de manière à limiter exactement le jeu du piston. — Cette seringue est Contenue dans une boîte qui renferme également trois aiguillescannelées de diverses dimensions.
Quand il s'agit de vacciner des bêtes bovines, on choisit toujours l'aiguille la plus forte, vu l'épaisseur du tégument cutané.. —• On l'ajuste solidement sur la seringue qui se trouve ainsi armée. — Cela fait, on remplit la seringue de liquide. A cet effet, on agite d'abord le tube à vaccin afin de mélanger le dépôt qui s'y trouve avec le liquide, puis on aspire ce dernier en soulevant doucement le piston. « Si la seringue fonctionne très bien, elle. se remplira complètement de liquide en laissant seulement une très petite bulle d'air sous le piston. Mais il arrive fréquemment que le piston est plus ou moins desséché, ou que l'aiguille ne s'ajuste pas très bien sur la canule ; alors le liquide ne remplit pas. complètement la seringue, et une bulle d'air assez grosse reste. sous le piston. Il faut rajuster l'aiguille sur la canule et rejeter le. liquide dans le tube. On recommence la même manœuvre deux ou trois fois, alors le piston est mouillé, et si l'aiguille est bien, adaptée sur la canule, la seringue se remplit complètement. Cettepremière condition est indispensable (1). »
La seringue étant complètement remplie, on tourne le petit curseur, qui est en haut de la tige du piston, de façon à le faire descendre jusqu'à la division marquée 1 sur la tige du piston, s'il s'agit de vacciner des moutons ou des chèvres, et seulement jus-qu'à la division marquée 2 quand on veut vacciner les grands. ruminants; ce qui revient à dire que pour les bœufs et les vaches, la dose de vaccin est deux fois plus forte que celle qui est suffisante pour le mouton.
Tout étant ainsi disposé et l'animal étant maintenu debout, la tête attachée au râtelier ou à un poteau, l'opérateur, muni de la seringue, se place du côté gauche ; d'une main il saisit la peau. un peu en arrière de l'épaule, de manière à former un pli, dans
(1) Dans le cas où, par hasard, le piston serait très desséché et laisserait passer de l'air, on ferait bouillir de l'eau, on la laisserait refroidir dans le vaseoù elle a été bouillie jusqu'à ce qu'elle fût tiède, et on aspirerait deux ou trois seringues de cette eau pour faire gonfler le piston. Pour cette opération, il ne faut jamais se servir d'eau qui n'a pas été bouillie. Si le piston laissait passerle liquide au-dessus de lui, cela indiquerait qu'il est mauvais, et il faudrait changer de seringue.
lequel il enfonce l'aiguille tubulée jusqu'à ce qu'elle pénètre dans le tissu conjonctif sous-cutané.
Ce temps de l'opération ne laisse pas que d'être assez difficile à effectuer, surtout chez certains bœufs gascons à peau très épaisse et fort dure. Cependant avec un peu d'attention on parvient à le& surmonter. JI suffit en effet d'appuyer sur l'aiguille en la soutenant bien entre le pouce et l'index de la main droite, afin qu'elle ne se recourbe point, ce qui pourrait la briser. On ne doit pas non plus opérer à main levée, mais bien en appuyant sur le corps de l'animal la main droite, qui tient la seringue.
L'aiguille ayant pénétré sous la peau, l'opérateur pousse le piston jusqu'à ce que le curseur touche la seringue, et l'inoculation du premier animal est ainsi faite. On retire la seringue et on tourne le curseur en sens contraire de la première fois pour l'amener à la division marquée 4, et l'on opère comme ci-dessus. — Et ainsi de suite, chaque seringue servant à vacciner quatre animaux de l'espèce bovine ou huit moutons.
Remarque très importante. — Il importe extrêmement que le liquide vaccinal soit introduit sous la peau à l'état de pureté parfaite. Si, en effet, ce liquide était impur, c'est-à-dire s'il était souillé par de l'eau qui n'a pas été bouillie, par des poussières, des saletés quelconques, on introduirait, en même temps que la bactéridie atténuée, des organismes étrangers qui pourraient, ou bien donner une autre maladie à l'animal (septicémie,phlegm on, eté.), ou bien empêcher la vaccination. Pour cela, le liquide est envoyé tout à fait pur, et on l'aspire directement dans le tube, mais il faut aussi que la seringue soit pure. Cette condition est remplie pour les seringues neuves, qui n'ont jamais servi, mais quand elles ont été employées à une inoculation, il faut les remettre à neuf. Cette opération est assez délicate, et il est nécessaire de renvoyer la seringue au fabricant qui la répare, aiguise les aiguilles, remet tout à neuf, et la rend prête à servir pour de nouvelles inoculations. En un mot, il ne faut pas que la seringue serve à plusieurs jours d'intervalle sans avoir passé par les mains du fabricant.
Pour que le liquide vaccinal conserve aussi toute sa pureté, il faut le mettre au frais, autant que possible dans une cave, et il ne faut pas qu'un tube qui a été ouvert serve le lendemain ou • les jours suivants. Par conséquent, tout tube ouvert doit être employé dans la journée et le reste du tube doit être absolument rejeté.
Suites de la vaccination. — Elles sont généralement des plus simples et le plus souvent les bêtes bovines ne paraissent nullement se ressentir de l'opération dont elles ont été l'objet. Parfois
cependant, lorsque les bêtes se trouvent dans des herbages peu fertiles, comme M. Duclaux l'a observé, en 1882, dans certaines communes du Cantal, il se produit « des tumeurs quelquefois très volumineuses, partant de l'épaule au niveau de la piqûre vaccinale et gagnant le ventre et les jambes ». Et M. Duclaux ajoute : « Les vaches les plus atteintes ont perdu leur lait pendant quelques jours, les bœufs de travail ont dû, sur certains points, garder un peu l'étable. La panique a été grande un instant et elle était en partie justifiée, car c'était la première fois qu'apparaissaient dans la pratique, déjà longue, des vaccinations charbonneuses, des désordres de cette gravité. Peu à peu pourtant, les animaux se sont rétablis, le lait a reparu, les esprits se sont calmés, et, tout en regrettant que la vaccination s'accompagne dans certains cas de pareils phénomènes morbides, les intéressés ont compris qu'ayant à choisir enire la maladie du vaccin et celle du Charbon, endémique chez eux, ils avaient à préférer la première (1). »
Pour remédier à ces inconvénients passagers de la vaccination pastorienne, M. Duclaux conseille de vacciner dans le Cantal, « à la fin de l'hiver, un mois ou un mois et demi avant le part, lorsque le travail des champs n'est pas pressant et que les vaches ne sont pas en lactation ». On pourrait aussi se servir de vaccins plus atténués, attendu que les admirables procédés de M. Pasteur donnent à volonté les vaccins à tous les degrés d'atténuation.
D'ailleurs, aujourd'hui, l'Institut Pasteur livre un vaccin charbonneux dont la préparation ne laisse rien à désirer : les accidents sont nuls et la vaccination charbonneuse se propage de plus en plus.
Pour retirer de cette opération tous les avantages qu'elle présente, il faut la pratiquer une fois, chaque année, car l'immunité qu'elle confère ne dure généralement pas plus de douze à quinze mois. Dans les localités où le Charbon est endémique, il ne faut pas attendre que la fièvre charbonneuse se soit déclarée pour vacciner les bêtes bovines : il faut les inoculer à l'automne, à l'entrée de l'hiver ou bien au printemps. Par ce moyen, on préviendra le retour d'une enzootie ou d'une épizootie charbonneuse, sans avoir à craindre aucun accident. Car en opérant lorsque la maladie règne, on est exposé à inoculer des animaux chez lesquels la fièvre charbonneuse est sur le point d'apparaître et l'on pourrait attribuer à la vaccination, comme cela a été fait, ce qui est, en réalité, la conséquence de la contagion naturelle. C'est donc, en résumé, une opération de précaution qu'il faut surtout pratiquer.
(1) Recueil de méd. véL, 1882, p. 1804.
Vaccination par la méthode de M. Chauveau. — En cultivant « du virus charbonneux fort, bacilles du sang ou spores de •cultures normales » dans du bouillon stérilisé « qu'on place dans une étuve spéciale, où l'air est comprimé à 8 atmosphères et entretenu à la température + 3811, + 39° », on obtient un premier virus atténué, qui sert à faire « une deuxième génération, puis une troisième et une quatrième exactement dans les mêmes conditions que la première ». On obtient ainsi un virus dont « une •seule inoculation confère une solide immunité »; déplus, « malgré ,cette activité du virus, il est au moins aussi inoffensif que celui qui est préparé par les autres méthodes; les cultures gardent leurs propriétés plusieurs mois, sans qu'il soit nécessaire de prendre aucune précaution pour assurer leur conservation » (A. Chauveau). C'est ainsi que, dans des expériences faites à Santiago, avec du virus atténué, dont une partie avait été préparée depuis environ dix mois (1), ce virus s'est montré actif : il a conféré l'immunité à des animaux de l'espèce bovine qui ont résisté à des inoculations de contrôle faites avec du sang charbonneux virulent.
Cette inoculation se pratique à la base de l'oreille, au moyen d'une seringue de Pravaz avec laquelle on injecte de deux à quatre gouttes de liquide vaccinal, dans le lissu conjonctif sous-cutané. Une seule injection suffit pour que les animaux acquièrent l'immunité sans qu'il survienne d'œdème, ni aucun accident. « Plusieurs troupeaux de bœufs ou vaches, sous le coup d'une explosion du sang de rate, ont été inoculés en Suisse, par les soins du dirécteur et des professeurs de l'École de Berne, en application de la nouvelle législation sanitaire. Dans tous ces troupeaux, la maladie a cessé d'exercer ses ravages après l'inoculation (2). »
Police sanitaire. — Les mesures de police sanitaire applicables à la fièvre charbonneuse sont prescrites par l'arrêté du 28 juillet 1888, qui vise également le Charbon symptomatique. Pour ce motif et afin d'éviter des redites, nous exposons ces mesures à la fin du chapitre suivant.
(1) Voy. Journal demécl. vét. et de zootech., publié à l'École de Lyon, 1886, p. 70.
(2) Journal de méd. vét. et de zootech., ISSG, p. 395.
CHAPITRE VII
CIIARBON SYMPTOMATIQUE
Synonymie : Charbon bactérien, Charbon essentiel de Chabert, Charbon emphysémateux du bœuf.
Définition. — On appelle Charbon symptomatique unemaladie contagieuse, caractérisée habituellement par une tumeur crépitante qui siège sur la partie supérieure des membres, où elle acquiert en peu de temps un volume considérable. Cette affection s'accompagne d'une fièvre intense, sa marche est rapide et sa terminaison souvent mortelle. Elle est déterminée par un microbe, qui a été découvert en 1880 par MM. Arloing, Cornevin et Thomas, et qu'ils ont proposé d'appeler Bacterium Chauvœi, du nom de leur maître, M. Chauveau, qui leur a prêté « son bienveillant concours » pendant toute la durée. de leurs recherches. — D'autres auteurs désignent ce microbe sous le nom de bacille du Charbon symptomatique.
Fréquence. — Cette maladie sévit principalement sur les bêtes bovines dans toutes les parties du monde. Elle est assez fréquente en France et en Algérie. Nous l'avons observée en 1885, dans le département de la Haute-Garonne, non loin de Saint-Gaudens. Ellese montre tantôt isolément, tantôt en même temps que la fièvre charbonneuse avec laquelle on la confondait souvent sous le terme générique de Charbon, avant les recherches de MM. Arloing, Cornevin et Thomas.
Symptômes. — Le Charbon symptomatique se déclare ordinairement sur les jeunes bovidés de six mois à quatre ans. Parfois cependant, il se montre sur des animaux plus âgés. On l'observe assez souvent sur des sujets en bon état d'embonpoint.
« La maladie débute toujours soudainement, mais de deux manières différentes : tantôt son existence se révèle brusquement par l'apparition d'une tumeur (Charbon essentiel de Chabert), tantôt celle-ci est précédée de symptômes plus ou moins graves('Charbon symptomatique du même) : fièvre, raideur générale, arrêt de la digestion et de la rumination, tremblements partiels aux fesses et aux épaules, frissons, sécheresse du mufle, tristesse, inappétence, refroidissement des extrémités, accompagnés d'une boiterie dont la cause échappe tout d'abord, mais que l'on ne tardepas à pouvoir attribuer au développement d'une tumeur sur l'un ou sur l'autre membre. Il y a souvent une détente après son
apparition, les animaux cherchent à manger et même ruminent un peu, mais c'est un symptôme fallacieux qui a fréquemment égaré les jeunes praticiens et les propriétaires, en les portant les uns et les autres à croire à une guérison qui ne se produit pas.
» La tumeur peut siéger sur les parties les plus diverses du corps, être très apparente ou cachée et impossible à découvrir du vivant du malade. Habituellement elle se développe dans les parties les plus riches en masses musculaires. — Le plus souvent elle apparaît sur les rayons supérieurs des membres et dans les musdes avoisinants, autour de l'épaule ou du bras (mal d'épaule, avant-cœur, anti-cœur), de la croupe, de la cuisse (mal de cuisse), de la jambe (mal de jambe), des parties génitales (trousse-galant). Dans quelques cas, c'est sur la tête, l'encolure et le tronc qu'on la constate, par exemple sur les masséters, dans l'auge (estranguillon), à la gorge (esquinancie gangreneuse), le long de la gouttière de la jugulaire, aux pectoraux, sur les côtés de la poitrine, à la région lombaire ou enfin à la mamelle (1). »
Il est à remarquer que les tumeurs n'apparaissent point à la partie libre de la queue et à l'extrémité inférieure des membres, c'est-à-dire dans des régions où le tissu conjonctif est très dense et les muscles fort rares.
La tumeur du Charbon symptomatique se montre plus souvent sur la moitié droite du corps que du côté opposé (Hess). Elle progresse avec une grande rapidité et en huit ou dix heures elle a acquis un énorme développement. Cette tumeur est d'abord uniformément consistante et très douloureuse, mais elle ne tarde pas à devenir crépitante, sonore et insensible. Si on l'incise elle laisse écouler du sang noir, puis une sérosité bulleuse, ordinairement roussâtre, sanguinolente.
En même temps que la tumeur charbonneuse évolue, la fièvre se déclare, le pouls bat 90, 100 à 110 fois par minute; la respiration est plaintive, accélérée; il est des sujets qui présentent des coliques violentes ; la température s'élève à 39°, 5 ; 40°, 5 ; 41° ; et si l'on ponctionne la jugulaire, le sang qui s'en écoule présente les mêmes caractères physiques qu'à l'état normal. L'animal est indifférent à tout ce qui l'entoure; il devient de plus en plus faible, se couche et reste étendu sur le sol; la température s'abaisse et la mort survient généralement « de la trente-sixième à la cinquantecinquième heure après l'apparition des premiers symptômes».
Indépendamment de la forme grave du Charbon symptomatique exposée ci-dessus, il est une autre forme qui ne se traduit « que
(1) Le Charbon symptomatique du bœuf, par MM. Arloing, Cornevin et Thomas: 2e édit., Paris, Asselin et Houzeau, 1887, p. 52.
par des frissons, un peu de fièvre et de l'inappétence ». Sous cette forme, le Charbon symptomatique guérit spontanément : il peut donc facilement passer inaperçu.
Terminaisons. — Le Charbon symptomatique se termine ordinairement par la mort. Quand il en est autrement, la convalescence est généralement longue : la tumeur charbonneuse suppure et, peu à peu, l'œdème qui l'entourait se résorbe. Mais cela a lieu avec une grande lenteur. Parfois même « les sujets succombent à une pleurésie métastatique au bout d'un mois ou deux ».
Lésions. — Le cadavre se ballonne rapidement et par suite il s'écoule par les naseaux et par l'anus du sang spumeux.
En enlevant la peau, on voit que le tissu conjonctif sous-cutané est le siège d'un emphysème surtout au niveau de l'épaule et du dos ; les infiltrations gazeuses peuvent même s'étendre à la croupe, aux fesses, à la face interne des cuisses.
On remarque ensuite que « les masses musculaires présentent une ou plusieurs tumeurs caractéristiques. Les muscles qui constituent le centre de ces tumeurs ont une teinte noire très foncée, caractère justificatif du nom de Cha1'bon, donné par nos devanciers à la maladie que nous décrivons. Si l'on incise une tumeur, on s'assure que la coloration noire s'atténue du centre à la périphérie. Elle passe successivement de la couleur lie de vin foncé au rouge, au rose, au jaunâtre. Des stries noirâtres parcourent les portions les moins foncées. Il faut ajouter que la coloration des parties centrales se modifie au contact de l'air; tel muscle ou tel groupe musculaire qui offre la coloration noire sur la tranche au moment où l'on vient de le diviser, prend une teinte rutilante au bout de quelques instants. Cette modification est analogue au changement que subit la couleur du sang veineux en présence de l'atmosphère.
» Autour de la tumeur, surtout si elle siège dans une région riche en tissu conjonctif lâche, existe un œdème considérable. Près des muscles malades, cet épanchement a les caractères de l'œdème inflammatoire ; il est rouge et parsemé de grains ou de filaments jaunâtres, fibrineux. Plus loin, il offre les caractères de l'œdème passif; il est incolore ou légèrement citrin (1). »
La tumeur charbonneuse est généralement le siège d'infiltrations gazeuses, qui la pénètrent de toute part, la dissèquent pour ainsi dire et peuvent former parfois des espèces de poches du volume du poing. Sa présence est ordinairement facile à constater; elle peut cependant se trouver « sur des parties où d'habi-
(1) Le Charbon symptomatique du bœuf, par MM. Arloing, Cornevin et Thomas. 2e édit., p. 63.
tude on ne s'attend pas à la rencontrer, telles que le diaphragme les cornets ethmoïdaux. Dans les cas où rien ne décèle une tumeur à l'extérieur, on devra toujours à l'autopsie chercher avec le plus grand soin dansla profondeur des muscles thoraciques et pelviens, soulever l'épaule et examiner attentivement les muscles qu'elle cache, particulièrement l'extrémité du grand dentelé. On est à peu près sûr d'y trouver quelques infarctus, une coloration lie de vin ou noire d'un ou de plusieurs faisceaux de fibres musculaires, en un mot quelques lésions qui eussent pu passer facilement inaperçues si l'on n'eût pas été averti à l avance de diriger ses investigations de ce côté. » (Arloing, Cornevin et Thomas.) L'examen microscopique de la tumeur montre que les fibres musculaires ont éprouvé la dégénérescence graisseuse et la dégénérescence cireuse; la substance contractile présente des cassures autour desquelles les microbes caractéristiques du Charbon symptomatique sont très nombreux. On les rencontre aussi « autour des faisceaux et dans les espaces lymphatiques du tissu conjonctif intramusculaire ».
Dans la cavité abdominale, on trouve assez souvent une certaine quantité de sérosité jaunâtre ou roussâtre. Parfois l'épiploon est transformé en une nappe sanguine, le péritoine et le mésentère sont parsemés de taches ecchymotiques. (Delamotte.)
Les organes digestifs présentent des altérations notamment dans la forme charbonneuse désignée sous le nom de glossanthrax. Alors les parois du pharynx, de l'œsophage, sont noires, friables, et ces lésions peuvent s'étendre aux muscles de la base de la langue et au voile du palais. L'intestin montre, par places, des rougeurs, des suffusions sanguines. La rate n'éprouve' aucun changement notable ni dans son volume, ni dans sa consistance, contrairement à ce que l'on observe dans la fièvre charbonneuse, ce qui permet à première vue de distinguer l'une de l'autre les deux maladies charbonneuses; toutefois, la différenciation ne peut être sûrement établie que par l'examen microscopique de la pulpe splénique.
Par ce moyen, on constatera la présence du bacterium Chauvœi — que nouidécrivons ci-après — si l'on a affaire au Charbon symptômatiqlle, et celle du bacillus anthTacis s'il s'agit de la fièvre charbonneuse.
Le foie n'offre pas non plus d'altérations, seulement la bile est riche en microbes.
Les reins sont normaux, parfois leur périphérie est infiltrée de sang par suite du voisinage d'une tumeur. De même l'appareil génital du mâle est le siège de lésions lorsqu'une tumeur charbonneuse s'est développée dans son voisinage.
La muqueuse de l'appareil respiratoire est souvent très congestionnée et- même noire dans les parties supérieures de cet appareil; les poumons sont simplement engoués; les plèvres contiennent parfois une sérosité sanguinolente, les muscles thoraciques sont noirâtres lorsque la tumeur siège sous l'épaule.
Le péricarde contient de la sérosité ; « le myocarde présente çà •et là quelques taches hémorragiques; l'endocarde est généralement coloré dans les deux cœurs, surtout vers les sommets. Le sang qui remplit les cavités cardiaques et les gros vaisseaux est coagulé comme à l'état normal. » (Arloing, Cornevin, Thomas.)
Les ganglions lymphatiques sont altérés notamment ceux du •côté où siège la tumeur : ils sont rouges et infiltrés. Il en est de même des ganglions viscéraux lorsque les organes internes présentent les lésions que nous venons de décrire.
Microbe du Charbon symptomatique. — La tumeur, la sérosité environnante, les ganglions lymphatiques, les viscères — la rate
Fig. 21. — Sérosité de la tumeur du bœuf.
1, 1, bactéries en forme de bâtonnets mousses, mobiles, pourvues d'une spore brillante à l'une -des extrémités 2, idem, dans une autre position de l'objectif, la spore parait sombre; 3, 3, bactéries dont le cOrlps protoplasmique paraît plus court et plus acuminé ; 4, 4, bactéries sans spores, mobiles, plus longues et plus grêles que les autres (abondantes dans la sérosité de l'œdème qui entoure la tumeur) ; 5, bactérie sporulée vue par son extrémité.
notamment — et même le sang renferment un microbe qui est l'agent de la virulence. Nous en empruntons la description à MM. Arloing, Cornevin et Thomas, ainsi que les figures 21, 22 et 23, qui le représentent.
A. Distribution; forme; dimensions. Réactions. — Le sang est le plus souvent très pauvre en microbes pendant la vie des malades. Mais, après la mort, et surtout plusieurs heures après la mort, il se peuple abondamment d'organites microscopiques qui s'offrent à l'observateur sous les deux formes suivantes : 1° celle de microcoques, souvent très pàles, et par suite difficiles à voir au sein du plasma; leur présence est principalement révélée parlas ébranlements qu'ils communiquent aux hématies en s'agitant au sein du véhicule ; on peut les mettre plus nettement en évidence à l'aide du bleu d'aniline
ou de la vésuvihe, etc.; ces corpuscules mesurent environ omm,0002 de diamètre; 2° celle de bactéries longues de omm,005, omm,008, larges de O-m,001, homogènes, douées d'une grande mobilité. Ce dernier microbe monte et descend avec agilité dans la couche de liquide qui compose la préparation microscopique, s'infléchit en arc ou en S, pirouette sur lui-même de manière à se présenter dans le sens de sa longueur ou obliquement, ou par
l'une de ses extrémités. Il change donc d'aspect, pour ainsi dire, à vue d'œil.
Ces deux formes se rencontrent dans la sérosité des œdèmes qui avoisinent les tumeurs musculaires: elles y sont en plus grande quantité que dans le sang et associées à une troisième forme, celle d'une bactérie pourvue d'un corpuscule brillant ou d'une spore à l'une des extrémités.
Le bactérien nucléé mesure de omm,005 à0mm,0L0 de longueur, sur0mm,00ll etOmm,0013 de largeur; le corpuscule brillant occupe environ le tiers de la longueur. Il est moins mobile que le bactérien homogène, se déplace en oscillant, sans jamais s'infléchir en arc ou en S. Lorsqu'il est très long, il est quelquefois pourvu d'un corpuscule à chaque extrémité et articulé dans son.milieu.
La forme du microbe du charbon symptomatique offre certaines variétés intéressantes. Ainsi, la partie qui renferme la spore est parfois légèrement
Fig. 22. — Sérosité du centre de la tumeur du bœuf, quelques jours après la mort.
i, i, 1, bactéries sporulées ordinaires ; 2, bactéries ayant pris la forme de massue; 3, bactéries à deux spores ; 4, 4, 4, bactéries dont le corps s'est élargi de façon à devenir fusiforme ; 5, 5, débris de cylind-res contractiles qu'on est exposé à prendre pour des bactéries sans spore ; 6, débris plus volumineux de fibre striée.
Fig. 23. — Microbes du Charbon symptomatique tels qu'on les rencontre quelquefois dans le sang à la dernière période de la maladie, ou peu de temps après la mort.
Ceux-ci ont été vus dans le sang d'un taurillon quelques heures avant la mort h, hématies altérées ; h', hématie à peu près intacte.
renflée, ce qui donne à l'organisme l'apparence d'un battant de cloche. Souvent aussi, vingt-quatre à trente-six heures après la mort, il devientfusiforme. Ce changement, qui lui donne les caractères attribués autrefois au genre Clostridium, se présente sur les microbes sporulés et non sporulés.
Ce microbe est très abondant dans le tissu conjonctif et dans le sang répandus entre les faisceaux primitifs contractiles, il pénètre même à l'intérieur de ceux-ci, à la faveur des déchirures du sarcolemme, de la fragmentation du contenu et de leurs mouvements. Il en résulte qu'il est difficilement entraîné par la sérosité qui s'écoule d'une petite blessure faite aux tumeurs. Si on veut l'obtenir pour l'étudier ou l'inoculer, il faut l'extraire par raclage ou par trituration du tissu conjonctif inter et intramusculaire, où il est en quelque sorte cantonné. On le retrouve avec les mêmes caractères dans les parenchymes, foie, rate, rein, poumon et dans les glandes lymphatiques. Il va sans
dire que ce microbe résiste très bien à l'action des alcalis et des acides. Sous l'influence de la teinture d'iode, il prend une teiute violette, surtout lorsqu'il est à l'état de bactérie non sporulée. De forts grossissements permettent de voir que la teinte violette est fixée sur des granulations disséminées dans le protoplasma. L'éosine supprime rapidement les mouvements de ce microbe.
Si on fait une simple dissociation de l'œdème et que, dans le but de la conserver, on l'additionne de glycérine, non seulement les bactéries continuent à s'y mouvoir, mais elles s'y segmentent, et, au bout d'un à deux jours, elles sont remplacées par des corpuscules mobiles.
B. Moyens d'étude. — Sous la forme de bâtonnets, le microbe du charbon symptomatique est toujours très facile à voir à l'état frais. En raclant les muscles malades, ou en les triturant dans quelques gouttes d'eau, on obtient aisément les éléments d'excellentes préparations, sur lesquelles les personnes les moins exercées saisiront immédiatement tous les caractères du microorganisme (fig. 21, 22, 23).
Mais l'on n'a pas toujours un animal récemment mort ou une pièce fraiche sous la main pour faire des préparations extemporanées. Il devient donc nécessaire de monter le microbe en préparations persistantes.
Le micro-organisme du Charbon symptomatique n'est pas de ceux qui fixent facilement les couleurs d'aniline. Il ne faudra donc pas s'étonner si l'on ne réussit pas parfaitement dès les premières tentatives.
Cornil a indiqué le procédé suivant pour colorer ce microbe : dissocier une parcelle d'œdème musculaire sur une plaque de verre, colorer, laisser sécher à r.air, passer dans la flamme d'une lampe à alcool, éclaircir avec l'essence de girofle, ajouter une goutte de baume du Canada, puis recouvrir d'une mince lamelle. On obtient de la sorte des préparations persistantes.
Nous recueillons de très bons résultats d'une méthode qui consiste à étendre une goutte de suc musculaire ou de sérosité sur une lame de verre où on la laisse se dessécher; on recouvre d'une petite quantité de solution alcoolique concentrée de violet d'aniline pendant 10 à 15 minutes; on lave à l'eau ordinaire; ou fait sécher une seconde fois, on éclaircit, puis on monte dans le baume du Canada.
Pour obtenir des microbes débarrassés de particules étrangères, nous employons le moyen suivant : on triture un morceau de tumeur dans un mortier, en ajoutant quelques centimètres cubes d'eau ; on exprime à travers une mousseline fine et on laisse reposer dans un vase à pied étroit ou dans un tube à essai ; au bout de quelques heures, lorsque les parcelles étrangères ont été entraînées au fond du vase, on aspire, près de la surface, avec un tube capillaire; on étale le liquide sur des lamelles de verre ; on fait sécher et on colore selon les procédés classiques, avec le violet ou le bleu d'aniline ou avec la fuchsine; le lavage des lamelles sera fait avec de l'alcool étendu. Lorsque les bâtonnets sont dépourvus de spores, ils restent uniformément colorés. S'ils renferment des .spores, celles-ci retiennent la matière colorante ; le corps du bâtonnet a des contours vaguement indiqués. Souvent, dans ce cas, la place des microbes est marquée par de simples taches ovales colorées en bleu ou en violet; on devine plutôt qu'on ne voit le reste de ces organismes.
Contagion; —On la divise en expérimentale et en spontanée ou naturelle.
I. CONTAGION EXPÉRIMENTALE. — Le microbe du Charbon symptomatique s'inocule aux animaux suivants: bœufmouton, chèvre* cobaye : ce dernier animal est le réactif par excellence. Les autres .animaux — notamment le lapin auquel on inocule si facilement
la Fièvre charbonneuse — sont réfractaires au Charbon symptomatique.
Les effets de l'inoculation expérimentale consistent généralement en une tuméfaction, parfois crépitante, du point inoculé, de l'hyperthermie, de la fièvre et la mort du sujet en vingt-quatre ou quarante-huit heures, avec des lésions de même nature que celles qui résultent de la contagion naturelle. Mais ces effets varient suivant l'activité du virus, le mode d'inoculation, la région où cette opération est pratiquée, la dose employée. Et ces variations nous permettent de nous rendre compte de l'évolution naturelle de la maladie tout en nous conduisant à une prophylaxie rationnelle. Il est donc utile de nous y arrêter quelques instants.
1 ° Activité du virus. — La pulpe musculaire, c'est-à-dire le produit obtenu en triturant avec de l'eau stérilisée une certaine quantité des tissus les plus noirs de la tumeur charbonneuse, convient bien pour les inoculations. La bile, le liquide amniotique, la sérosité des œdèmes entre autres, sont riches en bacilles spécifiques et leur inoculation détermine la maladie. Le sang n'est virulent que quelques instants avant la mort. Si on le recueille purement sur un animal qui vient de mourir et qu'on le place pendant vingt-quatre heures à l'étuve, le bacille, qu'il contenait d'abord en petite quantité, se multiplie avec rapidité.
Ce bacille est anaérobie, il ne se cultive que dans le vide ou en présence de gaz inertes. Sa culture est difficile; elle peut être faite notamment « dans le bouillon de poulet additionné d'une petite quantité de glycérine et de sulfate de fer », ou bien dans « le bouillon de bœuf additionné d'acide lactique ». Les cultures perdent rapidement leur virulence. Il en est autrement des produits de l'organisme, par exemple le tissu musculaire, surtout .dans les points où les tumeurs charbonneuses se sont développées. Ce tissu est très riche en bacilles, et quand il a été desséché rapidement à l'étuve, à une température de 35°, il conserve sa virulence pendant « deux ans au moins »; d'ailleurs, il est à remarquer « que la résistance du virus desséché est beaucoup plus considérable que celle du virus frais» (Arloing, Cornevin, Thomas). Or, le virus frais peut supporter un froid de « — 70° et — 76° », même de « — 120° ou 130° » sans perdre ses propriétés. Il est détruit par une température de 100°, tandis qu'il faut élever la température :à 110° pour obtenir ce résultat avec le virus desséché.
La putréfaction ne détruit pas la virulence du charbon bactérien ; il en est de même de l'association du microbe de cette maladie avec d'autres microbes anaérobies ou bien aérobies, comme ie bacillus anthracis, de telle sorte que les deux charbons (fièvre
charbonneuse et Charbon symptomatique) peuvent exister sur le même animal.
Parmi les substances chimiques qui détruisent les propriétés du virus à l'état frais, nous signalerons entre autres, d'après MM. Arloing, Cornevin et Thomas, l'acide phénique en solution aqueuse à 2 p. 100; le sublimé corrosif à 1/5000; le sulfate de cuivre au 1/5; l'acétate d'alumine à 1/200; les vapeurs de brôme, de chlore et de sulfure de carbone. Quant au virus desséché, il n'est détruit que par les vapeurs de brôme, et par quelques désinfectants employés en solution, notamment l'acide phénique à 2/100, le sublimé à 1/1000, le sulfate de cuivre au 1/5.
Il est à remarquer que l'essence de térébenthine, qui détruit si sûrement la virulence du bacillus anthracis, n'agit point sur le microbe du Charbon symptomatique même quand ce microbe se trouve dans des tissus frais et que le contact se prolonge pendant quarante-huit heures.
La virulence du Charbon symptomatique est susceptible d'être atténuée ou augmentée. Ainsi, la chaleur avant de détruire cette virulence, l'affaiblit peu à peu et la rend vaccinale, tandis que l'acide lactique l'exalte, comme le démontrent les expériences de MM. Arloing et Cornevin (1).
2° Mode d'inoculation. — C'est dans le tissu conjonctif sous-cutané ou dans les muscles que le virus doit être déposé pour produire ses effets toxiques; injecté dans les veines, il confère l'immunité. Cet important résultat peut encore être obtenu par l'injection sous-cutanée de virus atténué. Déposé dans l'épaisseur de la peau, par piqûres sous-épidermiques au moyen de la lancette, le virus évolue lentement et ne détermine la mort qu'au bout « de trois jours environ >/; il peut se faire aussi que le sujet résiste. Injecté dans la trachée, le virus produit une maladie avortée et les sujets d'expérience acquièrent l'immunité. Administrépar les voies digestives, il peut produire une infection généralesuivie de mort, lorsque son activité a été renforcée par addition' d'acide lactique.
3° Région inoculée. — Dans les régions où le tissu conjonctif sous-cutané est lâche : fanon, épaule, bras, cuisse, tous les effetslocaux de l'inoculation se produisent facilement, tandis qu'ils: peuvent faire défaut dans celles dont le tissu cellulaire est dense : extrémité des membres, queue. Mais la structure anatomique de la région n'est pas la seule cause de ces différences dans les effets de l'inoculation, car MM. Arloing et Cornevin ont démontré que la température de ces parties placées en appendices — la queue:
(1) Le Charbon symptomatique du bœitf, 2° édit. Paris, 1887, p. 165.
notamment — étant moins élevée que celle des autres parties du corps, il en résulte que l'évolution du virus y est lente ou même nulle. Mais si, après l'inoculation, l'on enveloppe l'extrémité de la queue avec du coton afin d'élever sa température, une tumeur se forme au point inoculé. Ces recherches nous expliquent pourquoi on n'observe point de tumeurs charbonneuses à l'extrémité des membres ou de la queue, lorsque la maladie évolue par contagion naturelle.
4° Dose de virus. — « Si l'on pousse dans le tissu cellulaire sous-cutané ou intra musculaire un peu de sang ou de pulpe musculaire infectieuse (de une goutte à un centimètre cube), on obtient des accidents toujours mortels ). Si l'inoculation est faiteavec une dose moyenne (1/10 de goutte d'une pulpe musculaire très active), les accidents locaux sont nuls ou peu marqués; mais, au moment où l'on suppose que l'animal est hors d'affaire, apparaît une tumeur plus ou moins éloignée du point d'inoculation, laquelle évolue comme la tumeur déterminée par l'inoculation d'une forte dose et, conséquemment, entraîne la mort de l'animal.
» Lorsqu'on introduit dans le tissu cellulaire une très petite dose de virus ou du virus peu actif, tantôt on n'obtient aucun effet, tantôt on produit une maladie légère qui se borne à quelques symptômes généraux : tristesse, diminution de l'appétit. élévation de la température. » (Arloing, Cornevin et Thomas.)
Il. CONTAGION NATURELLE. — Les microbes générateurs du charbon symptomatique sont répandus à profusion dans les milieux extérieurs — le sol et l'eau notamment — surtout par les cadavres d'animaux atteints de cette maladie. Les manipulations dont ces cadavres sont l'objet, leur dépeçage, leur enfouissement, entretiennent la maladie en semant, pour ainsi dire, des germes dans la terre et dans les eaux; d'autre part, l'extrême vitalité du Raclerium Chauvoei, si bien mise en évidence par les belles expériences de MM. Arloing et Cornevin, constitue une cause puissante de contagion; on a vu en effet que ce microbe résiste aux froids les plus rigoureux et aussi à la putréfaction. On conçoit dès lors qu'il puisse se conserver dans le sol pendant longtemps, plusieurs années sans doute. Ainsi, « dans un pré faisant partie d'un domaine où depuis plusieurs années le Charbon symptomatique n'avait pas été constaté, M. Gotti fit recueillir de la terre à om, 40 de profondeur sous gazon. L'eau de lavage de cette terre, inoculée d'abord au cobaye, le fit mourir; le liquide de pulpe extrait des muscles de ce cobaye et inoculé à la génisse la fit périr avec les signes les mieux caractérisés du Charbon symptomatique. Une autre génisse inoculée directement avec l'eau de lavage de la
même terre fut très malade, mais guérit et acquit l'immunité » (1).
La durée de la conservation de la virulence dans le sol infecté est évidemment subordonnée à sa composition chimique et à son état physique. Ainsi, dans les terrains argileux, la pénétration de l'air est difficile ou nulle en raison de leur compacité, et par suite le bacille du charbon symptomatique, qui est anaérobie, conserve ses propriétés; tandis que dans les terrains légers, perméables, de nature silico-calcaire, l'air pénètre facilement et brûle pour ainsi dire le virus.
La conservation du virus dans le sol dépend aussi des diverses matières qui peuvent être associées aux débris cadavériques. . Ainsi on a remarqué que, dans les pays où les bêtes bovines sont entretenues pour la production du lait et dans lesquels la fabrication du beurre et du fromage se fait sur une grande échelle, les cas de charbon symptomatique sont plus fréquents que dans les pays où l'on se livre à l'engraissement et à l'élevage du gros bétail. Or, les recherches expérimentales de MM. Arloing et Cornevin nous apprennent que l'acide lactique renforce la virulence du Bacterium Chauvæi; dès lors, il est permis de se demander, à l'exemple des auteurs précités, si dans « les pays d'industrie beurrière et fromagère » la fréquence du Charbon symptomatique ne tiendrait pas à ce que « les chances de contact entre les microbes du charbon et ceux de la fermentation lactique sont plus grandes » ?
Le microbe du Charbon symptomatique peut aussi se conserver dans les eaux stagnantes, dans les marais, les étangs, etc. ; il peut être entraîné au loin par les inondations, déposé ainsi à la surface des prairies, et finalement pénétrer dans l'organisme des bêtes bovines, par l'eau des mares, par l'herbe des prairies. C'est ainsi qu'en 1885, nous avons observé, dans les environs de SaintGaudens, une enzootie de Charbon symptomatique sur des bêtes bovines qui avaient pâturé dans des prairies longées par la Garonne, inondées quelque temps auparavant. D'ailleurs, cette circonstance qui favorise la contagion a été signalée depuis longtemps, de même que l'influence de la constitution géologique du sol; mais, à l'époque où ces causes ont été invoquées, on en était réduit à constater leurs conséquences, sans pouvoir les interpréter ni les prévenir, comme nous sommes en mesure de le faire aujourd'hui.
Enfin, pour le Charbon symptomatique, comme pour la Fièvrecharbonneuse, la cohabitation des animaux malades avec les animaux sains est une cause de contagion. Car l'infection peut alors
(1) Le Charbon symptomatique du bœuf, 2e édit., p. 159.
s'opérer par les litières, les fourrages souillés par des déjections des animaux malades; elle peut avoir lieu aussi par les ustensiles qui servent à distribuer la nourriture aux animaux.
Il est à remarquer que le Charbon symptomatique ne se transmet pas à l'homme et que, parmi les animaux dé la ferme, ce sont les bêtes bovines qui sont principalement frappées et exceptionnellement les jeunes animaux de l'espèce ovine: les agneaux.
Chez les bètes bovines, la maladie se déclare principalement sur celles qui sont âgées de six mois à quatre ans. Elle peut cependant se montrer sur des veaux et même sur des bêtes adultes et vieilles comme M. Tambareau (de Saint-Gaudens), notamment, l'a observé.
On ne connait pas bien l'influence des saisons sur le développement du Charbon symptomatique. «, Cependant on admet, en France et dans l'Italie septentrionale, que cette maladie exerce surtout ses ravages par bouffées, au printemps et à l'automne, c'est-à-dire lorsque les animaux quittent l'étable pour vivre au pâturage et lorsqu'ils abandonnent le pâturage pour vivre .à l'étable » (1). Nous l'avons vu sévir, en janvier 1885, dans le département de la Haute-Garonne, par un froid assez rigoureux.
D'après des statistiques faites dans le canton de Berne, les cas de Charbon symptomatique seraient plus fréquents sur les animaux mâles que sur les femelles.
Immunité. — Elle peut être naturelle ou bien acquise. On ai. remarqué que, parmi les animaux qui vivent dans un pays où sévit le Charbon symptomatique, il en est qui présentent la maladie sous forme bénigne et acquièrent ainsi l'immunité ; sur d'autres, l'affection passe inaperçue et ils n'en deviennent pas moins réfractai refe à des inoculations de contrôle. On admet, d'après des recherches expérimentales, que, dans ces cas, les animaux se sont pour ainsi dire vaccinés en absorbant peu à peu de petites quantités de virus normal ou plus ou moins affaibli par les influences cosmiques et lelluriques.
Les recherches de MM. Arloing, Cornevin et Thomas démontrent . que l'immunité peut être conférée, soit en inoculant le virus naturel tel qu'on l'extrait d'une tumeur fraîche, soit en inoculant le virus atténué. Dans le premier cas, les expérimentateurs précités ont réussi « à donner l'immunité en insérant le virus à doses très faibles dans le tissu conjonctif d'un point quelconque de l'économie, ou à doses plus considérables dans le tissu conjonctif sous-cutané d'une région déterminée, dans les veines et dans les voies respiratoires ».
(1) Loc. cit., p. 44.
Dans le second cas, l'immunité est conférée par l'injection souscutanée de virus atténué.
Diagnostic. — Il importe essentiellement, au point de vue de la prophylaxie, de distinguer le Charbon symptomatique de la fièvre charbonneuse. Cette distinction peut être faite pendant la vie des animaux et surtout après leur mort.
Du vivant des animaux, l'apparition, en quelque sorte exclusive, de la maladie sur de jeunes animaux de l'espèce bovine, la formation d'une ou plusieurs tumeurs à développement rapide, permettront de ne pas confondre le Charbon symptomatique avec la Fièvre charbonneuse, car, dans cette dernière maladie, on ne constate ni boiterie ni tumeur, et l'affection se développe sur les bovidés de tout âge ainsi que sur les moutons et même les chevaux.
Toutefois le diagnostic différentiel ne peut être sûrement établi que par l'examen microscopique et par l'inoculation au lapin du sang recueilli sur un animal qui est sur le point de succomber. Dès lors, c'est le plus souvent à l'autopsie de l'animal présumé charbonneux que la différenciation sera faite; d'ailleurs, avant d'avoir recours à l'inoculation et à l'examen microscopique, l'examen du cadavre fournira des données importantes. Ainsi, dans le Charbon symptomatique, on constatera des tumeurs charbonneuses, des infiltrations gazeuses et d'autres lésions décrites ci-dessus (p. 686), que l'on ne trouve point dans la Fièvre charbonneuse, — Par l'examen microscopique on verra le Bacterium Chauvœi notamment dans la tumeur charbonneuse, dans la rate, etc., si l'on a affaire au Charbon symptomatique; tandis que s'il s'agit de la Fièvre charbonneuse, ce sera, le Bacillus anlhracis. — Si cet examen ne paraît pas suffisamment concluant, l'inoculation au lapin fera disparaître toute incertitude, car cet animal, qui est réfractaire au Charbon symptomatique, contracte facilement-la Fièvre charbonneuse (Voy. p. 667).
Pronostic. — Avant la découverte de l'inoculation préventive par MM. Arloing, Cornevin et Thomas, le Charbon symptomatique faisait de nombreuses victimes parmi les animaux de l'espèce bovine, soit en France, soit à l'étranger, en Suisse notamment. On estime que, depuis l'application de cette mesure prophylactique, la mortalité déterminée par le Charbon symptomatique est sept à dix fois moindre qu'auparavant. Il est à remarquer que la mortalité résultant de l'évolution naturelle de la maladie varie : tantôt elle est de 25 p. 100; d'autres fois de 15 p. 100 et dans certaines localités, elle descend à 2 ou 3 p. 100 — même à « 1,56 p. 100 » (1).
Traitement. — Il offre peu d'importance, car son efficacité est
(1) Loc. cit., p. 279.
des plus douteuses, tandis que celle de l'inoculation préventive, dont nous parlons ci-après, est certaine. — On recommandait beaucoup autrefois le trochisque de racine d'hellébore noir, et, aujourd'hui encore, il est des praticiens qui l'emploient comme moyen préventif. On applique cet exutoire au fanon. Un grand nombre de médicaments ont été conseillés pour combattre les maladies charbonneuses : il n'en n'est aucun qui jouisse de propriétés curatives certaines. Les excitants diffusibles, l'ammoniaque et ses composés, l'huile phosphorée, ont joui d'une grande vogue ; aujourd'hui, leur emploi paraît à peu près abandonné.
Les toniques anti périodiques, le quinquina et ses composés, le sulfate de quinine, ont été aussi prônés avec enthousiasme, mais il ne paraît pas que leur emploi se soit généralisé et que les espérances que l'on avait fondées sur leurs propriétés réputées cùratives du Charbon, se soient réalisées. — Il en est de même de l'iode et de l'acide phénique, que l'on a considérés comme des spécifiques. Dès lors, nous nous contenterons de faire connaître sommairement les principales médications conseillées pour combattre le Charbon chez les animaux de l'espèce bovine.
L'huile phosphorée, à la dose'quotidienne de 40 à 50 gouttes dans un litre de décoction de graine de lin, a été chaudement recommandée. Le sulfate de quinine, à la dose de 2 à 3 grammes dissous dans quantité suffisante d'eau de Rabel, a été employé. Cette solution acide est étendue, pour l'usage, dans un litre d'eau ordinaire. On a signalé autrefois les bons effets de l'acide phénique, à la dose de 20 à 40 grammes par jour.
La méthode anti-virulente de Cézard, qui consistait dans l'emploi de l'iode intus et extra, est aujourd'hui abandonnée. Divers praticiens, notamment MM. Carrey, Thomas, l'ont employée infructueusement.
À ces diverses médications internes, on ajoute l'emploi des révulsifs; frictions avec le vinaigre chaud, frictions sinapisées, enveloppement du malade dans de chaudes couvertures; cautérisation profonde des tumeurs avec le fer rouge. Au début de l'apparition des tumeurs charbonneuses, MM. Arloing, Cornevin et Thomas estiment, d'après leurs recherches expérimentales, qui démontrent les propriétés anti-virulentes des solutions d'acide phénique à 2 p. 100 ou d'acide salicylique à 1 p. 1000, qu'il est indiqué de faire, au pourtour des tumeurs charbonneuses, « des injections d'eau phéniquée ou mieux salicyliquée, dont les effets inflammatoires sont moins prononcés ».
Malgré ces moyens énergiques, le traitement du Charbon bactérien est souvent infructueux, et en définitive, on est conduit à cette conclusion que, dans la pratique, l'inoculation préventive
est le seul moyen sur lequel on puisse compter, le seul qui soit suivi de véritables succès.
Inoculation préTentive. —Cette opération consiste à inoculer le Charbon symptomatique sous forme bénigne, afin de rendre les animaux réfractaires à cette maladie. Elle a été pratiquée pour la première fois en 1880, dans le département du Rhône, par MM. Arloing et Cornevin ; puis, en 1881, sous les auspices du ministère de l'agriculture, dans le Bassigny (Haute-Marne), en Algérie, dans le pays de Gex, en Suisse. Elle fut faite d'abord par injection intra-veineuse, puis à partir de 1883, par injection sous-cutanée de virus atténués. Elle a pris depuis cette époque une grande extension notamment en Suisse. Nous l'avons pratiquée dans le département de la Haute-Garonne, en 1885, avec notr& collègue, M. Cadéac, et M. Tambareau, vétérinaire à SaintGaudens. Les virus atténués dont nous nous sommes servis avaient été envoyés par M Arloing à M. Baillet, alors directeur de l'École vétérinaire de Toulouse.
La préparation des virus atténués se fait en mélangeant « une partie de virus desséché à deux parties d'eau ordinaire » et chauffant ce liquide à la température de 100 à 1040 pendant sept. heures, pour obtenir le premier vaccin, et à la température de90 à 94° pour le deuxième vaccin. Les produits ainsi obtenus sont réduits en poudre et ils se conservent pendant un an en ayant le soin de les placer dans un endroit sec. On trouve aujourd'hui dans le commerce ces poudres vaccinales (1).
L'étude de l'inoculation préventive des virus atténués comprend leur préparation pour les mettre dans un état physique compatible avec leur mode d'introduction dans l'économie animale, desinstruments et ustensiles nécessaires à l'opération, et enfin lemanuel opératoire. Nous ne saurions faire mieux que de reproduire ce qui a été écrit sur ce sujet par les auteurs de l'inoculation préventive:
A. Choix de la région. — En principe, tous les points de l'organisme sont aptes à recevoir les inoculations. Néanmoins, comme il importe que celles-ci produisent l'effet préventif cherché sans: donner lieu localement au développement d'une tumeur, il nous a paru bon de choisir une région où ce développement est rare et difficile.
D'après les observations cliniques et les expériences citées plus haut l'extrémité inférieure de la queue, celle qui est connue sous le nom de toupillon, à cause des crins qui la garnissent, semble réunir ces conditions.
Vers le milieu du toupillon, la queue forme un léger renflement en fuseau. Ce point est celui que nous avons choisi pour pratiquer les inoculations. Un. l'atteint par la face antérieure après avoir coupé les poils qui la garnissent.
On a déjà pratiqué un grand nombre d'inoculations dans cette région-
(1) S'adresser à M. G. Fromage, ?8, rue Lebrun, Paris.
Beaucoup de vétérinaires n'ont fait aucune objection à son choix; mais quelques-uns ont trouvé qu'en raison de la densité du tissu conjonctif souscutané, l'injection pénétrait difficilement, et dès lors ils ont pensé qu'il conviendrait de déterminer un autre lieu d'élection.
Nous avons tenté de donner satisfaction à ce vœu. Des expériences furent entreprises pour juger du degré de réceptivité des régions facilement accessibles à l'opérateur. Elles ont démontré que l'on pourrait, avec beaucoup dechances de succès, inoculer à l'oreille et aussi à la face externe de l'épaule un peu en avant de la partie proéminente de l'acromion, au lieu d'inoculer a la queue. Les injections seront poussées dans le tissu conjonctif nssez densesitué sous la peau de la face externe de la conque, aussi loin que possible de la base de l'organe.
Trois régions sont donc laissées au choix de l'opérateur. Sans présenter en faveur de l'inoculation à l'oreille un chiffre aussi considérable d'opérations. qu'en faveur de l'inoculation à la queue, nous pouvons néanmoins les recommander à l'attention des praticiens.
B. Instruments ou ustensiles n.jcessai/'es. — Les virus atténués sont injectéssous la peau, il faudra donc une seringue pour pousser l'injection. Mais, comme les virus atténués sont pulvérulents et secs, il importe de les mettre en suspension dans l'eau; pour cela on doit disposer d'un petit mortier en' porcelaine.
10 Seringue. — Toutes les seringues à injections hypodermiques peuvent, à la rigueur, servir à nos inoculations. Pourtant, à cause de la constitution. particulière des régions où elles se pratiquent et de la prompte exécution d& l'opération, il est utile de prendre un instrument approprié.
M. Lépine, fabricant d'instruments de chirurgie à Lyon, a construit une seringue ad hoc.
Elle se compose d'un corps de pompe de 5 centimètres cubes de capacité muni de deux anneaux à sa base, afin de permettre à l'opérateur de s'en servir avec une seule main. Grâce à sa taille, la seringue peut servir à l'inoculation de dix animaux sans être rechargée. On évite donc, par là, une perte de temps assez considérable.
Elle est accompagnée de deux courtes tiges d'acier de 5 à 6 millimètres decirconférence, pourvues, à l'une des extrémités, d'un renflement que les doigtssaisissent et maintiennent aisément, taillées en pyramide trifaciée, à l'autre extrémité, comme la tige des trocarts. Ces tiges aiguës sont destinées à creuser une galerie en cul-de-sac dans le tissu conjonctif à l'extrémité de la queue.
Elle est pourvue de deux canules volumineuses et mousses qui s'adaptent à frottement au corps de pompe lorsqu'on veut pousser le liquide vaccinal dans la galerie de la région caudale. On a émoussé l'extrémité, afin d'éviter qu'elle ne pénètre dans les parois de la galerie et qu'elle ne cause à l'animal des souffrances inutiles. Au surplus, il ne faut pas oublier qu'on l'engage dans un trajet préparé à l'avance.
Dans le cas où l'on désirerait faire l'inoculation à l'oreille, on a muni la seringue d'une canule tranchante assez forte pour être introduite sans difficulté sous la peau qui recouvre la face externe du cartilage conchinien. L'adjonction de cette canule à l'instrument le rend propre à tous les services quel'on attend d'une seringue à injections hypodermiques.
2° Mortier. — On choisit un mortier en porcelaine de 4 à 5 centimètres dediamètre à l'entrée. Les légères rugosités du pilon en porcelaine sont favorables à la trituration du vaccin pulvérulent et à son association à l'eau qui sert de véhicule. Le mortier de verre augmente les difficultés de cette opération et la rend plus imparfaite.
3° Accessoires. — Il est bon que l'opérateur soit muni d'un petit entonnoir et d'un filtre en toile de batiste stérilisée à l'eau bouillante, d'une paire de ci-
seaux plats ou courbes et de ficelle de la grosseur de la ficelle de fouet.
C. Manuel opératoire. - Il comprend les préparations du liquide vaccinal et l'opération.
1° Quand on le peut, il faut préparer le liquide nécessaire à l'inoculation de dix bêtes. Si on en prépare moins, on perd du temps et de la matière; si on en prépare davantage, on s'expose à ne pas l'obtenir jusqu'au bout parfaitement homogène. On déposera donc au fond du mortier, passé préalablement à l'eau bouillante, le contenu d'un paquet de poudre vaccinale (1). On remplit la seringue d'eau propre ou mieux d'eau récemment bouillie. Puis on verse avec cet instrument environ 1 centimètre cube d'eau sur la poudre. On triture avec le pilon, patiemment et longuement, jusqu'à ce que l'on obtienne une sorte de pâte semi-fluide; alors on ajoute peu à peu le contenu de la seringue en ayant soin de délayer la pâte aussi exactement que possible.
Lorsque cette manipulation est bien faite, dans d'excellentes conditions de propreté, on aspire immédiatement le liquide dans la seringue, sans rien laisser au fond du mortier. Si on apercevait quelques grumeaux volumineux ou des corps étrangers on les retiendrait sur un filtre. Le filtre àyant été mouillé à l'avance, on doit obtenir environ 5 centimètres cubes de liquide, quantité nécessaire pour charger la seringue.
2° Pour pratiquer l'inoculation à la queue, il faut s'y prendre de la manière suivante : un aide saisit l'animal par les cornes ; un second lui maintient la croupe appuyée contre un obstacle, une muraille, par exemple. Ce mode de fixation suffit.
L'opérateur s'approche alors de l'animal à vacciner, lui saisit la queue de la main gauche et coupe, sur une étendue de 7 à 8 centimètres, les crins qui garnissent la face inférieure ou antérieure de la partie terminale de l'organe dite vulgairement toupillon. Il nettoie ensuite avec soin la surface de la peau, avec un linge humide, de manière à faire disparaître toutes les souillures quelles qu'elles soient. Puis, enfonçant la tige du trocart annexée à la seringue un peu en dehors de la ligne médiane, il creuse parallèlement à la peau une galerie aussi profonde que possible. Il retire l'instrument et infléchit l'extrémité de la queue de manière à placer en haut l'orifice de la galerie sous-cutanée. Alors, prenant la seringue de la main droite, le pouce sur l'extrémité du piston, l'index et le médius passés dans les anneaux qui garnissent le corps de pompe, il engage la canule mousse de l'instrument dans la galerie, l'applique aussi exactement que possible contre les parois en pressant avec le pouce de la main gauche, et injecte 1 centimètre cube ou vingt gouttes du liquide vaccinal s'il s'agit d'un animal de dix-huit mois et au-dessus, et seulem ent dix, douze, quinze gouttes, selon le poids des sujets, s'ils sont âgés de 6 à 18 mois.
On a eu soin de régler ces quantités à l'avance avec le curseur dont est munie la tige du piston.
Lorsque l'injection est faite on retire la canule et on exerce une légère pression sur l'orifice de la galerie pour prévenir la sortie d'une partie du liquide virulent.
Quelques opérateurs se sont plaints que cette précaution était souvent insuffisante. Nous conseillons d'employer un moyen absolument efficace proposé simultanément par M. Strebel, vétérinaire à Fribourg, et par M. Perin, vétérinaire à Étain (Meuse). Ce moyen consiste à appliquer deux ou trois tours de ficelle sur l'orifice de la galerie, avant de retirer le pouce de la main gauche. La ligature emprisonne sang et virus au fond de la plaie. Seulement il ne faut pas oublier d'enlever cette ligature au bout d'une heure au plus. On pourrait remplacer la ficelle par de petits anneaux en caoutchouc.
(1). Chaque paquet contient dix doses de poudre vaccinale.
Remarque très importante : avant chaque injection, il est indispensable d'imprimer à la seringue des mouvements de bascule, afin de mettre les particules virulentes uniformément en suspension dans le liquide qui remplit le corps de pompe.
Tel est le manuel opératoire qu'il faut suivre pour pratiquer l'inoculation caudale.
3° Pour faire l'inoculation à l'oreille, la préparation du liquide vaccinai reste la même ; la différence porte sur l'opération. Dans ce cas, pendant qu'un aide maintient l'animal par les cornes, l'opérateur saisit une oreille de la main gauche, coupe les poils sur une partie de la face externe; puis, s'emparant de la seringue munie de sa canule tranchante, il ponctionne la peau de la main droite et fait courir la canule dans le tissu conjonctif entre le tégument et le cartilage (1) ; il presse enfin sur l'instrument avec le pouce de la main gauche et injecte le liquide vaccinal dans le tissu cellulaire. Cette dernière partie de l'opération exige une certaine poussée, car les mailles du tissu conjonctif se prêtent assez difficilement à la pénétration d'un liquide. Lorsqu'on a pratiqué dix inoculations, on prépare le virus pour dix autres animaux et ainsi de suite.
4° Inoculation à la face exlerne de t'épaule. — On emploie la même canule piquante que pour l'inoculation à l'oreille ; on l'engage entre la peau et l'aponévrose scapulaire, au voisinage et en avant de la partie proéminente de l'apophyse acromienne, et l'on injecte le vaccin.
L'inoculation à l'oreille ou à l'épaule se fait plus rapidement qu'à la queue, aussi doit-on l'employer de préférence quand on a un grand nombre d'animaux à inoculer.
Quand la séance d'inoculation est achevée, l'opérateur doit nettoyer soigneusement la seringue en se servant d'abord d'un grand volume d'eau, puis d'antiseptiques énergiques.
Tel est le manuel opératoire de l'inoculation préventive du Charbon symptomatique. Pour assurer le succès de cette opération de la manière la plus complète, il importe de tenir compte de l'âge des sujets, de l'état de gestation et de la saison dans laquelle on opère. Il faut inoculer de préférence les animaux âgés de six mois à trois ans, puisque c'est à cette période de la vie que le Charbon fait le plus de victimes. Par surcroît, on inoculera les animaux adultes et l'on s'abstiendra pour les vieux animaux. « Si le Charbon se déclarait dans un lot de veaux de lait, nous conseillerions d'inoculer. Mais comme ces animaux perdent rapidement l'immunité, il convient de répéter l'inoculation aussitôt qu'ils auront franchi la première année (2). »
Si l'on a affaire à des vaches en état de gestation, il faut s'abstenir, car les expériences de MM. Arloing et Cornevin ont démontré « que les placentas étaient quelquefois le siège de localisations très dangereuses pour la vie de la mère et du jeune sujet ».
(1) On peut aussi engager d'abord l'aiguille sous la peau de la face externe de l'oreille, puis adapter ensuite la seringue et faire l'injection.
(2) Loc. cit., p. 242.
On s'abstiendra d'inoculer par les temps chauds et orageux. Les meilleures saisons sont la fin de l'hiver et l'automne.
Suites des inoculations préventives. — Nous reproduisons textuellement ce que MM. Arloing, Cornevin et Thomas ont écrit •en J887, sur ce point important :
Ordinairement, les effets immédiats de l'inoculation sont insignifiants et passent inaperçus. On a signalé bien rarement un état fébrile digne d'être noté. Voilà pour les effets généraux. Quant aux effets locaux, ils se bornent habituellement à un engorgement chaud et douloureux de l'extrémité de l'appendice caudal, qui, règle générale, se dissipe promptement. Par exception, on a vu survenir, au point d'inoculation, un abcès consécutif à l'introduction -de quelque corps étranger au moment de l'inoculation, ou à la blessure d'une vertèbre caudale ou d'un disque cartilagineux inter-vertébral. Le plus souvent 'cet accident s'est terminé simplement; parfois, il a entraîné la chute ou la déviation de l'extrémité de la queue. Si l'inoculation a été faite à l'oreille, la -conque devient chaude ; une légère induration fugace apparaît au point d'inoculation, et les ganglions sous-maxillaires s'engorgent modérément.
Voilà pour les accidents locaux.
On ne saurait insister plus longuement sur ces complications légères.
Il vaut mieux envisager de près la possibilité de voir survenir après l'ino-culation du virus atténué un Charbon symptomatique complet et mortel. Cet .accident est toujours possible avec l'emploi des virus atténués, et il s'explique fort bien, puisque l'immunité subséquente résulte de l'évolution imparfaite d'une maladie semblable à celle que l'on veut prévenir. Moins le virus sera .atténué, plus grande sera la préservation et plus grande aussi sera la chance -de voir évoluer une maladie mortelle. Il ne serait évité que si l'on pouvait à coup sûr atténuer uniformément toutes les parcelles du virus et si l'on pouvait proportionner l'atténuation au degré de réceptivité et d'impressionnabilité des sujets. Malheureusement nous sommes loin de ce degré de perfection, -car si l'on assimile l'organisme des animaux à un milieu de culture, il présente, par le fait même de la nutrition, des changements de composition qui tantôt .augmenteront, tantôt diminueront sa réceptivité. Or, on conçoit qu'il est impossible, dans l'état actuel de la science, de connaître ces changements.
Puisqu'il faut se résigner à prendre la méthode avec ses imperfections, •voyons exactement l'importance des dangers auxquels elle expose.
Nous avons fait sur ce point une enquête minutieuse. Nous avons prié tous les vétérinaires français et suisses qui ont pratiqué des inoculations du mois d'octobre 1883 au mois de mai 1884 et pendant 1885, de vouloir bien nous communiquer le chiffre des animaux qu'ils avaient vaccinés et le nombre des cas de .mort qu'ils pouvaient imputer à l'inoculation. Le plus grand nombre ont répondu
.à notre appel et nous sommes heureux de les en remercier.
Or, sur 5825 animaux inoculés par des vétérinaires français, on a observé 8 cas de mort, et sur 23,682 animaux inoculés par des vétérinaires suisses en 1884, on a signalé 13 cas de mort.
D'où il résulte que, pendant la campagne 1883-1884, la mortalité suite de l'inoculation contre le Charbon symptomatique a été :
En France, de 1,50 pour 1000 ;
En Suisse, de 0,54 pour 1000.
Si l'on totalise les nombres de vaccinés et les chiffres de la mortalité, sans -distinction de pays, on arrive à la moyenne de 1,02 pour 1000.
Il faut ajouter que les accidents mortels se montrent avec une irrégularité .que l'on s'explique difficilement jusqu'à ce jour. Tel vétérinaire vaccine 1000 à
1 200 bêtes sans observer ûa cas de mort, tel autre inocule une dizaine d'animaux et en perd deux ou trois.
Les moindres détails qui accompagnent les inoculations devraient donc être notés avec le plus grand soin par les vaccinateurs, des renseignements très précis devraient être recueillis sur l'âge, le régime, le sexe des animaux, la température, etc., afin que les conditions dans lesquelles se produisent ces accidents puissent être déterminées et conséquemment évitées.
Actuellement les perfectionnements apportés dans la préparation des vaccins et dans le manuel opératoire rendent cette opération tout à fait inoffensive : aussi ne saurait-on trop la recommander.
POLICE SANITAIRE. — Les mesures de police sanitaire applicables àla Fièvre Charbonneuse et au Charbon symptomatique sont prescrites par le décret du 28 juillet 1888 et l'arrêté ministériel rendu à la même date, pour l'exécution du décret précité.
ARTICLE PREMIER. — Dans le cas de Charbon (Sang de rate, Fièvre Charbonneuse) ou de Charbon symptomatique, le préfet prend un arrêté pour mettre sous la surveillance du vétérinaire sanitaire les animaux parmi lesquels la maladie a été constatée, ainsi que les locaux, cours, enclos, herbages et pâtures où ils se trouvent.
ART. 2. — La surveillance cesse quinze jours après la disparition du dernier cas de maladie.
ART. 3. — Aussitôt qu'un animal est reconnu malade, il est isolé et mis à Tattache.
ART. 4. — Le maire prescrit d'urgence les mesures suivantes, dont il surveille l'exécution :
1° Destruction des cadavres en totalité, ou enfouissement dans les conditions prescrites par l'article 4 du décret du 22 juin 1882, après que la peau a été tailladée ;
2° Destruction, avec les cadavres, des parties de litières, de fourrages, etc., qui ont été souillées par les animaux malades ;
Désinfection des locaux et tous emplacements où ont séjourné les animaux malades, ainsi que des objets qu'ils ont pu souiller.
ART. 5. — Il est interdit de hâter par effusion de sangla mort des animaux malades.
ART. 6. — Pendant toute la durée de la surveillance les animaux sains qui ont été exposés à la contagion ne peuvent être vendus que pour la boucherie.
Dans ce cas, il est délivré un laissez-passer qui est rapporté au maire dans le délai de cinq jours avec un certificat attestant que les animaux ont été abattus. Ce certificat est délivré par l'agent préposé à la police de l'abattoir ou par l'autorité locale dans les communes où il n'existe pas d'abattoir.
ART. 7. — Il est interdit pendant cette période de surveillance d'introduire dans les troupeaux, bergeries, écuries, pâturages, etc., infectés, de nouveaux animaux des espèces ovine et bovine s'il s'agit du Sang de rate ou Fièvre charbonneuse, ou de nouveaux animaux de l'espèce bovine s'il s'agit du Charbon symptomatique. Exception est faite pour les animaux qui ont été soumis à l'inoculation préventive.
ART. 8. —'Les propriétaires qui voudront mettre en œuvre l'inoculation préventive devront en faire préalablement la déclaration au maire de leur commune.
Un certificat du vétérinaire opérateur indiquant la date à laquelle l'inoculation a été terminée, le nombre e.t l'espèce des animaux inoculés, est remis au
maire immédiatement après l'opération. Le maire informe simultanément le préfet et le vétérinaire sanitaire de la circonscription; celui-ci, pendant une durée de quinze jours, non compris celui de la dernière opération, aura les animaux inoculés sous sa surveillance. Pendant la durée de cette surveillance il est interdit de se dessaisir des animaux inoculés pour aucune destination.
Art. 21. — La constatation du Charbon (Sang de rate, Fièvre charbonneuse) du Charbon symptomatique, de la tuberculose, du rouget ou de la pneumoentérite infectieuse dans des arrivages par terre ou par mer, entraine l'abatage des animaux malades. Les animaux qui ont été exposés à la contagion sont repoussés après avoir été marqués, à moins que le propriétaire ne consente à ce qu'ils soient sacrifiés sur place pour la boucherie.
ART. 22. — Lorsque le Charbon (Sang de rate, Fièvre charbonneuse), le Charbon symptomatique, est constaté sur un champ de foire ou un marché, les animaux malades sont mis en fourrière et séquestrés.
Pendant la durée de la séquestration, le propriétaire peut faire abattre ses animaux malades ; les cadavres sont enfouis ou livrés à l'atelier d'équarrissage. Le transport à l'atelier d'équarrissage a lieu sous la surveillance d'un gardien spécial. Les animaux qui ont été en contact avec les bêtes reconnues malades sont signalés au maire des communes où ils sont envoyés.
Désinfection. — Dans le cas de Fièvre charbonneuse, la désinfection doit être pratiquée d'après les règles de l'article 24 de l'arrêté ministériel du 12 mai 1883.
Aivr. 24. — lo Arrosage à fond. des litières, fumiers, et déjections avec la dilution d'essence de térébenthine ;
2° Enlèvement des litières et fumiers désinfectés, qui sont déposés dans une fosse spéciale, saupoudrés de chlorure de chaux et recouverts d'une épaisse couche de terre ;
3° Lavage du sol de l'étable ou de la bergerie avec le même liquide, après. l'enlèvement des litières et fumiers ;
4° Les cadavres des animaux morts de maladies charbonneuses (1) sont arrosés avec de l'essence de térébenthine ; les orifices naturels en sont baignés, et l'on prend les précautions nécessaires pour qu'il ne s'en échappe rien pendant le transport soit à la fosse d'enfouissement, soit à l'atelier d'équarrissage.
Enfouissement. Crémation. — L'article 14 de la loi du 21 juillet 1881 prescrit d'enfouir « avec la peau tailladée » les cadavres ou débris d'animaux morts du Charbon ou ayant été abattus comme atteints de ces maladies, et l'article 31 de la même loi punit « d'un emprisonnement de deux à six mois et d'une amende de 100 à 1000 francs, ceux qui, sans permission de l'autorité, auront déterré ou sciemment acheté des cadavres ou débris d'animaux abattus comme atteints de Charbon ».
U est à remarquer toutefois que les dispositions de l'article 44, relatives à l'enfouissement total des cadavres charbonneux, ne seront appliquées qu'autant qu'il ne sera pas possible d'envoyer lesdits cadavres « à un atelier d'équarrissage régulièrement auto-
(1) Ces mots ne s'appliquent qu'à la Fièvre charbonneuse, car pour le Charbon symptomatique, il faut d'autres désinfectants.
risé », car les procédés mis en usage dans les établissements de cette nature détruisent plus sûrement la virulence que l'enfouissement, tout en transformant en produits industriels des matières qui pourraient servir de véhicules à la contagion. — M. Nocard a cependant recueilli des faits de contagion du Charbon par l'épandage d'engrais composés de sang desséché ou de raclures de peaux provenant d'animaux charbonneux. Donc, l'utilisation des débris pour l'équarrissage ne doit être toléré qu'autant qu'ils seront soumis à une coction complète ou bien mélangés avec des agents chimiques (acides ou solutions métalliques concentrées) qui détruisent sûrement la virulence.
Lorsque les circonstances ne permettent pas de livrer à l'équarrisseur les cadavres charbonneux, il faut les enfouir à une profondeur de lm,50 au moins, et, pour prévenir les émanations qui se dégagent des cadavres, on a conseillé de les recouvrir de chaux vive ou de plâtre coaltaré, ou bien de mélanger à la terre des fosses d'autres substances vermicides comme le sulfure de carbone, par exemple, ou mieux l'essence de térébenthine, s'il s'agit du Charbon bactéridien, et les solutions de sublimé, de sulfate de cuivre ou d'acide phénique, si l'on a affaire au Charbon bactérien.
Mais « la démonstration étant faite de l'existence des spores de bactéridies au-dessus des fosses d'enfouissement et de l'aptitude de la terre à servir de milieu de culture pour les bactéridies, il faudrait substituer à l'enfouissement un procédé de destruction plus complet et plus rapide, comme par exemple, la crémation des cadavres tout entiers, la peau y comprise, à l'aide de fours banaux que l'on pourrait construire et entretenir à frais communs dans les pays où le Charbon sévit, et assez rapprochés les uns des autres pour que le trajet entre eux et les fermes ne constitue pas un trop long parcours. De préférence, on pourrait utiliser pour .cet usage les fours ambulants proposés par M. le Dr Kuborn et Jacques, ingénieur civil » (1). Cet appareil a été employé avec un plein succès en Allemagne pour incinérer les cadavres provenant d'animaux atteints de la peste bovine. Il présente les avantages suivants : incinération complète ; combustion parfaite des gaz et des miasmes ; fonctionnement facile et régulier de l'appareil ; construction et installation simples ; frais peu élevés. « La crémation conviendrait surtout pour les cas où le nombre des cadavres est si considérable que leur enfouissement peut devenir pour .la localité une condition d'infection qui se perpétue indéfiniment (2). »
(1) H. Bouley, Recueil de médecine vétérinaire, 1879, p. 103 1.
'2; Ibid., 1880, p. 1164.
Agents désinfectants. — Les recherches de Davaine, de M. Pasteur et celles de MM. Arloing, Cornevin et Thomas nous ont fait connaître le degré d'activité antivirulente des agents désinfectants, soit à l'égard de la bactéridie charbonneuse, soit en ce qui concerne le microbe du Charbon bactérien.
Ces recherches nous montrent la très grande vitalité des germes du Charbon et la nécessité d'employer des désinfectants très énergiques pour éteindre les foyers de cette maladie.
Il est à remarquer que certains agents qui ont été recommandés pour la destruction de la bactéridie charbonneuse, l'essence de térébenthine notamment, n'ont pas d'efficacité contre la bactérie du Charbon symptomatique. Il en serait de même du chlore, d'après d'anciennes expériences de Renault. Or les vapeurs chlorées détruisent le virus frais du Charbon symptomatique. L'acide sulfureux, que l'on a quelque tendance à considérer comme le meilleur désinfectant dans tous les cas, est sans action sur le microbe du Charbon bactérien. L'acide tannique, la chaux vive ne détruisent pas non plus le microbe dont il s'agit. Le sulfate de fer, le chlorure de manganèse, dont l'emploi a été recommandé pour la désinfection des fumiers, «laissent entière la virulence des débris charbonneux » (1).
Donc, les agents désinfectants qu'il convient d'employer varient suivant que l'on a affaire au Charbon bactéridien ou au Charbon bactérien. Toutefois, on devine que, dans l'un et l'autre cas, il conviendra de commencer la désinfection par l'enlèvement des litières, des fumiers, le lavage à grande eau, et spécialement à l'eau bouillante, du sol, des murs, etc., c'est-à-dire par les opérations préliminaires applicables à toute désinfection. Cependant lorsqu'il s'agit du Charbon, le sol de l'étable doit être l'objet d'uneattention toute particulière, surtout lorsqu'il est composé de matériaux très perméables, qui sont imprégnés et même infiltrés à une certaine profondeur par les matières excrémentitielles, par le sang que les animaux charbonneux expulsent au moment de la mort par la bouche, l'anus et les voies urinaires, ou bien que les. cadavres laissent échapper à mesure qu'ils se ballonnent, ce qui arrive très promptement dans le cas de Charbon. En pareille circonstance, il convient toujours de défoncer le sol à 25 ou 30 centimètres de profondeur et de remplacer la terre enlevée par de la terre nouvelle, seule ou mélangée de plâtre coaltaré.
Il faut maintenant examiner les agents désinfectants qu'il convient d'employer soit pour le Charbon bactéridien, soit pour le Charbon bactérien.
(1) Journal de médecine vétérinaire et de zootechnie, 1882, p. 28G.
1° Désinfectants à employer pour la Fièvre charbonneuse (Chm'bon bactéridien). — L'iode, les acides sulfurique, nitrique et chlorhydrique, le permanganate de potasse, la liqueur de Labarraque, l'acide phénique, tels sont, classés suivant leur activité, d'après Davaine, les désinfectants qui détruisent la bactéridie charbonneuse. De plus, suivant les recherches de M. Pasteur, l'essence de térébenthine tue la bactéridie charbonneuse et ses spores ; donc il convient de considérer cette substance comme le désinfectant spécifique du Charbon.
Bien que des recherches n'aient pas encore été faites en vue de déterminer l'action désinfectante de la chaux vive et de certains sels métalliques, on recommande cependant ces matières pour la désinfection des fumiers charbonneux. Ainsi, les solutions de sulfate de cuivre, de sulfate de fer, de chlorure de zinc, de nitrosulfate de zinc, sont conseillées pour cet usage. L'arrosement des fumiers et déblais de l'étable avec de l'acide sulfurique étendu d'eau dans la proportion de 10 p. 100 est un moyen économique et sûr.
Après leur désinfection, les fumiers doivent être laissés en tas isolés ou enfouis en terre, en ayant soin de creuser les fosses destinées à les recevoir dans des endroits où des animaux ne puissent pas pacager.
Le sol, les murs de l'étable, les râteliers, les mangeoires, doivent être badigeonnés avec l'essence de térébenthine.
2° Désinfectants à employer pour le Charbon symptomatique. — Les recherches de MM. Arloing, Cornevin et Thomas démontrent que les solutions de sublimé corrosif au 1 /5000, de nitrate d'argent au 1/1000, d'acide phénique au 1/200, de sulfate de cuivre au 1/5 et d'autres encore, détruisent le virus du Charbon symptomatique. La solution de permanganate de potasse au 1/20, l'acide oxalique en solution saturée, qui agissent sur le virus frais, n'exercent aucune action sur le virus desséché; tandis que les solutions précédentes, de même que les acides minéraux (borique, azotique, sulfurique, chlorhydrique) agissent dans l'un et l'autre cas. MM. Arloing, Cornevin et Thomas ont établi, par leurs recherches expérimentales, que la résistance du virus desséché est beaucoup plus considérable que celle du contage frais; toute substance capable de détruire l'activité du premier anéantit celle du second, tandis que l'inverse n'est pas vrai.
« La destruction du virus frais répandu sur le sol ou dans les étables peut se faire aisément ; on a le choix entre plusieurs agents, 'et notamment entre les acides phénique, salicylique, borique, le sulfate de cuivre, le sublimé et les vapeurs de chlore, de brome et même de sulfure de carbone. Celle du virus desséché présente plus de difficultés: dans ce cas, les vapeurs bromées offrent seules
une sécurité complète. Pour les lavages, si le sublimé n'était pas un agent aussi dangereux à manier, nous n'hésiterions point à lui accorder la préférence, mais son activité nous fait un devoir de recommander, si l'on en fait usage, de surveiller avec grand soin l'écoulement des eaux qui le tiennent en solution, afin qu'elles ne puissent amener d'intoxication. Les dissolutions de sulfate de cuivre, d'acide phénique à 2/100 ou d'acide salicylique au 1/1000 nous paraissent devoir être utilisées. » Telles sont les principales données qui résultent des recherches de MM. Arloing et Cornevin sur la destruction du microbe du Charbon symptomatique. Ajoutons que « quand la désinfection a été pratiquée consciencieusement, rien ne s'oppose à ce qu'on introduise des animaux dans l'étable quatre ou cinq jours après ».
CHAPITRE VIII
TUBERCULOSE
Synonymie : Phtisie tuberculeuse, Phtisie pulmonaire ou Pommelière. Toux. Pousse, etc.
Définition. — On désigne sous le nom de Tuberculose, une maladie contagieuse à marche lente, compatible avec les apparences de la santé, déterminée principalement par un microbe appelé bacille de Koch. Ce microbe donne naissance dans l'organisme à des granulations qui, en s'agglomérant, forment des masses plus ou moins volumineuses comparables à des tubercules végétaux, à des pommes de terre, d'où les noms de Tuberculose, de Pommelière, donnés à cette maladie. Il est à remarquer que la Tuberculose peut être déterminée sur les bêtes bovines par d'autres microbes qui ont été signalés par Toussaint en 1880 et récemment par M. Courmont.
Fréquence. — La Tuberculose est très fréquente chez les animaux de l'espèce bovine, notamment chez les vaches laitières. Elle se remarque aussi chez les bœufs de travail ; elle est susceptible de se transmettre à la plupart des espèces animales et l'on sait qu'elle n'est pas rare chez l'homme. C'est une contagion très répandue, et d'autant plus grave, d'autant plus dangereuse pour la santé publique qu'elle peut facilement passer inaperçue sous les apparences de santé que présentent souvent les bêtes bovines tuberculeuses. Le praticien ne saurait donc trop s'appliquer à reconnaître la Tuberculose, afin de prévenir la transmission de cette maladie à d'autres sujets et surtout à l'homme.
Symptômes. — Pour la facilité de l'étude, on reconnaît trois degrés dans l'évolution de la Tuberculose.
Premier degré. — Le premier symptôme qui donne l'éveil et suscite des craintes est une toux légère, un peu sifflante, sèche, qui se fait entendre parfois indistinctement le soir et le matin, avant ou après le repas. D'autres fois l'animal tousse en mangeant ou bien pendant les efforts de tirage. En comprimant la trachée à sa partie supérieure, on provoque également la toux. Au début, la peau n'est point sèche, ni plus adhérente que dans l'état normal: elle n'a point perdu de son brillant ni de sa souplesse et l'on ne constate pas, comme on l'a dit, de sensibilité exagérée dans la région du dos. Toutefois, il est quelques signes dont il faut tenir compte. Ainsi, les vaches phtisiques sont souvent taurelières, c'est-à-dire qu'elles entrent fréquemment en rut ; les bêtes de trait (bœufs ou vaches) s'essoufflent facilement pendant le travail. La percussion et l'auscultation de la poitrine ne fournissent à ce moment aucune indication précise : des tubercules peuvent être disséminés dans le parenchyme pulmonaire, même en assez grand nombre, sans qu'il soit possible d'en reconnaître l'existence en raison de leur situation profonde et de leur faible volume.
Tout au plus, dans quelques cas exceptionnels, quand les tubercules sont réunis en grand nombre sur un point rapproché de la surface externe du poumon, peut-on constater un peu de submatité et parfois un peu de douleur à la percussion, une diminution du murmure respiratoire, ou bien, dans d'autres points, une certaine rudesse du bruit vésiculaire, qui est sec et commerâpeux. Il ne faut donc pas demander à ce mode d'exploration de la poitrine plus qu'il ne peut donner et dire que l'on entend dans la Phtisie commençante soit « un souffle ou frottement bronchique », soit « du râle sibilant muqueux plus ou moins prononcé » (Lafosse), car cela est purement imaginaire.
Au début de la Phtisie, les bêtes peuvent encore s'engraisser, non point parce qu'elles sont phtisiques, comme on l'a cru pendant longtemps, mais bien quoique phtisiques, ce qui témoigne que les modifications fonctionnelles résultant du processus tuberculeux, à son premier stade, sont si peu prononcées qu'elles sont compatibles avec les apparences de la santé, de telle sorte qu'elles peuvent être facilement méconnues.
Deuxième degré. — Parvenue à ce degré, la Phtisie, se manifeste par des symptômes qui permettent de la reconnaître. Le poil est piqué; la peau, adhérente, sèche, et le pli que l'on forme en la tirant à soi s'efface lentement. La compression de l'épine dorsale fait éprouver à l'animal un malaise qu'indiquent les mouvements auxquels il se livre pour l'éviter ; elle provoque d'ailleurs
immédiatement une toux quinteuse, rauque, accompagnée parfois d'une sorte de sifflement. D'autres fois, la toux est grasse et l'animal rejette par les narines et même par la bouche des matières muco-purulentes, visqueuses, quelquefois mélangées de grumeaux blanchâtres. Ce jetage est le plus souvent inodore, ou bien il exhale une odeur fétide. La respiration est accélérée, courte, parfois entrecoupée, mais cela ne devient manifeste que quand l'animal a été exercé pendant quelques instants. La percussion et l'auscultation de la poitrine peuvent fournir des données utiles. Ainsi, lorsque les masses tuberculeuses atteignent un certain volume, celui d'une pomme, par exemple, et qu'elles occupent la partie moyenne et les couches superficielles du poumon, on peut, par la percussion, les délimiter, car elles donnent un son mat. — L'auscultation permet de constater, à ce degré de la maladie, un râle sibilant permanent, que l'on entend ordinairement un peu au-dessus du coude, et d'un seul côté. Ce bruit anormal est associé parfois avec du râle ronflant. — Je n'ai pas constaté de souffle tubaire, et sans nier que ce bruit puisse se produire, j'ai tout lieu de croire qu'il doit ètre fort rare. A ces symptômes, il faut ajouter ceux qui procèdent de l'appareil digestif et du système ganglionnaire. Ainsi l'appétit diminue, la rumination a lieu encore quand l'animal est en repos, mais elle ne s'effectue plus pendant qu'il travaille. De temps à autre, il se produit du météorisme, résultant de ce que les ganglions du médiastin, infiltrés de matière tuberculeuse, se transforment en tumeurs volumineuses et dures, qui entourent l'œsophage et le compriment plus ou moins fortement. La digestion se fait mal et une diarrhée généralement abondante se déclare. — L'animal maigrit, les muqueuses pâlissent, le pouls devient faible, tandis que les battements du cœur sont forts et tumultueux ; les ganglions lymphatiques (sous-maxillaires, rétro-pharyngiens, pré-pectoraux, inguinaux et du flanc) se transforment parfois en tumeurs bosselées, dures, du volume d'un œuf de poule ou d'une petite pomme. Ce sont principalement les ganglions sous-maxillaires qui éprouvent cette hypertrophie.
La sécrétion laclée diminue notablement et le lait devient séreux, bleuâtre ; toutefois il est des vaches chez lesquelles la qualité du lait n'est pas sensiblement modifiée par le processus tuberculeux.
Troisième degré. — A mesure que la maladie progresse et se généralise, les animaux maigrissent de plus en plus, la peau est collée aux os, le poil terne ; le facies exprime la tristesse, l'abattement ; les yeux, larmoyants et chassieux, sont enfoncés dans les orbites. Un jetage jaunâtre, grumeleux, à odeur cadavérique,
s^écoule par les narines, et l'animal est tellement affaibli qu'il ne cherche pas à l'enlever avec sa langue, comme il le faisait auparavant. Quand l'animal est debout, il tient les coudes écartés du thorax, comme pour faciliter les mouvements respiratoires< qui sont précipités, courts et saccadés ; la respiration est parfois ronflante. La toux est fréquente, faible, traînée, quinteuse ; dès qu'on comprime la région dorsale en arrière du garrot, les animaux s'affaissent en quelque sorte sur eux-mêmes, et d'interminables quintes de toux se produisent et ébranlent tout le corps. La percussion du thorax produit, en certains points, un son mat; ailleurs, il y a résonance exagérée et même tympanique, quand de vastes cavernes se trouvent situées au voisinage des parois pectorales, comme je l'ai observé. En pareil cas, l'auscultation permet de constater du râle caverneux.
Quand la Phtisie est parvenue au troisième degré, l'appétit est à peu près nul et la digestion déplus en plus pénible, comme le prouvent de fréquentes météorisations, une diarrhée persistante et telle que la région génito-anale est constamment salie par les matières excrémentitielles. L'animal est réduit ainsi au dernier état de maigreur ; il peut à peine se tenir debout, et il meurt presque sans efforts et sans convulsions d'aucune sorte.
Marche. Durée. Terminaisons. — La Tuberculose est une maladie à marche lente, qui peut exister depuis des semaines et des mois sans déterminer des troubles fonctionnels appréciables. Lorsque les animaux sont placés dans de bonnes conditions hygiéniques, la maladie progresse avec une grande lenteur. Ainsi, [il n'est pas rare de voir des bœufs d'attelage, de race gasconne, atteindre l'âge de douze ou quatorze ans quoique affectés de Phtisie depuis sept ou huit ans.] Il peut même arriver que la maladie passe .complètement inaperçue du vivant de l'animal et ne soit reconnue qu'à l'autopsie. On voit souvent, dans les abattoirs, des bœufs ou des vaches en très bon état de chair et dont les poumons. sont parsemés de tubercules.
Si les animaux sont mal nourris, épuisés par une lactation abondante et prolongée, la maladie s'aggrave brusquement et la mort survient en peu de temps, attendu que, dans ces circonstances, de sérieuses complications prennent naissance, notamment une infection générale ou septicémique, accusée par la fétidité de l'air expiré, la petitesse du pouls, l'accélération de la respiration, et un très grand abattement.
La Phtisie tuberculeuse est une maladie incurable et, si les sujets ne sont pas sacrifiés avant qu'elle parvienne à son second et surtout à son troisième degré, on ne peut plus les remettre en -état de graisse et ils n'ont à peu près aucune valeur.
Anatomie pathologique. — Nous décrirons d'abord les lésions que l'on constate à l'œil nu, en admettant que la Tuberculose ait parcouru toutes ses phases ; puis nous ferons connaître la structure anatomique de la granulation tuberculeuse, sa composition histologique, et nous serons conduit de la sorte à étudier les effets des néoplasmes tuberculeux sur les tissus de l'économie.
1° Lésions visibles à l'œil nu. — Nous allons les exposer en admettant que la maladie soit bien confirmée et parvenue, par exemple, au second degré.
APPAREIL RESPIRATOIRE. — Poumons, bronches et trachée. —Les poumons ne s'affaissent pas ou ne s'affaissent qu'incomplètement au contact de l'air; ils sont bosselés, compacts, denses, et atteignent parfois le poids de 25, 30 et même 39 kilogrammes; leur surface est parsemée de productions jaunâtres, arrondies, d'aspect perlé, et de fausses membranes tuberculeuses. La couleur du poumon n'est pas la même dans toutes les parties de sa surface extérieure. On voit çà et là, principalement en avant, des lobules de teinte rouge violacée, dans lesquels on aperçoit, par transparence de la plèvre, une multitude de granulations grisâtres ou jaunâtres, de la grosseur d'une tête d'épingle, et qui ne sont autre chose que des tubercules.
Si l'on pratique de larges et profondes coupes dans le poumon, on découvre des masses jaunâtres, arrondies ou ovoïdes, du volume d'une noix à celui d'une grosse pomme de terre et même plus, disséminées dans le parenchyme pulmonaire, dont il ne reste parfois que quelques vestiges. Ces masses, généralement plus abondantes et plus volumineuses dans les parties postérieure et moyenne du poumon que dans les parties antérieures, représentent des espèces de tumeurs ayant un contenant et un contenu. Le contenant est formé par une sorte de coque fibreuse, souvent infiltrée de granulations tuberculeuses ; le contenu est une matière jaunâtre, entremêlée de grains calcaires, dure et ferme dans les petites masses, et d'une consistance analogue à celle d'un mortier plus ou moins épais, dans les grosses masses tuberculeuses, que l'on désigne sous le nom de cavernes (fig. 24). Dans celles-ci, cette matière baigne quelquefois dans du pus, et ce liquide s'écoule en abondance quand on les incise. Sur une vache, en assez bon état de chair, sacrifiée à l'abattoir de Toulouse, nous avons constaté la présence d'une caverne pulmonaire qui ne contenait pas moins d'un litre de pus. Tantôt le contenu de la caverne est inodore, tantôt il exhale une odeur fétide; dans ce dernier cas, cette cavité communiquait avec l'atmosphère par une bronche. Les parois internes des cavernes sont plus ou moins anfractueuses, bourgeonnantes; on y constate parfois des brides
s'étendant d'un côté à l'autre et qui ne sont autre chose que des rameaux bronchiques, des vaisseaux ou des nerfs, qui, protégés par une sorte d'enveloppe de bourgeons charnu?, ont résisté au travail destructeur, provoqué et entretenu par la diathèse tuberculeuse.
Parfois même on a constaté, au sein du parenchyme pulmonaire, des altérations que l'on rencontre également dans la péripneumonie contagieuse, et qui consistent dans l'enkystement de la partie malade par une membrane à parois dures et résistantes, formant une poche parfaitement close, dans laquelle on
Fig. 24. — Tuberculose bovine.
du poumon chez une vache phtisique. — C. Caverne pulmonaire à demi Coupe transversale matière caséeuse du M.
remplie de matière
trouve une portion mortifiée du tissu pulmonaire, constituant cette lésion que l'on désigne sous le nom de séquestre, en raison de son isolement des autres parties du poumon. Il est des séquestres pulmonaires qui n'ont que la grosseur d'un œuf de poule, d'autres atteignent le volume du poing.
On trouve constamment dans le poumon des bêtes bovines phtisiques, des granulations tuberculeuses disséminées dans le parenchyme pulmonaire, qui en est comme infiltré, surtout dans les parties antérieures. Tantôt le tissu qui entoure ces granulations est encore perméable à l'air, et présente une teinte rosée; tantôt il a une couleur rouge foncé et offre, en un mot, tous les caractères du tissu pulmonaire hépatisé ; d'autres fois, les granulations sont disséminées dans une sorte de gangue fibreuse, principalement
au voisipage des cavernes, où le tissu pulmonaire a éprouvé la sclérose. Ces granulations sont, les unes, de couleur grisâtre et à peine grosses comme une tête d'épingle; les autres, du volume d'un pois, sont jaunâtres. En examinant attentivement ces dernières, on voit qu'elles ont un aspect mamelonné indiquant qu'elles sont constituées par l'agglomération de fines granulations élémentaires ou tubercules proprement dits, que nous décrirons plus loin. Ces productions de la grosseur d'un pois ou d'une lentille, que beaucoup d'auteurs ont confondues avec la granulation tuberculeuse elle-même, ne sont autre chose que des conglomérats de tubercules; il en est de même, et à plus forte raison, de ces masses qui atteignent le volume d'une pomme; du reste, à la consistance près, le contenu des unes et des autres est identique : c'est toujours cette même matière jaunâtre, imprégnée de parties calcaires, indiquant que les éléments anatomiques du tissu altéré ont éprouvé la dégénérescence caséeuse et la calcification. Toutefois, tandis que le contenu des petites productions tuberculeuses est ferme et consistant (tubercule cru des anciens), celui des masses volumineuses est de consistance plus ou moins molle, comme il a été dit ci-dessus (tubercule ramolli).
Les bronches présentent généralement les lésions d'une inflammation chronique des plus évidentes. Ainsi, la muqueuse est recouverte par un enduit muco-purulent, jaunâtre, visqueux, à odeur fade ou quelquefois fétide; elle est épaissie, blanchâtre, ridée, et, en passant le doigt à sa surface, on y sent de petites élevures ou granulations tuberculeuses, qui se sont développées soit dans le chorion de la muqueuse, soit dans le tissu conjonctif sous-muqueux. Ces granulations sont très fines, nettement arrondies, de couleur grise ou jaune ; elles sont isolées ou confluentes, et, dans ce dernier cas, elles forment de petits amas lenticulaires qui soulèvent bien manifestement la muqueuse. Celle-ci présente parfois des ulcérations arrondies ou ellipsoïdes, de la largeur d'une lentille ou même d'une pièce de cinquante centimes, à bords plus ou moins réguliers, mais toujours saillants et infiltrés de granulations tuberculeuses, à fond rougeâtre, sur lequel se dessinent çà et là de petits îlots de matière caséeuse jaunâtre.
Le tissu conjonctif péri-bronchique est parsemé, et souvent comme farci, de productions tuberculeuses, qui semblent s'être .développées autour des bronches comme autour d'un axe central.
Par suite, les tuyaux bronchiques se déforment; les néoplasmes tuberculeux qui se développent à leur périphérie les compriment et les rétrécissent à tel point que, finalement, ils se transforment .encordons fibreux, qui ne peuvent plus donner passage à l'air.
C'est ainsi que bon nombre de rameaux et surtout de ramuscules
bronchiques sont envahis, puis détruits par les granulations tuberculeuses qui les enserrent de toutes parts. Les bronches de fort calibre présentent parfois çà et là des rétrécissements alternant avec des dilatations ampullaires, qui leur donnent un aspect moniliforme; parfois, ces dilatations atteignent plusieurs centimètres de diamètre; leurs parois forment des diverticules plus ou moins nombreux; ce sont, en un mot, des cavernes bronchiques contenant seulement une matière muco-purulente, visqueuse, semblable à celle que l'on trouve dans les autres parties des bronches et qui forme le jetage.
La trachée offre des altérations analogues à celles des bronches ; on y trouve des granulations sous-muqueuses, isolées, confluentes, et des ulcérations, ordinairement plus étendues que celles qui se développent dans les bronches.
Ces ulcérations, que nous avons fréquemment rencontrées dans la trachée de bètes phtisiques, intéressent toute l'épaisseur de la muqueuse, et semblent plus nombreuses, plus confluentes dans les parties inférieures de cet organe.
Plèvres. —Elles sont tapissées de granulations jaunâtres, plus
Fig. 25. — Tuberculose bovine.
Productions tuberculeuses de la plèvre costale chez une vache phtisique.
ou moins nombreuses, isolées ou confluentes, et constituant alors • des amas de formes très variées. Tantôt ces amas s'étalent, pour
-ainsi dire, à la surface interne des parois thoraciques ; tantôt ce sont des tumeurs mamelonnées, allongées, en forme de grappes (fig. 25). Ainsi, sur la plèvre, costale les granulations sont quelquefois suspendues aux bords de fausses membranes, qui établissent des adhérences intimes avec la plèvre pulmonaire. La plèvre diaphragmatique est parsemée de granulations tuberculeuses en îlots irréguliers et de fausses membranes tuberculeuses unissant la face antérieure du diaphragme et la base du poumon. La plèvre médiastine est également tapissée par des productions tuberculeuses, surtout abondantes dans le médiastin postérieur, où elles forment des grappes qui semblent appendues au plafond de la cavité t.horacique. Enfin la plèvre pulmonaire est souvent criblée d'amas tuberculeux étalés à sa surface, et l'on y voit des vestiges de brides pleurétiques tapissées de "petites masses tuberculeuses.
APPAREIL CIRCULATOIRE. — Cœur et péricarde. — Des masses tuberculeuses peuvent se déposer entre les feuillets du péricarde et former ainsi une sorte de cuirasse épaisse, ou de coque, dans aquelle le cœur est inclus (fig. 26). Il n'est pas rare que le péricarde présente des granulations tuberculeuses à sa surface. Dans quelques'cas, des adhérences s'établissent entre le lobe gauche du poumon et la surface extérieure du cœur au moyen de fausses membranes plus ou moins chargées d'amas tuberculeux. Nous n'avons jamais trouvé de tubercules dans l'endocarde — ce qui indique au moins la rareté de cette lésion — quoi qu'on en ait dit. Nous n'avons jamais vu non plus de tubercules dans les parois du cœur.
SYSTÈME LYMPHATIQUE. — Les ganglions du- médiastin postérieur, les ganglions bronchiques, mésentériques, pharyngiens, sont souvent hypertrophiés, bosselés, complètement infiltrés de granulations tuberculeuses ; le tissu conjonctif péri-ganglionnaire est également le siège d'une infiltration de même nature. Ce sont surtout les ganglions du médiastin postérieur et parfois les ganglions mésentériques qui présentent l'hypertrophie la plus prononcée et la dégénérescence tuberculeuse la plus avancée. En augmentant de volume, les ganglions du médiastin postérieur compriment l'œsophage et produisent des météorisations rebelles. — Quand on incise ces ganglions tuberculeux, on constate que leur tissu est plus ou moins complètement transformé en une matière jaunâtre, caséeuse. Parfois cetle matière forme seulement des îlots plus ou moins sinueux, dont la couleur jaunâtre tranche sur le fond gris du tissu ganglionnaire sain. On rencontre quelquefois aussi des altérations tuberculeuses dans les ganglions inguinaux et intramusculaires.
APPAREIL DIGESTIF. — On a signalé des tubercules dans l'épais-
seur de la langue, la muqueuse pharyngienne, la muqueuse œsophagienne, la caillette : nous n'en avons jamais rencontré. Mais nous en avons vu, dans quelques cas de Phtisie très avancée, dans la muqueuse de l'intestin grêle. 1^ous avons également constaté des ulcérations tuberculeuses intéressant toute l'épaisseur de la muqueuse. Lorsque ces ulcérations sont isolées, elles sont
Fig. 26. — Péricardite tuberculeuse chez un bœuf agenais, âgé de trois ans.
petites, nettement arrondies, à bords saillants et à fond rougeâtre; quand elles sont confluentes, elles forment des solutions de continuité de forme irrégulière, à bords déchiquetés, taillés à pic, à fond granuleux. On rencontre parfois ces lésions sur la muqueuse cœcale; toutefois elles sont beaucoup moins nombreuses et beaucoup moins étendues que sur la muqueuse de l'intestin grêle. Le foie est parsemé de granulations tuberculeuses situées soit à sa superficie,, soit dans ses couches profondes. Ces granulations forment parfois en se fusionnant des amas du volume d'un œuf
de dinde, même d'une grosse orange ; elles paraissent avoir une grande tendance à se ramollir promptement et à se transformer en abcès tuberculeux. Les masses tuberculeuses du foie peuvent être très nombreuses : le foie est alors bosselé, hypertrophié, et il peut atteindre le poids de 39 kilogrammes. La rate, chezlesbêtesbovines, est rarement atteinte par le processus tuberculeux ; quand il en est autrement, elle offre des altérations semblables à celles du foie.
Le péritoine est souvent tapissé par des granulations tuberculeuses, qui s'étendent en îlots irréguliers sur le mésentère, l'épiploon, la face postérieure du diaphragme.
ApPAREIL GÉNITO-URINAIRE. — Les reins n'offrent généralement aucune altération bien manifeste. Il en est de même des ovaires. Sur une vache atteinte de phtisie arrivée au troisième degré, nous avons trouvé des granulations tuberculeuses dans l'épaisseur de la muqueuse des cornes utérines. Ces granulations avaient éprouvé pour la plupart la dégénérescence caséeuse, de telle sorte que la muqueuse était recouverte d'une matière épaisse puriforme, mélangée de détritus jaunâtres, caséeux. Les mamelles peuvent aussi contenir des tubercules, cependant cela n'est pas aussi fréquent qu'on parait le croire.
Os. — Nous avons constaté sur un bœuf phtisique, sacrifié à l'abattoir de Toulouse, des productions tuberculeuses ramollies, qui s'étaient développées dans le tissu spongieux de l'extrémité inférieure de la quatrième côte sternale; sur un autre bœuf phtisique, nous avons trouvé la première pièce du sternum complètement infiltrée de matière tuberculeuse ramollie.
MUSCLES. — Le développement des tubercules dans les muscles eux-mêmes est chose fort rare. M. Van Hertzen, inspecteur de l'abattoir de Bruxelles, en a cependant observé un exemple, à l'autopsie d'un taureau, qui présentait également des productions tuberculeuses dans le tissu cellulaire sous-cutané.
ARTICULATIONS. —Ontrouve parfois dans les articulations, notamment dans celles du genou, des lésions tuberculeuses disséminées sur les synoviales. ; l : .... - 2° Structure et mode d'évolution du tubercule. — Étudiée sur une membrane séreuse, la granulation tuberculeuse est arrondiei assez nettement circonscrite, du diamètre d'un vingtième de. millimètre à deux millimètres au maximum ; elle fait sailliela surface des tissus et s'accuse par un relief sensible au toucher. Dans les premiers temps de sa naissance, cette granulation est: légèrement rosée (tubercule naissant ou embryonnaire) ; puis elle devient grise et demi-transparente (tubercule adulte) et acquiert un© certaine dureté ; plus tard elle devient d'un gris jaunâtre, et finalement tout à fait jaune (tubercule vieux ou mort).
L'examen microscopique en révèle la structure. Une coupe passant par le centre montre la granulation tuberculeuse adulte, formée de deux parties, l'une extérieure, zone périphérique, qui est grisâtre et assez transparente, l'autre intérieure, partie centrale, qui est jaunâtre et opaque. La zone périphérique est constituée par un tissu formé de cellules embryonnaires, mesurant de omm,004 à omm,010, rondes ou ovales, plus ou moins pressées les unes contre les autres et séparées par une matière amorphe ou vaguement fibrillaire.
La zone centrale est formée par une masse granuleuse plus ou moins opaque, au milieu de laquelle on voit une ou plusieurs
Fig. 27. Follicule de Kôster. (Demi-schématique.)
l, cellule géante avec des bacilles dans son protoplasma; 2, sa ceinture de noyaux; 3, zonede cellules épithélioïdes 4, zone de cellules embryonnaires S, zone périphérique où les cellules embryonnaires sont associées aux éléments du tissu conjonetif (Gr. 500 D.) (Leçons sur la Tuberculose, par S. Arloing, p. 87, fig. 4).
cellules géantes contenant ordinairement des bacilles de Koch en quantité plus ou moins considérable.
Il est à remarquer que chacune de ces cellules géantes forme le centre de ce que l 'on appelle le follicule <M&er -culeux ou follicule de Kôster, qui constitue la lésion primordiale produite par le bacille de Koch. Nous en empruntons la description à M. Arloing, ainsi que la figure qui le représente (fig. 27).
« Le follicule tuberculeux élémentaire se compose de trois sortes d éléments cellulaires : 1° au centre, une cellule géante constituée par un protoplasma granuleux et une couronne de gros noyaux plus au moins régulièrement disposés ; 2° une zone de cellules épithélioïdes, polyédriques, à gros noyaux ressemblant à des cellules d'épithélium sans avoir la même origine, et formant une ou plusieurs couches rayonnantes autour de la cellule géante ; 3° une zone de cellules embryonnaires, presque uniquement formées de leurs noyaux asso-
ciés plus ou moins au tissu conjonctif normal ambiant (Voy. fig. 27).
» Tous les histologistes sont unanimes à reconnaître les relations intimes de ces follicules de KÕster avec les vaisseaux. Les follicules commencent à l'intérieur de ces derniers, probablement aux dépens d'une cellule endothéliale. M. H. Martin a beaucoup insisté sur ce point. Pour lui, les follicules tuberculeux débutent par une sorte d'endovascularite. Il admet donc que la cause agit à la face interne des vaisseaux et que ce point de départ ressemble beaucoup à celui de l'inflammation. »
Mode d'évolution. — La granulation tuberculeuse passe d'abord par l'état jeune ou embryonnaire, pendant lequel ses éléments bien distincts n'ont pas encore subi le commencement de dégénérescence graisseuse et d'infiltration calcaire qui signale l'état adulte. Celui-ci est accusé, chez les bêtes bovines, par une calcification et une dégénérescence graisseuse de plus en plus prononcées, en raison de l'oblitération vasculaire produite par le développement progressif de la granulation tuberculeuse. Ces dégénérescences, graisseuse et calcaire, qui débutent par le centre et qui atteignent à la fois la matière amorphe et les éléments cellulaires, donnent une coloration jaunâtre de plus en plus prononcée à toute la masse, qui acquiert, en même temps, une grande dureté. Plus tard ce tubercule éprouve diverses transformations. Tantôt, il se ramollit graduellement du centre vers la circonférence par suite de la liquéfaction de la matière amorphe et de la destruction, par voie de dégénérescence graisseuse, des éléments anatomiques, qui, en dernière analyse, sont réduits à un détritus d'aspect caséeux; tantôt, il conserve une consistance comme fibreuse, et, dans ce cas, il est formé d'une sorte d'enveloppe conjonctive blanchâtre, résultant de l'organisation des cellules embryonnaires de la périphérie et circonscrivant un noyau de matière jaunâtre, qui finit par disparaître peu à peu par la formation de nouvelles couches conjonctives. Cette terminaison est, chez les bêtes bovines, moins commune que la dégénérescence caséeuse et surtout que la calcification.
3° Effets produits sur les tissus par le processus tuberculeux. — Quel que soit l'arrangement suivant lequel se disposent les granulations tuberculeuses, qu'elles s'agglomèrent, se réunissent et se fusionnent pour former des masses de volume variable mais nettement circonscrites, ou bien qu'elles infiltrent tout un lobe pulmonaire, elles déterminent toujours une inflammation qui, semblable en cela à toutes les inflammations, peut amener la destruction des tissus (inflammations dégénératives) ou bien l'apparition de nouveaux éléments (inflammations plastiques). Les premières aboutissent à la dégénérescence caséeuse et à la suppuration; les secondes ont pour résultat la production de tissu conjonctif nouveau.
Parmi les inflammations dégénératives engendrées par le processus tuberculeux, les inflammations caséeuses méritent d'être citées en premier lieu, en raison de leur prédominance. Elles se manifestent sur les muqueuses et dans les parenchymes; on les rencontre aussi dans les os et sur les séreuses. Le poumon et le foie en sont très fréquemment le siège. Sur les muqueuses, elles se présentent sous forme de petits foyers développés autour de granulations tuberculeuses; ces foyers se colorent bientôt en jaune, puis se désagrègent, et finalement il en résulte un ulcère arrondi à bords saillants et irréguliers. Dans le poumon, les inflammations caséeuses n'intéressent parfois qu'un seul lobule, ou bien le plus souvent plusieurs lobules isolés les uns des autres ; d'autres fois, elles envahissent la moitié ou la totalité d'un lobe. Dans tous les cas, les vaisseaux sanguins sont oblitérés dans les foyers caséeux comme dans les granulations tuberculeuses, et les lymphatiques du voisinage forment des cordons noueux.
Les inflammations purulentes s'établissent généralement autour des foyers caséeux en voie d'élimination. C'est ainsi que, dans le poumon, quand des cavernes vont se produire, la suppuration apparaît dans le sillon qui sépare la partie'caséifiée du tissu sain. La suppuration se montre encore à la surface des ulcères résultant de l'élimination des produits tuberculeux.
Les inflammations plastiques amènent deux sortes de lésions. Souvent elles forment des coques, véritables membranes kystiques, qui entourent des foyers de granulations tuberculeuses, ou des pertes de substance consécutives à la dégénérescence caséeuse ; ,elles isolent pour ainsi dire ces produits, et semblent favoriser leur transformation calcaire. Parfois, ces inflammations plastiques, au lieu de se limiter ainsi autour des lésions tuberculeuses, envahissent une grande partie d'un organe, notamment le poumon, ■qui est transformé par places en une masse grisâtre, dure, sorte :de gangue fibreuse, dans laquelle on rencontre des granulations .tuberculeuses en plus ou moins grand nombre.
En résumé, le processus tuberculeux évolue par poussées suc-cessives; il donne lieu à la formation de productions nodulaires proliférantes : c'est, en un mot, une prolifération nodulaire déterminée principalement par le. bacille de Koch.
Contagion. — Il y a lieu d'étudier successivement la contagion expérimentale et la contagion naturelle ou spontanée.
CONTAGION EXPÉRIMENTALE. — C'est à un médecin français, le docteur Villemin, que revient l'honneur d'avoir démontré que la Tuberculose est une maladie inoculable.
Les expériences de M. Villemin datent de 1865 et elles ont eu un grand retentissement dans le monde médical. Puis M. Chau-
veau a établi, d'une manière péremptoire, la transmissibilité de la Tuberculose par les voies digestives, par des expériences faites sur des animaux de l'espèce bovine. M. Saint-Cyr a fait également des recherches expérimentales dont les résultats sont en parfaite concordance avec ceux de M. Chauveau. De plus, dès 1872, M. Chauveau faisait remarquer « que la partie infectante de la matière tuberculeuse se présentait sous la forme de particules solides extrêmement ténues » (1).
D'autre part, les travaux de M. Pasteur portaient aussi à penser que le virus tuberculeux est constitué par des micro-organismes. Or, dès les premiers mois de l'année 1880, notre regretté collègue et ami H. Toussaint avait trouvé dans le sang et la pulpe des ganglions pharyngiens pulmonaires et intestinaux d'une vache et d'une truie tuberculeuses, un microbe qu'il a pu isoler et cultiver d'après la méthode de M. Pasteur. La culture ainsi obtenue possédait la virulence tuberculeuse ; toutefois, dans les tissus d'animaux rendus tuberculeux par l'injection de cette culture, on ne trouvait pas le microbe décrit par Toussaint, mais bien celui qui a été découvert en 1882 par Robert Koch et que l'on appelle le bacille de Koch, le bacille de la Tuberculose (Bacillus tuberculosis).
Les bacilles de la Tuberculose sont « des bâtonnets de 3 à 4 (i de longueur en moyenne, sur 0 (x, 3 à 0 (1., 5 de largeur. Leur longueur, plus variable que leur largeur, oscille de 2 à 6 [a. Leur diamètre transversal est habituellement uniforme suivant toute leur longueur; ils ne sont généralement pas renflés à leurs extrémités. Ils sont constitués tantôt par un bâtonnet homogène, tantôt par de petits grains ovoïdes ou arrondis, placés bout à bout. Ils sont immobiles et difficiles à voir sans réactif colorant. (Cornil et Babès).
On les trouve dans toutes les productions tuberculeuses : granulations, matière caséeuse, pulpe ganglionnaire. On les rencontre aussi dans le jetage nasal, dans l'écoulement vaginal de certaines vaches phtisiques, dans le lait et ses produits, crème, beurre, fromage (Bang, Galtier), le pus, les matières excrémentitielles, et parfois dans le sang et les muscles où l'on tend à admettre qu'ils n'existent que passagèrement (Nocard). Quoi qu'il en soit, tous les produits qui contiennent le bacille de Koch sont virulents. Ceci a été péremptoirement démontré par Koch luimême, puis par d'autres expérimentateurs.
Pour cela, on a isolé le bacille par la culture sur milieu solide. et l'on a obtenu la Tuberculose par l'inoculation de cette culture pure. On sait aujourd'hui, grâce aux recherches de MM. Nocard et Roux, que le meilleur milieu de culture du bacille de Koch, est celui que l'on obtient en additionnant le sérum sanguin, la gélose
(1) S. Arloing, les Virus. Paris, 1891.
ou le bouillon des substances suivantes : peptone, 1 p. 100; glycérine, 6 p. 100; glycose, 2 p. 100 (1).
L'emploi de ce liquide de culture a réalisé un grand progrès dans l'étude du bacille de Koch en simplifiant la technique des cultures de ce microbe et en permettant ainsi d'en faire une étude approfondie.
Ce bacille est aérobie et très résistant. Ainsi il faut une température de 85° maintenue pendant cinq minutes pour le détruire dans le lait (Bang). Il résiste à l'ac tion du froid : des fragments d'organes tuberculeux conservent leur virulence alors que la température s'abaisse à — 70, — 8°, — 9° (Galtier. — Cadéac et Malet). La putréfaction ne le détruit pas non plus. Il conserve également sa virulence lorsqu'il est exposé à l'action de l'air pendant quatrevingts, cent et même cent cinquante et cent soixante-huit jours (Cadéac et Malet). Il se conserve dans l'eau pendant huit, quinze, dix-sept, vingt, vingt-cinq jours. On le trouve aussi dans les lombrics qui vivent dans les terres où l'on a enfoui des débris cadavériques tuberculeux. [Lortet et Despeignes (2).] En un mot, c'est un des bacilles les plus résistants aux causes ordinaires de destruction des germes.
Parmi les agents antiseptiques, il en est qui n'empêchent point la culture du bacille de la Tuberculose, comme, par exemple, le biborate de soude, le chloral ; d'autres qui la ralentissent ; tels sont notamment l'acide arsénieux, l'acide sulfureux, la créosote, l'iodoforme, le salol, le sulfate d'alumine; enfin il est des substances qui stérilisent complètement les cultures, telles sont entre autres : l'acide hydro-fluosilicique, l'ammoniaque, le polysulfure de potassium, le silicate de soude. Le sublimé corrosif au centième détruit la virulence du « suc tuberculeux humain » après vingt heures de contact (Arloing).
On peut transmettre la Tuberculose de diverses manières : injection sous-cutanée ou intra-péritonéale, injection intra-veineuse, inoculation dans la chambre antérieure de l'œil, injection par les voies digestives, inhalations de matières tuberculeuses ou injections intra-trachéales de ces matières.
Les diverses espèces animales réagissent de façon différente lorsqu'on leur inocule la Tuberculose. C'est chez le cobaye que la maladie évolue avec le plus de facilité ; aussi considère-t-on cet animal comme l'un des meilleurs réactifs de la Tuberculose.
Les animaux de l'espèce bovine peuvent contracter cette maladie lorsqu'on leur fait ingérer de la matière tuberculeuse, comme
(1) Pour les cultures du bacille de Koch, voir Précis de microbie médicale et vétérinaire. H. Thoinot et Masselin. Paris, 1889.
(2) Lyon médical, n° du 31 janvier 1892, p. 157.
le démontrent les expériences de M. Chauveau. Ainsi, sur onze animaux de l'espèce bovine dont quelques-uns ont pris « jusqu'à quatre fois en quinze jours de grandes quantités de matières tuberculeuses (50 à 100 grammes chaque fois) », et « d'autres n'en ont pris qu'une fois en petite quantité », aucun n'a échappé à l'infection. « Elle s'est traduite chez tous par des lésions trouvées à l'autopsie, légères chez les uns et chez les autres véritablement épouvantables (1). »
Parmi les matières dont l'ingestion est susceptible de transmettre la Tuberculose, le lait et la viande des bêtes bovines tuberculeuses, qui peuvent entrer dans l'alimentation de l'homme, ont été par cela même l'objet de nombreuses recherches expérimentales et leur virulence a été vivement discutée, car il s'agit d'une question qui intéresse à un haut degré la santé publique, en raison de la fréquence de la Tuberculose humaine, et qui touche aussi à des intérêts commerciaux importants. — Le cadre de cet ouvrage ne nous permet pas de reproduire ou seulement d'analyser tous ces travaux : nous devons nous contenter d'en signaler les résultats principaux et cela suffira, nous l'espérons du moins, pour que le praticien puisse émettre sur ces délicates questions, une opinion motivée.
Virulence tlu lait. — Le lait d'une vache tuberculeuse, ingéré tel qu'il sort de la mamelle, est susceptible de transmettre la maladie au veau, au porc, au lapin, au cobaye (expériences de Gerlach, Klebs, Peuch, Bang, Martin, etc.). Or la Tuberculose bovine et la Tuberculose humaine étant déterminées par le même bacille, il en résulte.que cette affection est susceptible de se transmettre aux sujets de notre espèce par l'usage du lait. Ce danger peut être sûrement prévenu en faisant bouillir ce liquide. Il résulte en effet des recherches de Bang, de Copenhague, qu'une température de 85° est suffisante pour rendre le lait complètement inoffensif. Voici un passage de la note que M. Bang a communiquée au premier Congrès pour l'étude de la Tuberculose (1888), où se trouvent résumées les recherches de ce savant sur ce sujet:
« D'après mes premières expériences, je croyais avoir trouvé que réchauffement jusqu'à 70 ou 720 suffisait pour la destruction complète du virus, mais comme ce résultat se montrait inconstant, j'ai répété les expériences plusieurs fois sur bon nombre de lapins. Or, dans deux séries d'expériences, le lait tuberculeux chauffé à 80°, produisit la Tuberculose par inoculation, mais non dans deux autres. L'échauffement à 85° fut employé dans trois séries, et le lait exposé à cette chaleur se trouva toujours inoffensif. Dans deux séries, j'ai examiné l'influence de la coction qui suffisait, cela va sans dire, pour la destruction du virus.
(1) Recueil de méd. vét., 18 12, p. -34 1.
» L'affaiblissement du virus sous l'influence des degrés de température entre 60 et 75° se montra d'une façon très nette par des expériences d'alimentaticon (sur dix-huit lapins) dont deux séries eurent une durée de quelques jours, uno troisième celle de trente mois. Six lapins qui burent le lait tuberculeux cru devinrent tous tuberculeux (quatre au plus haut degré). Deux burent le même lait chauffé à 60°, deux le prirent à 65o; de ces quatre, deux seulement (un de chaque section) montrèrent des traces très légères de l'infection. Six lqpins qui le burent chauffé à 70°, et deux à 75°, ne montrèrent pas la moindre trace de la maladie.
» J'ai fait de pareilles expériences avec huit cochons dans deux séries. Ici le résultat fut moins démonstratif. Les quatre cochons nourris de lait tuberculeux cru devinrent évidemment tuberculeux, mais les autres qui l'avaient bu chauffé, deux à 65° et deux à 70°, montraient aussi des traces légères de la maladie. »
Il est à remarquer que la virulence du lait est constante lorsque la mamelle est le siège de productions tuberculeuses ; tandis qu'elle peut faire défaut dans le cas contraire. C'est ainsi que, dans vingt et un cas où Bang a recherché la virulence du lait sécrété par des vaches atteintes de Tuberculose généralisée, mais dont les mamelles étaient saines, il en a trouvé deux seulement dont le lait s'est montré virulent. Nos expériences sont moins nombreuses que celles de Bang, car elles n'ont porté que sur deux vaches phtisiques, dont une ne présentait aucune altération apparente de la mamelle, aucune mammite, bien que son lait fût virulent. Et il résulte encore, des recherches de Harold et Ernst, de Boston, qui ont porté sur trente-six vaches phtisiques, que « le bacille de la Tuberculose est présent et actif, dans une très large proportion de cas, dans le lait des vaches affectées de Tuberculose sans lésion constatable du pis» (1).
Virulence de la >ia»de. — Nous ne saurions faire mieux que de reproduire la partie du rapport de M. Arloing au cinquième Congrès international de médecine vétérinaire (1889), où se trouve traitée magistralement cette importante question.
La virulence de la viande provenant d'animaux tuberculeux a été démontrée par deux sortes d'expériences : 1° l'ingestion de viandes d'animaux tuberculeux, ayant toutes les apparences d'une viande saine; 2° l'inoculation du jus extrait de ces viandes.
Dans la première sorte, nous nous contenterons d'en signaler quelquesunes. Celles de Gerlach et de Johne sont les plus importantes. Sur trente-cinq animaux nourris par Gerlach avec de la chair crue provenant de bêtes atteintes de Pommelière, huit, soit 22,5 p. 100, sontdevenustuberculeux,etsurqua' rante-six sujets nourris de la même manière par Johne, 13,1 p. 100 contractè. rent la Tuberculose.
M. Peuch a fait consommer 5 kilogrammes de viande crue, désossée, en dix jours, à deux porcelets; au bout de deux et trois mois, ces animaux ont présenté de la Tuberculose ganglionnaire discrète.
(1) Études sur la Tuberculose publiées par M. Verneuil. Paris, 1890, p. 432.
M. Nocard a fait ingérer à onze chats une certaine quantité de viande d'animaux tuberculeux, pendant deux à quatre jours, sans résultat; mais ces expériences négatives ne peuvent pas détruire les précédentes.
Ainsi, le passage de ces viandes suspectes'dans le tube digestif peut communiquer la Tuberculose. D'ailleurs, MM. Straus et A. Wurtz viennent de constater, dans des expériences in vitro, que la virulence des bacilles de Koch est difficilement anéantie par le suc gastrique.
La cuisson à laquelle on soumet les aliments peut atténuer les dangers ; mais il est impossible de compter sur elle pour la destruction de la virulence.
En effet, pour obtenir ce résultat, il faudrait que toutes les parcelles virulentes fussent chauffées au-dessus de 70° pendant une demi-heure. Or, dans la pratique, cette température n'est pas toujours uniformément atteinte et maintenue dans toute l'épaisseur des blocs de chair soumis à la cuisson. Ajoutons, pour édifier complètement sur le rôle que l'on peut attribuer à la cuisson que dans soixante-deux expériences où Johne a fait ingérer des aliments notoirement tuberculeux après les avoir soumis à la cuisson dans l'eau bouillante pendant dix à quinze minutes, 35,5 p. 100 des animaux furent infectés.
Les expériences par inoculation du jus de viande, où l'on fait entrer pour ainsi dire le virus de force dans l'organisme, peuvent paraître à quelques personnes un peu artificieuses.
Cependant les résultats qu'elles fournissent sont moins inquiétants que ceux des expériences où la viande suspecte a été introduite naturellement dans les voies digestives. Parfois même, ces résultats sont presque rassurants. Ainsi, M. Nocard n'a obtenu qu'un seul exemple d'infection dans vingt et une séries d'inoculations faites avec le jus de viande de vingt et une vaches saisies dans les abattoirs. Mais.il ne faut pas oublier que les bacilles virulents sont répartis avec une grande irrégularité dans la masse musculaire, qu'ils y sont rares et que, par suite, ils peuvent assez souvent manquer dans le petit volume de suc qui sert à l'inoculation d'un animaI: Pour apprécier la virulence des jus de viande par l'inoculation, il faut donc examiner, comme dans une statistique, le plus d'expériences possible.
L'année dernière, au Congrès pour l'étude de la Tuberculose, on a cité les expériences de MM. Nocard, Chauveau et Arloing, Galtier, Peuch, Veyssière. Ces expériences font un total de quarante-sept essais, dont neuf furent suivis de tuberculisation.
Pour ces quarante-sept essais, on employa cent trente-sept animaux, sur lesquels treize devinrent tuberculeux, ce qui donne un quantum pour l'infection par inoculation de 9,4 p. 100 ; tandis qu'en prenant la moyenne des expériences de Gerlach et Johne, par ingestion naturelle, on arrive au nombre de 17,8 p. 100.
Les deux séries d'expériences convergent donc vers la même démonstration, la nocuité de la viande des bêtes tuberculeuses, et elles indiqueraient de plus ce fait particulièrement grave à notre point de vue, que la contagion par les voies digestives s'exerce avec ùne fréquence inquiétante.
Le calcul va nous donner une idée du nombre de bacilles contenus dans la masse musculaire d'un bœuf tuberculeux. Partons des expériences indiquées plus haut et supposons que les bacilles soient uniformément disséminés dans les muscles d'un animal tuberculeux. Admettons aussi que les cent trente-sept animaux inoculés l'aient été chacun par 1 centimètre cube de jus. Dans ces 137 centimètres cubes, il y avait au moins treize bacilles, soit pour un centimètre cube 13/137 = 0,094.
Nous nous sommes assuré que 100 grammes de viande donnaient, sous la presse, 30 centimètres cubes de jus. Conséquemment 100 grammes de viande renfermeront 0,094x 30 = 2 bacilles, 810. Un kilogramme contiendra vingt-huit bacilles. Si un bœuf de taille moyenne fournit 280 kilogrammes
de viande nette, son cadavre contiendra donc 28 x280 = 7810 bacilles.
Ce nombre n'est pas insignifiant. M. Nocard s'est efforcé de rechercher combien de temps les bacilles errants dans le tissu musculaire conservaient la virulence.
Ayant inoculé six lapins âgés de deux mois et demi avec 1 centimètre cube d'une culture de bacilles tuberculeux non sporulés, il commença à en sacrifier un au bout de deux jours, et sacrifia les suivants de vingt-quatre en s vingt-quatre heures successivement. Il préleva sur chaque lapin la masse du muscle ilio-spinal, la divisa finement et la soumit à l'action de la presse pour en retirer le jus. Un centimètre cube de ce jus fut inoculé dans la veine auriculaire d'une série parallèle de lapins témoins.
Les lapins inoculés avec le jus de viande des trois premiers lapins sont morts tuberculeux, les trois autres n'ont jamais été malades.
M. Nocard en conclut que la viande provenant d'une bête tuberculeuse peut offrir quelque danger pendant quatre à cinq jours après la mort, mais que passé ce délai, c'est-à-dire avant le sixième jour, les bacilles sont détruits dans le tissu musculaire.
Cette recherche, intéressante au point de vue scientifique, n'est guère rassurante au point de vue pratique. D'abord, c'est généralement dans le délai de cinq jours après l'abatage que la viande est détaillée entre les consommateurs et même dans un délai plus court pendant l'été. Ensuite, le tissu musculaire peut fort bien détruire des bacilles non sporulés, mais détruit-il aussi les spores, comme il y en a souvent daus les bacilles des organes tuberculeux ? La question peut être posée et presque résolue négativement, car, autrement, on ne comprendrait pas le développement des quelques exemples de Tuberculose des muscles que la science a enregistrés.
Plusieurs personnes se sont demandé si la viande des animaux qui présentent à la fois des lésions tuberculeuses et un état florissant d'embonpoint •était réellement dangereuse. Notre honorable confrère M. Bailiet, de Bordeaux, a insisté pour que ces animaux jouissent de l'immunité sanitaire.
M. Van Hertsen croit que des conséquences fatales seraient la suite d'une pareille tolérance, car ce n'est pas sur les sujets de belle apparence que les lésions de la Tuberculose sont le plus discrètes; il a vu coexister, chez ces animaux, la Phtisie pulmonaire et la Phtisie mésentérique à un degré très avancé.
MM. Veyssière et Humbert ne se sont pas contentés de considérations théoriques; ils ont inoculé à deux lapins 1 centimètre cube de jus de viande provenant d'une vache en très bon ét(it ; les deux animaux devinrent tuberculeux. Par conséquent, les bacilles des sujets gras ne seraient pas moins dangereux que ceux des sujets maigres.
Nous ajouterons que les viandes des sujets gras auraient moins de chances que les autres d'être stérilisées par la cuisson, car ce sont elles que le consommateur mange. saignantes de préférence aux viandes maigres.
En résumé, la chair de toutes les bêtes bovines tuberculeuses, maigres ou grasses, peut[recéler le germe de la Phtisie.
M. Arloing se demande ensuite si nous connaissons les circonstances dans lesquelles la viande renferme le microbe de la Phtisie et devient infectante. Pour cela il examine comment s'opère l'infection et il conclut « qu'un animal qui présente un foyer tuberculeux quelconque est constamment en imminence de généralisation, et rien ne démontre qu'au moment où on le sacrifie pour la boucherie le réseau capillaire des muscles n'est pas parcouru par des bacilles en quête d'un lieu propice à leur multiplication ».
Au Congrès d'hygiène et de démographie tenu à Londres en 1891, M. Bang, de Copenhague, a fait connaître les résultats d'expériences sur la virulence du sang de vaches « extrêmement tuberculeuses » :
De vingt vaches, dit-il, j'ai inoculé à trente-huit lapins et à deux cobayes le sang défibriné. L'inoculation futfaite par injection dans le péritoine, et la dose avarié dans la plupart des expériences entre 10 et 18 centimètres cubes. Voici le résultat. Il fut négatif dans dix-huit cas, positif dans deux. Et dans ces deux cas, ce fut l'un seulement des deux lapins inoculés qui offrait des lésions tuberculeuses, dans l'un., du reste, très insignifiantes. La vache, qui, dans l'autre cas, avait donné le sang virulent, était atteinte d'une Tuberculose miliaire aiguë qui s'était développée après l'injection de tuberculine. Trois semaines avant cette injection, j'avais inoculé le sang de cette même vache et alors il s'était montré inoffensif. Il y a du reste raison d'ajouter que parmi les cas négatifs ilse trouve plusieurs cas de Tuberculose miliaire aiguë (Bang).
CONTAGION NATURELLE. — La transmission de la Tuberculose est susceptible de s'effectuer par les fourrages ou autres aliments, souillés par le jetage des bêtes phtisiques ou par les crachats des personnes tuberculeuses. L'allaitement des veaux par des vaches phtisiques est une cause de tuberculose, en raison de la virulence du lait. Cette maladie peut aussi se transmettre dans la circonstance suivante :
[Deux bœufs ou deux vaches de travail sont réunis dans une même loge, ils prennent leur fourrage ou leur ration, à un râtelier commun, dans la même crèche. Couchés dans la même étable, ils respirent nez à nez. L'un est parfaitement sain, du moins en apparence; l'autre n'est pas non plus amaigri et il paraît aussi vigoureux, mais il tousse de temps en temps et son haleine est fétide. Bientôt on s'aperçoit que si d'abord il prend au râtelier son fourrage avec appétit, l'animal sain ne tarde pas néanmoins. à se reculer et à laisser la place entièrement libre au punais; et pour qu'il se rapproche du râtelier ou de la crèche, on est obligéde le pousser, de l'exciter de la main ou quelquefois avec une baguette. Cependant cet animal ne paraît atteint d'aucune maladie, ni même d'aucune indisposition ; et s'il refuse de rester sur le même plan que son camarade, c'est qu'il en est éloigné par l'haleine fétide de celui-ci.
[Les bouviers ne s'y trompent guère; et si, toutes les fois qu'il en est temps, on donne au bœuf sain un autre camarade sain aussi, on le voit alors recouvrer l'appétit et se rétablir promptement. Si, au contraire, la situation ne change pas par l'effet de la: séparation des deux bœufs, la Phtisie suit sa marche ordinaire. chez le premier qui en a été atteint, et son camarade, d'abord seulement amaigri, finit à son tour par être affecté de la même maladie. J
Hérédité. — La Tuberculose est susceptible de se transmettre de la mère au fœtus, comme le démontrent diverses expériences et observations, notamment celles de Koubassoff, de Galtier, d'Arloing, de Solles. En outre, on a trouvé plusieurs fois des lésions tuberculeuses dans les poumons de fœtus de bêtes bovines (Semmer) ; on est même porté à penser que si la Tuberculose du veau est rare, cela résulte de ce que la plupart des fœtus infectés sont rejetés par avortement avant leur complet développement (Lydtin). Au surplus, de nombreuses observations, notamment celles qui ont été rapportées par Bang, de Copenhague, témoignent manifestement de l'hérédité de la Tuberculose chez les bêtes bovines (1 ); il en est de même de celle qui a été communiquée à. la Société royale de Vienne par Czokor, et l'on admet que, dans ce cas, la contamination a lieu par les deux géniteurs; toutefois l'influence de la mère paraît plus prononcée que celle du père.
Circonstances qui influent sur la Contagion. — L'év.olution de la Tuberculose est susceptible d'être considérablement influencée par les conditions hygiéniques. Ainsi, lorsque des bêtes. bovines sont soumises à un travail modéré, lorsqu'elles sont convenablement nourries et logées dans des étables spacieuses, bien aérées, elles peuvent résister à l'action du bacille de la Tuberculose. Par contre, si elles sont épuisées par le travail, par des gestations fréquentes, par une lactation prolongée; si elles sont nourries avec parcimonie, si la nourriture est de mauvaise qualité, alors le germe tuberculeux se multiplie, envahit tous les organes et les détruit. On admet aussi que les refroidissements déterminés par des courants d'air, des arrêts de transpiration, favorisent la culture du bacille de Koch dans l'économie.
DIAGNOSTIC. — La Tuberculose est une maladie qui peut exister alors même que les animaux présentent les signes d'une bonne santé. Plus d'une fois il est arrivé que des bœufs primés dans des concours d'animaux gras ont présenté, au moment de l'abatage, des lésions tuberculeuses dans les poumons. C'est dire que la contagion de cette redoutable maladie peut avoir lieu par des animaux bien portants en apparence et à l'égard desquels on ne prend, par cela même, aucune mesure sanitaire. Il importe donc, au plus haut point, de pouvoir établir le diagnostic de la Tuberculose dès que cette maladie se déclare. En dfautres termes, le diagnostic précoce de la Tuberculose présente une importance capitale dans la prophylaxie de cette redoutable affection. Aussi a-t-on recommandé divers moyens pour atteindre.
(1) Voyez Rapport de Lydtin au IVe Congrès international de médecine vétérinaire à Bruxelles, 1884, et Note de Bang au Congrès pour l'étude de la Tuberculose. Paris, 1888, p. 536.
ce but: examen clinique du sujet suspect; recherche du bacille de Koch; inoculation au cobaye du jetage nasal, de l'écoulement vaginal, du lait, du pus; injection sous-cutanée de tuberculine de K och.
Nous allons examiner ces divers moyens :
1° Examen clinique. — Cet examen ne permet pas d établir sûrement le diagnostic de la Tuberculose: il ne fournit que des présomptions. Ainsi la toux sèche, sifflante, qui se répète pendant le jour et pendant la nuit, est de nature à faire soupçonner l'existence de la Phtisie quand ce symptôme se produit sans aucun trouble fonctionnel appréciable et particulièrement à l'exclusion des signes indiquant une maladie aiguë des voies respiratoires. Mais ce n'est guère que quand la maladie est parvenue à son second degré que le diagnostic peut être établi avec quelque certitude. Une respiration rude avec expiration prolongée, dirons-nous avec M. Saint-Cyr (1), un râle sibilant permanent, perçu dans un point fixe et limité à la partie antérieure du thorax, ordinairement un peu au-dessus du coude, et d'un seul côté; parfois un peu de submatité à la percussion à ce niveau; la sensibilité de la colonne vertébrale à la pression, l'engorgement des ganglions lymphatiques rétro-pharyngiens et prépectoraux, lorsqu'il existe; la toux difficile, peu sonore, un peu traînée ; un jetage peu abondant, tantôt clair et muqueux, tantôt un peu grumeleux; un essoufflement survenant vite après l'exercice ou un travail même léger, alors que la respiration, examinée au repos, parait encore calme et régulière, ou à peine soubresautante : tels sont les symptômes les moins trompeurs dans leur ensemble.
Ajoutons qu'il faut examiner avec soin les mamelles, car elles peuvent être le siège d'une inflammation déterminée par la Tuberculose. Or, la mammite tuberculeuse commence ordinairement par une tuméfaction diffuse d'un quartier de la mamelle, et, à ce moment, le lait présente son aspect normal. Puis la tuméfaction s'accuse de plus en plus; au bout d'un mois, elle devient plus dure, le lait devient séreux, jaunâtre; il contient des flocons fibrineux, mais il est rare qu'il soit purulent.
Si le praticien est appelé à ce moment, il peut croire qu 'il s'agit d'une inflammation simple, mais en interrogeant la personne qui trait l'animal, il apprendra que la tuméfaction a précédé de quelque temps l'altération du lait.
Ce renseignement et les symptômes précités permettront de
(1) Manuel pratique de l'exploration de la poitrine chez les animaux domestiques, p. 245.
soupçonner fortement l'existence d'une mammite tuberculeuse. Pour confirmer ce diagnostic, on examinera le lait au microscope et l'on y trouvera généralement des bacilles de Koch.
2° Recherche ci.. bacille de Koch. —Ce microbe peut se trouver dans le jetage, le muco-pus de l'expectoration, l'écoulement vaginal, le pus des abcès ganglionnaires, le pus de séton, le lait.
Pour le trouver dans le lait, on recueille ce liquide « dans un grand verre à réactif, de forme conique ; on le couvre et on le laisse reposer au frais pendant vingt-quatre heures; au bout de ce temps, la plupart des bacilles que le lait renfermait se sont déposés au fond du vase; à l'aide d'une pipette, on aspire les quelques centimètres cubes de liquide qui occupent la partie inférieure du verre » (Nocard), et on y recherche le bacille de Koch, par la méthode d'Ehrlich ou bien par celle de Lubimoff.
A. Méthode d'Ehrlich. — Cette méthode consiste à mettre dans un bain colorant spécial les lamelles préalablement enduites sur l'une de leurs faces d'une mince couche de lait ou de tout autre liquide suspect et convenabJement séchées, puis à les décolorer rapidement dans de l'acide nitrique étendu.
Le bain colorant. d'Ehrlich se compose de :
Eau d'aniline 9 centimètres cubes. Alcool absolu 1 — Solution alcoolique saturée de fuchsine ou rubine .................................. 1 —
On peut remplacer la fuchsine par le violet de gentiane.
On laisse les lamelles pendant une heure dans le bain, puis on les décolore en les passant une ou deux fois dans le liquide suivant :
Alcool absolu 10 centimètres cubes. Acide azotique ............................. 1 —
Cela fait, les lamelles sont aussitôt lavées, séchées et montées dans le baume du Canada.
B. Méthode de Lubimoff. — « Dans 20 centimètres cubes d'eau on introduit 0sr,.ti de cristaux d'acide borique dont on hâte la solution en versant 15 grammes d'alcool absolu. Lorsqu'il ne reste plus que quelques cristaux non dissous, on ajoute Ogr,5 de fuchsine (rubine) qui se dissout par l'agitation. On obtient ainsi un liquide qui se conserve et est toujours prêt pour l'emploi sans filtration nouvelle » (Duclaux.)
Les lamelles enduites du produit suspect seront plongées dans le bain colorant, qui sera chauffé pendant quelques minutes. On décolore dans une solution d'acide sulfurique au 1/5, on lave et on monte.
Puis on examine au microscope la préparation ainsi faite. Il faut les forts grossissements des objectifs à immersion homogène et l'éclairage dit de Abbé pour voir, dans tous ses détails, le bacille de Koch dont nous avons donné la description (Voy. p. 722).
La technique de la recherche du bacille tuberculeux est la même pour les
autres produits suspects que pour le lait, si ce n'est toutefois qu'on les étaleimmédiatement sur sur une lamelle sans les laisser déposer pendant un certain. temps comme on le fait pour le lait.
Il est à remarquer que si la constatation du bacille de Koch permet d'affirmer la Tuberculose, on ne peut cependant nier formellement l'existence de cette maladie si l'on ne t-rouve pas ce. bacille, car, d'une part, ce microbe étant irrégulièrement distribué dans les liquides, les humeurs ou les tissus de l'économie, il peut arriver que les préparations aient porté sur des parties indemnes; et, d'autre part, on peut avoir affaire à cette variété deTuberculose qualifiée de zoogléique dans laquelle le bacille de. Koch fait défaut.
Par conséquent, l'examen microscopique ne permet de conclureque dans le cas de résultat positif. Dans le cas contraire, il faut avoir recours à l'inoculation révélatrice pour lever tous les doutes.
3° Inoculation révélatrice. — Elle doit être pratiquée sur le cobaye. Cet animal est unanimement considéré comme le meilleur réactif de la Tuberculose ; l'évolution de la maladie se fait chez lui' avec la plus grande régularité, comme l'a établi M. Arloing.
Divers procédés ont été recommandés pour effectuer cette opération, mais le plus simple et le plus pratique consiste dans l'injection sous-cutanée d'une certaine quantité de liquide suspect : jelage, pus, lait, etc. — A cet effet, on se sert d'une seringue dePravaz parfaitement asepsiée au moyen du « crésyl ou créolinequi est un bon désinfectant et ne détériore aucune des pièces de l'appareil » (Thoinot et Masselin). On peut aussi se servir du lysol.
Le lieu d'élection de cette opération est ordinairement la faceinterne de la cuisse. On coupe les poils dans cette région et on la stérilise en la cautérisant avec l'extrémité d'une baguette de verre fortement chauffée sur la flamme d'une lampe à alcool par exemple. On injecte un demi-centimètre cube et plus, du produit suspect préalablement délayé dans de l'eau stérilisée, s'il est trop. épais.
Parfois, il est très facile de se procurer ce produit, notamment quand il s'agit du lait, du pus, ou du produit de râclage des ganglions suspects. On peut, en effet, obtenir une suffisante quantité de pus en ponctionnant les abcès sous-cutanés ou ganglionnaires que l'on rencontre parfois chez les bêtes phtisiques; ont peut aussi obtenir aisément une certaine quantité de matière pulpeuse que l'on délaye dans l'eau stérilisée, après extirpation préalable d'un ganglion suspect. <
Mais des difficultés surgissent quand il s'agit de recueillir dm jetage, car les bêtes bovines ont l'habitude, comme chacun sait,.
de passer fréquemment la pointe de leur langue dans les narines et d'enlever ainsi le jetage qui s'y trouve; de plus, les mucosités qui s'échappent des bronches peuvent s'arrêter dans le pharynx et être dégluties, car ce n'est ordinairement que pendant les quintes de toux qu'elles sont rejetées au dehors. On peut cependant les recueillir, en saisissant la langue d'une main, pendant qu'un aide serre fortement la gorge afin de provoquer la toux. Au moment -où elle se produit, les mucosités s'échappent de la bouche maintenue entr'ouverte, elles sont projetées sur le sol, où l'on peut les recueillir. Si l'on ne peut faire tousser l'animal, on a recommandé -de pratiquer une incision à la partie inférieure de la trachée et -d'y introduire un fragment d'éponge solidement fixé à l'extrémité •d'un fild'archal; on dirige l'éponge versla bifurcation delatrachée,
.et pendant ce trajet elle s'imprègne des mucosités bronchiques, qu'on recueille ensuite par expression pour les examiner ou les inoculer (Poëls, cité par Nocard).
Si le propriétaire s'oppose à cette opération, on peut encore, «à l'aide d'une éponge solidement fixée à l'extrémité d'une baguette flexible ou d'une longue pince à pression continue, aller frotter les parois du pharynx de l'animal suspect : l'éponge s'imbibe des mucosités retenues dans les cryptes folliculaires de la muqueuse; on l'exprime ensuite dans un verre à réactif, et l'on obtient ainsi une petite quantité de liquide propre à l'examen ou à l'inoculation » (1).
Pour augmenter la quantité de jetage et des produits de l'expectoration, M. Cagny conseille de faire à l'animal suspect une injection sous-cutanée de vératrine (15 à 20 centigr.).
Ces divers moyens ne s'appliquent qu'aux cas où la Tuberculose affecte la forme pulmonaire, cela va sans dire; mais lorsqu'elle est confinée aux organes de l'abdomen, il faut alors appliquer un séton à l'animal suspect et en inoculer le pus. Voici une expérience qui montre les résultats de cette opération.
J'ai mis à une vache, chez laquelle le diagnostic Tuberculose a été confirmé par l'autopsie, un séton à mèche animé par de l'écorce de garou ; puis, du sixième au dix-huitième jour, après l'application de cet exutoire, j'ai inoculé •dix cobayes avec le pus obtenu. Chaque cobaye a reçu en injection hypodermique, à la face interne d'une cuisse, un demi-centimètre cube de ce pus délayé dans une égale quantité d'eau filtrée.
Parmi ces cobayes, un est mort accidentellement, un autre a succombé à une infection septique,onze jours après l'injection de pus ; deux ont été sacrifiés trente-deux jours après l'inoculation ; un, après trente-six jours, et cinq après un laps de temps qui a varié de trente à quatre-vingt-six jours. Ces cinq derniers cobayes n'ont présenté aucune lésion tuberculeuse, tandis que sur les trois précédents, sacrifiés au bout de trente-deux et trente-six jours,
(1) E. Nocard, Congrès pour l'étude de la Tuberculose. Paris, 1888, p. 460.
il existait des granulations tuberculeuses naissantes dans la rate, le foie et le poumon. La nature tuberculeuse de ces granulations a été démontrée par l'examen bactériologique et par l'inoculation au cobaye.
Il est à remarquer que ce sont les cobayes inoculés avec le pus recueilli le huitième, le neuvième et le quatorzième jour après l'application de l'exutoire, qui sont devenus tuberculeux; les cobayes inoculés avant ou après cette époque n'ont pas été contaminés.
Lorsque la matière suspecte inoculée au cobaye est de nature tuberculeuse, ses effets se manifestent très régulièrement lorsque l'inoculation a été faite par injection sous-cutanée.
Ainsi lorsque l'opération a été pratiquée à la face interne de la cuisse, comme cela est habituel, ce sont d'abord les lymphatiques de cette région qui s'enflamment; puis, consécutivement, les ganglions inguinaux s'engorgent, suppurent, et en raclant les parois de ces abcès ganglionnaires, on obtient une matière dans laquelle le microscope montre des bacilles de Koch. Cette constatation peut être faite huit à dix jours après l'inoculation. Si le praticien n'est pas outillé pour rechercher le bacille de Koch, il sacrifiera les cobayes inoculés, au bout de vingt-cinq à trente jours. Alors il trouvera les ganglions sous-lombaires et mésentériques hypertrophiés, caséeux; la rate est parsemée d'une multitude de nodules tuberculeux, blanc grisâtre; elle est bosselée, hypertrophiée. Il en est de même pour le foie, mais à un degré moins prononcé. Le poumon présente aussi des nodules tuberculeux; ils sont toutefois en moindre quantité que dans la rate et le foie lorsque les cobayes sont sacrifiés vers le vingt-cinquième jour, car la propagation des lésions tuberculeuses suit chez ces animaux une marche très régulière de la périphérie vers le centre.
Il faut toujours inoculer plusieurs cobayes à la fois, trois ou quatre par exemple, car il peut arriver que quelques-uns d'entre eux succombent lorsqu'on leur inocule des produits recueillis sans précautions aseptiques et depuis un certain temps. A l'inoculation révélatrice se rattache encore un moyen de diagnostic signalé par divers auteurs : c'est l'extirpation d'un ganglion hypertrophié et l'inoculation au cobaye du produit de raclage de la coupe de cet organe. Cette inoculation est indiquée lorsque l'examen histologique n'a donné que des résultats négatifs ou bien quand le praticien ne peut le faire.
4° Injection sous-cutanée de tuberculine de Koch. — La tuberculine ou lymphe de Koch est un extrait glycériné de cultures de Tuberculose. C'est une substance à laquelle Koch a attribué la propriété de guérir la Tuberculose ou tout au moins d'empêcher son évolution. On sait pertinemment aujourd'hui que la tuberculine est impuissante contre cette terrible maladie. Mais on s'est demandé
si elle ne pourrait pas servir au diagnostic de la Tuberculose bovine, en raison de l'élévation de température qu'elle détermine chez les sujets tuberculeux auxquels on l'inocule. Cette question si importante a été l'objet de nombreuses expériences en France et. à l'étranger, comme en témoignent les diverses communications qui ont été faites au deuxième Congrès pour l'étude de la Tuberculose, tenu à Paris, en 1891.
Ces expériences ont donné des résultats qui méritent d'être pris en sérieuse considération, bien qu'ils ne soient pas en parfaite concordance. Ainsi, à Berlin, à Gladbach, à Cologne, à Dorpat, à Copenhague, on a d'abord obtenu des résultats qui paraissaient très nets, en ce sens que l'injection sous-cutanée de tuberculine, à la dose de 1 à 5 centigrammes, avait produit une réaction thermique évidente, chez neuf vaches tuberculeuses, tandis que chez les animaux témoins, au nombre de six, elle n'avait produit aucun symptôme réactionnel. Mais les expériences faites à l'École de Lyon, par M. Arloing n'ont pas donné des résultats aussi tranchés; il est arrivé notamment qu'une génisse non tuberculeuse, comme l'autopsie l'a péremptoirement démontré, a présenté une élévation de température de 1°,4 à 1°,9 en l'espace de quatre heures, à lasuite d'injections de 4 à 5 centigrammes de tuberculine. Aussi M. Arloing, tout en considérant cette substance « comme un moyen d'information d'une certaine valeur », pense-t-il qu'elle « ne peut pas constituer à elle seule un moyen de diagnostic certain de la Tuberculose bovine ».
En d'autres termes, M. Arloing, considérant que l'affirmation -de-l'existence de la Tuberculose entraîne finalement l'abatage de l'animal (art. lOdel'arrêté ministériel du 28 juillet 1888), craintquela réaction thermique produite par la lymphe de Koch, ne donnelieu à deserreurs très préjudiciables. Il estime que son emploi ne doit pas faire abandonner les autres moyens de diagnostic, notamment la recherche du bacille de Koch et les inoculations révélatrices au cobaye. C'est, en un mot, un moye» auquel il est bon d'avoir recours, mais qu'il ne faut pas non plus préconiser exclusivement.
Ces conclusions si prudentes ne paraissent pas infirmées par les recherches expérimentales sur les effets de la tuberculine de Koch, faites par une commission de la Société de médecine vétérinaire pratique, dont M. Barrier fut le rapporteur, puisque sur douze vaches — parmi lesquelles six étaient atteintes de Tuberculose; deux d'hématurie et de fièvre aphteuse; une de tumeur maligne du péritoine; une de pyélo-néphrite purulente; et deux étaient saines — deux seulement n'ont pas réagi : l'une était affectée d'hématurie et de fièvre aphteuse et l'autre de pyélonéphritepurulente.Chez toutes les autres, les injections de tubercu-
line ont provoqué une réaction thermique. Il est vrai que chez l'une des deux vaches saines, l'élévation de température de 00,8 qui est survenue après une première injection, a été considérée comme tardive et accidentelle, et que chez l'autre « la légère hyperthermie qu'elles ont causée a pu s'ajouter à une élévation toute fortuite provenant de l'animal et donner l'illusion d'une réaction véritable, propre à la tuberculine », attendu que « le graphique de la température de ce sujet était remarquable avant les injections, ainsi qu'à certains moments de leurs longs intervalles, par des oscillations étendues, mais de faible durée ».
M. Nocard s'est livré à. de nombreuses recherches sur la valeur -des injections de tuberculine comme moyen de diagnostic précoce de la Tuberculose. Et il a pu dire ainsi au deuxième Congrès pour l'étude de la Tuberculose, « qu'il serait à désirer que dans les laiteries industrielles toutes les vaches fussent essayées par la lymphe de Koch, » et qu'on traitât en suspectes toutes celles qui réagiraient, c'est-à-dire qu'on fît bouillir leur lait.
M. Degive (de Bruxelles), se basant sur les expériences de la commission ministérielle belge, qui ont porté sur huit bovidés dont cinq ont été reconnus tuberculeux à l'autopsie, estime « qu'une 'réaction hyperthermique prononcée (2 à 3 degrés) observée dans les vingt heures qui suivent l'injection de tuberculine, constitue un symptôme à peu près certain de Tuberculose » (1).
M. Thomassen (d'Utrecht) a communiqué au Congrès précité les résultats obtenus par un praticien hollandais, van Leeuven, qui, ayant injecté 091,20 de lymphe de Koch à un bœuf, observa une élévation de température de 2°,5 au bout de quinze heures. Cet animal, ayant été abattu pour la consommation, « fut reconnu absolument sain ».
Depuis le deuxième Congrès pour l'étude de la Tuberculose, M. Nocard a continué les recherches qu'il avait entreprises pour reconnaître la valeur pratique des injections de Tuberculine comme moyen de diagnostic précoce de la Tuberculose bovine. Et dans la séance du 13 octobre 1891, il en a communiqué les résultats à l'Académie de médecine.
Du grand nombre de faits publiés, il résulte évidemment, dit M. Nocard : 1° que, chez les tuberculeux adultes, l'injection, en une seule fois, d'une forte proportion de tuberculine (de 25 à 50 centigrammes, suivant le poids du sujet) provoque, dans un délai compris entre la dixième et la dix-huitième heure, une élévation de température pouvant ajler de 1 à 3 degrés;
2° Que, chez les adultes sains, la même injection ne provoque aucune modification de la température ou seulement une élévation négligeable de quelques dixièmes de degré ;
(1) Recueil de médecine vétérinaire, 1891, p. 566.
3° Que, chez les bovidés phtisiques, c'est-à-dire tuberculeux au dernier degré, la réaction consécutive à l'injection de tuberculine peut faire complètement défaut.
M. Nocard a pratiqué ou fait pratiquer des injections de tuberculine à cinquante-sept animaux de l'espèce bovine destinés à la boucherie et dont l'autopsie a été faite ultérieurement. (Dans ce chiffre ne sont pas compris sept veaux et génisses, âgés de moins d'un an; chez ces jeunes animaux, la réaction consécutive à l'injection de tuberculine est très variable et a paru indépendante de l'existence ou de l'absence de lésions tuberculeuses.)
De ces cinquante-sept animaux, dix-neuf ont éprouvé, dans un délai compris entre la dixième et la vingtième heure, après une seule injection de 20 à 40 centigrammes de tuberculine, une élévation de la température centrale de 1 °,4 à 2°,9; un seul n'a montré qu'une élévation de 0°,8.
Sur les dix-neuf animaux qui ont réagi, l'autopsie a montré que dixsept étaient tuberculeux à des degrés divers ; — deux n'étaient pas tuberculeux : l'un avait de la cirrhose du foie avec les canaux biliaires gorgés de distomes; c'est celui dont la température ne s'éleva que de 0°,8 ;—l'autre était une génisse de quinze mois affectée d'adénie; elle présentait une hypertrophie considérable de tous les ganglions lymphatiques accessibles à l'exploration; il n'y avait pas de leucocytose appréciable; l'inoculation et l'examen bactériologique d'un ganglion extirpé permettaient d'affirmer que la lésion n'était pas tuberculeuse; néanmoins l'injection de tuberculine provoquait chez cette génisse une élévation de plus de 2 degrés ; la réaction, manifeste dès la dixième heure après l'injection, persistait au même degré pendant plus de soixante heures et la température ne revenait à la normale que le cinquième jour après l'injection; la même réaction intense et prolongée se produisit chaque fois que l'on renouvela l'injection (trois fois à vingt jours d'intervalle); et, chose curieuse, chaque fois la lésion ganglionnaire sembla éprouver une poussée nouvelle. L'autopsie ne montra que deslymphadénomes de toutes dimensions disséminés partout et pas trace de Tuberculose.
Des trente-huit sujets qui n'ont manifesté aucune réaction thermique, deux étaient tuberculeux, mais phtisiques au dernier degré, avec lésions généralisées à tous les organes; chez l'un d'eux, l'injection avait même provoqué en dixhuitheures un abaissement de 0°,3.
Parmi les dix-sept sujets que la tuberculine avait dénoncés et que l'autopsie a prouvé être tuberculeux, il en est huit qui étaient en bon état et qu'il eût été impossible de supposer malades. Parmi les trente-huit sujets qui n'ont manifesté aucune réaction, figuraient deux bœufs fin gras, onze bœufs ou vaches de première qualité, neuf de deuxième qualité et quinze de troisième qualité. Ils n'étaient pas tous sains, car deux avaient de la pleuropneumonie aiguë, deux de la péripneumonie chronique avec séquestres, un de la bronchite vermineuse, trois des échinocoques du poumon, un de l'actinomycose de la mâchoire.
Ces expériences ont permis d'étudier, comparativement à la tuberculine allemande, plusieurs échantillons de tubreculine préparés par M. Roux, de l'Institut Pasteur. Parmi les échantillons, il s'en est trouvé dont l'activité était é°-ale, sinon supérieure à celle de la lymphe de Koch.
0On a donc, dans les injections de tuberculine, un moyen précieux pour le diagnostic si difficile de la Tuberculose bovine. Considérant le danger que fait" courir aux consommateurs et surtout aux enfants le lait des vaches atteintes de cette maladie, M. Nocard préconise chaudement de soumettre toutes les vaches laitières à ce critérium. Ce procédé s'adjoindrait aux autres moyens de diagnostic. Il a sur eux la supériorité de servir dans les cas où il n'existe ni jetage, ni expectoration, ni suppuration ou autre produit pouvant être inoculé ou soumis à l'examen bactériologique.
En résumé, et comme conclusion de ce travail, M. Nocard demande à l'Académie d'émettre le vœu que l'Administration de l'agriculture mette à l'étude la question de l'inspection sanitaire des étables où l'on produit du lait destiné à l'alimentation publique. (1)
Depuis cette communication, M. Nocard s'est assuré que les injections de tuberculine n'exercent « aucune influence fâcheuse sur la quantité ou la qualité du lait produit ni sur l'évolution de la gestation ». Ces nouvelles observations ont porté sur dix-huit ,vaches laitières et elles confirment les précédentes relativement à « la grande valeur diagnostique de la tuberculine, même pourdes lésions récentes et très limitées » (2).
La technique de l'injection révélatrice avec la tuberculine, est fort simple. On injecte à chaque bête, « d'un seul coup, dans le tissu cellulaire sous-cutané, en arrière de l'épaule, 3 centimètres cubes et demi d'une solution au dixième (dans l'eau phéniquée à 5 p. 1000), soit 35 centigrammes de tuberculine » (Nocard).
Il est à remarquer qu'aujourd'hui la tuberculine est préparée dans la plupart des laboratoires de bactériologie, et M. E. Roux, chef de service à l'Institut Pasteur, fait observer que le produit que l'on obtient est le même que celui de M. Koch. On conçoit aisément qu'il est essentiel d'opérer avec une tuberculine d'une activité connue et bien uniforme. Car il est permis de penser que les différents résultats obtenus par les injections sous-cutanées de tuberculine procédaient de la composition variée des tuberculines employées en raison de leurs origines diverses. « Aujourd'hui les bactériologistes sont fixés sur ce point, leur tuberculine est la même que celle de M. Koch (3). »
Avant de procéder à l'injection de tuberculine, il faut prendre pendant trois ou quatre jours, matin et soir, la température centrale de chaque bête, en introduisant le thermomètre dans le rectum, chez le taureau ou le bœuf, et dans le vagin chez la vache. Une fois l'injection faite, on prend de nouveau la température au bout de dix heures, puis de douze, quinze, dix-huit, vingt et une heures, comme l'a fait M. Nocard. Et si, par exemple, on constate une élévation de température de l°,o à 2°, on conclut, d'après M. Nocard, à l'existence de la Tuberculose.
Au surplus, après avoir exposé les diverses phases de cette importante question, nous ne saurions mieux faire que de reproduire les conclusions suivantes, que M. Nocard vient de formuler
(1) Revue vétérinaire, n° de décembre 1891, p. 646.
(2) Bulletin de la Société centrale de médecine véte'r. Séance du 12 novembre 1891.
(3) E. Roux, Annales de F Institut Pasteur, 1891, p. 729.
dans les Annales de VInstitut Pasteur (1) et qui résument l'état actuel de nos connaissances en cette matière :
10 La tuberculine possède, à l'égard des bovidés tuberculeux, une action spécifique incontestable, se traduisant surtout par une notable élévation de la température ;
20 L'injection d'utie forte dose (de 30 à 40 centigrammes suivant la taille des sujets) provoque ordinairement, chez les tuberculeux, une élévation de température comprise entre 1 et 3 degrés;
30 La même dose injectée à des bovidés non tuberculeux, ne provoque ordinairement aucune réaction fébrile appréciable ;
4° La réaction fébrile apparaît le plus souvent entre la douzième et la quinzième heure après l'injection, quelquefois dès la neuvième heure, très rarement après dix-huit heures; elle dure toujours plusieurs heures ;
50 La durée et l'intensité de la réaction ne sont nullement en rapport avec le nombre et la gravité des lésions, il semble même que la réaction soit le plus nette dans le cas où, la lésion étant très limitée, l'animal a conservé les apparences de la santé ;
61 Chez les sujets très tuberculeux, phtisiques au sens propre du mot, chez ceux surtout qui sont fiévreux, la réaction peut être peu accusée ou absolument nulle ;
7° Il est prudent de prendre la température des animaux matin et soir, pendant plusieurs jours avant l'injection ; il peut s 'en trouver en effet qui, sous l'influence d'un malaise passager, d'un état pathologique peu grave (troubles de la digestion ou de la gestation, chaleurs, etc..), présentent de grandes oscillations de la température ; de là, une cause d'erreur grave. Pour ces animaux, il vaut donc mieux ajourner l'opération;
8° Chez certains animaux tuberculeux, non fiévreux, la réaction consécutive à l'injection de tuberculine ne dépasse guère un degré; néanmoins, comme l'expérience démontre que, chez des animaux parfaitement sains, la température peut subir des variations atteignant un degré et plus, on devra ne considérer comme ayant une valeur diagnostique réelle que les réactions supérieures à 1°,4 ; l'élévation de température inférieure à 8 dixièmes de degré n'a aucune signification ; toute bête dont la température subit une élévation comprise entre 0°,8 et 1°,4 sera considérée comme suspecte, et devra être soumise, après un délai d'un mois environ, à une nouvelle injection d'une dose plus considérable de tuberculine.
TUBERCULOSES MICROBIENNES AUTRES QUE CELLE QUI EST DÉTERMINÉE PAR LE BACILLE DE KOCH.
Ces Tuberculoses, qui ont été observées chez les animaux de l'espèce bovine, sont déterminées soit par le microbe signalé en 1880 par H. Toussaint, soit par le bacille découvert'en 1888 par M. J. Courmont.
A. Microbe tuberculeux découvert par H. Toussaint; - Ce microbe est constitué par des granulations qui n'ont guère que Omm ,000t à 0mm,0002 de diamètre; elles sont « isolées, géminées, réunies par groupes de trois à dix ou en petits amas irréguliers ».
(1) Annales de l'Institut Pasteur, n° de janvier 1892, p. 52. ,
L'inoculation d'un liquide de culture contenant ce microbe détermine la Tuberculose.
H. Toussaint a trouvé ce microbe dans le sang et la pulpe des ganglions pharyngiens, pulmonaires et intestinaux d'une vache tuberculeuse notamment. Or, cette bête, que nous avons observée à l'École vétérinaire de Toulouse, présentait les lésions macroscopiques de la Tuberculose décrites ci-dessus (p. 712).
B. Bacille tuberculeux découvert par J. Courmont. — Ce bacille a été trouvé dans « des masses tuberculeuses pleurales caractéristiques de la Pommelière » (1). Il est court « avec deux masses de condensation terminales et une zone médiane claire, légèrement étranglée, ne se réunissant jamais en chaînette ni en diplo-bacille, aérobie et anaérobie, poussant bien et rapidement sur tous les milieux employés dans les laboratoires et à des limites de température très étendues, par exemple jusqu'à 46 degrés ». Après avoir fait un grand nombre d'inoculations et pratiqué plus de cent cinquante autopsies, M. Courmont formule les conclusions suivantes :
10 La Tuberculose bovine peut être causée par d'autres microbes que le bacille de Koch ;
2° Cette nouvelle Tuberculose, outre la différence de son agent spécifique, présente des particularités remarquables ;
3 Son virus ne laisse pas de-traces de son passage dans le système lymphatique du cobaye et se généralise très rapidement chez cet animal;
4° Il attaque d'abord le foie chez le lapin et n'a pas chez lui une marche beaucoup plus rapide que le virus de la Tuberculose de Koch;
5° Les animaux peuvent se diviser en plusieurs groupes, relativement à l'aptitude qu'ils offrent à se tuberculiser les uns par les autres ; ainsi le bœuf et le lapin appartiennent à un groupe, tandis que le cobaye et le rat blanc en forment un autre. Les lésions tuberculeuses provenant d'un groupe tuberculisent à coup sûr les animaux appartenant au même groupe et tuent sans lésions tous les autres ;
6° Les cultures de l'agent virulent tuent les animaux très rapidement ou lentement, mais n'occasionnent des lésions tuberculeuses que lorsque le moment de leur évolution correspond à l'aptitude de l'espèce inoculée. On dresserait une véritable échelle du pouvoir tuberculeux d'une même culture à ses différents âges, pour les différents groupes d'espèces animales ;
7° Cette propriété du bacille d'édifier, à certains moments de son existence, des lésions tuberculeuses, est indépendante de sa virulence;
8° Le bacille se retrouve en abondance dans le sang des victimes, remarque très importante au point de vue hygiénique, puisque la viande des animaux atteints de cette Tuberculose fourmille de bacilles et que le bœuf a été l'origine de son étude.
Pseudo-tuberculoses. — A l'ouverture de bêtes bovines sacrifiées pour la boucherie, on peut rencontrer dans le poumon des lésions d'apparence tuberculeuse. Ces lésions, disposées sous
(1) S. Arloing, Leçons sur la Tuberculose. Paris, 1892, p. 217.
forme de nodosités, sont déterminées par des helminthes et même parfois — quoique bien rarement — par des champignons, des moisissures. 11 importe essentiellement de distinguer ces diverses altérations pulmonaires de la Tuberculose vraie, attendu qu'elles ne rendent pas la viande insalubre et que, par suite, elles ne doivent pas entraîner la saisie, à moins que, par leur abondance, elles aient déterminé une maigreur prononcée.
Les parasites, autres que les microbes, qui se développent dans les bronches ou le poumon des bêtes bovines sont : le strongle micrure (Strongylus micrurus); J'échinocoque (Eckinococcus velerinorum) l'actimomyces (Actimomyces bovis) ; des champignons appartenant au genre Aspergillus.
Les lésions déterminées par le strongle micrure ont été déjà décrites dans cet ouvrage (voy. p. 320). On les distinguera de la Tuberculose par la présence des strongles. Parfois, on peut trouver ces helminthes ou mieux leurs embryons dans le mucus qui tapisse les fines bronches ; il est possible aussi de les rencontrer avec leurs œufs dans le produit de raclage des coupes de nodules suspects. Dans tous les cas, on n'y trouve point l'un ou l'autre des bacilles de Tuberculose.
Lorsque des échinocoques se développent dans le poumon et que leurs parois s'indurent, se calcifient, on peut croire au premier abord qu'il s'agit de la Tuberculose. Mais il est rare de ne pas rencontrer en même temps que ces hydatides anciennes des hydatides jeunes, aisément reconnaissables (voy. p. 194, fig. 10).
D'autre part, en incisant ces productions d'apparence tuberculeuse, on remarque que ce sont des cavités kystiques dont le contenu est une sorte de mastic jaunâtre, homogène, dans lequel l'examen microscopique montre habituellement des crochets, et, dans tous les cas, ne révèle point la présence du bacille de Koch, ni de celui de Courmont.
L'actinomycose pulmonaire paraît assez rare, si l'on en juge par le petit nombre d'observations publiées. Elle se manifeste tantôt sous forme de tubercules miliaires dans les parties centrales desquels le microscope montre des touffes d'aclinomyces (voy. fig. 5, p. 105) ; tantôt sous forme de nodosités du volume d'un pois, ou bien d'abcès actinomycosiques.
Les pneumornycoses se présentent sous forme de nodosités du volume d'un grain de chènevis et présentent dans leur centre un mycélium dont les filaments prennent une disposition radiée (t).
POLICE SANITAIRE. — Les mesures de police sanitaire applicables
(1). Voyez Traité des maladies parasitaires, par M. G. Neumann, 2e édition.
Paris, 1892, p. 596.
à la Tuberculose sont prescrites par le décret et l'arrêté ministériel du 28 juillet 1888 (art. 9 à 13).
ART. 9. — Lorsque la Tuberculose est constatée sur des animaux de l'espèce bovine, le préfet prend un arrêté pour mettre ces animaux sous la surveillance du vétérinaire sanitaire.
ART. 10. — Tout animal reconnu tuberculeux est isolé et séquestré. L'animal ne peut être déplacé si ce n'est pour être abattu. L'abatage a lieu sous la surveillance du vétérinaire sanitaire, qui fait l'autopsie de l'animal et envoie au préfet le procès-verbal de cette opération dans les cinq jours qui suivent l'abatage.
ART. 11. — Les viandes provenant d'animaux tuberculeux sont exclues de la consommation :
1" Si les lésions sont généralisées, c'est-à-dire non confinées exclusivement dans les organes viscéraux et leurs ganglions lymphatiques ;
20 Si les lésions, bien que localisées, ont envahi la plus grande partie d'un viscère, ou se traduisent par une éruption sur les parois de la poitrine ou de la cavité abdominale.
Ces viandes, exclues de la consommation ainsi que les viscères tuberculeux. ne peuvent servir à l'alimentation des animaux et doivent être détruites.
ART. 12. — L'utilisation des peaux n'est permise qu'après désinfection. ART. 13. — La vente et l'usage du lait provenant de vaches tuberculeuses sont interdits. Toutefois le lait pourra être utilisé sur place pour l'alimentation des animaux après avoir été bouilli.
Telles sont les mesures sanitaires spéciales prescrites pour prévenir l'extension de la Tuberculose bovine. Indépendamment de ces prescriptions stipulées dans l'arrêté ministériel rendu pour l'exécution du décret du 28 juillet 1888, qui ajoute des maladies à la nomenclature de la loi sur la police sanitaire des animaux, il est à remarquer que ce décret « a pour effet de rendre immédiatement applicable, en ce qui concerne ces maladies —au nombre desquelles se trouve la Tuberculose — les dispositions générales de la loi du 21 juillet 1881 : obligation de déclaration des animaux malades ou suspects, et d'isolement de ces animaux avant même que l'autorité ait répondu à l'avertissement (art. 3 de la loi) ; devoir du maire de veiller à l'accomplissement de cette prescription et de requérir le vétérinaire sanitaire dès qu'un cas de maladie lui est signalé (art. 4) ; interdiction de traitement par tous autres que les vétérinaires (art. 12); interdiction de vente ou de mise en vente des animaux atteints ou soupçonnés d'être atteints de la maladie (art. 13); interdiction de livrer à la consommation la chair des animaux morts de l'une de ces affections (art. 14); et il rend les contrevenants passibles des pénalités prévues aux articles 30 et suivants. Il rend également obligatoires, en ce qui concerne les nouvelles affections contagieuses inscrites dans la loi, les prescriptions du chapitre ier du décret du 22 juin 1882 (mesures communes à toutes les maladies contagieuses) (Circulaire ministérielle du 30 août 1888).
Toutefois, d'après cette circulaire, le préfet ne doit prendre pour la Tuberculose, « qu'un arrêté de mise en surveillance des animaux », et non point un arrêté de déclaration d'infection, car cet acte implique des mesures qui seraient hors de proportion avec la contagion de la Tuberculose. Mais, dans la circulaire précitée, le Ministre de l'agriculture appelle tout particulièrement l'attention des préfets « sur la nécessité d'assurer le séquestre réel des bêtes bovines atteintes, ainsi que le prescrit l'article 10, et d'empêcher rigoureusement l'utilisation des viandes dans les cas mentionnés à l'article 11 ». Puis le Ministre ajoute : « Je vous prierai également de signaler aux maires l'intérêt qui s'attache à ce que les prescriptions relatives au lait des vaches tuberculeuses soient exactement suivies. »
11 est donc clair que si les prescriptions édictées par notre législation sanitaire, à l'égard de la Tuberculose, étaient rigoureusement observées, cette maladie serait moins fréquente chez les animaux de l'espèce bovine et par suite chez l'homme, puisque nous avons montré, en étudiantla contagion de cette maladie, que la Tuberculose bovine et la Tuberculose humaine sont identiques quant à leur cause intime. Malheureusement il existe, dans notre législation commerciale, une lacune qui rend illusoires la plupart •des mesures sanitaires édictées contre la Tuberculose, et nous
.avons pensé qu'il était utile de signaler ici ce desideratum.
On sait que la loi du 2 août 1884, qui a remplacé celle du 20 mai 1838 sur les vices rédhibitoires dans les ventes et échanges d'animaux, a supprimé tous les vices rédhibitoires pour l'espèce bovine, de telle sorte que la Tuberculose ne peut plus, aujourd'hui, donner ouverture à une action en garantie lorsque Jes parties n'ont rien stipulé. Cette suppression a été motivée par les abus auxquels la loi de 1838 avait donné lieu en raison des difficultés du diagnostic de la Tuberculose. Or, il faut d'abord remarquer que le législateur de 1884 n'a fait que reproduire les motifs de cette suppression tels qu'ils sont exposés dans le projet de la loi sur les vices rédhibitoires, élaboré par le conseil d'État en 1868, sans se préoccuper des progrès accomplis dans l'étude de la Tuberculose depuis 1868. Il n'a tenu aucun compte du caractère contagieux de cette maladie, ni des moyens qui permettent d'en établir sûrement le diagnostic, et par suite, l'acquéreur d'une bête bovine tuberculeuse, achetée pour une autre destination que la boucherie, est à peu près désarmé vis-à-vis de -son vendeur : c'est ce qu'il importe d'abord de bien établir, attendu que l'on ■est porté à penser que la vente d'un animal de l'espèce bovine atteint ou suspect de Tuberculose, est radicalement nulle.
Pour soutenir ce système, on invoque d'une part l'article 13 de la loi du '21 juillet 1881 qui interdit de vendre ou de mettre en vente « des animaux atteints ou soupçonnés d'être atteints de maladies contagieuses », et, d'autre part, l'article 1598 du Code civil, qui place hors de commerce les choses dont la vente est prohibée par la loi. En produisant ces arguments, on ne tient aucun compte des décisions de la jurisprudence.
On sait cependant que les tribunaux de tout ordre, et que la Cour de cassation elle-même, ont constamment jugé que l'acheteur d'un animal attein ou
suspect de maladie contagieuse, qui demande l'annulation de la vente en s'appuyant sur l'interdiction de vendre stipulée pourtant parune loi de police, ne peut être déclarée recevable qu'autant qu'il prouve que le vendeur connaissait ou soupçonnait l'existence de cette maladie chez l'animal vendu, attendu que la bonne foi est toujours présumée dans les contrats, et que c'est à celui qui se plaint de la mauvaise foi de son adversaire à l'établir.
Mais on prétend que la loi du 21 juillet 1881 sur la police sanitaire des animaux et le décret du 28 juillet 188S ont créé un nouvel état de choses rendant nulle, de plein droit, la vente d'un animal atteint ou suspect de Tuberculose. C'est là une erreur, car l'ancienne législation sanitaire, de même que la nouvelle, défendait expressément de vendre ou de mettre en vente un animal atteint ou seulement suspect de maladie contagieuse. Sous ce rapport, la loi de lR81 n'a rien innové et nous ne craignons pas d'affirmer qu'avec cette loi, les décisions de la jurisprudence seront les mêmes qu'au trefois, sur le sujet qui nous occupe.
On dit encore que l'acheteur d'une bête bovine tuberculeuse éprouvant un dommage par suite de l'application des mesures sanitaires, il lui est dù réparation de ce dommage (art. 1382, C. c.). Nous ne saurions admettre un semblable système, car, en matière de vente d'un animal, la jurisprudence a toujours décidé que l'action en dommages-intérêts n'était fondée qu'autant que le vendeur connaissait ou soupçonnait l'existence de la maladie qui a causé un préjudice à l'acheteur. Or, la loi du 21 juillet 188] n'a rien changea cet état de choses, et selon nous il n'est pas douteux, d'après la jurisprudence établie, que le vendeur ne sera garant, vis-à-vis de l'acheteur, que lorsque celui-ci pourra prouver que la maladie dont l'animal est affecté était connue ou soupçonnée du vendeur.
Cette jurisprudence, quoique strictement conforme au droit, est évidemment favorable au vendeur, car la recevabilité de la demande de l'acquéreur est subordonnée à une preuve presque toujours très difficile à faire. De plus, instruit par l'expérience, l'acquéreur s'empresse de revendre l'animal malade ou suspect et se garde bien de faire la déclaration prescrite par la loi, afin de pouvoir, à son tour, arguer de son ignorance.
On voit donc que la situation faite à l'acheteur d'une bête bovine phtisique par la législation et la jurisprudence lorsque l'animal n'a pas été acheté pour la boucherie, rend l'application de notre loi sanitaire fort difficile. Dès lors, la contagion de la Tuberculose peut, dans ce cas, se donner libre cours.
Comment remédier à cet état de choses? En accordant à l'acheteur d'une bête tuberculeuse le droit d'exercer l'action rédhibitoire contre son vendeur. S'il en était ainsi, l'acheteur ne serait plus obligé de prouver que le vendeur connaissait ou soupçonnait l'existence de la Tuberculose, ce qui est très difficile ou impossible dans la plupart des cas; il lui suffirait de provoquer dans le délai de neuf jours par exemple, qui serait imparti par la loi, nomination d'experts chargés d'établir l'existence du vice allégué. En'agissant ainsi, l'acheteur ne pourrait plus se soustraire à l'obligation de déclarer et le foyer contagieux étant ainsi découvert serait aussitôt attaqué.
Malheureusement dans l'état actuel de notre législation commerciale, la Tuberculose ne peut être considérée comme vice rédhibitoire, chez un animal acheté pour une destination autre que la boucherie, que si les parties ont stipulé une garantie conventionnelle. Il faut donc s'appliquer à introduire ce système de la garantie conventionnelle dans le commerce des animaux, tout en reconnaissant qu'en celte matière, cette garantie est bien peu efficace, car les marchands de bestiaux savent à merveille rédiger un billet de garantie en termes équivoques, ou bien ils refusent toute garantie lorsque l'acheteur exige une rédaction claire. — Il serait donc à désirer que la Tuberculose soit placée parmi les vices rédhibitoires, afin que l'acheteur d'une bête bovine tuberculeuse ne puisse s'abstenir de faire la déclaration.
Notre législation sanitaire prescrit la saisie des viandes provenant d'animaux tuberculeux dans les cas prévus par l'article 11 de l'arrêté ministériel du 28 juillet 1888. Or, le cinquième Congrès international de médecine vétérinaire tenu à Paris, en 1889 s'est prononcé pour la saisie de tous les animaux tuberculeux, tout en décidant « qu'il convient d'indemniser les propriétaires, s'il s'agit des animaux des espèces bovine et porcine ». Peu de temps après, le Sénat, à l'occasion du projet de loi relatif au Code rural, a adopté en deuxième délibération l'article suivant :
ART. 46. — Lorsque des animaux ont dû être abattus comme atteints de péripneumonie contagieuse, de Tuberculose et de pneumo-entérite infectieuse, la chair ne pourra être livrée à la consommation qu'en vertu d'une autorisation spéciale du maire, sur l'avis conforme écrit et motivé, délivré par le vétérinaire sanitaire.
Toutefois, les poumons et autres viscères de ces animaux devront être détruits et enfouis...
Le maire adresse immédiatement au préfet copie de l'autorisation qu'il a accordée ; il y joint un duplicata de l'avis formulé par le vétérinaire sanitaire et l'attestation que les poumons et autres viscères ont été délruits ou enfouis en sa présence ou en présence de son délégué.
Le règlement prévu par l'article 45 spécifiera les cas dans lesquels la chair des animaux atteints des maladies ci-dessus pourra être livrée à la consommation.
Cet article a été adopté après les observations de M. Cornil qui a déclaré « qu'il n'y a pas de danger à manger la viande des vaches et des bœufs qui présentent une Tuberculose localisée, et que même le danger est très restreint à manger la viande des animaux chez lesquels la Tuberculose est généralisée. Mais ce danger existe et il doit être évité. » D'ailleurs, jusqu'à ce que le projet de loi sur le Code rural soit converti en loi, c'est à l'arrêté ministériel du 28 juillet 1888 qu'il faut s'enréférer pour les règles à suivre dans la saisie des viandes tuberculeuses. ç
C'est aussi cet arrêté qui fait loi pour l'interdiction de vendre le lait des vaches tuberculeuses. Cette prescription ne saurait être trop rigoureusement observée, et il est à désirer que les maires, usant du droit que leur confère l'article 97 de la loi du 5 avril 1884, décident que les vaches entretenues pour la production du lait soient soumises à une visite sanitaire afin de s'assurer qu'elles ne sont point tuberculeuses. Et à cet égard les injections sous-cutanées de tuberculine paraissent appelées à rendre les plus grands services. En attendant, on doit faire bouillir le lait de toute vache suspecte, et comme la provenance de ce liquide est généralement inconnue quand il est débité dans les villes, il s'ensuit que l'on ne doit pas le consommer avant de l'avoir soumis à l'ébullition. Or, « les hygiénistes etM.Duclaux sont d'ailleurs d'accord pour recon-
naître que ce traitement n'enlève au lait ni ses qualités nutritives ni rien de sa digestibilité » (1).
On ne saurait donc trop recommander cette précaution si simple, attendu que la transmission de la Tuberculose par le lait n'est 'contestée par personne et que, d'autre part, il est parfaitement démontré que le lait tuberculeux chauffé jusqu'à ébullition perd toute virulence.
Lorsqu'une bête bovine tuberculeuse a été abattue, il faut désinfecter avec soin la place qu'elle a occupée dans l'étable, ainsi que la mangeoire, le seau ou le baquet dans lequel on lui distribuait sa nourriture, et plus généralement tous les objets qui ont -servi à l'animal malade. Si ces objets ont peu de valeur, le mieux .est de les détruire complètement par le feu, en raison de la très grande résistance des germes tuberculeux aux agents désinfectants. La place occupée par les bêtes malades ou suspectes-doit être nettoyée à fond après l'enlèvement de la litière, puis lavée à grande eau et finalement à l'eau bouillante. Parmi les agents désinfectants auxquels il faut donner la préférence dans le cas de Tuberculose, il convient de citer, en première ligne, le -sublimé corrosif au 1/1000, puis le polysulfure de potassium, qui possède la propriété de stériliser complètement les cultures de microbes tuberculeux ; le sulfate d'alumine qui rend les cultures <( peu appréciables ».
L'emploi de ces diverses substances doit être suivi de lavages à grande eau, au bout de vingt-quatre ou quarante-huit heures, afin d'éviter des empoisonnements. On a recommandé les fumigations d'acide sulfureux (voy. p. 496). Ces fumigations ne doivent pas faire négliger la désinfection de chaque place occupée par les animaux malades, car celle-ci est bien plus efficace lorsqu'elle est pratiquée avec soin etsuivie finalement de l'aération de l'étable.
En observant ces précautions, on préviendra la contagion de l'une des plus redoutables maladies de l'homme et des animaux.
(1) S. Arloing, Leçons sur la Tuberculose. Paris, 1892, p. 390.
FIN.
TABLE ALPHABÉTIQUE
A
Acrobustite 232
— consécutive à la contention dans le travail 235 Actinomycose 103 Amputation de la matrice 254 Anasarque 372 Anémie 195 Angine croupale 305
— pharyngée 110 Apoplexie 3DG
— pulmonaire 325 Appareil circulatoire (maladies de l') 351-395 — digestif (maladies de F) 83-200 — génito-urinaire (maladies de l') 201-281 — locomoteur (maladies de 1') 1-57 — respiratoire (maladies de ]') 282-350 — de la vision (maladies de l') 68-82 Appétit déprave 128 Arachnoïdite. 396 Arrière-faix (rétention de r) 242 Arthrite 36 Articulations (maladie des).... 35-46 Articulations (plaie des) 35 Articulation coxo-fémorale (luxation de 1') 44 Articulation scapulo-humérale (luxation de 1') ................ 47 Ascite .......................... 183
Aspérités des dents 97 Asphyxie pulmonaire 325 Avertin 404 Avortement .................... 267
B
Ballonnement 137 Barbillons 87 Blessure de la langue 90 Blessures musculaires 6 Bouche (maladies de la) ...... 83-109 Bronches (maladies des; 295-325 Bronchite aiguë simple 311
— chronique 317
— vermineuse ........... 319 Boulet (effort de) ............... 11
c
Cachexie aqueuse 195
— ossifrage 3 Cadavres (désinfection des)..... 437 Caillette (hernie de la). 171 Calculs uréthraux 225 Cardite 351 Carie dentaire !.. 99 Catarrhe bronchique 317
— des cornes 58
— nasal 285
— de poitrine 340 Carreau 385 Cattle-plague 499 Cavités nasales (mal. des).... 282-295 Centres nerveux (mal. des).. 396-421 Cérébrite aiguë ................. 396
Cérébrite chronique 401 Charbon bactéridien 664
— symptomatique.... 684-708
— (symptômes) 684
— (lésions! 686
— (contagion) 690
— (diagnostic) 696
— (traitement) 696
— (inoculation préven tive) 698 — (police sanitaire) 703 Chute ou renversement du vagin 245 Claudication 639 Cocotte 639 Cœur (pénétration de corps étran-
gers dans le) 353 — (maladies du) 351-358 Colite 164 Collapsus du part 261 Côlon (inflammation du) 164 Congestion de l'encéphale 261
— cérébrale 396 Conjonctivite vermineuse 80 Contusions des muscles 7
— de la sole 46 Cornes (maladies des) 58-67 Corps étrangers dans le cœur.... 353
— — dans l'œsophage 118-125 Coryza 285
— gangréneux 285 Coup de sang 396
— 325 Cowpox 465-486 Crapaud 55 Croup..... 305 Culture du vaccin 477-486 Cystite 207
— .aiguë simple 207
— aiguë compliquée d'entérite avec hématurie 212 — chronique calculeuse..... 220 Cystocèle ....................... 229
D
Déclaration 488 Délivrance 244 Dents (maladies des) 97-100
— (usure des) 97 Déplacement de l'ischio-tibial externe 12 Désinfection .................. 494-493
Distensions musculaires et tendineuses 8 Distomatose .................... 195
E
Échauboulure 367 Échauffement 3G7
— de l'estomac 147 Échinococcose 194 Eczéma chronique 445 Effort de boulet 11
— d'épaule 9 Éléphantiasis 374 Encanthis 69 Encéphalite 396 Enflure du ventre 137 Enfouissement 497 Engravée 4 6 Entérite couenneuse ou mercurielle 'GO — hémorragique 159
— par invagination 162
— simple 155 Épaule (effort d') 9 Épilepsie 429 Épistaxis 282 Estomacs (maladies des) "125 Étables (désinfection des) 496 Éventration 176 Exostoses 1
— 100 Extraction directe du placenta.. 244
F
Far cin 391 Feu d'herbes 461 Fie 55 Fièvre aphteuse 639-652
— (symptômes) 639
— (contagion) 644
— (police sanitaire) 647
— (traitement) 650
— bactéridienne 6G4
— charbonneuse 664-683
— (symptômes) 661
— (diagnostic) 666
— (lésions) 668
— (contagion) 674
— (vaccination pastorienne). 6 1 là
— — par la méthode de M. Chauveau. 683
Fièvre (police sanitaire dela) 703
— vitulaire 261 Fluxion de poitrine 330
— périodique 78 Foie (maladies du) 189-200
— (parasites du) 193 Fourbure 49 Fourchet 55' Fourreau (inflammation du) 232 Foulure 46 Fractures des cornes 63 Fractures du larynx 310 Fractures des os ................ 4
G
Gale 447
— psoroptique 448
— symbiotique 453 Gangrène de la bouche chez les jeunes veaux 106 Gastro-entérite ....... *.."..'..« .... 147 GlossiLe 90 Gravelle ........................ 220
H
Haut mal 429 Hématurie... 216 Hémoglobinémie 219 Hémorragie nasale 282 Hépatite aiguë 189
— chronique 191 Hernie ventrale 168
— de la caillette 171
— de l'intestin 170
— interne 162
— du rumen 168 Hydarthrose 37 Hydrocéphalie 413 Hydrohémie 195 Hydropisie du péritoine ......... 183
1
Indigestion d'eau 135
— par atonie des organes digestifs 145 — méphitique simple... 137
— avec surcharge d'aliments 142 Inflammation de la muqueuse buc-
... cale ............. 86
Inflammation du côlon ;... 164
— du fourreau 232
— de l'intestin 155
— des joues 93
— de la langue...... 90 Intestin (inflammation de F) 155 Invagination 162 Inoculation du charbon symptomatique 698 — du cowpox 477
— de là fièvre aphteuse. 653
— de .lafièvre charbonneuse 679-683 — de la péripneumonie contagieuse 585 — de la peste bovine.. 524
— de la rage .......... 661
J
Joues (inflammation des) 93
— (maladies des) ........ 93-97
K
Kystes dans l'épaisseur des joues. 94
— du vagin ................ 238
L
Ladrerie 30 Langue (inflammation de la) n 90 Larve del'hypodermabovis (lésIon produite par la) 457 Laryngite aiguë simple 295
— chronique 301
— diphthéritique 305
— par fractures des cartilages 310 Larynx (maladies du) 295-325 Législation sanitaire française (maladies contagieuses visées parla). 487 Leucocythémie 385 Lèvres (tuméfaction, inflammation des) 83 Limace, limassurax 55 Litières (désinfection des) 496 Lourd-lourderie 404 Luxation de la rotule 39
— de l'articulation coxofémorale ........... 44
Luxation de l'articulation scapulohumérale 46 Lymphadénie ................... 385 Lymphangite ................... 381
M
Maladies des articulations..... 35-46
— de l'appareil circulatoire et du système lymphatique 351-395 Maladies du système lymphatique ;\7 1-39!> — de l'appareil digestif 83-200
— de l'appareil génitourinaire 201-281 — de l'appareil locomoteur 1-57 — de l'appareil respiratoire 282-350 — de l'appareil de la vision 68-82 Maladie des bois 212 Maladies de la bouche et de ses dépendances 83-109 — contagieuses visées par la législation sanitaire. 487 — de la muqueuse de la bouche 86-90 — des cavités nasales. 282-295
— des centres nerveux. 396-421
— de Chabert 684 708 Maladies du cœur et de ses enveloppes 351-358
— des cornes 58-67
— des dents 97-10o
— des estomacs 125
— du foie 189-200
— des joues 93-97 du larynx et des bronches 295-325 — des muscles. 6-35
— des nerfs 421-424
— nerveuses générales 424-434 — des organes génitaux de la femelle 238-281 — des organes génitaux du
. mâle 232-238
—. des os 1-6
— des os de la mâchoire. 100
— de la parotide 114-117
— de la peau 435-464
—t. du pied.. 46-57
Maladies du poumon et des plèvres 3-25-350 — du système nerveux. 396-434
— des vaisseaux sanguins 358-370 — des voies urinaires. 201-231 Mal de brou 212 Mal caduc 429 Mal de langue 90 Mammite 255 Mammite contagieuse 258 Matrice (amputation) 254
— (renversement) 247 Méningite 396 Mesures sanitaires communes à toutes les maladies contagieuses 487-498 Météorisation 125 Météorisme 137 Métrite aiguë ou métro-péritonite. 239 Muqueuse buccale (inflammation delà) 86 Muscles (maladies des) 6-35 Muscle ischio-tibial externe (déplacement du) 12 Myélite 415 Myopie ......................... 82
N
Néphrite 201 Nerfs (maladies des) 421-424 Névrite 421 Non-d(,,Iivrance ................. 242
OEdème 371 OEsophage (corps étrangers dans l') 118 OEstre hypodermique 457 Onglet 68 Ophthalmie 70-80
— périodique 78
— simple 70
— vermineuse 80 Organes génitaux de la femelle
(maladie des) 238-281 Organes génitaux du màle (maladies des) 232-238 Os (maladies des) 1-6 — de la mâchoire (maladies des). 100
— (parasites des) ............... 1
Ostéite 100
— cachectique 3
— enzootique ............... 3 Ostéoclastie 3 Ostéosarcome -.. - ....... - 100
p
Paralysie après le part 459 Paraplégie 418 Parasites du foie ... 193
— de l'intestin 167 des os 5 Parotide (maladies de la) 114 Part (collapsus du) 261 Peau (maladies de la) 435-464 Pénétration de corps étrangers dans le coeur 353 Péricardite 351 Péripneumonie contagieuse. 542-638
— (symptômes) 544
— (anatomie pathologique) 549 — (diagnostic général) 556 — (diagnostic différentiel) 559 (nature) 564 — (étiologie)........ 566
— (contagion) 568
— (période d'incubation) 580 — (pronostic) 581
— (traitement) 581
— (inoculation préventive) 585 — (police sanitaire).. 6'20 Périostite 100 Périostose 100 Péritonite aiguë 177
— chronique 181 Peste bovine 498
— (symptômes) 499
— (lésions) 502
— (étiologie) 506
— (contagion). 514
— (période d'incubation) 521 — (diagnostic) 522
— (pronostic) 523
— (inoculation préventive) 524 — (police sanitaire)..... 521
Pharyngite 110-114 Phlébite 362' Phlegmasie rouge douloureuse... 363: Phrénésie 396. Phtisie pulmonaire 70s
— tuberculeuse 708.
Pica 128 Pied (maladies du) 46-57 Piqûres des muscles 7'
— du pied 52 Pissement de sang 216: Placenta (extraction directe du). 244 Plaies des articulations 35-
— des muscles 6 * Plénitude de l'estomac 147 Pleurésie 345 Plèvres (maladies des) 345-35(} Pneumonie aiguë 330
— chronique 340' Pneumonite 33(}, Poitrine (fluxion de) 330' Police sanitaire du charbon symptomatique 703—■ — de la fièvre aphteuse... 647-650' — — de la fièvre charbonneuse.. 703.
— — de la péripneumonie contagieuse 620-638'.
— — de la peste bovine 528-542— — de la rage 661-664 Pommelière 708.
— de la tuberculose... 741.
Poumon (maladies du) 325-344, Pourriture 195. Pousse 708 Prurigo phthiriasique 455. Pylore (tuméfaction indurée du). 129.
R
Rafle 46 li Rage 653-664i
— '(symptômes) 654
— (diagnostic) 656-
— (incubation) 657
— (lésions) 657
— (contagion) 658-
— (traitement) 660-
— (police sanitaire) 661 Rapport administratif (rédaction du) ........................... 492f
Renversement de l'utérus 247
— du vagin 245
— de l'arrière-faix.. 242 Rhinite -28 5 Rhinorrhagie 282 Rhumatisme 21 Rinderpest .M 499 Rotule (1 uxation de la) .......... 39 Rumen (hernie du) ............. 168
s
Saignée à l'artère coccygienne
(suites de la) 358 Sang (pissement de) 2)6 Sarcocèle 237 Scrofules 385 Sole (contusions de la) 46
— battue 46 Splénite 186 Stomatite 8(>
— aphteuse 639 gangreneuse ........... 106 Suite de vêlage 261
— de la saignée à l'artère coccygienne 358 Surdents 97 Surlangue 639 Système lymphatique (maladies du)., e..... 371-395 Système nerveux (maladies du)..... 376-434
T
Teigne tonsurante 437 Tétanos 424 Thrombus 360 Tic 433 Tournis 404 Tournoiement 401 Toux ;■ 708
— 317 Tuberculose .-■■■ 708-74(;
— (symptômes) ........ ~ 709
Tuberculose (anatomie pathologique) 712 — (contagion) 7'21 — (diagnostic) 729 Tuberculoses microbiennes autres que celle qui est déterminée par le bacille de Koch 739
— (pseudo-tuberculoses). 740
— (police sanitaire) 741 Tuméfaction. Inflammation des lèvres 83 Tuméfaction indurée du pylore.. 129 Tumeurs osseuses 1 Tympanite 1'25 Typhus des bêtes à cornes 499
U
Usure des dents 9, Utérus (renversement de 1') 247
v
Vaccination contre le charbon symptomatique. 698 — — la fièvre charbonneuse.. 679-6S3 Vaccin (culture du) 477-486 Vaccine (contagion) 476
— (origine). 465-473
— (symptômes) 473 Vagin (renversement du) 245
— (kystes du) 238 Vaisseaux sanguins (maladies des) 358-370 Vêlage (suites de) 261 Ventre (ballonnement du) 137 Verrues 435 Vertige 404
— 39(;
Vétérinaire (devoirs du) 491 Visite 491 Voies nrinaires (maladies des). 201-231 Volvulus 162 Vomissement .................. 130
.. FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE.
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Par P. MEGNIN, ancien vétérinaire militaire > | 50 6° Les principales races de Chiens et les maladies dont ils sont généralement atteints, 30 figures avec texte, par E. 'WEBER, vétérinaire à Paris ;..... 2 »
7o Tableau des principales races et robes de chevaux, 15 figures coloriées, dessinées par ALBERT ADAM, et une notice explicative 4 »
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M°n °J ïh0, vétérinaire municipal de la SURE, vétérinaire à Lormes. Médeeine ville de Troyes, ex-inspeéteur des viandes vétérinaire .-L'Agrieulture etl l'Elt- de la ville de Paris et du département de la dans le Mora considérés dans Seine - Inspection sanitaire des ^rapports avec l'hématurie bovine. Un viandes, réglementation des motifs de sai- vol. de 80 pages ; 1 50 sie dans les abattoirs en France et à 1 Etran- SERVOLES, docteur en médecine et vété?r'in r S P" , rinaire principal de l'armée. - La fièvre MOUSSU (Dr), professeur a l Ecole vetérl- typhoïde chez le cheval et chez naire d Alfort. — Recherches sur les l'homme. — Etude de pathologie comfonctions thyroïdienne et parathy- parée. 1 vol in-8. 1883 8 fr roïdienne. Gr. in-8" de 76 pages avec VILLAIN (L.) et BASCOU. — Manuel figures, 1897..... 3 fr. de l'inspecteur des viandes, deuPADER, vétérinaire en 1er. — Précis xiéme édition, avec une préface de M. le théorique et pratique de marécha- professeur PROUST. — Un fort volume in-8° lerie, comprenant la ferrure du cheval et de 632 pages avec 67 figures en noir et en du mulet. — Un volume m-18 de 393 pages couleur et 13 planches en chromotypie. avec 209 figures dessinées par l'auteur, 1890 4 20 fr. 1892 ......••••;• ,5 fr- VILLA IN (L.). — La viande saine. — PELLERIN, vétérinaire, ancien répétiteur Moyen de la reconnaître et de l'apprécier. de clinique à l'Ecole d'Alfort. — De la — Conférences pratiques faites aux Halles névrotomie médiane dans le traite- centrales de Paris. — Un volume in-18 de ment de la nerf-lérure et de la périos- 130 pages, avec 23 figures dans le texte. tose dh boulet. In-8° avec planches 1892 3 fr. 1895 . 2 fr. VILLAIN (L.) — La viande malade.
PENNETIER (G.), directeur du Muséum Prix 3 fr. d'Histoire naturelle de Rouen.— Histoire 'TILLJ\.IN (L.). — Les odeurs et les naturelle du gros et du petit bétàil. couleurs des viandes dans l'état sain (Zootechnie générale, Produits du bétail, et dans l'état de maladie. — In-8° de 32 zootechnie descriptive, parasites, législation pages. 1889... i ~ ......... . »... 1 fr. 50
I
Librairie ASSELIN et HOUZEAU, place de l'Ecole-de-Médecine 15
DROGUERIE RENAULT AINE Fondée en 1840
26, rue du Roi-de-Sicile, Paris (IVe)
CONDITIONS GÉNÉRALES:
1 0 Franco de port et d'emballage dans toutes les gares fTançaises continentales à partir de 50 francs ;
20 Franco à domicile par colis postal pour une commande de 25 francs, quand le poids total du colis permet d'utiliser ce mode d'envoi;
30 Paiement à la volonté des clients, avec un escompte de 3 °/0 el un mois, de 2 °/0 à trois mois ou à six mois sans escompte.
REMISES PROPORTIONNELLES :
Le mode de remises proportionnelles accordées à nos clients depuis quelques années a été fort apprécié. Nous le maintiendrons malgré la réduction générale de nos prix et ferons comme précédemmeat.
Pour une commande de 100 francs une bonification de 3 °/0
— — 300 — — 5 °/0
— — 500 — — 10 0/0
Cette remise de 10 °/0 sera aussi appliquée lorsque les commandes totales d'une année monteront à 500 francs.
Toutefois, nous entendons par commandes d'une année celles faites de Janvier à fin Décembre et non dans une période variable de 12 mois, ce mode occasionnant de trop grandes complications de comptabilité.
Ces remises sont absolument indépendantes de l'escompte et sont accordées aux ayant-droit quel que soit leur mode de paiement.
La librairie, sauf les abonnements, jouit des mêmes avantages. Les instruments de chirurgie vétérinaires sont exceptés.
LA DROGUERIE RENAULT AINÉ \ Vient de publier une nouvelle édition de son
CATALOGUE GÉNÉRAL ILLUSTRÉ qu'elle adresse, franco, sur demande, en joignant gracieusement : jjj
1° Les Tableaux des Injections hypodermiques et de la Médecine dosimétrique, par M. J. LESAGE, Chef des Travaux de Thérapeutique de l'École ? Vétérinaire d'A lfort.
2° UN TIRAGE A PART, sur deux feuillets papier fort des Quatre tableaux de |
Chimie analytique et pratique : Eau potable, Lait, Urine, Vin, par |
M. BADCHER, Directeur de notre Laboratoii-e. |
16 Droguerie Vétérinaire RENAULT aîné, fondée en 1340
PRODUITS DIVERS
DROGUERIES — PRODUITS PHARMACEUTIQUES (Extrait du Catalogue Gdnéral)
fr. c. fr. c, Acétanilide (Antifibrine) le kil. 6 » Balance Roberval, force 500 gr 10 50 Acétate d'ammoniaque — 1 50 la série de poids (cuivre) k 5Q
— de cuivre pulvérisé..... — 3 50 Balance Roberval, force 1 kilog 12 »
— de morphine le gr. » 4o la série de poids (cuivre) 6 »
— de plomb liquide.... le kilog. 1 20 Bande à 'séton la pièce 1 50 Acide acétique bon goût ,.. — 2 50 Bandes agglutinatives pour pansements
— arsénieux pulvérisé..... ! — 1 ,) na 1 (3 centimètres), les 100 mètres. 6 »
— — en paq. de 1 gr, et 2 gr. le cent » 60 n" 2 ({¡ — • — 7 "
— borique pulvérisé.... le kilog. 1 50 n° 3 (5 — . — 8 »
— chlorhydrique ordinaire . — » 50 Baume -istt-iiigeiit de Terrai con(re le piétin la bout. 2 » x pur... !... 2 » — d'arcœus le kilog. 5 »
— chromique cristal lisé, !.' — 8 » — du commandeur le litre. 7 50
— nitrique ordinaire — » 90 — FlOraventI........... — 7 50
— pur - .9 » — nerval le kilog. 18 »
— oxalique 2 50 - Ôpodeldocli — 7 50
— phénique cristallisé — 3 50 — tranquille.......... le litre. k 50
— — liquide colore !. — 1 50 Benzine rectifiée — 2 »
— — blanc.. — 3 » — parfumée ,. — 3 » picrique... 6 » Benzoate de Iitnine le kilog. 50 »
— prussique ... '. — 30 1) — soiide — "
— salicylique — 10 » Benzonaphtol.... .............— 16 »
— sulfurique ordinaire — » 50 Beurre d'antimoine concret.,. — 12 JI
pur>- . ^ g "» 50 — — — liquide, c kil. 8 »
,- tartrique granulé ** _ 5 Bicarbonate de soude pulv. saturé — « 60 — thymique cristallisé !!!!! ù0 » Biiodure de mercure — 40 » __ liquide - 15 » Bichromate de potasse — 2 » Adeps Lanse (graisse de suint). — 3 » Bocaux pour pharmacie.... » 1) Adrén,iliiip V- « „ Boites en bois pour onguents........ » 1) Alcali volatil le litre » 70 - réactifs demander le tarif f'c'a!
, ; c u D Bol bécliique à la pièce » 60 A.lealoïdes pour injections ... V. p. 1)4 diurétioue » 60 Alcool, 90 degrés, rectifié.... le litre 5 » - pJgatiTanglai's , , . , .., , — ». 60
— camphré, bon gout - 4 » _ - "CO -
- dénaturé. - 1 ,, -tonique....®..... vermifuee — »
_
— méthylique (méthylène) . - 2 » Borax pul vermifl1g\3.... , ' , .....'. .... , ... le kilog. 2 60 » Alcoolat de menthe - 6 » Bouchons......... » 1) /■ " Bromure de pamphre ... le gramme. » 10 Aloès des Barbades ...le kilog. 4 » — de potassium le kilog. 8 1) du Cap, ditsuccotnn.... 2 » — de sodium desséché.. - 16 » Alun calcine 1 80 Bryone pulvérisée - 2 50 - de glace — » 60 Cachou pulvérisé — 3 » Amidon en marrons - >1 70 Cacodylate de Soude - 75 ». Amidon pulvérisé - „ 60 Café Bourbon vert - 5 25 Ammoniaque pure...........: e litre 2 50 _ Martinique vert - 5 25 Ampoules (demander le tarif). _ Moka - 5 50 Antipyrine le kilog. 4o » - torréfié, mélange d'amateur — 6 50 Anis vert .. % 2 » Caféine — 80 >» Antimoine diaphorétique - 6 »> Calomel à la vapeur .........— 10 »
~ pulvérise — 1 50 Camomille en fleurs — 3 >» Apiol cristallisé 75 »> Camphre raffiné — au cours Apomorphine 75 » Cannelle de Chine pulvérisée... — 6 » Aristol — 100 » Cantharides de Russie en poudre — 18 » Armoires-Pharmacies (V. p. 25). Caoutchouc ppur irrigations et ligatures. » » Arnica fleurs le kilog. 2 50 — fer Bourgain » » Arséniate de soude pur — 8 » Capsules en porcelaine 2 50
— de fer — — 20 » Carbonate d'ammoniaque... le kilog. 2 50
— de strychnine. le gramme. » 25 — de ler — 2 50 Asa fœtida entier le kilog. 3 50 — de magnésie — 1 50 Axonge purifiée — 2 » — de potasse — » 20 Badiane — 4 » — de soude cristallisé.. — » Il Bàies de genièvre — » 75 Casseaux. » »
— de laurier. .:..........— 1 50 Catgui le flacon 1 25
26, rue du Roi-de-Sicile, à Paris.
Droguerie Vétérinaire RENAULT aîné, fondée en 1840 17 fr. c. fr. c. f Caustique de Vienne le kilog. 10 » Eau oxygénée, pour usage interne.. le litre 3 5.0 Cérat du Codex — 5 » — de roses — 2 » Cévadille en poudre.. le kilog. 5 » —sanitaire -- 1 50 t Charge résolutive — 3 » —sédative — » 50 j Charpie — 4 50 Eau-de-vie allemande — 7 50 Chloral hydraté — 10 » — camphrée, bon goût. -- 3 » Chlorate de potasse ........... — 4 » — lavande ambrée.... — 6 » Chlorhydrate de cocaïne le gr. 1 10 — vulnéraire .. — 4 50
— de morphine — » 40 Écorces de racine de grenadier, le kil. 3 »
— d'ammoniaque, le kilog. 2- » Élixircalmantcontrelescoliques, le litre 4 >> Chlorhydrophosphate de chaux p.âtp - 6 — de garus — 5 » Chloroforme ordinaire 6 » — parégorique — 6 »
— anesthésique — 10 » Émétique pulvérisé le kilog. 5 » Chlorure de chaux sec — » 60 Encre noire le litre. 1 25
— d'oxyde de sodium... le litre » 75 Entonnoirs » »
— de zinc desséché... le kilog. 10 » Eponges Il x
— — liquide....... — 1 50 Eprouvettes ..... )i » Ciguë pulvérisée — 3 » Ergotine le kilog. 90 n Cire blanche végétale — 3 » Ergotinine le gramme. » 60
— jaune pure — 5 » Espèces amères le kilog. 2 40 Coaltar pulvérise — 1 » — aromatiques — 2 » Coca (feuilles) — 5 » — diurétiques — 3 » Codéine pure cristallisée.. le gramme 1 » — émollientes — 2 5{) Collargol (argent coiloïdal).......... » » — vermifuges... - 4 » Collodion iodofornié : ... le litre 12 » — vulnéraire*s — 2 40 Collyre RENAULT contre la fluxion péri.oaique. le flacon 5 » Esprit de nitre le litre 6 »
Coriandre '. — 1 11 Essence d'aspic fine — 8 » Coton hydrophile toutes divisions.. .— 4 » — — ordinaire..... — 5 »
— phéniqué — ... — £> » — de bergamotte — 35 »
— au sublimé — . : — 6 » — de citrons — 32 »
— iodoformé — ... — 12 » — de girofle — 32 » Couperose blanche — » 75 — de lavande fine — 12 Il
— bleue pulvérisée....— 1 50 — de menthe anglaise.... — 85 »
— verte — .... — » 60 — de Portugal — 20 »
Crayons antijavart » » — de romarin — 10 » Crème de tartre pulvérisée., le kilog. 4 25 — de rosés........ le gramme 1 50
— — soluble pulvér. — 5 » — de rue le litre 24 »
— — — paillettes — 6 50 — de sabine — 24 » Créosote de houille le litre 8 » — de térébenthine....... — au cours
— de hêtre — 16 » — pour thermocautère., ., — 2 »
Crésiline Renault )\ )). — pour zqo-cautère — 2 »
— en fut de 200 kilog. le kilog. » 60 — de thym blanche — 12 »
— — 100 — .... — » 65 — — rouge.. — 10 »
— — 50 - - » 70 ether .. acétique — 7 50
— en bidon de 25 kil.... — » 75 — sulfurique rectifié — 3 25
— — 8 — .... -. )), 80 Etiquettes de tous genres.
— — 4 — ','" - 1 " Étoupes n° l le kilog. 1 50
— — 2 — .... — 110 Extrait de belladone — 24 H
— — 1 — • • • — i 25 — de coca (fluide) le litre 12 » Crocus pulvérisé le kilog. 2 40 — de genièvre le kilog. 6 » Croissants français» en cao.atchloue.... » » — de gentiane — 10 » Cumin de Malte le kilog. 2 » —: gommeux d'opium — 100 »
— — pulvérisé..... — 3 » — de Javel — 1 20 Dermatol ' .. — 50 » — de jusquiame. ........— 20 » Dextrine — 1 50 — de kola (fluide) le litre 12 » Digitale en poudre............ — 3 », — de noix vomiques... le kilog. 75 » Eau d'Alibour .. le litre 2 25 — de quinquina — 45 »
— de chaux — » 40 — de ratanhia — 50 »
— de Cologne extra — 6 50 — de Saturne. ...........— 1 20
— contre le piétin ....... le flacon 1 25 Farine de lin — » 60
— de cuivre le. litre » 75 — — déshuilée..... la boîte 1 25
— dentifrice ' — 6 50 — — — par 25 boites. — 1 10
— distillée — » 25 — — — 50 — — 1 Il
— de fleurs d'oranger — 2 » Farine de moutarde le kilo 1 »
— de Javel — Il 30 — — déshuilée (~oir Mou-
— de Rabel — 3 50 tarde Renault, p. 29).
— de mélisse spiritueuse.... — 6 » Fécule — » 60 oxygénée ordinaire .le litre 1 20 Fenouil (semences) ............ — 2 »
2.6, rue du Roi-de-Sicile, à Paris.
18 Droguerie Vétérinaire RENAULT ainé, fondée en 1840 |
fr. c. -Cr. c. 1 Fenugrec entier le kilog. n 70 Graine de lin le kllog. » 60 Fer dialysé 4 JI Graisse à voitures — » 80 Fers français en caoutchouc (v. p. 27). Granules médicamenteux F eu résolutif Renault.. le litre 8 » (Voir le tarif page 20).
le flacon 2 50 Gutta-percha en plaques... le kilog. 12 1) Ficelle rose •. la pelote » 75 Houblon (fleurs) — 3 » Fioles verre vert de 2, 4 et Sgr.le cent 3 25 Huile d'amandes douces le litre 4 .., __ 15 — 3 50 — de cade ordinaire t- 1 »
— — 24 — 3 75 - — de genévrier... — 2 »
_ 30 4 25 — de camomille camphrée. — 4 50 — — — 45 — 4 75 — camphrée.... . — 4 If 60 — 5 50 — de cantharides — 8 JI ...... 75 — 6 a — cévadille — 4 50 90 6 25 — de croton tiglium...... — 20 »
— — — 125 — 6 50 — empyreumatique — 1 25
— — 155 — 7 25 — de foie de morue — 3 »
— — 187 — 7 50 — de laurier pure — 4 75
— — — 210 — 8 50 — de lin 1 50
— — 250 — 9 » — d'olives, surfine, douce. le litre 3 Il — — — 310 — 11 » — — ■— parl5 litres 2 50
— — — 375 — 14 » — de pétrole épurée le litre 2 50
— — — 500 — 16 » — — noire. — 2 Il Fioles verre blanc de 2, 4 et 8 — 3 50 — de pied de boeuf — 2 50
— — — 15 — 3 75 — .— de mouton — 3 50
— — — 24 — 4 >, — de ricin — 2 Il
— — 30 — 4 50 — de vaseline — 3 »
— — — 45 — 5 » Instruments de chirurgie » »
— — — 60 — 6 » Iode le kilog. 50 »
— — — 75 — 6 50 Iodoforme — 60 .
— — 90 — 6 75 Iodure de potassium — 32 Il — — — 125 — 7 » — — au détail. — 36 »
— — — ...... 155 — 7 75 — de plomb — 50 »
— — — 187 — 8 » — de mercure (bi) — 50 »
— — — ...... 210 — 9 » — de sodium - 50 »
— — — 250 — 9' 50 Ipéca pulvérisé — 40 »
.— — — 310 — 12 » Jalap pulvérisé — 6 »
—: - — 375 — 15 l' Journaux vétérinaires n » —* — — Ó. 500 — 18 » Jus de tabac le litre 1 »
Flacons verre blanc, étroiteouver- Kamala le kilog. 25 » ture, bouchés à l'émeri de 30 gr. le flacon ) 25 Kermès minéral pur — 6 »> — — — • 45 — » 30 Kola (noix) — 4 50
— — — 60 — » 35 Kousso pulvérisé — 15 Il
— — — 90 — » 40 Lactose — 3 »
— — — 125 — » 45 Lactophénine, par 250 gr — 80 »
— — — 150 — » 50 — — 125 gr — 90 »
— — — 187 — » 55 Laudanum de Sydenham.... le litre 24 »
— — — 210 — Il 60 — de Rousseau '. — 24 »
— — -- 250 — » 65 Librairie » »
— — — 310 . — » 75 Liqueur de Fowl'ér le litre 2 25
— — — 500 — » 80 — de goudron — 1 50 Fleur de soufre. le kilog. » 60 — utérine véritable..... — 9 »
Fleurs pectorales.- ;.... — 4 » — de van Swieten — 2 »
— de Pyrèthre pulvérisées. — 4 » — de Villatte — 2 »
Formaldéhyde — 2 25 Liniment ammoniacal — 2 » Galanga — 2 » Litharge pulvérisée lekilog. 1 20 Gaze hydrophile le mètre a 35 Lycopode tamisé — 8 »
— phéniquée - » 40 Magnésie calcinée légère — 5 »
— au sublimé — » 50 — carbonatée — 2 50
— à l'iodoforme — 1 » Manne en sorte..... 6 J) Gentiane, racine coupée... le kilog. » 90 — en larmes 8 50 Glycérine blanche officinale... — 2 50 Marrons d'Inde en poudre... le kilog. 1 75
— blonde — 1 75 — — — par 25 kilog. 1 50 Gomme arabique Manche .... — 4 » Médicaments divisés (voir page 21) »
— — — pulv. — 5 » Mélasse de betterave le kilog. » 40
— gutte pulvérisée...... — 10 » — de canne — ) 60 Goudron liquide — » 70 Menthol : — au cours
— par fût de 60 kil. env. — v » 50 Mercure -JL 8 »
Gouttes amères de Baume.. — 20 »- Microscope de l'institut Pasteûr.....,^.^
261 riie du Rdi-de-Sicil^ à Paris.
- Droguerie Vétérinaire RENAULT aîné, fondée en 1840 19 fr. c * fr.
Miel de Bretagne le kilog. 150 Pâte de gomme le kilog. 4 »
Mortier de 250 gr., avec pilon 5 50 — de guimauve — 4 »
t —- de 500 gr. — 7 » - de jujube — 4 50
1 — de 1000 gr. — 8 50 Pâte pectorale — 5 » Mouches de Milan, la douzaine » 75 — de réglisse —■ 4 »
— — . la grosse 6 « Patins pneumatiques anglais (v. p. 28).
Mousse de Corse le kilog. 2 40 Pavots le cent 5 » Moutarde déshuilée Renault. la boite 1 50 Pelletiérine (tannate de) le gr. 2 50
j; — — par 25 boites — 1 40 Pepsine amylacée le kilog. 20 >»
fr — — — 50 — •— 1 30 Peptone sèche — 40 ». i- — — —100— — 1.25 Peptonate de fer — 10 » Moutarde noire le kilog. 1 » Perchlorure de fer — 2 » Muscades — 16 » Permanganate de potasse — 3 50 Naphtaline raffinée — 1 » Pbarmaeies"étérinaires(voir p. 30) Naphtol — 8 » Phosphate de chaux le kilog. » 90 Nitrate d'argent fondu ou csé .. le gr. » 20 Pierre divine — 4 »
k — acide de mercure le kilog. 15 » Pierre de Knaup, en poudre... — 3 50 f — de potasse — 1 20 Pilocarpine (voir page ..).
— de pilocarpine.... le gramme 2 25 Pilules en général.
Noix vomiques râpées le kilog. 1 80 — purgatives la boite 1 25 Odeurs pour le mouchoir.. le flacon 2 » — tsenifuges — 1 25 Onguent d'althæa le kilog. 3 20 — vermifuges — 125 v — basilicum — 2 » Pinceaux (blaireau) la douz. 2 50 t — chaud résol. fondant. — 9 » Plantes aromatiques ..le kilog. 2 »
— avec sublimé 10 » Pochette micrographique.
— citrin — 4 50 Poivre blanc — 7 50 \ — contre les ardeurs — 2 80 — long — 6 »
— les crevasses.. — 3 75 — noir — 5 » — — la gale des chevaux— 4 50 Poix blanche — "80
— — moutons— 4 50 — noire — * 70 — du duc — 3 50 — résine... — » 50 égyptiac — 3 20 Pommade antidartreuse Renault. le pot 1 50
— fondant Girard — 5 » — aubi-ioduredemercure.. le kilog. 12 » t gris — 5 » — belladonée — 4 50
— de iàùrier. ! ". — 3 » — camphrée — 4 »
— mercuriel double — 7 50 — épispastique verte.. — 6 » _ — — belladone — 10 » — au goudron — 3 »
— de la mère — 3 50 — d'Helmerich le pot 3 50 '
— de pieds, jaune — 2 » — au précipité rouge.. — 6 »
— — de Hévid (voir annonce). — rouge fondante .. le kilog. 20 » — populeum - 3 » — - le pot } 50 î — — belladoné.. — 5 » — soufrée — 3 50
— saturné.... — 4 » — stibiée — 4 50 ; rouge. — 12 » Potasse caustique en plaques. le kilog. 6 » de Roydor — 5 » Pots en faïence de 2,4, et 8 gr., le cent.. 3 25 — de Solleysei — 5 1) — — — 15 — - 4 »
— styrax - 8 » - - - 24 - - 4 50
— vésicatoire. .........— 8» — — 30 5 " r — — anglais... — 24 » — — 6 "
— — mercuriel ... — 8 50 — — 60 7 »
— — Rey — 10 ), - — — 90— - 8 » Opium titré, à 10 °/o de morphine — 45 » — — — 125 10
" Oranger (fleurs) - 10 » — — — '^5 12 »
— (feuilles) - 2 ». - — — 187 — — 14 »
Ouate de tourbe - 1 50 — — 210 15 » ,. Oxyde de fer - 1 20 - - - 250 - - 16
— de zinc sublimé — 2 50 — 310 18
Panama (bois de quillay) - » 70 — — - 375 - — iO » Papier blanc - 1 25 - — - 500 ^ 25 » Pastilles de baume de tolu.... — 3 50 — — 750
— de borate de soude... — 3 50 — — . 1000 «
— de chlorate de potasse — 3 50 Poudre d absinthe le kilog. 2 40
— dégomme — 3 50 d'aconit ....... — 3 » de guimauve .... 4 » — adoucissante à 1 aconit.. laboite 2 »
— de kermès. — 3 50 — d'aloès des Barbades, le kilog. 6 »
— de menthe anglaise....— 4 50 — — du Cap 3 50 de réglisse, — 3 » — d'alun calciné le kilog. 2 20 — de Vichy......... ! ! — 2_80 — — déglace ...... » 80
26; ttrô du Roi-de-Sielle; à Paris;
T-
20 Droguerie Vétérinaire RENAULT aîné, fondée ep 1840 |
. fr* fr. c 1 Poudre d'anis vert le kilog. 2 80 Poudre sublimé corrosif.... le kilog. 10 » '
— appétissante la boîte 2 » — de tan — 1 50
— d'assa .fœtida....... le kilog. 4 50 — de tanaisie — 3 20
— astringente de Knaup. — 3 — thériacale — 10 Il ï
— d'aunée — 2 40 Poudre toniqueetfortifiante. la boîte. 2 "S
— de baies de genièvre.. — 1 25 — utérine — 2
— —. de laurier.... — 2 25 — de valériane le kilog. 3 »
— béchique la boite 2 » — vermifuge la boîte. 2 50
— de belladone. kilog. 3 2.0 Précipité blanc le kilog. 10 » -
— de bi-carbo.n.ate.de soude — ») 60 — rouge pulvérisé... — 10 »
— de borax — 2 « Produits alimentaires pour chiens, .
— de bryone............ — 2 50 volailles, etc. (Voir page 32). j
— de camomille — 5 » Produits spéeiaux (Voir page 22). 1
— de camphre — 8 » Quassine amorphe le gramme » 30
— de cannelle — .6 l' Quina Renault le flacon 1 - '
— de cantharides .de Russie— 18 » Quinquina gris entier le kilog. 5 »
— de carvi — 3 5.0 — jauneentierordinaire — 6 » *
— de cascarille. — 4,50 — — — royal... 8 »
— de cévadille — 5 » — rouge entier — 16 »
— charbon végétal purifié — 2 » Rhubarbe de Chine 750
— de ciguë — 3 » Ruban à sétons la pièce 1 5.0
— cordiale — 1 80 Safran du Gâtinais le kilog. 120 »
— de crème detai.tre solubje— 5 « Salicylate de soude — !2 » — crocus..., — 2 40 Salol — 20 »
— de cumin — 3 n Santonine — 60 » de cur.cuma. — 1 50 Savon à l'acide phénique, le petit morceau » 50 — cynophile le paquet » 50 — — — le gros — 1 50
— désinfectante le kilog. 1 » — antiseptique à la Crésilinc. la 'boite. de 250 gr.» 60
— de digitale — 3 » — arsenical de Becœur... leiilog. 4 »
— diurétique la boite. 2 » — au goudron... le petit morceau - 50
— contre l'agalaxie...... — 2» — — ... le gros — 1 50
— — l'hématurie .... — 2 » — sulfureux le petit — » 50
— écorce de sa.ule. lekiiog. 3 50 — — ... le gros — 1 50
— d'ellébore ......... — 2 80 — — par douzaine... la douz v5 s
— engraissante........ la boîte 1 50 (par 6 douzaines assorties 10 °/0 de remise .
— — ....... le kilog. 2 50 Savon vert le kilog. » 80
— d'euphorbe...., — 4 50 — — par baril d'env 10 kil. le k. » 65
— de fenugreç .......... — 1 20 Seigle ergoté le kilog. au cours
— de fougère mâle — 3 20 Sel ammoniac en poudre.. — 2 1) de gentiane. — 1 n — gemme — >, 45 — de gingembre........ — 2 50 — de nitre en poudre.... — 1 20
— de gomme arabique... — 5 » — d'oseille — 2 »
— de guimauve — 1 50 — purgatif déshydraté blancou coloré » 50
— insecticide pure — 5 » — — — - en divisions » 60
— d'ipécacuanhg,... — 35 » — de Saturne lekiiog. 180
— d'iris — 3 » — de sedlitz granulé le flacon 1 25
— dejalap — 6 » Semen-contra grabelé ...... le kilcig. 1 50
— de litharge — 1 30 Séné en feuilles — 3 »
— de marrons d'Inde .... — 1 75 Seringues stérilisables.
— de noix galle — 3 50 Silicate de potasse liquide.. — 1 50
— de noix vomiques — 3 » Sinapismes ... les 100 feuilles 5 »
— de pavots blancs — 3 50 — — 25 — 1 75
— purgative la boîte 2 » Sirop antiscorbutique le litre 3 25
— de quinquina gris... le kilog. 6 » — de chicorée — 3 50
— — jaune ordin. — 8 » — de codéine — 475
— — royal — 10 n — de coings — 3 >J
— — rouge... — 20 Il — Desessarts — 13 50
— de réglisse — 1 » — diacode — 3 »
— de rhubarbe de Chine. — 8 JI — d'écorces d'oranges amères. — 3 »
— — de France — - 6 « — de framboise - 3 75
— de rue — 3 >J — dégomme — 2 75
— de sabine — 3 JI — de groseille — 3 >J
— de santal rouge — 1 20 — d'iodure de fer — 4 »
— de scammonée — 90 » — d'ipécacuanha.'..... — 6 »
— de scille maritime — 4 » — de limons — 3 25
— de sel ammoniac — 2 80 — de nerprun — 3 50 — r ... de nitre — 1 20 — pectoi:al — 4 » de seigle ergoté — 10 1) — de quinquina — 4 50 de staphysaigre.,... — 3 » — de salsepareille ........ 3 25
26, rue du Rpi-4p-Siûile, à Paris.
fr. c. Sh'op de sucre , le litre 1 75
— de tolu. — 3 50 Soufre doré d'antimoine... le kilog. 8 » Sous-nitrate de bismuth hausse — 24 » Spatules » » Spécialités de la Droguerie 9 Renault ainê.... (V. page 22). Strychnine cristallisée... le gramme » 25 Sublimé corrosif pulvérisé. le kilog. 10 » Suc de réglisse pur — 3 » Sulfate de Cinchonidine — 12 »
I— d'ésérine ........ le gramme
— de cuivre le kilog. » 80
— de fèr — » 25
— de magnésie.......... — » ZjO
— de potasse — 2 »
— de quinine —^ 70 »
— de soude.. --' » 20 | — — coloré' ou divisé par ï 250 et 500 grammes. » 40 ( — — coloré ou divisé par '! 50 et 100 grammes. » 60 ; — — en sacs de 100 kilog. » 15
— de strychnine.... le gramme » 25
— de zinc'.', i'."........ le kilog. » 75 Sulfure d'antimoine pulvérisé.. — 1 50
— de potasse.. — 1 20
— — liquide — 1 » Talons Beueler en caoutchouc
(Voir page 27) la paire 2 25 Tannalbine vétérinaire, par 125 gr.. le kil. 45 » — — 250 — 50 » ,Tannin à l'éther — 10 » Tannoforme. — 40 » Tapioca du Brésil — 2 40 Teinture d'albès l e litre 3 75
— d'aconit le litre 6 »
— d'arnica - 5 50
— de belladone — 5 »
— de coca...... : .... — 6 a — de cantharides..... — 6 »
— de colchique — 4 50
— d'euphorbe — 5 50
— de digitale — 5 5-0
— de gentiane ........ — 5 50
— d'iode ............. — 12 »
fr. c Teinture de kola le litre 6 »
— de jusquiame — 4 50
— de mars tartarisér.. — 6 »
— de myrrhe — 5 »
— de noix vomique... — 4 »
— d'opium — 12 »
— de quinquina — 6 50
— de scille . 1....... — 4 50
— de valériane — 4 50
— utérine deCarainija. lç flacon 2 25
— — le litre 9 »
Térébenthine ordinaire.... le kilog. 1 80
— de Bord,,aux.... — 2 50
— de Venise....... — 3 50 Terpine — 12 Thapsia le rouleau â » Thé mélangé supérieur..... le kilog. 12 »
— noir surfin. — 10 »
— vert - — 10 »
Thériaquefine.... — 8 »
— ordinaire .......... — 5 »
Thermomètres » Toile vésicante .... , .. le rouleau 3 » Tilleul (fleurs) le kilog. 2 40 Trébuchet pour petites pesées 12 » Trousses Renault pour injections (voir ppgc 34) Vanille le gramme » 10 Vaseline blanche extra .... le kilog. 3 »
— — boriquée .... — 3 50
— — iodoforr}iée .. — 9 »
— blonde — 2 50
— noire — 1 50
— rouge — 2 »
Vératriné.. le gramme » 60 Vert-de-gris pulvérisé...... lelçifqg. 4 » Vin de gentiane le litre. 2 50
— de malàga, le fût de 1|5 litres ... 36 »
— —: le litre 2 25
— de quinquina au bordeaux — 2 50
— — au malaga. — 4 50 Vinaigre d'Orléans — » 75
— des Quatre-Voleurs. — 4 50
— scillitique — 4 »
— sternutatoire....... — 5 J)
— de toilette i.. — 6 »
PRINCIPAUX MEDICAMENTS DIVISÉS (Pour la liste complète vpir notre Catalogua général)
PRIX vase compris QUANTITÉS fr. C.
Acide arsénieux, par 1 gramme, 1 gr. 5 et 2 gr les 100 paquets. J) 60 Alcali volatil le flacon de 1/4 litre. » 40 Alcool camphré. — 1/8 litre. a 75 Bi-carbonate de soude pulvérisé le paquet de 15 gr. » 03 Charge résolutive : ; le demi-litre. 1 75 Crème de tartre soluble : le paquet de 10 gr. » 08 Eau-de-vie camphrée le flacon de 1/8 litre. » 50
— — 1/4 litre. » 90 Elixir calmant le flacon de 1 décilitre. » 60 Emétique pulvérisé le paquet de 5 gr. » 05
— — 10 gr: o 07 Essence de térébenthine le flacon de 1/4 litre. - 510 Extrait de Saturne le flacon de 125 gr. » 35 Glycérine officinale — K IÍ 60
26, -eue du Roi-de-Sicile, à Parts.
PRIX vase compris QUANTITÉS fr. c.
Goudron de Norwège le pot de 125 gr. - 25
— — 250 gr. » 40 — — 500 g.. » 60 Huile de cade vraie le flacon 100 gr. » 35
— empyreumatique — Il 30
— de laurier la boite de 100 gr. » 60
— de ricin le flacon de 60 gr . » 40 Kermès minéral pur le paquet de 5 gr. - 05
— — 10 gr. » 08
— — 20 gr. Il 15 Liniment ammoniacal double le flacon de 1 /4 litre. Il 65 Liqueur de Villatte le flacon de 125 gr. » 40 Noix vomiques, pulvérisées le paquet de 5 gr. a 04
— — — 10 gr. » 06 Onguent basilicum la boite de 50 gr. » 25
— — — 100 gr. » 35
— contre la gale — 100 gr. » 60
— égyptiac le pot de 100 gr. Il 50
— de laurier la bolte de 100 gr. » 50
— mercuriel double le pot de 100 gr. 1 20
— de pieds jaune le rouleau de 250 gr. » 60
— — — — 500 gr. 1 20
— populeum la bolte de 50 gr. » 30
— — — 100 gr. » 50
— — belladoné — 100 gr. » 60
—• résolutif fondant le pot de 100 gr. 1 »
— vésicatoire la boite de 50 gr. » 50
— — — 100 gr. 1 »
Oxyde de fer e paquet de 30 gr. » 04 Pommade d'Helmerich le pot de 125 gr. 1) 60
— au biiodure de mercure à 6/30 le pot de 30 gr. 1) 60 Sel de nitre le paquet de 15 gr. Il 03
— — 30 gr. » 05 — purgatif déshydraté — 125 gr. » 08
— — N 1 — 250 gr. Il 15 Sirop de nerprun le flacon de 60 gr. » 35 Sulfate de soude blanc ou coloré le paquet de 250 gr. » 10
— — — 500 gr. - 15
— — — 1,000 gr. n 25 Sulfure d'antimoine le paquet de 30 gr. » 06 Teinture d'aloès ....le flacon de 1/8 litre. » 60
— d'arnica ..................................... — — » 80
PRINCIPAUX PRODUITS VÉTÉRINAIRES SPÉCIAUX
(Pour la liste complète voir notre Catalogue général)
PRIX PRIX pour le vétérinaire pour le public Animaviriline la boîte ^ 2 » 3 » Baume astringent de Terrat contre le piétin la bouteille 2 » 3 » Bol béchique Renault la pièce » 60 1 50
— diurétique — » 60 1 50
— purgatif anglais Benault — » 60 1 50
— tonique Renault — " 60 1 50
— vermifuge — — " 60 1 50 Colifuge Benault le flacon 1 » 3 50 Crayons anti-javart no 1 (au sublimé) — 2 » » »
— — n° 2 (à l'iodoform — 2 50 » » Crésiline Renault (voir Tarif spécial page 26) le litre 1 25 » »
26; rue du Roi-de-Sicilej à Paris.'
PRIX PRIX *' ... ,, {jî- le vétérinaire potti" le public Elixir cynophile (spécifique de la maladie du jeune âge chef! le chien) " .. le flacon 1 25 » >) Embroeation blanche franco-anglaise — 2 50 5 »
I — — — le 1/2 flacon 1 50 1) >1
* — rouge anglaise la bouteille 1 75 3 » Eau contre le piétin Renault — » 90 1 25 Equiphlle — 1 25.} 2 JI Feu résolutif Renault, remplaçant la cautérisation à chaud.... le litre 8 » 12 »
— — — — — le flacon 2 50 5 » Glycéro-phosphate pour chiens... le flacon 1 H 1) » Ilelvetla spécifique de la diarrhée la boîte » 75 1 50 Huile sinapisée Renault ou sinapisme liquide le flacon 1 25 3 » Ka-te-ku tœnifuge pour chiens le paquet » 50 1 25 Liqueur balsamique arsenicale le flacon 0 75 2 » Météorifuge Renault — 1 » 2 50 Mixture contre les capelets — 1 50 4 »
1 — contre les catarrhes auriculaires... .' le flacon 1 » 2 »
— tœnifuge pour chiens — 1 50 3 >; Moutarde Renault. (Voir Tarif spécial page 29.) la boîte 1 50 3 » Onguent de Ilévid. ( — — — — 30.) — 1 40 .2 »
— vésicant anglais. Renault le pot de 1 once 1 10 1 50
— — — — — 2 — 1 50 2 »
—■ — — — — 4 — 3 H 4 »
— — — — — 8 - 6" 8 »
— — — — — 16 — 12 » 16 »
— fondant résolutif spécial pour bovins le pot 1 » 3 » 'Philactèr (spécifique de l'indigestion du feuillet) le flacon 1 25 3 1) Pilules purgatives pour les chiens Renault la boîte 1 25 3 »
— tœnifuges — 1 25 3 »
— vermifuges — 1 25 3 » Pommade antidartreuse Renault le pot 1 50 3 »
— contre les mammites Renault — 1 50 3 »
— fondante Renault — 1 50 3 » Potion anti-diarrhéique pour chiens le flacon 1 1) » »
— — — veaux — 1 50 » » Poudre adoucissante à l'aconit de Renault la boite 2 » 4 J)
— anti-bronchique à base de terpine — 1 50 3 »
— appétissante Renault — 2 » a »
— béehique Renault — 2 » 4 »
— calmante des fureurs utérines — 2 » 3 50
— cicatrisante et antiseptique — 1 25 2 50
— contrel'emphysème pulmonaire — 1 50 3 50
■— — la pousse — 1 25 2 »
— cynophile contre la maladie des chiens le paquet » 50 1 »
— diurétique Renault la boîte 2 » 4 »
— engraissante Renault (Voir Tarif spécial page 31).. — 1 » 2 »
— excitante pour faire témoigner — 2 » 3 50
— contre l'agalaxie Renault — 2 » 4 »
— — l'emphysème .'... — 1 50 3 50
— — l'hématurie de Renault — 2 » 4 »
— anti-ostéomalacique — 2 » 3 50
— procréative — 2 » 3 50
— purgative Renault — 2 Il \ 4 n
— rubèogène (rouge du dindon)
— ruminophile — 1 50 3 50
— tonique et ferrugineuse — 2 » [j »
— — et fortifiante Renault — 2 a 4 n
— utérine Renault '. — 2 » 4 »
— vermifuge Renault — 2 50 4 »
26, rue du Roi-de-Sicile, à Paris.
PRIX PRIX pr Ir Yrtrrillaire pourlo]iub!iiQuina Renault le flacon l » » » Réparateur Renault — 1 50 3 >,
— français — l » 2 » Savon antiseptique à la crésiïine en pâte la boîte de 250 gr. » 60 2 »
— phéniqués, sulfureux, etc la douzaine 5 » » » Sel purgatif spécial pour bovins le paquet » 50 1 50 Sel de sedlitz granulé vétérinaire le flacon 1 50 » » Sel purgatif bicarbonaté la boîte l a » » Sirop calmant pour chiens le flacon 1 » 2 » Solution contre la gale le flacon 1 » 3 » Spécifique pour la délivrance dès vaches la boite 1 50 3 »
— de l'hématurie .....' le flacon 2 25 k »
— des hernies ombilicales des jeunes poulains le pot » 75 1 50 Tablettes pectorales la boîte 3 50 4 50 Teinture utérine de Caramija véritable le flacon 2 25 3 »
■—■ — — le demi-flacon 1 25 » » Topique curatif des plaies et blessures de Renault .... le flacon '1 50 3 » Topique Terrat contre le farcin le pot 3 » 6 » Véragotine, spécifique de l'emphysème le flacon 2 50 5 * Vermifugé universel la botté 1 25 3 » Viridine mixture contre les crevasses le flacon 1 50 3 50 Vernis cicatrisant, spécifique du chancre de l'oreille le flacon l » 2 »
— épidermique Renault ............................ — 1 » 1 50
TARIF DES ALCALOIDES PURS EN TUBES :
Arséniate de strychnine... Tube de 10 centigr. 0 30 Digitaline amorphe Tube de i0 centigr. 0 50 Aconitine cristallisée — 10 — 2 IJ Hyosciamine cristallisée.. — 5 — 1 50 Bromhydrate d'arécoline. - 5 - 0 35 Nitrate de pilocarpine.... - J Il — 0 Kl
— — — -10 — 0 50 Fodophyllipe — 10 — 0 2S Caféine cristallisée — 10 — 0 25 Salicylate d'é,ét,ine — lu — 1 25 Chlorhydrate'de cocaïne.. — 10 — 0 50 Sulfate d'aconitine — 10 — 0 80
— morphine — 10 — 0 20 — d'atropine — 10 — 0 50
— — — 15 — 0 25 — d'ésérine — 10 — 1 -
— — •— 20 — 0 35 — de strychnine.... — 10 — (J 25
— pilocarpine — 10 — 0 40 — de vératrille. veratrine...... — 10 — 0 25
— Yeratrine.. — 10 — 0 25 Vératrine ............... — 10 — 0 25
GRANULES
AVIS. — Pour la liste complète, consulter notre Catalogue général.
Granules contenant un demi-milligramme de médicament en flacon de 200 granules fr. c. fr. c. Acôriitine le flacon 2 » Daturine. le flacon 3 JI Arséniate de strychine — 1 75 Hyoscyamine — 3 25 Atropine — 2 50 Sulfate d'atropine — 2 x Brucine..... — 2 » — de strychnine — 1 75 Cicutine — 1 75 Vératrine — 2 » Golchinine — 2 50
GRANULES
contenant un milligramme de médicament en flacon de 200 granulés fr. c. fr. c Acide arsénieux le flacon 1 50 Chlorhydrate de morphine.. le flacon 1 75
— phosphorique — 1 75 Digitaline — 2 » Arséniate d'antimoine — 1 50 Hydroferrocyanate de quinine — 2 »
— de fer — 1 50 Iodoforme — 2 JI
— de potasse — 1 50 Biiodure de mercure....... — 2 50
— de quinine — 1 75 Kousséine* — 1 75
— de soude — 1 50 Narcéine — 2 50 Bromhydrate de morphine.. — 2 » Phosphure de zinc ......... — 1 50 Caféine ....' — 1 75 Quassine.... : — 1 75 Calomel — 1 50 Scillitine, — 2 »
26, rue d(i Roi-de-Sieilé, à Paris.
GRANULES
contenant' un centigramme de médicament en flacon de 200 granules fr. c. i ii c. A.cide salicylique le flacon 1 25 Podophyllin le flacon 1 75
— tannique — 1 50 Protoiodure de mercure — 1 75 Bromliydrate de quinine.... — 2 50 Salicylate de soude 1 75 Bromure de camphre - 2 » Santonine — 2 » Carbonate de lithine - 175 Sulfate de quinine — 2 » Emétique — 1 50 Sulfure de calcium — 1 50 Ergotine — 2 » Valérianate de quinine — 2 75 Kermès — 1 50 — de zinc. — 1 50
GRANULES
A DOSES DIVERSES
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en flacon de 200 granules
- fr. c. .... fr- c. Granules d'aconitine, à 5 mill. le flacon 3 » Granules d'hyosciamine à 1 mill. le flacon 3 75
— d'arséniate de strychnine à 5 m. — 2 >i — d'iodoforme à 1 centigr. 2 25 d'e fér à 1 centig. — 2 » — de nitrate de pilocarpine à 5 m. — h 50 — — de quinine à 1 c. — 2 75 — de quassine à 1 centigr.. — 2 »
— de bromure de camphre à 5 c. — 2 75 — de scillitine à 5 milligr. — 2 75
— de chlorhydrate de morphine à 5c, — 2 75 — de sulfate d'atropine à l m. 2 50
— de digitaline à 5 mill... - 2 75 — de sulfure de calcium à 5 c.. — 2 25
— d'éserine à 1 milligr.... — 3 75 — de vératrine à 1 milligr. — 250
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